Couverture de CDLJ_2104

Article de revue

De la centralité du consentement

Pages 613 à 623

Notes

  • [1]
    La réalité statistique des violences sexuelles sur majeur·es est sexuée : dans l'immense majorité des situations, les victimes sont des femmes et les infracteurs des hommes ; pour cette raison, je désignerai l'agresseur au masculin et la victime au féminin. Par ailleurs, le mot victime est ici employé dans le sens commun et non dans sa signification procédurale. Enfin, je ne traite ici que des personnes majeures. Concernant les mineur·es, v. C. Hardouin-Le Goff, Grandeur et décadence du consentement en droit pénal dans ce numéro et C. Le Magueresse, Les pièges du consentement. Pour une redéfinition pénale du consentement sexuel, Éditions iXe, mars 2021, chapitre 5.
  • [2]
    Et ce même si elle est contrainte de céder, car « céder n'est pas consentir », cf. N.-C. Mathieu, « Quand céder n'est pas consentir : des déterminants matériels et psychiques de la conscience dominée des femmes, et de quelques-unes de leurs interprétations en ethnologie », in L'arraisonnement des femmes : essais en anthropologie des sexes, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1985, p. 169-237.
  • [3]
    Ce point est révélateur de la défiance à l'encontre des femmes. S'il importait véritablement, la preuve de l'absence d'accord donné, voire du refus manifesté, suffirait à constituer les infractions. Ce n'est pas le cas.
  • [4]
    Carnot, Commentaire sur le Code pénal, tome deuxième, Bruxelles, 1835, p. 64.
  • [5]
    Car une résistance est attendue. Rappelons ici les écrits de Pierre-François Muyart de Vouglans qui sont cités tout au long du 19e siècle et dont on perçoit toujours l'écho : « ces sortes de crimes se commettent en secret et qu'ils sont tellement graves de leur nature qu'on ne peut les présumer, les juges doivent se tenir extrêmement en garde contre les accusations qui s'intentent en cette matière, en sorte qu'à la réserve des viols qui se commettent envers des filles impubères, où l'âge seul peut suffire pour en établir la preuve, lorsque ces accusations sont intentées par des personnes nubiles, elles ne doivent (…) être accueillies qu'autant qu'elles sont appuyées de la preuve des trois faits suivants : 1. qu'il y a eu une résistance constante et toujours égale de la part de la personne prétendue violée ; 2. qu'il y ait une inégalité évidente de ses forces comparées avec celle du prétendu violateur ; 3. qu'elle ait poussé des cris ; 4. enfin qu'il soit resté sur elle quelques traces de la violence qui lui aurait été faite. (…) » in, Les lois criminelles de France, dans leur ordre naturel, Paris, 1783, tome 1, p. 185 s.
  • [6]
    Crim., 25 juin 1857, Bull. crim. n° 240, p. 378. S. 1857. 1. 711. D. 1857. 1. 314.
  • [7]
    Le terme de « menace » sera ajouté en 1992 (nouveau Code pénal).
  • [8]
    « Si la constatation de l'un de ces procédés est indispensable, c'est parce qu'elle permet d'établir que l'acte sexuel s'est accompli contre ou en l'absence de consentement de la victime ». Valérie Malabat, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, article « Les Infractions sexuelles », 2002 (mise à jour 2013), n° 24.
  • [9]
    Crim., 8 juin 2010, n° 10-81.953.
  • [10]
    Voir A. Darsonville, « Réformer l'incrimination de viol ? », Dalloz, Entretien, 2017, n° 11, p. 640 ; J. Portier et F. Sobry, « L'importance d'être consentant : les enjeux d'une exigence de consentement sexuel explicite en droit pénal français », AJ pénal 2019. 431 ; Ch. Guéry, « On crée le crime en le nommant : pour une redéfinition du viol », Revue de science criminelle, 2020, p. 255 ; M. Couturier, « Pour que le consentement ne soit plus l'arle[#769]sienne de l'infraction de viol », tribune, Libération, 19 févr. 2021.
  • [11]
    Convention adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1979 et ratifiée par la France en 1984. Voir D. Roman (dir.), La Convention pour l'élimination des discriminations à l'égard des femmes, préface de Françoise Gaspard, Éditions A. Pedone, 2014, 370 p.
  • [12]
    Le texte initial est muet sur le sujet des violences sexuelles, mais le comité CEDEF, a ensuite émis trois recommandations relatives aux violences qui fixent les obligations des États en la matière : Recommandation n° 12, Violence contre les femmes, (huitième session, 1989), A/44/38 ; Recommandation n° 19, Violence à l'égard des femmes, (onzième session, 1992), A/47/38 ; Recommandation n° 35 sur la violence à l'égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation n° 19, (juill. 2017), CEDAW/C/GC/35.
  • [13]
    CEDAW/C/46/D/18/2008, décision rendue le 16 juillet 2010.
  • [14]
    Voir également S.V.P. c/ Bulgarie (CEDAW/C/53/D/31/2011, décision rendue le 24 novembre 2012) et R. P. B. c. Philippines (CEDAW/C/57/DR/34/2011, décision rendue le 21 février 2014).
  • [15]
    Selon l'art. 2. f de la Convention, les États s'engagent à « Prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l'égard des femmes ». Au titre de l'art. 5. a, les États s'engagent à « Modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l'homme et de la femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes ».
  • [16]
    Le terme d'auteur désigne ici la plaignante.
  • [17]
    Op. cit., p. 16.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Voir par exemple l'affaire CEDH, 4 déc. 2003, MC c. Bulgarie, n° 39272/98. Ch. F. Sudre, JCP 2004, ch. 1 107 ; J.-P. Marguénaud, « Quand la Cour de Strasbourg poursuit sa mutation en Cour européenne des droits de la Femme : la question du viol », RTD civ. 2004. 364 ; F. Massias, « chronique internationale des droits de l'homme », RSC 2004. 441 ; J. Conaghan, « Extending the reach of Human Rights to Encompass Victims of Rape: M.C. v. Bulgaria », Feminist Legal Studies 2005, 13, p. 145-157 ; C. Pitea, « Rape as a Human Rights Violation and a Criminal Offence: the European Court's Judgment in MC v Bulgaria », Journal of International Criminal Justice 2005, 3, p. 447-462. La Cour condamne donc l'État bulgare en raison de la double violation des articles 3 et 8 de la Convention. Ce faisant, la Cour définit le viol à la fois comme un traitement dégradant ou inhumain prenant la forme d'une atteinte à l'intégrité physique et psychique de la personne et comme une atteinte à son droit à l'autonomie, lesquelles relèvent de la vie privée. Par ailleurs, tout en mentionnant « les marges d'appréciation » des États, l'arrêt M. C. c. Bulgarie définit les critères à partir desquels il est possible d'évaluer la conformité, par rapport à la Convention, des lois relatives au viol et de leur application. Parmi les critères dégagés, la prééminence de la recherche des manifestations établissant l'absence de consentement, qui ne se réduisent pas, la Cour y insiste, à la preuve d'une résistance physique de la victime. Il ne semble pas que cet arrêt ait eu un écho en France. Ses enseignements sont pourtant transposables à la situation française qui, nous l'avons vu, échoue à prendre en compte l'absence de consentement de façon autonome.
