Couverture de TH_764

Article de revue

La charge mentale de travail : un concept qui reste indispensable, l'exemple de l'aéronautique

Pages 285 à 308

Notes

  • [1]
    DGAC/ DSNA/EEI/PII, 7 Av. E. Belin 31170 Toulouse, France. Université de Toulouse, Centre universitaire J-F Champollion, Place Verdun, 81012 Albi Cedex 9, France.
  • [2]
    Université de Toulouse, Centre universitaire J-F Champollion, Place Verdun, 81012 Albi Cedex 9, France.
  • [3]
    Human Engineering for Aerospace Lab. (HEAL) — THALES / ENSC, Bordeaux, France.
  • [4]
    Pourrait se traduire par “sens de l’air”, cependant le terme Anglophone est majoritairement employé dans le domaine de l’aéronautique

I – Introduction

1L’aéronautique désigne, par définition, l’ensemble des disciplines scientifiques et des technologies qui y sont associées, relatives à la construction et à l’évolution des aéronefs dans l’atmosphère terrestre (espace aérien). Initialement très instable et en quête perpétuelle de records, l’aviation est devenue en un peu moins d’une centaine d’années le mode de transport le plus sûr qui soit avec une occurrence d’accident inférieure à 10-5 (Amalberti, Auroy, Berwick, & Barach, 2005 ; Cegarra, Dehais, Causse & Martin, 2011). La démocratisation du transport aérien s’illustre d’ailleurs par le franchissement symbolique des 200 milliards de passagers-kilomètres peu avant les années 2000 (IFEN, 2004). Cette demande de transport aérien n’est d’ailleurs pas destinée à stagner mais bien à croître dans les années futures (Eurocontrol, 2007). Pour y faire face, la prise en compte des facteurs humains dans l’aéronautique est essentielle. En ce sens, le concept de charge mentale de travail y est souvent employé.

2Dans cet article, les situations de l’aéronautique seront décrites au travers du pilotage d’avions et du contrôle aérien afin d’identifier les principales caractéristiques de ces situations (voir aussi pour ces situations Bisseret, 1995 ; Amalberti, 1996). Par la suite, un modèle de régulation de l’activité sera proposé, nommé GCMA (Gestion de la Charge Mentale dans l’Aéronautique). Ce modèle a pour objectif de rassembler et de disposer les uns par rapport aux autres les différents paramètres permettant la régulation de l’activité. Le modèle GCMA vise enfin à associer cet ensemble de paramètres à la gestion de la charge mentale de travail effectuée par les opérateurs. Enfin, la dernière partie de cet article présente une revue des principales contributions et travaux sur la charge mentale qui permettent d’étayer le modèle et de le justifier. Cela nous permettra d’articuler le modèle avec les contributions théoriques existantes et de le discuter.

II – L’aéronautique au travers de deux situations

II.1 – Le pilotage d’avions

3L’aéronautique, qui englobe l’ensemble des opérations se rapportant aux aéronefs, est communément présentée à travers deux situations : le pilotage d’avions et le contrôle de la navigation aérienne. Dans le pilotage d’avions, les principales tâches du pilote, ainsi que les compétences et connaissances y étant associées sont regroupées dans ce que l’on nomme « airmanship » [4] : maintenir l’avion dans son enveloppe de vol, intégrer les informations nécessaires à la conduite d’un vol et, avec l’avènement du contrôle aérien, naviguer dans un espace aérien régulé. Cet ensemble s’est depuis complété par une activité de gestion des systèmes embarqués : motorisation de l’aéronef, systèmes hydrauliques, électriques, communications, systèmes de navigation, systèmes de pressurisation et d’oxygénation, systèmes de gestion des pannes et l’ensemble des systèmes d’assistance et d’automatisation. En ce sens, l’évolution du statut d’opérateur à celui de superviseur s’est accompagnée d’un changement radical des exigences du métier de pilote.

4Si piloter un avion récent consiste toujours à conduire un processus dynamique et à risque, la complexité des systèmes embarqués produit des contraintes supplémentaires.

5En situation nominale, le pilote contrôle un processus largement automatisé. Mais en situation dégradée, le pilote doit revenir « dans la boucle de décision » pour récupérer la situation. Comme dans d’autres situations dynamiques, ses compétences d’analyse et sa créativité rendent en fait le pilote irremplaçable (voir aussi Cegarra & van Wezel, 2012). Le pilote oscille dès lors entre deux modes de contrôle très différents :

  • Le contrôle de conformité aux attentes (conduite de processus). Le pilote se créé une représentation mentale du futur probable de la situation afin d’économiser ses ressources cognitives. La stratégie du pilote consiste à vérifier la conformité de l’état du système par rapport à la représentation qu’il s’est initialement construite.
  • La recherche de cohérence en situation dégradée (résolution de problème).
Pour résumer, les pilotes aujourd’hui doivent conserver cet « airmanship » acquis lors de leur formation initiale et le compléter avec des compétences en gestion de systèmes et gestion de crise. Devant la pluralité de ces capacités, le niveau d’expertise du pilote va dépendre de son aptitude à gérer ses ressources cognitives (Hoc & Amalberti, 2007) afin de réguler le niveau charge mentale en résultant.

II.2 – Le contrôle aérien

6Le principe du contrôle aérien est de guider les avions évoluant dans l’espace aérien soumis à contrôle (Smolensky & Stein, 1998). Son objectif principal est de garantir la sécurité de l’écoulement du trafic aérien, et d’ordonnancer la circulation aérienne. La tâche de contrôle aérien peut être caractérisée comme une tâche de supervision d’une situation dynamique. En effet, l’ensemble des évolutions du système ne dépend pas seulement des actions menées par les opérateurs, mais également d’évolutions autonomes de chaque aéronef.

