1La guerre en Ukraine, la recrudescence des tensions avec la Russie, la reprise des hostilités dans le Haut-Karabagh, la profonde crise politique en Moldavie et la consolidation de l’autocratie en Azerbaïdjan et en Biélorussie ont conduit beaucoup d’experts à se demander si la Politique européenne de voisinage n’aurait pas échoué et, si tel était le cas, à s’interroger sur ce qui devrait la remplacer. En un sens, ces deux questions sont légitimes. Leur apporter une réponse tranchée – un oui ou un non – ne permet cependant pas de comprendre la région, ni l’approche européenne à son égard. Ces dix dernières années, aucune puissance majeure ne semble avoir mené de politique étrangère particulièrement efficace. Les États-Unis n’ont pas remporté de succès au Moyen-Orient, tandis que la Russie et la Chine ont réussi à s’aliéner leurs voisins les plus proches avec une rapidité étonnante. Quant au bilan de l’Europe dans son voisinage, il est mitigé : l’approche européenne a fonctionné dans certains pays et échoué dans d’autres ; elle a produit des résultats dans certains domaines et pas dans d’autres. Cet article se propose de cartographier les succès et les échecs de la Politique européenne de voisinage. Il s’agit moins de prendre une photo instantanée de la situation actuelle dans le voisinage de l’Europe que de faire émerger les dynamiques qui la composent.
La proximité avec l’Union européenne n’est pas gage de bonne gouvernance
2Les pays qui étaient des démocraties instables il y a quinze ans n’ont pas réussi à consolider leur régime démocratique depuis. En Moldavie et en Ukraine, l’alternance du pouvoir se poursuit au gré d’élections qui font de ces deux pays des démocraties, si fragiles soient-elles, et qui les rendent plus proches du système politique prévalant dans le reste de l’Europe centrale et orientale que dans les autres États de l’espace post-soviétique où l’autoritarisme est de mise. Pour la première fois depuis son indépendance, la Géorgie a rejoint le cercle des pays où le pouvoir se transmet aux termes d’élections, et non par des moyens révolutionnaires. Dans les pays dominés par des régimes autoritaires, une image plus morne se dessine, alors que la Biélorussie et l’Azerbaïdjan se sont enfoncés dans l’autoritarisme. Toutefois, même si la vie politique demeure instable, le changement de gouvernement a globalement plus souvent lieu dans la région à la suite d’élections qu’il y a quinze ans.
3Outre ces tendances concernant le développement démocratique, il est aussi important de tenir compte des résultats que ces pays ont atteints en matière de réforme et de bonne gouvernance. Ainsi, on prend souvent pour acquis que les gouvernements se déclarant proeuropéens sont plus enclins à mener des réformes, tandis que les gouvernements dits pro-russes y seraient réfractaires. Or ce n’est pas nécessairement le cas. Si l’on utilise le classement de la Banque mondiale sur la facilité de faire des affaires (cost of doing business), il apparaît que tous les pays du Partenariat oriental ont vu leur indice s’améliorer au cours de la dernière décennie, et pour certains de manière significative. La Géorgie fait figure d’élève modèle en étant passée de la 100e place en 2006 à la 15e une décennie plus tard. Les pays qui penchent vers la Russie enregistrent également une belle remontée, l’Arménie progressant de 40 places et la Biélorussie de 49. Quant aux pays pro-européens que sont l’Ukraine et la Moldavie, ils ont seulement gagné 28 et 20 places respectivement. Aussi apparaît-il que ni l’aspiration d’un pays à se rapprocher de l’Union européenne (UE), ni la maturité de sa démocratie n’a de véritable incidence sur sa capacité à mener des réformes en faveur de la bonne gouvernance et à obtenir des résultats satisfaisants en matière économique.
