Couverture de CIPS_101

Article de revue

Place des risques côtiers dans les représentations sociales du cadre de vie d'habitants de communes littorales

Pages 101 à 122

Notes

  • [*]
    La correspondance pour cet article doit être adressée à Nathalie Krien, Université de Brest, Institut des Sciences de l’Homme et de la Société (ISHS), 20 rue Duquesne, CS 93837, 29238 Brest cedex 3, France ou par courriel <krien@univ-brest.fr>.
    Ce travail a bénéficié d’une aide de l’Agence Nationale de la Recherche portant la référence 2010-CEPL-001-05 ainsi que d’une Allocation de Recherche Doctorale versée par la Région Bretagne.
    Nous tenons à remercier la région Bretagne pour le financement de la thèse qui a permis cette étude. Nous remercions également toute l’équipe du programme de recherche Cocorisco (Connaissance, Compréhension et gestion des Risques Côtiers) au sein duquel ce travail s’intègre, ainsi que toutes les personnes ayant bien voulu nous recevoir en entretien. Ce sont toutes ces personnes qui ont rendu cette étude possible.
  • [1]
    Classe 1 : Chi deux=-17 ; Classe 2 : Chi deux=-20 ; Classe 6 : Chi deux=-15.
  • [2]
    Chaque article a été codé selon sa place dans le corpus, sa parution avant (Av.X) ou après (Ap.X) Xynthia, son année de parution et le mot inducteur qui l’a fait paraître dans le corpus.
  • [3]
    Plan Local d’Urbanisme.
  • [4]
    Chaque entretien a été codé selon la commune d’appartenance, le numéro d’entretien dans l’échantillon et l’appartenance de la personne au groupe des usagers du littoral ou des gestionnaires du risque.
  • [5]
    Pour obtenir ce Chi deux, le logiciel a associé des mots de même racine : « responsable », « responsabilité », etc.
  • [6]
    Pour obtenir ce Chi deux, le logiciel a associé des mots de même racine : « administration » « administrateur », etc.

1Au 18ème siècle, alors que l’attrait du bord de mer allait croissant, les discours à propos du littoral présentaient « une attitude qui [posait] la mer en spectacle côtier » (Corbin, 2005, page 47). Les usages du littoral ont, depuis, évolué avec le développement du tourisme balnéaire (Marcadon, Chaussade, Desse et Peron, 1999). L’exode saisonnier qui en a découlé a influencé aussi bien l’urbanisation que l’activité des communes. Les hôtels, les campings et les résidences secondaires se sont multipliés. L’agriculture et la pêche se sont vues concurrencées dans leur occupation et leur utilisation de l’espace par les activités du tertiaire. Les individus ont alors tenté de gagner du terrain là où ils pouvaient. Les rivages autrefois inhabités ont ainsi été aménagés afin de répondre à cette affluence. Tous ces changements ont évidemment apporté des modifications dans la gestion des espaces littoraux. les enjeux humains et économiques s’y sont largement développés tandis que les aléas côtiers se sont accrus, en partie dus à des facteurs climatiques (montée du niveau marin, évolution naturelle des dunes, etc.) et en partie dus à des facteurs humains (développement des habitations sur la côte, poldérisation, usure des ouvrages de protection, etc.). De ce fait, la gestion du littoral s’est complexifiée et a été placée au centre des préoccupations (Bodiguel, 1997). Les responsables se doivent, aujourd’hui, de préserver l’activité économique et l’attractivité touristique de leur commune tout en la protégeant de l’éventuelle menace des risques naturels. Cette démarche implique de connaître les pratiques et les usages du littoral développés par les individus sur la commune. Si ces pratiques ne sont pas toujours aisément observables, elles sont, en revanche, à mettre en lien avec les représentations sociales que ces mêmes individus se font de leur environnement et des risques qui y sont rattachés. En effet, « l’individu ne réagit pas à la réalité telle qu’elle est mais à la réalité telle qu’il se la représente » (Abric, 2003, page 10). Comprendre ces représentations permettrait donc d’envisager les comportements qui vont en découler et, ainsi, d’adapter la politique locale aux populations auxquelles elle s’adresse.

