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Article de revue

Des livres pour “entraîner dans la voie de l’éducation nouvelle” : la collection « Éducation » des éditions Flammarion (1928-1938)

Pages 173 à 197

Notes

  • [1]
    Cet article est issu d’une intervention faite en 2012 dans le cadre du séminaire « Paul Faucher (1898-1967) : l’édition au service de l’Éducation nouvelle » organisé par Jean-François Marchat, Antoine Savoye et Laurent Gutierrez avec le concours du regretté François Faucher. Initiée par Michèle Piquard, cette recherche a été menée conjointement avec elle, jusqu’à son décès. Cet article est dédié à sa mémoire.
  • [2]
    Archives du Père Castor, boite APC 68 : « Collection Éducation. Mise en place de la collection ». 711 pages, 1926-1947. Sauf mention contraire, tous les documents et courriers évoqués ici renvoient à cette boîte, à l’exception des courriers rangés par ordre alphabétique de correspondant (boîtes 111 à 116) et du « projet de livre de recettes d’éducation » (boîte APC 69).
  • [3]
    Michèle Piquard, « Paul Faucher, concepteur des albums du Père Castor, “sergent recruteur de la Nouvelle Éducation” dans l’entre-deux-guerres », Recherches & éducations [En ligne], 4 | mars 2011, mis en ligne le 15 mars 2011, consulté le 30 mars 2015. URL : http://rechercheseducations.revues.org/782
  • [4]
    Dominique Ottavi, « Roger Cousinet et la société enfantine », in Annick Ohayon, Dominique Ottavi, Antoine Savoye (dir.), L’Éducation nouvelle, histoire, présence et devenir, Berne, Peter Lang, 2004, p. 125-144.
  • [5]
    Antoine Savoye, « Un terrain de rencontre de l’Éducation nouvelle et des sciences de l’éducation. La réforme de l’enseignement secondaire en France dans l’entre-deux-guerres », in Rita Hofstetter et Bernard Schneuwly (dir.), Passion, fusion, tension. New education and educational sciences. Éducation nouvelle et sciences de l’éducation. End 19th-middle 20th century. Fin du 19e-milieu du 20e siècle, Berne, Peter Lang, p. 363.
  • [6]
    A. Savoye, ibid. p. 363.
  • [7]
    Chiffres donnés par Laurent Gutierrez sur son site internet Histoire du mouvement de l’Éducation nouvelle en France (1899-1939), 5.3 « La Nouvelle Éducation ». consulté le 30 mars 2015. URL : http://hmenf.free.fr/rubrique.php3?id_rubrique=23.
  • [8]
    Lettre de M. Guéritte à P. Faucher, 1er février 1927.
  • [9]
    François Faucher, « Aux sources d’une création en mouvement », in Paul Faucher (1898-1967), un Nivernais, inventeur de l’album moderne, Actes du colloque de Pouges-les-Eaux, 20-21 novembre 1998, Conseil général de la Nièvre, 1999, p. 15-48.
  • [10]
    M. Piquard, « Paul Faucher, concepteur des albums du Père Castor », op. cit., § 9 de la version en ligne.
  • [11]
    A. Savoye, « Jean Baucomont (1891-1967), compagnon de route de Paul Faucher durant l’entre-deux-guerres », communication au Séminaire interuniversitaire Paul Faucher (1898-1967). L’édition au service de l’éducation nouvelle, Bibliothèque de l’Heure Joyeuse, Paris, 10 mai 2012. Voir aussi, sur le rôle controversé de Jean Baucomont sous le régime de Vichy, Pierre Boutan, « Vichy et l’Éducation nouvelle : Jean Baucomont et le Bulletin national de l’enseignement primaire », in Laurent Guttierez, Laurent Besse, Antoine Prost (dir.), Réformer l’école. L’apport de l’Éducation nouvelle (1930-1970), Grenoble, PUG, 2012, p. 139-149.
  • [12]
    F. Faucher, « Aux sources d’une création en mouvement », op. cit., p. 25.
  • [13]
    Instructions relatives au nouveau plan d’études des écoles primaires élémentaires, 20 juin 1923, par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux arts, Léon Bérard.
  • [14]
    Lettre de P. Faucher à Manuel Devaldès (au Mercure de France), 1er mai 1925.
  • [15]
    4e assemblée de la Nouvelle Éducation, 9-11 avril 1925, Musée Pédagogique, Paris.
  • [16]
    Lettre de M. Devaldès à Flammarion, 8 mai 1925 : « Je suis mieux placé que quiconque pour donner quelque chose de documenté et de vivant sur ce sujet ».
  • [17]
    Lettre de P. Faucher à M. Guéritte, 13 juin 1925.
  • [18]
    Dorothy Canfield Fisher, Les Enfants et les mères. Étude destinée à aider les mères dans cette entreprise importante et compliquée : l’éducation des enfants, Adaptation française de Madeleine T. Guéritte, Paris, Flammarion, 1925.
  • [19]
    « La couverture du Bulletin paraît être une heureuse amélioration, mais comme je la trouve trop blanche, a-t-on fait des essais en couleurs ? Un caractère plus gras donnerait peut-être plus d’assise à la page. Enfin je pense que le monogramme pourrait être remplacé par un motif tel qu’un dessin d’enfant donné en concours dans l’Oiseau bleu, par exemple. », lettre de P. Faucher à M. Guéritte, 11 février 1926.
  • [20]
    Lettre de M. Guéritte à P. Faucher, 21 avril 1926.
  • [21]
    Laurent Gutierrez, préface in Roger Cousinet, Une méthode de travail libre par groupes, Paris, Fabert, 2011, p. 7-32.
  • [22]
    Notes manuscrites de P. Faucher, s.d. [1926].
  • [23]
    La fondation du BIE se fit à l’Institut Jean-Jacques Rousseau grâce à un don de 12 000 francs de la Fondation Rockefeller.
  • [24]
    Laurent Gutierrez, « Gilbert Robin (1893-1967) : itinéraire d’un neuropsychiatre au service de la cause infantile », Nervure, no 474, mars 2009, p. 1-2.
  • [25]
    Lettre de P. Faucher à G. Robin, 17 janvier 1927.
  • [26]
    Lettre de P. Faucher à J. Baucomont, 28 décembre 1926.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    La première édition est parue chez Delachaux et Niestlé, dans la « collection d’actualités pédagogiques », en 1917, sous le titre L’Instinct combatif : psychologie, éducation.
  • [29]
    Il s’agit de l’école d’application de l’Institut Jean-Jacques Rousseau. Voir Christiane Perregaux, Laurence Rieben et Charles Magnin, dir., “Une école où les enfants veulent ce qu’ils font” : la Maison des Petits, hier et aujourd’hui, Lausanne, Édition des sentiers, 1997.
  • [30]
    Lettre de P. Faucher à Charles Flammarion, 20 janvier 1927.
  • [31]
    Il est alors l’auteur d’une thèse non publiée, soutenue en 1926 à Stanford, An Experimental Study of Scientific Aptitude.
  • [32]
    Lettre de M. Reynier à P. Faucher, 5 février 1927.
  • [33]
    Lettre de M. Reynier à P. Faucher, 19 janvier 1927.
  • [34]
    Lettre de M. Reynier à P. Faucher, 5 février 1927.
  • [35]
    Lettre de P. Faucher à R. Cousinet, 16 mars 1927.
  • [36]
    Fiche de lecture manuscrite de J. Baucomont au sujet du Livre de mes enfants de Claire Halphen-Istel, 23 mars 1927.
  • [37]
    Note manuscrite de J. Baucomont à P. Faucher, avec mention « personnel », s.d., dossier « Avis des collaborateurs sur le “livre de recettes” ».
  • [38]
    Note manuscrite de M. Reynier, même dossier.
  • [39]
    R. Cousinet publiera pourtant son livre, en 1950, sous le titre Fais ce que je te dis. Conseils pratiques aux mères de famille, aux Presses d’Ile-de-France, dans la « Collection de l’École nouvelle française » qu’il a créée en 1948 avec le père François Chatelain. De ce dernier, voir « “La Source” : le regard rétrospectif de l’un de ses fondateurs (1970) », Les Études sociales, no 145, premier semestre 2007, p. 145-150.
  • [40]
    Lettre de P. Faucher à P. Bovet, 31 mai 1927.
  • [41]
    « Le “Bureau Français d’Éducation” », L’Éducation, rubrique « nouvelles pédagogiques », no 10, juillet 1928, cité par L. Gutierrez sur son site internet Histoire des mouvements d’éducation en France, consulté le 30 mars 2015. URL : http://hmenf.free.fr/article.php3?id-article=43
  • [42]
    Lettre de P. Faucher à J. Baucomont, 14 juin 1927.
  • [43]
    Lettre d’A. Ferrière à P. Faucher, 7 juillet 1927 : « Vous connaissez la fable du loup et du chien. J’ai toujours été le loup. Vous me traitez comme le chien et mon geste naturel eût été de vous prier de me renvoyer tous les manuscrits que vous avez encore en mains ».
  • [44]
    Flammarion annoncera dans ses ouvrages, sous la rubrique « collection Éducation », un titre de Pierre Bovet, La Paix par l’école, Travaux de la conférence internationale tenue à Prague du 16 au 20 avril 1927, qui est en fait un simple dépôt de l’éditeur : Genève : Bureau international d’éducation ; Prague : Société pédagogique Comenius (1927).
  • [45]
    Lettre de P. Faucher à P. Dengler, 22 mai 1928.
  • [46]
    Hans Zulliger est un instituteur bernois qui a initié une démarche de « petites thérapies psychanalytiques » auprès de ses élèves de milieu modeste. Il est connu en France des lecteurs de la Revue française de psychanalyse, dont le premier numéro paraît en juillet 1927, et qui fait alors une large place aux applications pédagogiques de la psychanalyse. Voir Annick Ohayon, « Une querelle revisitée : les applications de la psychanalyse à l’éducation » in A. Ohayon, D. Ottavi, A. Savoye (dir.), L’Éducation nouvelle, op. cit., p. 190.
  • [47]
    François Faucher, Une Éducation par la vie pour la vie : la vie et l’œuvre de Frantisek Bakulé, documents rassemblés par François Faucher avec la collaboration de Lida Zaruba et de Martine Lang, Paris, Fleurus, 1975, collection « Pédagogie créatrice » ; François Faucher, Frantis ek Bakule, l’enfant terrible de la pédagogie tchèque, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, collection « Pédagogues et pédagogies » ; Frantisek Bakulé, L’Éducation par l’art, texte de la conférence prononcée à Paris le 2 juillet 1947, Meuzac, Les Amis du Père Castor, 2004.
  • [48]
    Lettre de P. Faucher à MacMillan, 30 juillet 1928.
  • [49]
    Ils publient sur la biométrie, le sport et l’hygiène.
  • [50]
    O. Decroly meurt en juillet 1932.
  • [51]
    Traitement moral et hygiène des idiots et autres enfants arriérés, Paris, Baillière, 1846 et Rapports et mémoires sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, Paris, Alcan, 1895, posthume.
  • [52]
    Compte rendu de la réunion du 7 octobre [1926] en vue de la constitution d’un comité d’éditions pédagogiques.
  • [53]
    Première bibliothèque enfantine en France, ouverte en 1924 grâce à des fonds américains.
  • [54]
    Lettre de P. Faucher à C. Huchet, 6 décembre 1926 : « Sûr d’être approuvé par l’Éditeur, qui m’a chargé du Secrétariat des collections pour la jeunesse, éventuellement, voudriez-vous vous charger de la partie littéraire de cette tâche ? Un pourcentage (à déterminer) vous serait attribué sur la vente des ouvrages ainsi édités. »
  • [55]
    Bibliothèque de l’Heure Joyeuse, L’Heure Joyeuse, 1924-1994/ : 70 ans de jeunesse, témoignages réunis par Viviane Ezratty, Françoise Lévèque et Françoise Tenier, Paris, Agence culturelle de Paris, 1994 ; Paul Faucher, « La mission éducative des albums du Père Castor », L’École nouvelle française, no 87, avril 1961, p. 20-26 ; Marguerite Gruny, Mathilde Leriche, Jacqueline Dreyfus-Weill, Beaux livres, belles histoires : choix de cinq cents livres pour enfants, Paris, Bourrelier, 1937.
  • [56]
    Lettre de P. Faucher à C. Flammarion, 20 janvier 1927, ajout manuscrit.
  • [57]
    Lettre de P. Faucher à C. Kett, 8 avril 1927.
  • [58]
    Lettre de P. Faucher à M. Bonjean, 6 juillet 1927.
  • [59]
    Lettre de P. Faucher à C. Freinet, 25 juin 1927. L’allusion concerne « Histoire d’un petit garçon dans la montagne » paru dans La Gerbe, no 1, 1927, sous la signature École de Sainte-Marguerite (Hautes-Alpes).
  • [60]
    Voir Martine Ruchat, « Jean Dupertuis (1886-1951). Le Bureau international des écoles Plein Air en Suisse romande (1920-1926) » in Châtelet A.M., Lerch D., Luc J.N., dir., L’école de plein air. Une expérience pédagogique et architecturale dans l’Europe du XXe siècle, Paris Ed. Recherches. 2003, p. 261-269.
  • [61]
    El. Huguenin est notamment l’auteur de Paul Geheeb et la libre communauté scolaire de l’Odenwald : une expérience moderne d’éducation, (préface d’Adolphe Ferrière) Genève, Éditions du Bureau international des écoles nouvelles, 1923. Voir aussi Marie-Christine Fardel, Daniel Hameline, « L’École des Roches fut-elle jamais une « école nouvelle » ? Le témoignage d’Elisabeth Huguenin d’après ses manuscrits inédits », Les Études sociales, no 127-128, 1998, p. 107-127.
  • [62]
    Élisabeth Parinet, Une histoire de l’édition à l’époque contemporaine : XIXe-XXe siècle, Paris, Seuil, 2004.
  • [63]
    Sur le Bulletin de l’U.T.O., voir L. Gutierrez, L’Éducation nouvelle et l’enseignement catholique en France : 1899-1939, thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation sous la direction d’A. Savoye, Université de Paris VIII, France, 2008. Consulté le 30 mars 2015. URL : http://hmenf.free.fr/rubrique.php3?id-rubrique=25
  • [64]
    L. Gutierrez, « Convertir les éducateurs chrétiens à l’éducation nouvelle : l’action éditoriale du père François Chatelain », Educatio, no 1, « Chrétiens en éducation », 2013, consulté le 30 mars 2015. URL : http://revue-educatio.eu/wp/2013/03/01/convertir-les-educateurs-chretiens-a-leducation-nouvelle/
  • [65]
    « Observations de Mme Reynier », dans le dossier « Cousinet – Recettes d’éducation », s.d., APC 69.
  • [66]
    Laurence Pernoud, J’élève mon enfant, de la naissance à l’école… Dessins de Christiane Neuville et de Joseph Gillain, Paris, Pierre Horay, 1965.
  • [67]
    Auxquels il faut ajouter l’ouvrage de Dorothy Canfield Fisher, La Confiance en soi, envisagé très tôt mais qui subit des avanies telles que la parution n’intervient qu’en 1938.
  • [68]
    Michel Defourny, Hommage à Lida, Meuzac, Les Amis du Père Castor, 2000.
  • [69]
    P. Faucher s’irrite des retards pris chez Flammarion autour de ce projet, qui finit par échouer ; le livre de L. Chauveau paraît en 1932 chez Denoël et Steele.
  • [70]
    Nathalie Parain, Mes masques, Paris, Flammarion, 1931 ; Nathalie Parain, Je découpe, Paris, Flammarion, 1931.
  • [71]
    Lettre de M. Guéritte à P. Faucher, 20 novembre 1926.
  • [72]
    Bonjour-Bonsoir, images de Nathalie Parain, scénario du Père Castor, Paris, Flammarion, 1934 ; Faites votre marché, images de Nathalie Parain, scénario du Père Castor, Paris, Flammarion, 1935.
  • [73]
    Cécile Boulaire, Les Petits Livres d’Or. Des albums pour enfants dans la France de la guerre froide, Tours : Presses Universitaires François-Rabelais (à paraître).
  • [74]
    P. Faucher, Les préfaces du Père Castor, Introduction par Michel Defourny, Meuzac, Les Amis du Père Castor, 2003.