Classement des pays en fonction de la réglementation des affaires (cost of doing business), 2006-2015
Classement des pays en fonction de la réglementation des affaires (cost of doing business), 2006-2015
Compilation de l’auteur d’après : Banque mondiale, « “Doing business” : la réglementation des affaires ».L’Union européenne éclipse la Russie en tant que force commerciale
4L’UE est désormais le partenaire commercial le plus important de la plupart de ses voisins orientaux. Elle a devancé la Russie sur le plan commercial en Ukraine, en Moldavie, en Géorgie et en Azerbaïdjan, en raison de la croissance significative des échanges commerciaux au cours de la dernière décennie. Ainsi, entre 2004 et 2014, les exportations de l’Azerbaïdjan vers l’UE ont explosé, augmentant de 918 % grâce à la progression de la production d’hydrocarbures et à la hausse de leur prix (les exportations sont toutefois en baisse depuis 2011). En comparaison, les exportations azerbaïdjanaises vers la Russie n’ont augmenté que de 362 %. Durant la même période, les exportations de la Moldavie vers l’UE ont progressé de 121 % (c’est-à-dire qu’elles ont plus que doublé) et celles de la Géorgie de 109 %.
Exportations de l’Azerbaïdjan vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Exportations de l’Azerbaïdjan vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Compilation de l’auteur d’après : European Commission, « Trade flows in goods between EU and non-EU countries », market access database ; The State Statistical Committee of the Republic of Azerbaijan, « The foreign trade of Azerbaijan », exports by countries database.Exportations de la Moldavie vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Exportations de la Moldavie vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Compilation de l’auteur d’après : European Commission, « Trade flows in goods between EU and non-EU countries », market access database ; National Bureau of Statistics of the Republic of Moldova by main partner countries database.Exportations de la Géorgie vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Exportations de la Géorgie vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Compilation de l’auteur d’après : European Commission, « Trade flows in goods between EU and non-EU countries », market access database ; National Statistics Office of Georgia, Georgian exports by countries.5Les résultats de l’Ukraine sont bien moins impressionnants. Entre 2004 et 2013, les exportations ukrainiennes ont augmenté de 158 % vers la Russie et seulement de 61 % vers l’UE. Cependant, à la suite de l’annexion de la Crimée, de l’intervention militaire dans le Donbass et de l’imposition, par la Russie, de sanctions importantes contre l’Ukraine, le commerce russo-ukrainien a connu une baisse drastique, tandis que l’Ukraine se repose davantage sur le commerce avec l’UE. Ainsi, en 2015, 37 % du commerce extérieur de l’Ukraine se faisait avec l’UE contre 16 % avec la Russie.
Exportations de l’Ukraine vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Exportations de l’Ukraine vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Compilation de l’auteur d’après : European Commission, « Trade flows in goods between EU and non-EU countries », market access database ; Federal State Statistics Service of the Russian Federation, External trade of the Russian Federation with CIS states database.6Quant à l’Arménie et à la Biélorussie, elles ont réalisé les plus mauvais scores en termes de capacité d’exportation vers l’UE. Elles exportent moins vers l’UE qu’il y a dix ans et jouissent d’une dynamique commerciale bien meilleure avec la Russie.
Exportations de la Biélorussie vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Exportations de la Biélorussie vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Compilation de l’auteur d’après : European Commission, « Trade flows in goods between EU and non-EU countries », market access database ; Commodity exports from the Republic of Belarus by CIS countries.Exportations de l’Arménie vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Exportations de l’Arménie vers l’UE et la Russie de 2004 à 2014 (en millions d’euros)
Compilation de l’auteur d’après : European Commission, « Trade flows in goods between EU and non-EU countries », market access database ; National Statistical Service of the Republic of Armenia, External trade database.La circulation des individus est un succès porteur
7Un autre indicateur clé pour mesurer l’évolution des relations entre l’UE et ses voisins du Partenariat oriental réside dans les contacts entre individus et les régimes de visa. De ce point de vue, les quinze dernières années ont été remarquablement positives.
