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Article de revue

Des biens communs au commun

Pages 19 à 33

Notes

  • (1)
    Voir par exemple Rochfeld : « On ne raisonne pas de même selon que la ressource est matérielle et épuisable ou selon qu’elle est immatérielle et ne présente pas les mêmes caractères de finitude » (2014 :356).
  • (2)
    Voir Bakker (2007) pour l’eau.
  • (3)
    Rappelons par exemple que Hardin, dans sa « Tragédie des communs » (1968) – qui n’a pas de solution technique –, place au cœur de son plaidoyer pour la limitation des naissances des considérations de valeurs. Il oppose les valeurs de liberté de procréer et de liberté d’exploiter les communs à celle du welfare state. Il reconnaît que sa solution, la propriété privée, peut être injuste, mais affirme que « l’injustice est préférable à la ruine pour tous » (Hardin, 1968 :1247).
  • (4)
    C’est dans ce sens que J.L. Vivero Pol (2017) défend l’idée que les biens alimentaires doivent être considérés comme des communs.
  • (5)
    Commission spéciale du ministère de la Justice, créée en 2007, qui avait pour tâche de proposer une réforme des articles du Code civil sur la propriété publique.
  • (6)
    Auteur de plusieurs livres sur les communs et cofondateur du Commons Strategies Group.
  • (7)
    Pour une bonne critique de cette approche, voir Vibert (2016).
  • (8)
    Mais plus nécessairement. Avec les réseaux sociaux digitaux, on entre dans une ère de translocalisation.
  • (9)
    Voir les exemples du Teatro Valle et l’ancien Cinema Palazzo à Rome dans Marella (2016).
  • (10)
    Voir par exemple la très intéressante étude de cas de Blomley (2008) sur Donwtown Eastside, un quartier de Vancouver.
  • (11)
    En Italie, on compte plus de septante villes ayant lancé des initiatives « Cities as commons ».
  • (12)
    Un groupe de citoyens, de scientifiques, de représentants des peuples indigènes et d’autres associations ont par exemple, sous l’impulsion du mouvement On the Commons, initié un projet très volontariste de gestion commune de la région des Grands Lacs nord-américains (Barlow, 2010).
  • (13)
    L’importance du lieu comme point d’ancrage pour la réalisation du commun est aussi soulignée par Durand Folco (2015, 53) : « Le processus de constitution et du maintien du commun ne surgit pas de nulle part, ex nihilo, par le simple décret d’une volonté commune, mais découle d’un espace social et écologique, normatif et physique, qui exprime les conditions de possibilités effectives d’un tel assemblage pratique ».
  • (14)
  • (15)
    Voir Verhaegen (2017) pour des exemples dans le domaine de l’alimentaire, ou Périlleux & Nyssens (2016) dans le cas des coopératives de financement.
  • (16)
    La ville de Gand par exemple, en Belgique, vient d’élaborer un Plan de transition vers les communs.

Introduction

1Qu’ils soient considérés comme un « retour » ou présentés comme la manifestation de formes radicalement nouvelles du « vivre ensemble », les communs font l’objet d’une importante (re)fondation intellectuelle. Le rythme du nombre d’ouvrages, articles et colloques qui lui sont entièrement consacrés ne faiblit pas, et ils ont même depuis peu leur dictionnaire. Plus encore, ils constituent l’étendard d’une mobilisation citoyenne qui s’étend rapidement à travers de multiples réseaux, rencontres, associations, chartes, occupations, appels, referendums, et qui est mue par des considérations politiques fortes. Cette mobilisation s’accompagne d’initiatives concrètes cherchant à de multiples niveaux à mettre en œuvre les principes et valeurs que l’idée de commun sous-tendrait.

2Quels sont ces principes et ces valeurs que ces effervescences intellectuelles, politiques, juridiques et pratiques accrochent au mot de ralliement « commun » ? Bien qu’extrêmement divers, ils ont un point… commun : celui de remettre en question la domination d’une forme de propriété fondée sur une appropriation privative et exclusive des ressources et de leurs produits. Ils dénoncent sa justification comme pilier central des institutions de marché, et comme condition à l’autonomie des individus et à l’égalité entre eux. À travers la remise en perspective de la propriété, c’est aussi un deuxième pilier de la modernité qui est interrogé, celui de la souveraineté des États et des organes de pouvoir supranationaux.

