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Article de revue

Le crime contre l'humanité, définition et contexte

Pages 45 à 64

Notes

  • [1]
    Voir TPIR, affaire no 96-4-T, Jean-Paul Akayesu, jugement, 2 septembre 1998 (infra : Akayesu), § 566 : « In 1874, George Curtis caiied slavery a "crime against humanity". Other such phrases as "crimes against mankind" and "crimes against the human family" appear far earlier in human history (see 12 N.Y.L. Sch. J. Hum. Rts 545 (1995) » Voir aussi Bassiouni C, Crimes Against Humanity in International Criminal Law, Dordrecht / Boston/London, Martinus Nijhoff Publishers, 1992, pp. 165-176.
  • [2]
    Préambule de la Convention de La Haye du 18 octobre 1907 (36 Stat. 2277, 1 Bevans 631 ; une formulation similaire figurait déjà dans le préambule de la Convention du 29 juillet 1899, 32 Stat. 1803, 1 Bevans 247).
  • [3]
    MAE A 394, 3, p. 97. Déclaration initialement rédigée par le ministre russe Sazonov. La première formule de « crime contre la chrétienté et la civilisation » avait été écartée pour ne pas heurter les Musulmans des colonies françaises. Elle devint même « crime de lèse humanité » dans une rédaction ultérieure.
  • [4]
    Le 4 octobre 1918, devant les destructions commises par les troupes allemandes en retraite, le gouvernement français, guidé par une idée originale, avait lancé un avertissement « selon lequel les violations systématiques du droit et de l'humanité et les actes contraires aux lois internationales et aux principes de la civilisation humaine entraîneraient la responsabilité civile, pécuniaire et pénale de leurs auteurs » (ACDI, 1983, Vol. III, 1re partie, p. 144, § 7 ; nous soulignons). Puis, la Commission des responsabilités des auteurs de la guerre et sanctions pour en concrétiser les principes, créée en 1919, présenta un rapport à la Conférence de paix de Paris reprenant les termes « lois de l'humanité » (pour la discussion sur le maintien de ces termes, cf. Procès verbaux de la Commission, Recueil des actes de la Conférence de la paix, Paris, Imprimerie nationale, 1922, p. 118).
  • [5]
    D'avril 1919 à juillet 1920, le tribunal militaire turc ne condamna que 34 accusés. Parmi eux, sur 15 condamnés à mort, seuls 3 furent exécutés ; pour les 19 autres, les peines de prison prononcées allèrent de 15 ans à moins d'un an. Les Britanniques s'assurèrent de la personne d'autres responsables des crimes, notamment des « major criminals » dont plusieurs anciens ministres. Mais, outre que leur nombre ne dépassa pas 118 personnes, des considérations politiques empêchèrent qu'aucun de ces détenus ne soit poursuivi.
  • [6]
    « Le sang dont rougissent les mains du bourreau est un sang impersonnel, le sang de la "Personne humaine" avant d'être celui d'un individu » (Aroneanu, ibid., p. 149). L'utilisation alternative de la majuscule « (P/p)ersonne » peut alors laisser supposer une dualité de sens, un préjudice à la fois individuel et collectif.
  • [7]
    ACDI, 1986, vol. Il, 2e partie, p. 46, § 83.
  • [8]
    « crimes against humanity also transcend the individual because when the individual is assaulted, humanity comes under attack and is negated. It is therefore the concept of humanity as victim which essentially characterises crimes against humanity » (TPIY, affaire no IT-96-22-T, Erdemovic, jugement, 29 novembre 1996, § 28, et TPIR, affaire no 97-23-S, Kamhanda, jugement, 4 septembre 1998, § 15).
  • [9]
    « Ce qui transforme de pareils actes en crimes contre l'humanité, c'est le fait qu'ils sont dirigés contre l'essence même du genre humain, en tant qu'il est formé de races, de nationalités et de religions différentes, et qu'il présente une multiplicité de conceptions philosophiques, sociales et politiques » (Pella V. in Descheemaeker, Le Tribunal militaire international des grands criminels de guerre, Paris, Pedone, 1947, préface, p. VIII ; nous soulignons). Lemkin R., Axis Rule in Occupied Europe, Washington, Columbia University Press, 1944, p. 91 : « The destruction of a nation, therefore, results in the loss of its future contributions to the world » et la résolution du 11 décembre 1946 de l'Assemblée générale préparant la Convention sur le génocide, A/Res/96 (I) : le génocide « inflige de grandes pertes à l'humanité, qui se trouve ainsi privée des apports culturels ou autres de ces groupes ».
  • [10]
    « Le caractère spécifique de cette atteinte fait que se trouve toujours lésée, en même temps que cet individu et à travers cet individu, l'humanité entière » (Meyrowitz..., p. 345). Le crime contre l'humanité prend « le triple sens de la cruauté envers l'existence, de l'avilissement de la dignité humaine et de la destruction de la culture humaine » (Meyrowitz..., p. 344 ; Wagner J. Martin, « U. S. Prosecution of Past and Future War Criminals and Criminals against Humanity : Proposals for Reform Based on the Canadian and Australian Experience », Virginia Journal of International Law, 1989, vol. 29, p. 888 : « crimes against humanity (...) affect not only those against whom they are directed but all of humanity ».
  • [11]
    ACDI, 1986, vol. II, 1 er partie, p. 56, § 13.
  • [12]
    C'est d'ailleurs ainsi que le ressentent les victimes, comme le traduit si bien Robert Antelme, déporté à Buchenwald, en essayant de montrer à quel point leur souffrance est différente de ce que peuvent connaître les autres hommes : « (L)es héros que nous connaissons, de l'histoire ou des littératures, qu'ils aient crié l'amour, la solitude, l'angoisse de l'être ou du non-être, la vengeance, qu'ils se soient dressés contre l'injustice, l'humiliation, nous ne croyons pas qu'ils aient jamais été amenés à exprimer, comme seule et dernière revendication, un sentiment ultime d'appartenance à l'espèce » (L'espèce humaine, Paris, Gallimard, coll. Tel, 1995, p. 11).
  • [13]
    « Ignoré par les lois de la paix comme par celles de la guerre, le crime contre l'humanité, jusqu'au statut de Londres du 8 août 1945 qui lui donnera officiellement naissance, voyagea sous le manteau du crime de guerre » (Graven J., « Les crimes contre l'humanité », RCADI, 1950, p. 547).
  • [14]
    « We are in the presence of a crime without a name » (Churchill, discours radiophonique, août 1941, cf. Lemkin R., Le crime de génocide, RDISDP, vol. 24, 1946, p. 213).
  • [15]
    Meyrowitz..., p. 344.
  • [16]
    Jackson attribuait l'origine de la formule à un « éminent professeur de droit international » dont il semble aujourd'hui acquis qu'il s'agissait du professeur Hersch Lauterpacht. Avant cette première instrumentalisation, le représentant des États-Unis au comité juridique de la Commission des Nations unies pour les crimes de guerre/Commission des crimes de guerre des Nations unies avait déjà proposé, dès mars 1944, que les « crimes perpétrés contre des personnes apatrides ou contre toutes autres personnes en raison de leur race ou de leur religion » soient déclarés « crimes contre l'humanité » (cf. History of the UN War Crimes Commission, p. 175).
  • [17]
    Cf. Akayesu (§ 589) : « the accused (...) having known that such bodily harm is likely to cause the victim's death, and is reckless whether death ensures or not » (voir l'analyse en ce sens de la jurisprudence relative à la Seconde Guerre mondiale in Cherif. Bassiouni, Crimes Against Humanity in International Criminal Law, Dordrecht / Boston / London, Martinus Nijhoff Publishers, 1992 (infra : Bassiouni), p. 291).
  • [18]
    Voir a contrario l'affaire Kmojelac, jugement, § 329, où l'acquittement de ce chef ne découle que du fait que le lien entre l'action de l'accusé et le suicide n'est pas suffisamment établi.
  • [19]
    Kayishema, § 144.
  • [20]
    Ainsi, in Kayishema, le jugement du 21 mai 1999 n'a pas retenu la culpabilité des accusés de ce chef d'extermination car les faits en question tombaient déjà sous celui de génocide. Bien que reconnaissant l'extermination constituée, les juges ont décidé « que les infractions imputées aux accusés respectivement sous l'empire des articles 3 a) et b) du statut (crimes contre l'humanité - assassinat - et crimes contre l'humanité - extermination) étaient en l'espèce entièrement englobées dans les chefs d'accusation imputés au titre de l'article 2 du statut (génocide) (...)». Tel n'est pas toujours le cas : outre l'« opinion individuelle et dissidente du juge Khan », § 57-58, dans cette affaire précitée, dans d'autres affaires, les poursuites pour extermination et pour génocide se cumulent sans s'exclure (jugements Akayesu, Kambanda, Serushago, Musema).
  • [21]
    Kayishema, § 630.
  • [22]
    Kayishema, § 146.
  • [23]
    Cf. Akayesu : extermination établie (chef no 3) par l'ordre de tuer une quinzaine d'individus. L'élément de masse évoqué § 591 n'apporte pas plus de précision mais, établie à partir de quelques victimes (huit réfugiés, cinq enseignants), l'extermination semble impliquer une volonté de tuerie massive. Dans les affaires Kayishema (% 145) et Bagilishema (jugement, 7 juin 2001, p. 37, § 88), le tribunal précise : « l'expression "à grande échelle" qui a été utilisée n'emporte pas détermination d'un seuil numérique défini, son contenu devant s'apprécier au cas par cas, sur la base du sens commun ».
  • [24]
    Kayishema, § 147 : « pour que la mise à mort d'une personne isolée relève de l'extermination, il faut qu'elle s'inscrive effectivement dans ce cadre. On considère qu'on est en présence d'un tel cas dès lors que s'observe entre les tueries une proximité spatiale et temporelle avérée ».
  • [25]
    Cf. Éléments des crimes 7-1 b, note 10.
  • [26]
    Voir TPIY, affaire Kunarac, Kovac et Vukovic, jugement, 22 février 2001, § 543.
  • [27]
    « La traite des esclaves comprend tout acte de capture, d'acquisition ou de cession d'un individu en vue de le réduire en esclavage ; tout acte d'acquisition d'un esclave en vue de le vendre ou de l'échanger ; tout acte de cession par vente ou échange d'un esclave acquis en vue d'être vendu ou échangé, ainsi que, en général, tout acte de commerce ou de transport d'esclaves » article 1 er-2 de la Convention de 1926.
  • [28]
    C'est d'ailleurs l'exigence du TPIY qui précise que l'emprisonnement doit être entendu comme « arbitraire » in Kordic et Cerkez, jugement, 26 février 2001 (offrant une définition rapide de l'emprisonnement, pp. 85-87), § 302.
  • [29]
    TPIY, Kunarac, jugement, § 457.
  • [30]
    TPIY, Kordic et Cerkez, jugement, § 203-207.
  • [31]
    TPIY, Krstic, jugement, § 533.
  • [32]
    Entscheidungen des Obersten Gerichtshofes für die Britische Zone in Strafsachen (décisions de la Cour suprême de la zone britannique), Berlin, 1949 (infra : O.G.H.), T. I, p. 13.
  • [33]
    Tadic, jugement, p. 280, § 704.
  • [34]
    Voir Procès des grands criminels devant le tribunal militaire international de Nuremberg (14 novembre 1945 -1 er; octobre 1946), Nuremberg, 1947 (infra : TMI), T. I, pp. 247-249 : Dans le même sens, Tadic, jugement, p. 280, § 704.
  • [35]
    Voir Kupreskic, jugement, § 631 et Blaskic, jugement, §233.
  • [36]
    Extrait d'un des premiers arrêts de la Cour suprême de la zone britannique, O.G.H., T. I, p. 13.
  • [37]
    TPIY, Tadic, jugement, p. 284, § 710.
  • [38]
    Cf. TPIY, Tadic, jugement, p. 277, § 699 ; Attorney-General of the government of Israël vs. Adolf Eichmann, District Court of Jerusalem, 12 décembre 1961, ILR, 1968, vol. 36 (infra : Eichmann), p. 239.
  • [39]
    TPIY, Tadic, jugement, p. 275, § 697.
  • [40]
    Alain Pellet parle de l'occasion de « criminaliser au plan international des infractions incertaines - disparitions forcées - » in « Pour la Cour internationale, quand même ! Quelques remarques sur sa compétence et sa saisine », L'Observateur des Nations unies, no 5, 1998, p. 149.
  • [41]
    Respectivement § 2 et § 3 pour chaque crime défini dans les Éléments.
  • [42]
    TPIY, Kunarac et consorts « Focca », arrêt 12 juin 2002, §86.
  • [43]
    « The killing of millions (...) could not have been done without "disciplined, organised, systematic manpower to do it" » (Accusation devant le TMI, cf. History of the United Nations War Crimes Commission and the Development of the Laws of War, Londres, H. M. Stationery Office, 1948 (infra : History of the UN War Crimes Commission), p. 310).
  • [44]
    Rapport du juge Jackson au président Truman du 7 juin 1945 (cf. Eugène Aroneanu, Le crime contre l'humanité, Paris, Dalloz, 1961, p. 299).
  • [45]
    Conclusions Dontenwille in affaire Klaus Barbie, Cass. crim., 20 déc. 1985, Sirey-Dalloz, 1986, p. 501.
  • [46]
    Quatre organisations (S.s., Gestapo, S.d., Corps des chefs du parti nazi) condamnées par le TMI.
  • [47]
    Cf. art. 9 statut de Nuremberg qui donne compétence au Tribunal pour déclarer criminelle une organisation et art. 10 précisant que « les autorités compétentes de chaque signataire auront le droit de traduire tout individu devant les tribunaux (...) en raison de son affiliation à ce groupement (...) » et que « le caractère criminel du groupement ou de l'organisation ne pourra plus être contesté ». Cette responsabilité pour appartenance a donné lieu à des condamnations par les juridictions d'occupation en Allemagne (ie. Affaire Einsatzgruppen).
  • [48]
    Tadic, jugement, § 653.
  • [49]
    Blaskic, jugement, § 467.
  • [50]
    « À défaut d'aveux de la part d'un accusé, son intention peut se déduire d'un certain nombre de faits » (Akayesu, § 523 ; dans le même sens, affaires Kayishema, § 93 ; Rutaganda, jugement, 6 décembre 1999, § 63 et Musema, jugement, 27 janvier 2000, § 166).
  • [51]
    Cf. entre autres, Tadic, jugement, § 653 ; Jelisic, jugement, § 53... et Blaskic, jugement, § 204.
  • [52]
    Akayesu, § 580 et Kayishema, § 123.
  • [53]
    TPIY, affaire Karadzic et Mladic, décision du 11 juillet 1996, § 41.
  • [54]
    « carried out on a vast scale », TMI, T. I, p. 84.
  • [55]
    Cf. TPIY, Bulletin, « Le viol et les violences sexuelles en procès pour la première fois depuis Tokyo », 10 mars 1997, p. 13.
  • [56]
    Blaskic, jugement, § 203.
  • [57]
    TPIR, Kayishema, § 126. Dans le même sens, Akayesu, § 579 :« The Chamber considers that it is a prerequisite that the act must be committed as part of a wide spread or systematic attack and not just a random act of violence » ; cf. History of the UN War Crimes Commission, pp. 194-195 ; affaire Menten, 1981, Cour suprême des Pays-Bas, ILR, 1987, vol. 75, p. 362 ; Tadic, jugement, p. 252, § 653 ; affaire Kupreskic, jugement, 14 janvier 2000, § 544 : « the core elements of crimes against humanity : (..) that the acts were part of a widespread or systematic occurrence of crimes directed against a civilian population ».
  • [58]
    Précision récurrente des Éléments des crimes pour chaque type de crime contre l'humanité.
  • [59]
    Cf. Eichmann, p. 14, où le Tribunal de District énonce la responsabilité d'Eichmann dans l'extermination de toutes les victimes entre 1941 et 1945 au motif de sa participation en connaissance du plan.
  • [60]
    P. ex., juridictions d'occupation en Allemagne : Cour suprême de la zone britannique, 9 nov. 1948, S. StS 78/48, in Justiz und NS-Verbrechen, vol. Il, p. 499 ; décision américaine, affaire Justice, Law Reports, vol. VI, pp. 84 et 87.
  • [61]
    Affaire Finta, Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada, 1994, T. 1, p. 819.
  • [62]
    Kayishema, § 133 ; voir également § 134.
  • [63]
    Tadic, arrêt, 15 juillet 1999, § 248. Voir encore Blaskic, jugement, 3 mars 2000, § 254 ; Tadic, jugement, § 656.
  • [64]
    Tadic, arrêt, 15 juillet 1999, § 248.
  • [65]
    Cf Akayesu, § 539.
  • [66]
    Voir O.G.H., T. I, p. 22 (dénonciation de Juifs aux autorités nazies). Voir également affaire Burn Tesch et deux autres « Zyklon B », Law Reports, vol. I, p. 101 : la qualification a découlé du fait que « les accusés aient su que le gaz serait utilisé pour éliminer des êtres humains ». Ces fournisseurs de gaz Zyklon B furent condamnés au motif de leur connaissance de la destination criminelle du produit fourni sans qu'il ne soit jamais soutenu qu'ils avaient l'intention d'aider à tuer les détenus. Leur objectif reconnu était de mener une opération commerciale lucrative, poursuivant un but légal, le profit, par un moyen légal, la vente de pesticide. Mais on leur reprocha leur conscience du but poursuivi par la politique criminelle et de leur participation à ce plan d'extermination des Juifs.
  • [67]
    « Il était impossible (...) d'avoir exercé un contrôle, été employé, été présent ou avoir résidé dans ledit camp de concentration de Mauthausen, sans avoir acquis une connaissance précise des pratiques et activités criminelles qui s'y déroulaient » (affaire Mauthausen, Law Reports, Vol. XI, p. 15).
  • [68]
    Blaskic, jugement, 3 mars 2000, § 259.
  • [69]
    Tadic, jugement, § 659. Nous soulignons. Voir ibid., § 677 qui évoque la « connaissance implicite, prouvée ou déduite ».
  • [70]
    TPIR, Kayishema, § 94.
  • [71]
    Aroneanu..., p. 241.

