Notes
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[1]
Les deux termes ne sont donc pas interchangeables. Ne voyant pas de traduction réussie pour cognitive design studies, nous le maintenons dans ce texte.
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[2]
Trad. franç. : Simon (1969/1974).
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[3]
Nous distinguons les représentations personnelles des concepteurs travaillant ensemble qui sont « privées » et les représentations que ces concepteurs utilisent conjointement.
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1. LTCI (Laboratoire commun en traitement et communication de l’information), UMR 5141, CNRS – Telecom ParisTech, Département SES (Sciences économiques et sociales), Bureau 419, 46, rue Barrault, F-75634 Paris Cedex 13. E-mail : willemien. vvvisser@ telecom-paristechap. fr.
I. INTRODUCTION
1De nombreuses publications en cognitive design research (domaine qui englobe mais dépasse celui de l’ergonomie cognitive de la conception [1]) présentent, dans leur introduction, « la » conception, en la caractérisant comme, par exemple, une activité de résolution de problèmes mal définis ou de recherche de compromis, avec plusieurs solutions satisfaisantes possibles plutôt qu’une seule solution correcte. Une présupposition commune à ces présentations semble être que les mises en œuvre de la conception dans différentes situations (tâches, domaines de pratique, disciplines) partagent ces caractéristiques et qu’il est possible de parler de « la » conception indépendamment des situations de sa mise en œuvre. Sur la base de l’approche de la conception de Simon (1969/1996), Goel et Pirolli (1989) ont explicitement défendu l’hypothèse de la « conception générique ». Nous présentons ici un double développement des idées de ces auteurs.
2La structure du texte est la suivante. La première section présente l’hypothèse de la conception générique et les caractéristiques attribuées à celle-ci. Nous examinons comment l’approche de Simon (1969/1996) a été étendue et modulée en cognitive design research. La seconde section présente notre proposition, qui présente un changement de perspective sur la conception. Nous analysons la conception comme une activité de construction de représentations – plutôt qu’une activité de résolution de problèmes, approche héritée de Simon (Visser, 2006 a, 2006 b).
3Ce texte ne traite pas des spécificités de la conception collaborative, qui est abordée par F. Darses dans ce numéro spécial. La conception individuelle y joue, bien sûr, un rôle important (Visser, 1993, 2002 a), mais une partie essentielle se fait à travers l’interaction entre concepteurs – ce qui emmène à des activités et structures représentationnelles particulières.
II. LA CONCEPTION GÉNÉRIQUE : DE L’APPROCHE DE SIMON VERS L’APPROCHE ADOPTÉE AUJOURD’HUI EN ERGONOMIE COGNITIVE
4À partir des années 1980, des auteurs ont commencé à caractériser la conception comme une activité cognitive, notamment en mettant en lumière les différences avec la conception présentée jusque-là dans les modèles prescriptifs qui sous-tendaient les méthodes de conception (par exemple, Pahl & Beitz, 1977-1996). S’est ainsi développée la cognitive design research.
5Pendant de nombreuses années, Simon a constitué LA référence dans ce domaine, notamment à travers son ouvrage The sciences of the artificial (1969/1996) [2] et l’article « The structure of ill-structured problems » (1973/1984). Représentant du point de vue cognitiviste sur la conception, Simon se situe dans le cadre plus large du paradigme du Traitement symbolique de l’information (TSI).
6Ce paradigme, qui depuis les années 1960 a fourni le schéma de base pour les recherches dans le domaine de la résolution de problèmes, a été élaboré par Newell et Simon (1972) sur la base de nombreuses études expérimentales. Le travail de Simon sur la conception est toutefois de nature analytique (Simon, 1969/1996, 1971/1975, 1973/1984). À une ou deux exceptions près (Kim, Javier-Lerch, & Simon, 1995), Simon n’a pas engagé d’études empiriques sur la conception – contrairement à d’autres auteurs ayant adopté son approche dans les premières cognitive design studies, tels que Reitman (1964, composition musicale) et Eastman (1969, conception architecturale). D’autres auteurs ont globalement adopté le cadre théorique de Simon (1969-1996), tout en le modifiant partiellement : Lebahar (1983), Akin (1986 a, 1986 b), Goel et Pirolli (1994, 1992), Hamel (1995) et Baykan (1996).
7Nous avons cherché à comprendre les adhésions (assez) strictes au cadre TSI en cognitive design research. Sur la base d’une analyse de 15 études empiriques sur la conception, nous avons proposé l’hypothèse explicative que cette adoption est due au recueil de données dans des situations artificiellement circonscrites, de laboratoire ou autres (Visser, 1994).