1 – L’étude des risques

2Le risque peut être considéré comme « consécutif à l’exposition à un danger, un danger pouvant être défini comme tout élément (animé ou inanimé) ou situation (naturelle ou produite par l’homme) susceptible de nuire aux hommes ou à leur environnement » (Fleury-Bahi, 2010, page 60). Les espaces littoraux sont particulièrement soumis à de nombreux dangers notamment liés à la mobilité du trait de côte (évolution des plages et des dunes et recul des falaises) et à la montée croissante du niveau marin. La forte exposition de ces espaces aux dangers de la mer implique la mise en œuvre de certaines règles de sécurité au nom du principe de précaution : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » (Constitution, Charte de l’environnement, 2004). Avec l’attrait du littoral, les communes en bord de mer se retrouvent surchargées de monde. Dans cet espace physiquement limité, les individus tentent de s’installer là où ils peuvent. (Bourgou et Miossec, 2010). Les gestionnaires vont, dans un premier temps, chercher à accroître la superficie de leurs communes. Ils vont notamment tenter d’y atténuer la mobilité du trait de côte en le figeant afin pouvoir l’aménager. Se sont dès lors multipliés les enrochements, les constructions de digues, les poldérisations, etc. Cependant, ces aménagements se sont avérés coûteux, aussi bien lors de leur construction que pour leur entretien. Aujourd’hui, leur maintien est d’autant plus remis en question qu’il n’est pas toujours estimé ni rentable ni efficaces face à la force des phénomènes littoraux. Fin février 2010, lors de la tempête Xynthia, la submersion marine à la Faute-sur-Mer a remis de façon dramatique la question de gestion des risques sur le devant de la scène. Les mesures de prévention en vigueur ont alors été renforcées. Afin de préserver l’équilibre de leur commune entre prospérité et sécurité, les gestionnaires locaux, notamment les maires des communes, ont dû se pencher sur la question des risques côtiers afin de mieux les comprendre et ainsi adapter leurs actions en conséquence. Mais il ne s’agit pas simplement pour eux de s’intéresser aux aléas littoraux. Ces derniers ne sont que la source des risques. C’est leur possibilité d’impact sur la société qui crée du risque (Rodriguez, Quarantelli et Dynes, 2007). Ainsi, comme l’expliquent Kouabenan, et al. (2006), les risques côtiers sont issus de la confrontation de deux facteurs : les aléas littoraux et les enjeux humains et économiques desquels dépend la valeur des éléments exposés ces aléas. Pour notre étude, nous nous sommes concentrées exclusivement sur les risques d’érosion et de submersion marine. Par érosion, nous entendons un recul du trait de côte lié à la fragilisation et à l’effritement des falaises et des dunes. Par submersion marine, nous entendons une inondation des terres liée à une montée (soudaine ou continue) du niveau de la mer. Cependant, comme le déclare Meur-Ferec et al. (2003, 2004), force est de constater qu’il existe deux autres facteurs à prendre en considération : les perceptions des risques et leur gestion. Les perceptions ne sont pas à comprendre dans le sens sensoriel du terme. Elles relèvent davantage d’une construction mentale, comme « le produit de biais intuitifs et d’intérêts économiques et reflètent, plus généralement, les valeurs culturelles [de l’individu] » (Kasperson et al., 1988, page 178). De plus, elles ne relèvent pas seulement d’une construction individuelle mais également d’une construction sociale. Plutôt que de « perceptions » nous parlerons donc, ici, de « représentations sociales » en nous appuyant sur la théorie de Moscovici (1976). Les risques côtiers n’étant pas, en eux même, un objet du sens commun, nous partons donc du postulat qu’il n’existe pas de représentations sociales des risques côtiers. En conséquence notre étude potera sur les représentations sociales liées aux risques côtiers. Ce troisième facteur est à prendre en considération dans l’étude des risques car ces représentations sociales, tout comme la capacité d’adaptation et la capacité de résilience des individus, sont susceptibles d’impacter aussi bien le degré d’aléas que la valeur des enjeux. Il est donc essentiel pour les gestionnaires de comprendre comment les populations concernées se positionnent face à ces risques côtiers afin de prendre en considération cette variable dans les décisions qui sont prises et d’augmenter ainsi la pertinence des actions de prévention qui relèvent, quant-à elles du dernier facteur. Comme l’expliquent Castrechini et Pol (2006) à propos des risques : « Bien que nous puissions percevoir leur présence à travers certains indicateurs (...) leur manifestation directe échappe à nos sens. En lieu et place de cela, les gens sont tributaires de l’information, essentiellement scientifique, qui leur parvient principalement par le biais de moyens de communication sociale. Le comportement individuel et social dépend de cette information, des valeurs partagées et des symboles construits ou attribués à la conceptualisation de l’environnement. Les représentations sociales de l’environnement deviennent donc très importantes, et les médias jouent un rôle déterminant dans la mise en œuvre de ces représentations. » (Page 121). Notre étude porte, ainsi, sur la place des risques côtiers dans les représentations sociales du cadre de vie d’individus résidents sur des communes considérées comme « exposées aux risques de submersion et/ ou d’érosion ».

2 – Représentations sociales et risques

3Les représentations sociales peuvent se définir comme des « systèmes d’interprétation régissant notre rapport au monde et aux autres, [qui] orientent et organisent les conduites et les communications sociales » (Jodelet, 2009, page 53). Il s’agit « d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté » (Rateau et Moliner, 2009, page 53). Ces représentations sociales se construisent à travers le jeu des relations intergroupes. Il s’agit là d’un « mécanisme d’adaptation » permettant à la fois « d’organiser avec plus d’efficacité son activité dans l’environnement » et de « s’orienter dans son univers social » (Moscovici, 2003, page 254). L’individu va donc interpréter son environnement à partir des valeurs et des normes qui sont les siennes ainsi que des informations qui lui sont accessibles. Il va construire de cette façon ses représentations afin de prendre position vis-à-vis de ce qui l’entoure.

4La construction des représentations sociales s’articule autour de deux processus : l’objectivation et l’ancrage qui permettent l’intégration d’un savoir scientifique dans le sens commun (Jodelet, 2009 ; Moscovici, 1976). L’objectivation, consiste en la construction d’un objet nouveau à partir des éléments et outils que l’individu a à sa portée. Tout d’abord, l’individu va sélectionner, parmi les informations qui lui sont accessibles, celles qui vont lui sembler les plus pertinentes, les plus saillantes et les plus en adéquation avec ses normes et ses valeurs. Il va ensuite agencer ces éléments de façon à former un ensemble cohérent. L’ancrage, quant à lui, consiste en l’« incorporation de l’étrange dans un réseau de catégories familières, en fonction des liens que cette idée est censée entretenir avec les catégories sociales » (Jodelet, 2009, page 240). Ce processus implique donc l’intégration de la nouvelle idée dans un « déjà-là ». Comme le soulignaient précédemment Castrechini et Pol (2006), dans la lignée de Moscovici (1976), les médias ont un rôle capital dans l’élaboration de ces deux processus. En effet, de par leur statut d’informateurs privilégiés, « les médias ont un rôle crucial dans la transformation d’un savoir d’expert en savoir du sens commun » (Joffe, 2005, page 125). En véhiculant les informations ils ont un rôle de leader d’opinion : c’est à travers ce qu’ils nous transmettent que nous trouvons matière à construire nos propres représentations. « Les médias ne font pas seulement parti de notre monde ; par leurs images et leurs commentaires ils nous livrent le monde même, au point parfois de l’absorber, voire de s’y substituer » (Rouquette, 1998, page 7). Ils influencent donc les représentations des événements producteurs de risque et facilitent leur assimilation en les ancrant dans des faits antérieurs perçus comme identiques (Joffe, 2005). Les informations transmises par les médias jouent, ainsi, un rôle dans la construction des représentations sociales et seront donc l’un de nos objets d’étude.

3 – Objectif de l’étude

5De nouveaux usages du littoral ont donc fait leur apparition au cours du 20ème siècle. La gestion des espaces littoraux a évolué en conséquence. Outre l’arbitrage des conflits d’usages et le maintien d’une activité locale, ces changements impliquent aujourd’hui de prendre en considération un autre aspect : la gestion des risques côtiers (érosion et submersion marine). L’intérêt accru pour ce problème fait notamment suite aux conséquences de la tempête Xynthia à la Faute-sur-Mer (2010), à l’évidence en raison du coût humain que peuvent engendrer de telles catastrophes naturelles mais également en raison des responsabilités communales. Cette gestion nécessite donc la compréhension de ces risques tant du point de vue des aléas et des enjeux que du point de vue des représentations sociales des populations ou groupes concernés. Ces risques ne peuvent être étudiés en tant que tels. Pour être appréhendés, ils nécessitent d’être contextualisés dans leur environnement, à la fois physique et social, et dans un espace-temps.