3Cet horizon de la dynamique de « reclaiming the commons » étant extrêmement vaste, l’idée de communs véhicule dès lors de multiples significations. Les communs eux-mêmes sont présentés comme des ressources, des pratiques, des modes de gestion et de gouvernance, un étendard politique, une nouvelle hégémonie de la pensée… La polysémie du mot génère des ambiguïtés qui peuvent se transformer en obstacle pour la traduction du concept en projets concrets de changement (Carrozza et Fantini, 2016). Le risque d’un usage incontrôlé du syntagme « bien(s) commun(s) » pourrait même conduire à en faire un signifiant vide (Spanò, 2013, cité par Napoli, 2004 ; Rodotà, 2013). Dès lors, un travail épistémique dégageant les différentes approches et finalités (Verhaegen, 2015 ; Carrozza et Fantini, 2016) – et les courants de pensée dans lesquelles elles s’inscrivent (Vivero Pol, 2017) – est important à mener.

4Cette contribution propose d’aller dans ce sens, avec un but à la fois de clarification des concepts, mais surtout de mise en exergue de la nécessité et de la force d’une articulation – sur le plan théorique comme de sa mise en œuvre – des différentes conceptions des communs. Pour ce faire, elle adopte une approche lexicographique, en repartant des termes communément utilisés : biens communs, bien commun, commoning et commun. Elle soutient qu’il n’y a pas de superposition de ces syntagmes, mais plutôt qu’ils reflètent une progression dans la construction de l’idée de « commun », où chaque stade se nourrit du précédent, lui donne sa raison d’être et l’élargit. La conclusion tentera de montrer comment ce cheminement peut éclairer l’apport des mouvements des communs au renouvellement du concept de liberté.

1. Des biens privés et publics aux biens communs

5Commençons par rappeler que depuis les travaux d’Ostrom, les communs se définissent classiquement à partir de trois grands concepts (Périlleux et Nyssens, 2017) ou séries de déterminants et constituants (Coriat, 2015). 1. Des ressources, physiques ou intangibles. 2. Un système de propriété commune, c’est-à-dire un ensemble de droits et obligations qui lient les membres d’une communauté partageant ces ressources et qui définissent leurs rapports à celles-ci. 3. Des arrangements institutionnels qui permettent à ces membres d’élaborer, adapter, contrôler, etc., ce régime de propriété. Ce triangle permet de définir les communs de la manière suivante : un système de ressources mises en commun (common-pool resources, CPR), autour duquel s’élaborent un ensemble de droits et obligations réciproques (déterminant le mode d’accès à la ressource et les règles de son partage), ainsi qu’un mode de gouvernance légitimé.

6Notons que cette première compréhension de « commun » ne dit rien sur la nature des ressources, sauf qu’elles sont partagées. Elle n’est pas plus précise sur le système des droits et obligations ou sur le mode de gouvernance ; il faut seulement comprendre qu’au moins un groupe délimité de personnes est impliqué dans une action collective (ce qui écarte l’ « accès libre »). Ces trois pôles ne constituent qu’un point de départ à partir duquel de nombreux développements sont proposés dans la littérature.