  • [20]
    Conseil de l'Europe, Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, 2011.
  • [21]
    Le rapport explicatif de la Convention cite explicitement la jurisprudence de la CEDH. Voir Conseil de l'Europe, Rapport explicatif de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, 2011, p. 36, paragraphe 191.
  • [22]
    Ibid., paragraphe 192 du rapport.
  • [23]
    Ibid.
  • [24]
    Ibid., paragraphe 193 du rapport.
  • [25]
    Dans le cadre de la procédure de suivi de l'application de la convention, les États parties doivent remettre au GREVIO un rapport sur les actions mises en œuvre pour se conformer aux obligations contenues par la convention. La France a remis son premier rapport en avril 2018.
  • [26]
    Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, Rapport d'évaluation (de référence) sur les mesures d'ordre législatif et autres donnant effet aux dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul) France, GREVIO/Inf (2019)16, publié le 19 novembre 2019 (en ligne : https://rm.coe.int/grevio-inf-2019-16/168098c619).
  • [27]
    p. 61, paragraphe 191 du rapport d'évaluation.
  • [28]
    p. 61, paragraphe 191 du rapport d'évaluation.
  • [29]
    p. 61-62, paragraphe 192 du rapport d'évaluation.
  • [30]
    Voir Loi modifiant le Code criminel (agression sexuelle), L. C. 1992, C. 38.
    Le préambule de la loi indique : « Que le parlement du Canada est conscient du caractère unique en son genre de l'infraction d'agression sexuelle et de ses effets sur la population du Canada, notamment de la crainte qu'elle suscite. (…) Qu'il souhaite encourager la dénonciation des cas de violence ou d'exploitation sexuelles et faire en sorte que leur poursuite s'effectue dans un cadre juridique compatible avec les principes de justice fondamentale et équitable à la fois à l'égard des plaignantes et des accusés ». Voir C. Le Magueresse, « Viol et consentement en droit pénal français. Réflexions à partir du droit pénal canadien », in Les violences sexuelles, Archives de politique criminelle n° 34, Éditions Pédone, 2012, p. 223-240 ; « La prise en compte des violences sexuelles par le droit pénal canadien, une voie à suivre ? », in Audrey Darsonville et Julie Leonhard (dir.) La loi pénale et le sexe, Presses universitaires de Nancy, nov. 2015, p. 83-100 ; Les pièges du consentement, op. cit., chapitre 4.
  • [31]
    L'article 273.1 (1) du Code criminel canadien.
  • [32]
    Ce point a été affirmé par la Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, L.C. 2018, ch. 29 votée en 2018.
  • [33]
    Arrêt R. c. Park, [1995] 2 R.C.S. 836. Il revient à l'accusation de le démontrer « hors de tout doute raisonnable ».
  • [34]
    Le 23 mai 2018. La loi entrera en application le 1er juillet 2018. Cf. « La Suède vote une loi renforçant le rôle du consentement dans les rapports sexuels », Le Monde, 24 mai 2018.
  • [35]
    La pénétration n'est pas requise ; un acte sexuel d'une gravité comparable à une pénétration est pris en compte : « A person who by assault or other violence or by threat of a criminal act forces another person to have sexual intercourse or to undertake or endure another sexual act that, in view of the seriousness of the violation, is comparable to sexual intercourse, shall be sentenced for rape to imprisonment for at least two and at most six years ». Chapitre 6, section 1 (traduction non officielle).
  • [36]
    Pour une analyse de cette réforme, V. M. Burman, « Rethinking rape law in Sweden », in Mc Glynn C. et Munro V. E., Rethinking Rape Law. International and Comparative perspectives, Routledge, 2010, p. 196-208.
  • [37]
    L'Écosse a adopté le Sexual Offences Act en 2009, dans lequel le « consentement » est défini comme un « free agreement ». Cf. S. Brindley et M. Burman, « Meeting the challenge? Responding to rape in Scotland », in N. Westmarland et G. Gangoli, International approaches to rape, Universtiy of Bristol, The Policy Press, 2012, p. 147-168.
  • [38]
    Le texte crée en outre deux nouvelles infractions : le 'negligent rape' et le 'negligent sexual abuse', qui visent les situations où le mis en cause devrait savoir que l'autre ne choisit pas volontairement d'avoir des relations sexuelles.
  • [39]
    C. Anderson, « Swedish Law Now Recognizes Sex Without Consent as Rape », The New York Times, 23 mai 2018, https://www.nytimes.com/2018/05/23/world/europe/sweden-rape-consent-sex.html
  • [40]
    A.-F. Hivert, « Violences sexuelles : la Suède satisfaite des effets de sa loi sur le consentement », Le Monde, 3 juill. 2020 (en ligne : https://bit.ly/2WxpcBz).
  • [41]
    V. Ministère de la Justice et ministère de l'Égalité, « El Consejo de Ministros aprueba el Proyecto de Ley Organica de Garantia Integral de la Libertad Sexual », nota de prensa, 6 juill. 2021.
  • [42]
    « Affaire » suivie en 2019, de celle dite de « la Manresa », au cours de laquelle une adolescente de 14 ans, quasi inconsciente, fut violée collectivement. Les juges ont considéré que les viols n'étaient pas accompagnés de violence ou d'intimidation et les avaient dès lors qualifiés « d'abus » et non d'agression sexuelle.
  • [43]
    Les pénalités encourues sont moindres : 1 à 3 ans pour l'« abus sexuel » ; jusqu'à 12 ans pour le viol.
  • [44]
    Le tribunal suprême a, par la suite, réformé ce jugement et condamné les agresseurs pour viol (STS 344/2019, 4 de Julio de 2019).
  • [45]
    Huffpost, « El PP y vox rechazan en su totalidad la”Ley del solo sì es sì” por su”sesgo idéologico” », 17 sept. 2021.

