Notes
-
[1]
Pour une analyse plus complète de la BRI, voir : Alice Ekman, Françoise Nicolas et al., Three Years of China's New Silk Roads, Paris, Ifri, février 2017.
-
[2]
La BRI s'inscrit dans le prolongement de la politique chinoise de « sortie des investissements » (zouchuqu), lancée dès 2003 et dirigée en particulier vers l'Afrique.
-
[3]
Au Pakistan, l'objectif était de rejoindre les camps d'entraînement du Parti islamique du Turkestan (PIT), principale organisation djihadiste ouïghoure.
-
[4]
Michael Clarke, « Uyghur militants in Syria. The Turkish connection », Terrorism Monitor, 14 (3), The Jamestown Foundation, 4 février 2016.
-
[5]
Au printemps 2017, les services de renseignement israéliens avançaient le nombre de 3 000 combattants, sans compter leurs familles, tandis que l'ambassadeur syrien en Chine évoquait le chiffre de 5 000.
-
[6]
Rémi Castets, « La Chine face au terrorisme islamiste », Questions internationales, 75, septembre-octobre 2015, p. 105-109.
-
[7]
Didier Chaudet, « Le défi jihadiste dans l'Asie centrale post-soviétique », Questions internationales, 82, novembre-décembre 2016, p. 42-47.
-
[8]
Rohan Gunaratna, Arabinda Acharya, Wang Pengxin, Ethnic Identity and National Conflict in China, New York (N. Y.), Palgrave Macmillan, 2010.
-
[9]
Thomas Jocelyn, « Zawahiri praises Uighur jihadists in ninth episode of ‘Islamic Spring' series », FDD's Long War Journal, 7 juillet 2016.
-
[10]
Zachary Acuza, « The Uighurs and China's regional counter-terrorism efforts », Terrorism Monitor, 15 (16), 15 août 2017.
-
[11]
Thomas Wallace, « China and the regional counter-terrorism structure. An organizational analysis », Asian Security, 10 (3), 2014, p. 199-220.
-
[12]
Voir Juliette Genevaz, « La Chine et les opérations de maintien de la paix de l'ONU : défendre la souveraineté », Politique étrangère, 4, hiver 2015, p. 131-143.
-
[13]
United Nations Peacekeeping, Troop and police contributors, www.un.org/en/peacekeeping/resources/statistics/contributors.shtml [consulté en août 2017].
-
[14]
Xi Jinping, « China is here for peace remarks by H.E. Xi Jinping president of the People's Republic of China at the United Nations Peacekeeping Summit », ministère chinois des Affaires étrangères, 28 septembre 2015.
-
[15]
Huang Chin-Hao, « China's role in UN peacekeeping. A robust shift ? », China Policy Institute Analysis, 11 décembre 2014.
-
[16]
Mathieu Duchâtel, « Terror overseas. Understanding China's evolving counter-terror strategy », Policy Brief, ECFR, octobre 2016, p. 6.
-
[17]
Ibid., p. 9.
-
[18]
Kelsey D. Atherton, « Watch Nigeria's first confirmed drone strike against Boko Haram », Popular Science, 3 février 2016.
1Les défaites infligées à l'organisation État islamique (Daesh) en 2017 ne présagent en rien le déclin du terrorisme au Moyen-Orient et dans le reste du monde. Il est à craindre que le terrorisme islamiste, loin d'être vaincu, se manifeste sous de nouvelles formes, ainsi que dans diverses régions. La menace va donc évoluer, tout comme les réponses à y apporter. Compte tenu de l'expansion de ses intérêts à l'étranger, la Chine est d'ores et déjà une cible identifiée d'organisations djihadistes. Conscient de cette menace croissante, Pékin se montre davantage proactif dans la lutte contre le terrorisme international, même si son implication est pour l'instant plus indirecte que frontale. Le nouveau rôle que va jouer la Chine ne manquera toutefois pas de transformer la gestion de la sécurité internationale de demain. Cette transformation pourra être porteuse d'opportunités comme de défis pour la France et la communauté internationale.