1C’est en avril 1928 que paraît le premier titre de la collection « Éducation » aux éditions Flammarion [1]. Trois pionniers de l’éducation nouvelle d’Adolphe Ferrière est suivi dès le mois de décembre par un second volume, L’Instinct combatif, de Pierre Bovet, tous deux membres de l’Institut Jean-Jacques Rousseau de Genève. La collection comptera seulement une dizaine de titres, et s’éteint en réalité dès 1933, même si un ultime volume, retardé, sort en 1938. Imaginée au sein de l’association « La Nouvelle Éducation » qui réunit des militants des méthodes d’éducation nouvelle, notamment Madeleine Guéritte, Roger Cousinet, Jean Baucomont, la collection a pour fonction de propager l’esprit du mouvement. On verra cependant qu’elle hésite sur sa propre stratégie, voire sur son public, et l’aventure est un semi-échec éditorial. Cet article, qui s’appuie sur les archives conservées à la Médiathèque du Père Castor (Meuzac, Hte-Vienne), exploite notamment la correspondance échangée par les militants de la Nouvelle Éducation [2], mais aussi les dossiers consacrés à chacun des titres, publiés ou abandonnés. Il se propose d’analyser en détail les circonstances de sa naissance et les conditions, internes et externes, qui ont mené à cette fin prématurée. Au-delà, il s’agit aussi de comprendre comment cette expérience avortée de publication sur l’éducation a pu favoriser la naissance de la plus célèbre collection de livres pour les enfants de l’entre-deux-guerres, les « Albums du Père Castor ».

Paul Faucher et l’éducation nouvelle

2Michèle Piquard a soigneusement décrit le contexte de la création de cette collection dans un article consacré à l’engagement du libraire Paul Faucher dans les mouvements d’éducation nouvelle [3]. Elle rappelle ainsi que Roger Cousinet, alors inspecteur primaire à Arcis-sur-Aube [4], et Madeleine Guéritte, éducatrice montessorienne [5], ont fondé l’association « La Nouvelle Éducation » en 1921. Celle-ci s’affilie à la Ligue internationale de l’éducation nouvelle fondée la même année et qui répand ses idées à travers trois publications : Pour l’Ère nouvelle (dirigée par Adolphe Ferrière), The New Era (dirigée par Béatrice Ensor et A.S. Neill), et Das werdende Zeitlater (dirigée par Elisabeth Rotten). Le groupe de la Nouvelle Éducation « joue rapidement un rôle essentiel dans le développement de l’Éducation nouvelle en France [6] », même si l’on connaît mieux celui que remplira le GFEN un peu plus tard. Incitant ses membres à partager leurs expérimentations pédagogiques, la Nouvelle Éducation organise des assemblées réunissant universitaires spécialistes de pédagogie (Jean Piaget en 1925, par exemple) et praticiens (Célestin Freinet y adhère en 1924). Son bulletin mensuel, La Nouvelle Éducation, est l’instrument principal de la dissémination des réflexions et expériences de ce groupe de militants très actifs. Ceux-ci sont 250 en 1925 [7], puis 450 en 1927 [8].

figure im1

3Paul Faucher, jeune responsable de la librairie Flammarion au Havre, œuvre à la diffusion des livres français auprès des Français expatriés, ce qui l’amène à entrer en relation avec les attachés culturels à l’étranger [9]. C’est par l’intermédiaire de Tony Guéritte, conseiller au commerce extérieur de la France à Londres, qu’il fait la connaissance de sa femme Madeleine Guéritte. Immédiatement enthousiasmé, il adhère à la Nouvelle Éducation en mars 1924. Son activité consiste, dès son adhésion, à organiser une bibliothèque circulante de pédagogie nouvelle censée alimenter les « cercles d’études instaurés par M. Guéritte sur le modèle de ceux de la Fédération américaine pour l’étude de l’enfant » [10]. Le premier des livres de cette bibliothèque militante est L’Activité spontanée de Ferrière. Mais à la fin de l’année 1924, P. Faucher est rappelé à Paris par Flammarion. C’est alors qu’il fait la connaissance de Marguerite Reynier, professeur au lycée Montaigne, avec laquelle il nouera une profonde amitié, ainsi que de Jean Baucomont, instituteur à Garches et trésorier de la Nouvelle Éducation [11]. Tous trois sont rapidement inséparables, comme s’en souvient François Faucher, fils de P. Faucher [12]. La possibilité de se rencontrer fréquemment, notamment dans la toute nouvelle librairie Flammarion du faubourg Saint-Honoré, dont il fait un « quartier général » de l’éducation nouvelle, facilite les projets en commun. La correspondance de M. Guéritte révèle rapidement son agacement devant les initiatives prises par le trio. Son éloignement -elle vit à Surbiton, dans la banlieue de Londres- la tient forcément à l’écart de discussions et d’amitiés qui se nouent à Paris, éloignement qui se muera en tensions lorsqu’il sera question d’ouvrir l’association à de nouveaux adhérents : M. Guéritte se montrera toujours très soucieuse de conserver une ligne intellectuelle stricte, quand ses correspondants militent en faveur de l’ouverture et de la dissémination des idées. Par ailleurs, M. Guéritte se montrera toujours plus investie dans l’organisation des congrès et autres manifestations et l’ouverture d’écoles expérimentales, que dans la collection elle-même.

