Couverture de ETSOC_165

Article de revue

Enquête sur les étudiants en sociologie de Célestin Bouglé et leur engagement en politique (1920-1940)

Pages 111 à 156

Notes

  • [1]
    Georges Pelorson alias Belmont (1909-2008), admis à l’ENS (1928), démissionnaire en 1931, angliciste, animateur de la revue littéraire Volontés qui publie les premiers textes d’Aimé Césaire. Durant l’Occupation, Pelorson rallie le régime de Vichy et travaille au secrétariat à la Jeunesse.
  • [2]
    « Étudiants » et non « élèves » ou « disciples », ces derniers termes connotant une adhésion au paradigme de Bouglé. Ce qui est loin d’être toujours le cas de ses étudiants.
  • [3]
    Nous reprenons ici à notre compte l’expression de Cl. Lévi-Strauss (Tristes tropiques, p. 34).
  • [4]
    In Alain Peyrefitte (textes réunis par), Rue d’Ulm. Chroniques de la vie normalienne (1950), Paris, Flammarion, 1977.
  • [5]
    Voir Sanda Golopentia, « Romanian sociologists in Paris in the 1930s », Sociologie Româneasca, vol. III, no 1, 2005, p. 72-93, aimablement communiqué par A. Gaghi. Voir aussi Robert Marjolin, Le travail d’une vie. Mémoires 1911-1986, avec une préface de R. Barre, Paris, Robert Laffont, 1986, p. 27-32.
  • [6]
    Renseignements tirés de son dossier de carrière (AJ/16/5981), aimablement communiqués par Emmanuelle Guey.
  • [7]
    M. Mauss (« religions des peuples non civilisés »), Al. Bayet (« histoire des idées morales »), Er. Labrousse (« histoire et statistique économiques »), A. Landry (« histoire des faits et des doctrines économiques »).
  • [8]
    L’audience de F. Simiand, décédé en 1935, n’a pas eu, semble-t-il, le même impact sur la formation des apprentis sociologues. On lui connaît peu de disciples directs en dehors de Georges Lutfalla (jeune actuaire au ministère du Travail, secrétaire adjoint des Annales sociologiques), Basile Dalamas et Victor Zoltowski qui fera carrière au CNRS. Jean-Noël Jeanneney reconnaît aussi sa dette à l’égard de Simiand. Voir Philippe Steiner, L’École durkheimienne et l’économie, Genève, Droz, 2005, p. 157.
  • [9]
    Ils suppléent A. Landry en 1937 et 1939.
  • [10]
    Toutefois, le diplôme, créé en 1925, est supprimé en 1935 en raison de la création d’un certificat d’études supérieures par la Faculté des lettres.
  • [11]
    Sur la tension après Durkheim entre sociologie et ethnologie, voir la mise au point de Th. Hirsch (Le temps des sociétés. D’Émile Durkheim à Marc Bloch, Paris, éditions EHESS, 2016, notamment les chap. 11 et 12).
  • [12]
    Sur cette promotion féminine, voir Marianne Lemaire, « La chambre à soi de l’ethnologue. Une écriture féminine en anthropologie dans l’entre-deux-guerres », L’Homme, 2011, p. 83-112.
  • [13]
    René Maunier (1887-1951), professeur à la Faculté de droit, intervient également à la Faculté des lettres en 1928-1929.
  • [14]
    Ludovic Tournès, « L’Institut scientifique de recherches économiques et sociales et les débuts de l’expertise économique en France (1933-1940) », Genèses, 4/2006, no 65, p. 49-70.
  • [15]
    Les sciences sociales en France : enseignement et recherche, Paris, P. Hartmann, 1937.
  • [16]
    Sur notre enquête, voir la note méthodologique et les sources en fin d’article.
  • [17]
    D’ores et déjà, le Répertoire alphabétique annuel des candidats au diplôme d’études supérieures de philosophie, 1906-1938 (AN AJ/16/4954) livre, pour la période 1919-1937, une cinquantaine de noms supplémentaires dont l’exploitation biographique reste à faire.
  • [18]
    Cette porosité et cette circulation sont-elles spécifiques des sociologues formés par Bouglé ? Rien ne permet pour l’instant de l’affirmer.
  • [19]
    Sur les options de Bouglé qui ont donné lieu à débats parmi ses étudiants, voir, par exemple son interprétation de Proudhon (voir Patrice Rolland, « Le retour à Proudhon, 1900-1920 », Mil neuf cent, no 10, 1992, p. 5-29).
  • [20]
    Par exemple, Bouglé collabore régulièrement à L’École libératrice, organe du Syndicat national des instituteurs. Il est, par ailleurs, très impliqué dans l’enseignement de la sociologie aux élèves-maîtres ainsi qu’aux inspecteurs et aux directeurs d’école normale en formation (voir Roger Geiger, « La sociologie dans les écoles normales primaires. Histoire d’une controverse », Revue française de sociologie, XX, no 1, janvier-mars 1979, p. 257-272 et Emmanuelle Guey, Les sciences humaines (pédagogie-psychologie-sociologie) dans la formation des maîtres de l’enseignement primaire (1920-1969) : étude historique sur une institutionnalisation discontinue, thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation, sous la direction d’A. Savoye, Paris-8, 2013). Mais cet investissement ne produit guère de sociologues issus du primaire, à quelques rares exceptions près comme Jean Vial, plus proche, cependant, de Dolléans et Halbwachs (voir son Journal de classe 1927-1977, Paris, ESF, 1978, p. 67-78).
  • [21]
    Pierre Uri témoigne de cette autorité qui peut aller de pair avec « un bongarçonnisme affecté » (Brasillach) : « Nous avions failli nous trouver vingt élèves de l’École pour prétendre à l’agrégation de philosophie. Le directeur, Célestin Bouglé, en a détourné quelques uns vers les lettres, vers l’histoire ou vers une bourse du tour du monde » in P. Uri, Penser pour l’action, Paris, Odile Jacob, 1991.
  • [22]
    Le diplôme d’études supérieures de philosophie institué par l’arrêté du 18 juin 1904 implique la rédaction d’un mémoire sur un sujet choisi par le candidat et agréé par la faculté. Il est examiné par deux professeurs et est nécessaire pour se présenter au concours de l’agrégation. Les universités délivrent des doctorats d’université (DU) ou des doctorats es-lettres (DL ou DE). Ces derniers supposent la soutenance de deux thèses (principale et secondaire) devant des jurys qui peuvent être différents.
  • [23]
    S. de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée, Paris, Gallimard, 1958 (éd. Livre de poche, p. 368) ; R. Aron, Mémoires, Paris, Julliard, 1983, p. 58.
  • [24]
    En 1937, le décompte par pays d’étudiants en lettres à la Sorbonne donne le classement suivant : Grande-Bretagne (161), États-Unis (127), Pologne (119), Allemagne (97), Roumanie (89), Urss (69), Yougoslavie (62), Égypte (59), Hongrie (57) et Chine (52). Auxquels il faut ajouter des effectifs non négligeables d’étudiants venus des colonies, des protectorats ou des pays sous mandat : Tunisie (17), Indochine (16), Syrie et Liban (27).
  • [25]
    Voir Martin Jay, L’imagination dialectique. Histoire de l’École de Francfort (1923-1950) (1973), traduction française, Paris, Payot, 1977. Précédemment, Bouglé avait noué des contacts étroits avec le sociologue Gottfried Salomon et appuyé la création des « Rencontres universitaires de Davos ». Voir Pierre Bertaux, Un normalien à Berlin. Lettres franco-allemandes 1927-1933, Asnières, Pia, Université de la Sorbonne Nouvelle, 2001.
  • [26]
    Outre l’absence d’étudiants anglo-saxons, celle d’autres nationalités mériterait d’être étudiée de plus près : tient-elle à une faible attractivité du programme incarné par Bouglé ? On note, par exemple, dans les années trente, la quasi-disparition des Roumains et l’absence de Tchécoslovaques. Que D. Essertier ait été longtemps en poste à l’Institut français à Prague, qu’après lui, R. Polin se soit rendu sur place, ne semble pas avoir eu d’effet de recrutement d’apprentis sociologues. De même pour la Roumanie, en dépit de diverses missions confiées à de jeunes chercheurs du CDS (Charon, Gioan) et des bonnes relations de Bouglé avec D. Gusti, relayées par Mircea Vulcanesco.
  • [27]
    Cité par M. Jay, op. cit., p. 55.
  • [28]
    On ne raisonne ici bien évidemment que sur le contingent d’étudiants en sociologie relevant de la Sorbonne. Le chiffre de 48% est tiré des statistiques publiées dans les Annales de l’Université de Paris.
  • [29]
    La valeur des mémoires de DES, du point de vue de la recherche, doit cependant être relativisée dans un certain nombre de cas. C’est du moins le point de vue exprimé par G. Friedmann : « Trop souvent, déjà de mon temps et maintenant plus encore, déclare-t-il devant la Société française de philosophie, il arrive que l’agrégation absorbe, pour ainsi dire, le diplôme d’études ; au lieu que le diplôme d’études soit une initiation scientifique, les candidats se plongent dans le « bachotage » en choisissant un sujet qui ait chance d’être au programme (de l’agrégation, ndr), ou de leur servir directement pour les compositions d’écrits » (séance du 7 mai 1938 consacrée à l’agrégation de philosophie). De fait, les sujets des mémoires de Boivin, Borne, Canguilhem ne sont peut-être pas étrangers à l’inscription de Comte au programme de 1928. Bien que l’intérêt pour Comte, chez les durkheimiens, ne soit pas conjoncturel ; son étude fait partie des « fondamentaux » de l’enseignement de la sociologie. Sujet d’un enseignement de Bouglé en 1912 (alors qu’il supplée Espinas), Comte est encore la matière, trente ans plus tard, du dernier cours d’Halbwachs en Sorbonne (« la statique et la dynamique sociale d’Auguste Comte », 1943).
  • [30]
    En introduction de Chez les prophètes socialistes (Alcan, 1918), Bouglé écrit : « En reprenant mon enseignement à la Sorbonne, je publie telles quelles ces études, composées avant la guerre : elles pourront servir d’amorces à des recherches méthodiques qu’il serait plus que jamais indiqué de poursuivre, et qui mettraient en pleine lumière ce qui est dû, tant à nos ‘socialistes’ qu’à nos ‘sociologues’ ».
  • [31]
    On sait que, durant la période étudiée ici, Comte et Proudhon, mais aussi Fourier, bénéficient d’un regain d’intérêt auquel Bouglé n’est pas étranger. L’édition des Œuvres complètes de Proudhon est mise en chantier en 1923 et se poursuivra jusqu’en 1959. Elle est placée, au départ, sous la direction d’Henri Moysset et Bouglé. Celui-ci met à contribution leCDSen mobilisant des étudiants (Duveau, Cavaillès, Beaufret) et Mme Poré, la secrétaire, mais aussi l’ENS à travers Meuvret, son bibliothécaire.
  • [32]
    Nous incluons ici des données du Répertoire mentionné plus haut note 18, non incluses en annexe.
  • [33]
    Dans Chez les prophètes socialistes (1918), Bouglé s’était déjà livré à une analyse minutieuse du rapport entre « marxisme et sociologie » (p. 185-246).
  • [34]
    La question de l’immigration intéresse particulièrement Bouglé. Il héberge à l’ENS le Centre d’études du problème des étrangers en France fondé en 1935 à l’initiative du sénateur Henry de Jouvenel et vice-présidé par le raciologue René Martial. Il est membre de son comité de perfectionnement aux côtés de Lucien Lévy-Bruhl, Paul Rivet, Albert Demangeon et Adolphe Landry. Georges Mauco, élève de Demangeon, est son secrétaire général. Ce Centre sera éphémère, semble-t-il.
  • [35]
    C. Bouglé, « La sociologie française contemporaine », Arhiva pentru stiinta si reforma sociala, c. 1924.
  • [36]
    Voir les contributions de Marine Dhermy-Mairal et Thomas Hirsch dans ce même dossier.
  • [37]
    Pierre Amandry se souvient : « C’était le temps où se constituait le Front populaire. Au cercle de gauche, Charon alias Jean Nocher en célébrait en termes lyriques la pureté virginale et radieuse, entre deux séances d’épreuves orales du concours où, vêtu d’un slip, il tournait dans les couloirs autour de jeunes personnes en bombant un torse abondamment velu (…) » in A. Peyrefitte, op. cit.
  • [38]
    M. Déat dit de lui (avec qui il permute, Maublanc prenant ses fonctions au CDS tandis que Déat lui succède comme professeur de philosophie au lycée de garçons de Reims en 1922) : « Il se sent appelé sans doute, avec un grain d’humour qui l’apparente à son ami Jules Romains, à faire dans l’intelligentsia communiste une modeste mais persévérante besogne d’amateur lettré et de fanatique lucide » (Marcel Déat, Mémoires politiques, avec une introduction de L. Theis, Paris, Denoël, 1989, p. 149).
  • [39]
    Remarquons, chez les étudiants chinois, un type particulier d’engagement politique : le nationalisme.
  • [40]
    Par exemple, Pierre Boutang, entré à l’ENS en 1935, maurassien, ne peut que se tenir à l’écart de Bouglé et de son républicanisme. De même, R. Brasillach, M. Bardèche et J. Talagrand (Th. Maulnier).
  • [41]
    Ce qui n’empêchera pas l’adhésion au régime de Vichy d’anciens élèves de Bouglé qu’on a connus sous les couleurs du socialisme (Déat, Bonnafous) ou du frontisme (Gaït).
  • [42]
    Co-éditée à partir de 1924 avec Librairie des sciences politiques et sociales de Marcel Rivière.
  • [43]
    Elle est officiellement publiée avec le concours du CDS.
  • [44]
    D’après Marie-Cécile Bouju, G. Friedmann aurait été écarté de la direction après la publication De la Sainte-Russie à l’Urss (1938) pourtant préfacé par Francis Jourdain, communiste « orthodoxe » (voir Lire en communiste : les maisons d’édition du Parti communiste français 1920-1968, Rennes, Pur, 2010).
  • [45]
    Principaux titres et auteurs : Diderot (Luppol traduit par V. et Y. Feldman, 1936) ; Matérialistes de l’antiquité (Paul Nizan, 1936, puis 1938) ; Fourier (Félix Armand et R. Maublanc, 1937, 2 vol.) ; Proudhon (A. Cuvillier, 1937) ; Cervantès (J. Cassou) ; Diderot (J. Luc, 1938) ; Darwin (M. Prenant, 1938) ; Pierre Leroux (H. Mougin, 1938) ; Nietzsche (H. Lefebvre, 1939).
  • [46]
    Sur A. Minkowska, sociologue polonaise venue préparer un doctorat à la Sorbonne, voir Kerry Bluglass Kerry, Hidden from the Holocaust. Stories of Resilient Children Who Survived and Thrived, Westport (Connecticut), Praeger, 2003, p. 54. Merci à Irena Milewska, sa fille, pour l’entretien qu’elle nous a accordé.
  • [47]
    Voir, dans le présent dossier, l’entretien avec Georges Lefranc lequel a dû continuellement ferrailler avec les hiérarchies de la Sfio et de la Cgt pour faire valoir ses idées.
  • [48]
    Le pacifisme clive le milieu familial d’Halbwachs dont la sœur, Jeanne, est, avec son époux Michel Alexandre, une pacifiste irréductible. Voir Annette Becker, Maurice Halbwachs. Un intellectuel en guerres mondiales, 1914-1945, Paris, Agnès Viénot Éd., 2003.
  • [49]
    Selon la formule devenue classique de Jean-Louis Loubet del Bayle (1969).
  • [50]
    Voir l’article de Thomas Hirsch dans ce dossier.
  • [51]
    Voir, par exemple, sa préface à l’ouvrage de Polin et Charon où il appelle à la réalisation d’un « traité de sociologie comparative, appliquée aux faits coopératifs » dont, dit-il, « nous aurions le plus grand besoin » (op. cit., p. VII).
  • [52]
    Dû à Jean-Christophe Marcel que je remercie pour cette contribution, ainsi que pour sa lecture attentive et avisée de cet article.
  • [53]
    Jean-Baptiste Séverac en fait un compte rendu très élogieux dans Le Populaire (11 juillet 1923).
  • [54]
    Il publie aussi Les effets économiques et sociaux de la guerre en Serbie, Paris, PUF, 1930, XII-335 p. Ce travail entre dans le cadre des publications de la Dotation Carnegie pour la paix internationale.
  • [55]
    À noter que l’activisme de Bouglé s’exerce aussi dans d’autres cadres, moins directement orientés vers la sociologie. Ainsi, il patronne la collection « Actualités scientifiques et industrielles. Travaux de l’ENS (Lettres) » (éd. Hermann) qui publie des recherches de normaliens (J. Balibar, S. Piobetta, M.-A. Béra, P. Uri) sur « le mouvement pédagogique à l’étranger ». Puis, il dirige le tome XV (« Éducation et instruction ») de L’Encyclopédie française (1939).
  • [56]
    Le Centre de documentation sociale, installé rue d’Ulm, est fondé à l’initiative d’Albert Kahn. Il vient compléter le Comité national d’études sociales et politiques fondé en 1916 par le même Kahn. Après la débâcle financière de son fondateur (1929), le CDS sera soutenu par la Fondation Rockefeller. Gustave Lanson, directeur de l’ENS, le décrit comme une « sorte de séminaire ou de laboratoire, où des philosophes et des historiens viennent apprendre à recueillir, classer, interpréter les faits contemporains de l’ordre social et économique et à soumettre cette matière, toujours si difficile à connaître, aux règles de la méthode critique. » (Revue des deux mondes, 1926).
  • [57]
    Inventaires I. La crise sociale et les idéologies nationales, Paris, Alcan, 1936 ; Inventaires II. L’économique et le politique, Paris, Alcan, 1937 ; Inventaires III. Classes moyennes, Paris, Alcan, 1939.
  • [58]
    Les Annales sociologiques sont constituées de cinq séries donnant lieu des fascicules distincts confiés à une équipe de rédacteurs placés sous l’autorité d’un responsable. Bouglé a en charge la « sociologie générale » (série A), Mauss la « sociologie religieuse » (B), Ray la « sociologie juridique et morale » (C), Halbwachs, après Simiand, la « sociologie économique » (D) et la « morphologie sociale, langage, technologie, esthétique » (E).
  • [59]
    Sous-direction en 1927, puis direction en 1935.
  • [60]
    Dans les tableaux I et II, pour faciliter leur utilisation, les noms des étudiants sont classés par ordre alphabétique (et non par ordre chronologique des relations avec Bouglé). Figurent en gras le nom des étudiants qui ont eu un engagement politique avéré.
  • [61]
    Merci à Thomas Hirsch d’avoir retrouvé plusieurs auteurs de mémoires à partir des archives du rectorat de Paris.
  • [62]
    Le titre de la thèse est en italique si elle a été soutenue. La direction (/s) est mentionnée le cas échéant : CB pour Bouglé ; PF pour Fauconnet ; MH pour Halbwachs.
  • [63]
    Auteur de « Hommage à Bouglé », Annales de l’Université de Paris, 1940.
  • [64]
    En définitive, sera docteur es-lettres pour une thèse intitulée Problèmes humains du machinisme industriel (1947).
  • [65]
    Contribue à « Education et Instruction » (C. Bouglé dir., t. XV, L’Encyclopédie française, 1939).
  • [66]
    Contribue, tout comme G. Friedmann, à A la lumière du marxisme (Essais) Sciences physico-mathématiques, sciences naturelles, sciences humaines, Paris, Éditions sociales internationales, 1935.
  • [67]
    Voir, dans le texte, la notice qui lui est consacrée par J.-C. Marcel.
  • [68]
    Probablement pour le Des d’histoire et de géographie. G. Duveau a échoué au Des de philosophie en 1922 avec un mémoire sur la durée chez Spinoza, noté 8.
  • [69]
    Ajoute Franck à son nom après son mariage avec Rose Marie Franck. Séjourne aux États-Unis en 1935 et en tire L’expérience Roosevelt et le milieu social américain, Alcan, 1937.
  • [70]
    Traducteur de Hegel. Participe au séminaire de Koyré (EPHE). Étudie les sciences sociales en Allemagne.
  • [71]
    Assiste Bouglé pour sa bibliographie de Socialismes français : du socialisme utopique à la démocratie industrielle (1932).
  • [72]
    Ses recherches antérieures (enquête sur les budgets de familles ouvrières) inclinent à penser qu’A. Minkowska serait plutôt une étudiante d’Halbwachs que de Bouglé.
  • [73]
    Collabore cependant à « Éducation et Instruction » (dir. Bouglé, t. XV, L’Encyclopédie française, 1939).
  • [74]
    Merci à Thomas Hirsch d’avoir retrouvé plusieurs auteurs de mémoires dans les archives du rectorat de Paris.
  • [75]
    Le titre de la thèse est en italique si elle a été soutenue. La direction (/s) est mentionnée le cas échéant : CB pour Bouglé ; PF pour Fauconnet ; MH pour Halbwachs.
  • [76]
    Peut-être un Des en histoire et géographie.
  • [77]
    Publie ses travaux sur la consommation et la psychologie économique dans la Revue de l’Institut de sociologie (1938 et 1939), la Revue internationale de sociologie (1939), la Revue de métaphysique et de morale (avril 1941).
  • [78]
    Peut-être s’agit-il, non de Sophie, mais de Simon Posner fondateur vers 1926 de la Banque commerciale de l’Europe du Nord (succursale de la Banque d’État soviétique), militant communiste d’origine russe.
  • [79]
    Source : Angel Pino (2013).
  • [80]
    Pour une approche nouvelle de la question, voir Delphine Naudier, Maud Simonet, Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements, Paris, La Découverte, 2011. Et sur l’engagement des savants, voir Vincent Duclert, « L’engagement scientifique et l’intellectuel démocratique. Le sens de l’affaire Dreyfus », Politix, vol. 12, no 48, 1999, p. 71-94.
« Après (…) quelques plaisanteries habituelles sur Bouglé, le directeur adjoint qui rêvait d’être le Platon d’une académie de normaliens socialistes barbus et tous sociologues, on en vint au fait. »
Georges Belmont [1] (alias Pelorson), Souvenirs d’outre-monde, Paris, Calmann-Lévy, 2001.