La Chine de plus en plus vulnérable hors de ses frontières
2Le président Xi Jinping a lancé en 2013 son initiative phare de politique étrangère, les Nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative BRI), dotées d'une composante terrestre, la Ceinture économique de la route de la soie, et d'une composante maritime, la Route de la soie maritime du XXIe siècle. Cette initiative vise à connecter l'Asie orientale et l'Europe en promouvant la coopération et le développement des infrastructures énergétiques, de transport, et de télécommunications [1].
3Elle encourage le développement des entreprises chinoises à l'international et l'exportation des excédents de production nationaux, et devrait contribuer à l'accroissement du nombre déjà important des ressortissants et investissements chinois à l'étranger. Or, les Nouvelles routes de la soie visent à se déployer simultanément dans des zones présentant des risques sécuritaires et politiques en Asie centrale, du Sud et du Sud-Est, notamment en Ouzbékistan, au Tadjikistan et au Kirghizstan, au Pakistan et en Afghanistan, en Birmanie, aux Philippines et en Indonésie. Si le continent africain n'est pas directement inclus dans la BRI, la Chine y investit néanmoins massivement depuis le début des années 2000 [2].
4En particulier, le Corridor économique Chine-Pakistan est à ce jour le plus important projet de coopération dans le cadre de la BRI. Ce corridor vise à relier Kashgar, dans la province chinoise du Xinjiang, à Gwadar, port en eaux profondes construit par la Chine au Sud du Pakistan. Le Pakistan est le meilleur exemple d'investissements chinois massifs dans un pays qui connaît de multiples risques sécuritaires. À l'Est se trouve l'adversaire historique indien et au Nord-Est le conflit cachemiri ; au Sud-Ouest, la province du Balochistan fait l'objet de revendications indépendantistes et d'actes terroristes perpétrés par l'Armée de libération du Balochistan ; enfin, la frontière avec l'Afghanistan, et en particulier les zones tribales, sert d'abri pour les Talibans pakistanais et leurs alliés afghans, ouïghours et ouzbeks.
5Ainsi, la sécurité de ces projets d'infrastructures fait l'objet de préoccupations grandissantes pour Pékin, tant à court terme pour la sécurisation des chantiers de construction qu'à long terme pour la protection des infrastructures. Face à cet enjeu, la Chine dispose de leviers limités pour protéger ses intérêts. Le sacrosaint principe de « non-interférence dans les affaires intérieures d'un État tiers » interdit, en principe, à Pékin d'envoyer ses forces armées à l'étranger. Par ailleurs, les sociétés de sécurité privées (SSP) chinoises manquent encore d'expérience sur des théâtres étrangers, et d'encadrement juridique. Pékin n'a pour l'heure comme solution que de soutenir les forces de sécurité locales en matière d'équipements et d'entraînement, et de faire appel à des SSP étrangères.
6La Chine est en outre la cible d'organisations terroristes locales et internationales, et de nombreux attentats visant directement les intérêts chinois à l'étranger ont été perpétrés ces dernières années. En août 2015, un attentat à la bombe a visé le temple d'Erawan à Bangkok en Thaïlande, faisant vingt morts, dont cinq Chinois. En août 2016, un attentat suicide à la voiture piégée a été perpétré contre l'ambassade de Chine à Bichkek (Kirghizstan), blessant trois employés locaux. Dans ces deux cas, les auteurs identifiés se sont avérés être des ressortissants chinois de minorité ouïghoure.
7La principale menace terroriste à laquelle Pékin fait face sur son territoire provient d'une frange radicale de séparatistes islamistes au sein de la communauté ouïghoure. Les Ouïghours sont une ethnie turcophone musulmane qui peuple en grande partie la province du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine. L'objectif des séparatistes est de fonder un État islamique du Turkestan oriental en lieu et place de l'actuel Xinjiang.