1Après les crimes commis contre les Arméniens en 1915, les catégories juridiques, et même les mots, manquèrent pour désigner les situations criminelles.

2On vit alors apparaître des néologismes intéressants, des formes archaïques de crime contre l'humanité. En des termes non techniques mais qui avaient pour vocation de dénoncer le caractère odieux de certains actes, furent dénommés les « ancêtres » du crime contre l'humanité [1]. Notamment, la célèbre clause de Martens invoqua les « lois de l'humanité » [2] et la déclaration de mai 1915 des gouvernements de France, de Grande-Bretagne et de Russie dénonça les massacres des Arméniens comme « crimes contre l'humanité et la civilisation » [3]. Cette clause de Martens influença d'ailleurs les travaux répressifs postérieurs à la Première Guerre mondiale [4]. Était dès lors reconnue la nécessité de protéger un nouveau type d'intérêt, des principes intangibles de la civilisation humaine préparant la communauté internationale à la notion efficace de crime contre l'humanité.

3Mais si ces termes traduisent le désaveu international, ils n'ont pas de conséquences répressives réelles : pas de juridiction internationale, pas d'inscription dans un texte international pénal ni dans un code national. En Turquie, quelques coupables avaient été désignés pour éviter que la responsabilité du génocide des Arméniens ne retombe sur la nation entière. Et, après les rares procès de quelques extrémistes [5], une amnistie générale a été prononcée par le traité de Lausanne du 14 juillet 1923.