6En tant que psychologues environnementales, nous cherchons, ici, à appréhender la manière dont les individus – usagers du littoral et gestionnaires locaux – se représentent leur cadre de vie. Ce travail a été réalisé au sein de communes considérées comme à risque d’érosion et/ou de submersion marine par des experts des aléas naturels. L’intérêt réside dans le fait que les personnes interrogées pouvaient se sentir concernées par ces risques. Autrement dit, le risque côtier n’est pas dépourvu de sens sur ces communes, indépendamment du fait que les enquêtés considèrent ou non l’existence son existence. Comme nous l’avons précédemment souligné, la prise en compte de ces risques nécessite une vision plus large conduisant à s’interroger sur la manière dont les individus se représentent plus généralement leur environnement (spatial, social, temporel). De plus, une représentation sociale étant propre à chaque groupe, nous évoquerons les éventuelles différences pouvant apparaître entre les usagers et les gestionnaires, dont les pratiques, en lien avec le littoral, peuvent a priori être considérées comme différentes. Nous traiterons également des éventuelles différences entre les communes étudiées. Enfin, le rôle des médias étant important dans la mise en œuvre de ces représentations sociales, nous établirons une comparaison entre le contenu d’articles de presse publiés sur la thématique des risques côtiers et le contenu des discours des personnes enquêtées. Les résultats de cette recherche sont présentés ci-dessous.

4 – La méthode

7Pour cette étude, nous avons répertorié des articles de presse en lien avec la thématique des risques et mené des entretiens semi-directifs auprès d’usagers et de gestionnaires locaux du littoral.

4.1 – Les sites retenus

8L’enquête s’est déroulée en Bretagne sur deux communes littorales, Pénestin et l’Île-Tudy, considérées comme « à risque ». Celles-ci ont été sélectionnées d’après leurs différences géomorphologiques et sociologiques. La commune de Pénestin (Morbihan) s’étend à l’embouchure de la Vilaine sur 21,7 km² et possède 25 km de côtes. En 2009 on y recensait 3128 logements dont 28,3% de résidences principales et 68,3% de résidences secondaires. Les commerces et transports constituent l’essentiel de son activité (55,6%) loin devant l’agriculture (24,5%) ou la construction (8,8%) (INSEE, 2009). Sujette à l’érosion par effritement des falaises le long de sa côte ouest, ce n’est cependant pas la préoccupation première sur cette commune qui connaît, en outre, des conflits liés à l’occupation des sols depuis de nombreuses années (Miossec et al., 1985). La mytiliculture et l’agriculture y étaient, autrefois, les deux activités principales mais elles ont périclité au cours de la seconde moitié du 20e siècle. La construction du barrage d’Arzal, à quelques kilomètres en amont de la rivière, a modifié aussi bien la constance que la nature des apports d’eau et de sédiments. Les moules risquant de ne pas survivre à pareil changement de leur environnement, les mytiliculteurs ont cherché à s’adapter en déplaçant leurs bouchots sur la côte mais leur activité a malgré tout perdu de son ampleur. D’un autre côté, le déclin de la vocation agricole au profit d’une activité plus commerciale conjugué à l’engouement croissant des populations pour le littoral ont favorisé les ventes de terrains agricoles à des estivants désireux d’acquérir une parcelle en bord de mer. Parmi ces nouveaux propriétaires, souvent issus de milieux modestes, nombreux sont ceux qui ont installé une caravane ou un mobile-home sur leur terrain. Au fil des années l’aménagement de ces parcelles s’est développé : apparition de haies, caravanes installées à l’année, etc. Ces pratiques, au départ tolérées, se sont développées au point de modifier visiblement et durablement le paysage ainsi que la qualité des sols et des eaux (gestion disparate des eaux usées). Bon nombre de riverains et d’associations environnementales ont alors manifesté leur mécontentement vis-à-vis de ces pratiques. La commune a donc décidé de délimiter des zones pour le camping-caravaning, restriction contre laquelle les estivants se sont, à leur tour, insurgés. Avec les années, ce conflit d’usage a évolué mais l’urbanisation demeure un sujet sensible et une source de tensions sur la commune.

9La commune de l’Île-Tudy (Finistère), quant à elle, se situe à l’embouchure de la rivière de Pont-l’Abbé. La densité de population y est très importante : 563,5 habitants/km². En 2009 on y recensait 1476 logements dont 4,8% de résidences principales et 75% de résidences secondaires. Très touristique, les commerces constituent la plus grande part de son activité (71,7%) (INSEE, 2009). Elle était autrefois une véritable île périodiquement rattachée au continent par un cordon dunaire qui évoluait au fil des années. Au milieu du 19e siècle la construction de la digue de Kermor et le renforcement de la dune ont permis de poldériser les espaces qui constituent aujourd’hui l’essentiel de son territoire et qui font d’elle une presqu’île. Bande de terre très étroite, elle possède 5 km de plage côté mer pour une surface totale de seulement 1,3 km². Cette situation fait que l’actuelle Île-Tudy se voit exposée aux risques d’érosion de la dune et de submersion de son polder. Les actions d’information et de prévention y sont très développées : renforcement de la digue en partenariat avec la commune voisine de Combrit, mise en place d’un Plan Communal de Sauvegarde (PCS), publication régulière d’un Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM) dans le bulletin municipal, accueil chaque année du festival « Si la mer monte » porté par l’association locale « Effet mer », etc.

4.2 – L’échantillon de population et la procédure d’enquête

10Au total 22 entretiens semi-directifs ont été menés auprès des habitants et gestionnaires de la commune, 18 en entretien individuels (dix-sept hommes et une femme) et 4 en collectif (mixtes). Les personnes rencontrées ont entre 30 et 73 ans et possèdent une propriété sur les communes en question. Ces habitations se situent sur ou à côté d’une « zone à risque ». Concernant les « usagers », notre échantillon est constitué de 16 personnes : six propriétaires d’une résidence principale, cinq propriétaires d’un terrain à usage professionnel en bord de mer (quatre mytiliculteurs, un ostréiculteur et un propriétaire de camping), deux propriétaires d’une résidence secondaire, deux propriétaires d’un terrain non bâti. Concernant les « gestionnaires », nous en avons entendu six : trois élus communaux, deux représentants d’organismes en charge de la gestion des risques et un représentant d’une association intéressée par cette problématique.