1On sait que, durant l’entre-deux-guerres, la sociologie universitaire française a principalement mûri à l’École normale supérieure (ENS) et au Centre de documentation sociale (CDS) qu’elle hébergeait. G. Friedmann, R. Aron, R. Polin, J. Stoetzel y ont fait leurs premières armes sous le patronage de Célestin Bouglé, avant de devenir, à la Libération, les figures de proue d’une discipline refondée. Cette représentation du passé de la sociologie mérite, cependant, d’être complétée. En effet, histoire élitaire, elle part des « vainqueurs » pour reconstituer ce que furent leurs parcours en amont de leur notoriété. Ce faisant, elle restreint le champ de son enquête, négligeant ceux et celles qui furent, dans le moment de leur formation, les condisciples des futurs « vainqueurs ». À l’échelle du milieu universitaire parisien, si on ne se cantonne pas au pôle que forment l’ENS et le CDS, la formation en sociologie apparaît beaucoup plus complexe et diversifiée. Au sortir de la guerre, l’« école française de sociologie », souvent présentée selon l’expression de Mauss comme « décimée » prend de fait un nouvel essor. À la Sorbonne, par exemple, grâce à Bouglé, titulaire de la chaire d’histoire de l’économie sociale (1919), à Paul Fauconnet, Albert Bayet et, enfin, Maurice Halbwachs, elle multiplie les élèves, ouvre de nouveaux champs de recherche et diversifie ses orientations.

2La sociologie universitaire de l’ère post-Durkheim, vue à travers les étudiants, présente donc une ampleur insoupçonnée et son tableau historique mérite d’être sensiblement retouché. Cette tâche implique une enquête vaste et minutieuse. Dans la présente contribution, nous ne faisons que l’amorcer en nous centrant sur ceux que nous qualifions d’« étudiants en sociologie de Bouglé » [2], même s’ils ont pu connaître d’autres influences magistrales. Ces étudiants ont en commun d’avoir été sous l’autorité de Bouglé, d’avoir suivi ses enseignements et poussé leurs études au moins jusqu’au diplôme d’études supérieures. Au sein de ces étudiants – dont le recensement est à poursuivre –, nous distinguons deux sous-ensembles selon leur proximité d’avec le maître. D’une part, son « écurie » [3], composée d’élèves qui cumulent une réussite universitaire (diplôme d’études supérieures, doctorat es-lettres, doctorat d’université, agrégation) avec une contribution aux activités du Centre de documentation sociale et une publication dans un support patronné par les durkheimiens historiques (Année sociologique, Annales sociologiques, Inventaires I, II, III). À ces critères formels s’ajoute, pour certains d’entre eux, une relation familière avec Bouglé. Raymond Polin a témoigné de ce processus d’élection : « Il (Bouglé) initiait même certains de ses élèves qu’il aimait aux charmes du travail en vacances en les incitant à venir s’installer, l’été, au Val-André. C’est ainsi qu’en 1937, en 1938, en 1939, nous nous sommes retrouvés l’été durant, Raymond Aron et sa famille, moi-même avec les miens, et Robert Marjolin dans ce village (…). C’est là que nous avons vécu ensemble la crise de septembre 1938, les péripéties du mois d’août 1939 » [4]. À un niveau de moindre intimité, il arrivait aussi à Bouglé d’inviter des étudiants à partager ses sorties dominicales en famille [5]. Face aux privilégiés de l’« écurie B. », le reste des étudiants, restés en marge, compose le deuxième sous-ensemble.

3Dans les pages qui suivent, après un rappel de l’espace parisien de formation à la sociologie universitaire, nous livrons les premiers résultats de notre enquête sur les « étudiants de Bouglé », résumés en deux tableaux annexés. Puis, en raisonnant sur cet échantillon d’une soixantaine d’individus, nous synthétisons quelques-unes de leurs caractéristiques (formation, nationalité, genre) avant de préciser les orientations de leurs travaux. Nous concluons sur leur engagement public afin d’éclairer comment ces apprentis sociologues de l’entre-deux-guerres ont incarné le lien entre sociologie et politique.

La formation des sociologues universitaires à Paris : un espace concurrentiel

4Bien que cumulant une chaire à la Sorbonne, la direction du CDS et bientôt celle de l’ENS, Bouglé n’a pas, sur la place de Paris, une position monopolistique en matière de formation des sociologues. Il doit compter avec des personnalités concurrentes sinon complémentaires. À la Sorbonne tout d’abord, enseignent également la sociologie P. Fauconnet et A. Bayet, rejoints en 1935 par M. Halbwachs. Nul doute que ceux-ci – que Bouglé retrouve à l’Institut français de sociologie – ont aussi « leurs » étudiants qu’ils orientent selon leurs perspectives de recherches. D’autant que Bouglé se fait suppléer à deux reprises par Halbwachs et même par Bayet (1939) alors qu’il est diminué par le mal inexorable qui l’emportera bientôt. Dans une certaine mesure, à partir de 1935, les « étudiants de Bouglé » sont aussi ceux d’Halbwachs. Il est significatif de cette concurrence/complémentarité que Chloé Owings qui a préparé sa thèse avec Fauconnet soit revendiquée par Bouglé comme ayant fréquenté le CDS. De même, Louise-Marie Ferré, dans l’introduction de sa thèse (1934), dit sa dette à l’égard de Bouglé, mais aussi de Fauconnet, ainsi que de Bayet et Simiand dont elle a suivi les enseignements à l’EPHE.

Deux concurrents directs de Bouglé[6]

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Deux concurrents directs de Bouglé Paul Fauconnet (1874-1938) Albert Bayet (1880-1961) Agrégé de philosophie (1895), docteur ès-lettres (1920), est nommé maître de conférence de sociologie et de science de l’éducation à la Sorbonne (1921). Professeur de sociologie, sans chaire (1926), il est nommé titulaire de la chaire de sociologie le 1er octobre 1932. Soucieux de pédagogie, il organise, parmi ses étudiants, un « Groupe de sociologie » (1935) et prend en charge la direction d’une « Bibliothèque de sociologie » (1935) 6. Membre de l’Institut français de sociologie. ENS (1898), agrégé de lettres (1901), docteur ès lettres (1922). Enseignant au lycée Henri IV (1918), puis à Louis-le-Grand, nommé en « hypokhâgne » en 1926, il est en même temps directeur d’études à l’EPHE et chargé d’enseigne-ment (certificat de morale et sociologie) à la Sorbonne. Fils d’un directeur de l’enseignement supérieur, gendre de l’historien Aulard, c’est un militant actif du parti radical-socialiste. Membre de l’Institut français de sociologie.

Deux concurrents directs de Bouglé[6]

5Bouglé doit aussi compter avec Henri Hauser qui, venu du Conservatoire des arts et métiers, occupe depuis 1920 la chaire d’« histoire économique des temps modernes et contemporains ». L’École pratique des hautes études (EPHE) est une autre institution qui contribue à la formation à la sociologie. Au cours des années trente, les directions d’études de Mauss et Bayet – encore lui – à la section des sciences religieuses, mais aussi d’E. Labrousse et d’Ad. Landry à la section des sciences historiques et philologiques [7] attirent des étudiants qui échappent ainsi au giron de Bouglé [8]. Jacques Soustelle, normalien, agrégé de philosophie (1932), auditeur de Mauss, est de ceux-là, de même que Jacques Margot-Duclot, agrégé de philosophie (1934) qui devient un spécialiste du folklore. C’est aussi partiellement vrai de Robert Marjolin qui, proche de Bouglé, n’en fréquente pas moins les conférences de G. Bourgin, Ed. Dolléans et G. Pirou [9], ou d’Ida Chevant-Berger qu’on retrouve à celles d’E. Labrousse en 1939 et d’Al. Dauzat en 1938. L’Institut d’ethnologie de l’Université de Paris, créé en 1925, peut jouer un rôle similaire, d’autant que son attractivité est grande en raison des missions qu’il subventionne, du diplôme qu’il délivre [10] et des débouchés qu’il procure en direction du Musée d’ethnographie, puis du Musée de l’Homme. Mauss, pilier de l’Institut, concurrence de fait Bouglé sur le marché de l’offre d’enseignement [11]. Il capte définitivement Soustelle, mais aussi de jeunes étudiantes (Denise Paulme, Germaine Tessier du Cros-Dieterlin, Jeanne Cuisinier, par exemple [12]) dont le chemin ne croisera pas celui de Bouglé. Ce jeu de rivalité et de complémentarité peut aussi concerner l’Institut d’urbanisme où Marcel Poëte encadre des étudiants qui, ayant commencé leur cursus avec Bouglé, se sont tournés vers la sociologie urbaine. L’École libre des sciences politiques est également un pôle avec lequel il faut compter. Élie Halévy, ami de longue date de Bouglé, y enseigne l’histoire des doctrines socialistes depuis 1901. Il attire des étudiants qui auraient pu être des éléments durables parmi les disciples de Bouglé. Ainsi, E. Wernert dont É. Halévy dirige la thèse en 1934, a d’abord réalisé, pour le DES, un mémoire sur Renouvier avec Bouglé. Jean-Marcel Jeanneney est dans le même cas qui fut élève de Bouglé jusqu’à la licence avant de passer à Sciences Po et à un doctorat de sciences économiques avec G. Pirou. Car la Faculté de droit où officient René Maunier [13] et René Worms jusqu’à sa mort (1926), constitue également un espace où l’on apprend une sociologie différente de celle prônée par Bouglé. Il y a donc, à la fois, concurrence/complémentarité et porosité des espaces de formation à la sociologie. André Philip, diplômé d’études supérieures en philosophie de la Sorbonne (où il a suivi les cours de Bouglé), de l’École libre des sciences politiques, mais aussi licencié en droit, puis docteur en sciences économiques de la Faculté de droit de Paris en est un bon exemple.

6Sur le plan, non plus des institutions qui forment à la sociologie et diplôment des étudiants, mais des établissements de recherches, on constate une concurrence analogue. Le CDS est directement en rivalité avec l’Institut scientifique de recherches économiques et sociales (ISRES) de Charles Rist, fondé en 1931, qui recrute R. Marjolin [14]. Avec le Centre d’études de politique étrangère (CEPE), créé en 1935 par deux jeunes agrégés d’histoire et de géographie, Louis Joxe et Étienne Dennery, la complémentarité l’emporte. Bouglé qui en est administrateur, y anime le Groupe d’études des sciences sociales en France « constitué pour faire le bilan de l’état actuel des sciences sociales en France » dont il peut concilier l’activité avec celle de son propre centre. Cela débouchera sur une conférence internationale (1937) et un ouvrage collectif [15]. Le Centre international de synthèse, cénacle d’intellectuels chevronnés sous la houlette d’Henri Berr, peut aussi capter des jeunes prometteurs (Valentin Feldman).

Les étudiants en sociologie de Bouglé : insiders et outsiders

« Ma carrière s’est jouée un dimanche de l’automne 1934, à 9h du matin, sur un coup de téléphone. C’était Célestin Bouglé, alors directeur de l’École normale supérieure ; il m’accordait depuis quelques années une bienveillance un peu lointaine et réticente : d’abord parce que je n’étais pas un ancien normalien, ensuite et surtout parce que même si je l’avais été, je n’appartenais pas à son écurie pour laquelle il manifestait des sentiments très exclusifs »
Claude Lévi-Strauss Tristes tropiques, Paris, Plon, p. 34.

7Notre enquête met en évidence que soixante-dix individus – hommes et femmes – ont été, de manière avérée, étudiants en sociologie de Bouglé [16]. C’est beaucoup plus que la dizaine de noms habituellement cités dans les histoires de la sociologie. Bien que pouvant être enrichi grâce à des recherches complémentaires [17], cet échantillon d’apprentis sociologues des années vingt et trente permet, en l’état, une approche de la dynamique de la sociologie universitaire sous la conduite de Bouglé dans l’entre-deux-guerres. Il révèle, tout d’abord, qui furent les jeunes intellectuels qui ont rallié la sociologie « bougléo-durkheimienne ». Ensuite, à travers les sujets de leur mémoire ou de leur thèse, il informe sur leurs recherches. Enfin, par des aperçus biographiques, il renseigne sur les rapports qu’ont entretenus ces apprentis sociologues avec le champ politique. On constate, en effet, pour nombre d’entre eux, une véritable porosité entre les deux domaines, sociologie et politique, entre lesquels ils circulent sans solution de continuité [18].