Genèse de la collection

4La Nouvelle Éducation se veut donc un lieu de réflexion et d’échange, qui impulse, par ses réunions et par la publication de son bulletin, des changements dans les pratiques pédagogiques et éducatives. Ses membres sont très avides de découvrir toutes les expérimentations menées en France et à l’étranger par des éducateurs inspirés des méthodes nouvelles ; ils entretiennent donc une abondante correspondance. C’est de cette curiosité pédagogique, alliée à l’esprit prosélyte de ses membres, que va naître peu à peu un projet d’édition.

5Les instructions officielles de 1923 [13], considérées par Célestin Freinet lui-même comme une « véritable charte de la pédagogie moderne », ouvrent un débat public autour de l’éducation nouvelle. C’est dans ce contexte que Le Mercure de France publie, en 1925, un article du libre-penseur et pacifiste Manuel Devaldès, alors encore en exil en Angleterre. Consacré à l’expérience des « New Schools » anglaises, le texte de M. Devaldès inspire à P. Faucher l’idée de se servir de sa position chez Flammarion pour accentuer son soutien à la propagation des idées pédagogiques nouvelles. Il écrit donc à l’auteur [14] pour lui faire connaître le bulletin de la Nouvelle Éducation dont le congrès annuel vient d’avoir lieu au Musée pédagogique, sous la présidence de Georges Duhamel [15]. En réponse, M. Devaldès se propose d’écrire un livre consacré au mouvement mondial de l’éducation nouvelle [16]. La lettre que P. Faucher adresse à M. Guéritte le 13 juin indique qu’il a entamé des démarches auprès de la maison Flammarion : « Pour l’intéresser davantage au mouvement de la NE je me suis entremis auprès de notre Maison d’Édition pour l’ouvrage qu’il projette d’écrire et j’espère faire aboutir sa demande » [17]. Il ne s’agit pas ici d’une collection, mais bien pour l’instant d’une publication unique, comme l’est à cette date l’édition par Flammarion de l’ouvrage de Dorothy Canfield Fisher, Les Enfants et les mères, traduit par M. Guéritte [18], paru en juillet 1925.

6Peut-on pourtant considérer ces deux premiers livres comme les prémices d’un projet éditorial de plus grande envergure ? Il est clair que P. Faucher, par sa position de libraire, est très attentif à tout ce que l’association entend « publier ». Dans un premier temps, il suggère des améliorations visuelles pour la présentation du bulletin mensuel de la Nouvelle Éducation [19]. Mais dès l’année suivante, sa réflexion a mûri, car un échange avec M. Guéritte évoque une « liste » de titres qui pourraient être proposés à la maison Flammarion, liste à laquelle elle suggère l’ajout d’un titre américain sur la jeunesse délinquante qu’elle a découvert :

7

« On va pouvoir l’inscrire sur la liste à publier par la maison Flammarion. Dès que j’aurai un peu déblayé le rapport du congrès qu’il faut que je fasse tout de suite, je vous préparerai cette liste. Vous avez là une idée splendide, et je souhaite qu’elle se réalise. » [20].

Le « comité provisoire d’éditions pédagogiques »

8En parallèle à la constitution de cette liste, au printemps 1926, le groupe de la Nouvelle Éducation a manifestement commencé à réfléchir à un nouveau projet de livre : il s’agirait d’un recueil de « recettes d’éducation » pratiques. L’équipe se met donc en quête de l’auteur idéal pour ce livre, et croit le trouver dans chaque nouvel adhérent. Au mois de mai, Roger Cousinet rédige même un plan pour un ensemble de plusieurs livres dans cet esprit. M. Guéritte tempère alors un peu l’enthousiasme de ses partenaires. Selon elle, plutôt que d’élaborer un programme de publications pour lequel on n’a pas d’auteurs, il convient de s’intéresser d’abord aux écrits des grands penseurs anglo-saxons mal connus des Français, et qu’il s’agirait de faire traduire : John Dewey, Stanley Hall, par exemple. Le 7 octobre 1926 se tient alors à Paris une réunion « en vue de la constitution d’un comité [provisoire] d’éditions pédagogiques ». Le comité réunit Paul Faucher, Marguerite Reynier, Jean Baucomont, Madeleine Guéritte et Roger Cousinet, mais ces deux derniers n’assistent pas à la réunion, M. Guéritte parce qu’elle ne vient que de temps en temps en France, et R. Cousinet parce qu’il vient d’être muté à Sedan [21]. L’objectif de ce comité figure à la première ligne du compte-rendu de cette réunion : « grouper les forces sympathiques à la Nouvelle Éducation » [22]. Les premiers projets de ce comité sont deux ouvrages : le manuel de recettes d’éducation dont il a été question plus haut, et un ouvrage de synthèse sur l’état des recherches en éducation. On envisage, pour la suite, des monographies, des études plus scientifiques, enfin des « éditions connexes » dont des jeux et des livres d’enfants. Le compte rendu évoque également le désir de se rapprocher du Bureau international d’éducation qui a été fondé l’année précédente à Genève par Édouard Claparède, Pierre Bovet et Adolphe Ferrière [23]. Les bases de ce qui sera la collection « Éducation » semblent ainsi posées en octobre 1926, même si, à cette date, le projet manque encore de corps, et s’il repose principalement sur l’idée de « recettes » pédagogiques et éducatives. P. Faucher se met alors à la recherche de futurs auteurs. Lui a-t-on officiellement délégué la direction de cette collection naissante, ou est-ce de lui-même que le libraire a pris l’initiative de cette fonction éditoriale, laissant les questions purement pédagogiques à ses partenaires dont c’est le métier ? Il écrit ainsi à René Duthil, professeur en école primaire supérieure à Nancy, pour lui demander s’il peut leur fournir des tests, avec leur manuel. En réalité, l’initiative n’aura pas de suite, mais le contact est pris, et R. Duthil sera le traducteur du livre de John Dewey. P. Faucher contacte aussi le psychiatre Gilbert Robin [24], comptant sur lui pour développer le « point de vue psychologique ». Il lui demande ainsi s’il peut leur fournir :

9

« […] un ouvrage sur les enfants anormaux ou sur les dangers de l’éducation familiale mal comprise ou sur tout autre sujet dans le champ de vos recherches » [25].

10Le comité s’intéresse aussi de près aux cadres des mouvements de jeunesse, et P. Faucher prend alors contact avec Charles Bonnamaux, co-fondateur du mouvement des Éclaireurs Unionistes, ainsi qu’avec Jacques Guérin-Desjardins qui en est alors le commissaire national, sollicité en outre pour sa connaissance des tests développés par A. Binet. C’est J. Guérin-Desjardins qui conseille alors à P. Faucher de s’adresser à Pierre Bovet, directeur de l’Institut Jean-Jacques Rousseau à Genève. Voici en quels termes P. Faucher rend compte à son ami J. Baucomont de cet échange :

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« Jeune, plein d’idées et ayant une grande compétence en matière d’éducation ; connaît tous les classiques et souvent leurs auteurs. Il m’a conseillé de demander de sa part à Bovet de nous réserver sa réimpression de « L’instinct combatif ». Les Éclaireurs Unionistes en font une consommation de 500 par an environ. J’écris immédiatement à Bovet, l’ouvrage semblant parfaitement entrer dans le cadre de nos collections. Qu’en pensez-vous ? »[26].

12P. Faucher commence ainsi à prendre des contacts à l’étranger pour nourrir cette future collection : Paul Dengler, à Vienne ; Pierre Bovet, à Genève, à qui il demande par ailleurs de lui indiquer trois ou quatre titres en langue allemande ; Johnson, directeur de l’École américaine à Paris. À la fin du mois de décembre 1926, il a au sujet de ce projet de collection une longue conversation avec Flammarion qui semble optimiste, puisque P. Faucher écrit alors à J. Baucomont : « Je crois que nous pouvons aller de l’avant » [27].

Programme éditorial

13Le 2 janvier 1927, le comité se réunit donc pour l’« examen du plan d’un livre de recettes d’éducation présenté par Roger Cousinet ». Mais au-delà du motif précis de la réunion, cette date marque la véritable naissance de la collection. C’est en effet la première fois que P. Faucher présente le projet clairement, en s’appuyant sur les négociations préalables menées avec Flammarion. Il s’agit, selon ses termes, d’une « collection pédagogique » souhaitée par l’éditeur Flammarion. Les ouvrages devront être fondés sur des bases scientifiquement rigoureuses, même si le public visé est large. Flammarion, en éditeur avisé, souhaite donc conserver à cette collection naissante ce qui a fait le succès de la maison, créée, on s’en souvient, à partir du best-seller de Camille Flammarion, L’Astronomie populaire : un vivier d’auteurs savants, mais capables de s’adresser à un large public, par des ouvrages de vulgarisation. Cette présentation formelle suscite un débat au sein de l’équipe qui révèle l’extrême diversité de ses attentes : les uns souhaitent des publications très axées sur l’hygiénisme, d’autres semblent attachés à la vocation morale de l’éducation – en fait, très peu évoquent le moindre soubassement scientifique, à cette date, même si les interventions de Locke et de J. Baucomont élèvent parfois le débat. Mais grâce à cette réunion et aux semaines de travail qui suivent, le 20 janvier, P. Faucher est en mesure de présenter à Flammarion un projet construit, élaboré selon trois axes : des ouvrages seraient destinés aux parents, d’autres aux enfants, enfin le projet comprendrait aussi l’édition de tests. Six ouvrages sont envisagés à destination des parents : le manuel de recettes « pour l’élevage des enfants de 3 à 13 ans » préparé par R. Cousinet, qui semble donc désormais le pivot de la collection ; un Guide des parents pour l’éducation et l’orientation des adolescents qui serait commandé au docteur Richet et à sa femme, pédiatres à Genève ; un Manuel de puériculture conçu sur le même modèle, pour lequel on n’a pas encore de nom d’auteur ; L’Instinct combatif de Pierre Bovet [28] ; le livre commandé au docteur G. Robin ; enfin un essai de J. Baucomont provisoirement intitulé Où en est la nouvelle éducation ? Le projet envisage aussi la publication de « tests » plus précisément destinés aux éducateurs, et P. Faucher, sans s’étendre sur le sujet, précise qu’« une forme nouvelle est envisagée pour faciliter le maniement et la diffusion des tests ». Mais ce qui frappe dans ce projet, c’est l’égale attention portée à ce qui n’avait pourtant pas été central dans les réunions préparatoires : les publications directement adressées à l’enfant. P. Faucher envisage ainsi d’éditer une série de « jeux de lecture », une série d’adaptations (voire de réimpressions et de traductions) dont il écrit à Flammarion : « J’ai retenu le premier de ces textes déjà établi et illustré pour une nouvelle revue », une série intitulée « une heure de joie » dont le contenu n’est pas explicité, une série de « textes nouveaux » dont Faucher annonce que trois manuscrits sont déjà à l’étude ; enfin « une série de monographies pour les petits, établies par les directrices de la Maison des Petits de Genève [29], qui ont fait un remarquable travail basé sur les questions que posent les enfants : histoire de l’habitation, de la navigation, etc… il sera imaginé pour ces petits albums un genre d’illustration absolument nouveau et dont la maquette vous sera présentée » [30].

