Notes
-
[*]
Stéphanie Rubi, maître de conférences, université Nancy 2.
-
[1]
Nacira Guenif-Souilamas, Éric Mace, Les féministes et le garçon arabe, Paris, Amand Colin, 2004.
-
[2]
Christine Bard, Frédéric Chauvaud, Michelle Perrot, Jacques-Guy Petit, Femmes et justice pénale, xixe-xxe siècles, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002.
-
[3]
Méda Chesney-Lind, John M. Hagerdon, Female Gangs in America. Essays on Girls, Gangs and Gender, Lake View Press, Chicago, 1999.
-
[4]
Howard S. Becker, Outsiders, New York, The Free Press, 1963.
-
[5]
Ce qui pourrait être traduit par: « Ce qui est bon pour le jars ne l’est pas pour l’oie. » Sybille Artz, Sex, Power, and the Violent School Girl, New York-London, Teachers College Columbia University, 1999.
-
[6]
C. Bard, op. cit.
-
[7]
Cesare Lombroso, La femme criminelle et la prostituée, Paris, Felix Alcan,1896.
-
[8]
Dvora Groman, Claude Faugeron, « La criminalité féminine libérée : de quoi ? », Déviance et société, vol.3, n°4, 1979, p. 363-376.
-
[9]
Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne. 1. La présentation de soi, Les Éditions de Minuit, collection « Le Sens Commun», 1973.
-
[10]
Erving Goffman, L’arrangement des sexes, traduit par Hervé Maury, présenté par Claude Zaidman, série Le genre du monde, Paris, La Dispute, 2002.
-
[11]
Sonia M. Pedroso Gonçalves, Margarida Gaspar de Matos, « Bullying in schools : Predictors and profiles. Results of the Portugues Health Behaviour in School-Aged Children Survey », International Journal on Violence and School, 4, 2007.
-
[12]
Britt R. Galen, Marion K. Underwood, «A developmental investigation of social aggression among children», Developmental Psychology, 33, 1997, p. 589-600.
-
[13]
PierretteVerlaan, Michelle Dery (sous la direction de), Les conduites antisociales des filles. Comprendre pour mieux agir, Québec, Presses universitaires du Québec, 2006.
-
[14]
Eléanore E. Maccoby, The Two Sexes : Growing Up Apart, Coming Together, Cambridge, MA : Belknap Press/Harvard University Press, 1998.
-
[15]
PersephanieSilverthorn, Paul J. Frick, «Developmental pathways to antisocial behavior: the delayed-onset pathway in girls», Development and psychopathology, 11, 1999, p. 101-126.
-
[16]
David Matza, Delinquency and Drift, New York, Wiley, 1964.
1Stéphanie Rubi remet en question la sur-médiatisation de la délinquance des adolescentes. En mettant en exergue l’interprétation subjective qui minimise l’implication des filles dans les actes de violence, l’auteure des « crapuleuses » analyse la « sexualisation» des délits. Phénomène qui les réduit à un comportement d’imitation des garçons et finalement occulte l’importance des mécanismes de socialisation juvénile.
2Depuis août 1998 et le « gang de Toulon », la scène médiatique met régulièrement en avant diverses exactions commises par des adolescentes. La presse, la radio et la télévision se sont emparées de cet objet et le déclinent en reprenant et en alimentant un certain nombre de poncifs. La délinquance juvénile féminine semble offrir un « renouveau » face à un public largement abreuvé et souvent saturé de reportages sur la délinquance juvénile masculine. Ce « nouvel » objet offre plusieurs aspects stratégiques pour solliciter l’imaginaire social du public. Notons ainsi l’inscription, la plupart du temps, de ces jeunes filles dans des territoires urbains relégués, enclavés et touchés durablement par l’exclusion et la précarité. Résidentes de Zones urbaines sensibles, les adolescentes mises en avant par les médias offrent conjointement la possibilité de nourrir divers fantasmes sur ces « quartiers d’exil ». Parfois présentés comme des zones de non-droit où les lois de la République n’ont plus voix, ces quartiers, médiatisés de la sorte, permettent aussi de maintenir une criminalisation de certains groupes sociaux qui perdure depuis des décennies. Ainsi, sont montrés du doigt les « jeunes », catégorie volontairement homogénéisée, mais aussi les habitants, pris eux aussi dans un ensemble réducteur, qui seraient témoins et complices des méfaits dudit quartier. L’approche culturaliste postulant une culture de la criminalité inhérente aux couches sociales les plus démunies demeure vive dans les propos et analyses médiatisées. Il est un autre élément essentiel dans les vues proposées par les divers écrits ou reportages médiatiques: celui de la misogynie de ces territoires et des hommes y vivant. Cette misogynie est présentée comme étant inéluctable et essentielle, c’est-à-dire faisant l’essence des jeunes hommes des quartiers prioritaires. C’est la figure du « garçon arabe [1] » qui est mise en avant et qui permet de cristalliser de multiples peurs et fantasmes. Notons enfin, dans cette liste qui ne se veut pas exhaustive, que le personnage même