8Au sein de cet échantillon d’étudiants, nous avons distingué deux sous-ensembles en fonction de leur plus ou moins grande proximité avec Bouglé et son dispositif de recherche et d’édition (voir tableaux en annexe). Le premier sous-ensemble comprend 39 individus qui ont bénéficié de véritables encouragements de la part de Bouglé. Reprenant l’image qu’en avait Lévi-Strauss, nous l’appelons l’« écurie B. ». Il reflète le mieux, par étudiants interposés, la conception de Bouglé de la sociologie. Le second sous-ensemble rassemble des étudiants et étudiantes au nombre de 31 qui, quel que soit leur mérite, sont restés extérieurs à ce dispositif, soit – première hypothèse – que Bouglé ne les en ait pas jugés dignes, soit – seconde hypothèse – qu’ils n’aient pas voulu être enrôlés dans son entreprise, souvent pour des raisons idéologiques. C’est le cas, par exemple, d’étudiants proches du Parti communiste français peu enclins à épouser le réformisme radical-socialiste du directeur de l’ENS [19].

Un ensemble composite d’élèves de la rue d’Ulm et d’étudiants de la Sorbonne

9Ce premier recensement des étudiants de Bouglé permet, d’ores et déjà, une première investigation sociographique. Sans nous arrêter à des caractéristiques tels que l’âge et l’origine sociale qui mériteraient d’être explorées, on peut pointer, à partir de cet échantillon quelques faits relatifs à la réussite scolaire, à la nationalité et au genre pour dégager un portrait de groupe des étudiants de Bouglé. Le niveau scolaire de ses apprentis sociologues est élevé. Car, si Bouglé n’a jamais négligé d’enseigner la sociologie aux membres de l’enseignement primaire [20], c’est parmi les élèves de l’ENS qu’il cherche, en premier lieu, à susciter des vocations. De fait, dans notre échantillon, les normaliens constituent un fort noyau à hauteur de 36% de l’ensemble. Poussant la sélection un peu plus loin, Bouglé use de sa fonction directoriale à l’ENS pour orienter les élèves de la section Lettres vers telle ou telle agrégation, favorisant ou décourageant, par la même, une vocation de sociologue [21]. En effet, pour lui, la philosophie reste la voie royale qui mène à la sociologie et s’engager dans la préparation d’une agrégation d’histoire, de lettres, de langues ou de grammaire signifie, à ce stade des études, renoncer à un devenir de sociologue. On constate que sur les 27 agrégés de l’échantillon, 23 ont réussi l’agrégation de philosophie, les autres se partageant entre l’histoire-géographie et les lettres. Cependant, la réussite à l’agrégation de philosophie peut avoir des effets contre-productifs pour la formation de sociologues. Le jeune agrégé se retrouve, du jour au lendemain, nommé dans un lycée de province, pour certains (Colmar, Valenciennes, Mont-de-Marsan, Vendôme, etc.) éloignés des villes universitaires. Or, l’orientation vers la sociologie se finalise dans les études universitaires à un haut niveau (diplôme d’études supérieures et, surtout, doctorat), là où la recherche personnelle commence à se manifester. C’est au cours de ce cursus que les vocations prennent véritablement corps. Le moment clé paraît être le passage du diplôme d’études supérieures au doctorat [22]. Parmi les apprentis sociologues, certains confirment alors leur vocation tandis que d’autres, au contraire, bifurquent. Ainsi, des normaliens et des néo-agrégés, attirés un temps par la sociologie, choisissent in fine de poursuivre leur formation à la recherche dans une autre direction. Citons Simon (philosophie), Lévi-Strauss et Soustelle (anthropologie), Schwob (économie), Vignaux (philosophie médiévale). En raison des fluctuations dans le choix de carrière et de spécialité des étudiants, Bouglé ne peut s’attacher une « écurie » stable à l’instar de nos modernes équipes de recherche. Sa composition varie au gré des entrées et sorties de l’ENS, des défections d’élèves pourtant remarqués, mais aussi en fonction d’apports provenant de la Sorbonne. Contrairement au vécu de S. de Beauvoir et de R. Aron, dont l’une dit : « A la Sorbonne, personne ne suivait les cours de sociologie, ni ceux de psychologie, tant ils nous semblaient insipides », et l’autre : « A la Sorbonne, entre 1924 et 1928, Paul Fauconnet et Célestin Bouglé enseignaient la sociologie (…), ni l’un ni l’autre n’éveillaient de vocations » [23], la Faculté des lettres se révèle bel et bien un lieu de recrutement d’apprentis-sociologues. Ainsi, l’écurie B. intègre des non normaliens – qui plus est non agrégés (Golodetz, Klanfer, Marjolin, Rosenstock, Weiss) – passés par la Sorbonne. C’est encore plus vrai pour les outsiders dont la majorité (80%) provient de la Sorbonne.

10L’examen de l’échantillon appelle une autre remarque, relative celle-là à sa dimension internationale. En dépit du poids des ulmiens, forcément nationaux, 30% des étudiants en sociologie sont étrangers. Bouglé doit son attractivité à son poste en Sorbonne où il existe une tradition bien ancrée : celle de l’étudiant étranger venant faire des études supérieures auprès des maîtres de la prestigieuse université. Cependant, on remarque dans cette attractivité des spécificités qui mériteraient d’être expliquées. Ainsi, on ne relève, parmi les étudiants de Bouglé, ni Britanniques, ni Hongrois, pourtant parmi les dix contingents nationaux les plus importants de la Faculté [24]. Par ailleurs, l’origine géographique des étudiants sociologues évolue sur la période étudiée. Durant la décennie 1920, la présence d’étudiants venus d’Europe orientale, d’Amérique du nord ou d’Asie (Lê-van-Kim, Owings, Raléa, Roman, etc.) pour couronner leur cursus par un doctorat, est conforme au rayonnement de la Sorbonne dans l’immédiat après-guerre. Par la suite, au cours des années trente, l’internationalité provient surtout d’étudiant-e-s d’origine germanique (Allemagne et Autriche). Cette sur-représentation d’étudiants venus d’outre-Rhin est particulièrement sensible dans l’écurie B. On peut y voir la marque de la germanophilie de Bouglé (qu’il partage avec Halbwachs) et l’effet de son rapprochement avec l’Institut de Francfort [25]. Elle tient aussi à l’image politique du sociologue-directeur de l’ENS. Pour ceux que la montée des totalitarismes pousse à l’exil en raison de leurs idéaux politiques, Bouglé fait figure de « mandarin de gauche », susceptible d’un accueil intellectuel favorable. En contre-point de cette germanisation, la quasi-inexistence d’étudiants américains surprend alors que le CDS bénéficie, directement ou indirectement, du soutien de la Fondation Rockefeller et qu’il envoie outre-Atlantique – où Bouglé s’est rendu en 1929 – plusieurs de ses membres étudier les réalités sociales du new deal[26] (Marjolin, Rosenstock, Stoetzel). Soulignons que la présence d’étudiants d’origine germanique se révèle profitable pour l’activité du CDS car ceux-ci réalisent des travaux de qualité en un temps record. C’est le fait, en particulier, d’étudiantes : I. Berger, H. Golodetz, H. Weiss. Selon le témoignage de Paul Honigsheim qui est à la tête de l’annexe parisienne de l’Institut de Francfort, cette efficacité n’aurait pas été sans poser des problèmes d’intégration au sein du milieu de la recherche français, moins habitué à travailler d’arrache-pied :

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« L’intellectuel français type, qui voulait avant tout la sécurité et un avenir bien tracé pour lui-même et sa famille, trouvait que ces maudits intellectuels allemands représentaient un danger pour son mode de vie, car ils ne passaient pas leur temps à boire des apéritifs avec leurs amis et travaillaient deux fois plus que les Français. Ils travaillaient pour l’amour de Dieu ou, s’ils n’étaient pas religieux, pour l’amour du travail, ce qui est à peu près la même chose pour un véritable universitaire allemand. Par conséquent, loin de les accueillir avec sympathie comme aux États-Unis, les Français voyaient d’un mauvais œil l’implantation d’universitaires allemands dans leur milieu »[27].

12Dernière remarque, dans l’ensemble des étudiants de Bouglé, l’élément féminin occupe une place non négligeable. Cependant, elle est inférieure (32%) à la moyenne générale en Lettres (48% en 1937) [28]. Par ailleurs, la féminisation tient surtout à la présence d’étudiantes étrangères, allemandes et chinoises, plutôt qu’à de jeunes Françaises encore rares (Thibert, Ferré, Doré). La place que prendront, après la Deuxième Guerre mondiale, au sein de la sociologie refondée, Viviane Isambert-Jamati et Andrée Michel, par exemple, n’est pas encore acquise.

La sociologie « bougléo-durkheimienne » : objets et méthodes

13Le relevé des sujets de mémoires (Des) et de thèse (Doctorat d’université ou es-lettres) ainsi que des conférences devant le CDS fait apparaître ce que l’on peut qualifier de programme collectif de formation et de recherche orchestré par Bouglé. En effet, on y lit les domaines sur lesquels celui-ci invite ses étudiants à travailler [29]. Sur vingt ans, apparaissent quatre orientations principales.

La pensée sociale

14Dans la suite des Prophètes socialistes[30] et conformément à l’intitulé de chaire de Bouglé (« histoire de l’économie sociale »), plusieurs étudiants se consacrent à l’étude de la pensée sociale au XIXe siècle. C’est particulièrement vrai au niveau du diplôme d’études supérieures où le travail sur un « grand auteur », dans la tradition de la philosophie, est souvent adopté. Au premier rang de ces auteurs figurent Comte, Proudhon et Fourier [31] (à eux trois ils constituent 38% des sujets de mémoire pour le Des), mais aussi Saint-Simon, Charles Dunoyer, Pecqueur, Considérant (dont le CDS a reçu la bibliothèque en dépôt) et Le Play [32]. Les travaux auxquels ils donnent lieu vont d’une simple communication devant le CDS à des mémoires et des thèses. Ainsi, Raléa et Bouglé en personne s’attachent à Proudhon, tandis que Canguilhem, Abanson, Varney, Boivin, Borne et Luc, entre 1926 et 1934, étudient l’auteur du Système de politique positive. Morris Friedberg et René Maublanc, à dix ans d’écart, se penchent sur Fourier et Raymond Polin planche sur Le Play (1937). La réflexion sur le marxisme, est loin d’être absente [33] (13% des sujets de mémoire de Des). On la trouve chez Lévi-Strauss (1930) ou, plus tard, chez Doré ou Golodetz-Zahn laquelle traite de son application à l’organisation économique (1935). Maublanc, à la fois grand aîné de l’écurie B. et marginal en son sein, confronte, quant à lui, marxisme et sociologie. Remarquons la quasi-absence des sociologues contemporains comme sujet d’étude au niveau du diplôme d’études supérieures. Seuls Durkheim (3), Lester Ward (1), Fouillée (2) et von Wiese (1) font exception. Les recherches des étudiants de Bouglé sont encore loin, sur le plan des auteurs de référence, de refléter son Guide de l’étudiant en sociologie.

Les questions théoriques

15Une deuxième orientation de recherche, évidemment pas toujours nettement distincte de la première, consiste en l’étude de questions théoriques abordées sous un angle philosophique et sociologique. Tour à tour, le jugement de valeur (Déat), l’idée de révolution (Raléa, Doré), la philosophie de l’histoire (Aron) font l’objet de recherches entreprises généralement dans le cadre d’un doctorat.

Les problèmes contemporains

16Les problèmes économiques et sociaux contemporains occupent une place importante dans le programme de recherche. Ils se révèlent, pour ceux qui s’y consacrent, propices ou conciliables avec un engagement politique. Ils requièrent ce que Bouglé nomme la « sociologie inductive » c’est-à-dire une démarche d’enquête. Plusieurs recherches sont centrées sur l’organisation industrielle et sociale en plein bouleversement à travers l’étude des expériences Roosevelt ou de la planification soviétique (Yovanovitch, Schwob, Marjolin, Franck-Rosenstock, Friedmann). Le syndicalisme (Gaït, Franck-Rosenstock, Wou, Posner) et la coopération (Charon, Polin) sont aussi l’objet de la réflexion des apprentis sociologues. Dans les années trente, trois autres questions vives émergent : l’immigration (Wlocewski, Chevant) [34], les classes sociales (Ferré, Mougin, Feldman, Klanfer) et le fascisme (Maget). Certaines de ces recherches font l’objet d’un financement durable de la part du Conseil universitaire de la recherche sociale à partir de 1935.

La sociologie historique

17Plusieurs travaux dénotent combien la perspective historique est présente dans la conception de la sociologie de Bouglé. Peut-être pour faire pièce à une histoire sociale en plein essor – Les Annales d’histoire sociale de L. Febvre et M. Bloch voient le jour en 1929. Outre l’histoire de la pensée sociale mentionnée plus haut, Bouglé encourage des travaux sur des faits du passé dont certains feront date. Par exemple, ceux de Duveau et de Rigaudias-Weiss sur la classe ouvrière. Le féminisme est aussi approché sous l’angle historique, notamment dans ses rapports avec le socialisme (Ferré, Le-Van-Kim, Li, Thibert). Mais aussi le capitalisme (Henry)

18Beaucoup des sujets de thèse ou de mémoire peuvent paraître éloignés des priorités que Durkheim donnait à la sociologie. Certains impliquent des enquêtes directes (que Bouglé qualifie de « sociologie inductive ») qui ne répondent pas à l’impératif d’étudier des « faits sociaux consolidés » énoncé dans les Règles. À travers sa direction de travaux, Bouglé trace donc les contours d’une sociologie originale, sans pourtant rompre, pour l’essentiel, avec le paradigme durkheimien auquel il redit constamment son attachement. Sa conférence reproduite par les Archives de D. Gusti (c. 1924) est très claire sur ce point [35]. De même son Bilan de la sociologie française contemporaine (1935).

Des étudiants politisés

19Si on peut partager les étudiants de Bouglé en insiders et en outsiders, la majeure partie d’entre eux présente une même caractéristique : l’engagement en politique. En effet, la plupart des individus de notre échantillon ne conçoivent pas la sociologie indépendamment d’une action au sein de la Cité. En cela, ils sont bien bougléens [36] même si leur engagement diffère du réformisme de leur maître. Les renseignements récoltés sur leurs engagements (colonne 7 des tableaux I et II) le montrent amplement. On peut y distinguer deux types d’engagement, l’un directement politique, en référence à un parti, l’autre plus social, axé sur des valeurs et combiné avec l’adhésion à un mouvement (pacifisme, jeunisme, féminisme).

À gauche toute !

20L’orientation de gauche des apprentis sociologues de Bouglé est largement majoritaire durant la période allant du Cartel des gauches au Front populaire. Elle se formalise à l’ENS dans l’existence d’un cercle de gauche où l’on sait aussi s’amuser dans la tradition des canulars de l’École [37]. Sur l’éventail des offres politiques, elle va des sympathies pour le frontisme de Bergery (Duveau, Gaït) à celles, plus ou moins orthodoxes, pour le Parti communiste (Friedmann, Luc, Maublanc [38], Mougin, Posner, Weiss, Golodetz) en passant par les différentes nuances du socialisme (Déat, Bonnafous, Boivin, Lévi-Strauss, Klanfer). Il y a aussi des démocrates chrétiens (Simon, Borne) [39]. L’absence de partisans déclarés de la droite ou du fascisme [40] n’est pas une surprise, surtout après la formation du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (1934) qui crée un clivage au sein de l’intelligentsia [41]. Pour la majorité des étudiants de Bouglé, ce « tous de gauche » se concrétise par un activisme favorisé par la montée du Front populaire. S’engager est une évidence aussi bien pour les étudiants socialistes (Boivin, Vaysset) que pour les démocrates chrétiens (Borne, Simon) ou les communistes. Certains vont même jusqu’à briguer un mandat national (Déat, Philip) ou occuper des responsabilités ministérielles (Déat, Gaït, Boivin, Luc). Ce qui vaut pour les Français peut valoir aussi pour d’autres, en particulier les Roumains (Vulcanescu, Raléa).

21Les conflits politiques à l’échelle nationale et internationale ne manquent pas de se réfracter dans le microcosme bougléen où des tensions sont perceptibles entre tenants des différentes sensibilités de gauche. Elles sont visibles au niveau des supports éditoriaux. Bouglé, en tant que publiciste et directeur de collection, affirme clairement sa voie réformiste en matière économique et sociale. Ses multiples interventions dans la presse le signifient à foison. Les collections qu’il fonde et qu’il dirige, hors espace durkheimien, vont dans le même sens, qu’il s’agisse de sa « Bibliothèque d’information sociale » chez Garnier Frères [42] ou de la collection « Réformateurs sociaux » chez Félix Alcan [43].

Bouglé, directeur de collection

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Bouglé, directeur de collection « Bibliothèque d’information sociale » Paris, Garnier Frères (1921-1927) « Réformateurs sociaux » Paris, Félix Alcan (1928-1932) Les techniques nouvelles du syndicalisme (M. Leroy, 1921) ; La tradition socialiste en France et la SDN, (J.-L. Puech, préf. de Charles Gide, 1921) ; Production industrielle et justice sociale en Amérique (Ch. Cestre, 1921) ; Le problème religieux dans la France d’aujourd’hui (Ch. Guignebert, 1922) ; Le paysan français après guerre (M. Augé-Laribé, 1923) ; Le socialisme des producteurs : Henri de Saint-Simon (M. Leroy, 1924) ; La ville française : institutions et libertés locales (M. Leroy, 1927) ; L’avenir de la démocratie (Guy-Grand, 1927). Fénelon (M. Leroy, 1928) ; Lamennais (Paul-Boncour, 1928) ; Jaurès (Vandervelde, 1929) ; Condorcet (Buisson, 1929) ; Proudhon (Bouglé, 1930) ; Enfantin (Charléty, 1930) ; Montesquieu (Lanson, 1932) ; de Mun (Sangnier, 1932) ; Fourier (Pois-son, 1932) ; Sismondi (E. Halévy).