14Le projet monté par le comité d’édition dépasse donc d’emblée le seul cadre des sciences de l’éducation, puisque l’embryon de la collection « Éducation » est dès le départ conçu comme le pendant à une série de publications directement adressées à l’enfance. Preuve que pour ses initiateurs, qui sont des militants bien plus que des théoriciens, la réflexion théorique sur les enjeux de l’éducation ne se pense pas indépendamment de la pratique quotidienne de l’éducation, dans le cadre familial ou à l’école.

Le tournant suisse

15En janvier 1927 commence alors une longue correspondance entre P. Faucher et P. Bovet. Ce dernier est ravi qu’on lui propose de republier L’Instinct combatif dont Delachaux et Niestlé ne prévoient pas de réédition. Le même mois, Marguerite Reynier fait un séjour à Genève, d’où elle envoie des lettres enthousiastes. Il semble bien que ce mois de janvier 1927 soit un tournant décisif pour le projet de collection : la correspondance stimulante avec P. Bovet et les relations énergiques de M. Reynier tournent résolument P. Faucher vers Genève, ce qui va modifier l’esprit de cette collection naissante. M. Reynier y rencontre un Américain qui édite des tests, David Zyve [31] ; elle est enchantée de sa découverte de la « Maison des Petits » ; elle fait la connaissance du Dr Richet et de sa femme. P. Bovet et J. Piaget se montrent enthousiastes à l’idée de collaborer à la collection naissante. Une des lettres de M. Reynier à P. Faucher révèle l’état d’esprit qui va alors inciter l’équipe à modifier la destination de la collection :

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« J’ai reparlé de notre affaire à Piaget. […]. Je vois ce que c’est que la psychologie enfantine bien faite, et dans quelle ignorance je suisil faudra prendre un spécialiste avec nous, il conseille beaucoup Meyerson qui est à Paris, qui est au courant de tous les travaux qui se font, qui connaît tout le monde, qui a une compétence indiscutée, une grosse autorité scientifique, à quià cause du Journal de psychologie – tout le monde écrit ce qu’il fait ; qui est l’ami non seulement des gens de Genève et de Bruxelles, mais de Kobler, de Stern, de tous les gens qui sont en Europe à la tête du mouvement. […]. Il me semble qu’on pourrait le charger de diriger la […] collection plus scientifique. Comme il serait avec nous, il nous conseillerait aussi pour la partie grande vulgarisation. Il serait précieux pour nous permettre de refuser ce qu’on pourra dans la suite nous présenter comme manuscrits et qui ne nous plaira pas. On ne critique pas le refus d’un savant de la partie.
Avec lui nous aurions aussi l’appui des gens officielsqui compte. Ce serait ennuyeux de lancer une collection que les gens de la partie mépriseraient. Solidement étayés du coté scientifique, je crois que nous irions beaucoup plus loin et atteindrions ainsi tous les milieux sans compter l’étranger –. » [32].

17La lettre révèle en fait une prise de conscience du relatif amateurisme qui a présidé au projet, et la volonté, chez M. Reynier comme chez P. Faucher, d’orienter la collection, tout au moins en partie, vers des publications de grande tenue scientifique. À Genève, M. Reynier évoque avec Adolphe Ferrière la possibilité d’un ouvrage consacré aux disciples de Pestalozzi : ce sera la matière au Trois pionniers de l’éducation nouvelle, le premier titre de la collection, qui sort en 1928. Éclairée par ses rencontres avec les chercheurs de l’Institut, M. Reynier commence, à cette époque, à émettre des réserves à l’égard du livre que R. Cousinet pourrait rédiger :

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« Avant de s’engager avec Cousinet il faut attendre les échantillons du 1er livre et examiner aussi s’il ne vaudrait pas mieux chercher quelqu’un de plus compétent ou plusieurs personnes compétentes. Je pense à ce que Piaget a dit de Cousinet : « Il traitera les points qu’il ne connaît pas avec autant d’assurance que ceux qu’il connaît ». Ce n’est pas tout à fait l’idéal scientifique. » [33].

19Ces courriers révèlent des tensions naissantes au sein du noyau central de la Nouvelle Éducation. D’autant que, dans le même temps, depuis l’Angleterre, M. Guéritte émet de sérieuses réserves quant au déroulement de la réunion de janvier à laquelle elle n’assistait pas. Elle-même tient fermement à ce que R. Cousinet poursuive son projet de livre, et se montre en revanche méfiante à l’égard d’A. Ferrière. La création de cette collection s’inscrit donc dans un climat de tensions croissantes au sein de l’association : P. Faucher se rapproche de J. Baucomont et M. Reynier avec lesquels il a des affinités intellectuelles et des relations d’amitié, tandis que M. Guéritte manifeste sa fidélité à R. Cousinet avec lequel elle a fondé la Nouvelle Éducation, ainsi qu’une certaine réserve à l’égard de l’engagement théosophique des Suisses de l’Institut Jean-Jacques Rousseau [34].

Le lancement de la collection « Éducation »

20Au printemps 1927, le projet a pourtant mûri au point que P. Faucher signe ses courriers de la formule « directeur de la collection Éducation ». Au mois de mai, les contrats sont signés pour les deux premiers livres, celui de Bovet et celui de Ferrière (avec des modifications à prévoir). La ligne est définie en ces termes :

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« Tous les textes devront reposer sur des bases scientifiques sûres ; être inspirés des principes de l’éducation nouvelle et de l’école active ; tenir compte de l’ignorance, des préjugés et de la susceptibilité du public. Nous demandons aux auteurs : d’employer un style direct, familier (une pointe d’humour) ; de présenter des faits suggestifs, des exemples concrets desquels la conclusion jaillisse d’elle-même, sans dissertation ; d’exposer les résultats avant les méthodes, les effets avant les causes. En bref, il s’agit de toucher un large public de parents et d’éducateurs conscients ou inquiets de leur responsabilité, l’émouvoir, faire tomber ses préventions et l’entraîner dans la voie de l’éducation nouvelle. »[35].

22On sent ici une inflexion du projet. La fréquentation des Suisses a fait prendre conscience au petit groupe que leurs projets initiaux s’apparentaient encore à du militantisme amateur, coupé des réalités sociales comme des recherches académiques. Ils vont réorienter progressivement leurs choix d’édition vers des ouvrages plus scientifiques et sérieux, tout en restant attachés à l’idée de rester accessibles au grand public : une véritable collection de vulgarisation, pour les familles ordinaires – c’est-à-dire de la classe moyenne. On rejette ainsi un projet de Mme Claire Halphen-Istel, que J. Baucomont juge trop « bourgeois » : « Trop souvent on sent régner l’atmosphère bourgeoise, le cadre luxueux : les nurses, les bonnes, les promenades aux Champs-Élysées. Cela gêne un peu et risque d’en faire trop exclusivement un livre pour une classe sociale. » [36].

23C’est cette inflexion du projet qui, au printemps 1927, conduit P. Faucher à expliquer à R. Cousinet, en termes choisis, que son livre est refusé. J. Baucomont et M. Reynier, eux, sont beaucoup plus sévères dans leurs comptes rendus : « le travail soumis ne peut être considéré que comme un brouillon », « les négligences de plume y trahissent par trop l’improvisation », écrit J. Baucomont [37], tandis que M. Reynier, caustique, ironise : « Je ne crois pas que ce soit un exposé aussi monotone, aussi dépourvu de relief, d’esprit, d’imprévu, de piquant, qui arrive à entamer l’opinion courante que la pédagogie est… barbante. […]. Je vous conseille d’imprimer en gros caractères sur la bande de présentation Pour vaincre l’insomnie afin que le public sache à quoi s’en tenir… » [38]. Plus sérieusement, J. Baucomont reproche au projet des prises de positions radicales et intenables : des remarques disant qu’on ne peut élever un enfant sans lire de traité d’éducation ; que si on se dispute entre parents, mieux vaut abandonner les enfants ; que si on ne veut pas en élever, il ne faut pas en avoir, etc. Le comité éditorial se démarque donc fermement du projet initial, qui paraît à cette date trop peu étayé [39].

L’office central d’éducation

24Pour autant il ne faudrait pas croire que la collection « Éducation » soit l’objet central des militants de la Nouvelle Éducation : elle est un des éléments d’un dispositif plus vaste de propagande. L’importance des congrès de la Ligue internationale pour l’éducation nouvelle, notamment celui de Locarno à l’été 1927, a été soulignée. Il faut aussi rappeler, à la suite de Michèle Piquard, la création du Bureau français d’éducation. En effet, en 1927 et dans l’atmosphère des rencontres, notamment avec les Suisses, P. Faucher a l’idée de créer un Office central d’éducation. M. Guéritte se montre réservée, mais en juin, P. Faucher, J. Baucomont et M. Reynier créent le Comité d’organisation de l’Office central d’éducation. Comme P. Faucher l’écrit à P. Bovet :

« Les encouragements reçus jusqu’ici nous donnent l’espoir de rallier les forces actives de la pédagogie et de la psychologie nouvelles en France. Cet Office central pourrait aussi plus tard rassembler pour le B.I.E. toute la documentation française. » [40].
On voit que les efforts de ces militants tendent à un rapprochement international. Il est donc important d’accompagner la création de la collection « Éducation », destinée à un vaste public, de la fondation d’une institution nationale capable de représenter les expérimentations françaises au sein du B.I.E. En août 1927, lors du congrès de Locarno, ce projet d’Office prend en fait la forme d’un Bureau français d’éducation (c’est Adolphe Ferrière qui a conseillé d’utiliser le mot « français »), qui est officiellement créé en septembre [41]. Il est évident que l’inflexion de la collection en faveur de textes plus scientifiques, émanant de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, est très étroitement liée à la réunion plus large des forces de l’éducation nouvelle autour de ce Bureau français d’éducation. À cette occasion, le désaccord avec M. Guéritte est net – P. Faucher parle d’elle à J. Baucomont en ces termes : « Je vous retourne inclus la dernière bulle du Pape de Surbiton » [42]. Il n’y a pas rupture, car la correspondance entre M. Guéritte et P. Faucher reste abondante, mais les tensions s’accentuent.

