Couverture de TH_804

Article de revue

Ouverture à l’expérience, engagement et intention de quitter : l’effet modérateur des opportunités de carrière

Pages 337 à 366

I. Introduction

1 Les facteurs responsables de départs volontaires parmi les employés dans les organisations ont fait l’objet de nombreuses études (Griffeth, Hom & Gaertner, 2000 ; Huselid, 1995 ; Tett & Meyer, 1993). Ce thème de recherche intéresse les chercheurs car le taux de départs volontaires parmi les employés présente une relation négative avec la productivité, les revenus, et la profitabilité des organisations (Zimmerman, 2008). En effet, un taux élevé de départs volontaires est associé à une diminution de la satisfaction des clients (Koys, 2001), de la productivité (Huselid, 1995), de la croissance future du chiffre d’affaires (Baron, Hannan, & Burton, 2001) et de la profitabilité de l’organisation (Glebbeek & Bax, 2004). De même, le départ d’un employé peut coûter jusqu’à 200 % de son salaire annuel (Cascio, 2000). La rétention des employés est donc une question qui préoccupe les chercheurs et les dirigeants d’entreprise. Dès lors, une priorité importante pour les organisations consiste à développer des stratégies de gestion de ressources humaines qui soutiennent l’embauche et la rétention d’employés engagés (Gong, Law, Chang, & Xin, 2009 ; Kehoe & Wright, 2013). Il a en effet été établi que ce sont les attitudes au travail, et tout particulièrement l’engagement organisationnel (Tett & Meyer, 1993), qui prédisent le mieux l’intention de quitter des employés (Meyer, Stanley, Herscovitch, & Topolnytsky, 2002).

2 Notre étude aborde un élément explicatif peu investigué dans la littérature sur l’engagement organisationnel et le départ volontaire des employés, à savoir la personnalité des individus (Erdheim, Wang, & Zickar, 2006 ; Choi, Oh, & Colbert, 2015). D’un point de vue théorique, plusieurs modèles explicatifs ont été proposés pour comprendre les effets des traits de personnalité sur les attitudes au travail (Choi et al., 2015). D’un point de vue empirique, l’effet des traits de personnalité a notamment été examiné sous l’angle de l’affectivité positive et négative (Cropanzano, James, & Konovsky, 1993 ; Thoresen, Kaplan, Barsky, Warren, & de Chermont, 2003) ou d’autres facteurs dispositionnels (Judge & Kammeyer-Mueller, 2012). Néanmoins, le rôle de la personnalité dans le développement de l’engagement organisationnel et de la rétention des employés reste mal compris car son mode d’action et son interaction avec le contexte de travail sont relativement méconnus (Meyer et al., 2002). Dans cette perspective, notre étude a pour objectif d’investiguer le processus par lequel la personnalité affecte l’intention de quitter et le rôle de l’engagement organisationnel ainsi que d’examiner comment le contexte organisationnel intervient dans ce processus.

3 Une piste de recherche qui a été proposée dans la littérature pour tenter d’expliquer l’impact réduit de la personnalité, ou les résultats contradictoires concernant ses effets sur les conduites de travail (Salgado, 2002) tient au rôle du contexte organisationnel. Dans cette optique, nous proposons d’examiner l’interaction entre la personnalité et le contexte organisationnel afin d’améliorer notre compréhension du rôle de la personnalité dans l’engagement organisationnel et la rétention des employés (Bergman, Benzer, & Henning, 2009). Nous baserons notre recherche sur le modèle de personnalité qui s’est imposé comme le plus valide depuis 20 ans, en particulier dans le milieu organisationnel (Salgado, 1997, 2002 ; Zimmerman, 2008), à savoir celui des cinq grands facteurs (Big Five Model ; McCrae & Costa, 1987). Il faut pourtant noter que ce modèle a été peu utilisé pour expliquer l’engagement organisationnel et l’intention de quitter (Erdheim et al., 2006). Ce modèle définit la personnalité comme étant composée de cinq facteurs, à savoir le névrotisme, l’extraversion, l’agréabilité, l’ouverture à l’expérience, et la conscience. Il a montré sa validité pour prédire des variables telles que le leadership (Bono & Judge, 2004), la satisfaction au travail (par ex. Judge, Heller, & Mount, 2002), la performance (par ex. Barrick, Mount, & Judge, 2001), les départs volontaires (Zimmerman, 2008), et l’engagement envers la carrière (Arora & Rangnekar, 2016a, 2016b). Il est néanmoins nécessaire de mieux comprendre comment les dimensions du Big Five agissent sur les attitudes au travail (Arnoux-Nicolas, Dosnon, Lallemand, Sovet, Di Fabio & Bernaud, 2016). Comme nous allons le voir ci-dessous, nos connaissances actuelles sont particulière­ment limitées à propos d’un des traits du modèle du Big Five, à savoir « l’ouverture à l’expérience ». Notre étude se centrera donc sur ce trait de personnalité.

4 L’ouverture à l’expérience est le trait du modèle du Big Five le moins étudié et le plus controversé, ce qui a amené plusieurs auteurs à encourager les chercheurs à mener davantage de travaux sur ses effets (Griffin & Hesketh, 2004 ; Zimmerman, 2008). De plus, l’influence de l’ouverture à l’expérience pourrait être dépendante du contexte dans lequel l’employé évolue (par ex. LePine, Colquitt & Erez, 2000). Ce trait de personnalité caractérise des personnes créatives, imaginatives, intellectuellement curieuses, ayant des vues libérales, des tendances aventureuses, une pensée divergente, et un besoin de variété et de changement (McCrae, 1994). Les personnes ouvertes à l’expérience sont aussi flexibles, non conformistes, et adaptables (LePine, 2003 ; LePine et al., 2000). De même, elles ont des centres d’intérêt variés et sont proactives dans la recherche d’informations (Bozionelos, Bozionelos, Polychroniou, & Kostopouplos, 2014). Cependant, elles apprécient moins la stabilité et la structure (Sunha & Srivastava, 2014). L’ouverture à l’expérience a été étudiée en lien avec plusieurs transitions professionnelles, telles que la retraite sportive ou la planification de la retraite professionnelle (Demulier, Stephan, Fouquereau, Chevalier, & Le Scanff, 2014). Néanmoins, bien que l’ouverture à l’expérience ait déjà été étudiée en lien avec l’engagement envers la carrière (Arora & Rangnekar, 2016c) et l’engagement organisationnel (Erdheim et al., 2006 ; Panaccio & Vandenberghe, 2012), le processus par lequel ce trait de personnalité affecte les départs volontaires et le rôle du contexte organisationnel dans ce processus restent mal compris.

5 Dans le but d’étudier ces questions, nous nous centrons sur l’étude d’une des attitudes au travail prédisant le mieux l’intention de quitter, à savoir l’engagement organisationnel (Tett & Meyer, 1993). Ce concept renvoie à l’intensité du lien psychologique existant entre un individu et son organisation (Klein, Cooper, Molloy, & Swanson, 2014 ; Klein, Molloy, & Brinsfield, 2012). Ce lien, construit à travers un partage de valeurs et l’accomplissement des besoins de l’individu, mène à une implication et à une identification de celui-ci envers l’organisation (Allen & Meyer, 1990). L’engagement organisationnel se décline en trois composantes de base : l’engagement affectif, qui provient d’une identification aux valeurs de l’organisation, l’engagement normatif, qui réfère à un sentiment de loyauté provenant d’un sens d’obligation envers l’organisation, et l’engagement de continuité, lequel se décompose en deux dimensions, les sacrifices/coûts perçus liés au départ de l’organisation, et le manque perçu d’alternatives d’emploi à l’extérieur de l’organisation (McGee & Ford, 1987 ; Meyer & Allen, 1991 ; Meyer, Allen, & Gellatly, 1990 ; Vandenberghe & Panaccio, 2012). Les dimensions de l’engagement organisationnel présentent généralement un lien négatif avec l’intention de quitter (Meyer, Stanley, Herscovitch, & Topolnytsky, 2002 ; Stinglhamber, Bentein, & Vandenberghe, 2002).