7L’expertise humaine est essentielle au contrôle aérien car le moindre dysfonctionnement expose la situation à des risques d’une gravité élevée. Cette caractéristique illustre la nécessité, au cours de l’exécution de la tâche, de sécuriser la moindre action menée sur la situation de trafic par le biais d’une évaluation des risques. Elle est en fait un moyen d’assurer le maintien d’un niveau de sécurité dans la situation, par des stratégies efficientes. Assurer la sécurité de la situation de trafic aérien va donc principalement impliquer, pour le contrôleur aérien, de prévenir l’apparition de situations conflictuelles, communément appelées « conflits ». Un conflit est défini lorsque les trajectoires respectives de plusieurs avions (au moins deux) sont sécantes. Cela implique qu’à un moment donné la séparation entre les avions concernés risque d’être inférieure à la séparation minimale autorisée (Hwang & Tomlin, 2002). Pour résoudre les conflits, le contrôleur va donc anticiper les positions ultérieures des aéronefs. Lorsque la séparation anticipée se trouve en dessous des normes à respecter, un conflit est constaté.

8Pour synthétiser, la tâche de contrôle aérien est directement liée à une évaluation subjective entourée d’incertitude omniprésente quant à la position des avions, potentiellement différentes de celles prescrites en fonction des conditions météorologiques (orientation et sens du vent) et des événements se produisant à bord (malaise, prise d’otage, accouchement…). Pour s’adapter à la dynamique de la situation, le contrôleur actualise la représentation initiale qu’il s’est construite.

II.3 – Principales caractéristiques de ces deux situations

9Les présentations respectives du pilotage d’avions et du contrôle aérien, tâches de supervision en aéronautique, mettent en exergue une visée commune de garantie de la sécurité du transport aérien. Les similarités entre ces deux situations permettent de pointer un ensemble de caractéristiques rattachables aux opérations aéronautiques dans leur ensemble. Plus précisément, nous distinguons trois caractéristiques principales que nous décrivons ci-dessous.

II.3.1 – Des situations dynamiques et complexes

10La première d’entre elles porte sur le processus lui-même. Les situations aéronautiques sont définies comme dynamiques, et imposent des contraintes spécifiques comme l’avaient noté Hollnagel, Mancini et Woods dès 1988. Les informations définissant l’état de la situation, et qui varient au cours du temps, ne dépendent ainsi que partiellement des actions réalisées. En effet, le processus continue d’évoluer même sans intervention de l’opérateur. La garantie d’une action adaptée aux évolutions de la situation se traduit par l’intégration de ses états futurs, estimés par l’opérateur à l’aide d’anticipations ou d’attentes (Morineau, Hoc & Denecker, 2003). L’évolution de la situation va produire des changements qui, se combinant à la situation initiale, peuvent fortement modifier son niveau de complexité. Dans ce cas, l’opérateur doit évaluer cette évolution et l’intégrer à son action pour conserver un niveau de performance correct.

11Les situations aéronautiques sont également définies comme complexes. Une importante quantité de données agit sur la situation, ces données présentant de multiples interactions entre elles. L’intégration de l’état de la situation, ainsi qu’une analyse et un tri d’informations sont donc nécessaires pour que l’opérateur puisse gérer la situation. Les situations aéronautiques sont aussi multifocales. En effet, le nombre important de données définissant la situation peut être constitué de différents ensembles (instruments par exemple). Lorsque ces derniers sont traités indépendamment par l’opérateur, son attention, son analyse, voire son action, se focalisent sur une partie de la situation. Lorsqu’il exécute une tâche donnée, l’opérateur va donc interrompre le contrôle d’une partie de la situation, pour une durée plus ou moins importante.

II.3.2 – Des opérateurs experts dont le rôle est central pour les situations supervisées

12L’opérateur humain est, bien entendu, un des éléments qui caractérise les situations aéronautiques. Tout d’abord, il est essentiel de pointer la place occupée par l’opérateur (pilote, contrôleur) dans ces situations. Il y représente, pour ainsi dire, le dernier « filet de sauvegarde », puisqu’il est capable d’analyser, de s’adapter, et d’agir sur la situation en fonction d’un contexte donné. L’opérateur humain est généralement le dernier recours du système pour éviter l’occurrence d’un accident.

13Paradoxalement, l’opérateur est généralement rendu responsable des catastrophes, même si celles-ci résultent d’une situation trop complexe à gérer en raison des événements imprévus ou des erreurs de conception des systèmes embarqués. Cette caractéristique révèle la part d’incertitude dans toute situation aéronautique et la gestion continue des risques par l’opérateur.

14Les opérateurs des situations de l’aéronautique sont également caractérisés par leur niveau d’expertise. Ils ont tous un niveau d’expertise minimal acquis par le biais d’une formation poussée. Celle-ci garantit leurs aptitudes à gérer ce type de situations dans une enveloppe de situations données, où leurs compétences sont directement applicables. Cependant, ce niveau d’expertise n’est pas figé et évolue avec l’expérience acquise par les opérateurs, comme le souligne le courant Naturalistic Decision Making (NDM ; Klein, 2008). Cette évolution s’accompagne par l’alimentation d’une « bibliothèque » de représentations en mémoire qui permettent des raisonnements à base de cas. Elles correspondent en fait à des sous-ensembles « configuration de situation/mode opératoire associé » où, pour une situation particulière, l’opérateur a été en mesure de définir un plan d’action efficient qu’il estime pouvoir réutiliser en conséquence. Cette bibliothèque est essentielle à l’action menée par l’opérateur car elle lui permet de gérer des situations de façon économique en termes de ressources cognitives mobilisées (voir aussi Leplat, 1988). Lorsque la situation n’est pas incluse dans sa bibliothèque, l’opérateur doit construire un plan d’action adapté à la situation rencontrée. Dans ce cas, une phase d’analyse particulièrement coûteuse est nécessaire.

15Schématiquement, le niveau d’expertise de l’opérateur dépend de l’étendue de sa « bibliothèque » lui permettant de contrôler économiquement la situation (Bainbridge, 1989 ; Klein, 2008). De plus, le niveau d’expertise agit directement sur la façon dont l’opérateur gère ses ressources (Hoc & Amalberti, 2007). Une autre particularité associée à ces opérateurs porte sur leur adaptabilité. Cette caractéristique peut se décliner sous plusieurs formes. Lorsqu’il exécute sa tâche, l’opérateur va être amené à s’adapter à un niveau d’exigences qui va varier au cours du temps. Il va également devoir réguler, en fonction du niveau d’exigences défini, le niveau de ressources cognitives qu’il va mobiliser. Cela induit une gestion des priorités visant à définir, selon la situation, l’objectif visé pour un temps donné.