4Alors qu'on découvre les crimes nazis, sans rapport avec la menée de la guerre et présentant un tel caractère d'inhumanité, la communauté internationale appelle à la répression. De nombreuses interventions alliées laissaient entendre que des crimes spécifiques étaient commis et qu'ils seraient punis comme tels (déclaration de Saint-James, signée le 13 janvier 1942 par de nombreux gouvernements alliés ; déclaration alliée relative à l'extermination des Juifs communiquée simultanément à Washington et à Londres le 17 décembre 1942 : engagement commun de s'assurer de la répression effective des responsables de la politique d'extermination des Juifs).

5Ce mouvement répressif, au-delà d'un apport fantastique qui consiste en la naissance véritable du droit international pénal, notamment grâce à l'apparition d'une juridiction internationale (Nuremberg), fait surgir une nouvelle incrimination, le crime contre l'humanité.

6Pour définir ce crime, une analyse téléologique préalable est nécessaire afin de déterminer ce que recouvre cette notion d'« humanité » que l'on veut alors protéger. Cette « humanité » est la commune mesure de tous les crimes contre l'humanité, cette nature inhumaine, ce sens de l'« humanité » à laquelle le crime contre l'« humanité » porte par définition atteinte.

7Apparu en droit international au XIXe siècle, « le mot "humanité" avait seulement pour but de prononcer une condamnation morale. En 1945, un sens bien plus technique qui laisse tout de même perdurer une certaine ambivalence, une éventuelle dualité de sens.

8Certaines approches voient ainsi, dans le crime contre l'humanité, une négation de l'humanité de la victime, de sa dignité d'être humain (cf. les procès en zone occupée ou la formule d'Aroneanu : « crime contre la personne humaine » [6]), une « cruauté envers l'existence » [7] qui viendraient rompre le lien entre l'individu et le genre humain. Cette analyse faisant du crime contre l'humanité un mécanisme de protection de l'individu est d'ailleurs celle qui sous-tend les tentatives récentes d'extension de la notion aux violations massives des droits de l'homme. Une autre interprétation s'attache au sens collectif du terme « humanité » en considérant que, si le crime contre l'humanité passe nécessairement par l'atteinte à un individu, sa prohibition a plus pour vocation de protéger le genre humain, la collectivité entière (« crime contre le genre humain » dit la commission sur les crimes de guerre ; de Menthon, procureur général français au TMI, parla de « crime contre la condition humaine » ; Jackson dit à Nuremberg que « la véritable plaignante à votre barre, c'est la civilisation » et les TPI - Tribunal pénal international - confirment [8]), en ses valeurs (cf. travaux de la CDI), son apparence, son unicité ou son intégrité [9]. Ces approches peuvent toutefois ne pas être exclusives [10]. La CDI souligne ce lien qui existerait même, dans le crime contre l'humanité, entre l'atteinte à l'homme dans son existence et sa dignité et celle à l'humanité dans sa pluralité et ses valeurs, « un lien naturel entre le genre humain et l'individu : l'un est l'expression de l'autre » [11].

9La spécificité de la notion réside alors dans ce préjudice unique qu'elle recouvre, une négation de l'appartenance ultime à l'humanité [12]. L'incrimination du crime contre l'humanité a donc pour objet de protéger cette unité indivisible de l'espèce humaine.

10Cette introduction téléologique a pour but de démontrer que, à travers toutes les définitions (nationales ou internationales, d'une juridiction à l'autre), l'incrimination cherche à protéger cette humanité qui, de vocable non technique, a pris un sens juridique rigoureusement précis.

11Avant la création d'une nouvelle incrimination, englobant notamment la persécution des Juifs allemands, ces actes étaient (partiellement) recouverts par la notion de crimes de guerre [13]. Le chef de crime de guerre était pourtant incapable d'assurer cette répression, soit que les crimes ne rentraient pas réellement dans le champ de sa définition (crimes contre les citoyens allemands), soit qu'il était inapte à traduire leur spécificité. L'innommable [14] dut alors être nommé pour procéder à la répression spécifique annoncée. Si les diverses références à l'« humanité » dans la doctrine ou des instruments antérieurs à la Seconde Guerre mondiale ont facilité la révolution juridique de Nuremberg, « l'appellation de crime contre l'humanité a eu quelque chose d'accidentel » [15]. La formule ne semble dater que des tous derniers travaux de la conférence de Londres (réunie du 26 juin au 2 août 1945) où, sur une proposition de Jackson, la catégorie des « atrocités et persécutions pour des motifs raciaux ou religieux » prend, dans le projet du 31 juillet 1945, le nom de « crimes contre l'humanité » [16].

12La définition est posée par le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg :

136-c) Les crimes contre l'humanité, c'est-à-dire l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux, ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du tribunal, ou en liaison avec ce crime.

14Précisée par le jugement, elle est très rapidement modifiée par la loi no 10 du conseil de contrôle et par les juridictions d'occupation en Allemagne. Par la suite, s'y ajoutent les lois nationales et les jugements nationaux, et, très récemment, les définitions, d'ailleurs divergentes du TPIY et du TPIR, puis de la Cour pénale internationale.

15Il est possible que cette humanité, que le droit international pénal naissant a voulu protéger en 1945, soit différente de celle qu'il protège aujourd'hui Certains instruments limitent la notion et d'autres, au contraire, se voulant progressistes, parfois au détriment d'une spécificité originelle, en étendent le champ. Mais si ces définitions multiples n'apportent pas nécessairement les mêmes réponses, elles posent toutes les mêmes questions : quels sont les actes constitutifs de crimes contre l'humanité, qui en sont les victimes, quel est le cadre de ce crime et qui en sont les responsables ? Les réponses à chacune de ces quatre questions définissent précisément les éléments constitutifs du crime contre l'humanité.

16Il ressort ainsi une convergence sur certains des éléments constitutifs de la notion, une esquisse de définition commune : le crime contre l'humanité recouvre un acte inhumain au service d'un plan criminel visant à attaquer de façon massive ou systématique une population civile.

17 L'étude synthétique de ce crime et de chacun de ses éléments se fondera toutefois sur la définition la plus récente, celle du statut de la CPI, tout en y rapportant les spécificités ou enseignements particuliers des autres instruments.

I. L'acte criminel contre l'humanité

18L'article 7 du statut de la CPI (Cour pénale internationale) apporte le recensement le plus moderne de ces « catalogues » d'actes criminels offerts par les définitions. L'étude suivra alors l'ordre des onze chefs d'accusation que ce statut prévoit.

a) Meurtre

19Il s'agit de la manifestation la plus évidente d'une politique criminelle contre l'humanité. Les définitions ont connu quelques hésitations statutaires, entre les chefs de meurtre ou d'assassinat. Mais après avoir invoqué quelque erreur de traduction, la jurisprudence a unanimement conclu à l'incrimination plus aisée, allant même, par une vision nettement progressiste, jusqu'à permettre la répression de ce chef dès lorsque la mort des victimes, même non intentionnelle, est simplement prévisible [17].

20 La jurisprudence condamne ainsi actes de torture, passages à tabac ou autres atteintes à l'intégrité physique ayant conduit à la mort de la victime, ou encore exercices de pressions tels que la victime est conduite au suicide. Même si l'intention directe de l'accusé n'était pas de causer la mort, le chef de meurtre peut être constitué par la mort prévisible causée par un traitement tel que l'accusé ne peut que raisonnablement prévoir qu'il est susceptible d'entraîner la mort [18]. Toutefois, toutes les formes d'homicides involontaires n'y sont alors pas incluses.

b) Extermination

21« L'auteur participe à une tuerie généralisée de personnes ou à leur soumission à des conditions d'existence devant entraîner leur mort à grande échelle ; dans l'intention de donner la mort, ou en faisant preuve d'une insouciance grave, peu lui importe que la mort résulte ou non d'un tel acte ou d'une telle omission ou de tels actes ou omissions ; en étant conscient du fait que ledit acte ou ladite omission ou lesdits actes ou omissions s'inscrivent dans le cadre d'une tuerie à grande échelle » [19].

22L'extermination ajoute une dimension quantitative au meurtre ; elle est donc une infraction distincte, qui en reprend les éléments constitutifs, mais avec une charge de preuve plus importante.

23Alors que le meurtre vise des individus, l'extermination vise une partie d'une population. Cette massivité peut d'ailleurs exclure tout contact direct entre l'accusé et la victime. Le modus operandi s'en trouve affecté, et « imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d'accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population ».

24L'extermination se rapproche ainsi du génocide [20] ; le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) ira jusqu'à dire : « Les termes extermination et destruction sont interchangeables dans le cas de ces deux crimes » [21]21. L'extermination est presque spécifiquement le moyen d'un génocide (sans l'être systématiquement).

25Par exemple, « participent de tels actes, par exemple, le fait d'emprisonner un grand nombre de personnes et de leur refuser l'accès aux choses essentielles à la vie, entraînant ainsi des décès en série parmi elles ; ou le fait d'introduire un virus mortel dans une population et de l'empêcher d'accéder aux services sanitaires requis, entraînant ainsi en son sein des décès en série » [22]. On pense ici à l'empoisonnement des puits pratiqué contre les Herreros (actuelle Namibie), à la vie dans les ghettos en Pologne, à l'empoisonnement du bétail, à l'organisation de la famine par le blocage de l'aide alimentaire (Soudan)...

26La jurisprudence s'avère peu fréquente sur ce chef, notamment à raison de la nécessaire preuve supplémentaire ou, lorsque celle-ci est établie, de l'éventuelle confusion avec le crime de génocide. Deux éléments ressortent toutefois : la quantité de victimes et une forme de planification propre à ce crime en sus de l'exigence générale d'une attaque contre la population civile pour tout crime contre l'humanité.

27Au juge d'apprécier pour chaque espèce si la quantité nécessaire de victimes est atteinte [23].