Bouglé, directeur de collection

22La parole y est donnée à la « vieille garde » intellectuelle proudhonienne et non à la génération montante, aux « nouvelles relèves » selon l’expression d’O. Dard. Est-ce entièrement de son fait ? Manifestement, certains normaliens sont plus en sympathie avec l’univers communiste des Éditions sociales internationales (Esi) fondées en 1927. G. Friedmann y dirige, à partir de 1935 [44], la collection « Socialisme et culture » [45] qui publie Feldman, Maublanc, Mougin, Luc. G. Friedmann lui-même publie ses Problèmes du machinisme en URSS et dans les pays capitalistes (1934) dans la collection « Problèmes. Essais sur les grandes questions contemporaines ». Après Munich, il collabore à des périodiques « compagnons de route » du PCF comme le quotidien Ce Soir ou la revue Les Volontaires de Renaud de Jouvenel. D’autres étudiants de Bouglé suivent son exemple ; ils interviennent dans la grande presse (L’Oeuvre) ou participent à des revues intellectuelles (Esprit, Commune) dont S. de Beauvoir a dit qu’elles « naissaient et mouraient comme des mouches ». L’engagement en politique est donc, à la fois, unificateur et clivant. Il révèle ce qui sépare Bouglé de nombre de ses élèves et ceux-ci entre eux. Il peut aussi se conclure tragiquement (Klee, Feldman, Cavaillès, Minkowska [46]).

Militants des mouvements sociaux

23À côté de l’engagement dans un parti politique qui implique une relative acceptation d’un cadre hiérarchique et réglementé [47], la fameuse « discipline de parti », il existe, de la part des étudiants de Bouglé, d’autres investissements, plus sociaux que partidaires. On relève trois domaines de pensée et d’action : le pacifisme, le féminisme et le jeunisme. Le premier est le fait d’étudiants (Canguilhem, Laubier, Charon) qui partagent les idées d’Alain, plus que celles de Bouglé. Le pacifisme est un enjeu dans la période qui divise les intellectuels de manière passionnée [48]. Le féminisme est incarné par des étudiantes françaises et étrangères (Thibert, Ferré, Li) qui articulent le combat pour l’égalité des droits à la recherche sociologique. Le jeunisme, enfin, est très minoritaire mais il répond à une attente générale que l’on retrouve chez presque tous, quel que soit leur type d’engagement. En effet, dans une société française enlisée dans ses archaïsmes, les jeunes veulent prendre la parole et participer à la définition de leur avenir. J.-G. Charon, véritable « non-conformiste des années trente » [49], a compris cette attente. Il lui donne forme en fondant le mouvement J.E.U.N.E.S. (Jeunes Équipes Unies pour une Nouvelle Économie Sociale) par son appel du 11 mars 1934. À l’instar de la Revue des jeunes de Robert Garric, mais empruntant une voie beaucoup plus radicale, le mouvement de Charon s’impose comme interlocuteur dans le débat public. Ainsi, les résultats de son enquête auprès de jeunes sont repris dans L’Humanité, tandis que Charon et le groupe « Dynamo » qu’il a fondé se rapprochent de Jacques Duboin et de la Ligue du droit au travail.

24Que le féminisme et le pacifisme figurent parmi les valeurs défendues par les étudiants n’étonne pas quand on sait la place que Bouglé leur donne dans sa sociologie [50]. On est surpris, par contre, que la coopération, à la fois objet de recherche et valeur sociale prônée par Bouglé [51], n’ait pas fait d’adeptes. Ni Marjolin, ni Polin et Charon ne semblent avoir continué dans cette voie de recherche et d’action. De même, le syndicalisme et l’éducation populaire ne mobilisent guère les étudiants de Bouglé, à l’exception de Georges Lefranc mais qui n’est pas, à proprement parler, un élève en sociologie, et de P. Vignaux et F. Henry qui rejoignent la CFTC et animent le syndicalisme en milieu universitaire.

Une compénétration durable ?

25L’engagement vécu à l’époque étudiante s’avère durable pour plus d’un étudiant de Bouglé. Certains deviennent des politiciens professionnels ou des responsables politiques, suspendant pour un temps leur carrière universitaire. Plusieurs cas illustrent cette compénétration du sociologique et du politique. Raymond Aron et Jacques Soustelle sont emblématiques de ce phénomène. Mais aussi Marcel Déat et Max Bonnafous. D’autres, plus obscurs, en sont également représentatifs à leur niveau comme, par exemple, un étudiant de la première génération (cf. Tableau I, période 1), Dragoljub Jovanović (ou Yovanovitch) venu à Paris, préparer une thèse avec Bouglé en vue du doctorat es-lettres. Son parcours (voir encadré ci-dessous [52]) est exemplaire de l’alliage entre sociologie et action politique (ou sociale). En multipliant les vignettes similaires, sorte de carnet de croquis des étudiants de Bouglé, on pourrait ainsi dessiner l’ombre portée de la sociologie sur la société, en France et ailleurs. Ces courtes monographies montreraient que l’acclimatation de la sociologie à la société des années vingt et trente a dépassé les traces consolidées qu’elle a pu laisser dans le champ scientifique stricto sensu. Minorée dans les facultés, la sociologie envahit le débat public où ses représentants, affirmés ou discrets, apprentis ou aguerris, donnent de la voix.

Dragoljub Jovanović (Gnjilan, 1895-Belgrade, 1977)

Diplômé en philosophie et en sociologie à la Faculté des lettres de Clermont-Ferrand (1917) où il s’est réfugié durant la Première Guerre mondiale, licencié en droit, Jovanović s’inscrit à la Sorbonne en 1919, où il soutient deux thèses en vue du doctorat es-lettres : Le rendement optimum du travail ouvrier : étude sur les stimulants modernes de l’activité ouvrière, (1923a), sa thèse principale, et Une efficacité optimale du travail manuel : étude sur les stimulants modernes du fonctionnement des activités, sa thèse complémentaire, publiée sous le titre Les stimulants modernes du travail ouvrier : essai de bibliographie systématique (Puf, 1923b). Ces travaux sont représentatifs du dispositif de formation que Bouglé avait mis en place. Sur le plan de la méthode d’abord. La thèse principale est issue d’une enquête faite auprès de patrons parisiens et de représentants du Comité des forges, mais aussi de leaders ouvriers du mouvement syndical, de la SFIO, aussi bien que de travailleurs anonymes de Paris et du Havre, enfin d’émigrés yougoslaves. Jovanović cite, par ailleurs, explicitement comme références documentaires « les publications du Bureau international du travail » qui « ont fourni des renseignements postérieurs à 1919 », ainsi que les « collections spéciales » du Centre de documentation sociale » (Jovanović, 1923a, p. 24). Enquêtes de terrain, dépouillement systématique de documentation, autant de pratiques que Bouglé incitait ses étudiants à adopter, en leur donnant les moyens de le faire. L’objet ensuite révèle bien une intrication entre action politique et activité scientifique. Constatant que la Grande Guerre a exigé des travailleurs un effort sans précédent pour répondre aux besoins de l’industrie de guerre, mais les a laissés dans un état de grande faiblesse tant physiologique que psychologique et morale, Jovanović prophétise, pour réamorcer la croissance économique, l’avènement d’une ère nouvelle où il devient évident à tous que les stimulants de l’activité économique ne peuvent se résumer à une hausse des salaires accompagnant l’amélioration des performances du système technique. Il convient désormais de répondre aux aspirations des ouvriers. En d’autres termes, pour arriver à un rendement optimum, et non plus maximum, il faut prendre en compte l’élément social : mettre l’ouvrier dans des conditions favorables de travail et de vie, en lui assurant la santé, et une situation morale satisfaisante. Cela passe par l’amélioration d’un bien-être dont les conditions sont une éducation adéquate, la promotion de la justice par la démocratie politique, économique et sociale, afin que le consentement des ouvriers devienne libre et intelligent [53]. Aussi les développements de la thèse sont-ils un examen systématique de toutes les dimensions à la fois psychologiques, physiologiques et sociales, des stimulants susceptibles de motiver les ouvriers. À noter que Jovanović inscrit son travail dans la continuité des travaux de Fourier, Proudhon, Pecqueur, « esprits avertis » qui avaient déjà perçu l’importance des facteurs physiologiques et psychologiques. La thèse complémentaire est une bibliographie systématique sur le sujet, dont l’idée « appartient » au « cher maître M. C. Bouglé ». C’est également grâce à sa recommandation qu’elle a pu être publiée dans la collection du Centre de documentation sociale qu’il dirige à l’École normale supérieure » (Jovanović, 1923b, p. V-VI).
À l’image de Bouglé, Jovanović n’a jamais dissocié ses intérêts intellectuels de ses activités politiques. Une fois sa thèse soutenue, il retourne en Yougoslavie où il est nommé professeur d’économie politique à la Faculté de droit de Belgrade, spécialisé en politique agraire [54], en même temps qu’il joue un rôle de premier plan dans les groupes de la gauche agraire. Dans les années 1930, il est parlementaire, député du Parti paysan croate. Traduit en justice en 1932 pour son opposition au roi Alexandre, il est condamné à un an de prison en dépit du soutien de la Ligue des droits de l’Homme et de celui, personnel, de Bouglé qui, dans la presse française, « fait l’éloge de l’œuvre scientifique de son élève ». Il perd son poste à la Faculté de droit. Amnistié (1935), il est réélu, puis à nouveau arrêté en 1938, jugé et condamné. Pacifiste, adversaire des idéologies fasciste et nazie, il met en garde, dans ses œuvres et ses discours, contre ce danger, et initie la création du Front populaire de Yougoslavie. Il passe la guerre dans la clandestinité, se cachant à Belgrade ou dans le reste de la Serbie. Après l’occupation du pays par les Allemands, il fait partie des intellectuels serbes qui appellent à coopérer avec le mouvement des partisans, incitant notamment les membres de son Parti national paysan à se joindre au Mouvement de libération nationale. Après guerre, il siège à l’Assemblée nationale de Yougoslavie en tant que représentant du Front populaire, et retrouve son poste à la Faculté de droit (1945). Il travaille un temps avec les communistes, mais rejoint vite l’opposition en critiquant la politique de la Ligue des communistes de Yougoslavie, et notamment le système du parti unique, ce qui lui vaut d’être à nouveau expulsé de la Faculté de droit (1946) et d’être arrêté, puis condamné à 9 ans de prison (1947). Il est accusé de prendre ses ordres auprès de gouvernements étrangers, de tremper dans un vaste complot où sont de même accusés les leaders du Parti paysan croate. On l’accuse aussi d’avoir donné des interviews à des journalistes anglais et d’avoir prophétisé que le gouvernement yougoslave allait s’écrouler à cause de difficultés économiques. Il critique, en effet, la politique agricole qui oblige les paysans à livrer une partie de leur récolte à l’État, décision qui a entraîné une forte baisse de la productivité. On peut déduire ces prises de position des convictions qu’il a pu se forger en lien avec ses intérêts intellectuels en matière d’économie sociale. La collectivisation de l’agriculture était sans doute une aberration au regard des mesures qu’il préconisait pour assurer à la fois rendement et bien-être des travailleurs. A sa sortie de prison (1956), il vit de façon très modeste, sans ressources, et dans l’isolement politique et social. Il est réhabilité en 2009.
Sources : Yovanovitch Dr., 1923a, Le Rendement optimum du travail ouvrier : étude sur les stimulants modernes de l’activité ouvrière (Paris, Payot) ; 1923b, Les stimulants modernes du travail ouvrier : essai de bibliographie systématique (Paris, Puf) ; collection du quotidien de la SFIO, Le Populaire (1920-1939).

Sociologie et politique, deux domaines consubstantiels ?

26L’enquête sur les étudiants apprentis-sociologues de Bouglé amène à conclure que, pour la plupart d’entre eux, dans la ligne de leur maître, l’engagement en politique est consubstantiel de la sociologie. Exercer la sociologie va de pair avec une intervention dans la Cité qui actualise le travail scientifique. Certes, ce désir d’engagement n’est pas propre aux apprentis sociologues. Il est largement partagé au sein de la jeunesse intellectuelle de l’entre-deux-guerres. Mais chez les étudiants de Bouglé, il s’autorise de la conception de la praxis de l’auteur De la sociologie à l’action sociale. Leur engagement apparaît comme un « héritage » de ce dernier : la marque qu’il a laissée sur la sociologie française. On pourrait dire, paraphrasant Clausewitz, que, pour Bouglé et ses émules, la politique est la continuation de la sociologie par d’autres moyens.

ANNEXE (A) : l’échantillon

27Nous avons distingué les étudiants de Bouglé, à ce jour recensés, en fonction de leur participation au dispositif spécifique de recherche et d’édition schématisé dans le tableau ci-dessous. Ce dispositif qui facilite l’essor de la sociologie, complète les enseignements statutaires assurés par Bouglé. Il comprend un volet « recherche », composé d’institutions et de groupes plus ou moins durables, et un volet « publication » qui assure une diffusion sélective des recherches entreprises [55][56][57][58].

tableau im3
Dispositif de recherche sociologique et de publication universitaire patronné par Bouglé Recherche Société des amis de Proudhon Centre de documentation sociale (1920) 2 Groupe d’étude des sciences sociales du Centre d’études de politique étrangère (1936) Conférence internationale des sciences sociales (1937) Légende SAP CDS CEPE CISS Publication Proudhon, Œuvres complètes (Marcel Rivière) « Publications (ou Travaux) du Centre de documentation sociale » dont Inventaires I, II et III (1936-1939) 3 Année sociologique, nouvelle série (1923-1925) ; Annales sociologiques (1934-1941) 4 Les sciences sociales en France : enseignement et recherche (1937) Légende OC Proudhon Pub. CDS, Inv. I, II, III AS SS

28Les étudiants recensés, au nombre de 70, sont rangés dans deux tableaux distincts, l’un intitulé « écurie » (tableau I) composé d’étudiants collaborant au dispositif ci-dessus, l’autre outsiders (tableau II) regroupant les étudiants restés extérieurs au dispositif. Dans chacun des tableaux, nous mettons en regard du cursus d’étude de chaque étudiant (col. 2, 3 et 4) des éléments biographiques relatifs à son engagement politique ou civique (col. 7). Pour ce qui est des étudiants de l’« écurie », nous précisons leur collaboration au dispositif de Bouglé (col. 5 et 6). Le classement est alphabétique.

29L’enquête a porté sur les promotions d’étudiants de la période allant de 1920 à 1940, divisée en deux séquences : 1920-1927 et 1928-1940. La coupure est justifiée par la prise de fonctions directoriales de Bouglé à l’ENS [59] qui marque un tournant dans ses relations avec les étudiants. Elle prend aussi en compte le contexte politique : jusqu’en 1927, la société française est dans l’après-guerre, ensuite s’ouvre une nouvelle période qui conduit au Front populaire tandis que montent les totalitarismes. Durant toute cette période, Bouglé est professeur à la Sorbonne sur la chaire d’histoire de l’économie sociale, mais il se fait suppléer à quatre reprises, par Maurice Halbwachs en 1935-36 et 1936-37, par Albert Bayet en 1938-39 et 1939-40. Ces années-là, il est donc moins directement en contact avec les étudiants.