8En 2013-2014, les attaques à caractère terroriste ont significativement augmenté en Chine, plus seulement cantonnées à la province du Xinjiang, mais touchant aussi de grandes villes comme Pékin (octobre 2013), Kunming (mars 2014) ou Canton (mars 2014, avril 2015), et avec des modes opératoires plus sophistiqués. Après la mise en place par Pékin de mesures législatives et sécuritaires draconiennes, le nombre de ces attaques a néanmoins chuté depuis 2015.
9En raison des politiques chinoises répressives à l'encontre des Ouïghours, un exode silencieux s'est déroulé vers l'Asie du Sud-Est. La plupart de ces Ouïghours tentaient de fuir la Chine pour rejoindre la Turquie (terre d'accueil des Ouïghours en raison de leur proximité culturelle), tandis que d'autres ont rejoint de gré ou à leur insu des camps d'entraînement djihadistes au Pakistan [3], en Indonésie ou directement en Syrie [4], où plusieurs milliers [5] de combattants ouïghours seraient établis dans le Nord-Ouest, luttant aux côtés de la branche syrienne d'Al-Qaïda, Hayat Tahir al Sham. Aujourd'hui, les militants « islamo-nationalistes » [6] ouïghours sont présents et connectés à d'autres réseaux en Asie centrale et du Sud-Est, sur la frontière pakistano-afghane, ainsi qu'en Turquie et en Syrie.
10Par ailleurs, un grand nombre d'organisations islamistes violentes prolifèrent en Asie, notamment en Asie centrale [7], du Sud et du Sud-Est, dans des pays où Pékin cherche à se développer. La plupart de ces groupes sont liés à l'une des deux organisations globales rivales, Al-Qaïda et Daesh.
11Al-Qaïda et l'organisation djihadiste ouïghoure, Parti islamique du Turkestan (PIT), entretiennent des liens étroits depuis les années 1990 [8]. À titre d'exemple, dans une vidéo publiée en juillet 2016, le chef d'Al-Qaïda, Ayman al Zawahiri, a salué les musulmans du Turkestan oriental (autre appellation du Xinjiang) engagés dans le djihad et les a appelés à se soulever contre l'« envahisseur chinois [9] ». En outre, les combattants du PIT en Syrie et en Afghanistan aux côtés d'Al-Qaïda sont numériquement très supérieurs à ceux des rangs de Daesh (quelques centaines seulement). Ainsi, sur le long terme, Al-Qaïda comptant déjà une trentaine d'années d'existence devrait demeurer une source de préoccupation pour la sécurité de la Chine.
12De son côté, Daesh a très tôt vu dans les combattants ouïghours un vivier de recrutement potentiel et une voie de développement international. Les premiers efforts de propagande visant les combattants d'origine chinoise ont débuté en juillet 2014 avec le prêche d'Abu Bakr al Baghdadi, calife autoproclamé de Daesh, condamnant l'oppression des musulmans par la République populaire et invitant ces derniers à se soulever contre le régime. En décembre 2015 était diffusée la vidéo d'un nasheed (chant islamique a cappella) en mandarin destiné aux musulmans chinois sinophones (pas seulement ouïghours). Un mois plus tôt, un otage chinois avait été assassiné par Daesh. En février 2017, Daesh a par ailleurs publié une vidéo d'une grande violence, mettant en scène des combattants ouïghours et des enfants soldats, et menaçant de « faire couler des rivières de sang » en Chine. Enfin, en juin 2017, Daesh a revendiqué l'assassinat de deux otages chinois enlevés quelques jours plus tôt dans les environs de Quetta, dans la province du Balochistan, au Pakistan.
La Chine plus active dans la lutte contre le terrorisme international
13Progressivement, Pékin prend davantage d'initiatives sur le plan régional pour se prémunir et lutter contre la menace terroriste. Cette implication chinoise accrue se caractérise par des mesures indirectes, censées renforcer les capacités de ses voisins et éviter à Pékin d'intervenir directement et de s'exposer à des représailles.