11Relativement à l’enquête, deux guides ont été conçus à partir d’entretiens exploratoires menés durant l’été 2011 sur les communes de Tréffiagat et Penmarch (Finistère). Outre la thématique de l’habitat qui n’apparaissait que dans le guide à destination des usagers, les thèmes étaient les suivants : la commune (description, usages du littoral…), la notion de risque (au sens large et sur la commune), l’expérience des tempêtes sur la commune (connaissances, vécu, dégâts) et les risques côtiers (description, connaissances, sensibilité…). Les personnes interrogées ont été rencontrées en face à face, principalement à leur domicile ou ailleurs sur la commune selon leur convenance. Chaque entretien était enregistré et ensuite intégralement retranscrit.

4.3 – L’analyse de presse

12C’est le quotidien Ouest France qui a été retenu. Outre le fait qu’il s’agit du quotidien régional le plus lu en Bretagne, ce journal a l’avantage de posséder un contenu consensuel. De plus, ces articles sont répertoriés dans la base de données Factiva ce qui en facilite la complète récupération. Nous avons ainsi pu sélectionner les articles d’après leur date de parution et la citation de mots clés : « risque », « érosion », « submersion », « Xynthia ». Ces mots ont été choisis d’après leur pertinence et la redondance de leur apparition dans les discours sur les risques recueillis lors de la phase exploratoire. Ils sont employés seuls dans le moteur de recherche ou en association avec le nom d’une des communes qui nous intéressent : « Pénestin » ou « Île-Tudy ». Tous les articles ont été codés selon leur parution avant ou après Xynthia, en fonction de leur année et du semestre de parution, ainsi que du mot inducteur auquel ils étaient liés. Lorsqu’un article était recensé d’après plusieurs mots inducteurs, nous avons décidé de mettre en avant le plus particulier (précis) d’entre eux. De cette façon, le nom de la commune prévalait sur « Xynthia », qui était retenu de préférence à « submersion » ou à « érosion », eux-mêmes prioritaires face au terme plus large de « risque ».

13L’événement clé autour duquel se base notre étude étant la tempête Xynthia (Février 2010), l’analyse de presse s’est étendue sur tous les articles sortis depuis le 1er janvier 2008 jusqu’au 30 avril 2012. Le corpus ainsi constitué regroupe 17 articles parus durant les 26 mois précédents la tempête (soit moins d’un article par mois) et 376 articles parus au cours des 24 mois qui ont suivi (soit une moyenne de prêt de 16 articles par mois).

4.4 – Analyse des corpus

14Les deux corpus ainsi constitués (entretiens et articles) ont été soumis à une analyse des données textuelles assistée par ordinateur à l’aide du logiciel Alceste (Reinert, 1990). Le logiciel procède par fractionnements successifs du texte – ici par double classification des unités de contexte élémentaires (UCE) –, et permet d’en dégager des grandes thématiques d’après les liens de coocurence. Pour chacune de ces classes le logiciel nous présente une Classification Descendante Hiérarchique (CDH) des UCE et des formes réduites (mots ou racines de mots) selon la force de lien avec la classe – évaluée statistiquement d’après un Chi deux. A partir des résultats obtenus, le travail du chercheur consiste en l’interprétation des thématiques qui se dégagent de ces regroupements. Alceste est donc une méthode exploratoire du contenu du discours. De plus, afin de permettre une analyse approfondie, les entretiens ont également été soumis à une analyse thématique manuelle. L’ensemble des discours a ainsi été classé dans une grille d’analyse conçue à cet effet et reprenant chacun des thèmes abordés par les personnes interrogées. Les principaux thèmes de cette grille sont les suivants : les informations personnelles (le parcours de vie, les activités pratiquées, la propriété/le lieu d’habitation), la description de la commune (les aspects géographiques, humains, économiques, etc.), les risques sur la commune hors érosion /submersion (quels sont-ils), la description des tempêtes sur la commune (les facteurs explicatifs, les conséquences) et enfin l’érosion et la submersion en évocation spontanée /non spontanée (les facteurs explicatifs, les actions de prévention, les sources d’information, le ressenti, etc.).

5 – Résultats

5.1 – Analyse de presse

15Le logiciel Alceste a exploité 69% des unités de contexte élémentaires (UCE) pour former huit classes.

Figure 1

Classification des thèmes abordés dans la presse

Figure 1

Classification des thèmes abordés dans la presse

16Les classes 1, 2 et 6 recensent l’essentiel des UCE présentes dans les articles parus avant la tempête Xynthia, ce mot inducteur en étant absent de manière significative [1]. Dans la classe 1, nous retrouvons les passages abordant l’histoire locale et le récit de faits divers. Y sont présents de manière significative à la fois les variables « Année : 2008 » (Chi deux=163) et « Parution : avant Xynthia » (Chi deux=81) et des termes tels que : « histoire » (Chi deux=118), « siècle » (Chi deux=77), « raconter » (Chi deux=45), etc. Les UCE qui en sont caractéristiques sont par exemple : « Les jeunes gens de la nouvelles génération ne savent plus beaucoup de choses sur le temps d’il y a 70 ans. Pour faire mieux connaître aux gens le passé de cette période tristement importante un élan artistique doit arracher le monde gris des ruines des blockhaus de leur état habituel et doit les catapulter au cœur de la vie » (N°374, Ap.X, 2012, Érosion, Chi deux=65) [2], ou encore : « L’amie de [X] tente de l’approcher pour l’aider et s’enfonce à son tour. Le temps parait long à [X], le temps que les gens sur la plage alertent les secours et que les gendarmes arrivent, il se passe une vingtaine de minutes » (N°146, Ap.X ; 2011, Pénestin, Chi deux=45). Ce thème a essentiellement été abordé en 2008 et concerne davantage la commune de l’Île-Tudy (Chi deux=25) même si Pénestin n’en est pas complètement exclue. La classe 2, en revanche concerne davantage la commune de Pénestin (Chi deux=37) et regroupe les termes liés à la description du littoral tels que « sable » (Chi deux=327), « plage » (Chi deux=186), « dune » (Chi deux=101), « chenal » (Chi deux=90). Ils se retrouvent notamment dans des unités de contexte telles que : « Ce système permettra d’acheminer les granulats pour engraisser le site. Même principe ensuite pour le Goerem. Au total 215 000 m3 de sable, provenant du dragage de la passe ouest de Lorient serviront à cette opération » (N°337, Ap.X, 2012, Submersion, Chi deux=63), ou encore : « Reste à longer les pointes rocheuses jusqu’au port du moulin. A marée basse, il suffit de couper sur le sable de la baie du Cabonnais avant de remonter sur la pointe de Sorloc et de gagner la pointe de Merquel pour contempler le Traict de Pen bé et les oiseaux migrateurs » (N°15, Av.X, 2010, Pénestin, Chi deux=61). Outre la commune, les autres variables présentes de manière significative sont « Année : 2010 » (Chi deux=9) et « Semestre : 1 » (Chi deux=6), ce qui révèle une tendance de cette classe à reprendre des propos publiés avant la tempête Xynthia. La classe 6, quant à elle, regroupe le vocabulaire de l’art et du spectacle. On y retrouve de manière significative les variables « Année : 2008 » (Chi deux=69) et « Année 2009 » (Chi deux=32), ainsi que « Parution : avant Xynthia » (Chi deux=22). Les deux communes sont mentionnées dans ces passages : l’Île-Tudy avec un Chi deux=51 et Pénestin un Chi deux=27. Y sont répertoriés des termes tels que « salle » (Chi deux=243), « spectacle » (Chi deux=159), « exposition » (Chi deux=158), etc., termes essentiellement présents dans des unités de contexte telles que : « À noter également qu’une navette spectacle partira de Bénodet chaque vendredi soir de concert, 15 minutes après la fin du spectacle gratuit. Pendant le festival de Cornouaille, du 8 au 28 Juillet, les arrêts Place de la résistance pour Bénodet, Fouesnant et Concarneau seront déplacés Rue du Parc » (N°134, Ap.X, 2011, Île-Tudy, Chi deux=91) ou encore « Dimanche : contes, musique fanfare et chansons dans les rues de 14h à 18h. Dédicace d’auteurs dont Michel Desjoyeaux, dès 14h salle de restauration de l’école de voile » (N°10, Av.X, 2009, Île-Tudy, Chi deux=77).