II.3.3 – Des tâches multiples et complémentaires nécessitant un niveau de performance élevé

16La dernière caractéristique associée aux situations de l’aéronautique porte sur les tâches à réaliser. En effet, celles-ci sont marquées par leur aspect multifocal. Il est possible de distinguer au sein de la tâche principale, plusieurs sous-tâches potentiellement concurrentielles (en termes de temps alloué et de ressources cognitives requises), mais complémentaires car toutes indispensables à la bonne réalisation de la tâche principale. Pour pallier cela, l’opérateur doit réaliser une gestion en parallèle du temps et des ressources pour réaliser les différentes sous-tâches. Cette gestion en parallèle qui se traduit par une priorisation des tâches.

17Les tâches sont également caractérisées par le niveau de performance à atteindre. La place centrale occupée par la sécurité dans ces situations implique que le niveau de performance doit être nécessairement élevé, sans quoi la situation pourrait rapidement se dégrader de par ses évolutions.

18Ainsi, à partir des caractéristiques du processus, de l’opérateur et des tâches, on déduit que l’opérateur d’une situation aéronautique, et plus généralement dans une situation dynamique, doit gérer la sollicitation de ses ressources cognitives. Dans le cas inverse, il s’exposerait à des phases de saturation où la compréhension de la situation, la performance de certaines sous-tâches, voire la sécurité des opérations, seraient remises en cause. Ici, la notion de charge mentale prend toute son importance car elle permet d’opérationnaliser cette gestion des risques et des ressources cognitives.

III – Régulations de l’activité dans l’aéronautique

19L’aéronautique est un domaine en perpétuelle évolution. Au quotidien, les procédures et les méthodes de travail y sont ajustées, des outils de nouvelle génération sont constamment en cours de développement, certains testés, et une partie de ces outils est même susceptible d’être intégrée dans les situations de travail. De plus, les opérateurs experts réalisent des choix stratégiques dans toute situation contrôlée et explorent leur environnement de sorte que deux situations équivalentes ne produisent pas la même réponse comportementale.

20Dans un domaine comme celui de l’aéronautique, où la sécurité est essentielle, les changements technologiques et l’adaptabilité humaine doivent être suffisamment pensés pour permettre d’anticiper leurs effets. Plus précisément, il est indispensable de disposer d’un modèle générique qui permette de synthétiser les régulations que les opérateurs réalisent quotidiennement, mais également d’anticiper les modifications potentielles de l’activité liées à l’insertion de nouveaux dispositifs techniques.

21En réponse à ce besoin, nous proposons le modèle de Gestion de la Charge Mentale dans l’Aéronautique (GCMA) à partir de travaux issus dans nos deux situations d’étude (cf. II.2). Ce modèle intègre la nature dynamique et complexe des processus contrôlés, l’adaptabilité des opérateurs et les régulations de l’activité, ainsi que le parallélisme des tâches, caractéristiques soulignées précédemment.

III.1 – Le losange d’optimisation : illustration du compromis effectué

22La première partie du modèle consiste en un losange d’optimisation (cf. figure 1). Il illustre la gestion des ressources cognitives réalisée par l’opérateur (pilote, contrôleur) en fonction de la situation qu’il a à gérer et de ses propres limites. Au total, cinq paramètres composent le losange d’optimisation :

  • ?O : La distance à la satisfaction des contraintes de la tâche (objectif)
Il s’agit de l’ensemble des contraintes liées à l’objectif et qui doivent être satisfaites pour l’atteindre. Cet ensemble diminue en fonction de l’avancée dans la réalisation de la tâche et est lié à la différence entre les contraintes qu’il reste à satisfaire pour atteindre l’objectif et l’ensemble des contraintes de l’objectif.
  • ?T : L’échéance temporelle
Il s’agit de la durée que l’opérateur estime avoir à disposition pour atteindre l’objectif visé. ?O et ?T sont intimement liés. Un relâchement sur l’objectif (choix d’un objectif moins difficile à atteindre dans le temps ?T) est une des stratégies possibles. Dans une situation nominale, la durée pour atteindre l’objectif visé est supérieure à la durée disponible (t?O>?T). Lorsque la durée disponible est insuffisante (t?O<?T), l’opérateur se trouve sous pression temporelle.
  • ?C : La réserve de ressources cognitives disponibles
Si M représente le seuil capacitaire de l’opérateur (le maximum des ressources mobilisables) et A le niveau actuel de ressources cognitives mobilisées, alors ?C = M - A.
  • ?P : La distance à la performance pour un objectif donné de la tâche
Cette distance témoigne de situations où, si une performance « optimale » peut être définie, il peut exister un ensemble de niveaux de performance acceptables plus ou moins étendu. L’existence d’un ensemble de performances acceptables souligne les possibilités d’actions de l’opérateur. Ainsi, l’axe ?P-?C détermine une enveloppe de possibilités où, par exemple, une grande réserve de ressources peut s’accompagner d’une plus grande variété d’actions pour atteindre la performance visée.

23Dans ce modèle, la relation P|C représente le compromis effectué à un moment donné par l’opérateur entre la performance P visée et les ressources C qui sont impliquées. La position du compromis P|C sur l’axe ?P-?C peut être une indication de la charge mentale de travail ressentie par l’opérateur. Lorsque ce compromis est en position centrale, l’opérateur se situe dans une zone de confort. Lorsque le compromis s’approche des extrémités de l’axe (zones signalées par des flèches en pointillés dans la figure 1), l’opérateur se trouve dans le cas d’un niveau de charge inconfortable (sollicitation maximale des ressources ou performance visée très élevée).

Figure 1

Le losange d’optimisation du modèle GCMA

The optimization diamond of the GCMA model

Figure 1

Le losange d’optimisation du modèle GCMA

The optimization diamond of the GCMA model

24En fonction des données propres à chaque situation (un opérateur, à un moment donné), le losange prend une forme particulière (cf. figure 2). Il est alors possible de visualiser les cas de « bonne » gestion des ressources (cf. figure 2.a) où la forme du losange d’optimisation tend vers la régularité (géométrique), et les cas de « mauvaise » gestion où l’apparence du losange est irrégulière. On peut citer par exemple le cas de pression temporelle (cf. figure 2.b.), ou encore celui où la réserve de ressources est faible et la performance visée faible (cf. figure 2.c).