6 La recherche a démontré que la variable qui prédit le mieux le risque de démission d’un employé est l’intention de quitter (Griffeth et al., 2000 ; Tett & Meyer, 1993). L’intention de quitter est donc un indicateur particulièrement pertinent à examiner dans le contexte des études portant sur la rétention des employés. Les modèles développés et validés par les chercheurs (par ex. Mobley, 1977 ; Hom, Griffeth, & Sellaro, 1984 ; Hom & Griffeth, 1991) montrent en effet que l’intention de quitter précède l’action concrète d’un départ de l’organisation. Ainsi, les facteurs susceptibles de réduire l’intention de quitter des employés peuvent donc indirectement contribuer à diminuer les départs volontaires au sein de l’organisation. Puisque notre étude vise à examiner le lien (indirect) entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter, elle présente un intérêt pratique pour les organisations désireuses de réduire les départs volontaires.

7 Cet article propose d’explorer deux pistes théoriques concernant les effets de l’ouverture à l’expérience sur l’intention de quitter. D’une part, l’ouverture à l’expérience pourrait contribuer à une réduction de l’intention de quitter des employés par l’intermédiaire d’un engagement affectif plus élevé. Cette hypothèse se base sur l’idée que les personnes dotées de ce trait sont à la recherche de stimulations pouvant nourrir leur curiosité, sont ouvertes aux nombreux changements possibles en organisation et, parce qu’elles sont imaginatives, peuvent développer « une vision pour le futur de l’organisation » (Bono & Judge, 2004). Le caractère flexible et adaptatif des employés ouverts aux expériences (LePine, 2003 ; LePine et al., 2000), tout comme les émotions positives (Judge et al., 2002) qu’ils éprouvent – même si cet aspect est partiellement controversé (Hansenne, 2007), devraient amener l’ouverture à l’expérience à entretenir un lien positif avec l’engagement affectif, lequel serait ensuite négativement lié à l’intention de quitter.

8 D’autre part, notre modèle de recherche introduira un élément du contexte organisationnel auquel l’ouverture à l’expérience pourrait être sensible, à savoir les opportunités de carrière et de développement. Cet élément est d’autant plus important à considérer que les possibilités de développement et d’apprentissage dans le travail représentent une composante du contexte organisationnel dont l’influence sur la décision de quitter a été démontrée (Bertrand, Peters, Pérée, & Hansez, 2010). En fait, les per­sonnes ouvertes aux expériences recherchent la nouveauté et le changement, et elles cherchent naturellement à progresser et à obtenir un statut plus élevé (Choi et al., 2015). Dès lors, elles pourraient être stimulées (ou motivées) par des opportunités d’emploi à l’extérieur de l’organisation (Maertz & Griffeth, 2004 ; Zimmerman, 2008), particulièrement si les perspectives internes sont faibles.

9 À ce titre, nous émettons l’hypothèse suivante : plus des opportunités de carrière et de développement existent au sein de l’organisation, plus le besoin de croissance propre aux personnes ouvertes aux expériences sera comblé. Un tel contexte favorable devrait renforcer le lien (positif) entre l’ouverture à l’expérience et les composantes suivantes de l’engage­ment organisationnel, à savoir : (1) l’engagement affectif, par le biais d’un processus d’échange social ; (2) l’engagement normatif, par le biais d’un mécanisme de réciprocité ; (3) l’engagement par sacrifices perçus, par le biais d’une augmentation du coût du départ. D’autre part, ce même contexte devrait amener l’ouverture à l’expérience à présenter un lien plus négatif avec l’engagement par manque d’alternatives, en raison d’une auto-efficacité plus élevée de l’individu. Ces liens renforcés entre l’ouverture à l’expérience et les dimensions d’engagement organisationnel devraient ensuite se traduire par une intention de quitter plus faible.

II. Modèle théorique

II.1. Ouverture aux expériences, engagement affectif et intention de quitter

10 Les traits de personnalité (notamment ceux du Big Five) ont souvent été peu représentés dans les modèles théoriques utilisés pour expliquer les départs volontaires. Les méta-analyses ont aussi plutôt recensé des études individuelles ciblant les liens entre les traits de personnalité et d’autres variables organisationnelles comme la performance au travail (Barrick & Mount, 1991 ; Touze, 2005) ou les comportements contre-productifs (Salgado, 2002). L’étude méta-analytique de Zimmerman (2008) a néanmoins examiné la relation entre les traits du Big Five et plusieurs variables liées au départ volontaire (par ex. l’intention de quitter ou de rechercher un autre emploi). Les résultats de cette étude montrent que l’ouverture à l’expérience a un impact important sur les départs volontaires. Selon l’auteur, les personnes ouvertes à l’expérience seraient davantage enclines à quitter l’organisation spontanément. En effet, étant attirées par la nouveauté, les personnes ouvertes aux expériences souhaiteraient davantage changer de travail, ce qui les inciterait à quitter spontanément l’organisation (Maertz & Griffeth, 2004). Elles préfèrent en effet la diversité et la découverte de nouvelles expériences (Erdheim et al., 2006 ; Maertz & Griffeth, 2004). Ceci aurait pour effet de les amener à rechercher davantage d’alternatives d’emploi, à survaloriser les nouvelles opportunités et à négliger le coût lié à une démission (Choi et al., 2015).

11 L’étude de Zimmerman (2008) ne considère cependant pas l’engage­ment organisationnel comme médiateur potentiel entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter. Un tel médiateur pourrait faire apparaître un effet indirect négatif de l’ouverture à l’expérience sur l’intention de quitter, à savoir un effet potentiellement contraire à l’observation de démissions plus fréquentes chez les employés ouverts aux expériences. Autrement dit, nous estimons qu’il y a des raisons théoriques de penser que l’ouverture à l’expérience peut contribuer à fidéliser les employés par l’intermédiaire d’un engagement (notamment affectif) plus élevé.

12 Tout d’abord, les recherches accumulées ont montré que les différences individuelles, tels les traits de personnalité, ont des liens significatifs avec l’engagement organisationnel (par ex. Cropanzano et al., 1993 ; Erdheim et al., 2006 ; Ko, Price, & Mueller, 1997 ; Panaccio & Vandenberghe, 2012 ; Thoresen et al., 2003). De plus, les traits de personnalité agissent souvent comme des variables prédictives de plusieurs autres attitudes (Carney, Jost, Gosling, & Potter, 2008 ; Ekehammar, Akrami, Gylje, & Zakrisson, 2004 ; Judge et al., 2002).

13 Ensuite, en ce qui concerne spécifiquement l’ouverture à l’expérience, plusieurs éléments nous amènent à penser que ce trait devrait être positivement associé à l’engagement affectif. En effet, les personnes ouvertes aux expériences sont par essence à la recherche de nouveautés, sont flexibles et apprécient le changement. Or, le contexte des organisations contemporaines offre de nombreuses occasions de changements, tant au niveau des postes de travail, des équipes, ou des échelons de supervision, qu’au niveau de la structure ou de la stratégie de l’organisation. Dans de tels environne­ments dynamiques et mouvants, les personnes ouvertes aux expériences peuvent éprouver un engagement affectif plus élevé, car ces expériences seraient en phase avec leur recherche de changement et de diversité. De la même manière, les personnes ouvertes aux expériences ont plus de facilité à développer « une vision pour le futur de l’organisation » (Bono & Judge, 2004) et à se projeter dans un futur attractif pour elles dans l’organisation. Leur caractère imaginatif les aiderait à concevoir un futur en termes positifs, tant pour elles-mêmes que pour l’organisation. Enfin, cette recherche d’opportunités et d’expériences devrait s’accompagner d’émotions positives (DeNeve & Cooper, 1998) par le fait même que les personnes ouvertes aux expériences sont optimistes de nature (Judge et al., 2002). Ces diverses raisons permettent de postuler un lien positif entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement affectif, spécifiquement.