8L’approche de Simon (1969/1996) a évoqué d’autres réactions critiques. À partir des années 1980, des auteurs de diverses disciplines – sciences humaines et sociales, mais aussi ingénierie et intelligence artificielle – ont proposé des paradigmes différents. Plusieurs chercheurs ont analysé la conception en termes de « situativité » et « pratique réflexive » (Bucciarelli, 1988 ; Dorst & Dijkhuis, 1995 ; Gero, 1998 ; Schön, 1983). Ils ont critiqué le paradigme TSI notamment pour son analyse de la conception en termes de résolution de problèmes et pour le caractère « hors contexte » amené par ses fondements dans des études de laboratoire.
9L’hypothèse de la conception générique. De nombreuses publications d’orientation cognitiviste sur la conception caractérisent « la » conception comme une activité cognitive spécifique qui est indépendante des situations de sa mise en œuvre. Partant de l’approche de Simon (1969/1996), Goel et Pirolli (1989) ont proposé le concept de « conception générique » pour renvoyer à un double constat fondé sur la comparaison qu’ils ont effectuée entre tâches de résolution de problèmes de conception (architecture, ingénierie mécanique et conception de matériel d’instruction) et d’autres tâches de résolution de problèmes (cryptarithmétique et tâche de logique Moore-Anderson) :
10— il existe des similitudes entre les activités cognitives mises en œuvre dans différentes tâches de conception ;
11— il y a des différences entre les activités cognitives mises en œuvre dans la conception et dans d’autres tâches de résolution de problèmes.
12Nous nous focalisons sur le premier point : les similitudes.
13Même si Goel et Pirolli (1989) sont une référence fréquente en cognitive design research, leurs travaux n’ont pas été poursuivis. Peu d’études empiriques ont examiné les « similitudes » et « différences » qu’ils ont posées. À notre avis, les auteurs eux-mêmes sont restés prisonniers du cadre artificiellement restreint tracé par Simon. Leur approche peut être critiquée sur au moins deux points. D’une part, des faiblesses dans le choix des tâches de non-conception affaiblissent considérablement leur caractérisation de la conception. Les auteurs qualifient la conception de non-X par opposition aux tâches de non-conception qui sont X. Premièrement, celles-ci étaient des jeux artificiels, de courte durée. Deuxièmement, l’étude a pris « à dessein deux points aux extrémités du spectre des types de problèmes », des tâches de conception mal structurées et des tâches de jeu parfaitement structurées (Goel, 1994, p. 71). Goel estime que, « compte tenu du fait que [Goel et Pirolli] ont trouvé des différences intéressantes, il serait instructif d’étudier (...) les points intermédiaires dans l’espace » (ibid.) – étude qui n’a jamais été réalisée, à notre connaissance. D’autre part, la conception elle-même a aussi été examinée dans des tâches artificiellement restreintes dont la généralisation à la conception ne nous paraît pas évidente. Il s’agissait de tâches qui simulaient des exercices de croquis de conception qui [étaient] une partie intégrante du programme de formation dans de nombreuses disciplines de conception.
14Dans le reste de cette section, nous présentons comment, à travers de nombreuses études sur la conception, notamment dans le domaine de l’ergonomie cognitive, différents auteurs ont étendu la vue de Simon (1969/1996) et, ainsi, l’approche de « la » conception défendue par Goel et Pirolli (1989). Cette présentation se fera par le biais d’une liste de 11 caractéristiques (de II . 1 à II . 11), traduisant la vue qui, à la fin des années 1990, prédominait en cognitive design research – même s’il restait des caractéristiques sur lesquelles différentes positions étaient adoptées (notamment II . 11). Concernant seulement deux caractéristiques, les auteurs en sont restés à la position de Simon (1969/1996) (II . 1 et II . 5). Pour la plupart des autres, ils ont étendu celle-ci (II . 3, II . 6, II . 7, II . 8, II . 9 et II . 10). Pour quelques-uns, ils ont révisé considérablement la position de Simon (II . 2, II . 4 et II . 11).