14En effet, depuis le 11 septembre 2001, la Chine a soutenu verbalement la « guerre globale contre la terreur » lancée par George W. Bush, tout en s'opposant à l'interventionnisme américain. La Chine estime que les États-Unis et leurs alliés sont largement responsables des crises sécuritaires que traversent aujourd'hui la Syrie, l'Irak, l'Afghanistan ou le Maghreb, pour avoir renversé ou tenté de renverser des régimes qui ont laissé place au chaos.
15Avec ses voisins, Pékin insiste sur la coopération en matière de sécurité publique et de lutte contre le crime transnational, notamment par l'échange de renseignement, la signature de traités d'extradition, ou encore un soutien matériel ou financier aux gouvernements. La Chine a signé un accord avec le Tadjikistan en septembre 2016 sur le financement et la construction de onze avant-postes sur la frontière tadjiko-afghane, ainsi que l'établissement d'un centre de formation des gardes-frontières, pour se prémunir contre les menaces potentielles venues d'Afghanistan. La Chine entretient aussi une forte coopération dans le domaine sécuritaire avec l'Afghanistan, ainsi qu'une relation étroite de coopération militaire et d'armement avec le Pakistan.
16Pékin use également de son influence diplomatique et économique sur certains de ses voisins pour les contraindre à respecter ses exigences concernant les migrants ouïghours en Asie du Sud-Est. Ainsi, en 2010, le Cambodge a extradé vingt Ouïghours vers la Chine deux jours avant la signature d'un accord d'investissement de 1,2 milliard de dollars. En décembre 2014, le Vietnam a renvoyé quarante-trois Ouïghours en Chine. Entre 2013 et 2016, vingt-huit Ouïghours ont été extradés de la Malaisie vers la Chine, conformément à une coopération sur le renseignement et en dépit de protestations américaines. Enfin, en juillet 2015, la Thaïlande, ayant arrêté près de trois cents Ouïghours illégaux, a extradé une centaine d'hommes vers la Chine, la Turquie ayant obtenu d'accueillir cent soixante-treize femmes et enfants [10]. Ces exemples montrent que Pékin parvient à exercer une pression diplomatique forte pour préserver ses intérêts.
17La Chine recourt également à des exercices militaires conjoints pour promouvoir la coopération antiterroriste. Menés de manière bilatérale ou multilatérale dans le cadre de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), ces exercices ont toutefois plus vocation à promouvoir la coopération militaire qu'à lutter véritablement contre les réseaux terroristes sur le terrain. Bien que la lutte antiterroriste soit l'une des priorités de l'OCS depuis son établissement en 2001, les mesures concrètes restent limitées, y compris au sein de la Structure antiterroriste régionale (RATS), créée par l'organisation en 2004 [11].
18La Chine cherche aussi à développer son expérience en matière de lutte antiterroriste à l'international, en particulier via sa participation aux opérations de maintien de la paix de l'ONU [12]. La Chine, qui était absente de ces opérations jusqu'en 1990, en est, en 2017, le deuxième contributeur financier, et dispose de plus de 2 500 casques bleus (militaires, police, et experts confondus) [13] déployés, notamment au Liban, en République démocratique du Congo, au Sud-Soudan et au Mali. Depuis 2014 et l'envoi d'une brigade d'infanterie motorisée au Mali, puis d'une force d'infanterie de 700 soldats au Sud-Soudan, le contingent chinois évolue d'une position passive à un rôle actif dans les opérations de maintien de la paix. Lors du sommet de l'ONU sur le maintien de la paix en septembre 2015, le président Xi Jinping s'est engagé à créer un contingent de 8 000 soldats dédié à ces opérations, à former 2 000 casques bleus étrangers, à lancer 10 programmes d'aide au déminage, ainsi qu'à fournir une aide militaire de 100 millions de dollars à l'Union africaine [14].