17Dans les classes 4, 7, 5 et 8, en revanche, nous retrouvons des thèmes abordés après la tempête Xynthia. La classe 8, essentiellement parue en 2010 (Chi deux=144) et encore présente en 2011 (Chi deux=26), reprend la description de la catastrophe Xynthia avec la présence significative des variables « Mot inducteur : Xynthia » (Chi deux=187), « Année : 2010 » (Chi deux=144), « Semestre : 2 » (Chi deux=58) et « Année : 2011 » (Chi deux=26), ainsi que des termes tels que « Xynthia » (Chi deux=307), « tempête » (Chi deux=185), « risque » (Chi deux=131), « alerte » (Chi deux=130), « catastrophe » (Chi deux=115), etc. On la retrouve essentiellement dans des UCE telles que : « [Monsieur X], non inscrit et [Monsieur Y], PS [Parti Socialiste], ont déposé une proposition de loi destinée à assurer une gestion effective du risque de submersion marine. En février, la tempête Xynthia avait révélé des failles. Pour les deux sénateurs la France est mal préparée et sa culture du risque est absente » (N°62, Ap.X, 2010, Xynthia, Chi deux=91), ou encore : « Désormais Météo France préviendra des risques de submersion marine. Une nouveauté, conséquence de la tempête vendéenne. La tempête Xynthia avait provoqué la mort de 53 personnes sur les côtes du 27 au 28 février 2010. » (N°175, Ap.X, 2011, Xynthia, Chi deux=63). Tandis que dans la classe 5, apparue en 2010 mais développée en 2011, nous retrouvons, de manière plus large, les discours expliquant le phénomène de submersion. Y sont présents de manière significative des variables comme « Année : 2011 » (Chi deux=59) et « Mot inducteur : Xynthia » (Chi deux=33), ainsi que des termes comme « climatique » (Chi deux=158), « aléas » (Chi deux=142), « zone » (Chi deux=123), « changement » (Chi deux=77), « risque » (Chi deux=65), etc. Ce vocabulaire est essentiellement présent dans des UCE telles que : « Le bâti n’est touché qu’en cas d’extension. Les cartes diffusées sont encore imprécises : je me suis rendu compte que certains points topographiques sont répertoriés comme situés sous le niveau de la mer alors que nos propres relevés indiquent qu’ils se trouvent trois mètres au dessus » (N°91, Ap.X, 2011, Xynthia, Chi deux=70), ou encore : « La circulaire Xynthia nous fait obligation de tenir compte d’une évolution de la hauteur des mers, du fait du changement des conditions climatiques. Le chiffre retenu est une augmentation du niveau de la mer de 0.60m à l’horizon 2100. Des cartes statiques. Les cartes présentées ont entraîné quelques commentaires » (N°184, Ap.X, 2011, Submersion, Chi deux=70). Les classes 7 et 4, quant à elles, recensent les unités de contexte traitant des conséquences de cet événement sur les communes. La première (classe 7) regroupe les passages abordant les conflits d’urbanisation. Apparus dès 2010 (Chi deux=10), la plupart sont publiés en 2011 (Chi deux=60) et concernent les conflits d’usage existant essentiellement sur la commune de Pénestin (Chi deux=77). On y retrouve également la présence significative de la variable « Mot inducteur : Xynthia » (Chi deux=25), ainsi que des termes tels que « construire » (Chi deux=473), « permis » (Chi deux=425), « tribunal » (Chi deux=255), « annuler » (Chi deux=112), « délivrer » (Chi deux=85), etc. dans des unités de contexte telles que : « Les autres constructions et hébergements pourront être autorisés en respectant de nouvelles normes. Il est désormais impossible d’implanter de nouveaux établissements sensibles, écoles, maisons de retraite, etc. » (N°65, Ap.X, 2011, Xynthia, Chi deux=87), ou encore : « Il n’y aura pas de nouveau groupe d’habitation au Loguy. Le tribunal administratif de Rennes vient d’annuler le permis de construire délivré par la commune de Pénestin à la société [X] le 14 Novembre 2007 » (N°123, Ap.X, 2011, Pénestin, Chi deux=80). En revanche, en sont absents de manière significative des termes tels que : « érosion » (Chi deux=-10), « tempête » (Chi deux=-5), ou encore « inondation » (Chi deux=-4). De son côté la classe 4 regroupe des unités de contexte tirées de passages plus récents : « Année : 2012 » (Chi deux=10), abordant la gestion des communes. On y retrouve les variables « Mot inducteur : submersion » (Chi deux=107), « Mot inducteur : risque » (Chi deux=57), « Parution : après Xynthia » (Chi deux=27) et des termes tels que « plan » (Chi deux=159), « réunion » (Chi deux=105), « préventif » (Chi deux=72), « PLU » [3] (Chi deux=73), « PCS » (Chi deux=63), etc. Ce vocabulaire est essentiellement présent dans des UCE telles que : « La commune travaille avec un cabinet pour l’élaboration du plan local d’urbanisme (PLU) et avec Challans et 29 communes pour le schéma de cohérence du territoire (SCOT), ce qui ne facilite pas le travail. » (N°155, Ap.X, 2011, Risque, Chi deux=43), ou encore : « Dans un communiqué, le groupe Carnac au cœur se dit « particulièrement inquiet par le plan de prévention des risques littoraux (PPRL) », et réclame que le maire désigne rapidement un élu de référence dans ce dossier et qu’une commission municipale soit immédiatement mise en place pour se mettre au travail sans attendre » (N°141, Ap.X, 2011, Risque, Chi deux=31). En outre, en sont absents des termes tels que : « érosion » (Chi deux=-26), « tempête » (Chi deux=-16), ou encore « Xynthia » (Chi deux=-6).