28L'auteur peut alors être coupable même s'il ne tue qu'une personne, dès lors que ses actes s'inscrivent dans le cadre d'une telle tuerie [24]. La possibilité est d'autant plus pertinente si le meurtre en question est un acte initial déclenchant ou donnant un signal, le prélude à un massacre [25].

c) Réduction en esclavage

29L'esclavage est pratiqué dans toutes les politiques criminelles contre l'humanité et, par suite, inclus dans tous les textes répressifs. Il s'y définit comme « le fait d'exercer sur une personne l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété » (servitude pour dettes, exploitation sexuelle ou économique, voire enfants soldats...), une privation de liberté réalisée par l'exercice d'un pouvoir de l'un des attributs du droit de propriété.

30Le travail forcé (p. ex. pratiqué dans tous les pays occupés au cours de la Seconde Guerre mondiale) n'est alors pas indispensable ; celui-ci n'est que l'un des moyens d'identification de l'esclavage parmi d'autres : le contrôle des mouvements d'autrui, la limitation de la liberté de choix ou de circulation, le contrôle de l'environnement physique, le contrôle psychologique, les mesures empêchant et prévenant la fuite, le recours à la force, la menace ou la contrainte, des traitements cruels, le contrôle de la sexualité ou l'utilisation sexuelle... [26].

31Le chef de réduction en esclavage n'exige pas d'autre mauvais traitement que celui impliqué par la situation ; le traitement humain ne retire pas sa nature d'esclave à celui qui est ainsi privé de liberté.

32Est également concernée la traite qui consiste à exercer le commerce (se procurer, acheter, vendre, prêter...) de ceux réduits en esclavage [27]. Si la traite est juridiquement très distincte de l'esclavage (pour illustration, aux États-Unis, alors que la traite était prohibée depuis 1808, l'esclavage est demeuré légal jusqu'en 1865), les deux pratiques sont légitimement unies par le statut sous le chef « réduction en esclavage ».

d) Déportation ou transfert forcé de population

33La déportation est une pratique fréquente des politiques criminelles contre l'humanité, notamment aux fins de « purification » du territoire. Appelée parfois « expulsion », l'incrimination de ce chef est peu pratiquée.

34La CPI la définit comme « le fait de déplacer des personnes, en les expulsant ou par d'autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement sans motif admis en droit international ». Quatre points méritent d'être soulignés dans cette définition : la notion de contrainte, les motifs admis, les types de déplacements prohibés et la notion de présence légale.

35Concernant la contrainte, il n'est pas nécessaire qu'elle soit physique. Toute coercition peut suffire à caractériser le crime : toute menace, pression, abus de pouvoir et même la création d'un climat coercitif. Il est vraisemblable que la fuite des habitants, devant le danger que représentent les criminels, dans certaines régions de la République démocratique du Congo (RDC) ou au Soudan, notamment au Darfour, équivaut à un transfert forcé en ce sens.

36La notion de motif admis en droit international, quoique peu réellement définie par un droit international imprécis, renvoie à des situations de transferts licites : la suppression d'un barrage pour des raisons économiques ou de développement, imposant le déplacement d'un groupe ethnique, pour des raisons de santé publique, de sécurité, des cas licites subséquents à des traités ou à des nécessités internes... Cette précision permet donc de préserver les transferts de population organisés à l'intérieur d'un État pour des raisons justifiées, ou entre États à l'occasion d'un traité modifiant l'étendue des souverainetés ou déplaçant des frontières.

37Enfin, il s'agit évidemment de condamner la déportation des personnes de l'endroit où elles se trouvent légalement présentes et non, par exemple, la politique nationale éventuellement appliquée vis-à-vis de personnes résidant illégalement sur un territoire et soumise à la loi du pays de résidence. Toutefois, cette légalité s'appréciera principalement au regard de critères internationaux afin d'éviter qu'une législation nationale criminelle ne réduise à néant l'incrimination en rendant illégale la présence de la population visée. Le criminel est donc parfaitement conscient de la légalité de la présence des victimes sur le lieu d'où il désire les transférer.

e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté

38Ceux qu'on appelle souvent les « déportés » ont en réalité vécu une forme particulièrement grave de privation de liberté au-delà de leur déportation. L'incrimination compte deux critères, somme toute, très subjectifs : la gravité de la privation de liberté et la violation de dispositions du droit international.

39Toutes les formes de privation de liberté, jusqu'à, par exemple, la consignation à domicile, pourront être qualifiées de crime contre l'humanité.

40Quant à la violation de règles fondamentales du droit international, c'est une condamnation du caractère arbitraire [28], au sens large, de la privation de liberté, c'est-à-dire en violation des formes légales : le non-respect des garanties procédurales ou judiciaires (l'absence d'information sur la motivation de la privation de liberté, l'impossibilité d'accès à un juge indépendant, l'ignorance de la durée de la privation de liberté, l'inexistence de recours possible contre la mesure en question...) ou encore si la privation de liberté fait suite à l'exercice d'un droit ou d'une liberté (p. ex liberté d'expression).

f) Torture

41La torture consiste en l'infliction intentionnelle d'une douleur ou de souffrances aiguës, physiques ou mentales. Aux juges d'apprécier, cas par cas, quels actes en relèvent.

42La souffrance ne saurait découler d'une sanction légale. Toutefois, cette légalité sera, encore une fois, nécessairement appréciée au regard des critères admis par le droit international.

43Dans le droit récent (CPI, note 14 des Éléments des crimes (ci-après « les Éléments »), « aucune intention spécifique n'a besoin d'être établie pour ce crime » au-delà, évidemment, de celle de commettre l'acte reproché. S'émancipent des motifs de la torture énoncés à l'article 1er de la Convention contre la torture du 10 décembre 1984 : quête d'informations, punition, pression ou discrimination.

g) Viol et violences sexuelles

44Après les silences ou les pudeurs mal placées des premiers textes définissant le crime contre l'humanité, on incrimine enfin explicitement les violences sexuelles et on tente d'élargir le chef au-delà du seul viol.

45Le viol est constitué d'un acte de pénétration et d'une contrainte. Le violeur est celui qui prend possession du corps de sa victime, par la pénétration (même légère, nous dit la jurisprudence du TPIY - Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie) d'une partie de son corps (notamment anus, vagin, bouche mais sans s'y limiter), et ce de façon même superficielle. Le viol n'est pas seulement actif ; il peut être passif, impliquant la pénétration d'une partie du corps du criminel. Cette définition permet donc que tant les victimes que les violeurs puissent être indistinctement des hommes ou des femmes. Enfin, si l'outil de la pénétration de quelque partie du corps peut être un organe sexuel, le viol est aussi établi par la pénétration de l'anus ou du vagin par tout objet ou par toute partie du corps.

46La pénétration susmentionnée doit évidemment être commise sous la contrainte. Cette contrainte peut s'exercer directement contre la victime ou indirectement contre elle en étant dirigée contre des tiers. Elle est établie par la menace de la force, de violences, la détention, les pressions psychologiques, la situation d'autorité du criminel, ou plus largement par l'existence plus facile à établir d'un « environnement coercitif » amenant les victimes à céder aux actes criminels. La contrainte se définit comme une violation grave « de l'autonomie sexuelle. Cette dernière est violée chaque fois que la victime se voit imposer un acte auquel elle n'a pas librement consenti ou auquel elle ne participe pas volontairement » [29].

47Les autres chefs de violences sexuelles sont :

48L'esclavage sexuel concerne la traite d'êtres humains, notamment de femmes et d'enfants. À l'exercice du droit de propriété s'ajoute une contrainte exercée sur la victime pour la forcer à accomplir des actes de nature sexuelle.

49La prostitution forcée

50La grossesse forcée. Dans le droit récent, on entend, par ce crime, « la détention illégale d'une femme mise enceinte de force, dans l'intention de modifier la composition ethnique d'une population ou de commettre d'autres violations graves du droit international ».

51Le seul fait de mettre enceinte une femme de force ne saurait être poursuivi de ce chef. On n'incrimine pas non plus les lois nationales natalistes, sexistes ou prohibant l'avortement, sans être criminelles.

52La stérilisation forcée consiste à priver une personne de sa capacité biologique de procréation. Ni le choix, ni l'interdiction légale : est incriminée la perte biologique, physiologique, de la capacité à se reproduire, à l'instar de celle découlant des expériences médicales nazies ou des campagnes de stérilisation médicalisées mais imposées (eg les politiques nazies eugénistes, à l'instar de celle menée à Ravensbrück, opérations de stérilisation et mise à mort des bébés après leur naissance).

53 La mention finale de l'article 7-1g « toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable » joue, pour les violences sexuelles, le même rôle que la formule « autres actes inhumains » pour la définition du crime contre l'humanité : tout acte de même nature et de même gravité. Cette anticipation normative sur l'imagination criminelle incrimine toute atteinte aux organes sexuels (ie mutilation, humiliation...) ou commission contrainte d'acte de nature sexuelle sur une victime ou sur des victimes entre elles. La jurisprudence du TPIY contient bien des exemples de ces cas de violences sexuelles imposées entre eux aux membres d'une même famille.

h) Persécution

54Il s'agit d'un élément clé du crime contre l'humanité : toute politique criminelle contre l'humanité commence par persécuter !

55L'acte de persécution est communément entendu comme une mesure oppressive systématique (souffrances physiques, mentales, privations des droits fondamentaux, voire atteintes aux biens...) découlant d'une politique discriminatoire menée contre un groupe ou contre les membres de ce groupe. Par l'ampleur et la nature de ces mesures, les victimes sont déshumanisées et désocialisées.

56L'article 7-2g du statut de la CPI définit matériellement la persécution comme « le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international ».

57Le crime recouvre d'abord et évidemment tous les actes inhumains (double incrimination), ensuite d'autres actes prohibés en droit international (bombardements, prise d'otages, boucliers humains, destructions arbitraires, dégradations d'édifices consacrés à la religion ou à l'éducation [30], crise humanitaire, incendies de maisons [31]...) mais également et surtout d'autres actes qui deviennent inhumains dans ce cadre de persécution à l'instar des atteintes aux biens (p. ex. les persécutions économiques...). Cette dernière catégorie représente d'ailleurs l'un des intérêts fondamentaux du chef de « persécutions » : permettre la répression d'actes, quelles que soient leur nature ou leur gravité apparente, dès lors qu'ils servent la politique discriminatoire.