1Lorsque l'on pose la question « qu'est-ce qu'un viol ? », la plupart des personnes répondent que « c'est le fait d'avoir une relation sexuelle à une personne qui ne la veut pas ». En effet, la volonté de participer ou non à une activité sexuelle et le choix de l'imposer en l'absence d'accord devraient marquer la distinction entre une relation sexuelle et un viol. De fait, si la personne s'est librement engagée dans des relations à caractère sexuel, ou du moins - et la nuance est de taille - si elle ne s'y est pas opposée, le droit pénal français s'efface. L'on comprend dès lors que la stratégie de défense des agresseurs la plus courante pour échapper à une condamnation soit d'alléguer le consentement ou l'accord de la plaignante [1]. Allégation particulièrement violente pour la victime, puisque le débat sur l'existence ou non d'un consentement introduit une confusion entre le champ des relations sexuelles (voulues voire désirées) et celui des violences sexuelles. Dans la perspective de la victime, qui ne voulait pas de rapport sexuel, le consentement est hors sujet [2].

2Alors que la question de la présence, de la croyance en la présence, ou de l'absence de consentement est omniprésente lors des débats judiciaires, le terme ne figure pas dans les dispositions pénales réprimant les agressions sexuelles. Ni l'article 222-22 du Code pénal inaugurant la section III intitulée « Des agressions sexuelles », ni les incriminations subséquentes relatives au viol et aux « autres agressions sexuelles », ne définissent ce qu'est le consentement ou ne font de référence explicite au terme même de « consentement ». Cette omission est éloquente.

Le droit pénal français relatif aux agressions sexuelles repose sur une présomption de consentement à l'activité sexuelle

3Si le Code pénal est muet sur le (non)consentement, c'est parce qu'il repose sur une présomption implicite de consentement des femmes aux relations sexuelles. Cette présomption est réfragable et disparaît lorsqu'il est prouvé, non que la victime a exprimé un refus [3], mais que l'agresseur a eu recours à une « violence, menace, contrainte ou surprise ».

4Cette approche est vieille de plusieurs siècles. Historiquement en effet le viol n'existait qu'en cas de violence. Dans son Commentaire sur le Code pénal[4], M. Carnot, conseiller à la Cour de cassation est catégorique : « Le viol ne peut se constituer que par des actes de violence : s'il n'y avait pas eu violence, il n'y aurait eu que fornication. Ce n'est pas d'une force morale, d'une simple séduction, que parle l'article 331, mais d'une force physique employée pour vaincre la résistance. Violenter, en effet, c'est contraindre, c'est obliger de faire par force la chose que l'on exige et à laquelle on se refuse ».

5Puis, progressivement, les magistrats retiendront d'autres moyens de coercition de nature « à vaincre la résistance [5] ». Ainsi en 1857, la Cour de cassation pose dans l'arrêt Dubas [6] que « ce crime consiste dans le fait d'abuser d'une personne contre sa volonté, soit que le défaut de consentement résulte de la violence physique ou morale exercée à son égard, soit qu'il résulte de tout autre moyen de contrainte ou de surprise, pour atteindre, en dehors de la volonté de la victime, le but que se propose l'auteur de l'action ». Cette jurisprudence a par la suite été entérinée par la loi du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs[7].

6L'absence de consentement se déduit donc du comportement intentionnel de l'auteur et de son recours à (au moins) l'un des procédés énumérés par le code qui viennent corroborer la parole de la victime [8]. Car s'il a dû exercer une coercition, c'est que la victime - confrontée à des agissements à connotation sexuelle qu'elle n'a pas sollicités et pour lesquels elle n'a pas donné son accord - a résisté. Encore faut-il en outre pour renverser cette présomption que les moyens employés soient de nature à vaincre une « vraie » résistance… Selon la Cour de cassation « le refus de consentir à la relation sexuelle doit s'apprécier de manière concrète en fonction de la personnalité de la victime et de sa capacité de résistance [9] ». A contrario, cette indication de la Cour suprême est la porte ouverte aux stéréotypes : une femme bien portante, raisonnable, en pleine possession de ses moyens pourrait se voir reprocher de n'avoir pas assez résisté, afin que l'agresseur comprenne qu'elle ne voulait « vraiment » pas.

7Rares pourtant sont les juristes qui en France critiquent cette conceptualisation archaïque [10]. Sa remise en cause est cependant actuelle.