7Avant d’en explorer quelques-uns, revenons brièvement sur l’approche ostromienne pour compléter notre point de départ. Dans cette approche, les ressources dites communes, qu’elles soient naturelles ou produites par l’homme, répondent à certains critères. Ostrom dégage des attributs de la ressource qui sont de nature à faciliter un régime de propriété commune et la gouvernance collective. Elle souligne toutefois qu’il n’y a pas de relation automatique entre les ressources et un régime de propriété particulier (public, privé, d’accès libre ou commun). Concernant les droits et obligations, son approche consiste à contester l’assimilation de la propriété à l’exercice de deux seuls droits : celui de l’exclusion et celui de l’aliénation. Avec Schlager (1992), elle va emprunter à Commons et Hohfeld le concept de faisceau de droits (« bundle of rights ») pour montrer que ce faisceau peut être découpé en cinq niveaux de droits indépendants qui caractérisent autant de types de détenteurs. Ces différents droits sont susceptibles d’être combinés et distribués entre plusieurs acteurs. A partir de l’analyse de nombreuses situations, elle va montrer, en opposition à l’école classique des droits de propriété, qu’il existe de nombreuses modalités d’exercice de la propriété, que la propriété commune n’est pas l’absence du droit d’exclure, et que le droit d’aliéner définissant le régime de propriété privée n’est pas nécessairement la condition d’une gestion efficace des ressources. L’argumentation des ressources déclarées libres – les res nullius – parce que hors de l’exercice d’un droit de propriété privée ou publique, est de la sorte dénoncée. Finalement, son approche va mettre en évidence l’importance cruciale des interactions entre les participants, c’est-à-dire les arrangements collectifs établissant le système de droits. La résolution du dilemme qui se pose entre les intérêts privés et l’intérêt collectif va dépendre des institutions mises en place. L’accent porté sur la capacité collective des membres de la communauté à autogouverner les CPR – selon des arrangements qui ne relèvent strictement ni du marché ni de l’État (mais ne les excluent pas non plus nécessairement) – rompt radicalement avec l’approche économique classique des droits de propriété (Orsi, 2013 ; Verhaegen, 2015).

2. Des biens communs au bien commun

8L’approche institutionnaliste ostromienne se focalise sur des ressources locales, gérées et contrôlées par des communautés restreintes, constituant des sous-systèmes aux frontières relativement bien délimitées. Cette analyse est depuis lors étendue à des systèmes socioéconomiques et techniques se déployant à toutes les échelles – y compris planétaire avec les « communs globaux » – et élargie à des biens non matériels et informationnels – les communs créatifs, digitaux, culturels, etc.

9Selon cette approche, les caractéristiques intrinsèques des biens concernés importent dans la mesure où elles déterminent, au moins en partie, les régimes de propriété et les modes de gouvernance les plus appropriés. Dans les approches discutées notamment par les juristes pour mieux prendre en compte les communs dans le droit, la référence aux types de ressources concernées est très présente  (1).

10Toutefois, l’histoire nous apprend qu’une même ressource peut faire l’objet de régimes de propriété bien différents, dans le temps comme dans l’espace. Des progrès technologiques et des mutations du cadre politique et institutionnel peuvent transformer les rapports à la ressource  (2). Une distanciation par rapport à toute forme d’essentialisation ou de naturalisation des biens est donc nécessaire. Plus fondamentalement, les débats contemporains sur les communs montrent une tendance à l’effacement de la frontière entre l’objet et le sujet, entre les biens communs et la communauté de « commoneurs ». Ce brouillage se réalise selon deux voies de compréhension des communs. L’une consiste à placer les finalités de l’usage des biens au-dessus de toute considération sur le régime de propriété ; l’autre souligne que les communs sont entièrement constitutifs d’une communauté de référence. Ces deux voies convergent pour placer au centre de la réflexion et de l’action la question de la fonction sociale des biens communs. A quel bien commun le triangle « ressources, système de droits, gouvernance » doit-il conduire ? Cette question, comme nous allons le voir, en pose une autre, plus surplombante encore : quelles valeurs sous-tendent cet objectif de bien commun ?

11La question de la fonction sociale de la propriété et des régimes à encourager pour la rencontrer n’est évidemment pas nouvelle (di Robilant, 2012)  (3). Mais le débat actuel autour des communs contribue à l’élargir par rapport à l’utilitarisme dans lequel les approches ostromiennes ont eu tendance à l’enfermer. Dans une vision actuellement très répandue, c’est la satisfaction des besoins essentiels des humains qui est érigée en principe premier. Les communs sont associés avant tout à la notion de « biens pour tous et toutes à édifier en droits humains pour les biens et services les plus essentiels »  (4). L’éthique prend le pas sur toute autre considération, en particulier sur les règles du marché, de même que l’exigence morale d’équité sur celle de l’efficacité (Ballet, 2008). Les valeurs défendues sont donc associées à la justice sociale. L’exigence de l’accès et de l’usage par tou·te·s à certains biens domine l’objectif de maximisation de l’utilité ou même de l’intérêt collectif général. Les ressources naturelles, les biens immatériels, les services, doivent devenir inaliénables, quel que soient les titres de propriété qui y sont attachés, dans la mesure où leurs usages sont nécessaires à la satisfaction de ces besoins fondamentaux.