Ouverture internationale

25Après le congrès de Locarno et la création du Bureau français d’éducation, P. Faucher semble avoir plus d’ambition pour la collection. Les deux premiers volumes sont en cours et, si l’on fait abstraction de quelques tensions avec A. Ferrière, qui n’apprécie pas qu’un tout jeune éditeur suggère des modifications dans un texte émanant de la direction de l’Institut Jean-Jacques Rousseau [43], tout se déroule sereinement, et la collection est enfin offerte au public : Trois pionniers de l’éducation nouvelle paraît en avril 1928, et L’Instinct combatif de P. Bovet en décembre 1928 [44].

26Les efforts de P. Faucher se dirigent nettement vers l’étranger ; il cherche à repérer quelles sont les valeurs sûres de l’éducation nouvelle. À cet égard, la collection « Éducation » n’est pas une collection véritablement avant-gardiste, ni pionnière : elle cherche à s’assurer des ventes importantes, en s’appuyant sur des sommités reconnues à l’échelle internationale, et pour l’instant ignorées des Français. C’en est donc bien fini des livres de recettes de mères de familles qui étaient à l’origine du projet éditorial. P. Faucher commande des ouvrages américains, souvent sur la recommandation de ses amis du Bureau international d’éducation : William H. Kilpatrick (professeur à Columbia), Harold Hugg, Eugene Smith, Carleton Washburne, Lucy Wilson. P. Faucher contacte aussi Maurice Boucher, professeur d’allemand au lycée Louis-le-Grand et traducteur : il aimerait sa collaboration pour les livres de langue allemande. Il redemande des titres à Paul Dengler à Vienne (« comparables à Dewey, Kilpatrick, Fisher » [45]), à Mosle à Berlin, et prend contact avec des éditeurs allemands. Ses différents correspondants invitent régulièrement P. Faucher à s’intéresser à Georg Kerschensteiner, disciple de J. Dewey, mais son traducteur de l’allemand, Jean Peyraube, trouvant Kerschensteiner trop ardu à traduire, suggère plutôt de s’intéresser au Suisse Hans Zulliger [46].

27La consultation des archives révèle donc bien à quel point les différents états de la collection sont un constant compromis entre le projet intellectuel, la capacité de travail des forces en présence et les exigences économiques. Un texte de présentation de la collection, non daté, témoigne encore de projets qui ne verront pas le jour, la crise économique survenant entre temps. Aucun livre ne paraît en 1929, si l’on excepte Bakulé et son œuvre éducatrice d’A. Ferrière, simple tiré-à-part du volume Trois pionniers, destiné à accompagner la tournée de la chorale des enfants de F. Bakulé en France [47]. Par ailleurs, la tentative pour faire de la collection une caisse de résonance des théories les plus scientifiques se manifeste dans une quête permanente de tests sur les aptitudes intellectuelles et scientifiques à publier. L’équipe de la Nouvelle Éducation est très attentive aux travaux de la Société Binet, et pendant toute l’année 1929, P. Faucher pense qu’il pourra publier les tests de D. L. Zyve. Mais il les abandonnera finalement à P. Bovet, désireux de les expérimenter en Suisse. La trajectoire du projet éditorial est donc sinueuse.

Des difficultés

28Lorsque survient la crise économique mondiale, elle envahit la correspondance de toute cette communauté d’éducateurs. Elle peut expliquer les difficultés que rencontre la collection très peu de temps après sa naissance. Plus spécifiquement, il faut souligner l’étroitesse du marché français qui constitue un handicap quand on doit négocier des droits de traductions. Ainsi l’éditeur d’Eduard Spranger trouve-t-il les propositions financières de Flammarion, en matière de cession de droits, très insuffisantes. Il en va de même pour Kilpatrick. En juillet 1928, P. Faucher doit donc expliquer en détails à son éditeur, MacMillan, ce qu’est le contexte éditorial français :

29

« Si vous voulez bien considérer, d’une part la situation actuelle de la librairie française, notamment le prix de vente très bas des livres, 12 frs soit à peine ½ dollar, d’autre part le fait qu’il n’existe pas en France de public s’intéressant à la question de l’Éducation nouvelle, vous vous rendrez compte qu’il nous est impossible de dépasser 6 % pour les droits d’auteur » [48].

30Des projets sont donc abandonnés : le livre de Lucien Wellens et du Dr René Ledent [49], L’Éducation physique à l’école, évoqué en octobre 1929, ne verra pas le jour. De même celui d’Ovide Decroly, Les Étapes du développement de l’enfant, ne sera jamais mené à terme [50]. La collection poursuit cependant ses parutions. Le livre de Gilbert Robin, L’Enfant sans défauts, paraît en juin 1930 et connaît d’emblée plusieurs tirages. Celui d’Hans Zulliger, La Psychanalyse à l’école, paraît à la fin de l’année 1930. En mars 1931 sortent deux nouveaux ouvrages. L’Éducation physiologique d’Édouard Seguin est en fait réalisé à partir d’extraits des diverses publications [51] du « médecin des idiots », empiriste précurseur des méthodes de l’éducation nouvelle, vénéré par Maria Montessori qui s’est nourrie de ses travaux. Celui de John et Evelyn Dewey, Les Écoles de demain traduit de Schools of Tomorrow (1915), est l’œuvre majeure du pédagogue du hands-on learning. Avec ce titre, la collection s’éloigne un peu de la dimension médicale et de la question psychologique pour se rapprocher de la pédagogie. En juin de la même année paraît Utilisation du milieu géographique, adaptation par l’Anglaise Mabel Barker de sa thèse de doctorat soutenue en 1926 à Montpellier ; elle s’y réfère aux théories du botaniste et sociologue écossais Patrick Geddes.

31Malgré ce rythme soutenu de parutions, P. Faucher s’irrite du peu d’échos accordé par la maison Flammarion aux publications de sa collection. Il demande instamment à Flammarion qu’on profite de chaque nouvelle sortie pour faire un peu de publicité à la collection. Il signale aussi les cercles dans lesquels, bien au-delà du simple milieu médical (qui est évidemment une mauvaise destination pour ces ouvrages de vulgarisation), on doit promouvoir les livres. Il vise notamment la hiérarchie de l’Éducation nationale. Mais il ne semble pas écouté et, en 1931, puis plus gravement en 1932, quelques courriers témoignent de tensions grandissantes autour de la collection : P. Faucher fait le compte de ses dépenses, rappelant à Flammarion qu’il fournit lui-même son logement alors qu’on lui avait promis un bureau.

Un autre projet ?

32L’agacement de P. Faucher devant le peu d’intérêt que suscite la collection « Éducation » au sein même de la maison d’édition ne l’empêche pas de consacrer toute son énergie à l’ensemble de ses projets éditoriaux. Or depuis le début de cette aventure éditoriale, ses intentions concernent aussi des livres destinés aux enfants. En effet, dès la réunion du comité d’octobre 1926, cette question a été soulevée en des termes alarmistes :

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« Actuellement la plupart [des livres pour enfants] sont dangereux, physiquement (pour la vue), moralement (excitations et déformation mentale). Leur lecture peut avoir des effets désastreux, dont s’épouvanteraient les parents s’ils en étaient conscients. […]. Cependant, nous possédons des données, qui nous permettent de faire des livres une bienfaisante récréation pour les enfants, en même temps qu’un merveilleux agent d’éducation » [52].

34J. Baucomont insiste beaucoup sur la nécessité de s’intéresser aux livres que lisent les enfants, de même qu’il insistera sur la place des arts dans l’éducation de l’enfant et sur le respect de ses jeux. P. Faucher, pour donner plus de poids au projet qu’il présente à Flammarion, a d’ailleurs contacté Claire Huchet, bibliothécaire à l’Heure Joyeuse [53], à qui il demande si elle accepterait de se charger de la partie littéraire d’une collection destinée aux enfants [54]. Elle dut refuser, mais on sait que les bibliothécaires de l’Heure Joyeuse firent un excellent accueil aux publications de P. Faucher qui put utiliser la bibliothèque comme terrain d’expérimentation [55]. Le projet de publier des livres pour enfants se concrétise dans un premier temps par l’édition de classiques adaptés. Dès 1927, P. Faucher sert ainsi d’intermédiaire entre M. Reynier et Flammarion pour des adaptations de textes classiques pour la jeunesse illustrés par Pierre Noury. Le premier est Robinson Crusoé qui sort en novembre 1927, c’est-à-dire quelques mois avant le premier titre de la collection « Éducation ». On ne doit cependant pas y voir une priorité accordée aux publications pour enfants : novembre est « le » mois pendant lequel doivent sortir les livres destinés à être achetés pour les étrennes enfantines. À l’occasion de cette publication, on découvre que P. Faucher a déjà une idée bien déterminée de la manière dont il faut écrire pour les enfants. Il s’oppose ainsi à Flammarion :

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« En ce qui concerne le Robinson Crusoé, les coupures que vous avez bien voulu me remettre ne peuvent être utilisées que pour un travail très rapide et très médiocre. Si vous désirez avoir un texte qui plaise à la jeunesse, je crois qu’on pourrait faire un travail original à condition d’une entente très étroite avec l’illustrateur. Dans ce cas, Mme Reynier ne pourrait absolument pas se charger de ce travail délicat pour la somme fixée. Elle préférerait recevoir un pourcentage, si modique soit-il, sur la vente de l’ouvrage » [56].