8L’UE a lancé il y a dix ans un processus de « facilitation de délivrance des visas » : en échange de la signature d’accords de réadmission avec les pays du voisinage, elle a accordé plus facilement des visas Schengen de long terme et à entrées multiples à certaines catégories de citoyens, comme les hommes d’affaires, les pilotes d’avion et les personnels de bord, les universitaires ou les acteurs de la société civile. Le premier pays à avoir bénéficié de cet accord a été la Russie, suivie par l’Ukraine et la Moldavie en 2007, par la Géorgie en 2010, par l’Arménie en 2012 et par l’Azerbaïdjan en 2013. Une fois ces accords mis en place, l’UE a progressivement élargi les catégories de citoyens concernés et adopté de nouvelles dispositions pour les visas de long terme, étendus d’abord à trois ans et désormais à cinq.
9Par ailleurs, les pays du voisinage ont systématiquement demandé à l’UE d’adopter un régime sans visa pour les séjours d’une durée inférieure à trois mois. Ces demandes se sont faites plus pressantes encore lorsque l’UE a permis aux ressortissants des pays des Balkans de l’Ouest de voyager sans visa à l’issue du processus dit « de libéralisation des visas ». Du point de vue de l’UE, cette libéralisation tient au fait que les visas et les restrictions de voyage au sein de l’UE (pour les voyages de court terme et non de travail) ne sont pas considérés comme une fin en soi, mais comme un moyen de réduire l’immigration illégale. Dans le cas de partenaires très proches, l’UE pourrait chercher à remplacer les visas par d’autres manières de filtrer ceux qui entrent sur son territoire, en développant l’émission de passeports biométriques, plus difficile à imiter, en formant la police et les gardes-frontières de ces pays et en renforçant la coopération pour le contrôle des frontières. Elle a ainsi défini un ensemble de cinquante à soixante mesures à mettre en œuvre afin de pouvoir bénéficier d’une exemption de visa pour voyager dans les pays de l’UE (ce qui a été octroyé aux détenteurs d’un passeport biométrique pour des visites d’une durée inférieure à trois mois).
10Le premier pays à finaliser le processus a été la Moldavie. Les citoyens moldaves qui possèdent un passeport biométrique peuvent se rendre dans les pays de l’UE sans visa depuis le mois d’avril 2014. Cette mesure de libéralisation n’a pas entraîné d’afflux de population : parmi les quelque 500 000 Moldaves qui ont pu voyager sans visa au cours de la première année de ce nouveau régime, seuls 2 400 sont restés dans l’espace Schengen au-delà des quatre-vingt-dix jours autorisés, ce qui représente moins de 0,5 % du nombre total des voyageurs. En 2017, les citoyens de l’Ukraine et de la Géorgie ont obtenu le droit de se rendre sans visa dans l’UE, ce qui constitue un succès de la politique de voisinage et ce qui permettra de renforcer les liens entre ces pays et ceux de l’UE.
11Cependant, même sans la libéralisation des visas, les contacts interpersonnels ont considérablement augmenté ces dix dernières années. Parmi les cinq pays qui reçoivent le plus de visas Schengen dans le monde figurent, dans l’ordre décroissant, la Russie, la Chine, l’Ukraine, la Biélorussie et la Turquie. L’Ukraine a été le deuxième récipiendaire de visas Schengen dans le monde jusqu’en 2015, date à laquelle elle a été dépassée par la Chine. Au cours de la dernière décennie, les ressortissants ukrainiens et biélorusses ont respectivement reçu environ 10 % et 5 % des visas Schengen délivrés dans le monde. Depuis 2012, la Biélorussie, qui compte moins de 10 millions d’habitants, reçoit plus de visas Schengen que la Turquie qui en compte 80 millions, alors que ses relations avec l’UE sont bien moins développées que celles qu’Ankara entretient avec Bruxelles.
Les pays pro-européens ne sont pas les moins corrompus
12En dépit d’une dynamique positive dans plusieurs secteurs, deux défis empêchent la coopération entre l’UE et ses voisins du Partenariat oriental d’aller de l’avant : la corruption et la sécurité.