Figure 2

Exemples de configurations possibles du losange d’optimisation

Examples of possible configurations of the optimization diamond

Figure 2

Exemples de configurations possibles du losange d’optimisation

Examples of possible configurations of the optimization diamond

III.2 – Le cône : représentation de la temporalité

25La deuxième partie du modèle GCMA est le cône (cf. figure 3) qui représente la dynamique de la situation. Le temps qui s’écoule est représenté sous la forme d’un axe sur lequel figurent les différentes phases de la tâche :

  • L’analyse préalable. — Elle permet à l’opérateur de définir la nature de la situation rencontrée et les actions à mettre en place, dans un laps de temps donné, pour répondre aux exigences de la tâche.
  • Le losange d’optimisation initial. — Il illustre le compromis défini par l’opérateur, impliquant un niveau de ressources sollicitées et une performance visée pour un objectif donné. La distance entre l’analyse préalable et le losange d’optimisation initial sur l’axe temporel indique le temps qui s’écoule entre l’analyse et l’action de l’opérateur, c’est-à-dire le niveau d’anticipation adopté par l’opérateur.
  • Les états intermédiaires du losange d’optimisation. — Ils illustrent l’évolution de l’exécution de la tâche (la satisfaction des contraintes par des actions données) et le rapprochement vers l’objectif visé. Ces états intermédiaires correspondent à des niveaux de réalisation illustrant l’état d’avancement de la tâche.
  • Le cône. — Il décrit l’ensemble des états du losange d’optimisation, de l’état initial jusqu’à l’objectif atteint.
Dans le cas nominal, la surface du losange d’optimisation diminue au cours du temps jusqu’à ne former qu’un point au niveau de l’objectif (atteinte de l’objectif fixé). Lors d’une situation dégradée (non-prise en compte d’un événement par exemple), le volume du cône peut brutalement augmenter (traduisant un changement de mode opératoire), ce qui est représenté sous la forme d’une modulation de l’enveloppe temporelle.

Figure 3

Le modèle GCMA appliqué à la gestion d’une tâche « simple »

The GCMA model applied to the management of a “simple” task

Figure 3

Le modèle GCMA appliqué à la gestion d’une tâche « simple »

The GCMA model applied to the management of a “simple” task

III.3 – L’enveloppe : intégration du parallélisme de tâches

26La troisième partie du modèle GCMA est l’enveloppe. Elle illustre le parallélisme associé aux tâches de l’aéronautique et englobe l’ensemble des cônes générés par la réalisation de différentes sous-tâches composant la tâche principale. Sur l’axe temporel, l’enveloppe est précédée par un point correspondant à l’analyse préalable de la tâche principale, analyse durant laquelle l’opérateur va répartir son action entre les différentes sous-tâches. L’enveloppe se referme en un point correspondant à l’objectif de la tâche principale, point auquel se rejoignent l’ensemble des objectifs complémentaires des sous-tâches.

Figure 4

Le modèle GCMA adapté à une tâche multiple

The GCMA model suitable for a multi-task

Figure 4

Le modèle GCMA adapté à une tâche multiple

The GCMA model suitable for a multi-task

27Pour résumer, le modèle GCMA soutient l’idée que l’activité des opérateurs dans l’aéronautique résulte d’un système d’optimisation complexe de la gestion des ressources cognitives en lien avec des paramètres individuels dans le cadre d’une situation dynamique et présentant des tâches parallèles. Si ce modèle traduit les composantes des situations en aéronautique, il peut également servir de guide pour explorer la littérature, notamment celle autour de la charge mentale de travail.

IV – La charge mentale de travail : un concept indispensable

28Comme le soulignent Gopher et Donchin (1986), ce sont les sollicitations de terrain (par exemple la nécessité d’évaluer de nouveaux dispositifs) qui ont fortement orienté les travaux sur la charge mentale. Dans la section précédente, nous avons proposé de formaliser les régulations des opérateurs dans les situations aéronautiques. Mais pour passer de cette description à un cadre théorique et méthodologique, il apparaît essentiel de se référer aux travaux sur la charge mentale.

IV.1 – L’étude de la charge mentale

29Évaluer le niveau de charge mentale d’opérateurs présente un enjeu majeur en ergonomie cognitive (Tort, 1976 ; Chanquoy, Tricot & Sweller, 2007). En effet, ce type d’évaluation permet d’obtenir des informations capitales sur le mode opératoire employé par l’opérateur pour réaliser une tâche spécifique. Évaluer la charge mentale représente également un moyen d’évaluer la qualité des interactions qui s’opèrent entre l’opérateur et les outils qu’il utilise au cours de l’exécution de la tâche (Loft et al., 2007).

30L’étude de la charge mentale a été soumise à de nombreuses interrogations, toutefois il ne fait aucun doute qu’elle reste très utile dans l’industrie (Colle & Reid, 1999). Nous proposons ici de détailler succinctement cinq définitions afin d’identifier les caractéristiques centrales associées à ce concept.

31Tout d’abord, nous pouvons citer la proposition de Leplat (1977) qui définit la charge mentale comme les ressources cognitives mobilisées par l’opérateur lui permettant de répondre aux exigences de la tâche qu’il réalise. Cette définition désigne la charge mentale comme le degré de mobilisation du sujet, la fraction de sa capacité de travail, qu’il investit dans sa tâche (Leplat & Pailhous, 1969). Cette définition désigne la charge mentale comme une conséquence de l’interaction entre l’homme et la tâche qu’il réalise. Elle démontre également la non-passivité de l’opérateur face à la charge mentale qu’il ressent (Spérandio, 1977).

32La charge mentale est également considérée comme une construction multidimensionnelle. Meshkati (1988, p. 309) la définit comme « reflétant l’interaction d’éléments tels que les demandes des tâches et du système, les capacités de traitement et d’effort de l’opérateur, les critères de performance subjectifs, le comportement de traitement de l’information, les stratégies de l’opérateur et, la formation ainsi que l’expérience antérieure des opérateurs ». Cette définition montre qu’une multitude de facteurs agit sur la charge mentale.

33La caractéristique multifactorielle du concept explique en partie la difficulté constatée pour quantifier le niveau de charge mentale (Hancock & Meshkati, 1988).