36En parallèle à ce travail soigneux d’adaptation de textes classiques, P. Faucher s’intéresse aux publications pour enfants des pays voisins. Il se fait donc envoyer par M. Guéritte les livres pour enfants qu’elle admire dans la production anglaise. Il en commande aussi à des éditeurs allemands, en précisant qu’il veut des livres bon marché. Enfin il semble à la recherche d’illustratrices et, là encore, se montre très exigeant sur la qualité, bien qu’encore indécis sur le style. À Charlotte F. Kett, de la Croix-Rouge de la jeunesse, il renvoie ses dessins en disant : « J’envisage plutôt pour notre collection l’utilisation de dessins plus enfantins (de facture plus naïve) » [57]. À propos des dessins de Rose Celli qu’on lui a montrés, il émet des réserves : « Ils sont bien intéressants mais pas à la portée des enfants » [58]. Sa correspondance avec Célestin Freinet révèle de manière plus libre ce qu’il envisage de publier pour les enfants. Bien plus que pour la collection « Éducation », P. Faucher semble avoir une vue précise de ce qu’il souhaite :

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« Nous pensons publier des livres bon marché et bien présentés, pour les enfants, d’après un plan nouveau. Il me paraît très possible d’y faire figurer une gerbe de récits d’enfants sur un sujet analogue à « l’histoire du petit garçon sur la montagne ». Nos fascicules comporteraient un minimum de 24 pages. Je pense que nous pourrions arriver facilement à une entente à ce sujet. Qu’en pensez-vous ? Pouvez-vous me communiquer là aussi les textes et les dessins ? »[59].

38Le projet aboutit en décembre 1928, avec la parution du livre de M. Reynier illustré par Jodelet, Petits paysans d’autrefois (184 pages), suivi en 1929 du Livre du petit compagnon, puis en avril 1931 celui de Rose Celli, Le châle indien et autres contes. Les deux séries de publications, la collection « Éducation » d’une part, les livres destinés aux enfants d’autre part, sont donc absolument contemporaines l’une de l’autre, et P. Faucher les mène l’une et l’autre avec détermination, sans paraître en privilégier aucune. Que se passe-t-il donc pour que l’une périclite, tandis que l’autre prend son essor ?

La fin d’une aventure

39La collection « Éducation » semble traverser difficilement la crise… ou la crise est-elle un prétexte pour mettre fin à un projet éditorial qui n’a pas convaincu ? Dès 1932, P. Faucher répond, à toutes les propositions qui lui sont adressées, qu’il ne peut pas faire de nouveau projet d’édition. Il renonce par exemple à faire découvrir aux lecteurs français les travaux du pédagogue polonais Henryk Rowid. En février, il a une entrevue avec Flammarion qui lui demande de renoncer à certaines de ses publications déjà engagées. P. Faucher établit donc une série de priorités, en fonction de l’état d’avancement des ouvrages et de leur intérêt. Selon lui, 7 ouvrages doivent impérativement paraître (dont le Bakulé), 5 sont en chantier et mériteraient qu’on les fasse arriver à terme, 4 peuvent être résiliés sans difficultés. Par ordre de priorité, il indique qu’il faut publier d’abord les livres de Paul Hazard et Jean Dupertuis. De même, il faut, selon lui, hâter la publication du livre de Valérie Decordes, fidèle collaboratrice d’O. Decroly depuis 1920 – qui ne paraîtra pas.

40Le livre de Paul Hazard, professeur au Collège de France, Les livres, les enfants, les hommes, est le seul à paraître en 1932. Celui de Jean Dupertuis, Vers l’école unique (les internats publics de Vienne), sort en février 1933, et celui d’Élisabeth Huguenin, Éducation et culture, d’après Kerschensteiner, en novembre de la même année. Ces deux auteurs, presque les derniers de la collection, sont suisses : J. Dupertuis dirige une école de plein air à Villars-sur-Bex et est l’un des fondateurs du Bureau international des écoles de plein air [60]. Quant à É. Huguenin, c’est aussi une Suissesse, qui a été professeur à l’école de l’Odenwald, fondée par Paul Geheeb en Hesse, puis professeur à l’école nouvelle de Bex, et qui, à l’époque de cette parution, enseigne à l’école des Roches [61]. La boucle est donc bouclée : la collection s’est ouverte par les publications de deux membres éminents de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, elle se clôt avec deux textes de Suisses inspirés par les mêmes cercles. Est-ce à dire qu’elle a échoué à susciter la naissance de travaux français sur le sujet de l’éducation nouvelle ? Il ne faudrait tout de même pas passer sous silence l’ultime texte de la collection « Éducation », La confiance en soi, de la romancière et pédagogue américaine Dorothy Canfield Fisher. C’est M. Guéritte qui, dès le début, insiste pour qu’on publie cet auteur dont elle a traduit Les enfants et les mères (1925) avant la création de la collection « Éducation ». Le livre connaît d’invraisemblables avanies (placards perdus, problèmes avec les références au scoutisme, etc.) et s’il paraît, alors que, de l’aveu même de P. Faucher, la collection est « en sommeil » dès 1933, c’est parce que les contrats doivent être honorés, et les traducteurs payés (ce ne sera toujours pas le cas en 1939 !). M. Guéritte fera d’ailleurs une critique sévère de ce volume, reprochant à l’éditeur de ne pas avoir fait de place à une préface des traducteurs, et surtout, de n’indiquer nulle part que ce livre a déjà… 20 ans. L’ultime parution de la collection « Éducation », qui se referme sur un ouvrage insatisfaisant et déjà daté, semble donc sceller un échec relatif.

Un échec et une naissance

41On pourrait trouver la fin de cette aventure un peu amère. L’inaboutissement de la collection « Éducation » a pourtant pour pendant le triomphe éclatant de l’autre versant du projet porté au sein de la maison Flammarion par P. Faucher : les livres pour enfants. Comment expliquer l’insuccès de la collection « Éducation » ?

La concurrence éditoriale

42Les échanges de courriers entre Paul Faucher et Charles Flammarion montrent un désaccord interne à la maison d’édition, l’un insistant sur les mauvaises stratégies de diffusion et l’insuffisance de la publicité faite autour de la collection (notamment dans la revue Pour l’ère nouvelle), l’autre semblant surtout soucieux de limiter les investissements dans une période de réduction des ventes [62]. P. Faucher ne parvient pas à négocier les droits de traduction des ouvrages étrangers qu’il souhaiterait publier. Par ailleurs, alors qu’il ambitionne, en 1927, de rallier les membres de l’Institut Jean-Jacques Rousseau à sa collection, force est de constater qu’ils restèrent fidèles à Delachaux et Niestlé. Quant aux ventes, manifestement jugées insuffisantes par l’éditeur, elles souffrent sans aucun doute de la concurrence avec l’éditeur suisse, mais aussi de l’existence de revues pédagogiques qui répondent peut-être mieux aux attentes des enseignants et éducateurs intéressés par l’éducation nouvelle. Outre le bulletin mensuel de la Nouvelle Éducation, les Français peuvent en effet lire la revue L’Éducation, qui existe depuis 1909, et qui publie des comptes rendus des ouvrages de la collection « Éducation » ; Pour l’ère nouvelle, l’édition française de l’organe de publication de la LIEN, dirigé depuis 1922 par A. Ferrière (à laquelle ne s’interdisent pas de collaborer R. Cousinet, M. Guéritte, M. Reynier et J. Baucomont) ; mais aussi, à partir de 1927, le Bulletin de l’Union des Trois Ordres de l’enseignement libre, publié par des enseignants catholiques du Nord de la France [63] ; sans oublier L’Éducateur prolétarien que Célestin Freinet publie depuis 1925, ou, plus générale, L’Éducation enfantine, toutes revues que lit P. Faucher. Il y a manifestement en France un lectorat intéressé par des publications consacrées à l’éducation nouvelle, contrairement à ce que semble alléguer P. Faucher, et qui est très sollicité. À preuve, le lancement, en 1931, de deux nouveaux projets éditoriaux qui vont directement concurrencer la collection « Éducation » : la collection « Problèmes de l’éducation » de Desclée de Brouwer, et la collection « Les Sciences et l’Art de l’éducation » dirigée par le père François Chatelain aux éditions du Cerf [64].

Le flottement du projet

43Le public existe : c’est donc la collection qui n’a pas su convaincre. Une des explications de cet échec réside probablement dans a longue hésitation, au sein de l’équipe, entre livres de « recettes » pragmatiques et vulgarisation des travaux scientifiques les plus en pointe. Marguerite Reynier, dont la relation privilégiée avec P. Faucher a sans doute accentué l’influence, perçoit très tôt l’ambiguïté de leur projet d’édition. C’est elle qui, dès le début de 1927, relève la faiblesse épistémologique de la démarche du groupe, et favorise l’orientation de la collection vers les Suisses de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, plus solides sur le plan scientifique. Or ce tournant conduit à se placer directement sur le créneau éditorial occupé par la « Collection d’actualités pédagogiques », qui depuis 1913 publie déjà P. Bovet, A. Ferrière, J. Piaget, O. Decroly, E. Huguenin… Ce faisant, le projet de P. Faucher oublie le public de mères de famille originellement visé par les membres du groupe. Pourtant, à l’époque où le « comité provisoire » réfléchit au fameux « livre de recettes » qui doit inaugurer l’entreprise éditoriale, M. Reynier elle-même avait ébauché un projet de livre, délaissé au profit de celui de R. Cousinet. Elle l’avait intitulé Jacqueline [ou tout autre nom] élève ses enfants, et l’envisageait ainsi :

« L’ouvrage serait rédigé dans un esprit aussi pratique que possible, mais les problèmes essentiels seraient nettement posés et résolus avec l’appui de données scientifiques présentées de façon aussi simple et aussi peu rebutante que possible. […] Le contenu de l’ouvrage peut être présenté sous formes de lettres ou de conseils » [65].
L’ouvrage n’a pas été réalisé, puisque la préférence est donnée à l’essai proposé par R. Cousinet, finalement écarté lui aussi. Le livre imaginé par M. Reynier aurait pourtant pu être le pendant « éducation nouvelle » de Comment j’élève mon enfant. Puériculture. Éducation. Enseignement jusqu’à sept ans de Blanche Gay (épouse de Francisque Gay) et Louis Cousin, marianiste, avec la collaboration du docteur Etienne Besson, publié par Bloud et Gay à partir de 1927. Peut-être même aurait-il pu remporter le succès que connaîtra, à partir des années 1960, le best-seller absolu de Laurence Pernoud, J’élève mon enfant[66]. Quoi qu’il en soit, il semble évident, avec le recul que permet la consultation des archives, que le flottement au sein de l’équipe est l’un des facteurs responsables de la mort prématurée de la collection, après seulement 10 titres et 6 années d’existence [67].