13Les États de la région ont fait peu d’efforts pour infléchir la corruption. Parmi tous ces pays, seule la Géorgie a enregistré des progrès constants en matière de réduction de cette dernière. Les autres ont tous un système de corruption qui est plus enraciné qu’il y a dix ans. On n’observe pas de lien évident entre l’engagement à lutter contre la corruption et les orientations de politique étrangère à court terme. Ainsi, la Moldavie, qui a reçu un soutien substantiel de l’UE au cours de ces dix dernières années, se situe en matière de corruption au même rang que l’Arménie, qui est proche de la Russie. L’indice de perception de la corruption, établi par l’organisation Transparency International, a augmenté dans les deux pays en 2014 (l’Arménie occupant la 94e place et la Moldavie la 103e). L’évolution de deux autres pays confirme ce diagnostic. L’Ukraine et la Biélorussie étaient toutes deux à la 107e place en 2005 ; neuf ans plus tard, en 2014, l’Ukraine était tombée 142e et la Biélorussie 119e. La perception de la corruption s’est donc accentuée dans les deux pays, mais de manière bien plus prononcée en Ukraine qui affiche une inclination pro-européenne qu’en Biélorussie qui a été soumise aux sanctions de l’UE jusqu’en février 2016. Le seul pays faisant exception est la Géorgie, passée de la 130e place en 2005 à la 50e en 2014, suivant l’indice de perception de la corruption.
Indice de perception de la corruption, 1999-2015 (classement mondial)
Indice de perception de la corruption, 1999-2015 (classement mondial)
Compilation de l’auteur d’après : Transparency International, Corruption Perception Index, annual reports 1999-2015.14Le niveau de développement de la démocratie ou la rhétorique pro-européenne n’a pas eu d’incidence sur les efforts de lutte contre la corruption. On affirme souvent que la compétition démocratique et la liberté des médias contribuent à réduire la corruption, dans la mesure où les abus sont publiquement exposés et où les électeurs peuvent se tourner vers de nouveaux acteurs politiques, perçus comme moins corrompus. D’après cette théorie, un système politique démocratique comporterait en son sein une sorte de mécanisme de correction intégré. Si ce schéma a fonctionné dans la majeure partie des pays d’Europe centrale, il semble démenti par l’évolution de la situation dans les pays du Partenariat oriental depuis dix ans. Une théorie alternative suggère que les régimes autoritaires sont plus efficaces pour enrayer la corruption car ils disposent d’un système de gouvernement centralisé et d’un appareil de répression plus à même de sanctionner les fraudes bureaucratiques. Celle-ci n’est pas confirmée non plus par les niveaux de corruption dans les pays du Partenariat oriental : l’Ukraine pluraliste est aussi corrompue que l’Azerbaïdjan autoritaire ; la Moldavie dite pro-européenne l’est autant que l’Arménie, plus centralisée. La corruption paraît si enracinée que ni la démocratie, ni l’autoritarisme n’ont réussi à la réduire, du moins jusqu’à présent.
L’interdépendance n’est pas un atout en matière de sécurité
15Certains changements régionaux en matière de sécurité se sont révélés plus dangereux encore. Depuis le début des années 1990, les pays du Partenariat oriental ont dû faire face à des conflits prolongés et affronter un certain nombre de problèmes de sécurité. Au cours de ces deux dernières décennies, on a cru et espéré que le fait de « geler » des zones de conflits, puis de progresser peu à peu vers plus de démocratie et de prospérité, permettrait de résoudre graduellement les conflits de l’espace post-soviétique. On se rend compte aujourd’hui que c’est l’exact opposé qui s’est passé. Si la situation dans les pays du Partenariat oriental est sans commune mesure avec celle qui prévaut dans de vastes régions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, elle s’est néanmoins considérablement détériorée. Il suffit de rappeler le déclenchement de la guerre russo-géorgienne en 2008, la reconnaissance par la Russie des républiques séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud qui s’est ensuivie, ainsi que l’annexion militaire de la Crimée par la Russie en 2014. La déstabilisation à grande échelle et les combats conventionnels de haute intensité dans le Donbass ont marqué le point d’acmé de cette évolution, tandis qu’on ne peut exclure l’apparition de nouvelles tensions dans d’autres régions de l’Ukraine, tout comme en Moldavie, en Géorgie, en Azerbaïdjan et en Arménie.