Tableau I[60]

L’écurie de Bouglé (1920-1940)[61][62][63][64][65][66][67][68][69][70][71][72][73]

Tableau I60
Étudiants Filière d’études Collaboration au dispositif de Bouglé – Changement d’orientation disciplinaire éventuel ; – Engagement politique durant les études et ultérieurement ; – Devenir professionnel. ENS ; Agrégation Faculté des lettres (Sorbonne) Ou autre université Légende : Doctorat en droit (DD) ; École pratique des hautes études (EPHE). * : étudiant dont le mémoire pour le DES a été conservé dans les papiers Bouglé. Formation antérieure ; diplôme d’études supérieures en philosophie (avec mention du sujet du mémoire) 7 Titre de la thèse 8. Doctorat d’université (DU). Doctorat es-lettres (DL). – CDS (fonction, recherche, conférence, publication) dont Inv. I, II ou III (1936-1939) – CEPE – CISS – AS (1923-1925) – AS (1934-1941) – SS (1937) Période 1 : Bouglé chaire en Sorbonne + direction CDS (1920-1926) Bonnafous (Max) (1900-1975) ENS 1920 ; Philo (1924) Étude de la correspondance échangée entre Henri Morus et Descartes 1648-1649 (1922). Inscrit DL pour une thèse sur le suicide. AS (1923-1925) – Milite aux Étudiants socialistes. Chef de cabinet d’A. Marquet (1934). Secrétaire du Parti néosocialiste (1935). Ralliera le régime de Vichy dont il sera préfet, puis ministre (1942) ; – Professeur au lycée français de Constantinople (1926). Maître de conférences à la Faculté des lettres de Bordeaux (1931). Éditeur des œuvres de Jaurès (1931-1939).
Tableau I60
Cavaillès (Jean) (1903-1944) ENS 1923 ; Philo (1927) La philosophie et les applications du calcul des probabilités chez Bernouilli (1926). DL/s??, Méthode axiomatique et formalisme : essai sur le problème du fondement des mathématiques (th. principale, 1937) CDS sec. archiviste (1928) ; recherche (enquête en Allemagne sur les mouvements de jeunesse en 1930-31) 9 – Histoire et philosophie des sciences ; – Pacifiste, collab. à Foi et Vie, à La paix par le droit. Rejoindra la Résistance. Arrêté et fusillé. – Agrégé répétiteur (ENS, 1932). Professeur de lycée (Amiens 1936). Maître de conférences à l’Université de Strasbourg (1938). Déat (Marcel) (1894-1955) ENS 1914 ; Philo (1920) Inscrit DL/s CB pour une thèse sur le jugement de valeur CDS secrétaire archiviste (1920-22 et 1925-26) ; (avec Bouglé), Guide de l’étudiant en sociologie, Garnier, 1921 (Pub. CDS) ; Inv. II (1937) AS (1923-1925) – Secrétaire de la section socialiste du Ve arrondt. Élu conseiller municipal SFIO à Reims (1924), puis député (Marne, 1926). Rompt avec la SFIO en 1932. Ministre de l’Air (1936). Ralliera le régime de Vichy, figure de la collaboration ; – Professeur au lycée de Reims (1922). Essertier (Daniel) (1888-1931) Philo (1919) L’œuvre de Tarde (/s G. Richard, Bordeaux, 1910). DL, Formes inférieures de l’explication, (1926), Alcan, 1927. CDS Psychologie et sociologie. Essai de bibliographie critique, Alcan, 1927 (Pub. CDS). AS (1923-1925) – Professeur à l’Institut français à Prague (1920), puis à l’Université de Poitiers (1929). Auteur de La sociologie, Paris, Alcan, 1930. Meurt dans un accident de la circulation. Ferré (Louise-Marie) (1897-1988) ép. Ratajski Les idées positivistes sur le rôle et les droits de la femme (1924) (publié Féminisme et positivisme, 1938). – Diplômée de l’EPHE (1925). DU /s CB, Les classes sociales dans la France contemporaine, 1934 (publiée chez l’auteur, 1936) « collaboratrice du CDS » (dixit Bouglé, 1933) – Militante féministe, espérantiste et naturiste ; – Bibliothécaire de la Ville de Paris. Friedberg (Morris) MA, Harvard University DU /s CB, L’influence de Charles Fourier sur le mouvement social contemporain, Marcel Giard, Paris, 1926, 180 p. Son ouvrage a bénéficié du soutien du CDS. – Américain.
Tableau I60
Friedmann (Georges) (1902-1977) ENS 1923 ; Philo (1926) Leibniz commentateur et juge de Spinoza (1925). Inscrit DL 1932 : L’homme et la machine dans les grandes nations industrielles (th. principale) ; Les commentaires de Leibnitz sur Spinoza (th. secondaire) 10 CDS recherche (enquête sur la rationalisation industrielle) ; Inv. I (1936) – Collabore aux Annales d’histoire économique et sociale, puis intègre son comité (1939) ; – Collabore à Clarté (1925), à la Revue marxiste (1929), à Europe. Proche du PCF. Dirige la collection « Socialisme et culture » aux Éditions sociales internationales. Rejoindra la Résistance ; – Assistant à l’ENS (1932-1935), professeur à l’École professionnelle Boulle (1935-1939). Laubier (Jean) (1901-1987) ENS 1921 ; Philo (1925) La doctrine cartésienne de l’union de l’âme et du corps (1923). AS (1923-1925) – Proche d’Alain et du pacifisme ; – Professeur en lycée (Saint-Omer, 1926, Poitiers, Amiens, 1930). Après la guerre, en poste en khâgne à Paris (Condorcet, Louis-le-Grand). Lebrun (Marcel-Charles) (1891-??) Inscrit DL 1933 : F. Buisson et l’œuvre scolaire de la IIIe République (th. principale). – CEPE – Professeur au collège de Pontoise, puis conservateur-bibliothécaire au Musée pédagogique, sous-directeur, enfin directeur (1939) 11. Détaché à l’Institut international de coopération intellectuelle (1928). Maublanc (René) (1891-1960) ENS 1911 ; Philo (1919) La place et le rôle de l’esthétique dans l’hégélianisme (1913). Secrétaire du CDS (1922) – Proche du PCF. Collabore à Clarté, à Europe. Participe au Cercle de la Russie neuve (conférence « Marx et Durkheim », 1934) 12 ; – Professeur au lycée de Reims (1921), puis à Paris (École alsacienne, Henri IV).
Tableau I60
Meuvret (Jean) (1901-1971) ENS 1922 ; HetG (1925) Prépare DL/s Hauser sur le problème des subsistances au temps de Louis XIV. – CDS secrétaire archiviste (1929-1931) – CEPE SS (1937) – Spécialiste des pays baltes. Auteur de Histoire et sociologie (1938) ; – Collabore au Populaire (1927), au Centre d’éducation ouvrière (CGT) (1938) ; – Bibliothécaire-adjoint ENS (1926) (en remplacement de Déat). Philip (André) (1902-1970) Le socialisme de ghilde (1922). AS (1934) – S’oriente vers l’économie politique. Guild socialisme et trade-unionisme. Quelques aspects nouveaux du mouvement ouvrier anglais (DD, 1923) ; – Membre de la SFIO (1920). Élu député du Rhône (1936) ; – Professeur à la Faculté de droit (Lyon). Raléa (Michel) (1896-1964) Diplômé en droit et lettres de l’Université de Iasi (1918). Proudhon, sa conception du progrès et son attitude sociale (1922). DL/s CB, L’Idée de révolution dans les doctrines socialistes. Étude sur l’évolution de la tactique révolutionnaire, M. Rivière, 1923 – CDS Révolution et socialisme : essai de bibliographie, Puf, 1923 (Pub. CDS). Roumain. – Participe à la politique caroliste ; ministre du Travail et des Assurances sociales (avril 1938-1940) ; – Professeur à l’Université de Iasi (1926), puis à Bucarest (1938). Vignaux (Paul) (1904-1987) ENS 1923 ; Philo (1927) La doctrine de connaissance de l’âme dans la philosophie de Malebranche (1926). Inscrit DL, 1927 : Théorie de la connaissance de Guillaume d’Occam CDS sec. archiviste (1927-28) ; recherche (les enquêtes ouvrières avant 1848 en 1937) AS (1935, 1937) – Bifurque vers la philosophie médiévale ; – Fondateur du SGEN-CFTC ; – Directeur d’études à l’EPHE (sciences religieuses). Vulcanescu (Mircea) (1904-1952) Diplômé de philosophie (Université de Bucarest, 1925). Inscrit DL /s PF, 1926, Essai sur les professions intellectuelles en France. AS (1938) Roumain. – Assistant de D. Gusti (1928). Puis, fait carrière dans l’administration (1930) ; – Sous-secrétaire d’État aux Finances dans le gouvernement d’Antonescu (1941-1944). Condamné sous le régime communiste (1946). Décède en prison.
Tableau I60
Wlocewski (ou Wloszczewski) (Stefan) (1896-1968) Dipl. École libre des sciences politiques. DU /s ?, L’organisation nationale de l’indemnité de chômage, Pedone, 1926. – CDS L’installation des Italiens en France, préf. CB, Alcan, 1934 (Pub. CDS). – CISS Polonais. – Défenseur de la cause polonaise. Collabore à La vie polonaise (1923) et à Pologne (1932) ; – Chercheur sur les questions d’immigration. Émigre aux États-Unis après un séjour au Portugal (1940). Publie History of Polish American Culture (White Eagle, NJ, 1946). Yovanovitch (Dragolioub) (1895-1977) Lic. d’histoire (Clermont-Ferrand, 1917) ; Lic. en droit (Faculté de droit de Paris). DL /s CB, Le rendement optimum du travail ouvrier. Étude sur les stimulants modernes de l’activité ouvrière, Payot, 1923 – CDS Les stimulants modernes du travail ouvrier : essai de bibliographie systématique, Puf, 1923 (Pub. CDS). Yougoslave (Serbie). – Membre du Parti agrarien, leader de la tendance favorable à Moscou 13, persécuté par le gouvernement ; – Professeur d’économie politique (Université de Belgrade, 1931). Période 2 : chaire en Sorbonne + direction CDS + sous-direction, puis direction de l’ ENS (1927-1940) Aron (Raymond) (1905-1983) ENS 1924 ; Philo (1928) La notion d’intemporel dans la philosophie de Kant, /s Léon Brunschvicg (1927). DL /s CB, Introduction à la philosophie de l’histoire : essai sur les limites de l’objectivité historique (th. principale, 1938) ; Essai sur la théorie de l’histoire dans l’Allemagne contemporaine : la philosophie critique de l’histoire (th. complémentaire). – CDS secrétaire administratif (1934-1939) ; conf. « une révolution anti-prolétarienne : idéologie et réalité du national-socialisme » (1935) ; Inv. I (1936), Inv. II (1937), Inv. III (1939) – CEPE – CISS AS (1936, 1938, 1941) ; SS (1937) – Adhère aux Étudiants socialistes (1925). Rejoindra la France Libre, puis le RPF (1947) ; – Assistant de français à l’Université de Cologne (1930). Professeur au lycée du Havre (1933). Secrétaire du CDS. Cours de philosophie à l’ENS de Saint-Cloud. Supplée Bonnafous à Bordeaux (1937), nommé maître de conférences à Toulouse (août 1939). Journaliste à Combat (1946). Berger (Ida) (1910- ?) ép. Chevant Études de littérature aux universités de Berlin et de Francfort sur le Main. DU /s CB, La description du prolétariat dans le roman naturaliste allemand, en cotutelle, 1935. CDS aide-technique (1936) ; recherche (enquête sur les postiers syndiqués en 1936-37 ; sur le dépeuplement rural). Allemande. – Membre des Jeunesses socialistes allemandes. S’exile en France. Participera à la Résistance ; – Professeur d’allemand au lycée Ronsard à Vendôme (1939). Intègrera le CNRS après la guerre.
Tableau I60
Charon (alias Nocher) (Jean) (1908-1967) ENS 1930 Le mouvement coopératif en Roumanie (1932). CDS recherche (enquête sur les coopératives rurales en Roumanie en 1932) ; (avec Polin), Les coopératives en Tchécoslovaquie et en Roumanie, Alcan, 1934 (Pub. CDS). – Crée le mouvement JEUNES (1934). Pacifiste. Collabore au journal L’OEuvre. Rejoindra la Résistance, puis le RPF. Député de la Loire (1951) ; – Journaliste à la radio (1946). Provoque l’opinion avec son émission de science-fiction « Plate-forme 70 ou l’âge atomique ». Duveau * (Georges) (1903-1958) L’état d’esprit des ouvriers sous le Second empire (1933) 14. Inscrit DL, 1937 : La classe ouvrière sous le second Empire – CDS, conf. « L’état d’esprit des ouvriers sous le second Empire » (1933). – SAP ; (avec Dolléans) éd. Proudhon, La révolution sociale (1936). – Participe à l’Institut supérieur ouvrier fondé par la CGT. Appartient à l’équipe fondatrice d’Esprit. Collabore à La Flèche (Bergery) en 1936-37. Proche de G. Izard avec qui il fonde la « Troisième Force » ; – Succèdera à Gurvitch à la Faculté des lettres de Strasbourg en 1948 après la soutenance de ses deux thèses (1946), la thèse complémentaire étant consacrée à la pensée ouvrière sur l’éducation. Feldman (Valentin) (1909-1942) Philo (1939) L’Idée de Dieu dans la philosophie de d’Holbach. Inscrit DL, 1933 : L’esthétique du laid CDS conf. « Les classes moyennes en Russie » (1936) ; Inv. III (1939) AS (1936, 1938, 1941). Né en Russie. – Élève de V. Basch. Auteur de L’esthétique française contemporaine (1936). Secrétaire de la section de synthèse historique du Centre international de synthèse dirigé par Henri Berr. Collabore à sa revue ; – Membre de la SFIO, puis du PCF (1937). Rejoindra la Résistance. Arrêté et fusillé ; – Enseignant en collège (Abbeville, 1933 ; Fécamp, 1938), puis en lycée (Nancy, Charleville, Dieppe).
Tableau I60
Franck-Rosenstock 15 (Louis) (1906-1991) X 1925 L’idéologie syndicaliste dans le corporatisme italien. CDS conf. « les classes moyennes en Italie » (1936-37) ; Inv. II (1937), Inv. III (1939). – Bifurque vers l’économie politique. Les Réalisations pratiques et les doctrines du syndicalisme fasciste (DD, Lille, 1933) ; – Proche de la SFIO. Collabore à XCrise (1937). S’exile aux États-Unis pendant la guerre ; – Ingénieur des manufacturesde l’État (1930). Sera directeur des prix. Gioan (Pierre) (1909-1977) ENS 1930 ; Lettres (1935) CDS recherche (enquête sur le paysan roumain) Professeur en lycée (Ampère à Lyon, 1935 ; Buffon, puis à Louis-le-Grand à Paris, 1951). Ultérieurement, inspecteur-général de l’Éducation nationale. Golodetz * (Hélène) (1910-1998) ép. Zahn Théorie marxiste de l’État et du droit (1935). DU/s MH, L’Économie planifiée en U.R.S.S. et l’économie dirigée aux États-Unis. Étude comparative, Nizet et Bastard, 1937 CDS recherche (enquête sur le niveau de vie des classes moyennes en 1936-37) Allemande. – Étudie le droit, avant d’émigrer à Paris (1933) ; – Proche du Parti communiste. – S’exile aux États-Unis pendant la guerre, puis revient en Allemagne de l’Est où elle accomplit une carrière universitaire. Kaan (André) (1906-1971) ENS 1926 ; Philo (1932) La philosophie du droit de Hegel et son influence sur Marx et Stein (1929). Inscrit DL, 1937 : La formation de la philosophie pratique de Hegel 16. CDS assistant (1938-1940) AS (1934, 1936, 1941) – Milite aux Étudiants socialistes. Frère de Pierre Kaan (1903-1945). Tous deux résistants, arrêtés et déportés ; – Professeur en lycée (Douai, 1935). Klée (Raymond-Lucien) (1907-1944) Philo (1931) Licence de philosophie de l’Université de Strasbourg (1928). La théorie et la pratique dans la cité platonicienne (1930). AS (1938, 1940) – Membre du Cercle universitaire Alsatia de catholiques sociaux partisans de l’autonomie (1926). Résistant. Arrêté et assassiné au camp du Struthof ; – Professeur en lycée (Thionville, 1932 ; Nancy, 1938 ; Saint-Louis, Paris, 1939).
Tableau I60
Le Lannou (Maurice) (1906-1992) ENS 1928 ; H et G 1932 CDS Secrétaire-archiviste 17 (1931-32) – Soutient une thèse de géographie humaine Pâtres et paysans de la Sardaigne (1941) ; – Professeur en lycée (Brest, 1935). Nommé à l’Université de Rennes à la Libération. Marjolin (Robert) (1911-1986) Les conceptions sociales du syndicalisme aux États-Unis (1934). CDS assistant auxiliaire (1936) ; conf. « Les expériences Roosevelt et la philosophie raciale » (déc. 1934) ; L’évolution du syndicalisme aux États-Unis, Alcan, 1936 (Pub. CDS) ; Inv. III (1939). AS (1934, 1936, 1938, 1940) – Bifurque vers les sciences économiques ; – Adhère à la SFIO (1929). Chargé de mission auprès de Blum (1936). Rejoindra la France Libre ; – Secrétaire général (1934) de l’Institut de recherches économiques et sociales fondé par Charles Rist avec le soutien de la Fondation Rockefeller. Sera adjoint de Jean Monnet, commissaire au Plan, en 1946, avant de rejoindre l’OECE (1948). Minkowska (Anna) (1906-1942) ép. Norbert Grasberg (1937) Diplômée de l’Université de Varsovie. Inscrite DL 18,c. 1937. AS (1940) Polonaise. – Sociologue, auteure d’une enquête en 1932 sur une centaine de familles de chômeurs (Rodzina bezrobotnych na podstawie ankiety, Varsovie, Institut d’économie sociale, 1935) ; – Enfermée dans le ghetto de Varsovie. Meurt au camp de Treblinka où elle a été déportée. Montagne (Robert) (1893-1954) DL Les Berbères et le Makzen dans le sud du Maroc : essai sur la transformation politique des Berbères sédentaires, Alcan, 1930. Participe au CEPE (groupe d’études islamiques) AS (1935) – Ancien élève de l’École navale, proche de Lyautey ; – Maître de conférences à l’Institut des hautes études marocaines à Rabat (1924), puis directeur de l’Institut français d’études arabes de Damas (1930) et fondateur du Centre des hautes études d’administration musulmane (1936).
Tableau I60
Mougin (Henri) (1912-1946) ENS 1930 ; Philo (1934) Inscrit DL, 1937 : Les classes moyennes et leur évolution en France depuis 1900. CDS recherche (enquête sur les classes moyennes en 1936-37) AS (1941) – Proche du PCF. Participe au Cercle de la Russie neuve. Signataire du Manifeste des intellectuels pour la paix (septembre 1938). Auteur de Pierre Leroux (ESI, 1938). Collabore à Commune et à La Pensée (1939). – Professeur au Collège Chaptal. Polin (Raymond) (1910-2001) ENS 1931 ; Philo (1934) La coopération agricole comme moyen de reconstruction économique d’après l’exemple de la Tchécoslovaquie (1933). DL /s MH, La création des valeurs. Recherches sur le fondement de l’objectivité axiologique (1944). CDS assistant (1935-1938) ; recherche (enquête sur la coopération : Tchécoslovaquie, 1933 et 1939, Belgique, 1936) ; publie avec Charon, op. cit. ; Inv. II (1937) ; conf. « Philosophie sociale de Le Play » (1937). AS (1936, 1938, 1941) – Professeur au lycée de Laon (1938), puis à Chartres (1939-1942), à Paris (Marcellin-Berthelot, Rollin, Condorcet). Jeune docteur, il est nommé maître de conférences à la Faculté des lettres de Lille (1945). Salomon (Gottfried) (1892-1964) Beitrag zur Problematik von Mystik und Glaube, thesis, Strasbourg, 1916. Inscrit DL, 1937 : L’école historique d’économie politique en Allemagne à la fin du XIXe siècle (G. von Schmoller). CDS affilié en 1933. Allemand. – Élève de Simmel, professeur de sociologie à Francfort s/ Main (1924). En séjour à l’ENS (1928). Anime les Rencontres de Davos (1928-1931). – Pacifiste. S’exile à Paris (1933). En relation étroite avec Bouglé. Schwob (Philippe) (?-1988) ENS 1925 ; Philo (1929) Le « Ich Denke » chez Kant (1928). Inscrit DL, 1935 : L’industrie électrique. Essai de sociologie économique. CDS secrétaire archiviste (1932-1934) ; conf. « La concentration dans les industries électriques ». AS (1934, 1938) – Bifurque vers l’économie politique. Les ‘investment trusts’ aux États-Unis (DD, 1934). – Intègre en 1935 l’Institut scientifique de recherches économiques et sociales où il retrouve R. Marjolin.
Tableau I60
Soustelle (Jacques) (1912-1990) ENS 1929 ; Philo (1932) Les phénomènes d’extase chez les non-civilisés (1931). DL (1936). AS (1937) – Orienté par Bouglé vers Mauss et l’anthropologie 19 ; – Pensionnaire de l’École française de Mexico (1933). Directeur adjoint du Musée de l’Homme (1937) ; – Rejoindra la France Libre. Stoetzel (Jean) (1910-1987) ENS 1932 ; Philo (1937) Psychologie de la publicité (1934). Inscrit DL sur « la réclame et la propagande ». DL /s MH, Esquisse d’une théorie des opinions, Puf, 1943. CDS recherche (enquête sur l’opinion publique française en 1938). AS (1941) – Assistant au Teachers College (Columbia University, New-York) (1936-37). Professeur en lycée (Amiens, Clermont-Ferrand, Évreux, puis lycée Rollin à Paris, 1942). Intègre la Fondation pour l’étude des problèmes humains d’A. Carrel (1942). Weiss (Hilde) (1900-1981) ép. Rigaudias Abbe und Ford. Pläne für die Einrichtung sozialer Betriebe-(dissertation pour son diplôme allemand). Publié sous le titre Abbe und Ford : Kapitalische Utopien (Berlin, Prager, 1927). DU/s CB, Les enquêtes ouvrières en France (1830-1848), préf. de C. Bouglé, Alcan, 1936 CDS recherche (enquête sur les journaux ouvriers lyonnais de la monarchie de Juillet, en 1936-37). Allemande. – Enquête aux usines Zeiss à Iena. Recrutée comme sociologue par l’Institut pour la recherche sociale de Francfort où elle participe aux études sur l’autorité et la famille avec Erich Fromm ; – Membre du Parti communiste (1925-1933) ; – S’exile aux États-Unis en 1939 où elle poursuit une carrière universitaire. Weinreich (Marcel) (1911- ? ?) Études à Heidelberg, Berlin et Rome. Inscrit en vue du certificat d’études supérieures de sociologie (1934). DU /s PF, Max Weber, l’homme et le savant. Étude sur ses idées directrices, Vrin, 1938 CDS conf. « La classification des types sociaux » (juin 1938) Né à Riga (Lettonie). – Bifurque vers la linguistique. Espérantiste ; – S’exile aux États-Unis.