12Cette conception du « bien commun » (ce syntagme n’étant pas le singulier des biens communs) est particulièrement présente dans les discours des mouvements altermondialistes (Verhaegen, 2015). Mais on la trouve aussi imprégnant les développements juridiques d’un ensemble de chercheurs autour de l’important mouvement des Beni comuni en Italie. La célèbre Commission Rodotà  (5) a défini les communs comme étant « des biens essentiels à la satisfaction des droits fondamentaux et du libre développement de la personne » (Bailey and Mattei, 2013 :985). En plus d’introduire une valeur éthique de la personne et de ses droits fondamentaux, la Commission établit que les biens communs, qu’ils relèvent du domaine public ou privé, sont ceux que caractérise un lien d’affectation (Marella, 2016). Les biens ne deviennent communs qu’à partir de leur relation aux personnes (Dardot, 2016). Ils peuvent être définis comme le lieu où se disjoignent propriété d’un bien et accès à sa jouissance (Marella, 2012, citée par Napoli, 2014).

13Reconnaître qu’à travers les communs, la fonction sociale et la destination des biens priment sur leur titularité, est largement partagé. Mais la question de cette fonction, des droits qui doivent être soutenus, reste totalement ouverte. Parler des droits humains ne dit rien non plus sur les systèmes de régulation, les acteurs et les modes de gouvernance. La notion de droits fondamentaux est tournée vers l’individu isolé dont la dimension sociale est escamotée. Comme le suggère De Angelis (2003), les communs « globaux » sont des communs sans communautés. Comment l’approche par les droits fondamentaux peut-elle néanmoins dépasser cet individualisme universel et désincarné ? Comment les idéaux autour de ces droits peuvent-ils ne pas être confondus avec « la communauté idéale de l’humanité » (Dardot, 2016) ?

14D’une part, comme l’illustrent de manière éclairante Carrozza et Fantini à propos du mouvement italien Beni comuni autour de l’eau, l’idée d’une ressource (ou de ses produits) considérés comme un droit humain et un commun de l’humanité, peut guider l’action en l’inscrivant dans un cadre éthique qui transcende toute contingence locale. Cette toile de fond, telle qu’elle est portée par des groupes altermondialistes, des ONG internationales, des défenseurs des peuples indigènes, etc., a permis au mouvement italien de situer initialement ses activités « dans des sphères culturelles et pédagogiques, avec le but de promouvoir “une nouvelle culture de l’eau” afin de contrer la globalisation néolibérale et la privatisation » (2016 :105). Un certain nombre d’initiatives prises (y compris par des pouvoirs publics) pour encourager une déprivatisation des services de l’eau, sont inspirées et justifiées par cette argumentation morale. Celle-ci permet au mouvement de défendre une propriété collective de l’eau et une gouvernance publique, au-delà de tout principe utilitariste ou marchand.