16La sécuritisation s’est généralisée dans la région à partir du moment où la Russie s’est montrée disposée à utiliser son outil militaire pour projeter sa puissance et son influence dans son ancienne « arrière-cour ». Ces dix dernières années, le Kremlin, fort de sa rente énergétique, ne s’est pas contenté d’augmenter les dépenses de défense et de lancer un programme majeur de modernisation de l’outil militaire, il a aussi clairement démontré qu’il était prêt à recourir à la force. Autrement dit, la Russie n’a pas simplement amélioré son armement, elle a également commencé à s’en servir largement comme d’un instrument de politique étrangère. Beaucoup interprètent cette remilitarisation de la politique régionale russe comme une réaction aux élargissements de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et aux interventions militaires occidentales au Kosovo, en Irak, en Libye et en Syrie. Du point de vue des dirigeants russes, il y a un lien clairement établi entre les deux. Cependant la fréquence et l’ampleur des actions militaires russes ont commencé à s’intensifier alors même que les pays occidentaux devenaient moins interventionnistes. De plus, après la guerre russo-géorgienne d’août 2008 et la fin du mandat présidentiel de George W. Bush, tout nouvel élargissement de l’OTAN à des pays ayant fait partie de l’Union soviétique a été suspendu.
L’urgence : faire de la lutte anticorruption une priorité
17L’avenir des relations entre l’UE et ses voisins du Partenariat oriental dépendra largement du type d’interdépendance qui existera entre eux. L’effondrement de l’État au Moyen-Orient, les vagues de migrants et la multiplication des attaques terroristes menées par Daesh en Europe ont démontré de façon dramatique à quel point ce qui se passe à l’extérieur de l’UE peut avoir des conséquences majeures et immédiates en son sein même. Ce constat vaut autant pour le voisinage oriental que pour le voisinage méridional. Il va sans dire qu’aujourd’hui, l’Est est plus stable que le Sud. Cependant, des développements négatifs dans cette région pourraient aussi affecter l’UE dans l’avenir. En tout état de cause, l’UE demeurera dans une relation d’interdépendance avec des pays comme l’Ukraine et la Moldavie, et devra définir une politique dans de multiples domaines, comme le commerce, la sécurité et l’énergie.
18La sécurité fait partie intégrante de cette interdépendance. En un sens, l’UE est contrainte de traiter les crises sécuritaires qui se posent dans les pays du Partenariat oriental, non seulement car celles-ci affectent ses intérêts directs, mais aussi car son action est indispensable : ni les États post-soviétiques, ni la Russie ne sont en mesure d’assurer seuls la sécurité régionale. Les relations avec la Russie devraient, selon toute vraisemblance, rester tendues dans un avenir proche. Toutefois, il est utile de rappeler que certains des facteurs qui ont contribué à l’aliénation de la Russie vis-à-vis de l’UE ces dix dernières années n’ont plus lieu d’être. D’un côté, il est peu probable que l’OTAN s’élargisse à l’Est. De l’autre, la crise ukrainienne a permis de lever certaines ambiguïtés concernant l’affiliation des pays post-soviétiques aux « blocs » commerciaux que sont l’UE et l’Union économique eurasiatique (UEE) : la Biélorussie et l’Arménie sont dans l’UEE sans que l’UE ne s’y oppose ; l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie bénéficient d’une zone de libre-échange avec l’UE, et sont légalement tenues de mettre en œuvre la plupart de l’acquis communautaire, ce qui leur permettra une intégration plus profonde dans le marché commun européen.
19En fin de compte, il reste à souligner à quel point la corruption, qui est un problème endémique dans toute la région, a des implications néfastes en termes de performance économique, de bonne gouvernance, de contrôle de l’immigration et de résolution des conflits. La lutte contre la corruption s’impose comme une priorité dans les rapports entre l’UE et ses voisins car, en dernière instance, la prospérité de la région repose au moins autant sur le succès des réformes intérieures que sur l’apaisement de l’environnement géopolitique.