14 Par ailleurs, il est établi que l’engagement affectif est la composante d’engagement qui prédit le mieux l’intention de quitter et le risque de démission chez les employés (Mathieu & Zajac, 1990 ; Meyer et al., 2002 ; Tsai, Chen, & Chen, 2012). En somme, le lien positif présumé entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement affectif et, d’autre part, le lien négatif établi entre l’engagement affectif et l’intention de quitter suggère que l’engagement affectif agirait comme un médiateur entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter. Ce lien médiationnel peut s’expliquer par un processus d’échange social (Blau, 1964 ; Cropanzano & Mitchell, 2005). En effet, l’engagement affectif éprouvé par les employés ouverts aux expériences résulterait du sentiment que l’environnement organisationnel offre des stimulations variées (par ex. des changements variés, mais aussi des émotions positives). Cela conduirait ces employés à éprouver un engagement envers les valeurs organisationnelles (engagement affectif) et indirectement à développer une moindre intention de quitter cette organisation. Ces arguments nous amènent à proposer l’hypothèse suivante :

Hypothèse 1 : L’engagement affectif médiatise une relation négative entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter l’organisation.

II.2. L’effet modérateur des opportunités de carrière et de développement

15 Les organisations investissent d’importantes sommes d’argent, du temps, et des efforts pour développer les compétences et le potentiel de leurs employés, car les opportunités de carrière et de développement permettent de réduire les départs volontaires (Kraimer, Seibert, Wayne, Liden, & Bravo, 2011). La perception par les employés de l’implication de leur organisation dans leur développement est en effet liée à une diminution des départs volontaires. Cette relation serait particulièrement importante lorsque les employés perçoivent que les opportunités de carrière dans l’organisation sont nombreuses. De même, il a été démontré que des conditions de travail stimulantes (c’est-à-dire incluant des défis et des tâches variées) permettent indirectement de réduire les risques de démission parmi les employés (Preenen, De Pater, Van Vianen, & Keijzer, 2011). Il a aussi été établi que les employés éprouvent un engagement affectif plus élevé lorsqu’ils perçoivent une plus grande culture d’apprentissage dans leur organisation et une plus grande complexité dans leur travail (Joo & Lim, 2009).

16 Dès lors, il est probable que les personnes possédant un niveau élevé d’ouverture aux expériences soient sensibles aux opportunités de carrière et de développement au sein de leur organisation. En effet, ces individus sont motivés par une quête et un besoin permanent de nouveaux défis (Digman, 1990 ; Erdheim et al., 2006 ; Zimmerman, 2008). Dès lors, si le contexte organisationnel leur permet de satisfaire leur ambition et de répondre à leur besoin de croissance et de défi, ils devraient être plus engagés envers leur organisation (Moss, McFarland, Ngu, & Kijowska, 2007). L’accès à des ressources développementales constitue une perspective attractive pour les personnes ouvertes aux expériences et peut contribuer à créer une congruence entre ces personnes et le contexte organisationnel (Tsai et al., 2012). En effet, lorsque les buts personnels d’un employé (c’est-à- dire réaliser des objectifs de développement) sont congruents avec ceux de l’organisation (par exemple, créer un contexte permettant de stimuler le potentiel des employés), l’employé sera davantage porté à contribuer et à rester membre de celle-ci (Schneider, Goldstein, & Smith, 1995 ; Tsai et al., 2012). Les opportunités de carrière et de développement constituent donc un modérateur possible de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement organisationnel.

17 Nous pensons cependant que les opportunités de carrière et de développement pourraient servir de modérateur par rapport à plusieurs composantes de l’engagement. Tout d’abord, l’ouverture à l’expérience devrait être plus fortement associée à l’engagement affectif, suivant la logique inhérente à la théorie de l’échange social (Blau, 1964 ; Cropanzano & Mitchell, 2005). En effet, un contexte organisationnel offrant des opportunités qui rencontrent les intérêts des employés ouverts aux expériences devrait être perçu par ces individus comme étant le signe que l’organisation les soutient (Stinglhamber & Vandenberghe, 2004 ; Zargar, Vandenberghe, Marchand, & Ben Ayed, 2014) car ce contexte rencontre leurs attentes, créant ainsi une congruence personnalité-organisation (Schneider et al., 1995). Cette marque de considération de l’organisation induirait une volonté de l’individu de contribuer à son succès par l’intermédiaire d’un engagement affectif plus élevé (Settoon, Bennett, & Liden, 1996). Ceci nous amène à proposer l’hypothèse suivante :

Hypothèse 2a : Les opportunités de carrière et de développement dans l’organisation agissent comme un modérateur de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement affectif, de sorte que cette relation est plus forte lorsque les opportunités de carrière et de développement sont nombreuses.

18 Les opportunités de carrière et de développement pourraient aussi agir comme un modérateur de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement normatif. L’engagement normatif reflète un sens de la loyauté envers l’organisation provenant d’un sentiment d’obligation à son égard (Meyer & Herscovitch, 2001 ; Vandenberghe, Mignonac, & Manville, 2015). L’engagement normatif évoque donc un sentiment de redevabilité envers son employeur. Cet engagement est particulièrement sollicité lorsque l’organisation investit dans ses employés, en lui fournissant des conditions d’emploi favorables, en termes d’investissement en formation ou soutien matériel (Meyer & Allen, 1991 ; Wiener, 1982). Selon la théorie de l’engagement (Meyer & Allen, 1991, 1997 ; Meyer & Herscovitch, 2001), le principe qui régit la dynamique de l’engagement normatif est la norme de réciprocité (Gouldner, 1960). Ce principe, présent chez tous les individus, veut que lorsqu’un individu reçoit un don, il ressente l’obligation de rendre la pareille (Mignonac & Richebé, 2013 ; Watkins, Scheer, Ovnicek, & Kolts, 2006). Ce sentiment d’obligation perçue est central dans l’engagement normatif. Il serait évoqué dès que l’individu perçoit que son employeur investit en lui ou lui offre des conditions favorables (Meyer & Allen, 1997). Suivant cette logique, des opportunités de carrière et de développement importantes devraient constituer un inducteur puissant d’un sentiment d’obligation chez l’employé. Dès lors, l’ouverture à l’expérience devrait engendrer un engagement normatif accru lorsque ces opportunités sont nombreuses. Nous proposons donc l’hypothèse suivante :

Hypothèse 2b : Les opportunités de carrière et de développement dans l’organisation agissent comme un modérateur de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement normatif, de sorte que cette relation est plus forte lorsque les opportunités de carrière et de développement sont nombreuses.

19 Les opportunités de carrière et de développement devraient également agir comme un modérateur de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement par sacrifices perçus. La dimension de sacrifices perçus évoque des coûts matériels ou psychologiques que l’individu pourrait encourir s’il décidait de quitter (Johnson, Chang, & Yang, 2010 ; Vandenberghe & Panaccio, 2012). Ces coûts dissuaderaient l’individu de démissionner. Les coûts matériels peuvent être liés au salaire, aux primes ou aux avantages matériels (par exemple, plans de retraite complémentaire). Les coûts psychologiques renvoient plus particulièrement à la signification et à la qualité de l’emploi occupé. Les opportunités de carrière et de développement pourraient indirectement augmenter ces différents coûts pour l’employé. Par exemple, ces opportunités permettraient d’accéder à des emplois mieux rémunérés et/ou d’une qualité intrinsèque plus élevée. Par conséquent, il est probable que les individus ouverts à l’expérience, qui perçoivent des opportunités de carrière importantes, en tirent un engagement par sacrifices perçus plus élevé. Nous formulons donc l’hypothèse suivante :

Hypothèse 2c : Les opportunités de carrière et de développement dans l’organisation agissent comme un modérateur de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement par sacrifices perçus, de sorte que cette relation est plus forte lorsque les opportunités de carrière et de développement sont nombreuses.