58Il ne s'agit pas d'atteintes aux droits les plus fondamentaux des victimes mais d'autant de moyens de satisfaire l'intention de la politique de persécution, atteindre une victime, membre d'un groupe. C'est cette intention qui confère à l'acte sa nature et sa gravité.

59La jurisprudence, de la Seconde Guerre mondiale à celle du TPIY, a ainsi toujours utilisé le chef « persécutions » pour incriminer de façon complète « toute espèce d'intervention dans l'être, le devenir ou le domaine d'action de l'homme, toute transformation dans son rapport avec son milieu, toute atteinte à ses biens ou à ses valeurs... » [32], « des actes de divers degrés de gravité, allant du meurtre à la limitation des professions que peuvent exercer les membres du groupe ciblé » [33] ; les restrictions à la vie citoyenne (les limitations de la liberté professionnelle, des droits liés à la citoyenneté et de la vie privée..., l'obligation de porter l'étoile de David, de changer de prénom, l'interdiction d'utiliser les transports en commun, la limitation du droit à la propriété, la réunion en ghetto puis la peine de mort pour les infractions au statut des Juifs...) [34], les vols, l'appropriation illégale et le pillage de biens meubles et immeubles, la destruction de maisons et d'établissements industriels et commerciaux, la confiscation de véhicules..., l'incendie du foyer, la privation de nourriture, des moyens de subsistance, la perte d'un emploi rémunéré [35] ; conséquences sur vie et liberté des victimes.

60En substance, « toutes sortes d'atteintes provoquant un dommage à des hommes peuvent constituer ou causer des crimes contre l'humanité (...)» [36] ; « le crime de persécution englobe une variété d'actes, y compris notamment ceux d'un caractère physique, économique ou judiciaire... » [37].

61Quelques remarques s'imposent au sujet de la discrimination qui est un élément essentiel, caractéristique [38], de la persécution. La gravité d'un caractère inhumain découle de ce chef non de leur nature mais des conséquences déshumanisantes qu'ils impliquent : les persécutions sont inhumaines parce que discriminatoires : « Il n'est pas nécessaire qu'il y ait un acte inhumain distinct pour qu'il y ait persécution ; la discrimination rend en soi l'acte inhumain » [39].

62Il reste à rappeler l'insuffisance du droit international positif dans l'énoncé des discriminations dont certaines échappent alors à toute répression. Pour exemple, dans le statut de la CPI, la discrimination d'ordre sexuel est explicitement limitée à celle séparant les victimes en fonction de leur sexe (identité sexuelle) et ne permet alors pas, par exemple, la répression des politiques de persécution dirigées contre les homosexuels (orientation sexuelle) ou les polygames (pratique sexuelle).

i) Disparitions forcées

63L'emprisonnement dans le secret, comme l'ont beaucoup pratiqué les dictatures sud-américaines, débouche sur la disparition des victimes aux yeux de leurs proches dans l'ignorance de leur sort. Souvent même, cette privation se prolonge par une atteinte à la vie puisque les victimes ne sont jamais retrouvées. Le caractère récent, et parfois incertain [40], de la condamnation ne peut pleinement les satisfaire.

64 Les disparitions recouvrent « les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique (...) qui refuse ensuite d'admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l'endroit où elles se trouvent, dans l'intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée » (CPI, art. 7-2i).

65 Cinq éléments ressortent de ce crime : la privation de liberté, le rôle d'un État ou d'une organisation politique, le refus d'information, la soustraction au règne de la loi et une durée prolongée de la situation.

j) Apartheid

66Crime contre l'humanité complexe, perfectionné, impliquant une « intention spéciale » à l'instar du crime de génocide, il est logiquement inclus, par l'article 7-1j du statut de la CPI, parmi les crimes contre l'humanité, consacrant ainsi dans une définition générale ce qui avait été inauguré par la Convention de 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité (art. 1 b).

67Ce crime recouvre des actes « commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux, et dans l'intention de maintenir ce régime », qui constitue donc la spécificité de ce crime contre l'humanité d'apartheid.

68Art. II c) Prendre des mesures, législatives ou autres, destinées à empêcher un groupe racial ou plusieurs groupes raciaux de participer à la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays et créer délibérément des conditions faisant obstacle au plein développement du groupe ou des groupes considérés, en particulier en privant les membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux des libertés et droits fondamentaux de l'homme, notamment le droit au travail, le droit de former des syndicats reconnus, le droit à l'éducation, le droit de quitter son pays et d'y revenir, le droit à une nationalité, le droit de circuler librement et de choisir sa résidence, le droit à la liberté d'opinion et d'expression et le droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques ; Art. II d) Prendre des mesures, y compris des mesures législatives, visant à diviser la population selon des critères raciaux en créant des réserves et des ghettos séparés pour les membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux, en interdisant les mariages entre personnes appartenant à des groupes raciaux différents, et en expropriant les biens-fonds appartenant à un groupe racial ou à plusieurs groupes raciaux ou a des membres de ces groupes

69(Convention Apartheid, 1973)

70Le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination renvoie à une autorité étatique, à l'utilisation d'un gouvernement, à un système officiel. L'apartheid (domination et oppression) est ainsi réalisé par l'usage de la loi, au sens large, de mesures administratives, de la constitution (comme en Afrique du Sud). Ce caractère politisé, légalement organisé, institutionnalisé du crime, souligné par les termes choisis des Éléments « oppression systématique », laisse les victimes sans recours. La loi criminelle s'applique à toutes les victimes ciblées, sans cesse. Leur oppression est donc systématique car permanente et réglementaire.

k) Autres actes inhumains

71L'acte inhumain est un acte causant de grandes souffrances ou portant gravement atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale. Similaire, par nature et par gravité, aux autres crimes contre l'humanité. Le mot « autres » implique d'ailleurs que tous les crimes contre l'humanité nommés (art. 7-Ta à 7-1j) sont déjà des actes inhumains dont la liste mérite d'être complétée. Il permet alors une répression non exhaustive : au gré des affaires, on peut recenser sévices, tortures, mutilations, passages à tabac, humiliations, harcèlements, violences psychologiques, blessures par balles, bombardements, atmosphères de terreur, internements dans des conditions inhumaines, séparations des hommes et des femmes, travaux illégaux, utilisations de boucliers humains, tirs embusqués, incendies de maisons habitées, blessures par grenades ou balles non suivies de soins, menaces sur civils déplacés...

II. Le contexte criminel contre l'humanité

72Les Éléments des crimes (CPI) sont clairs : chaque acte inhumain devient crime contre l'humanité si « [l]e comportement faisait partie d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile » et si « l'auteur savait que ce comportement faisait partie d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile ou entendait qu'il en fasse partie ». [41]

73 L'exigence, dans la définition du crime contre l'humanité, d'un lien de ce dernier avec un crime de guerre ou avec un crime contre la paix dans le statut de Nuremberg ou avec un conflit armé dans le statut du TPIY a d'abord été très assouplie par la jurisprudence puis elle a été réduite à une condition de compétence de la juridiction concernée plutôt qu'analysée comme un réel élément de définition du crime, et elle disparaît enfin.

74 Aujourd'hui, à titre d'élément contextuel du crime, seule demeure l'exigence coutumière d'une attaque généralisée à laquelle se rattache l'acte jugé.

A « Le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile »

75 Le rôle de cet élément juridique est simple : il s'agit d'identifier le lien existant entre les actes inhumains qualifiés de crimes contre l'humanité. À la différence d'actes similaires, crimes de droit commun, les actes en question ne sont pas commis de façon isolée ou accidentelle.

76 Sur le plan juridictionnel, la qualification de crime contre l'humanité suit l'établissement successif de deux éléments : l'attaque puis l'insertion de l'acte examiné dans ce cadre. L'acte est transformé en crime contre l'humanité par le biais de cette double preuve.

77 Puisque le travail répressif consiste à établir l'attaque afin de lier les crimes, il importe d'expliciter ce premier élément (1) puis de déterminer comment sa nature généralisée ou systématique unit les crimes dans un seul plan criminel (2).

1) La notion d'attaque : « la politique d'un État ou d'une organisation »

78L'organisation du crime consiste à ériger l'attaque en politique. Ce terme peut donc recouvrir tant le sens d'institution (entité) que son contenu (attaque).

79Bien distincte du conflit armé, « dans le contexte des crimes contre l'humanité, l'attaque ne se limite pas au recours à la force année mais comprend également tous mauvais traitements infligés à la population civile » [42]. L'attaque est donc la réalisation ou la poursuite d'un programme criminel.

80 L'élaboration et la mise en œuvre d'une attaque contre l'ensemble d'une population civile nécessitent une organisation élaborée[43], qui ne peut être le fait que d'entités collectives, étatiques ou non, de groupements... (moyens, ressources, adhésions...).

81Évidemment, une telle organisation peut caractériser des autorités de fait. Régime de Vichy ou parti Ittihad ve-Terakki (Union et Progrès) contrôlant le gouvernement ottoman se présentaient par exemple comme les légitimes représentants de l'État. Or, leur statut constitutionnel fut parfois analysé comme celui de régimes de fait. La rupture avec certains principes constitutionnels n'exclut cependant certainement pas la répression. Plus encore, toute « organisation », même non étatique, est prise en compte. En 1945, le procureur général américain Jackson se fit fort de « démontrer le caractère criminel de nombreuses organisations de volontaires qui ont joué avec cruauté une fonction de contrôle (...) » [44]. Dans l'affaire Barbie, l'avocat général, évoquant le terrorisme international, se posait aussi la question équivalente « de savoir si la notion de système d'État (...) n'est pas trop restreinte désonxiais » [45]. Il suffit de penser aux autorités de facto, aux milices de volontaires non institutionnelles au Rwanda en 1994. Au sujet des violences post-électorales de 2007-2008 au Kenya, la CPI est ainsi confrontée à une criminalité organisée par des hommes politiques, des responsables d'entreprises publiques et privées, mais aussi des gangs de jeunes, et elle pourrait à cette occasion ne pas hésiter à dire que de simples bandes armées peuvent mener à bien une politique criminelle contre l'humanité. Ce raisonnement présenterait une utilité indéniable, à l'instar des déclarations de criminalité des organisations inaugurées par le TMI qui procéda en deux temps : identification d'un cadre organisationnel [46] puis imputation d'une responsabilité à l'adhérent audit cadre [47].