Vers une redéfinition pénale du consentement sexuel

8Dans les années 70, les féministes proclamaient « Non c'est non ». Aujourd'hui les slogans entendus lors de manifestations ou lus sur les réseaux sociaux sont plutôt « Qui ne dit mot ne consent PLUS » ou « Sans oui, c'est non ». Cette évolution traduit une demande sociale : et si au lieu d'exiger de la victime qu'elle résiste, on demandait à la personne qui initie l'activité sexuelle de s'assurer du consentement positif de l'autre ? Et si on expurgeait le droit pénal français de ses représentations stéréotypées ?

9Tant le droit international onusien que le droit européen nous y invitent, voire nous y contraignent.

10C'est tout d'abord la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) [11] qui nous intéresse et plus précisément les observations émises par le Comité qui veille à son application [12]. L'affaire Karen Vertido c/ Philippines[13] est topique sur la question du consentement [14]. Mme Vertido, une ressortissante des Philippines, saisit le Comité pour dénoncer l'acquittement du chef de viol, prononcé en faveur de JBC, son supérieur hiérarchique. Elle soutient que « la décision s'appuie sur des mythes et des idées fausses et sexistes sur le viol et ses victimes » or ajoute-t-elle « une décision de mauvaise foi fondée sur des mythes et des erreurs sexistes peut difficilement être considérée comme la décision d'un tribunal juste, impartial et compétent ». Recherchant « si l'État partie a bien fait ce qu'il devait faire pour abolir les stéréotypes sexistes selon le paragraphe f) de l'article 2 et le paragraphe a) de l'article 5, et de déterminer ce faisant la mesure dans laquelle les problèmes d'égalité des sexes ont été pris en compte dans le traitement judiciaire de l'espèce[15] », le Comité conclut à la violation de la Convention. En effet, « il ressort clairement du jugement que l'appréciation de la crédibilité de la version des faits de l'auteur[16]a été faussée par un certain nombre de stéréotypes, l'auteur n'ayant pas eu dans les circonstances la réaction qu'on attendait d'elle, soit celle d'une « victime idéale » et rationnelle ou ce que la juge a estimé être la réaction rationnelle et idéale d'une femme dans une situation de viol[17] ». Or, souligne le Comité « on ne saurait, ni en droit ni en fait, présumer qu'une femme donne son consentement parce qu'elle ne résiste pas physiquement à un comportement sexuel non désiré, que l'auteur du crime ait ou non menacé d'avoir recours à la force physique, et qu'il y ait ou non eu recours[18]».

11Dès lors, le Comité formule plusieurs recommandations dont l'une frappe en raison de la similitude que cette affaire présente avec la jurisprudence française. Il invite l'État des Philippines à « Veiller à ce que toutes les procédures judiciaires concernant le viol et les violences sexuelles soient impartiales et équitables, et qu'elles ne soient pas entachées par les préjugés ou les stéréotypes dont fait l'objet la sexualité féminine et masculine ; adopter à cette fin un train de mesures d'amélioration de traitement judiciaire des affaires de viol, et organiser des stages et des séances d'information pour mettre fin aux comportements discriminatoires à l'égard des femmes. Parmi les mesures concrètes, on peut prévoir les suivantes :

  • i) Examen de la définition du viol dans la législation à l'effet de donner une place centrale au défaut de consentement ;
  • ii) Suppression de tout ce qui, dans les textes législatifs, fait que l'agression sexuelle doit être commise par la force ou la violence, et la pénétration être établie ; limitation du risque que la procédure ne fasse de nouveau une victime de la plaignante ou de la survivante en adoptant une définition de l'agression sexuelle, soit postulant un « accord clairement et librement consenti » et obligeant à prouver que des mesures ont été prises pour déterminer si la plaignante ou la survivante avait donné son consentement, soit exigeant que l'acte ait été commis « sous la contrainte » et définissant ce terme aussi largement que possible (…) ».

13Le Comité donne ainsi des directives aux États quant à la définition pénale des agressions sexuelles attendue. Hélas, presque 40 ans après sa ratification, on ne peut que déplorer la méconnaissance de cette Convention en France, peu enseignée dans les universités et peu invoquée devant les tribunaux.

14Il en est de même du droit du Conseil de l'Europe lorsqu'il a trait aux violences sexuelles.

15La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu des arrêts dans des affaires traitant de la définition des violences sexuelles et de la place du consentement [19] sans que la France ne juge opportun de s'interroger sur l'adéquation de son droit avec les exigences posées.

16Ce constat est aussi celui du Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), organe d'application de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d'Istanbul, ratifiée par la France en 2014 [20]. Cette convention contient une définition renouvelée de « la violence sexuelle y compris le viol ». L'article 36 dispose ainsi :

  • « 1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, lorsqu'ils sont commis intentionnellement :
    • a. la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d'autrui avec toute partie du corps ou avec un objet ;
    • b. les autres actes à caractère sexuel non consentis sur autrui ;
    • c. le fait de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers.
  • 2. Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes.
  • 3. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les dispositions du paragraphe 1 s'appliquent également à des actes commis contre les anciens ou actuels conjoints ou partenaires, conformément à leur droit interne ».

18Cet article, objet de longues négociations entre les États, nous intéresse particulièrement pour son paragraphe 2 relatif au consentement. Issu des jurisprudences du CEDEF et de la CEDH [21], il tranche entre deux approches relatives de la définition des violences sexuelles, celle qui est fondée sur l'exigence de prouver la présence de violences (ou d'autres moyens de coercition utilisés par l'agresseur) et celle qui est centrée sur le consentement. Cette seconde approche est privilégiée. Selon le rapport explicatif :

19« Les poursuites engagées en cas de commission de cette infraction exigent une évaluation contextuelle des preuves afin de déterminer, au cas par cas, si la victime a consenti à l'acte sexuel accompli. Une telle évaluation doit tenir compte de toute la série de réactions comportementales à la violence sexuelle et au viol que la victime peut adopter et ne doit pas se fonder sur des hypothèses relatives au comportement typique en pareil cas[22] ».