20 Enfin, les opportunités de carrière et de développement peuvent exercer un effet modérateur entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement par manque d’alternatives. En effet, la présence d’opportunités internes peut révéler à l’employé qu’il possède des compétences et des aptitudes pertinentes pour divers emplois. Ceci pourrait accroître le sentiment d’auto-efficacité de l’employé et se traduire par un engagement par manque d’alternatives plus faible (Vandenberghe, Panaccio, & Ben Ayed, 2011). Autrement dit, la présence d’opportunités internes donnerait à l’employé le sentiment d’être capable de saisir des opportunités d’emploi variées (ce qui correspond à un engagement réduit par manque d’alternatives).

Hypothèse 2d : Les opportunités de carrière et de développement dans l’organisation agissent comme un modérateur de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement par manque d’alternatives, de sorte que cette relation est plus forte et négative lorsque les opportunités de carrière et de développement sont nombreuses.

21 Si nous considérons que les formes d’engagement organisationnel constituent des prédicteurs négatifs bien connus de l’intention de quitter (Meyer et al., 2002), nos hypothèses de modération devraient conduire à des effets de médiation modérée. Dans ceux-ci, l’ouverture à l’expérience serait indirectement plus fortement associée à l’intention de quitter lorsque les opportunités de carrière sont nombreuses dans l’organisation. Ceci conduit à formuler une dernière hypothèse :

Hypothèse 3 : Les opportunités de carrière et de développement dans l’organisation agissent comme un modérateur de la relation indirecte entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter, par l’intermédiaire de l’engagement (a) affectif, (b) normatif, (c) par sacrifices perçus et (d) par manque d’alternatives, de sorte que cette relation indirecte est plus forte lorsque les opportunités de carrière et de développement sont nombreuses.

22 Notre modèle théorique est présenté dans la figure 1.

Figure 1. Modèle théorique de l’étude. Figure 1. Theoretical model for the study.

Figure 1. Modèle théorique de l’étude. Figure 1. Theoretical model for the study.

III. Méthode

III.1. Participants

23 L’étude a été menée auprès d’un échantillon de 201 employés sans responsabilité managériale ou de supervision et travaillant dans des emplois de service. Les participants proviennent de départements comprenant des employés non-professionnels travaillant dans des organisations œuvrant dans diverses industries (assurances, banques, éducation, services électroniques, et télécommunications) au Québec. Parmi ceux-ci, 36,2 % sont des femmes. L’âge moyen des répondants était de 33,30 ans (ET = 5,97) et l’ancienneté moyenne dans l’organisation était de 3,03 ans (ET = 3,31). La plupart des répondants travaillaient à temps plein (85,4 %). En termes de niveau de scolarité, la distribution se présente comme suit : études secondaires (5,6 %), études collégiales (24,6 %), baccalauréat (40,0 %), maîtrise (26,2 %) et doctorat (3,6 %).

III.2. Outils utilisés

24 L’ouverture à l’expérience a été mesurée à l’aide d’une sous-échelle de 10 items provenant du Big Five Inventory (BFI), instrument créé par John, Donahue, et Kentle (1991) pour mesurer les cinq grands facteurs de personnalité. Nous avons utilisé une version française validée de l’échelle d’ouverture à l’expérience (Panaccio & Vandenberghe, 2012). La phrase introductive suivante a été utilisée : « Je suis quelqu’un qui… » Cette phrase était suivie d’une série d’affirmations décrivant le trait d’ouverture à l’expérience (par ex. : « aime réfléchir, jouer avec les idées »). L’analyse de la consistance interne de cette échelle, par alpha de Cronbach, a cependant révélé que les deux énoncés négatifs (« préfère les tâches routinières », et « a peu d’intérêts artistiques ») affaiblissaient le coefficient alpha de Cronbach de l’échelle. Dès lors, ils ont été supprimés. L’échelle finale de 8 items avait un alpha de .74.

25 Les opportunités de carrière dans l’organisation ont été mesurées par une échelle de trois énoncés développée par Kraimer et al. (2011). L’échelle a été traduite en français suivant une procédure de traduction et contre-traduction (Schaffer & Riordan, 2003). Un exemple d’item est le suivant : « Il y a des opportunités de carrière attractives pour moi dans cette organisation. » Le coefficient alpha de Cronbach de cette échelle dans cette étude était de .88.

26 Les composantes d’engagement ont été mesurées par le biais d’une version française adaptée (Bentein, Vandenberg, Vandenberghe, & Stinglhamber, 2005 ; Stinglhamber et al., 2002) de l’échelle d’engage­ment organisationnel de 18 items de Meyer, Allen, et Smith (1993). L’engage­ment affectif (par ex. « J’éprouve vraiment un sentiment d’appartenance envers mon organisation ») et l’engagement normatif (par ex. « Il ne serait pas moralement correct de quitter mon organisation actuelle maintenant ») ont été mesurés chacun à l’aide de 6 énoncés. Leurs coefficients alphas de Cronbach s’élevaient à .93 et .88, respectivement. L’engagement par sacrifices perçus (par ex. « Pour moi personnellement, quitter mon organisation actuelle aurait beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages ») et l’engagement par manque d’alternatives (par ex. « J’estime mes possibilités de choix trop limitées pour envisager de quitter mon organisation actuelle ») ont chacun été mesurés par trois énoncés. Le coefficient alpha de Cronbach de ces échelles était de .79, et .81, respectivement.

27 L’intention de quitter l’organisation a été mesurée à l’aide d’une échelle de trois items validée en français par Panaccio et Vandenberghe (2011) (par ex. « J’ai l’intention de chercher un emploi ailleurs durant l’année qui vient ») à partir des items de Hom et Griffeth (1991) et Jaros (1997). Le coefficient alpha de Cronbach de cette échelle était de .85 dans cette étude.

28 Tous les énoncés utilisés dans l’étude étaient assortis d’une échelle de réponse allant de 1 (pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait d’accord).

III.3. Procédure

29 L’étude a été réalisée par l’intermédiaire d’une firme de sondage qui a contacté des responsables de départements d’emplois de service dans des grandes organisations du secteur tertiaire. Après avoir obtenu l’accord des responsables des départements concernés, un membre de l’équipe de recherche a remis en mains propres le questionnaire d’enquête, lequel incluait les variables de l’étude ainsi que plusieurs variables démographiques. Une lettre d’accompagnement précisait aux répondants potentiels que les données recueillies seraient confidentielles et serviraient seulement des objectifs de recherche. Les questionnaires remplis étaient remis deux semaines plus tard dans une enveloppe scellée à un membre de l’équipe de recherche. Au total, 201 des 450 questionnaires distribués ont été remplis et récupérés auprès des employés approchés, ce qui correspond à un taux de réponse de 44,67 %.

III.3. Analyse

30 Sur le plan des analyses, nous avons d’abord procédé à des analyses factorielles confirmatoires, à des tests de fiabilité de cohérence interne par alpha de Cronbach sur l’ensemble des échelles et ensuite aux analyses de corrélations entre les variables. Ensuite, nous avons effectué des analyses de régression multiple en utilisant les composantes d’engagement et l’intention de quitter comme variables dépendantes successives. Ces analyses nous ont permis de tester les hypothèses de modération et nous ont fourni l’information de base permettant de procéder aux analyses des effets de médiation et de médiation modérée qui ont été postulés dans cette étude.