82Deux crimes contre l'humanité résisteront peut-être un temps à cette évolution : le crime d'apartheid, en raison de son caractère institutionnel, étatique ; les disparitions forcées que le statut définit comme commises ou organisées « par un État ou une organisation politique », ce qui semble exclure les organisations militaires, les milices... Cet obstacle juridique sera très gênant lors du jugement prochain des enlèvements imputables à la LRA.

83Notons enfin que l'organisation criminelle peut ne faire qu'encourager l'attaque. Ceci permet de condamner les pogroms ou campagnes criminelles commis dans le cadre d'États ségrégationnistes non eux-mêmes criminels (à l'instar de ce que furent les USA jusqu'aux années 60) par exemple, ou les très nombreuses scènes d'attaques discriminatoires visant, à travers le monde (Rwanda de 1959 à 1990, Kenya, Timor...), des populations civiles, encouragées par des organisations violentes ou mafieuses, et par l'abstention de l'État.

2) « Généralisée ou systématique » : la preuve de l'attaque et le lien entre les crimes

84Dans l'attaque contre une population civile, chaque acte criminel suit un dessein commun. La transformation de l'acte individuel en crime contre l'humanité est ainsi opérée par un lien avec une attaque identifiée. En effet, si l'attaque est une organisation, aucun des actes qui contribuent à la réaliser n'est accidentel ou isolé. Pour les punir, il faut d'abord établir l'existence de l'attaque (a) puis conclure au lien unissant dans un même but les actes criminels (b).

85a) La preuve de l'attaque par son caractère organisé.

86L'adjonction des mots « généralisée ou systématique » vise à souligner que l'attaque en question n'est pas fortuite et à lui conférer un caractère organisé. L'un ou l'autre de ces caractères de l'attaque établissent un dessein, le plan criminel, l'attaque : « en particulier, le caractère d'actes généralisés ou systématiques démontre l'existence d'une politique (...) qu'elle soit énoncée ou non formellement » [48], et prouve que les actes « ont été commis sur ordre » [49].

87Les plans criminels contre l'humanité ne sont habituellement pas dévoilés et demeurent officieux ; la preuve de leur existence dépend de considérations factuelles. La jurisprudence a constamment utilisé cette méthode [50] : attitude des instigateurs et acteurs de la politique criminelle, réalité de la tentative de destruction du groupe ethnique tutsi au Rwanda ou bien quantité de victimes musulmanes en ex-Yougoslavie, mais encore, répétitions d'actes identiques (seaux dans les wagons de déportation), mutilations spécifiques, identité de la terminologie employée par les criminels, comportements militaires répétés, réunions de hauts fonctionnaires, participation étatique, organisation administrative (listes de victimes), autres mesures administratives (restrictions bancaires, professionnelles, laissez-passer...), implication d'autorités politiques ou militaires de haut niveau, importance des moyens financiers ou militaires, mobilisation armée, rassemblements de population ou modifications de la composition « ethnique » des populations, procédés identiques dans les interrogatoires, violences, meurtres, commission de crimes sur une période de temps très brève, destructions de biens, notamment d'édifices religieux, propagande, discours aveux... [51].

88Tel est le programme annoncé : la répétition importante ou systématique d'actes criminels dirigés contre les victimes. Criminalité massive, fréquente, à grande échelle, mise en œuvre collectivement et dirigée contre une pluralité de victimes [52]. C'est le nombre de victimes en ex-Yougoslavie, la « massification dans les effets des crimes », qui a permis d'identifier le plan concerté [53] ou la grande échelle de la politique de persécution nazie qui a convaincu les juges à Nuremberg [54]. A contrario, il a même pu ainsi être regretté que, lors du sac de Nankin, en dépit « de l'échelle à laquelle ils avaient été commis, les viols ont été considérés comme des crimes de guerre plutôt que comme des crimes contre l'humanité » [55].

89La systématicité, plus probante encore, se fonde, selon le TPIY, sur quatre éléments : un plan visant à détruire, persécuter ou affaiblir une communauté ; la commission répétée ou continue d'actes inhumains liés entre eux ; la mise en œuvre de moyens publics ou privés importants, militaires ou non ; l'implication dans le plan d'autorité de politiques ou militaires de haut niveau [56] : similitudes dans les pratiques criminelles, répétition constante d'un modus operandi, des actes identiques, au même caractère inhumain, choix exclusif de victimes spécifiques, similitude de traitement des victimes, uniformisation de ce traitement sur une étendue géographique importante (même discontinue), ne peuvent être le fruit du hasard et établissent donc une concertation préalable et un haut degré d'organisation. La jurisprudence insiste ainsi sur la persécution systématique des Juifs, la pratique systématique de la rupture des tendons au Rwanda et, en Bosnie, les viols contre des victimes toutes musulmanes et sur le fonctionnement des camps en réseau...

90b) Utilité du concept d'attaque : le lien entre les actes criminels.

91Dans cette organisation, les actes criminels sont liés par l'attaque à laquelle ils contribuent. Un acte isolé, sans lien avec l'attaque, n'est qu'un crime de droit commun quel que soit le nombre de victimes qu'il cause, à la différence de l'acte « individuel » qui, même unique, s'inscrit dans la politique (Ex : dénonciation d'un seul voisin juif aux autorités nazies).

92 La notion de « crime contre l'humanité » vise plus à condamner la participation à une attaque contre une population civile, le rapport à cette dernière, sa dimension collective, que l'acte en soi ou son caractère inhumain.

93 Le juge « doit s'assurer que leurs actions étaient inspirées ou ordonnées soit par un gouvernement, soit par une organisation ou encore par un groupe quelconque » [57] ; le criminel ne touche pas un individu, choisi pour ses caractères propres, mais un membre d'une population civile, à raison de son appartenance à cette collectivité visée : à travers sa victime, il atteint l'ensemble visé par l'attaque.

94 La nuance entre ces deux dimensions, individuelle ou collective, est parfois difficile. On dit le crime contre l'humanité de la Seconde Guerre mondiale ou le crime contre l'humanité au Darfour, désignant, sous cette acception, la politique menée, alors que le juge qualifie évidemment de crime contre l'humanité un acte et non l'attaque qui le sous-tend.

B « En connaissance de cette attaque » : la participation consciente

95« L'auteur savait que ce comportement faisait partie d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile ou entendait qu'il en fasse partie » [58].

96Que l'accusé ait commis un acte inhumain ou apporté une contribution à celui-ci (dénonciation, fourniture d'armes...), il est également exigé une participation consciente à l'attaque contre la population civile. Au-delà de la question de la responsabilité, il est logique, pour la réalisation du crime, que l'auteur ait cette conscience d'insérer son acte dans le projet criminel.

97Le droit international impose à chacun une réflexion sur le contexte de ses agissements : la connaissance de l'attaque transforme les actes inhumains en crimes contre l'humanité (1) et cette connaissance est très aisément présumée (2).

1) La seule connaissance de l'attaque

98La participation en connaissance élève les actes de l'accusé au chef de crime contre l'humanité [59]. Eichmann est responsable de l'extermination de toutes les victimes entre 1941 et 1945 au motif de sa participation en connaissance du plan. Le principe est clairement établi en droit international par une jurisprudence stable, ancienne [60] et indiscutée : « the mental element, of a crime against humanity must involve an awareness of the facts or circumstances which would bring the acts within the definition of a crime against humanity » [61] ; « pour être coupable de crimes contre l'humanité, l'auteur doit avoir connaissance de l'existence d'une attaque contre la population civile et du fait que son acte s'inscrit dans le cadre de cette attaque » [62] ; « les actes de l'accusé doivent avoir été commis dans le contexte d'une attaque généralisée et systématique contre une population civile et [...]l'accusé devait savoir que ses actes s'inscrivaient dans pareil contexte » [63].

99C'est le point commun de tous ces criminels. L'intention de commettre un crime contre l'humanité n'est alors pas requise. Dans le cas contraire, la répression serait souvent défaillante, faute de preuve ou faute d'une telle intention (ex : foule criminelle).

100Chaque auteur d'acte inhumain peut avoir bien d'autres mobiles [64] sans que cela ne change rien à la nature du crime. Il est alors poursuivi pour sa participation à l'attaque, en seule connaissance de cause, même d'ailleurs s'il en regrette les résultats [65]. Indifférence coupable : c'est la peine qui, éventuellement, distinguera ceux qui savent de ceux qui veulent.

101Il n'est même pas exigé un haut niveau de connaissance de l'attaque. Il suffit que l'accusé ait connu les conséquences de son acte pour possibles [66]. Peu importe l'ignorance de l'existence des chambres à gaz, ou même de la politique d'extermination... dès lors que le plan de persécution est patent.

2) La présomption large de la connaissance de l'attaque

102Il est peu crédible qu'un tel plan et ses conséquences ne soient pas connus. La jurisprudence impose alors une quasi « obligation de savoir », une présomption de la connaissance de l'attaque. Les individus sont ainsi « responsabilisés » devant l'attaque criminelle.

103Cela concerne les fonctions de planificateurs à l'évidence, mais aussi celles de fonctionnaires, à raison de leurs qualités et de leur rôle, le caractère public de la politique criminelle... La seule présence dans un camp de concentration allemand, quelle que soit la fonction, gardien, civil, membre de la Waffen SS, officiel, employé, établit chez les accusés la connaissance du plan de persécution à raison de l'état du camp et de la nature criminelle de son fonctionnement [67].