15D’autre part, pour échapper à l’écueil de « renvoyer les communs à une communauté humaine indéterminée et désincarnée, d’échelle globale » (Festa, 2016 :252), la plupart des définitions des communs soulignent qu’ils sont constitutifs d’une communauté de référence et des liens sociaux qui la forment. Pour Bollier  (6), par exemple, « […] a commons arises whenever a given community decides that it wishes to manage a resource in a collective manner, with special regard for equitable access, use and sustainability » (2007). Cette approche reflète la volonté de ne pas tomber dans une réification des communs, quelque chose qui préexiste aux pratiques. Les activistes italiens de la Constituante des biens communs ont d’ailleurs complété la définition retenue par la Commission Rodotà : les communs sont « les biens qui, indépendamment de leur titre de propriété, s’avèrent adaptés, du fait de leur nature ou finalité intrinsèque, à la poursuite et à la satisfaction des intérêts de la collectivité et des droits fondamentaux de la personne, tant à titre individuel que dans le cadre des formations sociales auxquelles elle participe » (Festa, 2016). Par rapport à la formulation de la Commission, elle souligne donc la connexion entre biens communs et intérêts d’une collectivité. Comme le précise Festa, il « ne s’agit pas d’universaliser la communauté de référence mais d’universaliser la connexion entre communs et libre développement de la personne » (ib., 252).

16A partir de là, deux variantes de la vision communautaire peuvent être distinguées. L’une va soutenir que c’est le commun qui crée la communauté ; il n’y aurait pas d’ontologie des communs, ceux-ci n’étant déterminés que par les finalités auxquelles ils doivent répondre. C’est la position adoptée notamment par Dardot et Laval (2014). Pour eux, ce qui définit le commun ne saurait être fondé sur une quelconque appartenance identitaire (ethnie, nation, humanité, etc.). À vouloir mettre l’accent sur le pouvoir instituant des communs, ils gomment l’identité culturelle, historico-localisée, des mouvements et des groupes acteurs des mises en commun, ainsi que les normes qu’ils ont préalablement édifiées  (7). L’autre variante va au contraire mettre en avant l’importance du groupe d’origine, sa vision commune, ce qui le soude. On peut faire remarquer que la constitution des communs est d’ailleurs généralement spatialement déterminée  (8). Elle est souvent liée à des lieux (jardins, potagers, bâtiments  (9), quartier  (10), voire cité  (11), dans le cas des « communs » urbains – ou région  (12)) ; elle crée donc des communautés dont les participant·e·s ont une évidente proximité géographique  (13). Ce débat sur l’ontologie commun/communauté paraît néanmoins stérile et il vaut mieux, dans la foulée de Marella (2016) qui parle de circularité, souligner le fait qu’ils sont constitutifs l’un de l’autre, à travers une coconstruction.

17Le bien commun fait référence aux valeurs et objectifs qu’une communauté poursuit, à ce qu’elle partage, à ce qu’elle a – ou souhaite – mettre en commun. Mais qu’en est-il de la gouvernance des biens communs et aux processus qui conduisent à déterminer ce qu’est ce commun, à fixer les modalités et les moyens qui rendent possible l’accès à celui-ci ? Ces questions renvoient à la troisième pointe du triangle.

3. Du bien commun à l’être-en-commun

18Aborder ces aspects conduit à la question de l’action sociale autour des communs. Une communauté de « commoners » suppose nécessairement du commoning, que l’on peut traduire par « être-en-commun ». Pour un certain nombre d’auteurs cherchant à éclairer l’idée de commun, celle-ci ne peut même se comprendre que comme pratique(s) (Dardot et Laval, 2014) et comme un verbe (Linebaugh, 2008).

19L’idée de commoning recouvre en fait deux dimensions qui, bien qu’étroitement liées, doivent être distinguées : le volet proprement social d’une part, la gouvernance de l’autre. La première dimension est mise en avant pour souligner que ce qui fait le commun va au-delà de l’administration commune d’un système de ressources. L’être-en-commun ne doit pas seulement signifier « l’agir les uns avec les autres », mais aussi « l’agir les uns pour les autres ». La vision utilitariste de maximisation de l’intérêt général conçue comme la somme des intérêts individuels doit faire place à la reconnaissance de l’interdépendance ontologique entre les individus (Flahaut, 2011). Pour la codirectrice du Centre « On the Common », Julie Ristau (2011), « l’acte de commoning fait appel à un réseau de relations motivé par le souci de faire chacun attention à l’autre, avec l’acceptation partagée que les choses appartiennent à nous tous – ce qui est l’essence même des communs. La pratique du commoning reflète une évolution de pensée allant de l’éthique dominante du “tu es tout seul” vers celle de “nous sommes dans le même bateau” »  (14). L’entraide, la solidarité, la convivialité, la réciprocité, y constituent des dimensions essentielles. Les réseaux de commoning vantent de la sorte de multiples formes d’économie solidaire dans lesquelles l’économie ne se limite pas à l’aspect matériel, mais inclut des dimensions relationnelles et symboliques codéterminant les formes de production et de distribution (Laville, 2010). Il s’agit de pratiquer des formes d’échange qui échappent aux logiques pures de marché, de rentabilité et de profit, à la concurrence généralisée, à la monnaie comme seule médiateur, au prix comme signal dominant, au pouvoir par la capitalisation, à l’appropriation-accumulation  (15). La mutualisation des moyens de production ou l’intégration de personnes fragilisées font aussi partie du répertoire social visé par les défenseurs de l’être-en-commun.