de la jeune fille délinquante fait subsister le fantasme séculaire d’une dualité de la femme, clivée entre la pieuse image de la sœur ou de la mère, et celle, diabolique, de la marâtre ou de la sorcière [2]. Ainsi, les adolescentes de Toulon, présentées comme « mi-anges, mi-démons » viennent réactualiser cet imaginaire-là. La criminologie italienne de Cesare Lombroso, trouve ici une résurgence, faisant de la femme criminelle une « non-femme », une « contre-nature ». Je souhaite ici livrer quelques réflexions et analyses en prenant appui tant sur les travaux que je poursuis depuis 1998 sur les comportements délictueux d’adolescentes, que sur le matériel référentiel existant au sujet de la délinquance juvénile féminine. Il me semble nécessaire de présenter dans un premier temps un paradoxe propre à cet objet de recherche: son « invisibilité statistique ». Puis, je discuterai de quelques poncifs, qui tentent d’expliquer ou de rationaliser ces conduites hors normes de genre attendues, à partir de l’affrontement survenu à Chelles en février 2008. Puis, je terminerai par une lecture contextuelle de ces comportements en présentant quelques éléments caractéristiques de ces formes de délinquance juvénile que j’ai pu observer à propos des déviances scolaires.
Le paradoxe de la délinquance juvénile féminine
3Méda Chesney-Lind [3] emploie les termes « d’invisibilité statistique » lorsqu’elle mentionne la part d’adolescentes présentes dans les données officielles des crimes, délits et transgressions réalisés aux États-Unis. En France, les adolescentes représentent 11 % à 14 % des personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie depuis plusieurs années. Dans mes travaux, je me suis intéressée aux faits de déviances ou de délinquances scolaires en regardant comment ceux-ci se déployaient dans et autour de l’école. Or, du côté des statistiques du ministère de l’Éducation nationale concernant les incidents de violence dans les établissements scolaires, la participation des filles dans ces actes violents présente des proportions plus importantes (logiciels Signa et Sivis recensant annuellement les faits graves de violences dans les établissements scolaires).
4Cette implication féminine plus importante dans les actes déviants et violents se retrouve dans diverses études françaises ou internationales nommées enquête de victimation ou de délinquance auto-reportée. Le principe de ces études est de demander aux principaux intéressés de déclarer les faits dont ils ont été victimes et/ou auteurs. Ce décalage entre présence – quasi inexistante – dans les statistiques officielles et participation plus importante dans les études de victimisation ou de délinquance auto-reportée est renforcé par le discours des acteurs éducatifs, acteurs locaux des quartiers prioritaires qui, lors des rencontres témoignent de la contribution féminine dans les violences verbales ou physiques et dans un certain nombre de comportements déviants ou délictueux.
Cet état de fait (ou paradoxe) se traduit en criminologie par la distinction opérée entre criminalité enregistrée (réelle, apparente ou légale) et criminalité cachée (ou « chiffre noir ») : « Les chercheurs ne peuvent pas présupposer que la catégorie des individus qualifiés de déviants contiendra tous ceux qui ont effectivement transgressé une norme, car une partie de ceux-ci peuvent ne pas être appréhendés et donc ne pas être inclus dans la population de “déviants” étudiée. [4] »
« What’s good for the gander is not good for the goose [5] »
5La place et scène sociale octroyée aux femmes criminelles est cependant sélective. Sont portés au courroux et à la vindicte populaire les « crimes de sexe » alors que les crimes et délits politiques perpétrés par les femmes n’intéressent guère, ne focalisent pas l’attention et les explications contradictoires foisonnantes: « Crimes dits familiaux ou crimes politiques sont nécessairement vus à travers le prisme des représentations dominantes de “la femme” : ange et démon, maman et putain “monstrueuse”. La criminelle paie non seulement pour ses actes, mais pour la transgression qu’elle opère [6]. » (Bard, 2002). L’adolescente violente, souvent qualifiée de « garçon manqué » par les adultes, met en jeu dans la situation d’interaction sociale et de stéréotypage des processus de rationalisation vis-à-vis de ses comportements « contre-nature » : l’adolescente « paie » pour ses actes déviants mais aussi pour la transgression des comportements de genre qu’elle opère. Aux inconduites et attitudes violentes et/ou délictueuses sanctionnées, s’ajoute une disqualification sexuée: garçon manqué. Ainsi, un processus est omniprésent dans les propos accolés aux comportements délictueux commis par des adolescentes: celui de sexualisation des actes.