18Enfin, la classe 3, à part, recense un discours plus récent encore : « Année 2012 » (Chi deux=285), sur la gestion des espaces naturels dans lequel s’intègre la problématique de l’érosion. Nous y retrouvons la présence significative des variables « Mot inducteur : érosion » (Chi deux=792), « Année : 2012 » (Chi deux=285) et des termes tels que « haie » (Chi deux=429), « talus » (Chi deux=297), « bocage » (Chi deux=292), « agriculture » (Chi deux=288), « érosion » (Chi deux=176), « versant » (Chi deux=151), etc. En sont caractéristiques des UCE telles que : « Un programme destiné à tous, collectivités, agriculteurs et particuliers. De son côté, la CODI [Communauté des communes de Dinan] finance entièrement les travaux, sur l’ensemble de son territoire. L’objectif de ce programme régional est d’améliorer la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, protéger les cultures, préserver la biodiversité, la production de bois, prévenir l’érosion des sols, restaurer le paysage. » (N°319, Ap.X, 2012, Érosion, Chi deux=98), ou encore : « Breizh bocage est un programme de reconstitution du bocage, à l’échelle de la Bretagne, et destiné à tous (collectivités, agriculteurs et particuliers). Il vise principalement à améliorer la qualité des eaux, des milieux aquatiques, et présente également un intérêt pour la protection des cultures, la préservation de la biodiversité, la production de bois et la restauration des paysages. » (N°342, Ap.X, 2012, Érosion, Chi deux=97).

19En résumé, la majorité des articles parus avant Xynthia et présentant un ou plusieurs des mots inducteurs aborde soit un fait divers contemporain ou passé, soit une description du littoral, ou encore, occasionnellement, un événement culturel. La description des faits divers apparaît plus liée à la commune de l’Île-Tudy et celle du littoral à la commune de Pénestin. Parmi les articles parus après Xynthia, le contenu change, de nouveaux thèmes font leur apparition. Ils sont répertoriés en cinq classes. Deux traitent directement de la catastrophe, l’une avec un versant descriptif, l’autre un versant explicatif. Deux autres classes sont davantage axées sur la thématique des communes. L’une aborde leur gestion et les conséquences des mesures prises par l’État depuis Xynthia. L’autre traite des conflits locaux d’urbanisation souvent liés à ces nouvelles mesures et davantage en rapport avec les problématiques locales présentes sur Pénestin. Enfin, la dernière classe, plus récente, aborde la gestion des espaces naturels et la problématique de l’érosion.

5.2 – Analyse des entretiens

20Le logiciel Alceste a exploité 80% des UCE pour former quatre classes.

21La classe 1, opposée aux autres classes, reprend de manière générale les facteurs (aggravants et atténuants) du risque. Ce thème est essentiellement abordé par les usagers (Chi deux=9). On y retrouve la présence significative de termes tels que « mer » (Chi deux=146), « vent » (Chi deux=115), « marée » (Chi deux=103), « dune » (Chi deux=96), « digue » (Chi deux=92), etc. Ce vocabulaire est notamment présent dans des discours tels que : « Je vous ai dit, c’est plusieurs facteurs. Ça dépend des vents surtout. Les vents et puis les coefficients de marée. Déjà ces deux facteurs là, oui, on sait à peu prêt comment ça va se passer la nuit. Parce que c’est toujours la nuit que ça se passe, entre deux, trois heures du matin. C’est la que ça passe le gros coup en général. » (Île-Tudy, N°13, usager, Chi deux=25) [4], ou encore : « Nos chantiers sont vraiment ici. Quand la mer est haute on l’a juste devant… devant les chantiers. Et donc là la tempête, ben le niveau de la mer est monté bien au dessus de la digue » (Pénestin, N°25, usager, Chi deux=24).

Figure 2

Classification des thèmes abordés dans les discours recueillis

Figure 2

Classification des thèmes abordés dans les discours recueillis

22Dans les trois autres classes nous retrouvons moins la problématique du risque et davantage de références aux communes. La classe 2 regroupe des termes décrivant les communes du point de vue de leur population et de leur activité avec la présence significative de termes tels que : « secondaire » (Chi deux=138), « résidence » (Chi deux=123), « commerce » (Chi deux=69), « pêche » (Chi deux=66), « retraite » (Chi deux=62), etc. En revanche, elle exclut des termes tels que : « risque » (Chi deux=-25) ou « tempête » (Chi deux=-22). On la retrouve surtout dans les entretiens de personnes interrogées sur l’Île-Tudy (Chi deux=32). En sont caractéristiques des discours tels que : « Parce que la population de l’Île-Tudy en hiver c’est pas…y a pas grand-chose. Oui, oui, au fur et à mesure que c’est, c’est… l’habitat ancien s’est transformé petit à petit en habitant… en résidences secondaires » (Île-Tudy, N°8, usager, Chi deux=26), ou encore : « Et puis la population traditionnelle de l’Île-Tudy c’était une population de pêcheurs. La pêche ayant disparu il y a moins de gens nés à l’Île-Tudy, il y a longtemps, qui sont toujours aujourd’hui… » (Île-Tudy, N°7, usager, Chi deux=25). La classe 3 recense les conflits liés à l’urbanisation. Nous la retrouvons essentiellement dans les discours des usagers du littoral (Chi deux=28) et notamment parmi ceux interrogés sur Pénestin (Chi deux=9). Y sont présents de manière significative des termes tels que « terrain » (Chi deux=453), « propriétaire » (Chi deux=117), « acheter » (Chi deux=116), « caravane » (Chi deux=85), « mobile » (Chi deux=70), etc. En revanche, comme pour la classe précédente, en sont absents des termes tels que : « risque » (Chi deux=-16), ou « tempête » (Chi deux=-14). Ce vocabulaire est essentiellement présent dans des discours tels que : « L’hôtel est toujours exploitable mais le terrain de camping qui avait été vidé des ses mobile homes en vue de la vente, c’était le groupe [X] qui achetait ce terrain de camping et cet hôtel, je peux vous dire que là… » (Île-Tudy, N°5, gestionnaire, Chi deux=46), ou encore « Et puis notre famille est très très très nombreuse, donc c’est un, un oncle, puis un, un cousin qui ont eu la maison familiale. Et puis ma mère a acheté une maison qui a été construite en 1920 » (Pénestin, N°22, usager, Chi deux=46. La classe 4, au contraire, reflète les discours des gestionnaires du risque (Chi deux=100). Elle aborde la gestion de la commune (risque compris). On y retrouve la présence significative de termes tels que « élu » (Chi deux=107), « réunion » (Chi deux=66), « responsable [5] » (Chi deux=65), « association » (Chi deux=55), « administration [6] » (Chi deux=53), etc. En sont caractéristiques des discours tels que : « Oui ça c’est pour la mise en place des secours. Mais il y a un plan de prévention, de consolidation du littoral donc, qui avance très vite. Si on se base sur les informations transmises via le bulletin municipal ou les échos de la presse » (Île-Tudy, N°6, gestionnaire, Chi deux=38), ou encore « Comment vous l’avez appris ? / Je l’ai appris quand même parce que j’étais à la mairie et donc, ben oui, j’ai appris. / Et qu’est-ce que ça vous a fait ? / Pour moi personnellement ça ne m’inquiète pas du tout. Par contre pour les responsabilités que j’ai à ce sujet là je prends ça très au sérieux » (Île-Tudy, N°11, usager, Chi deux=38).