20Cette compréhension du commoning véhicule dès lors une forte dimension d’autodétermination, de « self-governance », par rapport aux pouvoirs tant de l’État que du marché. Les réseaux de commoning sont défendus comme un espace d’autonomie face aux intérêts privés et aux instances gouvernementales. De plus, au sein de ces espaces, les impératifs et les apprentissages de démocratie participative, de codécision et de co-obligation, sont largement mis en avant. Avec l’idée du commoning, on touche à la remise en cause de la souveraineté étatique et des marchés, c’est-à-dire de la logique des biens publics et des biens privés.

21Mais comment éviter le piège de l’idéalisation de la communauté locale et de l’enfermement dans des niches socio-identitaires, voire dans des formes d’élitisme, qui constituent de nouvelles « enclosures » et fragmentations sociales ? Le plaidoyer pour la communauté autogouvernée ne peut pas échapper à la question des barrières tant à l’entrée qu’à la sortie du commun, ni à celles des rapports de pouvoir au sein de celui-ci. Car les pratiques de « mise en commun » peuvent n’être que des espaces de légitimation de dynamiques d’exclusion fondées sur la territorialité, l’appartenance à un groupe ethnique, socioculturel, l’adhésion à une organisation de producteurs (De Angelis, 2003 ; Napoli, 2004 ; Verhaegen, 2014, 2017 ; Stravides, 2015 ; Lagasse, 2017). Avec ces questions, on touche aux aspects proprement politiques des communs.

4. De l’être-en-commun au commun

22À moins de tomber dans une vision très romantisée (mais fréquente) des communs, ceux-ci ne peuvent constituer une simple enclave dans les sphères du privé ou du public – tel un espace protégé – ni même un « troisième secteur » coincé entre l’État et le marché. De construction sociale, les communs doivent devenir construction sociétale. Il s’agit d’abord d’assurer l’effectivité des pratiques de commoning, et ensuite le déploiement de ses valeurs à tous les niveaux de gouvernance des ressources. Ce déploiement implique deux questionnements. Premièrement, les principes des communs doivent-ils s’articuler aux institutions publiques et à celles du marché, ou doivent-ils les subordonner, voire les dépasser totalement ? Deuxièmement, les communs ne possédant pas de performativité naturelle (Blomley, 2013), comment leur donner un pouvoir instituant ou « constituant » (Bailey et Mattéi, 2013).

23Pour certains auteurs, le commun doit devenir une rationalité totalisante, un principe de référence pour une réorganisation complète de la société. C’est le cas de Dardot et Laval (2014), qui soutiennent un « principe politique du commun » (d’où l’utilisation du mot « commun » au singulier, sans article), c’est-à-dire ce qui vient en premier et fonde tout le reste. C’est le seul moyen, selon eux, de lutter non seulement contre les enclosures et les dépossessions, mais aussi, plus largement, contre toutes les formes de subordination liées au capitalisme, que ce soit dans les relations de travail, les systèmes d’éducation, de formation et de recherche, les pratiques de consommation, etc.

24Pour d’autres, il s’agit plutôt de redéfinir la place de l’État et du marché. Vercellone et al., par exemple, définissent le commun comme « un principe général d’autogouvernement de la société et d’auto-organisation de la production qui peut potentiellement contrer la suprématie historique du couple État-marché et devenir le principe directeur d’une nouvelle structure hiérarchique entre le commun, le public et le privé » (2015 :26).