34Les différents facteurs interagissant sur la gestion de la charge mentale semblent également constituer un point de départ pour aborder cette notion. Ainsi, Wickens (2000) la définit fondamentalement en termes de relation entre l’offre (ressources disponibles) et la demande (exigences). Cette approche permet de mettre l’accent sur les variations de charge mentale ressentie par l’opérateur au cours de l’exécution de la tâche. En effet, l’opérateur s’adapte au niveau d’exigences de la tâche à réaliser, à travers l’objectif qu’il se fixe. Ce mécanisme adaptatif peut être assimilé à une théorie provenant de l’économie : la théorie de l’équilibre partiel (Marshall, 1890). Cette théorie détermine, pour un marché considéré, le vecteur de prix comme l’égalisateur entre l’offre (les ressources disponibles) et la demande (l’objectif visé). La charge mentale correspondrait par conséquent au vecteur de prix, et la tâche au marché. Ici, les aspects de « rendement » sont associés à la gestion des ressources cognitives de l’opérateur, supposant la notion de rapport qualité (niveau de performance atteint)/prix (niveau de ressources cognitives mobilisées).

35La définition proposée par Hart et Staveland (1988) illustre de façon éloquente la difficulté observée pour définir le concept de charge mentale (voir aussi Jourdan et Theureau, 2002). Leur définition désigne ainsi le concept de charge mentale comme un concept qui se comprend bien en général, mais qui est difficile à définir de façon particulière. D’après ces auteurs, la charge mentale est un construit hypothétique représentant le coût pour un humain d’accomplir une tâche avec un certain niveau de performance. Cette représentation du concept de charge mentale met en exergue la place centrale occupée par la performance dans la détermination du niveau de charge mentale. L’approche de Hart et Staveland associe à la notion de charge mentale une certaine instabilité liée à des différences intra-individuelles de la gestion des ressources cognitives. En effet, au cours de l’exécution de la tâche, l’état dans lequel se trouve l’opérateur varie selon le niveau « d’aptitude » cognitive dans lequel il estime se trouver (De Jong, 2001 ; Lautrey, 2003). Ce niveau dépend principalement de la motivation de l’opérateur et est susceptible de varier selon les émotions ressenties par l’opérateur (énervement, joie, fatigue, de confiance, etc.)

36Enfin, une approche plus récente peut être mentionnée, qui considère la charge mentale liée à la réalisation d’une tâche donnée comme le niveau d’effort mental (la quantité de ressources mobilisées) requis pour la réalisation d’une tâche et pour un individu donné (Tricot & Chanquoy, 1996). Ici, deux caractéristiques du concept de charge mentale sont mises en exergue : tout d’abord, le fait que la charge mentale est fortement soumise à une variabilité interindividuelle. Pour un niveau d’exigences de la tâche équivalent, plusieurs opérateurs peuvent ressentir un niveau de charge mentale différent, s’illustrant par des modes opératoires distincts. Cette définition montre également l’incidence de la nature de la tâche et du niveau d’expertise de l’opérateur dans le niveau de charge mentale ressentie, qu’il est nécessaire d’inclure à son évaluation.

37Les approches pour définir la charge mentale que nous avons présentées ici mettent en exergue trois notions théoriques essentielles se rapportant à ce concept. Nous les détaillons dans la suite du texte.

IV.1.1 – La capacité de l’opérateur

38La notion de capacité cognitive renvoie aux limites mentales de l’opérateur. Elle correspond à la borne maximale de traitement de l’information (Wickens, 1992), ou encore à la quantité maximale de ressources que peut mobiliser un individu (Barouillet, 1996). Au cours de la réalisation d’une tâche, la capacité représente une contrainte principale pour l’opérateur. Le concept de capacité peut être présenté sous une métaphore mécanique, comme le régime maximal du moteur cognitif au cours de l’exécution d’une tâche.

IV.1.2 – Les ressources mobilisables par l’opérateur

39La notion de ressources caractérise plutôt l’attention de l’opérateur (Norman & Bobrow, 1975) et désigne la composante énergétique ou intensive de l’activité (Leplat, 2003). Pour Wickens (1992), les ressources représentent l’énergie déployée au cours de l’exécution de la tâche pour améliorer l’efficacité.

40En ce sens, le concept de ressources est souvent présenté sous forme d’une métaphore mécanique. Les ressources y constituent une quantité de carburant utilisée par le « moteur cognitif » pour l’exécution d’une tâche ou partagée entre les différentes tâches à réaliser. Pour Gopher (1986), il faut distinguer dans la notion de ressources la composante structurelle et la composante fonctionnelle : la première présente les ressources comme la somme de différents modules, alors que la seconde y voit au contraire l’existence d’un « tout ». Le mode de gestion du niveau de ressources implique la sollicitation d’une proportion plus ou moins importante d’unités rassemblées au sein d’un ensemble.

41Le recours aux ressources cognitives nécessite donc une modulation de l’énergie déployée par l’opérateur traduisant la présence d’un effort mental. La mobilisation de ressources génère un coût, appelé coût cognitif, qui correspond à la part nécessaire d’investissement à mobiliser pour réaliser une tâche. Il représente la façon dont l’opérateur va percevoir le niveau d’exigences de la tâche et dont il envisage d’y répondre (Sweller et al., 1990).

IV.1.3 – La performance atteinte

42La performance permet de qualifier le résultat obtenu suite à l’exécution de la tâche (Famose et al, 1993). Plus précisément, elle permet de définir la qualité du travail effectué en se référant aux objectifs associés à une tâche spécifique (Delignières, 2004). La performance peut être évaluée par le biais d’indicateurs de performance correspondant aux critères de réussite de la tâche réalisée par l’opérateur (Bayssié & Chaudron, 2002). Il est essentiel de noter que les indicateurs de performance sont propres à chaque tâche. On peut s’interroger sur la relation entre niveau de performance atteint, ou du moins initialement visé, et quantité de ressources mobilisée. Cet ajustement entre coût cognitif engagé, supervisé par l’évaluation de la capacité disponible et le niveau de performance visé lors de l’exécution d’une tâche, est défini comme le compromis cognitif (Amalberti, 1996).