IV. Résultats

IV.1. Analyses factorielles confirmatoires

31 Nous avons d’abord procédé à des analyses factorielles confirmatoires afin d’examiner la structure des données. Ces analyses ont été réalisées par le biais du logiciel LISREL 8.80 (Jöreskog, Sörbom, Du Toit, & Du Toit, 2001) à partir d’une matrice de covariances, et suivant la méthode du maximum de vraisemblance. Les résultats de ces analyses sont présentés dans le tableau 1. En raison de données manquantes, ces analyses ont été menées sur un échantillon de 198 plutôt que 201 participants. Le modèle théorique à 7 facteurs présente un très bon ajustement aux données, χ² (443, N = 198) = 849,13, p < .001, NNFI = .94, CFI = .95, RSMR = .069, RMSEA = .066, AIC = 992,56. Plusieurs modèles plus parcimonieux que notre modèle théorique (à 6 ou à 4 facteurs ; voir tableau 1) ont également été testés. Ces modèles ont été obtenus en combinant les items relatifs à deux ou quatre facteurs considérés comme séparés dans le modèle théo­rique. Ces modèles alternatifs étant emboîtés dans le modèle théorique, leur ajustement relatif pouvait être comparé à celui du modèle théorique via un test de chi-carré différentiel (Bentler & Bonett, 1980). Comme l’indique le tableau 1, le modèle théorique présente une adéquation significative­ment meilleure aux données que tout autre modèle alternatif (p < .001).

Tableau 1. Résultats des analyses factorielles confirmatoires : indices d’ajustement. Table 1. Results of confirmatory factor analyses: Fit indices.

Tableau 1. Résultats des analyses factorielles confirmatoires : indices d’ajustement. Table 1. Results of confirmatory factor analyses: Fit indices.

Tableau 1. Résultats des analyses factorielles confirmatoires : indices d’ajustement. Table 1. Results of confirmatory factor analyses: Fit indices.

Note : N = 198. dl = degrés de liberté ; EA = engagement affectif ; EN = engagement normatif ; SP = engagement par sacrifices perçus ; MA = engagement par manque d’alternatives, NNFI = non-normed fit index, CFI = comparative fit index, SRMR = standardized root mean square residual, RMSEA = root mean square error of approximation, AIC = Akaike’s information criterion.
*p < .001.

IV.2. Corrélations

32 Le tableau 2 présente les coefficients de corrélations Bravais-Pearson et les résultats des tests de fiabilité de consistance interne par alpha de Cronbach pour les variables de l’étude. Les coefficients alphas de Cronbach des variables présentent une valeur supérieure au seuil de .70 (Nunnally & Bernstein, 1994). L’ouverture à l’expérience corrèle positivement avec l’engagement affectif (r = .31, p < .01), normatif (r = .18, p < .05), et par sacrifices perçus (r = .15, p < .05). L’ouverture à l’expérience (r = –.11, ns) et les opportunités de carrière (r = .11, ns) sont non corrélées avec l’engagement par manque d’alternatives. Les opportunités de carrière corrèlent positivement avec l’engagement affectif (r = .54, p < .01), normatif (r = .39, p < .01), et par sacrifices perçus (r = .38, p < .01). Par ailleurs, l’engagement affectif (r = –.32, p < .01), l’engage­ment normatif (r = –.23, p < .01) et l’engagement par sacrifices perçus (r = –.27, p < .01) corrèlent négativement avec l’intention de quitter. L’engagement par manque d’alternatives ne corrèle pas avec l’intention de quitter (r = .02, ns). Enfin, les opportunités de carrière ont également une corrélation négative avec l’intention de quitter (r = –.37, p < .01). Il est intéressant d’observer qu’il n’y a pas de corrélation significative entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter (r = –.05, ns), ce qui n’exclut pas la possibilité d’effets indirects par l’intermédiaire des dimensions d’engagement.

Tableau 2. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables. Table 2. Means, standard deviations and correlations among variables.

Tableau 2. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables. Table 2. Means, standard deviations and correlations among variables.

Tableau 2. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables. Table 2. Means, standard deviations and correlations among variables.

Note : Ns = 186-200. Pour le genre, 1 = Femme, 2 = Homme. OC = opportunités de carrière ; OE = ouverture aux expériences ; EA = engagement affectif ; EN = engagement normatif ; SP = engagement par sacrifices perçus ; MA = engagement par manque d’alternatives. Les coefficients alphas de Cronbach sont rapportés sur la diagonale entre parenthèses.
*p < .05 ; **p < .01.

IV.3. Régressions multiples

33 Plusieurs régressions multiples ont été menées afin de fournir l’information de base permettant de tester nos hypothèses. Le tableau 3 présente les résultats des analyses de régression multiple pour lesquelles chaque dimension d’engagement constitue alternativement la variable dépendante. Dans celui-ci, le premier modèle inclut les variables sociodémographiques et l’ouverture à l’expérience ; le second modèle ajoute la variable modératrice (opportunités de carrière) et l’interaction entre ouverture aux expériences et modérateur. Le tableau 4 présente les résultats des analyses de régression pour lesquelles l’intention de quitter est la variable dépendante : le premier modèle inclut les variables sociodémographiques, l’ouverture à l’expérience, et les dimensions d’engagement ; le second modèle ajoute les opportunités de carrière et son interaction avec l’ouverture à l’expérience.

Tableau 3. Résultats des analyses de régression pour les composantes d’engagement. Table 3. Results of regression analyses for commitment components.

Tableau 3. Résultats des analyses de régression pour les composantes d’engagement. Table 3. Results of regression analyses for commitment components. Tableau 4. Résultats des analyses de régression pour l’intention de quitter. Table 4. Results of regression analyses for turnover intention.

Tableau 3. Résultats des analyses de régression pour les composantes d’engagement. Table 3. Results of regression analyses for commitment components.

Note : Ns = 181-185. Pour le genre, 1 = Femme, 2 = Homme. EA = engagement affectif ; EN = engagement normatif ; SP = engagement par sacrifices perçus ; MA = engagement par manque d’alternatives ; M1 = modèle 1 ; M2 = modèle 2. À l’exception de la ligne R 2, les valeurs rapportées sont des betas de régression (standardisés).
*p < .05; **p < 0.01; ***p < 0.001.

34 Hypothèse 1. – L’hypothèse 1 stipulait que l’engagement affectif média­tiserait une relation négative entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter. Le tableau 3 montre que l’ouverture à l’expérience est positivement liée à l’engagement affectif (modèle 1 : β = .30, p < .001) alors que ce dernier est lié négativement à l’intention de quitter (tableau 4, modèle 1 : β = –.23, p < .01). Pour déterminer si l’ouverture à l’expérience était indirectement liée à une moindre intention de quitter par l’intermédiaire de l’engagement affectif, nous avons adopté la technique du bootstrap et utilisé la macro PROCESS pour SPSS de Hayes (2013). Cette analyse a été réalisée à partir de 5 000 rééchantillonnages avec remise de notre échantillon original et a permis de calculer un intervalle de confiance (IC) à 95 % (p < .05) (MacKinnon, Lockwood, & Williams, 2004) pour l’effet indirect de l’ouverture à l’expérience via l’engagement affectif. Le résultat de cette analyse montre que cet effet indirect est significatif (–.20, IC à 95 % = –.37, –.09). L’hypothèse 1 est donc confirmée.

Tableau 4. Résultats des analyses de régression pour l’intention de quitter. Table 4. Results of regression analyses for turnover intention.

Tableau 4. Résultats des analyses de régression pour l’intention de quitter. Table 4. Results of regression analyses for turnover intention.

Tableau 4. Résultats des analyses de régression pour l’intention de quitter. Table 4. Results of regression analyses for turnover intention.

Note : Ns = 182 et 181, respectivement. Pour le genre, 1 = Femme, 2 = Homme. EA = engagement affectif ; EN = engagement normatif ; SP = engagement par sacrifices perçus ; MA = engagement par manque d’alternatives. À l’exception de la ligne R 2, les valeurs rapportées sont des betas de régression (standardisés).
**p < 0.01 ; ***p < 0.001.