19Pékin tire trois bénéfices de cette implication accrue dans les missions de maintien de la paix. Premièrement, ainsi que l'indiquait explicitement le titre de l'élocution de Xi Jinping devant l'ONU : « China is here for peace », la Chine s'affiche comme une puissance pacifique, engagée dans la stabilité internationale et pesant au sein de l'ONU. Deuxièmement, ces opérations fournissent aux forces armées chinoises l'avantage considérable d'évoluer aux côtés de contingents étrangers, leur permettant de se perfectionner sur le plan de la coordination tant opérationnelle que logistique [15]. Troisièmement, les opérations de maintien de la paix auxquelles la Chine participe permettent de stabiliser effectivement des zones dans lesquelles elle a des intérêts, notamment au Sud-Soudan, et ainsi d'agir sur le terrain via l'ONU dans la lutte antiterroriste. Cet élan lancé par Xi Jinping annonce le rôle important que devrait jouer dorénavant la Chine dans les affaires de sécurité internationale et de lutte contre le terrorisme.
20Parallèlement aux casques bleus, l'armée chinoise s'affirme progressivement sur la scène internationale comme acteur de la lutte antiterroriste. Mathieu Duchâtel évoque une « militarisation de la stratégie chinoise de lutte contre le terrorisme à l'étranger [16] ». En effet, l'Armée populaire de libération (APL) se dote de capacités de projection navales et aériennes qui lui permettront à l'avenir d'être plus à même de conduire des opérations antiterroristes en Afrique ou au Moyen-Orient.
21À ce titre, la première base chinoise de soutien logistique à l'étranger, ouverte à Djibouti le 1er août 2017, est une étape déterminante dans le développement international de l'armée chinoise. Celle-ci permettra de soutenir les opérations militaires chinoises dans la région, comme les patrouilles de lutte antipiraterie dans le golfe d'Aden lancées en 2008, les opérations de maintien de la paix, ou les potentielles missions d'évacuation de ressortissants en cas de crise, comme en Libye en 2011 ou au Yémen en 2015.
22En outre, l'APL conduit une véritable « diplomatie antiterroriste [17] » en fournissant à des États partenaires des armes et équipements, un soutien logistique, des programmes de formation, voire des aides financières. Ainsi, en juin 2017, Pékin a offert 7,35 millions de dollars d'armes légères et de munitions pour aider les Philippines dans leur lutte contre les groupes islamistes Abu Sayyaf et Maute (ce dernier ayant prêté allégeance à Daesh). Cet acte s'inscrit dans un contexte de rapprochement diplomatique entre les deux États, mais n'en est pas moins un gage de soutien de Pékin au combat mené par le gouvernement philippin contre les organisations terroristes.
23La Chine est aussi active aux côtés du Nigeria dans la lutte contre Boko Haram, lui fournissant du renseignement satellitaire et des drones de combat [18]. Elle a d'ailleurs exporté ce type de drones, armement largement utilisé dans la lutte antiterroriste depuis les guerres d'Irak et d'Afghanistan, vers l'Arabie Saoudite, l'Égypte, l'Irak, le Turkménistan, le Kazakhstan et le Pakistan.
Conclusion : la Chine, partenaire ou concurrent dans la lutte contre le terrorisme ?
24Les défis auxquels le monde fait face en matière de lutte antiterroriste requièrent le soutien politique, matériel et financier de toutes les puissances. À ce titre, l'affirmation de la Chine dans les affaires de sécurité internationale et de lutte contre le terrorisme est une évolution bienvenue.
25 La Chine dispose pour le moment de peu d'expérience, de peu de moyens et d'une volonté politique très limitée pour intervenir directement sur un théâtre de crise lié au terrorisme. Quand bien même son principe de « non-interférence » évoluerait pour permettre des interventions limitées pour la protection de ses intérêts, Pékin n'entreprendra pas d'opération d'envergure à l'étranger à horizon prévisible.