IV.1.4 – Synthèse relative à l’étude de la charge mentale

43Ces différentes notions autour de la charge mentale montrent ainsi que plusieurs facteurs agissent simultanément. La charge mentale peut alors être définie comme la résultante de l’ajustement entre ressources cognitives et exigences de la tâche pour un objectif fixé. Cet ajustement est déterminé par une double évaluation subjective portant sur l’ampleur des objectifs de la tâche, ainsi que sur le niveau de ressources cognitives à investir, sachant que le seuil capacitaire des ressources mobilisables reste une limite infranchissable. C’est en articulant l’objectif, les ressources mobilisées et la performance visée que l’opérateur régule son activité. Il s’agit là encore d’une évaluation subjective, qui non seulement porte sur la qualité du résultat obtenu mais aussi sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir.

44La pertinence du concept de charge mentale de travail, quand les régulations des opérateurs en aéronautique sont étudiées, est ici soulignée. Pour renforcer cette pertinence, pour comprendre et expliquer les régulations des opérateurs en aéronautique, il est cependant nécessaire d’étudier plus finement les travaux sur la gestion dynamique de la charge mentale.

IV.2 – La gestion dynamique de la charge mentale

45Parler de gestion de la charge mentale implique d’accepter, au moins pour partie, de faire référence à une métaphore économique (la gestion) qui est considérée comme commune en Psychologie (Navon & Gopher, 1979 ; Wickens, 1992). En psychologie ergonomique, les métaphores gestionnaires sont d’ailleurs fréquentes et généralement employées pour mettre l’accent sur l’existence de plusieurs alternatives dans une situation donnée (Cellier, 1996). En lien avec le modèle présenté (voir section II), trois concepts issus de travaux sur la gestion de charge mentale doivent être examinés : les zones de confort, la dimension temporelle et le parallélisme des tâches.

IV.2.1 – La présence de zones de confort

46Au cours de l’exécution d’une tâche, l’opérateur n’est pas passif face aux sollicitations qui s’exercent sur son activité (Spérandio, 1971). Plus précisément, la gestion de la charge mentale ressentie vise à maintenir son niveau dans des valeurs dites « acceptables ». Les valeurs acceptables sont celles situées entre deux bornes extrêmes :

  • Le niveau de surcharge est défini comme le seuil capacitaire des ressources mobilisables par l’opérateur pour répondre aux exigences d’une tâche. Ce niveau est susceptible de varier sous l’effet de la motivation de l’opérateur, permettant de dégager des ressources habituellement indisponibles (Siegel & Wolff, 1969 ; Liao & Moray, 1993). La surcharge peut être relevée chez l’opérateur qui présente une sensation de perte de contrôle de la situation. En effet, dans ce cas l’opérateur n’est plus en mesure de garantir une action adaptée car il n’a pas intégré l’ensemble des informations qui caractérisent la situation à superviser.
  • L’autre seuil est le niveau de sous-charge (Spérandio, 1980 ; Wiener & Curry, 1984). Dans ce cas, le niveau d’exigences de la tâche est faible, à tel point que le coût engendré ne permet pas de rentabiliser le travail cognitif. L’opérateur y est en phase « d’endormissement cognitif » et risque de ne pas être en mesure de répondre favorablement aux exigences soumises par manque d’investissement. Cette borne a tout autant d’importance que le seuil de surcharge cognitive car elle peut entraîner des conséquences néfastes aussi bien sur l’action de l’opérateur, que sur la performance obtenue (Young & Stanton, 2002).
  • Entre ces bornes, il existe également une zone intermédiaire, que l’on peut appeler « zone de confort ». Cette dernière correspond à une gamme de niveaux de charge mentale satisfaisants, pour lesquels l’opérateur dispose d’actions adaptées et d’une distance à l’objectif suffisante selon le temps disponible pour agir sur la situation (Hancock & Williams, 1993).
La représentation d’une zone de confort, plutôt que d’un niveau, permet d’intégrer les différences chez les opérateurs (inter et intra-individuelles). Le réglage du niveau de charge mentale de l’opérateur à une valeur « confortable » se fait par un système de contrôle, appelé contrôle cognitif (Hoc & Amalberti, 2003). Ce système vise à garantir un niveau de performance suffisant répondant aux exigences de la tâche ainsi qu’aux événements imprévus susceptibles de se présenter (Koechlin et al., 2003) tout en maintenant un coût cognitif acceptable en fonction du seuil capacitaire de l’opérateur. Le contrôle cognitif permet à l’opérateur de mettre en jeu dans le bon ordre et avec une intensité adaptée, les mécanismes ou les représentations cognitives répondant favorablement à la situation. L’opérateur préserve ainsi une capacité d’action en cas d’imprévu, ce qui garantit un travail efficace dans la durée. Cette caractéristique de la gestion du contrôle cognitif est appelée compromis cognitif (Amalberti, 1996).

47Les mécanismes de gestion employés par l’opérateur définissent un compromis entre la performance visée et l’engagement cognitif à employer (Bainbridge, 1977). L’existence d’une performance satisfaisante au détriment d’une optimisation de la performance est dès lors illustrée par l’emploi de ces mécanismes de gestion (Hancock & Meshkati, 1988). L’atteinte d’une situation confortable en termes de charge mentale ressentie consisterait donc pour l’opérateur à régler de façon optimale le rendement entre ressources cognitives engagées et performance atteinte, ce qui renvoie à une notion d’efficience (Hollnagel, 2009).