25D’autres voient dans le mouvement des communs moins un recul du marché et de L’État que la possibilité de transformer leurs institutions, organes et modes de fonctionnement. C’est la compréhension adoptée par les promoteurs du très emblématique mouvement Beni comuni, en Italie. La Constituante des biens communs, les occupations, la mobilisation des réseaux transnationaux, les forums alternatifs, permettent de nouvelles formes d’engagement politique – mais ne signifient nullement que le mouvement ne peut pas s’appuyer sur des possibilités offertes par la sphère étatique, comme dans le cas de la mise sur pied de la Commission Rodotà. La question est moins la place et le rôle de l’État que celle de la participation citoyenne aux modèles de gestion des ressources et services publics, et la remise en cause de la forme actuelle de démocratie représentative. Le mouvement italien est exemplatif d’une approche à forte composante juridique qui cherche à contribuer à de nouvelles interprétations de la constitution et du cadre législatif, plutôt qu’à les refonder. Il va d’ailleurs clairement dans le sens d’un renforcement des communautés et des autorités locales dans la gestion des services, en particulier ceux liés à l’eau. Du reste, un certain nombre d’initiatives se réclamant des communs proviennent des autorités publiques elles-mêmes, ou s’élaborent en étroite collaboration avec elles  (16).

26Ces nouvelles formes de partenariat entre institutions publiques et citoyens ne se font pas sans tensions et ambiguïtés. Le glissement du curseur d’une simple délégation aux citoyens de certaines responsabilités et tâches vers une véritable gouvernance globale partagée – de même que le passage à une propriété commune des infrastructures – connaissent encore des freins importants et suscitent beaucoup de débats au sein du mouvement Beni comuni. Ces tensions reflètent la difficulté de transformer les aspirations initiales en un projet politique cohérent et un cadre institutionnel alternatif pour la gouvernance des communs (Carrozza et Fantini, 2016).

Conclusion

27Pour comprendre toute la signification des mouvements et pratiques pour les communs, il faut sortir du triangle initial formé par un ensemble de ressources, une communauté avec ses règles collectives et un mode de gouvernance. Ces trois types de déterminants cadrent ce que l’on peut appeler « les biens communs », ou le « commun » des économistes et néo-institutionnels. Nous avons montré l’importance fondamentale d’élargir le sens des communs dans trois directions. Celle des questions de finalité et de morale (à travers la notion de bien commun) ; celle qui met au cœur de leur potentiel transformatif l’importance des relations intracommunautaires comme constitutives des communs – c’est-à-dire qui dépassent l’ « agir les uns avec les autres » pour aller vers un « agir les uns pour les autres » (le commoning) ; et enfin celle qui problématise les frontières des communs, leur encastrement institutionnel et leurs articulations au marché et à l’État (le commun comme principe politique).