20Il est en outre précisé qu'il convient « de veiller à ce que les interprétations de la législation relative au viol et les poursuites engagées dans les affaires de viol ne soient pas inspirées par des stéréotypes et des mythes sexistes visant respectivement les sexualités masculine et féminine » [23]. Enfin, le rapport explicatif expose que, « dans la mise en œuvre de cette disposition, les parties à la convention sont tenues d'adopter une législation pénale intégrant la notion d'absence de libre consentement aux différents actes sexuels répertoriés dans les alinéas a à c » [24].

21Le paragraphe 2 conduit à invalider les définitions des violences sexuelles, telles que celle de la France, qui ne tireraient pas les conséquences de la preuve d'une absence de consentement libre.

22C'est d'ailleurs ce qu'a précisé le GREVIO lorsqu'il a évalué l'application de cette convention par la France [25]. Dans son rapport final [26], il consacre une partie à l'analyse de la mise en œuvre de l'article 36-2 précité et souligne que : « le législateur n'est pas revenu sur la définition des agressions sexuelles et du viol, comme étant des actes nécessairement commis par le recours à la violence, à la contrainte, à la menace ou à la surprise »[27]. Or, « Le GREVIO rappelle que, dans la mise en œuvre de l'article 36 de la convention, [au paragraphe 193 du rapport explicatif],les Parties à la convention sont tenues d'adopter une législation pénale intégrant la notion d'absence de libre consentement aux différents actes sexuels répertoriés” [28] ». Et ajoute : « S'il est vrai que « les rédacteurs ont […] laissé le soin aux Parties de décider de la formulation exacte de la législation et des facteurs considérés comme exclusifs d'un consentement libre, le libellé retenu par le législateur français met l'accent sur les éléments probatoires permettant de constater l'absence de consentement au détriment de la centralité de l'absence du consentement. En s'alignant sur les préconisations de la convention, une définition des violences sexuelles axée sur l'absence d'un consentement libre permettrait, de l'avis du GREVIO, de pallier les insuffisances qui émergent de la situation actuelle : d'un côté, une forte insécurité juridique générée par les interprétations fluctuantes des éléments constitutifs que sont la violence, la contrainte, la menace et la surprise ; d'un autre côté, l'incapacité desdits éléments probatoires à englober la situation de toutes les victimes non consentantes, notamment lorsque celles-ci sont en état de sidération. Une telle définition permettrait surtout d'opérer le changement de paradigme nécessaire pour reconnaître la centralité qui revient a[#768] la volonté de la victime, et permettrait à la France de se ranger du côté de ces pays qui ont déjà franchi ce pas important. La position du GREVIO en la matière est constante, conforme sur ce point à la jurisprudence d'autres organismes internationaux de protection des droits humains tels que le Comité de la CEDEF. Il convient donc que les autorités lancent une réflexion approfondie sur la question, en veillant à prendre en compte les préoccupations qui font actuellement obstacle à l'ouverture d'un tel débat, s'agissant, d'une part, de la crainte invoquée par certains de faire peser encore plus la charge de la preuve sur la victime et, d'autre part, de l'exigence de maintenir ferme la présomption d'innocence[29] ».

23Pour mener cette « réflexion approfondie » à laquelle le GREVIO nous invite, nous pouvons en outre nous appuyer sur le droit comparé.

24Dans un nombre croissant de pays en effet, il appartient à la personne qui initie un contact sexuel de s'assurer du consentement de son ou sa partenaire.

25Le Canada fut l'un des premiers pays à modifier son Code criminel pour y inscrire, en 1992, une définition du consentement dans un contexte sexuel et énoncer une liste non exhaustive de circonstances dans lesquelles le « consentement » exprimé ne peut être retenu [30]. Selon cette définition, « le consentement consiste, (…), en l'accord volontaire du plaignant à l'activité sexuelle » [31]. L'accord recherché porte directement « sur l'activité sexuelle ». Le consentement doit être concomitant à l'activité sexuelle [32], permanent et extériorisé de façon à le rendre explicite. Il doit en outre être valide et avoir les qualités requises par le Code criminel : « accord volontaire » et « libre », c'est-à-dire non obtenu par des stratégies illégitimes qui visent à faire céder la personne victime ou par l'exploitation de circonstances particulières de nature à vicier le « consentement » éventuellement exprimé.

26La personne qui initie des « gestes sexuels » doit en outre être en mesure d'expliquer comment elle s'est assurée du consentement de l'autre. En effet, l'exigence de recueillir un « accord volontaire » a pour corolaire l'attention qui doit être portée au consentement de l'autre en prenant « des mesures raisonnables » afin de s'assurer de son adhésion.

27Comme l'expose Claire L'Heureux-Dubé, juge à la Cour suprême du Canada, « la mens rea de l'agression sexuelle est établie non seulement lorsqu'il est démontré que l'accusé savait que la plaignante disait essentiellementnon”, mais encore lorsqu'il est démontré qu'il savait que la plaignante, essentiellement, ne disait pasoui” [33] ».