L’écurie de Bouglé (1920-1940)[61][62][63][64][65][66][67][68][69][70][71][72][73]

Tableau II

Les outsiders (1920-1940)[74][75][76][77][78][79]

Tableau II
Étudiants Filière d’études Changement d’orientation disciplinaire ; Engagement politique durant les études et ultérieurement ; Devenir professionnel. ENS ; Agrégation Faculté des lettres (Sorbonne) Ou autre université * : auteur dont le mémoire pour le DES a été conservé dans les papiers Bouglé. Formation antérieure ; sujet du mémoire pour le diplôme d’études supérieures en philosophie 1 Titre de la thèse 2 Doctorat d’université (DU). Doctorat es-lettres (DL). Légende : Doctorat en droit (DD) ; Doctorat en médecine (DM) ; École libre des sciences politiques (ELSP). Période 1 : Bouglé chaire en Sorbonne + direction CDS (1920-1926) Canguilhem (Georges) (1904-1995) ENS 1924 ; Philo (1927) La théorie de l’ordre et du progrès chez A. Comte. Étude sur la méthode statique et dynamique (1926). – Bifurque vers la philosophie des sciences et la médecine (1936). Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique (DM, 1943) ; – Pacifiste de la tendance d’Alain, collabore à Libres propos. Adhère au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (1934). Rejoindra la Résistance ; – Professeur en lycée à partir de 1929 (Béziers, 1935, Toulouse, 1936). Chargé d’enseignement sur la chaire de Cavaillès (Université de Strasbourg repliée à Clermont, 1941). Lê-van-Kim DU /s CB, Féminisme et travail féminin dans les doctrines et dans les faits, Paris, Giard, 1926. – Bifurque vers le droit Les travaux publics en Indochine (DD, Paris, 1926) ; – Ingénieur civil des Ponts-et-Chaussées. Professeur-titulaire à l’École des hautes indochinoises (1924). Owings (Chloé) (1883-1967) Social Conditions of Tuberculous Children, MA Washington University 1911. DU /s PF, Les tribunaux pour enfants (1922), Paris, Puf, 1923 Américaine. – Travailleuse sociale venue à Paris durant la guerre. Cadre de direction à l’Hôpital américain et à l’École pratique de service social où elle introduit le case work. Collabore avec Henri Rollet et Olga Spitzer. Roman (Frederick William) 1876-1948) MA, Yale, 1905 ; docteur de l’Université de Berlin (1910). DL /s CB, La place de la sociologie dans l’éducation aux États-Unis (1923) Américain. – Professeur d’université, expert auprès du Bureau fédéral de l’éducation.
Tableau II
Simon (Yves) (1903-1961) Les idées sociales de Charles Dunoyer (1923) Inscrit DL, 1925 : La métaphysique de Proudhon – Bifurque vers la philosophie de Maritain (Ontologie du connaître et Critique de la connaissance morale, 1934) ; – Milite à « Jeune République » (démocratie chrétienne) en 1922-23 ; – Enseigne à la « Catho » à Lille, puis à Paris. Collabore à Esprit. Thibert (Marguerite) (1886-1982) Le féminisme dans le socialisme français entre 1830 et 1848 (1919) DL /s CB, Le féminisme dans le socialisme français de 1830 à 1850 (1926) ; Le rôle social de l’art d’après les saint-simoniens, Paris, M. Rivière, 1926 – Féministe militante des droits des femmes. En relation avec Li ; – Enseignante au Collège Sévigné (Paris). Après ses thèses, recrutée par le Bureau international du Travail. Wu (Monpeng) Diplômée de l’ENS de jeunes filles de Pékin. La morale de Durkheim (1926). DU /s CB, L’évolution des corporations ouvrières et commerciales dans la Chine contemporaine, Paris, Geuthner, 1931 Chinoise. – Milite pour la défense de son pays face au Japon ; – Correspondante d’un journal chinois. Période 2 : Bouglé chaire en Sorbonne + direction CDS + sous-direction puis direction ENS (1927-1940) Abanson (Alfred) (1895-1982) Inscrit DL, 1931 : Le socialisme de Blanqui et Comte et les libertés. – Militant de la Ligue des droits de l’Homme et vénérable d’une loge du Grand Orient de France. Boivin (Pierre) (1906-1937) ENS 1925 ; Philo (1928) L’économie sociale d’Auguste Comte (1928). – Milite aux Étudiants socialistes. Enseigne la sociologie à l’Institut supérieur ouvrier. Publie (avec G. Lefranc et M. Deixonne), Révolution constructive (Valois, 1932). Rejoint le cabinet de Zay ; – Professeur en lycée (Vendôme, 1930 ; Béziers, 1932). Borne (Étienne) (1907-1993) ENS 1926 ; Philo (1930) Les fondements de l’idée de pouvoir spirituel dans la philosophie d’Auguste Comte (1928). – Collabore à L’Aube, Sept, Temps présent, Esprit. Rejoindra la Résistance et sera un des fondateurs du MRP (démocratie chrétienne) ; – Professeur en lycée (Valenciennes, 1935, Béziers, Toulouse, 1941). Puis en khâgne à Henri-IV à Paris. Sera inspecteur général de philosophie. Bouteiller (Marcelle) (1904-1990) Auguste Comte, historien de la philosophie moderne (1927). Inscrite DL, 1928 : Auguste Comte, historien de la philosophie. – Suit les cours de Mauss, entre au Musée d’ethnographie et bifurque vers l’anthropologie ; membre de la Société des américanistes (juin 1935) ; – Intégrera le CNRS. Doré * (Madeleine) (1906- ?) L’idée de révolution chez Marx et Proudhon (1933). – Intègre la Fondation pour l’étude des problèmes humains dirigée par Al. Carrel (1943), puis l’Ined où elle enquête sur l’assimilation comparée de populations russes et arméniennes (1946). Rejoindra la Société des américanistes dont elle sera secrétaire générale adjoint (c. 1958).
Tableau II
Gaït * (Maurice) (1909-1983) ENS 1929 ; Philo (1935) Formation de la doctrine syndicaliste révolutionnaire (1932). – Collabore à La Flèche (Bergery). Chargé de mission au cabinet d’A. de Monzie, ministre de l’Éducation nationale (1933). Sous le régime de Vichy, directeur du cabinet d’Abel Bonnard ; – Professeur en lycée (Cahors, 1935 ; Marseille, 1938). Henry * (François) (1907-2002) ENS 1925 ; H et G (1933) Les origines du capitalisme moderne (1935) 3 – Collabore avec P. Vignaux à la CFTC (1934). Participe aux Semaines sociales en 1937 et 1939 ; – Professeur en lycée (Lille, 1937). Publie (avec Ch. Morazé), Petite histoire du travail et de la civilisation, Hachette, 1939 ; (avec E. Borne), Le travail et l’homme, Desclée, 1937. Houin * (Roger) La position de Charles Gide dans le mouvement coopératif contemporain (1933). – Diplômé de l’ELSP. Bifurque vers le droit : La distinction des contrats synallagmatiques et unilatéraux, DD, 1937 ; – Chargé de cours à la Faculté de droit de Lille (1939). Klanfer * (Julius) (1909-1967) Diplômé en philosophie (Université de Vienne) pour un mémoire Theorie der Heraldischen Zeichen (1933), publié en 1935. La consommation 4 Autrichien. – Membre du comité exécutif des étudiants socialistes autrichiens ; – Recruté par F. Perroux à l’Institut supérieur d’économie appliquée (1944). Théorisera l’« exclusion sociale » (1965). Lévi-Strauss (Claude) (1908-2009) Philo (1931) Les postulats de la théorie du matérialisme historique principalement chez Karl Marx (1930) – Bifurque vers l’ethnologie ; – Milite aux Étudiants socialistes. Assistant parlementaire de G. Monnet (1928-1930) ; – Professeur en lycée (1932), puis à l’Université de Sao Paulo (1935-37). En mission au Brésil (1937-39). Li (Dzeh-Djen) (c. 1907- ?) Lic. es-lettres (Faculté de Nankin). DU /s CB, La presse féministe en France de 1869 à 1914, L. Rodstein, 1934. Chinoise. – Féministe et défenseur de la cause chinoise ; – Journaliste. Luc * (Jean) (?-1967) ENS 1929 ; Philo (1934) Développement de la pensée politique d’Auguste Comte et le prolétariat (1932). – Chef-adjoint du cabinet du ministre des Postes Jules Julien (1938) ; – Professeur en lycée (Colmar, 1935). Secrétaire général du journal parlé à la Radiodiffusion française (1946), puis directeur des programmes. Maget (Marcel) (1909-1994) La psychologie sociale et la doctrine du fascisme en Italie (1935). – S’oriente vers la psychologie sociale ; – Chargé de mission aux Arts et Tradition populaires (1938). Assistant d’A. Varagnac, collabore à la collecte des faits de folklore.
Tableau II
Pastoureau * (Henri) (1912-1996) La théorie hégélienne de l’État (1934). – Membre de l’Union fédérale des étudiants et des Jeunesses communistes. Rejoint le mouvement surréaliste (c. 1931). Posner * (Sophie) La théorie de la grève dans le syndicalisme français. Une (ou un ?) S. Posner 5 participe au Cercle de la Russie neuve (1933), puis à l’Association pour l’étude de la culture soviétique (1938). Reschofsky * (Jean) (1905-1998) L’individualisme contre la nation. – Suit en parallèle des études aux Beaux Arts et à l’École supérieure des arts décoratifs ; – Deviendra un illustrateur célèbre. Schreider (Eugène) (1901-1978) Études de droit, de statistique et de médecine (Université de Rome). Inscrit DU, 1932 : Les mobiles affectifs du travail salarié. Russe. – Complète une spécialisation en anthropologie par la psychologie du travail et la biotypologie avec Henri Laugier ; collabore activement à Races et racisme (1937-39) au comité directeur de laquelle siège Bouglé ; – Socialiste-révolutionnaire, adhère à la SFIO. Rejoindra la Résistance ; – Attaché au CNAM (1932) et au Laboratoire d’anthropologie de l’EPHE, chargé de cours à l’Institut d’ethnologie (1939). Schwarcz (André) Inscrit DU, 1932 : Les migrations au point de vue social. Autrichien. – Membre du parti socialiste, proche des communistes. Sokolowsky * (Valentin) Les idées de Proudhon sur la philosophie du droit (1935). Varney (Mecca Marie) (1873-1959) BA, University of California ; Bachelor of Divinity, Ryder Divinity School (département de théologie de Knox College). DU /s ? ?, L’influence des femmes sur Auguste Comte, Puf, 1931. Américaine. – Pasteur et animatrice du mouvement d’éducation populaire Chautauqua. Vaysset (Raymonde) – Bifurque vers un doctorat en droit (Stuart Mill et la sociologie française contemporaine, préface de MH, Puf, 1941) ; – Dirigeante des Étudiants socialistes. En 1934, épouse L. Boutbien, futur député SFIO ; – Rédactrice à l’administration centrale de l’octroi de Paris (1935).
Tableau II
Wei (Huilin) ou (Hwei Lin) (1900-1992) Mémoire sur Proudhon 6 Chinois. – Suit les enseignements de Bouglé et de Mauss (EPHE) ; – Militant anarchiste ; – Professeur à l’Université de Taïwan (1949), fondateur du département de sociologie (1960). Wernert * (Eugène) (1898-1977) Théorie du droit économique chez Renouvier (1933) ELSP ? D. /s E. Halévy, Le droit au travail, 1800-1850. Étude historique et critique, ELSP, 1934. – Entre dans la carrière diplomatique (1937). Yan * (King Hin) Inscrit DU, 1932 : Le socialisme de Sun-Yat-Sen et les doctrines sociales contemporaines. Chinois.