23Le logiciel Alceste a ainsi divisé les discours en quatre classes que nous avons interprétées comme suit. La classe 1 aborde très clairement le risque de submersion et les facteurs qui l’influencent. Les termes contenus dans cette classe ont essentiellement été recueillis auprès d’usagers du littoral. Les trois autres classes sont plus axées sur la commune, soit pour la décrire de manière générale, essentiellement sur l’Île-Tudy, soit pour évoquer des conflits d’urbanisme qui y ont lieux, notamment sur Pénestin, soit pour expliquer, du point de vue des gestionnaires, comment tout cela s’organise administrativement. Par conséquent, nous avons bien deux rapports différents aux risques côtiers qui apparaissent en référence à des pratiques distinctes. Du côté des usagers, le risque est décrit d’après des éléments qui le constituent (la mer, le vent, la marée, etc.), alors que du point de vue des gestionnaires, les discours portent davantage sur la manière dont le risque est géré (plans de prévention, etc.), indépendamment des circonstances.

24Ces différences de discours se retrouvent dans l’analyse manuelle. En référence aux risques en général, la submersion et l’érosion ne sont pas les premiers éléments qui viennent spontanément à l’esprit des personnes. Près d’un tiers d’entre elles évoquent avant tout les risques d’accident, de pollution et/ou de mauvaise gestion de l’urbanisation. En ce qui concerne les risques côtiers, comme l’analyse Alceste le laisse entrevoir, des distinctions entre les communes apparaissent. Le risque de submersion est mentionné de manière plus spontanée sur la commune de l’Île-Tudy (par sept personnes), contrairement à Pénestin (une seule personne). C’est, en revanche, le risque d’érosion qui y est plutôt mentionné (par trois personnes contre une seule à l’Île-Tudy). En générale, les individus déclarent ne pas être inquiétés par ces risques soit parce qu’ils estiment faire suffisamment attention (mentionné par cinq personnes de Pénestin), soit parce qu’il existe des ouvrages de protection (mentionné par huit personnes dont six de l’Île-Tudy). Ainsi, selon la commune, la gestion du risque est envisagée de manière différente. Sur Pénestin, où les gestionnaires sont essentiellement perçus aux travers des actions qui concernent l’urbanisation, la prévention des risques côtiers est plutôt envisagée de manière individuelle, comme dépendante des connaissances et de la prudence de chacun. Sur l’Île-Tudy, en revanche, où les gestionnaires mettent en avant leurs actions de prévention des risques côtiers, la gestion de ces derniers est davantage considérée comme relevant de la responsabilité des gestionnaires, notamment à travers l’édification et l’entretien d’ouvrages de protection. L’inquiétude n’est cependant pas un sentiment absent des discours. En effet, nombreux sont ceux qui expriment une inquiétude vis à vis de certaines mesures préventives, considérées comme excessives et nuisibles. Dans ce cas, les propos recueillis lorsqu’il est question de risque portent essentiellement sur la question des restrictions induites par le Plan Local d’Urbanisme (PLU) et notamment sur l’extension des zones déclarées « non constructibles ».

6 – Discussion

25Du point de vue du savoir scientifique la submersion se définie comme un phénomène parfois lent, conséquence de la montée du niveau marin, et parfois brutal, survenant lors des tempêtes lorsque les facteurs aggravants se cumulent : grande marée, ampleur et orientation des vents, forte pression atmosphérique, etc. L’érosion, quant à elle, se définie comme un phénomène lié à la nature des sols, à leur friabilité ainsi qu’au travail d’éléments extérieurs : attaques répétées des vagues, infiltration des eaux de pluie, déboisement, pression et vibrations liées à l’activité humaine, etc. (Leone, Meschinet de Richemond et Vinet, 2010). En 2010, la tempête Xynthia a apporté à la question des risques côtiers un caractère d’urgence. Ainsi, une fois le phénomène expliqué, les regards, comme les discours, se sont davantage tournés vers la mise en œuvre d’actions de préventions.