II . 1. LA CONCEPTION COMME UNE ACTIVITÉ COGNITIVE PLUTOT QU’UN STATUT PROFESSIONNEL
15Simon est un précurseur quand il énonce dans la première édition des sciences of the artificial (Simon, 1969/1996) que la conception n’est pas une activité propre à des ingénieurs. Il s’agit d’un type particulier d’activité cognitive qui n’est pas réservée à des personnes dont la profession est « concepteur ». Aujourd’hui, cette position est adoptée par la plupart des chercheurs en ergonomie cognitive de la conception, qui définissent une activité en termes des structures cognitives mises en œuvre plutôt qu’en termes du statut – socioprofessionnel ou autre – de la personne qui les réalise.
II . 2. LA CONCEPTION COMME UNE ACTIVITÉ DE RÉSOLUTION DE PROBLÈMES « ORDINAIRES »
16Pour Simon, la caractéristique fondamentale de la conception est d’être une activité de résolution de problèmes qui n’a « rien de spécial » (Klahr & Simon, 2001). Pour traiter les problèmes de conception, on n’a pas besoin d’introduire un « composant qualitativement nouveau » dans les mécanismes généraux de résolution de problèmes (Simon, 1973/1984) – même si Simon « admet » que la logique standard doit être adaptée à la recherche d’éléments de solutions alternatives. Toutefois, il n’a effectué d’études empiriques sur aucune activité de la vie réelle, encore moins sur des tâches professionnelles. C’est depuis une quinzaine d’années que la recherche sur la conception dans des situations professionnelles est devenue relativement répandue.
17Nous avons formulé des réserves relatives à l’approche de Simon, entre autres concernant ce point (Visser, 2006 a). Formellement, la conception est, bien sûr, une activité de « résolution de problèmes ». Pour de nombreux composants d’une tâche de conception, les concepteurs sont souvent incapables de récupérer une réponse prédéfinie en mémoire : pour arriver à une solution, ils doivent construire de nouvelles procédures (Détienne, 1998 ; Gilmore, Winder, & Détienne, 1994 ; Visser, 1992). L’analyse de la conception en termes de construction de représentations (présentée dans la section suivante) permet, de notre point de vue, de mieux rendre compte de la richesse des activités et structures représentationnelles mises en œuvre dans cette activité.
II . 3. PROBLEMES DE CONCEPTION : PROBLÈMES « MAL DÉFINIS » ?
18Dès les premières études d’inspiration cognitiviste sur la conception (Eastman, 1969, 1970 ; Reitman, 1964 ; Thomas & Carroll, 1979/1984 ; Voss & Post, 1988), le caractère « mal défini » a été considéré comme typique des problèmes de conception – et continue à l’être (Michalek & Papalambros, 2002 ; Ormerod, 2005). Reitman (1964) note que, dans ces problèmes, l’état-but est le seul composant fourni explicitement en général – mais il est plus ou moins « mal défini » (« mal structuré » selon Simon, 1973/1984). Les spécifications d’un projet de conception le spécifient habituellement à un niveau abstrait, par sa fonction et/ou par quelques contraintes. L’état initial et les opérateurs sont presque toujours sous-spécifiés et donc mal définis.
19Simon (1973/1984) est présenté, en général, comme LA référence quand il s’agit des problèmes « mal définis ». Même s’il était en effet l’un des premiers auteurs à discuter le caractère structuré des problèmes de conception dans son célèbre article « The structure of ill-structured problems » (1973/1984), il ne le considérait pas spécifique d’une classe de problèmes : pour beaucoup de problèmes traités comme bien structurés, il serait plus approprié de les considérer comme mal structurés. Selon Simon, un problème d’échecs, par exemple, n’est pas mieux structuré qu’un problème de conception architecturale.
20Pour Simon, on ne peut caractériser un problème bien structuré qu’en termes d’une liste de conditions spécifiques. Un problème est alors mal structuré s’il ne satisfait pas un certain nombre de ces conditions. Pour la conception architecturale, par exemple, des conditions non remplies sont :
21— un critère défini et un processus automatisable pour tester toute proposition de solution ;
22— un ou plusieurs espaces de problème pour représenter les états atteints, visés ou envisageables au cours de la résolution ;
23— un ou plusieurs espaces de problème pour représenter toute connaissance que l’on peut acquérir sur le problème ;
24— la possibilité de définir avec une totale exactitude les changements dans le monde que l’artéfact peut amener.
25Reprenant des attributs des problèmes qualifiés par Rittel et Webber (1973/1984) de wicked « pernicieux », certains auteurs ont étendu la liste des caractéristiques des problèmes mal définis. Ainsi, ils considèrent que ces problèmes sont fondamentalement uniques et n’ont pas de formulation définitive – chaque formulation correspondant à au moins une solution –, et qu’il n’y a pas de classes de problèmes, de sorte qu’il n’y a pas de principes de solution applicables à tous les membres d’une classe éventuelle.