28Jusqu'à présent, les pays ayant inscrit une définition positive du consentement dans leur droit appartenaient tous à des systèmes juridiques fondés sur la Common law. Cette donne a changé en 2018 lorsque la Suède, pays de droit écrit a modifié sa définition pénale du viol [34]. Le viol y était défini comme un acte sexuel [35] commis avec violence (laquelle pouvait être légère) ou contre une personne vulnérable en raison de son état mental (sidérée par la peur par exemple) ou physique (lié à l'absorbation d'alcool ou à une maladie par exemple) [36]. Cette définition fut critiquée, notamment en ce qu'elle ne permettait pas de réprimer les « actes sexuels » commis sans coercition mais néanmoins en violation de la volonté et de l'intégrité de la victime. Par ailleurs, des décisions d'acquittement jugées injustes ont fait naître une forte demande sociale en faveur d'un changement législatif. La méthode pour y parvenir est intéressante : en 2014, le processus de révision du Code pénal était lancé par une demande parlementaire afin que soit mise en place une nouvelle commission d'enquête sur l'incrimination de viol. Créé par le gouvernement, le Sexual Offences Committee a rassemblé 22 personnes issues de la police et de la magistrature ainsi que des parlementaires de tous horizons politiques. Le comité était présidé par une magistrate. Lors de ses travaux, le Comité a étudié notamment les lois écossaise [37] et canadienne afin d'analyser les effets à court et long terme des changements législatifs intervenus dans ces pays. Remis en octobre 2016, le rapport du Comité a ensuite été repris par le ministère de la Justice qui l'a diffusé auprès de différentes institutions afin de recueillir leurs observations, avant de soumettre le projet au Council of law, composé de juges de la Cour suprême, puis aux parlementaires qui ont finalement adopté une nouvelle définition du viol en mai 2018.

29Cette définition place la nécessité de recueillir un consentement explicite au cœur de l'infraction, supprimant l'obligation de prouver que le mis en cause ait eu recours à une forme de violence [38]. Cette loi est en outre un appel à de nouvelles relations entre les femmes et les hommes. La fonction pédagogique de cette loi est soulignée par la ministre de la Justice, Morgan Johansson : « It should sit in the spines of every boy and man in Sweden that this is how it is. That you have to make sure that the one that you intend to have sex with is a voluntary participant[39] .» Deux années après son entrée en vigueur, le nombre de condamnations pour viol a augmenté de 75 % et la réforme, qui avait suscité des réticences lors de son vote, est désormais majoritairement acceptée par les juges. En témoignent les propos de Christina Voigt, procureure au parquet de Stockholm, un temps dubitative vis-à-vis de cette modification législative : « Dire qu'avoir une relation sexuelle avec une personne qui ne l'a pas souhaité est un viol me paraît une évidence. Je ne comprends pas que nous n'ayons pas adopté cette loi plus tôt[40] ».

30Avec la Suède, ce sont une dizaine de pays européens qui ont choisi cette voie et qui seront prochainement rejoints par l'Espagne.

31Le gouvernement espagnol vient en effet de présenter en conseil des ministres un projet de loi intitulé Ley de garantia integral de la libertad sexual, surnomé “Seul un oui est un oui” [41]. Ce texte est une réponse politique et juridique à l'affaire de « la manada » qui a soulevé un vaste mouvement de contestation contre le traitement juridique et judiciaire des violences sexuelles [42]. Les faits sont les suivants : cinq jeunes hommes, qui se surnommaient « la meute » sur les réseaux sociaux, avaient violé une jeune fille lors des fêtes de Pampelune, filmé les viols et s'en étaient vantés sur la messagerie instantanée whatsapp. Les agresseurs furent condamnés pour la seule infraction d'« abus sexuel » et non pour viol [43], le tribunal considérant qu'il manquait un élément constitutif de l'infraction de viol : la violence [44]. L'une des dispositions du projet porte une définition du consentement sexuel inspirée de la Convention d'Istanbul. Selon l'article 178.1 le consentement se caractérise par la manifestation libre, matérialisée par des actes qui au regard des circonstances de l'espèce, expriment de manière claire la volonté de la personne. L'objectif est ici d'énoncer que le silence ou la passivité ne valent pas consentement et que le droit d'être protégée contre les violences sexuelles naît dès qu'il n'y a pas consentement qu'il y ait, ou non, résistance de la part de la victime. Ce texte sera prochainement présenté au congrès, il suscite toutefois l'opposition des parlementaires du parti populaire et de Vox qui ont déposé un amendement rejetant la loi dans son ensemble [45]. Le débat qui s'annonce sera probablement riche d'enseignements en prévision d'un changement législatif en France.

32Car il s'agit aujourd'hui de changer de paradigme. Il est pour cela impératif de repenser notre droit. De concrétiser le droit fondamental de chacun·e au respect de son intégrité, incompatible avec la présomption de consentement sous-jacente. De passer d'un “a priori c'est oui” à un “a priori, c'est non” et de poser qu'il est de la responsabilité de chacun·e à s'assurer de la participation volontaire de l'autre à l'activité sexuelle.