28Le « bien commun » introduit une préoccupation d’égalité dans l’accès à des ressources (biens et services) jugées essentielles au développement de la personne et donc à son autonomie. Cette dimension du sens de « commun » défend dès lors un principe de liberté positive fondée sur la capacité (Berlin, 1958), qui s’oppose à la liberté négative (c’est-à-dire le moins possible de contraintes externes – de l’État ou des autres – sur les choix individuels). Autrement dit, cette dimension du sens commun conteste la conception classique de la liberté fondée sur la propriété privée et le principe de responsabilité individuelle. L’accent porté sur le « commoning » permet d’aller plus loin dans le refaçonnage de l’idée de liberté. Il souligne l’importance de la relation aux autres dans les choix individuels et la réflexivité par rapport à ceux-ci, notamment le rôle de la communication (di Robilant, 2014). La coconstruction des communs et la participation à l’autogouvernement accroissent les ressources relationnelles et renforcent l’autonomie de chacun·e – et donc la liberté de choix –, notamment par la réduction de leur vulnérabilité. L’idée des communs et les mouvements qui la portent risquent cependant d’être de faible portée émancipatrice par rapport aux modèles sociétaux qu’ils combattent ; ils peuvent même constituer un frein à leur dépassement s’ils ne défendent que cette liberté sociale ou (selon la terminologie de Arendt) une liberté intérieure, de libre-arbitre individuel. Le principe « du commun », tel que nous avons essayé de le cerner, consiste précisément à reconstruire une liberté civique et politique face à l’expansion illimitée de la sphère privée et à la conversion des individus en clients de l’État. Mais cette conception du « commun » compris comme la liberté de participer aux affaires publiques et comme une autonomisation de la sphère politique, ne possède pas de performativité naturelle. On ne peut épuiser le défi de l’avenir des communs au seul développement d’un ensemble de pratiques sociales unifiées par la volonté de « l’être-en-commun » ou de l’« agir commun ». Il doit déboucher sur des questions de réinterprétations juridiques et constitutionnelles, de rééquilibrages des rapports entre le privé et le public, et de contrôle démocratique des institutions. Les avancées théoriques, pratiques et politiques sur ces questions constituent le véritable enjeu autour des mouvements se revendiquant des communs.

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Date de mise en ligne : 12/04/2021

https://doi.org/10.3917/lps.181.0019

Notes

  • (1)
    Voir par exemple Rochfeld : « On ne raisonne pas de même selon que la ressource est matérielle et épuisable ou selon qu’elle est immatérielle et ne présente pas les mêmes caractères de finitude » (2014 :356).
  • (2)
    Voir Bakker (2007) pour l’eau.
  • (3)
    Rappelons par exemple que Hardin, dans sa « Tragédie des communs » (1968) – qui n’a pas de solution technique –, place au cœur de son plaidoyer pour la limitation des naissances des considérations de valeurs. Il oppose les valeurs de liberté de procréer et de liberté d’exploiter les communs à celle du welfare state. Il reconnaît que sa solution, la propriété privée, peut être injuste, mais affirme que « l’injustice est préférable à la ruine pour tous » (Hardin, 1968 :1247).
  • (4)
    C’est dans ce sens que J.L. Vivero Pol (2017) défend l’idée que les biens alimentaires doivent être considérés comme des communs.
  • (5)
    Commission spéciale du ministère de la Justice, créée en 2007, qui avait pour tâche de proposer une réforme des articles du Code civil sur la propriété publique.
  • (6)
    Auteur de plusieurs livres sur les communs et cofondateur du Commons Strategies Group.
  • (7)
    Pour une bonne critique de cette approche, voir Vibert (2016).
  • (8)
    Mais plus nécessairement. Avec les réseaux sociaux digitaux, on entre dans une ère de translocalisation.
  • (9)
    Voir les exemples du Teatro Valle et l’ancien Cinema Palazzo à Rome dans Marella (2016).
  • (10)
    Voir par exemple la très intéressante étude de cas de Blomley (2008) sur Donwtown Eastside, un quartier de Vancouver.
  • (11)
    En Italie, on compte plus de septante villes ayant lancé des initiatives « Cities as commons ».
  • (12)
    Un groupe de citoyens, de scientifiques, de représentants des peuples indigènes et d’autres associations ont par exemple, sous l’impulsion du mouvement On the Commons, initié un projet très volontariste de gestion commune de la région des Grands Lacs nord-américains (Barlow, 2010).
  • (13)
    L’importance du lieu comme point d’ancrage pour la réalisation du commun est aussi soulignée par Durand Folco (2015, 53) : « Le processus de constitution et du maintien du commun ne surgit pas de nulle part, ex nihilo, par le simple décret d’une volonté commune, mais découle d’un espace social et écologique, normatif et physique, qui exprime les conditions de possibilités effectives d’un tel assemblage pratique ».
  • (14)
  • (15)
    Voir Verhaegen (2017) pour des exemples dans le domaine de l’alimentaire, ou Périlleux & Nyssens (2016) dans le cas des coopératives de financement.
  • (16)
    La ville de Gand par exemple, en Belgique, vient d’élaborer un Plan de transition vers les communs.

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