Les outsiders (1920-1940)[74][75][76][77][78][79]

ANNEXE (B) : Note sur l’objet, la méthode et les sources de l’enquête

Notre enquête sur les étudiants de Célestin Bouglé a été provoquée par deux « découvertes ». D’une part, l’inventaire du fonds Bouglé (cf Pascale Hummel, Anne Lejeune, David Peycéré, Pour une histoire de l’École normale supérieure : sources d’archives : 1794-1993, Paris, Presses de l’ENS, 1995) nous a fait réaliser qu’il existait dans l’entourage de l’auteur de Qu’est-ce que la sociologie ? bien d’autres étudiants en sociologie que ceux dont l’histoire convenue de la discipline a retenu les noms. D’autre part, au détour d’une anecdote relative à sa mission au Brésil (Tristes tropiques, 1955), Claude Lévi-Strauss évoque que les étudiants de Bouglé n’étaient pas traités sur un pied d’égalité. Parmi eux, on pouvait distinguer une « écurie ». En somme, l’entourage étudiant de Bouglé était non seulement plus nombreux qu’on se le représente communément, mais, de plus, il était différencié et composé d’insiders et d’outsiders. Ces insights ont cristallisé le projet d’étudier de plus près la population de jeunes venus se former à la sociologie auprès de Bouglé : son importance numérique, sa composition, ses travaux. Nous les qualifions d’ « étudiants en sociologie », ce qui peut apparaître comme une projection anachronique. En effet, les études universitaires en sociologie étaient encore très peu organisées dans l’entre-deux-guerres ; elles constituaient seulement un secteur des études de philosophie à travers les certificats de « sociologie » ou de « morale et sociologie » au sein du cursus de la licence. Nous avons néanmoins considéré qu’il existait déjà, durant cette période, des étudiants en sociologie et qu’on pouvait les dénombrer à partir de deux critères. Premièrement, le fait de se former auprès de Bouglé qui affichait une orientation sociologique de ses enseignements (cf son Guide de l’étudiant en sociologie, publié, en 1921, avec Marcel Déat). Deuxièmement, l’orientation des recherches entreprises par ces étudiants telle qu’on peut la saisir à travers leur mémoire pour le diplôme d’études supérieures ou leur thèse en vue du doctorat. À la conjonction de ces deux critères, l’affiliation à un sociologue déclaré et l’orientation des premiers travaux de recherche, on peut identifier des « étudiants en sociologie » alors qu’il n’existe encore ni licence, ni diplôme d’études supérieures, ni doctorat de sociologie dans l’université française et que les intéressés eux-mêmes ne se vivent peut-être pas comme « sociologues ».
Sur le projet d’identifier les étudiants en sociologie de Bouglé est venu se greffer un questionnement relatif à l’engagement politique des sociologues. Ceux-ci revendiquent, souvent, aujourd’hui, une neutralité axiologique, manière de se dédouaner – sur le mode de la dénégation – vis-à-vis de leur rapport au politique [80]. ments politiques et sociaux ne pourrait-elle pas réactiver cette question et lui redonner une pertinence ? Dès lors, la méthode de cette enquête à deux niveaux, sur les étudiants de Bouglé et sur leur engagement politique, s’est imposée d’elle-même : retrouver un à un (ou une à une) ces étudiants-tes et reconstituer a minima leur biographie relative à un possible engagement politique. Certains individus ont donné lieu à des arbitrages qui restent discutables. Ainsi, Soustelle a-t-il été un étudiant de Bouglé ? Oui par sa scolarité à l’ENS et son diplôme d’études supérieures. Non par son investissement du côté de Mauss et de l’Institut d’ethnologie. La même question se pose pour Chloé Owings, Eugène Schreider ou Henri Pastoureau. Les sources d’une telle enquête, si nous l’avions voulue systématique, auraient dû comprendre prioritairement des archives publiques et privées (listes d’admis à l’ENS, d’inscrits à la Sorbonne, dossiers personnels, correspondance, etc.). Nous avons, pour l’instant, suivi d’autres voies, plus buissonnières et abouti néanmoins à des premiers résultats qui nous semblent, significatifs et surtout susceptibles de servir de base à des développements ultérieurs. Le primat des archives ne doit pas faire oublier la valeur des sources imprimées. Nous les avons largement utilisées pour identifier les étudiants, reconstituer leur biographie et évaluer leur éventuel engagement politique. Le dépouillement de la presse (à commencer par les journaux comme Le Populaire et L’Humanité), ainsi que des collections des Annales de l’Université de Paris et des Annuaires de l’École pratique des hautes études, favorisé par leur mise en ligne (sites Gallica et Persée), s’est révélé très productif. La numérisation de ces périodiques, associée à la fonction recherche de mots clés, a décuplé les capacités d’investigation. De même, la mise en ligne de catalogues de bibliothèques comme celle de l’ENS (site Rubens). Par ailleurs, deux autres catégories de source ont eu une importance dans notre enquête : évidemment les travaux savants sur le monde intellectuel de la période 1920-1940, particulièrement les biographies, mais aussi les mémoires et souvenirs des acteurs grâce auxquels on saisit la réalité subjective et, pour tout dire, vivante. Ajoutons enfin que des incursions dans les archives ont été un complément fort utile : d’une part, nous avons dépouillé le registre des candidats au diplôme d’études supérieures de philosophie de la Faculté des lettres de Paris (1906-1938), mine d’informations en matière de données biographiques élémentaires et de réussite à l’examen, d’autre part, Thomas Hirsch, en fonction aux AN, a eu la gentillesse d’explorer pour nous certaines fiches individuelles d’étudiants, actuellement non consultables.
Notre enquête sur la base de ces quatre types de source a abouti à des résultats que nous synthétisons en deux tableaux. Ceux-ci rendent incomplètement compte de la richesse des données biographiques réunies sur les étudiants de Bouglé. Celles-ci auraient nécessité de multiplier les encarts présentant des individus. Nous n’en donnons qu’un exemple, celui de Dragoljub Jovanović présenté par Jean-Christophe Marcel. Un dictionnaire biographique des étudiants en sociologie de la période (1920-1940) serait envisageable qui restituerait leur diversité, mais aussi permettrait de mieux comprendre quels possibles se sont présentés à la sociologie universitaire et quelles voies, en définitive, ont été privilégiées par ses acteurs.

30Sources et bibliographie :

31• Instruments de recherche et sources primaires :

32Rubens, catalogue en ligne de la bibliothèque de l’ENS.

33Hummel, Pascale, Lejeune, Anne, Peycéré, David, Pour une histoire de l’École normale supérieure : sources d’archives : 1794-1993, Paris, Presses de l’ENS, 1995.

34Collection des Annales de l’Université de Paris (1926-1941).

35Collection du Bulletin de l’Association amicale de secours des anciens élèves de l’ENS, en particulier son Supplément historique, 1990.

36Répertoire alphabétique annuel des candidats au diplôme d’études supérieures de philosophie, 1906-1938, AN AJ/16/4954.

37• Études :

38Azema, Jean-Pierre, Aglan, Alya (dir.), Jean Cavaillès résistant ou La Pensée en actes, Paris, Flammarion, 2002.

39Becker, Annette, Maurice Halbwachs. Un intellectuel en guerres mondiales, 1914-1945, Paris, Agnès Viénot Éd., 2003.

40Bouju, Marie-Cécile, Lire en communiste : les maisons d’édition du Parti communiste français 1920-1968, Rennes, Pur, 2010.

41Brassié, Anne, Robert Brasillach, Paris, Robert Laffont, 1987.

42Dard, Olivier, Le rendez-vous manqué des relèves des années trente, Paris, Puf, 2002.

43Geiger, Roger, « La sociologie dans les écoles normales primaires. Histoire d’une controverse », Revue française de sociologie, XX, no 1, janvier-mars 1979, p. 257-272.

44Giocanti, Stéphane, Pierre Boutang. Indocile, inclassable, inactuel, Paris, Flammarion, 2016.

45Golopentia, Sanda, « Romanian sociologists in Paris in the 1930s », Sociologie Româneasca, vol. III, no 1, 2005, p. 72-93.

46Grémion, Pierre, Piotet, Françoise (dir.), Georges Friedmann. Un sociologue dans le siècle 1902-1977, Paris, CNRS Éditions, 2004.

47Guey, Emmanuelle, Les sciences humaines (pédagogie-psychologie-sociologie) dans la formation des maîtres de l’enseignement primaire (1920-1969) : étude historique sur une institutionnalisation discontinue, thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation, sous la direction d’A. Savoye, Paris-8, 2013.

48Heilbron, Johan, « Les métamorphoses du durkheimisme, 1920-1940 », Revue française de sociologie, 26-2, 1985, p. 203-237.

49Hikaru Desan, Mathieu, Heilbron, Johan, « Young Durkheimians and the temptation of fascism : The case of Marcel Déat », History of the Human Sciences, vol. 28 (3), p. 22-50.

50Hirsch, Thomas, Le temps des sociétés. D’Émile Durkheim à Marc Bloch, Paris, éditions EHESS, 2016.

51Israël, Stéphane, Les études et la guerre : les normaliens dans la tourmente 1939-1945, Paris, Éditions rue d’Ulm, 2005.

52Loyer, Emmanuelle, Lévi-Strauss, Paris, Flammarion, 2015.

53Marcel, Jean-Christophe, « Jean Stoetzel élève de Maurice Halbwachs : les origines françaises de la théorie des opinions », L’Année sociologique, 48, no 2, 1998, p. 319-351 ; Le durkheimisme dans l’entre-deux-guerres, Paris, Puf, 2001 ; « Mauss au travail autour de 1925 », L’Année sociologique, no1, 2004, p. 37-63 ; (avec Mucchielli, Laurent), « André Davidovitch (1912-1986) et le deuxième âge de la sociologie criminelle française », L’Année sociologique, 1/2006 (Vol. 56), p. 83-117.

54Michel, Florian, « L’américanisation d’un intellectuel français : le cas d’Yves Simon (1903-1961) », Transatlantica [En ligne], 1 | 2014.

55Montety, Étienne de, Thierry Maulnier, Paris, Perrin, 2013.

56Naudier, Delphine, Simonet, Maud, Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements, Paris, La Découverte, 2011.

57Ory, Pascal, La politique culturelle du Front populaire français : 1935-1938, thèse pour le doctorat en histoire, sous la direction du professeur R. Rémond, Université de Paris-X, 1990.

58Pétrement, Simone, La vie de Simone Weil, Paris, Fayard, 1973.

59Pino, Angel, « Ba Jin, autour d’une vie », A contretemps [En ligne], no 45, mars 2013.

60Ponty, Janine, Polonais méconnus. Histoire des travailleurs immigrés en France dans l’entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 2005.

61Racine-Furlaud, Nicole, « La revue Europe (1923-1939). Du pacifisme rollandien à l’antifascisme compagnon de route », Matériaux pour l’histoire de notre temps, no 30, 1993, p. 21-26.

62Roth, Xavier, Georges Canguilhem et l’école française de l’activité. Juger, Agir (1926-1939), thèse pour le doctorat de philosophie, sous la direction de M. Marion et Y. Schwartz, Université d’Aix-Marseille 1, 2010.

63Rubenstein, Diane, What’s Left ? The École Normale Supérieure and the Right, Madison, The University of Wisconsin Press, 1990.

64Salomon-Delatour, Gottfried, Schriften. Herausgegeben von Christoph Henning, Wiesbaden, VS Verlag, 2011.

65Sirinelli, Jean-François, Génération intellectuelle. Khâgneux et normaliens dans l’entre-deux-guerres, Paris, Fayard, 1988.

66Schöttler, Peter, Lucie Varga. Les autorités invisibles. Une historienne autrichienne aux ‘‘Annales’’ dans les années trente, Paris, Cerf, 1991.

67Steiner, Philippe, L’École durkheimienne et l’économie, Genève, Droz, 2005.

68Tournès, Ludovic, Sciences de l’homme et politique. Les fondations philanthropiques américaines en France au XXe siècle, Paris, Éditions des Classiques Garnier, 2011 ; « L’Institut scientifique de recherches économiques et sociales et les débuts de l’expertise économique en France (1933-1940) », Genèses, 4/2006, no 65, p. 49-70.

69Winock, Michel, Esprit. Des intellectuels dans la cité (1930-1950), Paris, Le Seuil, 1996.

70• Témoignages, correspondances et souvenirs :

71Aron, Raymond, Mémoires, Paris, Julliard, 1983.

72Beauvoir, Simone, Mémoires d’une jeune fille rangée, Paris, Gallimard, 1958.

73Bertaux, Pierre, Un normalien à Berlin. Lettres franco-allemandes 1927-1933, Asnières, Pia, Université de la Sorbonne Nouvelle, 2001.

74Bloch, Marc, Febvre, Lucien, Correspondance, édition établie, présentée et annotée par Bertrand Müller, 3 vol., Paris, Fayard, 2003.

75Bluglass, Kerry, Hidden from the Holocaust. Stories of Resilient Children Who Survived and Thrived, Westport (Connecticut), Praeger, 2003.

76Déat, Marcel, Mémoires politiques, avec une introduction de L. Theis, Paris, Denoël, 1989.

77Feldman, Esther, Mon fils Valentin Feldman (1909-1942), 1948.

78Marjolin, Robert, Le travail d’une vie. Mémoires 1911-1986, avec une préface de R. Barre, Paris, Robert Laffont, 1986.

79Maugüé, Jean, Les dents agacées, Paris, Buchet-Chastel, 1982.

80Pastoureau, Henri, Ma vie surréaliste, Paris, Maurice Nadeau, 1992.

81Pelorson, Georges, Souvenirs d’outre-monde, Paris, Calmann-Lévy, 2001.

82Peyrefitte, Alain (textes réunis par), Rue d’Ulm. Chroniques de la vie normalienne (1950), Paris, Flammarion, 1977.

83Uri, Pierre, Penser pour l’action, Paris, Odile Jacob, 1991.

84Vial, Jean, Journal de classe 1927-1977, Paris, ESF, 1978.

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L’équipe dirigeante de l’École normale supérieure (1931). C. Bouglé figure au 1er rang, à l’extrême gauche

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L’équipe dirigeante de l’École normale supérieure (1931). C. Bouglé figure au 1er rang, à l’extrême gauche

Collection particulière

Gaston Jean Charon (alias Jean Nocher) (1908-1967), ENS (1930), journaliste et député (1951-1955)

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Gaston Jean Charon (alias Jean Nocher) (1908-1967), ENS (1930), journaliste et député (1951-1955)

Archives municipales de Saint-Étienne (Loire)
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Notes