Date de mise en ligne : 17/01/2022

https://doi.org/10.3917/cdlj.2104.0613

Notes

  • [1]
    La réalité statistique des violences sexuelles sur majeur·es est sexuée : dans l'immense majorité des situations, les victimes sont des femmes et les infracteurs des hommes ; pour cette raison, je désignerai l'agresseur au masculin et la victime au féminin. Par ailleurs, le mot victime est ici employé dans le sens commun et non dans sa signification procédurale. Enfin, je ne traite ici que des personnes majeures. Concernant les mineur·es, v. C. Hardouin-Le Goff, Grandeur et décadence du consentement en droit pénal dans ce numéro et C. Le Magueresse, Les pièges du consentement. Pour une redéfinition pénale du consentement sexuel, Éditions iXe, mars 2021, chapitre 5.
  • [2]
    Et ce même si elle est contrainte de céder, car « céder n'est pas consentir », cf. N.-C. Mathieu, « Quand céder n'est pas consentir : des déterminants matériels et psychiques de la conscience dominée des femmes, et de quelques-unes de leurs interprétations en ethnologie », in L'arraisonnement des femmes : essais en anthropologie des sexes, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1985, p. 169-237.
  • [3]
    Ce point est révélateur de la défiance à l'encontre des femmes. S'il importait véritablement, la preuve de l'absence d'accord donné, voire du refus manifesté, suffirait à constituer les infractions. Ce n'est pas le cas.
  • [4]
    Carnot, Commentaire sur le Code pénal, tome deuxième, Bruxelles, 1835, p. 64.
  • [5]
    Car une résistance est attendue. Rappelons ici les écrits de Pierre-François Muyart de Vouglans qui sont cités tout au long du 19e siècle et dont on perçoit toujours l'écho : « ces sortes de crimes se commettent en secret et qu'ils sont tellement graves de leur nature qu'on ne peut les présumer, les juges doivent se tenir extrêmement en garde contre les accusations qui s'intentent en cette matière, en sorte qu'à la réserve des viols qui se commettent envers des filles impubères, où l'âge seul peut suffire pour en établir la preuve, lorsque ces accusations sont intentées par des personnes nubiles, elles ne doivent (…) être accueillies qu'autant qu'elles sont appuyées de la preuve des trois faits suivants : 1. qu'il y a eu une résistance constante et toujours égale de la part de la personne prétendue violée ; 2. qu'il y ait une inégalité évidente de ses forces comparées avec celle du prétendu violateur ; 3. qu'elle ait poussé des cris ; 4. enfin qu'il soit resté sur elle quelques traces de la violence qui lui aurait été faite. (…) » in, Les lois criminelles de France, dans leur ordre naturel, Paris, 1783, tome 1, p. 185 s.
  • [6]
    Crim., 25 juin 1857, Bull. crim. n° 240, p. 378. S. 1857. 1. 711. D. 1857. 1. 314.
  • [7]
    Le terme de « menace » sera ajouté en 1992 (nouveau Code pénal).
  • [8]
    « Si la constatation de l'un de ces procédés est indispensable, c'est parce qu'elle permet d'établir que l'acte sexuel s'est accompli contre ou en l'absence de consentement de la victime ». Valérie Malabat, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, article « Les Infractions sexuelles », 2002 (mise à jour 2013), n° 24.
  • [9]
    Crim., 8 juin 2010, n° 10-81.953.
  • [10]
    Voir A. Darsonville, « Réformer l'incrimination de viol ? », Dalloz, Entretien, 2017, n° 11, p. 640 ; J. Portier et F. Sobry, « L'importance d'être consentant : les enjeux d'une exigence de consentement sexuel explicite en droit pénal français », AJ pénal 2019. 431 ; Ch. Guéry, « On crée le crime en le nommant : pour une redéfinition du viol », Revue de science criminelle, 2020, p. 255 ; M. Couturier, « Pour que le consentement ne soit plus l'arle[#769]sienne de l'infraction de viol », tribune, Libération, 19 févr. 2021.
  • [11]
    Convention adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1979 et ratifiée par la France en 1984. Voir D. Roman (dir.), La Convention pour l'élimination des discriminations à l'égard des femmes, préface de Françoise Gaspard, Éditions A. Pedone, 2014, 370 p.
  • [12]
    Le texte initial est muet sur le sujet des violences sexuelles, mais le comité CEDEF, a ensuite émis trois recommandations relatives aux violences qui fixent les obligations des États en la matière : Recommandation n° 12, Violence contre les femmes, (huitième session, 1989), A/44/38 ; Recommandation n° 19, Violence à l'égard des femmes, (onzième session, 1992), A/47/38 ; Recommandation n° 35 sur la violence à l'égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation n° 19, (juill. 2017), CEDAW/C/GC/35.
  • [13]
    CEDAW/C/46/D/18/2008, décision rendue le 16 juillet 2010.
  • [14]
    Voir également S.V.P. c/ Bulgarie (CEDAW/C/53/D/31/2011, décision rendue le 24 novembre 2012) et R. P. B. c. Philippines (CEDAW/C/57/DR/34/2011, décision rendue le 21 février 2014).
  • [15]
    Selon l'art. 2. f de la Convention, les États s'engagent à « Prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l'égard des femmes ». Au titre de l'art. 5. a, les États s'engagent à « Modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l'homme et de la femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes ».
  • [16]
    Le terme d'auteur désigne ici la plaignante.
  • [17]
    Op. cit., p. 16.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Voir par exemple l'affaire CEDH, 4 déc. 2003, MC c. Bulgarie, n° 39272/98. Ch. F. Sudre, JCP 2004, ch. 1 107 ; J.-P. Marguénaud, « Quand la Cour de Strasbourg poursuit sa mutation en Cour européenne des droits de la Femme : la question du viol », RTD civ. 2004. 364 ; F. Massias, « chronique internationale des droits de l'homme », RSC 2004. 441 ; J. Conaghan, « Extending the reach of Human Rights to Encompass Victims of Rape: M.C. v. Bulgaria », Feminist Legal Studies 2005, 13, p. 145-157 ; C. Pitea, « Rape as a Human Rights Violation and a Criminal Offence: the European Court's Judgment in MC v Bulgaria », Journal of International Criminal Justice 2005, 3, p. 447-462. La Cour condamne donc l'État bulgare en raison de la double violation des articles 3 et 8 de la Convention. Ce faisant, la Cour définit le viol à la fois comme un traitement dégradant ou inhumain prenant la forme d'une atteinte à l'intégrité physique et psychique de la personne et comme une atteinte à son droit à l'autonomie, lesquelles relèvent de la vie privée. Par ailleurs, tout en mentionnant « les marges d'appréciation » des États, l'arrêt M. C. c. Bulgarie définit les critères à partir desquels il est possible d'évaluer la conformité, par rapport à la Convention, des lois relatives au viol et de leur application. Parmi les critères dégagés, la prééminence de la recherche des manifestations établissant l'absence de consentement, qui ne se réduisent pas, la Cour y insiste, à la preuve d'une résistance physique de la victime. Il ne semble pas que cet arrêt ait eu un écho en France. Ses enseignements sont pourtant transposables à la situation française qui, nous l'avons vu, échoue à prendre en compte l'absence de consentement de façon autonome.