48Par ailleurs, en complément du compromis cognitif, les opérateurs peuvent également adapter la situation pour en conserver le contrôle. En effet, en employant un minimum de ressources cognitives, ils peuvent atteindre leur objectif, et cela, en se basant principalement sur leurs expériences passées et les automatismes qu’ils ont à leur actif (bibliothèques de situations gérées). Quand cela n’est pas suffisant, la régulation de l’activité peut consister à modifier le mode opératoire employé. Spérandio (1971) illustre ce cas de figure par le changement de stratégie opéré par les contrôleurs aériens pour faire face à une augmentation de la charge mentale. Cette modification de l’objectif peut s’opérer par différents recours :

  • L’optimisation des tâches. — L’opérateur modifie les objectifs relatifs à une tâche spécifique. Cette observation est illustrée par la gestion des communications verbales des contrôleurs aériens. Ceux-ci vont réguler le nombre et le contenu des communications selon le niveau de charge de trafic (Kuk, Arnold & Ritter, 1999).
  • La suppression des tâches. — L’opérateur définit une priorité sur une tâche. Il peut ainsi privilégier une tâche en augmentant le niveau de performance à atteindre, tout en supprimant certaines tâches. Pour les pilotes d’hélicoptères, cette priorisation consiste à maintenir un niveau de performance optimal sur les tâches essentielles, tout en lésant les tâches définies comme secondaires pour lesquelles le niveau de performance diminue en conséquence (Segal & Wickens, 1990). Pour les pilotes en situation de stress psychologique, le non-traitement de tâches dans l’ordre inverse de leur criticité leur permettrait de réduire leur niveau de charge mentale (Raby & Wickens, 1990).
  • Le report de tâches. — L’opérateur segmente son action selon un ordre de priorité donné aux différentes tâches. Cela consiste à reporter dans le temps le traitement des tâches définies comme secondaires. Fischer, Orasanu et Montvalo (1993) ont montré que les équipages d’avions les plus efficaces décidaient régulièrement de reporter des tâches secondaires.
L’intégration d’une zone de confort a déjà fait l’objet d’un modèle de la charge mentale (Hancock & Chignell, 1988). Cette conceptualisation dynamique de la charge mentale est composée de trois dimensions (Hancock & Meshkati, 1988) : le temps disponible pour agir, la distance perçue vers le niveau d’objectif visé (l’éloignement au but) et le niveau d’effort que va requérir l’atteinte du but désiré. Dans le modèle GCMA, le niveau de charge mentale est présumé augmenter en fonction de l’élévation du niveau d’objectif visé et des contraintes de temps. Quand le temps disponible se réduit, traduisant une pression temporelle plus élevée, le niveau de charge mentale augmente. La prise en compte du niveau d’objectif visé par l’opérateur dans le modèle de la charge mentale de Hancock et Chignell illustre le comportement adaptatif de ce dernier.

IV.2.2 – La dimension temporelle

49Les situations de l’aéronautique sont dynamiques, ce qui implique une évolution continue au cours du temps (Chauvin et al., 2008), évolution non nécessairement provoquée par l’action des opérateurs. L’opérateur doit donc intégrer à la planification de ses actions une gestion du temps à part entière qui peut se penser comme une gestion du risque (Valot, 1996). En effet, la maitrise du risque est associée au délai de décision ou de réaction, à des échéances et à des délais (Smith & Hancock, 1995). La gestion du temps consiste notamment en la recherche d’une structure temporelle garantissant la sécurisation des actions de l’opérateur (Mc Elhatton & Batelle, 1993).

50L’opérateur de ces situations dynamiques collabore avec un ensemble de systèmes automatisés pour contrôler un processus et y prévenir l’occurrence de problèmes (Bainbridge, 1987 ; Valot, 1996). Il doit donc conserver un niveau suffisant de conscience de la situation pour favoriser une compréhension satisfaisante de la situation (Endsley, 1995). Cette représentation de l’état de la situation va lui permettre de recourir ensuite à une action adaptée. La représentation de la situation que se construit l’opérateur inclut donc des données sur l’évolution de la situation (Van Daele & Carpinelli, 1996). L’évolution de la représentation portant sur les états futurs de la situation souligne le recours à un processus anticipatif (Allen, 1983). La prévision permet à l’opérateur de simuler mentalement l’évolution du processus ainsi que l’effet de ses potentielles actions sur le système (Spérandio, 1988 ; Leplat, 1985). Cependant, l’opérateur peut avoir des attentes quant aux événements qui vont se produire (Denecker, 1999). Ainsi, par son expertise, l’opérateur est en mesure d’employer un mode d’anticipation sub-symbolique qui lui évite de recourir à un niveau symbolique (en l’occurrence la prévision) plus coûteux en ressources cognitives. C’est ce qui permet également au contrôleur aérien de se trouver « toujours devant le trafic » (Hoc & Amalberti, 1994) et au pilote « toujours devant l’avion » (Jouanneaux, 1999).

51Par ailleurs, l’empan temporel de l’anticipation est déterminé par la planification des actions (Hoc, 1987). Le résultat de la planification est la définition d’un plan composé d’un ensemble d’actions à mettre en place à différentes échéances temporelles déterminées. Le plan d’actions est défini par deux éléments (Van Daele & Carpinelli, 1996) : le « quoi faire » qui définit la nature de l’action, et le « quand faire » déterminant le moment d’occurrence de l’action. Or, l’empan temporel d’anticipation est limité pour garantir l’efficience de l’action (Crawford & Wiers, 2001). Ainsi, lorsque l’opérateur juge que le niveau d’incertitude relatif à son action est trop élevé, il peut décider de repousser sa mise en place jusqu’au moment estimé le plus opportun. Cet empan temporel correspond au maturing-time (Averty et al., 2004), appelé également « laisser-faire » ou encore au time to collision, défini par Chalandon (2003) en référence à l’accident qui doit être anticipé.

52Pour résumer, le temps joue un rôle central dans l’exécution de la tâche des opérateurs de l’aéronautique car il intervient dans la construction de la représentation de la situation sur laquelle les opérateurs basent leurs choix d’actions.

IV.2.3 – Le parallélisme de tâches

53La réalisation d’une tâche donnée est souvent associée à une certaine autonomie temporelle et procédurale dans la réalisation des sous-tâches (Rudolph, Schönfelder & Hacker, 1987). Cependant, ces sous-tâches restent indissociables dans l’atteinte de l’objectif de la tâche principale et nécessitent un traitement conjoint.

54Pour un opérateur, la décomposition de la tâche permet également de simplifier sa réalisation. Ainsi, les opérateurs peuvent exercer un contrôle cognitif différent en présence de plusieurs tâches parallèles. Plus précisément, trois niveaux de contrôle cognitif ont été définis dans le modèle GSD, Gestion des Situations Dynamiques (Hoc & Amalberti, 1995), ainsi que dans le modèle SRK ou Skill, Rule, Knowledge-based behavior (Rasmussen, 1986). Dans ces modèles, les niveaux de contrôle les plus automatiques ont des empans temporels plus courts mais surtout une charge mentale moins importante, alors que les niveaux les plus élevés ont des empans plus longs et une charge mentale plus importante. Le parallélisme entre les niveaux est donc un moyen de réaliser la tâche.