Une collection de livre pour enfants

44Il est évident par ailleurs que dans l’intervalle, entre 1925, où frémit la première idée d’édition, et 1931, date de la création des « Albums du Père Castor », les centres d’intérêt de P. Faucher lui-même se sont déplacés au gré de ses découvertes dans le milieu de l’éducation nouvelle. La rencontre de Lida Durdikova, en particulier, semble déterminante. Collaboratrice de Frantisek Bakulé, elle fait la connaissance de Paul Faucher en 1929 et l’épouse en 1932 [68]. Son intérêt pour les livres pour enfants se communique à P. Faucher, qui manifeste alors plus d’audace dans ses choix éditoriaux. Il réussit à faire signer à Léopold Chauveau (qu’il a peut-être rencontré aux décades de Pontigny de 1930, où vinrent aussi Decroly, Lacan, Wallon, Piaget) un contrat d’édition pour les Histoires du Petit Père Renaud[69]. Et bientôt mûrit son projet de collection d’albums d’images, projet concurrent de son investissement dans la collection « Éducation », puisque les deux premiers « Albums du Père Castor » paraissent en 1931 [70]. Le souhait de publier des livres directement adressés aux enfants était consubstantiel au « comité » initialement réuni, et l’intérêt de ses membres s’était toujours porté vers les livres pour enfants, en parallèle à l’exploration de la littérature scientifique. Dès 1924, la correspondance entre P. Faucher et M. Guéritte porte sur les livres pour enfants, cette dernière commandant à son libraire havrais des titres de Léopold Chauveau et d’André Hellé. Bientôt, l’éducatrice montessorienne envoie à P. Faucher des « jeux de lecture » et « jeux de cartes » produits en Angleterre, à titre d’exemples de ce que leur comité, associé à Flammarion, pourrait produire [71]. P. Faucher s’en souviendra manifestement quand il publiera Bonjour Bonsoir ou Faites votre marché[72]. J. Baucomont, M. Reynier et P. Faucher lui-même, lors des discussions qui préludent à la création du comité, insistent chacun leur tour sur la nécessité de réfléchir conjointement à la publication de livres pour les enfants, pensés comme le prolongement naturel de leur action de propagande.

45On comprend que, devant les difficultés que traverse, dès sa création, la collection « Éducation », en butte à un certain scepticisme de Flammarion tout comme à un flottement interne à l’équipe, P. Faucher se soit rapidement concentré sur la création de livres pour enfants, projet, lui, totalement inédit. De fait, si la collection « Éducation » a échoué à faire émerger des travaux français et a dû se contenter d’importer, parfois avec un grand délai, des travaux étrangers, les « Albums du Père Castor », en revanche, connaissent d’emblée un succès international. Les Éditions d’État tchécoslovaques commandent dès 1933 des milliers d’exemplaires des albums qui, à la même époque, sont traduits en Allemagne, en Angleterre et aux Etats-Unis où ils inspirent le créateur des futurs « Little Golden Books » [73]. En 1939, le marché sud-américain s’ouvre aux albums. Ce qui n’était initialement qu’un des volets du projet éditorial dont la collection « Éducation » paraissait la branche maîtresse, se transforme ainsi en une aventure de longue haleine, puisque la collection marque le paysage de l’édition enfantine française pour plusieurs décennies, par sa qualité formelle autant que par la clairvoyance de son projet éducatif, inspiré par l’éducation nouvelle. Paradoxalement, Paul Faucher réalise, avec les « Albums du Père Castor », l’objectif que s’était assigné le comité issu de la Nouvelle Éducation : propager, à destination des éducateurs et parents, les valeurs et méthodes de l’éducation nouvelle, par des publications concrètes et accessibles à tous [74].


Titres parus dans la collection « Education » (éd. Flammarion)

  1. Adolphe Ferrière, Trois pionniers de l’éducation nouvelle : Hermann Lietz, Giuseppe Lombrado-Radice et Frantisek Bakulé, 1928 (26 avril).
  2. Pierre Bovet, L’Instinct combatif, nouvelle édition revue, 1928 (10 décembre).
  3. Gilbert Robin, L’Enfant sans défauts, 1930.
  4. Hans Zulliger, La Psychanalyse à l’école, traduit par J. Peyraube, 1930.
  5. John et Evelyn Dewey, Les Écoles de demain, traduit de l’anglais par R. Duthil, 1931.
  6. Édouard Seguin, L’Éducation physiologique, 1931.
  7. Mabel Barker, Utilisation du milieu géographique, 1931.
  8. Paul Hazard (de l’Académie Française), Les Livres, les enfants et les hommes, 1932.
  9. Jean Dupertuis, Vers l’école unique (les internats publics de Vienne), 1933.
  10. Élisabeth Huguenin (professeur à l’École des Roches), Éducation et culture, d’après Kerschensteiner, 1933.
  11. Dorothy Canfield Fisher, La Confiance en soi, adaptation de l’anglais par A. et Randolph Hugues, 1938.