  • [1]
    Georges Pelorson alias Belmont (1909-2008), admis à l’ENS (1928), démissionnaire en 1931, angliciste, animateur de la revue littéraire Volontés qui publie les premiers textes d’Aimé Césaire. Durant l’Occupation, Pelorson rallie le régime de Vichy et travaille au secrétariat à la Jeunesse.
  • [2]
    « Étudiants » et non « élèves » ou « disciples », ces derniers termes connotant une adhésion au paradigme de Bouglé. Ce qui est loin d’être toujours le cas de ses étudiants.
  • [3]
    Nous reprenons ici à notre compte l’expression de Cl. Lévi-Strauss (Tristes tropiques, p. 34).
  • [4]
    In Alain Peyrefitte (textes réunis par), Rue d’Ulm. Chroniques de la vie normalienne (1950), Paris, Flammarion, 1977.
  • [5]
    Voir Sanda Golopentia, « Romanian sociologists in Paris in the 1930s », Sociologie Româneasca, vol. III, no 1, 2005, p. 72-93, aimablement communiqué par A. Gaghi. Voir aussi Robert Marjolin, Le travail d’une vie. Mémoires 1911-1986, avec une préface de R. Barre, Paris, Robert Laffont, 1986, p. 27-32.
  • [6]
    Renseignements tirés de son dossier de carrière (AJ/16/5981), aimablement communiqués par Emmanuelle Guey.
  • [7]
    M. Mauss (« religions des peuples non civilisés »), Al. Bayet (« histoire des idées morales »), Er. Labrousse (« histoire et statistique économiques »), A. Landry (« histoire des faits et des doctrines économiques »).
  • [8]
    L’audience de F. Simiand, décédé en 1935, n’a pas eu, semble-t-il, le même impact sur la formation des apprentis sociologues. On lui connaît peu de disciples directs en dehors de Georges Lutfalla (jeune actuaire au ministère du Travail, secrétaire adjoint des Annales sociologiques), Basile Dalamas et Victor Zoltowski qui fera carrière au CNRS. Jean-Noël Jeanneney reconnaît aussi sa dette à l’égard de Simiand. Voir Philippe Steiner, L’École durkheimienne et l’économie, Genève, Droz, 2005, p. 157.
  • [9]
    Ils suppléent A. Landry en 1937 et 1939.
  • [10]
    Toutefois, le diplôme, créé en 1925, est supprimé en 1935 en raison de la création d’un certificat d’études supérieures par la Faculté des lettres.
  • [11]
    Sur la tension après Durkheim entre sociologie et ethnologie, voir la mise au point de Th. Hirsch (Le temps des sociétés. D’Émile Durkheim à Marc Bloch, Paris, éditions EHESS, 2016, notamment les chap. 11 et 12).
  • [12]
    Sur cette promotion féminine, voir Marianne Lemaire, « La chambre à soi de l’ethnologue. Une écriture féminine en anthropologie dans l’entre-deux-guerres », L’Homme, 2011, p. 83-112.
  • [13]
    René Maunier (1887-1951), professeur à la Faculté de droit, intervient également à la Faculté des lettres en 1928-1929.
  • [14]
    Ludovic Tournès, « L’Institut scientifique de recherches économiques et sociales et les débuts de l’expertise économique en France (1933-1940) », Genèses, 4/2006, no 65, p. 49-70.
  • [15]
    Les sciences sociales en France : enseignement et recherche, Paris, P. Hartmann, 1937.
  • [16]
    Sur notre enquête, voir la note méthodologique et les sources en fin d’article.
  • [17]
    D’ores et déjà, le Répertoire alphabétique annuel des candidats au diplôme d’études supérieures de philosophie, 1906-1938 (AN AJ/16/4954) livre, pour la période 1919-1937, une cinquantaine de noms supplémentaires dont l’exploitation biographique reste à faire.
  • [18]
    Cette porosité et cette circulation sont-elles spécifiques des sociologues formés par Bouglé ? Rien ne permet pour l’instant de l’affirmer.
  • [19]
    Sur les options de Bouglé qui ont donné lieu à débats parmi ses étudiants, voir, par exemple son interprétation de Proudhon (voir Patrice Rolland, « Le retour à Proudhon, 1900-1920 », Mil neuf cent, no 10, 1992, p. 5-29).
  • [20]
    Par exemple, Bouglé collabore régulièrement à L’École libératrice, organe du Syndicat national des instituteurs. Il est, par ailleurs, très impliqué dans l’enseignement de la sociologie aux élèves-maîtres ainsi qu’aux inspecteurs et aux directeurs d’école normale en formation (voir Roger Geiger, « La sociologie dans les écoles normales primaires. Histoire d’une controverse », Revue française de sociologie, XX, no 1, janvier-mars 1979, p. 257-272 et Emmanuelle Guey, Les sciences humaines (pédagogie-psychologie-sociologie) dans la formation des maîtres de l’enseignement primaire (1920-1969) : étude historique sur une institutionnalisation discontinue, thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation, sous la direction d’A. Savoye, Paris-8, 2013). Mais cet investissement ne produit guère de sociologues issus du primaire, à quelques rares exceptions près comme Jean Vial, plus proche, cependant, de Dolléans et Halbwachs (voir son Journal de classe 1927-1977, Paris, ESF, 1978, p. 67-78).
  • [21]
    Pierre Uri témoigne de cette autorité qui peut aller de pair avec « un bongarçonnisme affecté » (Brasillach) : « Nous avions failli nous trouver vingt élèves de l’École pour prétendre à l’agrégation de philosophie. Le directeur, Célestin Bouglé, en a détourné quelques uns vers les lettres, vers l’histoire ou vers une bourse du tour du monde » in P. Uri, Penser pour l’action, Paris, Odile Jacob, 1991.
  • [22]
    Le diplôme d’études supérieures de philosophie institué par l’arrêté du 18 juin 1904 implique la rédaction d’un mémoire sur un sujet choisi par le candidat et agréé par la faculté. Il est examiné par deux professeurs et est nécessaire pour se présenter au concours de l’agrégation. Les universités délivrent des doctorats d’université (DU) ou des doctorats es-lettres (DL ou DE). Ces derniers supposent la soutenance de deux thèses (principale et secondaire) devant des jurys qui peuvent être différents.
  • [23]
    S. de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée, Paris, Gallimard, 1958 (éd. Livre de poche, p. 368) ; R. Aron, Mémoires, Paris, Julliard, 1983, p. 58.
  • [24]
    En 1937, le décompte par pays d’étudiants en lettres à la Sorbonne donne le classement suivant : Grande-Bretagne (161), États-Unis (127), Pologne (119), Allemagne (97), Roumanie (89), Urss (69), Yougoslavie (62), Égypte (59), Hongrie (57) et Chine (52). Auxquels il faut ajouter des effectifs non négligeables d’étudiants venus des colonies, des protectorats ou des pays sous mandat : Tunisie (17), Indochine (16), Syrie et Liban (27).
  • [25]
    Voir Martin Jay, L’imagination dialectique. Histoire de l’École de Francfort (1923-1950) (1973), traduction française, Paris, Payot, 1977. Précédemment, Bouglé avait noué des contacts étroits avec le sociologue Gottfried Salomon et appuyé la création des « Rencontres universitaires de Davos ». Voir Pierre Bertaux, Un normalien à Berlin. Lettres franco-allemandes 1927-1933, Asnières, Pia, Université de la Sorbonne Nouvelle, 2001.
  • [26]
    Outre l’absence d’étudiants anglo-saxons, celle d’autres nationalités mériterait d’être étudiée de plus près : tient-elle à une faible attractivité du programme incarné par Bouglé ? On note, par exemple, dans les années trente, la quasi-disparition des Roumains et l’absence de Tchécoslovaques. Que D. Essertier ait été longtemps en poste à l’Institut français à Prague, qu’après lui, R. Polin se soit rendu sur place, ne semble pas avoir eu d’effet de recrutement d’apprentis sociologues. De même pour la Roumanie, en dépit de diverses missions confiées à de jeunes chercheurs du CDS (Charon, Gioan) et des bonnes relations de Bouglé avec D. Gusti, relayées par Mircea Vulcanesco.
  • [27]
    Cité par M. Jay, op. cit., p. 55.
  • [28]
    On ne raisonne ici bien évidemment que sur le contingent d’étudiants en sociologie relevant de la Sorbonne. Le chiffre de 48% est tiré des statistiques publiées dans les Annales de l’Université de Paris.
  • [29]
    La valeur des mémoires de DES, du point de vue de la recherche, doit cependant être relativisée dans un certain nombre de cas. C’est du moins le point de vue exprimé par G. Friedmann : « Trop souvent, déjà de mon temps et maintenant plus encore, déclare-t-il devant la Société française de philosophie, il arrive que l’agrégation absorbe, pour ainsi dire, le diplôme d’études ; au lieu que le diplôme d’études soit une initiation scientifique, les candidats se plongent dans le « bachotage » en choisissant un sujet qui ait chance d’être au programme (de l’agrégation, ndr), ou de leur servir directement pour les compositions d’écrits » (séance du 7 mai 1938 consacrée à l’agrégation de philosophie). De fait, les sujets des mémoires de Boivin, Borne, Canguilhem ne sont peut-être pas étrangers à l’inscription de Comte au programme de 1928. Bien que l’intérêt pour Comte, chez les durkheimiens, ne soit pas conjoncturel ; son étude fait partie des « fondamentaux » de l’enseignement de la sociologie. Sujet d’un enseignement de Bouglé en 1912 (alors qu’il supplée Espinas), Comte est encore la matière, trente ans plus tard, du dernier cours d’Halbwachs en Sorbonne (« la statique et la dynamique sociale d’Auguste Comte », 1943).
  • [30]
    En introduction de Chez les prophètes socialistes (Alcan, 1918), Bouglé écrit : « En reprenant mon enseignement à la Sorbonne, je publie telles quelles ces études, composées avant la guerre : elles pourront servir d’amorces à des recherches méthodiques qu’il serait plus que jamais indiqué de poursuivre, et qui mettraient en pleine lumière ce qui est dû, tant à nos ‘socialistes’ qu’à nos ‘sociologues’ ».
  • [31]
    On sait que, durant la période étudiée ici, Comte et Proudhon, mais aussi Fourier, bénéficient d’un regain d’intérêt auquel Bouglé n’est pas étranger. L’édition des Œuvres complètes de Proudhon est mise en chantier en 1923 et se poursuivra jusqu’en 1959. Elle est placée, au départ, sous la direction d’Henri Moysset et Bouglé. Celui-ci met à contribution leCDSen mobilisant des étudiants (Duveau, Cavaillès, Beaufret) et Mme Poré, la secrétaire, mais aussi l’ENS à travers Meuvret, son bibliothécaire.
  • [32]
    Nous incluons ici des données du Répertoire mentionné plus haut note 18, non incluses en annexe.
  • [33]
    Dans Chez les prophètes socialistes (1918), Bouglé s’était déjà livré à une analyse minutieuse du rapport entre « marxisme et sociologie » (p. 185-246).
  • [34]
    La question de l’immigration intéresse particulièrement Bouglé. Il héberge à l’ENS le Centre d’études du problème des étrangers en France fondé en 1935 à l’initiative du sénateur Henry de Jouvenel et vice-présidé par le raciologue René Martial. Il est membre de son comité de perfectionnement aux côtés de Lucien Lévy-Bruhl, Paul Rivet, Albert Demangeon et Adolphe Landry. Georges Mauco, élève de Demangeon, est son secrétaire général. Ce Centre sera éphémère, semble-t-il.
  • [35]
    C. Bouglé, « La sociologie française contemporaine », Arhiva pentru stiinta si reforma sociala, c. 1924.
  • [36]
    Voir les contributions de Marine Dhermy-Mairal et Thomas Hirsch dans ce même dossier.
  • [37]
    Pierre Amandry se souvient : « C’était le temps où se constituait le Front populaire. Au cercle de gauche, Charon alias Jean Nocher en célébrait en termes lyriques la pureté virginale et radieuse, entre deux séances d’épreuves orales du concours où, vêtu d’un slip, il tournait dans les couloirs autour de jeunes personnes en bombant un torse abondamment velu (…) » in A. Peyrefitte, op. cit.
  • [38]
    M. Déat dit de lui (avec qui il permute, Maublanc prenant ses fonctions au CDS tandis que Déat lui succède comme professeur de philosophie au lycée de garçons de Reims en 1922) : « Il se sent appelé sans doute, avec un grain d’humour qui l’apparente à son ami Jules Romains, à faire dans l’intelligentsia communiste une modeste mais persévérante besogne d’amateur lettré et de fanatique lucide » (Marcel Déat, Mémoires politiques, avec une introduction de L. Theis, Paris, Denoël, 1989, p. 149).
  • [39]
    Remarquons, chez les étudiants chinois, un type particulier d’engagement politique : le nationalisme.
  • [40]
    Par exemple, Pierre Boutang, entré à l’ENS en 1935, maurassien, ne peut que se tenir à l’écart de Bouglé et de son républicanisme. De même, R. Brasillach, M. Bardèche et J. Talagrand (Th. Maulnier).
  • [41]
    Ce qui n’empêchera pas l’adhésion au régime de Vichy d’anciens élèves de Bouglé qu’on a connus sous les couleurs du socialisme (Déat, Bonnafous) ou du frontisme (Gaït).
  • [42]
    Co-éditée à partir de 1924 avec Librairie des sciences politiques et sociales de Marcel Rivière.
  • [43]
    Elle est officiellement publiée avec le concours du CDS.
  • [44]
    D’après Marie-Cécile Bouju, G. Friedmann aurait été écarté de la direction après la publication De la Sainte-Russie à l’Urss (1938) pourtant préfacé par Francis Jourdain, communiste « orthodoxe » (voir Lire en communiste : les maisons d’édition du Parti communiste français 1920-1968, Rennes, Pur, 2010).
  • [45]
    Principaux titres et auteurs : Diderot (Luppol traduit par V. et Y. Feldman, 1936) ; Matérialistes de l’antiquité (Paul Nizan, 1936, puis 1938) ; Fourier (Félix Armand et R. Maublanc, 1937, 2 vol.) ; Proudhon (A. Cuvillier, 1937) ; Cervantès (J. Cassou) ; Diderot (J. Luc, 1938) ; Darwin (M. Prenant, 1938) ; Pierre Leroux (H. Mougin, 1938) ; Nietzsche (H. Lefebvre, 1939).
  • [46]
    Sur A. Minkowska, sociologue polonaise venue préparer un doctorat à la Sorbonne, voir Kerry Bluglass Kerry, Hidden from the Holocaust. Stories of Resilient Children Who Survived and Thrived, Westport (Connecticut), Praeger, 2003, p. 54. Merci à Irena Milewska, sa fille, pour l’entretien qu’elle nous a accordé.
  • [47]
    Voir, dans le présent dossier, l’entretien avec Georges Lefranc lequel a dû continuellement ferrailler avec les hiérarchies de la Sfio et de la Cgt pour faire valoir ses idées.
  • [48]
    Le pacifisme clive le milieu familial d’Halbwachs dont la sœur, Jeanne, est, avec son époux Michel Alexandre, une pacifiste irréductible. Voir Annette Becker, Maurice Halbwachs. Un intellectuel en guerres mondiales, 1914-1945, Paris, Agnès Viénot Éd., 2003.
  • [49]
    Selon la formule devenue classique de Jean-Louis Loubet del Bayle (1969).
  • [50]
    Voir l’article de Thomas Hirsch dans ce dossier.
  • [51]
    Voir, par exemple, sa préface à l’ouvrage de Polin et Charon où il appelle à la réalisation d’un « traité de sociologie comparative, appliquée aux faits coopératifs » dont, dit-il, « nous aurions le plus grand besoin » (op. cit., p. VII).
  • [52]
    Dû à Jean-Christophe Marcel que je remercie pour cette contribution, ainsi que pour sa lecture attentive et avisée de cet article.
  • [53]
    Jean-Baptiste Séverac en fait un compte rendu très élogieux dans Le Populaire (11 juillet 1923).
  • [54]
    Il publie aussi Les effets économiques et sociaux de la guerre en Serbie, Paris, PUF, 1930, XII-335 p. Ce travail entre dans le cadre des publications de la Dotation Carnegie pour la paix internationale.
  • [55]
    À noter que l’activisme de Bouglé s’exerce aussi dans d’autres cadres, moins directement orientés vers la sociologie. Ainsi, il patronne la collection « Actualités scientifiques et industrielles. Travaux de l’ENS (Lettres) » (éd. Hermann) qui publie des recherches de normaliens (J. Balibar, S. Piobetta, M.-A. Béra, P. Uri) sur « le mouvement pédagogique à l’étranger ». Puis, il dirige le tome XV (« Éducation et instruction ») de L’Encyclopédie française (1939).
  • [56]
    Le Centre de documentation sociale, installé rue d’Ulm, est fondé à l’initiative d’Albert Kahn. Il vient compléter le Comité national d’études sociales et politiques fondé en 1916 par le même Kahn. Après la débâcle financière de son fondateur (1929), le CDS sera soutenu par la Fondation Rockefeller. Gustave Lanson, directeur de l’ENS, le décrit comme une « sorte de séminaire ou de laboratoire, où des philosophes et des historiens viennent apprendre à recueillir, classer, interpréter les faits contemporains de l’ordre social et économique et à soumettre cette matière, toujours si difficile à connaître, aux règles de la méthode critique. » (Revue des deux mondes, 1926).
  • [57]
    Inventaires I. La crise sociale et les idéologies nationales, Paris, Alcan, 1936 ; Inventaires II. L’économique et le politique, Paris, Alcan, 1937 ; Inventaires III. Classes moyennes, Paris, Alcan, 1939.
  • [58]
    Les Annales sociologiques sont constituées de cinq séries donnant lieu des fascicules distincts confiés à une équipe de rédacteurs placés sous l’autorité d’un responsable. Bouglé a en charge la « sociologie générale » (série A), Mauss la « sociologie religieuse » (B), Ray la « sociologie juridique et morale » (C), Halbwachs, après Simiand, la « sociologie économique » (D) et la « morphologie sociale, langage, technologie, esthétique » (E).
  • [59]
    Sous-direction en 1927, puis direction en 1935.
  • [60]
    Dans les tableaux I et II, pour faciliter leur utilisation, les noms des étudiants sont classés par ordre alphabétique (et non par ordre chronologique des relations avec Bouglé). Figurent en gras le nom des étudiants qui ont eu un engagement politique avéré.
  • [61]
    Merci à Thomas Hirsch d’avoir retrouvé plusieurs auteurs de mémoires à partir des archives du rectorat de Paris.
  • [62]
    Le titre de la thèse est en italique si elle a été soutenue. La direction (/s) est mentionnée le cas échéant : CB pour Bouglé ; PF pour Fauconnet ; MH pour Halbwachs.
  • [63]
    Auteur de « Hommage à Bouglé », Annales de l’Université de Paris, 1940.
  • [64]
    En définitive, sera docteur es-lettres pour une thèse intitulée Problèmes humains du machinisme industriel (1947).
  • [65]
    Contribue à « Education et Instruction » (C. Bouglé dir., t. XV, L’Encyclopédie française, 1939).
  • [66]
    Contribue, tout comme G. Friedmann, à A la lumière du marxisme (Essais) Sciences physico-mathématiques, sciences naturelles, sciences humaines, Paris, Éditions sociales internationales, 1935.
  • [67]
    Voir, dans le texte, la notice qui lui est consacrée par J.-C. Marcel.
  • [68]
    Probablement pour le Des d’histoire et de géographie. G. Duveau a échoué au Des de philosophie en 1922 avec un mémoire sur la durée chez Spinoza, noté 8.
  • [69]
    Ajoute Franck à son nom après son mariage avec Rose Marie Franck. Séjourne aux États-Unis en 1935 et en tire L’expérience Roosevelt et le milieu social américain, Alcan, 1937.
  • [70]
    Traducteur de Hegel. Participe au séminaire de Koyré (EPHE). Étudie les sciences sociales en Allemagne.
  • [71]
    Assiste Bouglé pour sa bibliographie de Socialismes français : du socialisme utopique à la démocratie industrielle (1932).
  • [72]
    Ses recherches antérieures (enquête sur les budgets de familles ouvrières) inclinent à penser qu’A. Minkowska serait plutôt une étudiante d’Halbwachs que de Bouglé.
  • [73]
    Collabore cependant à « Éducation et Instruction » (dir. Bouglé, t. XV, L’Encyclopédie française, 1939).
  • [74]
    Merci à Thomas Hirsch d’avoir retrouvé plusieurs auteurs de mémoires dans les archives du rectorat de Paris.
  • [75]
    Le titre de la thèse est en italique si elle a été soutenue. La direction (/s) est mentionnée le cas échéant : CB pour Bouglé ; PF pour Fauconnet ; MH pour Halbwachs.
  • [76]
    Peut-être un Des en histoire et géographie.
  • [77]
    Publie ses travaux sur la consommation et la psychologie économique dans la Revue de l’Institut de sociologie (1938 et 1939), la Revue internationale de sociologie (1939), la Revue de métaphysique et de morale (avril 1941).
  • [78]
    Peut-être s’agit-il, non de Sophie, mais de Simon Posner fondateur vers 1926 de la Banque commerciale de l’Europe du Nord (succursale de la Banque d’État soviétique), militant communiste d’origine russe.
  • [79]
    Source : Angel Pino (2013).
  • [80]
    Pour une approche nouvelle de la question, voir Delphine Naudier, Maud Simonet, Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements, Paris, La Découverte, 2011. Et sur l’engagement des savants, voir Vincent Duclert, « L’engagement scientifique et l’intellectuel démocratique. Le sens de l’affaire Dreyfus », Politix, vol. 12, no 48, 1999, p. 71-94.
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