II . 4. RESOLUTION D’UN PROBLÈME MAL STRUCTURÉ EN DEUX ETAPES : LE STRUCTURER, LE RÉSOUDRE
26Simon (1969/1996, 1973/1984) distingue deux étapes dans la résolution de tout problème. D’abord, on le structure, ensuite on résout le problème bien structuré qui en résulte. Simon (1973/1984) note que la structuration demande une proportion importante d’effort par comparaison à sa résolution.
27De nombreux auteurs ont adopté cette vue en deux étapes (aussi qualifiées de « construction de représentation de problème » et de « génération de solution »), certains ajoutant une troisième étape : l’évaluation de solution.
28Différentes études empiriques ont montré que, dans le cas de projets de conception réels, ce n’est qu’en théorie que l’on peut différencier l’analyse du problème et l’élaboration de solutions en activités séparées, consécutives. En réalité, ces activités progressent en parallèle. En outre, les concepteurs génèrent sans cesse de nouvelles tâches et redéfinissent les contraintes de leur tâche : ils « restructurent » le problème. Même s’ils ont connaissance d’une méthodologie qui distingue l’analyse de la synthèse, ils ne la suivent que rarement de façon systématique (Akin, 1979-1984 ; Carroll & Rosson, 1985 ; Cross, 1984 ; Dasgupta, 1989 ; Dorst & Cross, 2001 ; Visser, 1987).
II . 5. LA CONCEPTION COMME UNE ACTIVITÉ DE RECHECHE DE COMPROMIS (SATISFICING)
29Plutôt que de chercher la solution optimale qui soit la meilleure de toutes les solutions possibles (optimisation), les concepteurs cherchent des solutions acceptables et satisfaisantes (Simon, 1987-1995). Cette recherche de compromis (satisficing) qui consiste à « se contenter de ce qui est suffisamment bon » (Simon, 1971-1975, p. 1) est utilisée quand on ne peut pas disposer de toute l’information : un concepteur ne peut ni envisager toutes les solutions possibles, ni prendre en considération toutes les éventualités.
30Cette vue de la conception est adoptée de façon unanime en cognitive design research. La recherche de compromis a été observée par divers auteurs (Ball, Lambell, Reed, & Reid, 2001). D’après Akin (2001), les concepteurs varient toutefois selon leur discipline : alors que des architectes y procèdent en effet, des concepteurs en ingénierie adoptent des méthodes plus « objectives » dans leur sélection parmi les possibles (par exemple, de l’optimisation).
II . 6. LES PROBLÈMES DE CONCEPTION : DES PROBLÈMES COMPLEXES
31Simon considère la décomposition comme une stratégie importante de résolution de problèmes. On constate, cependant, qu’un problème de conception est rarement décomposable en sous-problèmes indépendants. Un concepteur décompose évidemment ses problèmes pour les rendre plus gérables et plus faciles à résoudre. Nous considérons toutefois que Simon et de nombreux chercheurs qui le suivent surestiment le rôle de la décomposition systématique, en particulier à travers le raffinement balancé en étapes (balanced, stepwise refinement). Les concepteurs y procèdent rarement dans des projets de conception non routiniers. Sur ce point également, la discipline introduit des variations selon Akin (2001) : les architectes utilisent des stratégies idiosyncrasiques pour décomposer les problèmes en sous-problèmes et pour intégrer leurs solutions ensuite dans une solution globale, alors que, en conception de matériel électronique ou conception mécanique, l’interaction entre les différentes parties est déterminée de façon théorique et guide la décomposition de façon systématique.
II . 7. SOLUTIONS PRÉCOCES
32Les concepteurs génèrent souvent, au tout début d’un projet, un noyau de solution auquel ils restent fidèles dans l’élaboration de leur solution globale. De nombreux auteurs (Kant, 1985 ; Lawson, 1994 ; Ullman, Dietterich, & Staufer, 1988) ont identifié ce « générateur primaire » (Darke, 1979-1984), objet de « fixation précoce » pour les concepteurs (Ball, Evans, & Dennis, 1994 ; Goel, 1995). Visser (2006 a) a fait valoir que cette approche en termes de fixation précoce est moins évidente qu’il n’y paraît pour la conception en général et mérite d’être examinée de plus près dans des études empiriques sur la conception professionnelle.