6Prenons exemple sur l’événement ayant opposé deux groupes de jeunes filles à la gare de Chelles le 4 février 2008. Le Parisien consacre dans son édition du 7 février deux articles à cette affaire. Un des deux articles s’appuie sur une interview de la proviseure d’un des lycées de la commune. Le journaliste oriente son interview autour de trois lignes de questions: la fréquence des agressions entre jeunes filles à l’école dont l’implicite est de savoir s’il y a bien augmentation des violences commises par des filles; les explications à cette agressivité; et la confirmation d’un mimétisme mis en œuvre par les filles vis-à-vis des comportements des garçons, sous-entendant que tous les garçons seraient violents par nature, et que toutes les filles tendraient vers ce modèle comportemental. Le deuxième article paru met en parallèle un autre événement dont il est très difficile d’y lire une quelconque similarité ou complémentarité. L’article titre: « Bizutage violent entre adolescentes ». Le terme de « bizutage à caractère sexuel » est en lui-même très discutable au vu de la gravité des faits commis et rapportés dans l’article – soit une « agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans commise en réunion. La mise en perspective avec l’affrontement survenu à Chelles est tout à fait étonnante. Néanmoins, on peut lire une auto-légitimation assénant que la présente « affaire » « illustre bien comment certaines jeunes filles basculent dans la violence ». Au travers de cette comparaison déplacée et alarmiste, ne peut-on pas lire la résurgence de l’image de l’hystérie féminine? Pourquoi faire le lien entre un affrontement physique et une agression sexuelle, corporelle relevant vraisemblablement d’une problématique psychiatrique? Les adolescentes sont ici renvoyées au corps, à la sexualité. Ce processus quasi mécanique de sexualisation des faits de délinquance opérés par des jeunes filles, renverse alors l’appréhension des délits puisque ceux-ci deviennent des symptômes d’une pathologie sexuelle.
7En outre, les actes violents émanant d’adolescentes, pré-adolescentes ou jeunes femmes donnent aussi lieu à la recherche de causes empruntant à la psychologie ou à la sociologie spontanées. L’agressivité de leurs comparses masculins est sanctionnée, mais elle est perçue comme « naturelle » ou tout au moins comme attitude possible et liée au comportement de genre attendu. Les comportements délictueux des adolescents ne donnent pas lieu mécaniquement à la recherche d’éléments intrinsèques ou exogènes. Les comportements violents des garçons sont ainsi perçus comme des réponses ou réactions inadaptées, des difficultés à se contenir, à gérer ses émotions. Les comportements violents des filles quant à eux convoquent des éléments structurels, familiaux ou individuels pour tenter de normaliser l’anormal, le « contre-nature ».
8Je prends de nouveau appui sur l’exemple de la médiatisation faite de l’affrontement de Chelles. L’article paru dans Le Figaro le 7 février présente un titre et une accroche qui réduisent l’analyse de l’événement à un processus mimétique: « Violences: les filles se mettent à imiter les garçons ». L’accroche annonce: « Elles commettent vingt agressions par jour et copient le comportement des adolescents allant même jusqu’à utiliser des armes ». Les faits délictueux des adolescentes ne sont vus, lus et compris qu’à partir des schèmes de perception propres à l’analyse de la délinquance juvénile masculine. Depuis 1950, les chercheures féministes travaillant notamment sur la criminalité féminine dénoncent cette manière de faire qui nie les spécificités de la délinquance féminine et concourre à délégitimer la validité de l’objet de recherche. Le processus est à présent séculaire et perdure notamment au travers des discours fielleux et dénonciateurs qui tentent d’inscrire une frontière délimitant les nobles objets de recherche des non-objets scientifiques. La délinquance féminine juvénile n’étant que marginale, en parler, l’étudier, ne serait que supercherie scientifique.