35 Hypothèses 2a-d. – Les hypothèses 2a-d spécifiaient que les opportunités de carrière interagiraient avec l’ouverture à l’expérience dans le développement de l’engagement affectif, normatif, par sacrifices perçus, et par manque d’alternatives. Ces relations seraient plus fortes lorsque les opportunités de carrière sont importantes dans l’organisation. Cette hypothèse a été examinée par le biais d’une série de régressions multiples modérées dans lesquelles les variables suivantes ont été introduites : âge, genre, et ancienneté (variables de contrôle), ouverture aux expériences et opportunités de carrière (centrées ; Aiken & West, 1991), et interaction ouverture aux expériences × opportunités de carrière. Comme le montre le tableau 3 (modèle 2), l’ouverture à l’expérience n’interagit pas significativement avec les opportunités de carrière pour l’engagement affectif (modèle 2 : β = .11, ns) ou l’engagement par manque d’alternatives (modèle 2 : β = .11, ns). Les hypothèses 2a et 2d sont donc infirmées. En revanche, elle interagit significative­ment avec les opportunités de carrière pour l’engagement normatif (modèle 2 : β = .28, p < .001) et par sacrifices perçus (modèle 2 : β = .20, p < .01).

36 La figure 2 représente graphiquement l’interaction entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement normatif en montrant la relation entre ces deux variables à un écart-type au-dessus et un écart-type en dessous de la moyenne des opportunités de carrière (Aiken & West, 1991). La relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement normatif est significative­ment positive lorsque les opportunités de carrière dans l’organisation sont élevées [t(181) = 3,33, p < .01], mais non significative lorsqu’elles sont faibles [t(181) = –0,63, ns]. De plus, la différence entre ces deux droites de régression est significative [t(181) = 3,86, p < .001]. L’hypothèse 2b est donc confirmée.

Figure 2. Interaction entre l’ouverture à l’expérience et les opportunités de carrière pour l’engagement normatif. Figure 2. Interaction between openness to experience and career opportunities for normative commitment.

Figure 2. Interaction entre l’ouverture à l’expérience et les opportunités de carrière pour l’engagement normatif. Figure 2. Interaction between openness to experience and career opportunities for normative commitment.

Figure 2. Interaction entre l’ouverture à l’expérience et les opportunités de carrière pour l’engagement normatif. Figure 2. Interaction between openness to experience and career opportunities for normative commitment.

37 Suivant la même procédure, la figure 3 présente la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement par sacrifices perçus en fonction des opportunités de carrière. Cette relation est significativement positive lorsque les opportunités de carrière sont élevées [t(181) = 2,29, p < .05] mais non significative lorsqu’elles sont faibles [t(181) = –0,69, ns]. De plus, la différence entre ces deux droites de régression est significative [t(181) = 2,86, p < .01]. L’hypothèse 2c est donc confirmée.

Figure 3. Interaction entre l’ouverture à l’expérience et les opportunités de carrière pour l’engagement par sacrifices perçus. Figure 3. Interaction between openness to experience and career opportunities for perceived sacrifice commitment.

Figure 3. Interaction entre l’ouverture à l’expérience et les opportunités de carrière pour l’engagement par sacrifices perçus. Figure 3. Interaction between openness to experience and career opportunities for perceived sacrifice commitment.

Figure 3. Interaction entre l’ouverture à l’expérience et les opportunités de carrière pour l’engagement par sacrifices perçus. Figure 3. Interaction between openness to experience and career opportunities for perceived sacrifice commitment.

38 Hypothèses 3a-d. – L’hypothèse 3a-d prédisait que les opportunités de carrière agiraient comme un modérateur de la relation indirecte entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter via l’engagement affectif (hypothèse 3a), normatif (hypothèse 3b), par sacrifices perçus (hypothèse 3c) et par manque d’alternatives (hypothèse 3d). Ces relations indirectes seraient plus fortes lorsque les opportunités de carrière sont élevées. Nous avons observé que l’ouverture à l’expérience n’interagit pas significativement avec les opportunités de carrière pour l’engagement affectif (tableau 3, modèle 2 : β = .11, ns) et par manque d’alternatives (tableau 3, modèle 2 : β = .11, ns). Dès lors, la relation indirecte entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter via ces deux formes d’engagement ne peut être modérée par les opportunités de carrière. En effet, suivant la même procédure de bootstrap évoquée plus haut (5 000 rééchantillonnages avec remise) et en utilisant la macro PROCESS pour SPSS de Hayes (2013), l’analyse révèle que l’index de médiation modérée est non significatif dans le cas de l’engagement affectif (–.03, IC à 95 % = –.15, .01) et de l’engagement par manque d’alternatives (.04, IC à 95 % = –.01, .12). Les hypothèses 3a et 3d sont donc infirmées. Par ailleurs, l’ouverture à l’expérience interagit significativement avec les opportunités de carrière pour l’engagement normatif (tableau 3, modèle 2 : β = .28, p < .001) et par sacrifices perçus (tableau 3, modèle 2 : β = .20, p < .01). Par contre, l’engage­ment normatif n’est pas lié à l’intention de quitter (tableau 4, modèle 1 : β = .01, ns), contrairement à l’engagement par sacrifices perçus (tableau 4, modèle 1 : β = –.34, p < .01). Ces conditions sont propices à un effet de médiation modérée pour l’engagement par sacrifices perçus seulement. En effet, l’analyse révèle que l’index de médiation modérée est non significatif dans le cas de l’engagement normatif (–.003, IC à 95 % = –.09, .08), ce qui infirme l’hypothèse 3b. Cet index est significatif pour l’engagement par sacrifices perçus (–.08, IC à 95 % = –.18, –.01). Plus spécifiquement, l’effet indirect de l’ouverture à l’expérience sur l’intention de quitter via l’engagement par sacrifices perçus est significativement négatif lorsque les opportunités de carrière sont élevées (–.12, IC à 95 % = –.33, –.01) mais non significatif lorsqu’elles sont faibles (.03, IC à 95 % = –.02, .13). L’hypothèse 3c est donc confirmée.

39 Notons que les opportunités de carrière ont un effet résiduel négatif sur l’intention de quitter (tableau 4, modèle 2 : β = –.28, p < .001). L’engagement par manque d’alternatives a quant à lui un effet positif sur l’intention de quitter (tableau 4, modèle 2 : β = .23, p < .01).

V. Discussion

40 L’objectif de notre étude était (1) d’examiner le rôle de l’ouverture à l’expérience, un trait de personnalité controversé et peu étudié, dans l’intention de quitter, (2) de déterminer si l’engagement organisationnel (affectif) médiatisait cette relation, et (3) d’explorer le rôle du contexte au travers des opportunités de carrière et de développement. Nous discutons ci-dessous les résultats de notre recherche empirique selon la dimension de l’engagement organisationnel impliquée.

V.1. Médiation de l’engagement affectif dans la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter

41 Les résultats démontrent tout d’abord que l’engagement affectif est un médiateur important de la relation négative entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter, confirmant ainsi l’hypothèse 1. Ceci indique que les caractéristiques propres aux personnes ouvertes aux expériences, comme la curiosité, l’ouverture au changement, la flexibilité, l’adaptabilité, et la tendance aux émotions positives, permettent de développer un engage­ment affectif et in fine de réduire l’intention de quitter son organisation. Ce résultat contredit l’étude de Zimmerman (2008), laquelle montre que les personnes ouvertes aux expériences ont une propension significative à quitter leur organisation de façon spontanée (sans délibération cognitive). Cette propension serait imputable à leur curiosité naturelle envers la nouveauté et toute opportunité attractive. Cependant, l’étude méta-analytique de Zimmerman n’a pas examiné la possibilité que l’ouverture à l’expérience pouvait, indépendamment de son association positive avec le risque de démission, stimuler l’engagement affectif, et ce faisant indirectement réduire l’intention de quitter. Les résultats de notre étude présentent des liens avec les travaux de Zargar et al. (2014). En effet, ces auteurs ont montré que le défi au travail engendrait d’autant plus d’engagement affectif chez les employés que ceux-ci avaient un besoin de croissance élevé, à savoir un besoin probablement présent dans le trait d’ouverture aux expériences.

