1L’expression « web 2.0 » se réfère à une nouvelle génération de développement sur le web et de « web design » et fut inventée par Darcy Di Nucci en 1999. Tim O’Reilly lia cette appellation, en 2004, à l’idée de changements cumulatifs dans le développement du web ainsi qu’aux nouveaux usages sur la toile, mis en place par les utilisateurs finaux. Ce « 2.0 » s’émancipe du web et de la technique pour évoluer vers un concept 2.0 dont l’influence se ressent dans l’ensemble des domaines de l’activité sociale. Ces nouveaux usages induisent de nouveaux comportements au niveau individuel, mais surtout collectif. Le « web 2.0 » qualifié aussi de web contributif exprime le passage d’une communication verticale propre aux médias traditionnels, à une communication horizontale ou « many to many ». Il témoigne et participe, de l’avènement d’un paradigme communicationnel, caractérisé par une diminution des interactions hiérarchiques dans l’expression, le caractère sémantique de l’information et le développement de réseaux sociaux.
2Il s’accompagne alors de nouveaux usages, tels que jouer avec ses contours identitaires, pour devenir virtuellement, « en ligne », soi-même et un autre à la fois comme nous l’expliquent Pascal Pardellier et Céline Brion Portet. Cette « présence sur le web » va profondément induire de nouvelles pratiques professionnelles qui ne resteront pas sans incidences sur la vie économique.
3C’est l’exemple de la création et mise en place de réseaux d’experts, traité par Camille Alloing et Nicolas Moinet, qui expliquent l’arrivée d’une expertise 2.0. Cela interpelle sur la coexistence de systèmes classiques et 2.0, forçant presque à avoir une « double vie ». En effet, quand les systèmes d’évaluation en place (par exemple de la recherche) sont encore en fonctionnement 1.0, il va falloir en parallèle développer une vie 2.0 pour être reconnu dans le système de fait qui lui est 2.0.
4Cela induit de repenser la communication des organisations, par exemple, dans le domaine éducatif, en facilitant des approches systémiques pour la résolution de problèmes complexes, comme nous le présente Isabelle Pybourdin.
5Une explosion sans précédent de la quantité d’information disponible, tend à faire croire que son accès en est facilité, quand, au contraire il devient de plus en plus difficile de présenter, diffuser, trouver, analyser l’information pertinente pour la prise de décision stratégique. Il sera de moins en moins aisé de l’ignorer dans les systèmes d’élaboration de connaissance, ou de l’évaluation de ceux-ci. Le 2.0 favorise l’apparition d’un contenu d’information élaboré par les utilisateurs finaux, plutôt que par des « producteurs finaux », une véritable organisation du web par les internautes, abordé par Valérie Durieux. Le « social bookmarking » remet au cœur du débat le fait que le « nouveau pouvoir » réside dans le partage de l’information et non dans la détention d’information, sans oublier le rôle joué par ce « regard des utilisateurs finaux » pour des approches sérendipistes, indispensables pour l’innovation, moteur de développement économique.
6Les pratiques des « professionnels de l’information » se retrouvent bousculées dans leurs fondements comme le traitent Fabrice Pirolli et Olivier Le Deuff dans leurs articles respectifs. Nos rapports à l’information « formelle », « validée » se trouvent remis en cause par cette énorme vague d’information plus « informelle » et « immédiatiste ».
7Parmi les incidences « métiers » de ces évolutions, la veille, permettant de collecter et traiter l’information à but de décision ne va pas être épargnée. Cette « veille 2.0 » est présentée par Mylène Leitzelman. Elle montre comment les outils du 2.0 replacent l’homme et l’interaction au cœur du système.
8Mohamed Ghazi Khenissi et Jamel Eddine Gharbi nous expliquent la nécessité de l’acquisition d’une culture numérique à rajouter à la culture informationnelle pour mener à bien ces mêmes activités de veille.
9L’acceptation des changements ne sera pas « linéaire », comme l’étudie Juliette de Maeyer dans le domaine du journalisme. La construction du changement sera forcément contradictoire, controversée et au minimum « à construire » de façon réfléchie, ou non.
10Enfin, Charles Victor Boutet et Samy Ben Amor nous ouvrent des pistes par une démarche proactive de l’utilisation de méthodes automatique pour « exister » ou renforcer sa présence en « jouant sur cette surcharge informationnelle, en nous proposant de passer à l’active SEO 2.0 (Search Engine Optimization). Être actif aujourd’hui, ne consiste plus seulement à proposer des tags ou des liens, mais plutôt en participant de leur « promotion » activement (vers un lobbying 2.0).
Ce numéro spécial montre aussi clairement l’importance de l’utilisation de méthodologie de recherche du type recherche action, recherche par étude de cas, observation participante… Comme méthodologies de recherche valide pour l’analyse du 2.0 et pour les sciences de l’information et de la communication.
Ces différentes approches ont permis de « brosser » une esquisse de ce qu’est le 2.0. Il ne s’agit pas d’un point final d’un processus évolutif, mais d’une dynamique, pour le moment en plein mouvement. La fin du « web 2.0 » est prévisible en 2010 ou le « web 3.0 » a déjà commencé, qui induira un « concept 3.0 ». La suite au prochain numéro, en attendant : bonne lecture !