Pour Cesare Lombroso, criminologue italien du début du dix-neuvième siècle, les adolescentes aux comportements déviants, violents ne sont que des non-femmes. Sa criminologie anthropométrique postulait que « la criminelle-née est pour ainsi dire une exception à double titre, comme criminelle et comme femme […]. Elle doit donc, comme double exception, être plus monstrueuse » [7]. Liant le comportement délictueux féminin aux menstrues, il ouvre la voie de la biologisation et de l’essentialisation de la criminalité féminine. Dès 1979, Dvora Groman et Claude Faugeron dans Déviance et Société se déclaraient perplexes suite à leur revue de la littérature « criminologique » sur la délinquance féminine, et énonçaient: « Au pire, on trouve des travaux étiologiques mettant en exergue des facteurs qui vont de la “nature” de la femme à sa “culture”, en passant par sa “sexualité”, pour en arriver au “mouvement de libération des femmes”, dernier avatar de la “culture”. Tous ces travaux ne font que reproduire l’idéologie sexiste de l’establishment et des agences de contrôle. […] Au mieux, on trouve des travaux de type inter-actionniste, souvent psychologisants, et d’autres assez classiques, en termes d’opportunités différentielles [8]. »
Des actes délictueux insérés dans un mécanisme de socialisation juvénile
9L’école, institution éducative insérée dans les territoires de vie des adolescentes, m’a permis d’appréhender les formes de déviances ou de délinquances scolaires et de les lire au travers des mécanismes de socialisation juvénile, et au sein des formes et des réseaux de sociabilités. J’ai ainsi pu observer que les établissements dans lesquels les perceptions de la violence sont très aiguës, et dans lesquels les écarts de perception de cette violence entre filles et garçons s’amenuisent fortement, présentent une proportion importante de collégiens, mais aussi de collégiennes, se tournant résolument vers une culture juvénile déviante voire délictueuse. Ces élèves, filles et garçons, s’affrontent aux règles de l’institution et tendent à refuser toute forme d’autorité et de légitimité des représentants de l’institution. Un clivage désignant des « eux » et des « nous » s’opère, et, progressivement, certaines collégiennes adopteront des comportements violents hors normes au regard des rôles sociaux sexués attendus. Ces établissements scolaires assistent à un glissement lors duquel la norme, soit la nomos, la loi, devient loi du plus fort dictant ses codes de conduite, imposant une hiérarchie de dominance statutaire entre « faibles » et « forts ». L’enjeu est alors pour les adolescentes et pour les adolescents de « ne pas se laisser faire » et certain(e)s collégien(ne)s opteront pour des formes agressives et oppressives considérées, selon leur propos, comme le meilleur recours afin de ne pas devenir soi-même cible des violences. La réputation, en tant que face [9], devient un rempart défensif dans un univers où, selon les dires des élèves, les adultes peinent à les protéger. Les unes et les autres reçoivent des « coups». L’appartenance au sexe féminin semble alors ne plus les prémunir des violences. Les normes de comportements genrées [10] se brouillent, l’altercation physique devient un éventuel recours pour les filles comme pour les garçons. La loi scolaire s’est effacée du fait de dysfonctionnements internes multiples. Les élèves, ne se sentant plus protégés, usent de la violence perçue comme une solution et non plus comme un problème.
10Dans ces contextes-là de défaillance du système scolaire, le recours à la violence physique ou à l’oppression des plus faibles s’applique indifféremment, aveugle au traditionnel clivage selon le sexe et le genre. Les coups donnés, reçus, deviennent alors le quotidien des élèves. Au sein de ces établissements scolaires, une multitude d’affrontements physiques recouvre le terme de bagarre, et les insultes présentent des déclinaisons multiples [11]. Il est notable que ce sont préférentiellement les filles qui déclareront s’être battues suite à des « histoires » ou « embrouilles ». Nous retrouvons ici les formes particulières de violences dites indirectes, plus fréquemment usitées par les filles, et auxquelles elles semblent être plus sensibles [12]. Certes, ces comportements ne sont pas propres aux établissements dans lesquels les perceptions de violence sont très importantes tant pour les filles que pour les garçons. Cependant, dans ces établissements-là, ces événements sont marqués par leur fréquence, leur répétitivité et l’importance qu’ils prennent dans la vie juvénile et scolaire de chacun(e). Le glissement est subtil et néanmoins primordial: la vie du collège est alors centrée sur les « histoires », altercations et aliénations sociales s’opérant en son sein. La loi des plus forts, les « réputations » et statuts sociaux des unes et des autres se sont substitués au sens premier de l’école, à sa fonction. Dans ces établissements, les adolescentes prioriseront les violences indirectes [13] tout en agissant au besoin en usant de violences directes. Les exemples et les récits d’histoires faisant le récit de ces violences indirectes conduisant parfois à des violences directes sont pléthoriques, puisque la vie juvénile dans ces établissements cristallise toute l’attention, évince le sens scolaire. L’ostracisme ou l’aliénation sociale constituent la finalité des violences indirectes et leur point commun. Or, la socialisation sexuée des filles, par l’inculcation des rôles sexués [14], concourt fortement à accroître la probabilité de ce type d’agressions pour les filles. Incitées à se tourner vers des relations intimes, de dévoilement de soi, les confidences alors échangées favorisent la divulgation et la propagation de rumeurs. Certaines des adolescentes des établissements étudiés témoignent de conduites tant d’agressions indirectes que d’agressions directes. Les secondes se sont déployées « à retardement », au moment du secondaire, car les agressions indirectes sont exceptionnellement détectées et contrées lors de l’enfance [15].