V.2. Modération de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement affectif par les opportunités de carrière et la médiation modérée sur l’intention de quitter

42 Il faut néanmoins souligner que la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement affectif, et le lien indirect avec l’intention de quitter ne sont pas modérés par les opportunités de carrière et de développement perçues dans l’organisation, infirmant ainsi les hypothèses 2a et 3a. Cela signifie que les opportunités de carrière ne favorisent pas la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement affectif (bien que celles-ci présentent une corrélation positive avec ces deux variables : voir tableau 2). Une explication plausible à ce non résultat serait que les opportunités de carrière agissent comme un prédicteur principal de l’engagement affectif. En effet, comme le montre le tableau 3, la relation entre les opportunités de carrière et l’engagement affectif est significative (b = .48, p < .001). Ceci confirme d’ailleurs l’effet principal, observé dans d’autres études, des pratiques de développement de la carrière (Gong & Chang, 2008) et de différents aspects de la croissance de carrière (Weng, McElroy, Morrow, & Liu, 2010) sur l’engagement affectif. Ainsi, les opportunités de carrière construiraient à elles seules une relation d’échange social au nom de l’organisation avec l’employé (Cropanzano & Mitchell, 2005) mais n’interviendraient pas dans la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engage­ment affectif.

V.3. Modération de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement normatif par les opportunités de carrière et la médiation modérée sur l’intention de quitter

43 Par ailleurs, un autre résultat intéressant est l’effet modérateur observé des opportunités de carrière et de développement dans la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement normatif, ce qui confirme l’hypothèse 2b. En revanche, les opportunités de carrière ne jouent pas de rôle modérateur dans le lien indirect entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter par l’intermédiaire de l’engagement normatif, ce qui infirme l’hypothèse 3b. En fait, les opportunités de carrière et de développement dans l’organisation amènent les employés ouverts aux expériences à se sentir plus redevables envers leur organisation. Suivant le principe de réciprocité qui agit en sous-bassement de l’engagement normatif (Gouldner, 1960 ; Meyer & Allen, 1991), la présence d’opportunités de carrière dans l’organisation est interprétée par les employés ouverts aux expériences comme une marque de soutien à leur égard. Ceci créerait chez eux un sentiment d’obligation envers leur employeur (Meyer & Herscovitch, 2001). Il est important de noter que ce phénomène se produit seulement chez les employés ouverts aux expériences. Le sens d’obligation apparaîtrait parce que les opportunités ainsi offertes rencontrent les besoins profonds de ces employés pour la nouveauté et le changement (Choi et al., 2015). Cependant, ceci n’est pas suffisant pour que l’effet modérateur des opportunités de carrière s’étende à l’effet indirect de l’ouverture à l’expérience sur l’intention de quitter via l’engagement normatif. Ceci s’explique par le fait que l’engagement normatif n’a pas d’effet sur l’intention de quitter (voir tableau 4). Cette absence d’effet, observée aussi dans d’autres études, a historiquement amené certains auteurs à questionner la validité de l’engagement normatif par rapport à l’engagement affectif (Ko et al., 1997).

V.4. Modération de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement par sacrifices perçus par les opportunités de carrière et la médiation modérée sur l’intention de quitter

44 Les opportunités de carrière et de développement exercent aussi un rôle modérateur dans la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engage­ment par sacrifices perçus, confirmant ainsi l’hypothèse 2c. De plus, cet effet modérateur s’étend au lien indirect entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter par l’intermédiaire de l’engagement par sacrifices perçus, ce qui confirme l’hypothèse 3c. En d’autres termes, les opportunités de carrière renforcent le lien instrumental entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement par sacrifices perçus, suggérant que les personnes ouvertes aux expériences interprètent les opportunités de carrière comme augmentant le coût de l’appartenance à l’organisation. Quitter l’organisation occasionnerait la perte d’opportunités de carrière, ce qui entraine­rait une élévation du niveau de l’engagement de continuité par sacrifices perçus. In fine, ceci diminuerait l’intention de quitter des employés ouverts aux expériences. À notre connaissance, cette étude est une des premières à élucider un mécanisme par lequel l’engagement de continuité (par sacrifices perçus) réagit à des conditions d’environnement en interaction avec un trait de personnalité. Un aspect central de ce résultat est en fait que l’engagement de continuité par sacrifices perçus répondrait à un mécanisme d’échange économique plutôt que social (Blau, 1964), exprimant ainsi une de ses caractéristiques fondamentales (Meyer & Allen, 1991). Cette étude constitue donc une approche nouvelle et originale qui ouvre la voie à d’autres recherches sur la dynamique de l’engagement de continuité (Vandenberghe & Panaccio, 2012, 2015).

V.5. Modération de la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement par manque d’alternatives par les opportunités de carrière et la médiation modérée sur l’intention de quitter

45 Enfin, nos résultats révèlent que les opportunités de carrière n’exercent pas de rôle modérateur dans la relation entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement par manque d’alternatives, infirmant l’hypothèse 2d. De même, le lien indirect entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter par l’intermédiaire de l’engagement par manque d’alternatives n’est pas influencé par les opportunités de carrière, ce qui infirme l’hypothèse 3d. Une explication plausible pour ce non-résultat serait que les opportunités de carrière examinées dans notre étude concernent celles qui se présentent à l’intérieur même de l’organisation. Or, l’engagement par manque d’alternatives évoque un engagement basé sur la perception des alternatives d’emploi à l’extérieur de l’organisation (Vandenberghe et al., 2011). Cette divergence expliquerait l’infirmation de nos hypothèses d’interaction pour l’engagement par manque d’alternatives.

V.6. Contributions théoriques et pratiques

46 D’un point de vue théorique, cette étude apporte une contribution à la compréhension des liens entre les traits de personnalité du Big Five et l’engagement organisationnel et l’intention de quitter, un domaine souvent délaissé au profit de l’influence de variables situationnelles, structurelles, ou expérientielles (Kell & Motowidlo, 2012). L’impact des traits du Big Five sur des résultantes de travail telles que la performance a cependant été largement investigué (Barrick & Mount, 1991 ; Salgado, 1997). Néanmoins, l’ouverture à l’expérience restait à ce jour le trait de personnalité le moins bien connu et le plus controversé quant à ses effets (Griffin & Hesketh, 2004 ; Zimmerman, 2008). Par exemple, sa valeur discriminante par rapport à la dimension d’extraversion a été remise en question (Eysenck, 1992). L’ouverture à l’expérience pourrait posséder un caractère paradoxal d’une part par la propension qui lui est associée de générer des départs volontaires spontanés (Maertz & Griffeth, 2004 ; Zimmerman, 2008) et d’autre part par son association à un engagement affectif plus élevé, tel qu’observé dans cette étude. Des travaux futurs pourraient mesurer l’impact direct de l’ouverture à l’expérience sur le risque de départ volontaire de même que ses effets indirects via l’engagement affectif sur l’intention de quitter, et le risque de départ volontaire lui-même. Une telle étude serait forcément de nature longitudinale et permettrait d’établir si l’effet total (effet direct et effet indirect) de l’ouverture à l’expérience sur le risque de démission est positif ou négatif. La réponse à cette question complexe reste inconnue à ce jour.