  • [20]
    Conseil de l'Europe, Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, 2011.
  • [21]
    Le rapport explicatif de la Convention cite explicitement la jurisprudence de la CEDH. Voir Conseil de l'Europe, Rapport explicatif de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, 2011, p. 36, paragraphe 191.
  • [22]
    Ibid., paragraphe 192 du rapport.
  • [23]
    Ibid.
  • [24]
    Ibid., paragraphe 193 du rapport.
  • [25]
    Dans le cadre de la procédure de suivi de l'application de la convention, les États parties doivent remettre au GREVIO un rapport sur les actions mises en œuvre pour se conformer aux obligations contenues par la convention. La France a remis son premier rapport en avril 2018.
  • [26]
    Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, Rapport d'évaluation (de référence) sur les mesures d'ordre législatif et autres donnant effet aux dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul) France, GREVIO/Inf (2019)16, publié le 19 novembre 2019 (en ligne : https://rm.coe.int/grevio-inf-2019-16/168098c619).
  • [27]
    p. 61, paragraphe 191 du rapport d'évaluation.
  • [28]
    p. 61, paragraphe 191 du rapport d'évaluation.
  • [29]
    p. 61-62, paragraphe 192 du rapport d'évaluation.
  • [30]
    Voir Loi modifiant le Code criminel (agression sexuelle), L. C. 1992, C. 38.
    Le préambule de la loi indique : « Que le parlement du Canada est conscient du caractère unique en son genre de l'infraction d'agression sexuelle et de ses effets sur la population du Canada, notamment de la crainte qu'elle suscite. (…) Qu'il souhaite encourager la dénonciation des cas de violence ou d'exploitation sexuelles et faire en sorte que leur poursuite s'effectue dans un cadre juridique compatible avec les principes de justice fondamentale et équitable à la fois à l'égard des plaignantes et des accusés ». Voir C. Le Magueresse, « Viol et consentement en droit pénal français. Réflexions à partir du droit pénal canadien », in Les violences sexuelles, Archives de politique criminelle n° 34, Éditions Pédone, 2012, p. 223-240 ; « La prise en compte des violences sexuelles par le droit pénal canadien, une voie à suivre ? », in Audrey Darsonville et Julie Leonhard (dir.) La loi pénale et le sexe, Presses universitaires de Nancy, nov. 2015, p. 83-100 ; Les pièges du consentement, op. cit., chapitre 4.
  • [31]
    L'article 273.1 (1) du Code criminel canadien.
  • [32]
    Ce point a été affirmé par la Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, L.C. 2018, ch. 29 votée en 2018.
  • [33]
    Arrêt R. c. Park, [1995] 2 R.C.S. 836. Il revient à l'accusation de le démontrer « hors de tout doute raisonnable ».
  • [34]
    Le 23 mai 2018. La loi entrera en application le 1er juillet 2018. Cf. « La Suède vote une loi renforçant le rôle du consentement dans les rapports sexuels », Le Monde, 24 mai 2018.
  • [35]
    La pénétration n'est pas requise ; un acte sexuel d'une gravité comparable à une pénétration est pris en compte : « A person who by assault or other violence or by threat of a criminal act forces another person to have sexual intercourse or to undertake or endure another sexual act that, in view of the seriousness of the violation, is comparable to sexual intercourse, shall be sentenced for rape to imprisonment for at least two and at most six years ». Chapitre 6, section 1 (traduction non officielle).
  • [36]
    Pour une analyse de cette réforme, V. M. Burman, « Rethinking rape law in Sweden », in Mc Glynn C. et Munro V. E., Rethinking Rape Law. International and Comparative perspectives, Routledge, 2010, p. 196-208.
  • [37]
    L'Écosse a adopté le Sexual Offences Act en 2009, dans lequel le « consentement » est défini comme un « free agreement ». Cf. S. Brindley et M. Burman, « Meeting the challenge? Responding to rape in Scotland », in N. Westmarland et G. Gangoli, International approaches to rape, Universtiy of Bristol, The Policy Press, 2012, p. 147-168.
  • [38]
    Le texte crée en outre deux nouvelles infractions : le 'negligent rape' et le 'negligent sexual abuse', qui visent les situations où le mis en cause devrait savoir que l'autre ne choisit pas volontairement d'avoir des relations sexuelles.
  • [39]
    C. Anderson, « Swedish Law Now Recognizes Sex Without Consent as Rape », The New York Times, 23 mai 2018, https://www.nytimes.com/2018/05/23/world/europe/sweden-rape-consent-sex.html
  • [40]
    A.-F. Hivert, « Violences sexuelles : la Suède satisfaite des effets de sa loi sur le consentement », Le Monde, 3 juill. 2020 (en ligne : https://bit.ly/2WxpcBz).
  • [41]
    V. Ministère de la Justice et ministère de l'Égalité, « El Consejo de Ministros aprueba el Proyecto de Ley Organica de Garantia Integral de la Libertad Sexual », nota de prensa, 6 juill. 2021.
  • [42]
    « Affaire » suivie en 2019, de celle dite de « la Manresa », au cours de laquelle une adolescente de 14 ans, quasi inconsciente, fut violée collectivement. Les juges ont considéré que les viols n'étaient pas accompagnés de violence ou d'intimidation et les avaient dès lors qualifiés « d'abus » et non d'agression sexuelle.
  • [43]
    Les pénalités encourues sont moindres : 1 à 3 ans pour l'« abus sexuel » ; jusqu'à 12 ans pour le viol.
  • [44]
    Le tribunal suprême a, par la suite, réformé ce jugement et condamné les agresseurs pour viol (STS 344/2019, 4 de Julio de 2019).
  • [45]
    Huffpost, « El PP y vox rechazan en su totalidad la”Ley del solo sì es sì” por su”sesgo idéologico” », 17 sept. 2021.

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