Pour conclure, il semble que des adolescentes, selon les contextes, les situations d’interactions sociales, les dynamiques locales, deviennent des personnages principaux de faits de violences. Les comportements violents ou les faits de délinquance scolaire qu’elles mettent en œuvre prennent sens dans les dynamiques relationnelles, dans le mécanisme de socialisation juvénile, dans les processus de sous-culture de délinquance [16] et non pas automatiquement dans des éléments psychiatriques, psychanalytiques, familiaux ou culturels. Ce faisant, elles modifient les comportements de genre attendus, tissent des rôles sociaux de sexe plus complexes – mais aussi à terme plus aliénants – qui empruntent, au gré des situations sociales, aux valeurs de la « masculinité » (dans son acception stéréotypée, soit honneur, virilité, agressivité, force, violence, etc.). Elles peuvent alors surprendre et parfois instrumentaliser des acteurs éducatifs qui ne sont pas toujours préparés à ces comportements « hors normes ».
Notes
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[*]
Stéphanie Rubi, maître de conférences, université Nancy 2.
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[1]
Nacira Guenif-Souilamas, Éric Mace, Les féministes et le garçon arabe, Paris, Amand Colin, 2004.
-
[2]
Christine Bard, Frédéric Chauvaud, Michelle Perrot, Jacques-Guy Petit, Femmes et justice pénale, xixe-xxe siècles, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002.
-
[3]
Méda Chesney-Lind, John M. Hagerdon, Female Gangs in America. Essays on Girls, Gangs and Gender, Lake View Press, Chicago, 1999.
-
[4]
Howard S. Becker, Outsiders, New York, The Free Press, 1963.
-
[5]
Ce qui pourrait être traduit par: « Ce qui est bon pour le jars ne l’est pas pour l’oie. » Sybille Artz, Sex, Power, and the Violent School Girl, New York-London, Teachers College Columbia University, 1999.
-
[6]
C. Bard, op. cit.
-
[7]
Cesare Lombroso, La femme criminelle et la prostituée, Paris, Felix Alcan,1896.
-
[8]
Dvora Groman, Claude Faugeron, « La criminalité féminine libérée : de quoi ? », Déviance et société, vol.3, n°4, 1979, p. 363-376.
-
[9]
Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne. 1. La présentation de soi, Les Éditions de Minuit, collection « Le Sens Commun», 1973.
-
[10]
Erving Goffman, L’arrangement des sexes, traduit par Hervé Maury, présenté par Claude Zaidman, série Le genre du monde, Paris, La Dispute, 2002.
-
[11]
Sonia M. Pedroso Gonçalves, Margarida Gaspar de Matos, « Bullying in schools : Predictors and profiles. Results of the Portugues Health Behaviour in School-Aged Children Survey », International Journal on Violence and School, 4, 2007.
-
[12]
Britt R. Galen, Marion K. Underwood, «A developmental investigation of social aggression among children», Developmental Psychology, 33, 1997, p. 589-600.
-
[13]
PierretteVerlaan, Michelle Dery (sous la direction de), Les conduites antisociales des filles. Comprendre pour mieux agir, Québec, Presses universitaires du Québec, 2006.
-
[14]
Eléanore E. Maccoby, The Two Sexes : Growing Up Apart, Coming Together, Cambridge, MA : Belknap Press/Harvard University Press, 1998.
-
[15]
PersephanieSilverthorn, Paul J. Frick, «Developmental pathways to antisocial behavior: the delayed-onset pathway in girls», Development and psychopathology, 11, 1999, p. 101-126.
-
[16]
David Matza, Delinquency and Drift, New York, Wiley, 1964.