104Ou encore « - des circonstances historiques et politiques dans lesquelles se déroulent les exactions ; - des fonctions de l'accusé au moment des crimes ; - de ses responsabilités dans la hiérarchie politique ou militaire ; - des relations directes et indirectes entre la hiérarchie politique et militaire ; - de l'ampleur et de la gravité des actes perpétrés ; - de la nature des crimes commis et de leur notoriété » [68]. Cette connaissance sera naturellement plus facilement établie chez l'auteur de plusieurs meurtres ou actes inhumains que chez l'auteur d'un seul acte de persécution.

105 La conclusion appartient à la jurisprudence récente qui estime, d'une part, que, « si l'auteur a la connaissance, soit effective soit virtuelle, que ces actes étaient commis d'une manière généralisée ou systématique, cela suffit pour le tenir responsable de crimes contre l'humanité » [69] et, d'autre part, qu'il « n'est pas indispensable qu'une personne soit informée de tous les détails du plan ou de la politique génocide pour être impliquée » [70]. Connaissance virtuelle, c'est-à-dire imposée par le contexte, ou connaissance parcellaire suffisent à établir le crime contre l'humanité selon une jurisprudence internationale qui poursuit la tendance répressive, esquissée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et apprécie largement la connaissance de l'attaque contre une population civile, voire impose une obligation de cette connaissance.

106« Cette loi est née dans les fours crématoires. Malheur à celui qui la cacherait au monde » [71].