55Par ailleurs, le parallélisme implique une gestion en parallèle de plusieurs objectifs intermédiaires. Ce mode de gestion nécessite également des transitions entre tâches, correspondant à un switch attentionnel. Cette gestion parallèle doit être associée à celle du temps permettant à l’opérateur de planifier son action. Cette planification vise en partie à répartir, pour chacune des sous tâches, le temps qui lui sera alloué et les moments auxquels ce sera le cas. Pour les sous tâches réalisées, l’opérateur va définir des échéances temporelles qui vont agir comme des bornes établissant la répartition de l’attention. Elles vont déterminer les périodes de transitions à suivre entre les différentes sous-tâches définies. Le traitement en parallèle de la tâche effectué par l’opérateur est basé sur sa capacité à partager son attention et la charge mentale associée, relevant du système de partage attentionnel.

56Le rôle joué par le partage attentionnel dans la gestion de la charge mentale a été intégré dans une proposition de modèle fondé sur le concept d’effort mental (Kahneman, 1973). Ce modèle décrit le système cognitif gérant l’allocation des ressources attentionnelles pour une tâche spécifique. Kahneman (op.cit.) propose l’existence d’un processeur central chargé de l’allocation des ressources attentionnelles. Ce dernier procéderait à une évaluation des demandes émises par chaque tâche et ajusterait l’attention en fonction de cette analyse. Dans cette représentation, la capacité de l’opérateur à réaliser plusieurs sous-tâches simultanément est mise en exergue, ce qui illustre un traitement en parallèle. Ainsi, le traitement en parallèle, ainsi que les autres composants du modèle GCMA se trouvent appuyés par la littérature dédiée à la charge mentale.

V – Conclusion

57La confrontation du modèle GCMA à la revue théorique dédiée au concept de charge mentale de travail nous permet de souligner plusieurs points. Tout d’abord, les concepts issus de travaux sur la charge mentale permettent de structurer et de justifier le modèle GCMA qui synthétise les connaissances en aéronautique, y compris dans son intitulé. Colle et Reid (1999, p.35) indiquaient que « le concept de charge mentale est un construit à visée applicative […] qui ne présente pas une relation exacte avec les concepts de capacités attentionnelles ou de ressources dans les théories du traitement de l’information ». Nous avons montré ici que les connaissances antérieures établies dans la littérature sur la charge mentale constituent une justification essentielle du modèle GCMA en aéronautique. Cela implique que la charge mentale, thème central en ergonomie bien que parfois considéré comme démodé, constitue toujours un objet d’étude pertinent pour la compréhension et l’interprétation de l’activité dans des situations à risque.

58Si l’on considère que le modèle GCMA est étayé par les travaux antérieurs sur la charge mentale, il peut à son tour les discuter et de les développer. Par exemple, certains modèles de gestion de la charge mentale n’incluent pas tous les composants pris en compte par le modèle GCMA. C’est notamment le cas du Compensatory Control Model (CCM) proposé par Hockey (1993, 1997). Ce modèle centre sa représentation de la charge mentale sur l’interaction qui se produit entre la tâche et l’opérateur. Il met en avant l’adaptabilité de l’opérateur quant à l’effort cognitif à mettre en œuvre pour répondre au niveau d’exigences de la tâche. Cette représentation est en adéquation partielle avec la gestion de la charge mentale d’opérateurs, qui adaptent leur niveau de ressources cognitives sollicitées au niveau d’exigences de la tâche qu’ils perçoivent. Cependant, elle parait incomplète sans l’intégration de la dimension temporelle sans laquelle l’état de la situation semblerait être constant. L’action réalisée par l’opérateur y est présentée comme unique et statique. Pourtant, la gestion du temps lui permet d’agir en amont et d’adapter son plan d’action aux évolutions prévues. La limite du CCM est donc de considérer que l’opérateur est réactif à une variation dans les exigences, sans prendre en considération ses capacités d’adaptation et d’anticipation lui permettant d’ajuster son action aux conditions qui s’imposent à lui.

59Cependant, la généralisation obtenue par le modèle CCM ne permet pas de préciser chacun des paramètres engagés dans la régulation du niveau de charge mentale ressentie par les opérateurs. Ainsi, on peut s’interroger sur l’utilisation de ce modèle, notamment comme outil d’évaluation du niveau de charge mentale. Nous pensons que le modèle a surtout une visée explicative afin de proposer une présentation globale du concept, adaptée aux caractéristiques des situations étudiées dans l’aéronautique. Ce type d’approche permet notamment d’aider à la compréhension du concept, à la définition de méthodes d’évaluation pouvant être employées pour répondre à des hypothèses de recherche, ou encore à l’explication d’une détérioration de situation de supervision. Il ne constitue pas directement un outil d’évaluation en tant que tel. Cette limite ouvre une perspective qui serait de transposer le modèle GCMA en une méthode d’évaluation.

60Plus largement, nos travaux soulignent que la charge mentale de travail doit être considérée comme une variable explicative (Parasuraman & Hancock, 2001) et non comme un construit hypothétique insuffisamment rigoureux pour durer de par son manque de définition ou de formulation quantitative. En ce sens, si la modélisation de la charge mentale constitue une approche fructueuse pour synthétiser la littérature et si elle devrait permettre d’élaborer des méthodes d’évaluations de l’activité, elle ne peut se substituer aux études empiriques qui viendraient en détailler plus précisément encore les contours.

61Manuscrit reçu : mars 2012

62Accepté par F. Darses après révision : mai 2013

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Notes

  • [1]
    DGAC/ DSNA/EEI/PII, 7 Av. E. Belin 31170 Toulouse, France. Université de Toulouse, Centre universitaire J-F Champollion, Place Verdun, 81012 Albi Cedex 9, France.
  • [2]
    Université de Toulouse, Centre universitaire J-F Champollion, Place Verdun, 81012 Albi Cedex 9, France.
  • [3]
    Human Engineering for Aerospace Lab. (HEAL) — THALES / ENSC, Bordeaux, France.
  • [4]
    Pourrait se traduire par “sens de l’air”, cependant le terme Anglophone est majoritairement employé dans le domaine de l’aéronautique
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