Notes

  • [1]
    Cet article est issu d’une intervention faite en 2012 dans le cadre du séminaire « Paul Faucher (1898-1967) : l’édition au service de l’Éducation nouvelle » organisé par Jean-François Marchat, Antoine Savoye et Laurent Gutierrez avec le concours du regretté François Faucher. Initiée par Michèle Piquard, cette recherche a été menée conjointement avec elle, jusqu’à son décès. Cet article est dédié à sa mémoire.
  • [2]
    Archives du Père Castor, boite APC 68 : « Collection Éducation. Mise en place de la collection ». 711 pages, 1926-1947. Sauf mention contraire, tous les documents et courriers évoqués ici renvoient à cette boîte, à l’exception des courriers rangés par ordre alphabétique de correspondant (boîtes 111 à 116) et du « projet de livre de recettes d’éducation » (boîte APC 69).
  • [3]
    Michèle Piquard, « Paul Faucher, concepteur des albums du Père Castor, “sergent recruteur de la Nouvelle Éducation” dans l’entre-deux-guerres », Recherches & éducations [En ligne], 4 | mars 2011, mis en ligne le 15 mars 2011, consulté le 30 mars 2015. URL : http://rechercheseducations.revues.org/782
  • [4]
    Dominique Ottavi, « Roger Cousinet et la société enfantine », in Annick Ohayon, Dominique Ottavi, Antoine Savoye (dir.), L’Éducation nouvelle, histoire, présence et devenir, Berne, Peter Lang, 2004, p. 125-144.
  • [5]
    Antoine Savoye, « Un terrain de rencontre de l’Éducation nouvelle et des sciences de l’éducation. La réforme de l’enseignement secondaire en France dans l’entre-deux-guerres », in Rita Hofstetter et Bernard Schneuwly (dir.), Passion, fusion, tension. New education and educational sciences. Éducation nouvelle et sciences de l’éducation. End 19th-middle 20th century. Fin du 19e-milieu du 20e siècle, Berne, Peter Lang, p. 363.
  • [6]
    A. Savoye, ibid. p. 363.
  • [7]
    Chiffres donnés par Laurent Gutierrez sur son site internet Histoire du mouvement de l’Éducation nouvelle en France (1899-1939), 5.3 « La Nouvelle Éducation ». consulté le 30 mars 2015. URL : http://hmenf.free.fr/rubrique.php3?id_rubrique=23.
  • [8]
    Lettre de M. Guéritte à P. Faucher, 1er février 1927.
  • [9]
    François Faucher, « Aux sources d’une création en mouvement », in Paul Faucher (1898-1967), un Nivernais, inventeur de l’album moderne, Actes du colloque de Pouges-les-Eaux, 20-21 novembre 1998, Conseil général de la Nièvre, 1999, p. 15-48.
  • [10]
    M. Piquard, « Paul Faucher, concepteur des albums du Père Castor », op. cit., § 9 de la version en ligne.
  • [11]
    A. Savoye, « Jean Baucomont (1891-1967), compagnon de route de Paul Faucher durant l’entre-deux-guerres », communication au Séminaire interuniversitaire Paul Faucher (1898-1967). L’édition au service de l’éducation nouvelle, Bibliothèque de l’Heure Joyeuse, Paris, 10 mai 2012. Voir aussi, sur le rôle controversé de Jean Baucomont sous le régime de Vichy, Pierre Boutan, « Vichy et l’Éducation nouvelle : Jean Baucomont et le Bulletin national de l’enseignement primaire », in Laurent Guttierez, Laurent Besse, Antoine Prost (dir.), Réformer l’école. L’apport de l’Éducation nouvelle (1930-1970), Grenoble, PUG, 2012, p. 139-149.
  • [12]
    F. Faucher, « Aux sources d’une création en mouvement », op. cit., p. 25.
  • [13]
    Instructions relatives au nouveau plan d’études des écoles primaires élémentaires, 20 juin 1923, par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux arts, Léon Bérard.
  • [14]
    Lettre de P. Faucher à Manuel Devaldès (au Mercure de France), 1er mai 1925.
  • [15]
    4e assemblée de la Nouvelle Éducation, 9-11 avril 1925, Musée Pédagogique, Paris.
  • [16]
    Lettre de M. Devaldès à Flammarion, 8 mai 1925 : « Je suis mieux placé que quiconque pour donner quelque chose de documenté et de vivant sur ce sujet ».
  • [17]
    Lettre de P. Faucher à M. Guéritte, 13 juin 1925.
  • [18]
    Dorothy Canfield Fisher, Les Enfants et les mères. Étude destinée à aider les mères dans cette entreprise importante et compliquée : l’éducation des enfants, Adaptation française de Madeleine T. Guéritte, Paris, Flammarion, 1925.
  • [19]
    « La couverture du Bulletin paraît être une heureuse amélioration, mais comme je la trouve trop blanche, a-t-on fait des essais en couleurs ? Un caractère plus gras donnerait peut-être plus d’assise à la page. Enfin je pense que le monogramme pourrait être remplacé par un motif tel qu’un dessin d’enfant donné en concours dans l’Oiseau bleu, par exemple. », lettre de P. Faucher à M. Guéritte, 11 février 1926.
  • [20]
    Lettre de M. Guéritte à P. Faucher, 21 avril 1926.
  • [21]
    Laurent Gutierrez, préface in Roger Cousinet, Une méthode de travail libre par groupes, Paris, Fabert, 2011, p. 7-32.
  • [22]
    Notes manuscrites de P. Faucher, s.d. [1926].
  • [23]
    La fondation du BIE se fit à l’Institut Jean-Jacques Rousseau grâce à un don de 12 000 francs de la Fondation Rockefeller.
  • [24]
    Laurent Gutierrez, « Gilbert Robin (1893-1967) : itinéraire d’un neuropsychiatre au service de la cause infantile », Nervure, no 474, mars 2009, p. 1-2.
  • [25]
    Lettre de P. Faucher à G. Robin, 17 janvier 1927.
  • [26]
    Lettre de P. Faucher à J. Baucomont, 28 décembre 1926.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    La première édition est parue chez Delachaux et Niestlé, dans la « collection d’actualités pédagogiques », en 1917, sous le titre L’Instinct combatif : psychologie, éducation.
  • [29]
    Il s’agit de l’école d’application de l’Institut Jean-Jacques Rousseau. Voir Christiane Perregaux, Laurence Rieben et Charles Magnin, dir., “Une école où les enfants veulent ce qu’ils font” : la Maison des Petits, hier et aujourd’hui, Lausanne, Édition des sentiers, 1997.
  • [30]
    Lettre de P. Faucher à Charles Flammarion, 20 janvier 1927.
  • [31]
    Il est alors l’auteur d’une thèse non publiée, soutenue en 1926 à Stanford, An Experimental Study of Scientific Aptitude.
  • [32]
    Lettre de M. Reynier à P. Faucher, 5 février 1927.
  • [33]
    Lettre de M. Reynier à P. Faucher, 19 janvier 1927.
  • [34]
    Lettre de M. Reynier à P. Faucher, 5 février 1927.
  • [35]
    Lettre de P. Faucher à R. Cousinet, 16 mars 1927.
  • [36]
    Fiche de lecture manuscrite de J. Baucomont au sujet du Livre de mes enfants de Claire Halphen-Istel, 23 mars 1927.
  • [37]
    Note manuscrite de J. Baucomont à P. Faucher, avec mention « personnel », s.d., dossier « Avis des collaborateurs sur le “livre de recettes” ».
  • [38]
    Note manuscrite de M. Reynier, même dossier.
  • [39]
    R. Cousinet publiera pourtant son livre, en 1950, sous le titre Fais ce que je te dis. Conseils pratiques aux mères de famille, aux Presses d’Ile-de-France, dans la « Collection de l’École nouvelle française » qu’il a créée en 1948 avec le père François Chatelain. De ce dernier, voir « “La Source” : le regard rétrospectif de l’un de ses fondateurs (1970) », Les Études sociales, no 145, premier semestre 2007, p. 145-150.
  • [40]
    Lettre de P. Faucher à P. Bovet, 31 mai 1927.
  • [41]
    « Le “Bureau Français d’Éducation” », L’Éducation, rubrique « nouvelles pédagogiques », no 10, juillet 1928, cité par L. Gutierrez sur son site internet Histoire des mouvements d’éducation en France, consulté le 30 mars 2015. URL : http://hmenf.free.fr/article.php3?id-article=43
  • [42]
    Lettre de P. Faucher à J. Baucomont, 14 juin 1927.
  • [43]
    Lettre d’A. Ferrière à P. Faucher, 7 juillet 1927 : « Vous connaissez la fable du loup et du chien. J’ai toujours été le loup. Vous me traitez comme le chien et mon geste naturel eût été de vous prier de me renvoyer tous les manuscrits que vous avez encore en mains ».
  • [44]
    Flammarion annoncera dans ses ouvrages, sous la rubrique « collection Éducation », un titre de Pierre Bovet, La Paix par l’école, Travaux de la conférence internationale tenue à Prague du 16 au 20 avril 1927, qui est en fait un simple dépôt de l’éditeur : Genève : Bureau international d’éducation ; Prague : Société pédagogique Comenius (1927).
  • [45]
    Lettre de P. Faucher à P. Dengler, 22 mai 1928.
  • [46]
    Hans Zulliger est un instituteur bernois qui a initié une démarche de « petites thérapies psychanalytiques » auprès de ses élèves de milieu modeste. Il est connu en France des lecteurs de la Revue française de psychanalyse, dont le premier numéro paraît en juillet 1927, et qui fait alors une large place aux applications pédagogiques de la psychanalyse. Voir Annick Ohayon, « Une querelle revisitée : les applications de la psychanalyse à l’éducation » in A. Ohayon, D. Ottavi, A. Savoye (dir.), L’Éducation nouvelle, op. cit., p. 190.
  • [47]
    François Faucher, Une Éducation par la vie pour la vie : la vie et l’œuvre de Frantisek Bakulé, documents rassemblés par François Faucher avec la collaboration de Lida Zaruba et de Martine Lang, Paris, Fleurus, 1975, collection « Pédagogie créatrice » ; François Faucher, Frantis ek Bakule, l’enfant terrible de la pédagogie tchèque, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, collection « Pédagogues et pédagogies » ; Frantisek Bakulé, L’Éducation par l’art, texte de la conférence prononcée à Paris le 2 juillet 1947, Meuzac, Les Amis du Père Castor, 2004.
  • [48]
    Lettre de P. Faucher à MacMillan, 30 juillet 1928.
  • [49]
    Ils publient sur la biométrie, le sport et l’hygiène.
  • [50]
    O. Decroly meurt en juillet 1932.
  • [51]
    Traitement moral et hygiène des idiots et autres enfants arriérés, Paris, Baillière, 1846 et Rapports et mémoires sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, Paris, Alcan, 1895, posthume.
  • [52]
    Compte rendu de la réunion du 7 octobre [1926] en vue de la constitution d’un comité d’éditions pédagogiques.
  • [53]
    Première bibliothèque enfantine en France, ouverte en 1924 grâce à des fonds américains.
  • [54]
    Lettre de P. Faucher à C. Huchet, 6 décembre 1926 : « Sûr d’être approuvé par l’Éditeur, qui m’a chargé du Secrétariat des collections pour la jeunesse, éventuellement, voudriez-vous vous charger de la partie littéraire de cette tâche ? Un pourcentage (à déterminer) vous serait attribué sur la vente des ouvrages ainsi édités. »
  • [55]
    Bibliothèque de l’Heure Joyeuse, L’Heure Joyeuse, 1924-1994/ : 70 ans de jeunesse, témoignages réunis par Viviane Ezratty, Françoise Lévèque et Françoise Tenier, Paris, Agence culturelle de Paris, 1994 ; Paul Faucher, « La mission éducative des albums du Père Castor », L’École nouvelle française, no 87, avril 1961, p. 20-26 ; Marguerite Gruny, Mathilde Leriche, Jacqueline Dreyfus-Weill, Beaux livres, belles histoires : choix de cinq cents livres pour enfants, Paris, Bourrelier, 1937.
  • [56]
    Lettre de P. Faucher à C. Flammarion, 20 janvier 1927, ajout manuscrit.
  • [57]
    Lettre de P. Faucher à C. Kett, 8 avril 1927.
  • [58]
    Lettre de P. Faucher à M. Bonjean, 6 juillet 1927.
  • [59]
    Lettre de P. Faucher à C. Freinet, 25 juin 1927. L’allusion concerne « Histoire d’un petit garçon dans la montagne » paru dans La Gerbe, no 1, 1927, sous la signature École de Sainte-Marguerite (Hautes-Alpes).
  • [60]
    Voir Martine Ruchat, « Jean Dupertuis (1886-1951). Le Bureau international des écoles Plein Air en Suisse romande (1920-1926) » in Châtelet A.M., Lerch D., Luc J.N., dir., L’école de plein air. Une expérience pédagogique et architecturale dans l’Europe du XXe siècle, Paris Ed. Recherches. 2003, p. 261-269.
  • [61]
    El. Huguenin est notamment l’auteur de Paul Geheeb et la libre communauté scolaire de l’Odenwald : une expérience moderne d’éducation, (préface d’Adolphe Ferrière) Genève, Éditions du Bureau international des écoles nouvelles, 1923. Voir aussi Marie-Christine Fardel, Daniel Hameline, « L’École des Roches fut-elle jamais une « école nouvelle » ? Le témoignage d’Elisabeth Huguenin d’après ses manuscrits inédits », Les Études sociales, no 127-128, 1998, p. 107-127.
  • [62]
    Élisabeth Parinet, Une histoire de l’édition à l’époque contemporaine : XIXe-XXe siècle, Paris, Seuil, 2004.
  • [63]
    Sur le Bulletin de l’U.T.O., voir L. Gutierrez, L’Éducation nouvelle et l’enseignement catholique en France : 1899-1939, thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation sous la direction d’A. Savoye, Université de Paris VIII, France, 2008. Consulté le 30 mars 2015. URL : http://hmenf.free.fr/rubrique.php3?id-rubrique=25
  • [64]
    L. Gutierrez, « Convertir les éducateurs chrétiens à l’éducation nouvelle : l’action éditoriale du père François Chatelain », Educatio, no 1, « Chrétiens en éducation », 2013, consulté le 30 mars 2015. URL : http://revue-educatio.eu/wp/2013/03/01/convertir-les-educateurs-chretiens-a-leducation-nouvelle/
  • [65]
    « Observations de Mme Reynier », dans le dossier « Cousinet – Recettes d’éducation », s.d., APC 69.
  • [66]
    Laurence Pernoud, J’élève mon enfant, de la naissance à l’école… Dessins de Christiane Neuville et de Joseph Gillain, Paris, Pierre Horay, 1965.
  • [67]
    Auxquels il faut ajouter l’ouvrage de Dorothy Canfield Fisher, La Confiance en soi, envisagé très tôt mais qui subit des avanies telles que la parution n’intervient qu’en 1938.
  • [68]
    Michel Defourny, Hommage à Lida, Meuzac, Les Amis du Père Castor, 2000.
  • [69]
    P. Faucher s’irrite des retards pris chez Flammarion autour de ce projet, qui finit par échouer ; le livre de L. Chauveau paraît en 1932 chez Denoël et Steele.
  • [70]
    Nathalie Parain, Mes masques, Paris, Flammarion, 1931 ; Nathalie Parain, Je découpe, Paris, Flammarion, 1931.
  • [71]
    Lettre de M. Guéritte à P. Faucher, 20 novembre 1926.
  • [72]
    Bonjour-Bonsoir, images de Nathalie Parain, scénario du Père Castor, Paris, Flammarion, 1934 ; Faites votre marché, images de Nathalie Parain, scénario du Père Castor, Paris, Flammarion, 1935.
  • [73]
    Cécile Boulaire, Les Petits Livres d’Or. Des albums pour enfants dans la France de la guerre froide, Tours : Presses Universitaires François-Rabelais (à paraître).
  • [74]
    P. Faucher, Les préfaces du Père Castor, Introduction par Michel Defourny, Meuzac, Les Amis du Père Castor, 2003.
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