47 Une deuxième contribution de notre étude est d’avoir révélé que l’effet de l’ouverture à l’expérience sur d’autres composantes d’engagement (engagement normatif et par sacrifices perçus), et potentiellement l’intention de quitter, dépend du niveau d’opportunités de carrière et de développement dans l’organisation. Les voies par lesquelles l’ouverture à l’expérience peut in fine influencer l’intention de démission sont donc multiples et complexes. Des opportunités de carrière nombreuses amplifient aussi les effets positifs indirects de l’ouverture à l’expérience sur la rétention des employés dans l’organisation. De plus, il est intéressant de noter qu’il y a une relation positive significative entre l’ouverture à l’expérience et la perception d’opportunités de carrière et de développement (tableau 1). Les personnes ouvertes aux expériences, probablement en raison de leur curiosité naturelle, seraient proactives dans la recherche de nouvelles expériences, ce qui se traduirait par la découverte d’opportunités plus nombreuses au sein de l’organisation.

48 Nos résultats indiquent que la personnalité fait partie intégrante des facteurs contribuant à la rétention des employés. D’autres recherches sont cependant nécessaires pour établir l’influence d’autres variables de personnalité sur l’engagement organisationnel et l’intention de quitter, telles la personnalité proactive ou le lieu de contrôle. De plus, nos résultats suggèrent que l’impact des traits de personnalité doit se concevoir en fonction du contexte dans lequel les employés évoluent. En cela, nos résultats s’inscrivent dans le paradigme classique des interactions personne-situation comme facteurs explicatifs des attitudes et comportements (Lewin, 1951). Les facteurs situationnels sont susceptibles d’augmenter ou de diminuer l’effet et la manifestation des traits de personnalité (Meyer, Dalal, & Hermida, 2010 ; Tett & Guterman, 2000). En ce qui concerne spécifiquement l’ouverture à l’expérience, le manque de prise en compte des facteurs de situation peut en partie expliquer les résultats contradictoires observés par le passé. En effet, suivant les études, l’effet de l’ouverture à l’expérience sur la performance a été rapporté comme étant positif (Furnham & Fudge, 2008 ; Hogan & Holland, 2003 ; Lepine et al., 2000) ou négatif (Penney, Davis, & Witt, 2011 ; Rose, Barron, Carretta, Arnold, & Howse, 2014).

49 D’un point de vue pratique, cette étude montre que les organisations ont tout intérêt à offrir à leurs employés des opportunités de carrière et de développement, car cela contribue à fidéliser les employés ouverts aux expériences. Ce profil d’employés est particulièrement utile dans les contextes de travail où les changements sont nombreux et dans des organisations confrontées à des environnements dynamiques (Moss et al., 2007). Ces employés sont naturellement doués pour trouver des solutions créatives aux problèmes (Erdheim et al., 2006). Ils possèdent des qualités de curiosité et de flexibilité très demandées dans ces contextes (Moss et al., 2007). Leur flexibilité, leur optimisme, et leur tendance à ressentir des émotions positives peuvent également avoir un impact sur la mise en place d’un climat de travail agréable. De même, ils peuvent inspirer leurs collègues dans l’acceptation de changements et l’adoption de nouvelles méthodes de travail. Étant donné qu’ils sont réceptifs aux tâches nouvelles et aux défis, ils présentent un profil idéal pour des transitions intra-organisationnelles et une mobilité verticale ou horizontale. Fidéliser ces employés peut être un atout pour les organisations œuvrant dans des industries en changement. Par ailleurs, les résultats de cette étude montrent que l’ouverture à l’expérience favorise l’engagement affectif et est ainsi indirectement liée à une moindre intention de quitter l’organisation. De plus, lorsque l’organisation est perçue comme un lieu offrant des opportunités de carrière, l’ouverture à l’expérience est associée à plus d’engagement normatif et d’engagement de continuité par sacrifices perçus, ce qui indirectement contribue aussi à une plus faible intention de départ. En identifiant mieux ceux qui, parmi leurs employés, sont ouverts aux expériences, et en leur offrant des parcours de carrière attractifs, les organisations pourront limiter le risque que ces employés démissionnent.

VI. Limites

50 Malgré l’importance de ces résultats, cette étude présente certaines limites. Tout d’abord, les données recueillies dans cette étude ont été collectées en un seul temps de mesure, limitant les inférences de causalité que l’on peut émettre à propos des relations entre les variables. Il serait souhaitable de recueillir d’autres données en utilisant un devis longitudinal afin de mieux cerner les relations entre les variables à travers le temps (Ployhart & Vandenberg, 2010). Par ailleurs, notre étude ne permet pas de déterminer si les effets indirects de l’ouverture à l’expérience via l’engagement affectif peuvent se traduire par une réduction réelle des départs volontaires. Il serait donc utile de mener des études longitudinales qui utilisent comme variable résultante finale les départs volontaires réels parmi les employés.

51 De même, l’utilisation exclusive de données auto-rapportées peut causer un biais de variance commune (Podsakoff, MacKenzie, & Podsakoff, 2012) et peut introduire un biais de désirabilité sociale. Néanmoins, il faut relativiser ce problème dans la mesure où le test d’effets d’interaction n’est pas positivement affecté par des problèmes de variance commune (pour une démonstration empirique, voir Siemsen, Roth, & Oliveira, 2010). De même, la désirabilité sociale aurait un effet peu marqué sur l’ouverture à l’expérience, et ce particulièrement par rapport aux autres traits de personnalité (Congard, Antoine, Ivanchack & Gilles, 2012). Il faut également noter qu’un biais d’auto-sélection des répondants ne peut être exclu. Celui-ci se manifesterait par un taux de participation plus élevé des employés ayant un score élevé à l’ouverture à l’expérience. Cependant, la moyenne et l’écart-type observés pour l’ouverture à l’expérience sont très proches des valeurs obtenues dans d’autres études (Panaccio & Vandenberghe, 2012). Un biais d’auto-sélection est donc peu probable.

52 Enfin, l’étude a été menée auprès d’une population spécifique, à savoir des travailleurs sans responsabilités managériales, non professionnels, et occupant des emplois de service. Nos résultats ne peuvent donc être généralisés à d’autres types d’emploi. Il serait utile de répliquer l’étude sur des échantillons plus diversifiés d’employés. De telles études contribueraient à déterminer si les résultats peuvent être généralisés à diverses populations. Par ailleurs, nous n’avons pu contrôler l’influence de l’industrie dans laquelle les participants travaillaient. Ceci constitue une autre limite à la généralisation de nos résultats. Enfin, notons que notre taux de réponses (44,67 %) est un peu faible.

VII. Conclusion

53 Cette étude avait pour objectif d’examiner les liens entre le trait de personnalité d’ouverture aux expériences, quatre composantes de l’engagement organisationnel (engagement affectif, normatif, par sacrifices perçus et manque d’alternatives) et l’intention de quitter l’organisation. De plus, nous avons exploré les opportunités de carrière et de développe­ment en tant que variable modératrice des relations entre l’ouverture à l’expérience et les quatre composantes de l’engagement. Les résultats obtenus suggèrent que : (1) l’engagement affectif exerce un rôle médiateur dans le lien négatif entre l’ouverture à l’expérience et l’intention de quitter et que (2) des opportunités de carrière et de développement plus nombreuses dans l’organisation renforcent le lien positif entre l’ouverture à l’expérience et l’engagement normatif et par sacrifices perçus.

54 Cette étude s’inscrit dans le courant des recherches mettant en évidence l’importance des caractéristiques individuelles comme variables prédictives des attitudes et du comportement au travail (Barrick et al., 2001 ; Bono & Judge, 2004 ; Erdheim et al., 2006 ; Judge et al., 2002). Nos résultats suggèrent que l’ouverture à l’expérience présente des avantages non négligeables pour toute organisation désireuse de mener une politique de rétention de ses employés. L’impact positif de ce trait de personnalité en termes de niveau d’engagement organisationnel parmi les employés (Kell & Motowidlo, 2012) et ses effets favorables dans des contextes économiques turbulents (Choi et al., 2015) devraient contribuer à améliorer la gestion du potentiel humain dans les organisations.

55 Manuscrit reçu : septembre 2016.

56 Accepté après révision par F. Darses : septembre 2017.

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