26Cet article avait pour objectif d’appréhender les représentations sociales liées aux risques d’érosion et de submersion auprès de différents groupes : usagers et gestionnaires, dans deux communes définies par des experts scientifiques comme « exposées aux risques côtiers ». En lien avec la théorie des représentations sociales, qui stipule que celles-ci sont dépendantes des communications sociales et notamment des médias, il s’agissait également de faire le parallèle entre le contenu d’articles de presse et le contenu des discours. D’une manière générale nous avons constaté une évolution dans les articles de presse. En effet, les thèmes traités avant et après Xynthia ne sont pas les mêmes. Depuis la catastrophe, les deux tendances majeures ont été d’aborder les risques de submersion et d’érosion, d’abord en les expliquant, puis en évoquant les actions de préventions qu’ils impliquent et leurs conséquences sur les communes. Cette analyse démontre un tournant dans les écrits à propos des risques côtiers davantage axés aujourd’hui sur les mesures de protection et de prévention que sur la description d’un phénomène. Le même constat peut être fait à l’égard des discours recueillis auprès des personnes interrogées. Outre l’expérience personnelle que ces individus peuvent avoir connue, les informations relayées par les médias sont les plus aisément accessibles. Ces éléments vont servir de base au processus d’objectivation participant à la formation des représentations sociales. Les usagers les reprennent donc pour décrire l’érosion et la submersion mais en les ancrant dans leur propre environnement : au sein des communes. Les risques de submersion et d’érosion sont développés à travers des actions de prévention et de ce qu’elles impliquent pour les usagers comme pour les gestionnaires. Ce sont là des sources d’inquiétude plus importantes pour les personnes interrogées que la submersion et l’érosion en elles-mêmes. Les gestionnaires se soucient de mettre en place les « bonnes » mesures suivant les coûts et les bénéfices qui en découleront, mais également au regard de la responsabilité qui leur incombe. Les usagers, quant à eux, se préoccupent des conséquences de ces actions sur leurs modes de vie et notamment des restrictions sur les constructions. Ainsi, même si les phénomènes d’érosion et de submersion sont décrits (mer, coefficient, marée, vent, etc.), ce ne sont pas eux, en tant que tels, qui inquiètent les usagers, mais davantage la manière dont les actions communales de protection et de prévention peuvent impacter sur leur environnement et leur quotidien. De ce fait, comme nous le retrouvons au sein des articles de presse, les risques d’érosion et de submersion renvoient davantage à l’évocation des actions de prévention, qu’à une description du phénomène en lui-même.

27Dans notre étude, nous avons cependant pu constater une différence entre les communes dans la manière d’envisager les risques. Sur l’Île-Tudy, il s’agit moins de savoir si il existe un risque ou non que de trouver la meilleure façon de le gérer. Sur Pénestin, en revanche, la gestion de l’urbanisme prend le devant de la scène et les risques d’érosion et de submersion sont essentiellement abordés par ce biais. Il existe également des différences de discours intra-communales. Sur la commune de Pénestin les avis exprimés à propos de la gestion des risques coïncident avec ceux concernant les projets d’urbanisation qui tendent à favoriser le développement du tourisme. Ainsi, les individus qui s’opposent à cette politique d’urbanisation, que se soit pour des raisons de paysage dénaturé ou de surpopulation estivale, sont les mêmes qui critiquent la manière dont les risques sont gérés. À l’inverse, les personnes qui adhèrent à la politique d’urbanisation, considérant qu’elle dynamise la commune, adhèrent de la même façon à la gestion qui est faite des risques. Sur l’Île-Tudy nous retrouvons cette même opposition de prise de position « pour ou contre la politique de gestion des risques » De façon générale, sur la plupart des littoraux urbanisés, l’évolution naturelle et l’occupation humaine du rivage aboutissent à un prévisible « télescopage ». Recul du trait de côte vers la terre d’une part, concentration des installations humaines vers la mer d’autre part, ces dynamiques convergentes sont à l’origine de l’émergence, puis de la multiplication des risques liés à la mobilité du trait de côte (Meur-Férec et Morel, 2004). Il n’est donc pas étonnant de constater que la manière dont les individus occupent et souhaitent voir occuper leur littoral influence leur rapport aux risques côtiers. Indépendamment de la commune d’appartenance, nous constatons également des différences dans les discours entre les individus qui pratiquent des activités en lien avec la mer et ceux qui n’en ont pas du tout. Par exemple, les personnes qui sont amenées à venir sur le bord de côte, pour des motifs professionnels ou de loisirs, ont plus tendance que les autres à considérer qu’il existe des ouvrages de protection susceptibles de limiter les risques de submersion et/ou d’érosion. Ainsi, selon la manière dont les usagers du littoral appréhendent et utilisent leur environnement, autrement dit selon leurs projets personnels sur la commune et les activités qu’ils pratiquent, selon leur rapport à la mer mais également selon l’image qu’ils ont de leur commune et de ses gestionnaires, leur rapport aux risques, et par là même, aux actions de prévention, sera différent. En conclusion, le risque ne peut être explicité indépendamment du contexte : « le risque apparaît comme une valeur construite par le sujet évaluateur en utilisant des informations qui sont moins d’ordre purement technique que d’ordre social ou individuel » (Kouabenan et al. 2006, page 46). Ainsi, le rapport de l’individu aux risques côtiers va dépendre aussi bien de lui même (ses normes, ses valeurs, ses aspirations, etc.) que de la façon dont il comprend et se représente l’environnement dans lequel il évolue (environnement social mais également spatial et temporel). De ce fait, pour appréhender ce rapport aux risques côtiers, la prise en considération des représentations sociales du cadre de vie est essentielle.

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Date de mise en ligne : 22/04/2014.

https://doi.org/10.3917/cips.101.0101

Notes

  • [*]
    La correspondance pour cet article doit être adressée à Nathalie Krien, Université de Brest, Institut des Sciences de l’Homme et de la Société (ISHS), 20 rue Duquesne, CS 93837, 29238 Brest cedex 3, France ou par courriel <krien@univ-brest.fr>.
    Ce travail a bénéficié d’une aide de l’Agence Nationale de la Recherche portant la référence 2010-CEPL-001-05 ainsi que d’une Allocation de Recherche Doctorale versée par la Région Bretagne.
    Nous tenons à remercier la région Bretagne pour le financement de la thèse qui a permis cette étude. Nous remercions également toute l’équipe du programme de recherche Cocorisco (Connaissance, Compréhension et gestion des Risques Côtiers) au sein duquel ce travail s’intègre, ainsi que toutes les personnes ayant bien voulu nous recevoir en entretien. Ce sont toutes ces personnes qui ont rendu cette étude possible.
  • [1]
    Classe 1 : Chi deux=-17 ; Classe 2 : Chi deux=-20 ; Classe 6 : Chi deux=-15.
  • [2]
    Chaque article a été codé selon sa place dans le corpus, sa parution avant (Av.X) ou après (Ap.X) Xynthia, son année de parution et le mot inducteur qui l’a fait paraître dans le corpus.
  • [3]
    Plan Local d’Urbanisme.
  • [4]
    Chaque entretien a été codé selon la commune d’appartenance, le numéro d’entretien dans l’échantillon et l’appartenance de la personne au groupe des usagers du littoral ou des gestionnaires du risque.
  • [5]
    Pour obtenir ce Chi deux, le logiciel a associé des mots de même racine : « responsable », « responsabilité », etc.
  • [6]
    Pour obtenir ce Chi deux, le logiciel a associé des mots de même racine : « administration » « administrateur », etc.
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