Notes

  • [1]
    Voir TPIR, affaire no 96-4-T, Jean-Paul Akayesu, jugement, 2 septembre 1998 (infra : Akayesu), § 566 : « In 1874, George Curtis caiied slavery a "crime against humanity". Other such phrases as "crimes against mankind" and "crimes against the human family" appear far earlier in human history (see 12 N.Y.L. Sch. J. Hum. Rts 545 (1995) » Voir aussi Bassiouni C, Crimes Against Humanity in International Criminal Law, Dordrecht / Boston/London, Martinus Nijhoff Publishers, 1992, pp. 165-176.
  • [2]
    Préambule de la Convention de La Haye du 18 octobre 1907 (36 Stat. 2277, 1 Bevans 631 ; une formulation similaire figurait déjà dans le préambule de la Convention du 29 juillet 1899, 32 Stat. 1803, 1 Bevans 247).
  • [3]
    MAE A 394, 3, p. 97. Déclaration initialement rédigée par le ministre russe Sazonov. La première formule de « crime contre la chrétienté et la civilisation » avait été écartée pour ne pas heurter les Musulmans des colonies françaises. Elle devint même « crime de lèse humanité » dans une rédaction ultérieure.
  • [4]
    Le 4 octobre 1918, devant les destructions commises par les troupes allemandes en retraite, le gouvernement français, guidé par une idée originale, avait lancé un avertissement « selon lequel les violations systématiques du droit et de l'humanité et les actes contraires aux lois internationales et aux principes de la civilisation humaine entraîneraient la responsabilité civile, pécuniaire et pénale de leurs auteurs » (ACDI, 1983, Vol. III, 1re partie, p. 144, § 7 ; nous soulignons). Puis, la Commission des responsabilités des auteurs de la guerre et sanctions pour en concrétiser les principes, créée en 1919, présenta un rapport à la Conférence de paix de Paris reprenant les termes « lois de l'humanité » (pour la discussion sur le maintien de ces termes, cf. Procès verbaux de la Commission, Recueil des actes de la Conférence de la paix, Paris, Imprimerie nationale, 1922, p. 118).
  • [5]
    D'avril 1919 à juillet 1920, le tribunal militaire turc ne condamna que 34 accusés. Parmi eux, sur 15 condamnés à mort, seuls 3 furent exécutés ; pour les 19 autres, les peines de prison prononcées allèrent de 15 ans à moins d'un an. Les Britanniques s'assurèrent de la personne d'autres responsables des crimes, notamment des « major criminals » dont plusieurs anciens ministres. Mais, outre que leur nombre ne dépassa pas 118 personnes, des considérations politiques empêchèrent qu'aucun de ces détenus ne soit poursuivi.
  • [6]
    « Le sang dont rougissent les mains du bourreau est un sang impersonnel, le sang de la "Personne humaine" avant d'être celui d'un individu » (Aroneanu, ibid., p. 149). L'utilisation alternative de la majuscule « (P/p)ersonne » peut alors laisser supposer une dualité de sens, un préjudice à la fois individuel et collectif.
  • [7]
    ACDI, 1986, vol. Il, 2e partie, p. 46, § 83.
  • [8]
    « crimes against humanity also transcend the individual because when the individual is assaulted, humanity comes under attack and is negated. It is therefore the concept of humanity as victim which essentially characterises crimes against humanity » (TPIY, affaire no IT-96-22-T, Erdemovic, jugement, 29 novembre 1996, § 28, et TPIR, affaire no 97-23-S, Kamhanda, jugement, 4 septembre 1998, § 15).
  • [9]
    « Ce qui transforme de pareils actes en crimes contre l'humanité, c'est le fait qu'ils sont dirigés contre l'essence même du genre humain, en tant qu'il est formé de races, de nationalités et de religions différentes, et qu'il présente une multiplicité de conceptions philosophiques, sociales et politiques » (Pella V. in Descheemaeker, Le Tribunal militaire international des grands criminels de guerre, Paris, Pedone, 1947, préface, p. VIII ; nous soulignons). Lemkin R., Axis Rule in Occupied Europe, Washington, Columbia University Press, 1944, p. 91 : « The destruction of a nation, therefore, results in the loss of its future contributions to the world » et la résolution du 11 décembre 1946 de l'Assemblée générale préparant la Convention sur le génocide, A/Res/96 (I) : le génocide « inflige de grandes pertes à l'humanité, qui se trouve ainsi privée des apports culturels ou autres de ces groupes ».
  • [10]
    « Le caractère spécifique de cette atteinte fait que se trouve toujours lésée, en même temps que cet individu et à travers cet individu, l'humanité entière » (Meyrowitz..., p. 345). Le crime contre l'humanité prend « le triple sens de la cruauté envers l'existence, de l'avilissement de la dignité humaine et de la destruction de la culture humaine » (Meyrowitz..., p. 344 ; Wagner J. Martin, « U. S. Prosecution of Past and Future War Criminals and Criminals against Humanity : Proposals for Reform Based on the Canadian and Australian Experience », Virginia Journal of International Law, 1989, vol. 29, p. 888 : « crimes against humanity (...) affect not only those against whom they are directed but all of humanity ».
  • [11]
    ACDI, 1986, vol. II, 1 er partie, p. 56, § 13.
  • [12]
    C'est d'ailleurs ainsi que le ressentent les victimes, comme le traduit si bien Robert Antelme, déporté à Buchenwald, en essayant de montrer à quel point leur souffrance est différente de ce que peuvent connaître les autres hommes : « (L)es héros que nous connaissons, de l'histoire ou des littératures, qu'ils aient crié l'amour, la solitude, l'angoisse de l'être ou du non-être, la vengeance, qu'ils se soient dressés contre l'injustice, l'humiliation, nous ne croyons pas qu'ils aient jamais été amenés à exprimer, comme seule et dernière revendication, un sentiment ultime d'appartenance à l'espèce » (L'espèce humaine, Paris, Gallimard, coll. Tel, 1995, p. 11).
  • [13]
    « Ignoré par les lois de la paix comme par celles de la guerre, le crime contre l'humanité, jusqu'au statut de Londres du 8 août 1945 qui lui donnera officiellement naissance, voyagea sous le manteau du crime de guerre » (Graven J., « Les crimes contre l'humanité », RCADI, 1950, p. 547).
  • [14]
    « We are in the presence of a crime without a name » (Churchill, discours radiophonique, août 1941, cf. Lemkin R., Le crime de génocide, RDISDP, vol. 24, 1946, p. 213).
  • [15]
    Meyrowitz..., p. 344.
  • [16]
    Jackson attribuait l'origine de la formule à un « éminent professeur de droit international » dont il semble aujourd'hui acquis qu'il s'agissait du professeur Hersch Lauterpacht. Avant cette première instrumentalisation, le représentant des États-Unis au comité juridique de la Commission des Nations unies pour les crimes de guerre/Commission des crimes de guerre des Nations unies avait déjà proposé, dès mars 1944, que les « crimes perpétrés contre des personnes apatrides ou contre toutes autres personnes en raison de leur race ou de leur religion » soient déclarés « crimes contre l'humanité » (cf. History of the UN War Crimes Commission, p. 175).
  • [17]
    Cf. Akayesu (§ 589) : « the accused (...) having known that such bodily harm is likely to cause the victim's death, and is reckless whether death ensures or not » (voir l'analyse en ce sens de la jurisprudence relative à la Seconde Guerre mondiale in Cherif. Bassiouni, Crimes Against Humanity in International Criminal Law, Dordrecht / Boston / London, Martinus Nijhoff Publishers, 1992 (infra : Bassiouni), p. 291).
  • [18]
    Voir a contrario l'affaire Kmojelac, jugement, § 329, où l'acquittement de ce chef ne découle que du fait que le lien entre l'action de l'accusé et le suicide n'est pas suffisamment établi.
  • [19]
    Kayishema, § 144.
  • [20]
    Ainsi, in Kayishema, le jugement du 21 mai 1999 n'a pas retenu la culpabilité des accusés de ce chef d'extermination car les faits en question tombaient déjà sous celui de génocide. Bien que reconnaissant l'extermination constituée, les juges ont décidé « que les infractions imputées aux accusés respectivement sous l'empire des articles 3 a) et b) du statut (crimes contre l'humanité - assassinat - et crimes contre l'humanité - extermination) étaient en l'espèce entièrement englobées dans les chefs d'accusation imputés au titre de l'article 2 du statut (génocide) (...)». Tel n'est pas toujours le cas : outre l'« opinion individuelle et dissidente du juge Khan », § 57-58, dans cette affaire précitée, dans d'autres affaires, les poursuites pour extermination et pour génocide se cumulent sans s'exclure (jugements Akayesu, Kambanda, Serushago, Musema).
  • [21]
    Kayishema, § 630.
  • [22]
    Kayishema, § 146.
  • [23]
    Cf. Akayesu : extermination établie (chef no 3) par l'ordre de tuer une quinzaine d'individus. L'élément de masse évoqué § 591 n'apporte pas plus de précision mais, établie à partir de quelques victimes (huit réfugiés, cinq enseignants), l'extermination semble impliquer une volonté de tuerie massive. Dans les affaires Kayishema (% 145) et Bagilishema (jugement, 7 juin 2001, p. 37, § 88), le tribunal précise : « l'expression "à grande échelle" qui a été utilisée n'emporte pas détermination d'un seuil numérique défini, son contenu devant s'apprécier au cas par cas, sur la base du sens commun ».
  • [24]
    Kayishema, § 147 : « pour que la mise à mort d'une personne isolée relève de l'extermination, il faut qu'elle s'inscrive effectivement dans ce cadre. On considère qu'on est en présence d'un tel cas dès lors que s'observe entre les tueries une proximité spatiale et temporelle avérée ».
  • [25]
    Cf. Éléments des crimes 7-1 b, note 10.
  • [26]
    Voir TPIY, affaire Kunarac, Kovac et Vukovic, jugement, 22 février 2001, § 543.
  • [27]
    « La traite des esclaves comprend tout acte de capture, d'acquisition ou de cession d'un individu en vue de le réduire en esclavage ; tout acte d'acquisition d'un esclave en vue de le vendre ou de l'échanger ; tout acte de cession par vente ou échange d'un esclave acquis en vue d'être vendu ou échangé, ainsi que, en général, tout acte de commerce ou de transport d'esclaves » article 1 er-2 de la Convention de 1926.
  • [28]
    C'est d'ailleurs l'exigence du TPIY qui précise que l'emprisonnement doit être entendu comme « arbitraire » in Kordic et Cerkez, jugement, 26 février 2001 (offrant une définition rapide de l'emprisonnement, pp. 85-87), § 302.
  • [29]
    TPIY, Kunarac, jugement, § 457.
  • [30]
    TPIY, Kordic et Cerkez, jugement, § 203-207.
  • [31]
    TPIY, Krstic, jugement, § 533.
  • [32]
    Entscheidungen des Obersten Gerichtshofes für die Britische Zone in Strafsachen (décisions de la Cour suprême de la zone britannique), Berlin, 1949 (infra : O.G.H.), T. I, p. 13.
  • [33]
    Tadic, jugement, p. 280, § 704.
  • [34]
    Voir Procès des grands criminels devant le tribunal militaire international de Nuremberg (14 novembre 1945 -1 er; octobre 1946), Nuremberg, 1947 (infra : TMI), T. I, pp. 247-249 : Dans le même sens, Tadic, jugement, p. 280, § 704.
  • [35]
    Voir Kupreskic, jugement, § 631 et Blaskic, jugement, §233.
  • [36]
    Extrait d'un des premiers arrêts de la Cour suprême de la zone britannique, O.G.H., T. I, p. 13.
  • [37]
    TPIY, Tadic, jugement, p. 284, § 710.
  • [38]
    Cf. TPIY, Tadic, jugement, p. 277, § 699 ; Attorney-General of the government of Israël vs. Adolf Eichmann, District Court of Jerusalem, 12 décembre 1961, ILR, 1968, vol. 36 (infra : Eichmann), p. 239.
  • [39]
    TPIY, Tadic, jugement, p. 275, § 697.
  • [40]
    Alain Pellet parle de l'occasion de « criminaliser au plan international des infractions incertaines - disparitions forcées - » in « Pour la Cour internationale, quand même ! Quelques remarques sur sa compétence et sa saisine », L'Observateur des Nations unies, no 5, 1998, p. 149.
  • [41]
    Respectivement § 2 et § 3 pour chaque crime défini dans les Éléments.
  • [42]
    TPIY, Kunarac et consorts « Focca », arrêt 12 juin 2002, §86.
  • [43]
    « The killing of millions (...) could not have been done without "disciplined, organised, systematic manpower to do it" » (Accusation devant le TMI, cf. History of the United Nations War Crimes Commission and the Development of the Laws of War, Londres, H. M. Stationery Office, 1948 (infra : History of the UN War Crimes Commission), p. 310).
  • [44]
    Rapport du juge Jackson au président Truman du 7 juin 1945 (cf. Eugène Aroneanu, Le crime contre l'humanité, Paris, Dalloz, 1961, p. 299).
  • [45]
    Conclusions Dontenwille in affaire Klaus Barbie, Cass. crim., 20 déc. 1985, Sirey-Dalloz, 1986, p. 501.
  • [46]
    Quatre organisations (S.s., Gestapo, S.d., Corps des chefs du parti nazi) condamnées par le TMI.
  • [47]
    Cf. art. 9 statut de Nuremberg qui donne compétence au Tribunal pour déclarer criminelle une organisation et art. 10 précisant que « les autorités compétentes de chaque signataire auront le droit de traduire tout individu devant les tribunaux (...) en raison de son affiliation à ce groupement (...) » et que « le caractère criminel du groupement ou de l'organisation ne pourra plus être contesté ». Cette responsabilité pour appartenance a donné lieu à des condamnations par les juridictions d'occupation en Allemagne (ie. Affaire Einsatzgruppen).
  • [48]
    Tadic, jugement, § 653.
  • [49]
    Blaskic, jugement, § 467.
  • [50]
    « À défaut d'aveux de la part d'un accusé, son intention peut se déduire d'un certain nombre de faits » (Akayesu, § 523 ; dans le même sens, affaires Kayishema, § 93 ; Rutaganda, jugement, 6 décembre 1999, § 63 et Musema, jugement, 27 janvier 2000, § 166).
  • [51]
    Cf. entre autres, Tadic, jugement, § 653 ; Jelisic, jugement, § 53... et Blaskic, jugement, § 204.
  • [52]
    Akayesu, § 580 et Kayishema, § 123.
  • [53]
    TPIY, affaire Karadzic et Mladic, décision du 11 juillet 1996, § 41.
  • [54]
    « carried out on a vast scale », TMI, T. I, p. 84.
  • [55]
    Cf. TPIY, Bulletin, « Le viol et les violences sexuelles en procès pour la première fois depuis Tokyo », 10 mars 1997, p. 13.
  • [56]
    Blaskic, jugement, § 203.
  • [57]
    TPIR, Kayishema, § 126. Dans le même sens, Akayesu, § 579 :« The Chamber considers that it is a prerequisite that the act must be committed as part of a wide spread or systematic attack and not just a random act of violence » ; cf. History of the UN War Crimes Commission, pp. 194-195 ; affaire Menten, 1981, Cour suprême des Pays-Bas, ILR, 1987, vol. 75, p. 362 ; Tadic, jugement, p. 252, § 653 ; affaire Kupreskic, jugement, 14 janvier 2000, § 544 : « the core elements of crimes against humanity : (..) that the acts were part of a widespread or systematic occurrence of crimes directed against a civilian population ».
  • [58]
    Précision récurrente des Éléments des crimes pour chaque type de crime contre l'humanité.
  • [59]
    Cf. Eichmann, p. 14, où le Tribunal de District énonce la responsabilité d'Eichmann dans l'extermination de toutes les victimes entre 1941 et 1945 au motif de sa participation en connaissance du plan.
  • [60]
    P. ex., juridictions d'occupation en Allemagne : Cour suprême de la zone britannique, 9 nov. 1948, S. StS 78/48, in Justiz und NS-Verbrechen, vol. Il, p. 499 ; décision américaine, affaire Justice, Law Reports, vol. VI, pp. 84 et 87.
  • [61]
    Affaire Finta, Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada, 1994, T. 1, p. 819.
  • [62]
    Kayishema, § 133 ; voir également § 134.
  • [63]
    Tadic, arrêt, 15 juillet 1999, § 248. Voir encore Blaskic, jugement, 3 mars 2000, § 254 ; Tadic, jugement, § 656.
  • [64]
    Tadic, arrêt, 15 juillet 1999, § 248.
  • [65]
    Cf Akayesu, § 539.
  • [66]
    Voir O.G.H., T. I, p. 22 (dénonciation de Juifs aux autorités nazies). Voir également affaire Burn Tesch et deux autres « Zyklon B », Law Reports, vol. I, p. 101 : la qualification a découlé du fait que « les accusés aient su que le gaz serait utilisé pour éliminer des êtres humains ». Ces fournisseurs de gaz Zyklon B furent condamnés au motif de leur connaissance de la destination criminelle du produit fourni sans qu'il ne soit jamais soutenu qu'ils avaient l'intention d'aider à tuer les détenus. Leur objectif reconnu était de mener une opération commerciale lucrative, poursuivant un but légal, le profit, par un moyen légal, la vente de pesticide. Mais on leur reprocha leur conscience du but poursuivi par la politique criminelle et de leur participation à ce plan d'extermination des Juifs.
  • [67]
    « Il était impossible (...) d'avoir exercé un contrôle, été employé, été présent ou avoir résidé dans ledit camp de concentration de Mauthausen, sans avoir acquis une connaissance précise des pratiques et activités criminelles qui s'y déroulaient » (affaire Mauthausen, Law Reports, Vol. XI, p. 15).
  • [68]
    Blaskic, jugement, 3 mars 2000, § 259.
  • [69]
    Tadic, jugement, § 659. Nous soulignons. Voir ibid., § 677 qui évoque la « connaissance implicite, prouvée ou déduite ».
  • [70]
    TPIR, Kayishema, § 94.
  • [71]
    Aroneanu..., p. 241.
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