Les récents débats provoqués par l’adoption de lois pénalisant la contestation publique de faits historiques, ou en reconnaissant solennellement d’autres, ont tourné, pour l’essentiel, autour de la question du travail de l’historien, dont la tâche est précisément d’établir les faits. Dans la controverse, opposants et partisans ont, pour des raisons diverses, insisté sur la liberté du chercheur : menacée, dans un cas, par une législation qui n’impose pas seulement des limites à la recherche, mais prétend aussi en contrôler les résultats, en interdisant par avance certaines conclusions ; préservée, voire protégée, dans l’autre cas, par une législation qui distingue simplement la vérité du mensonge, l’interprétation plurielle fondée sur des faits avérés (domaine propre de l’histoire) de la négation et de la révision (domaine de la propagande). L’argument principal en faveur de la loi consiste à considérer les « thèses » incriminées comme ne relevant pas, à proprement parler, du débat scientifique et comme étant assimilables à des délits, au même titre que l’apologie du crime, l’incitation à la haine, le racisme. La liberté de l’historien resterait donc entière : mieux, elle serait garantie et même renforcée, car le négationniste ne conteste pas seulement un fait particulier, mais (aussi ou par là même) l’histoire elle-même, en tant que discipline, son objet, sa méthode. Loin d’être victime de la censure et verrouillé, le débat historique serait ouvert dans un cadre parfaitement légitime, dès lors qu’est définitivement écarté de la recherche scientifique ce qui ne lui est pas seulement étranger, mais absolument contraire…