26 Toutefois, la contribution de la Chine dans la lutte antiterroriste de pays tiers reste à observer, car si l'aide apportée par Pékin permet parfois de lutter effectivement contre des groupes reconnus comme terroristes (Nigeria, Sud-Soudan, Mali), l'aide chinoise peut également viser d'autres objectifs politiques ou économiques allant éventuellement à l'encontre des principes et valeurs défendus par la France.
27 Aussi, il sera important de veiller à ce que la coopération antiterroriste, considérée comme légitime et encouragée par la communauté internationale, ne serve pas de faux nez pour obtenir des bénéfices économiques ou justifier des transferts d'armement qui pourraient servir à la répression de populations civiles.
Notes
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[1]
Pour une analyse plus complète de la BRI, voir : Alice Ekman, Françoise Nicolas et al., Three Years of China's New Silk Roads, Paris, Ifri, février 2017.
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[2]
La BRI s'inscrit dans le prolongement de la politique chinoise de « sortie des investissements » (zouchuqu), lancée dès 2003 et dirigée en particulier vers l'Afrique.
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[3]
Au Pakistan, l'objectif était de rejoindre les camps d'entraînement du Parti islamique du Turkestan (PIT), principale organisation djihadiste ouïghoure.
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[4]
Michael Clarke, « Uyghur militants in Syria. The Turkish connection », Terrorism Monitor, 14 (3), The Jamestown Foundation, 4 février 2016.
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[5]
Au printemps 2017, les services de renseignement israéliens avançaient le nombre de 3 000 combattants, sans compter leurs familles, tandis que l'ambassadeur syrien en Chine évoquait le chiffre de 5 000.
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[6]
Rémi Castets, « La Chine face au terrorisme islamiste », Questions internationales, 75, septembre-octobre 2015, p. 105-109.
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[7]
Didier Chaudet, « Le défi jihadiste dans l'Asie centrale post-soviétique », Questions internationales, 82, novembre-décembre 2016, p. 42-47.
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[8]
Rohan Gunaratna, Arabinda Acharya, Wang Pengxin, Ethnic Identity and National Conflict in China, New York (N. Y.), Palgrave Macmillan, 2010.
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[9]
Thomas Jocelyn, « Zawahiri praises Uighur jihadists in ninth episode of ‘Islamic Spring' series », FDD's Long War Journal, 7 juillet 2016.
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[10]
Zachary Acuza, « The Uighurs and China's regional counter-terrorism efforts », Terrorism Monitor, 15 (16), 15 août 2017.
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[11]
Thomas Wallace, « China and the regional counter-terrorism structure. An organizational analysis », Asian Security, 10 (3), 2014, p. 199-220.
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[12]
Voir Juliette Genevaz, « La Chine et les opérations de maintien de la paix de l'ONU : défendre la souveraineté », Politique étrangère, 4, hiver 2015, p. 131-143.
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[13]
United Nations Peacekeeping, Troop and police contributors, www.un.org/en/peacekeeping/resources/statistics/contributors.shtml [consulté en août 2017].
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[14]
Xi Jinping, « China is here for peace remarks by H.E. Xi Jinping president of the People's Republic of China at the United Nations Peacekeeping Summit », ministère chinois des Affaires étrangères, 28 septembre 2015.
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[15]
Huang Chin-Hao, « China's role in UN peacekeeping. A robust shift ? », China Policy Institute Analysis, 11 décembre 2014.
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[16]
Mathieu Duchâtel, « Terror overseas. Understanding China's evolving counter-terror strategy », Policy Brief, ECFR, octobre 2016, p. 6.
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[17]
Ibid., p. 9.
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[18]
Kelsey D. Atherton, « Watch Nigeria's first confirmed drone strike against Boko Haram », Popular Science, 3 février 2016.