II . 8. PLUSIEURS SOLUTIONS SATISFAISANTES PLUTÔT QU’UNE SEULE SOLUTION CORRECTE
33Plutôt qu’une seule « bonne » solution, des problèmes de conception ont plusieurs solutions acceptables. Cette caractéristique des problèmes de conception, liée à leur caractère mal défini qui font l’objet de recherche de compromis, a été observée dans divers domaines tels que l’architecture (Eastman, 1970), la conception mécanique (Frankenberger & Badke-Schaub, 1999), la conception de logiciels (Malhotra, Thomas, Carroll, & Miller, 1980) ou l’aménagement de carrefours à feu (Bisseret, Figeac-Letang, & Falzon, 1988).
II . 9. ÉVALUATION DE SOLUTIONS EN L’ABSENCE DE CRITÈRES PRÉEXISTANTS
34Il y a peu de références préexistantes, objectives pour l’évaluation d’un projet de conception (Bonnardel, 1991 ; Ullman et al., 1988). Les critères et les procédures d’évaluation font d’ailleurs eux-mêmes aussi l’objet d’évaluations (D’Astous, Détienne, Visser, & Robillard, 2004). Ils sont des formes de connaissance et l’expertise des concepteurs influe sur les critères que ceux-ci adoptent et sur leur utilisation (D’Astous et al., 2004). Étant donné que, dans une situation de conception collaborative, les concepteurs ont généralement des représentations différentes du projet, les propositions de solution font l’objet de négociations et l’accord final sur une solution résulte souvent de compromis (Martin, Détienne, & Lavigne, 2001).
II . 10. REUTILISATION DE CONNAISSANCES
35La réutilisation de connaissances à travers un raisonnement analogique est une stratégie fondamentale en conception (Burkhardt, Détienne, & Wiedenbeck, 1997 ; Détienne, 1998 ; Maiden, 1991 ; Sutcliffe & Maiden, 1991 ; Visser, 1999). Cette utilisation de connaissances résultant de projets de conception antérieurs spécifiques se combine avec celle de connaissances génériques, notamment au sujet de méthodes de conception, du domaine d’application et des domaines techniques qui sous-tendent le projet. Même si elle a été observée aussi dans des études expérimentales, la réutilisation est typique de concepteurs professionnels.
II . 11. ORGANISATION OPPORTUNISTE DE L’ACTIVITÉ DE CONCEPTION
36L’activité de conception a une organisation opportuniste : les concepteurs procèdent d’une façon non systématique, multidirectionnelle (ici de haut en bas, là de bas en haut ; parfois en largeur d’abord, d’autres fois en profondeur d’abord), en formulant des plans locaux, aussi bien à des niveaux abstraits qu’à des niveaux concrets. Selon Visser (1987), une telle organisation de l’activité est motivée par un souci d’ « économie cognitive ». Pour satisfaire ce besoin, le concepteur essaie de profiter des données à sa disposition, particulièrement sa représentation du projet en progression et des informations à son sujet.
37Les avis divergent sur cette caractéristique (Visser, 2006 a). Notamment Davies (1991) et Ball et Ormerod (1995) adoptent d’autres positions. Selon Davies, « des programmeurs experts adoptent, concernant leur tâche de programmation, une approche largement de haut en bas, au moins pendant les phases initiales » (1991, p. 1861). De nombreuses observations (Guindon, Krasner, & Curtis, 1987 ; Kant, 1985 ; Ullman et al., 1988 ; Visser, 1987 ; Voss, Greene, Post, & Penner, 1983) montrent, toutefois, que, même si des concepteurs procèdent souvent de haut en bas, 1 / ils procèdent aussi de bas en haut ; 2 / une telle approche est souvent occasionnelle et locale, plutôt que systématique à travers tout le processus de conception ; et 3 / les deux approches sont généralement encore entremêlées d’autres approches – et cela est exactement l’une des formes que l’opportunisme peut revêtir.
38Davies (1991) qualifie la conception comme « largement de haut en bas avec des épisodes locaux opportunistes ». Nous la caractérisons d’ « opportuniste, avec des épisodes hiérarchiques » (Visser, 1994), suivant en cela Hayes-Roth et Hayes-Roth (1979), qui analysent le raffinement systématique comme un cas spécial d’opportunisme. Celui-ci permet des structures organisationnelles diverses de l’activité, plutôt qu’une seule ou même une combinaison de deux structures. Une activité peut avoir des épisodes hiérarchiques à un niveau local, tandis que son organisation globale n’est pas hiérarchique (Visser, 1994).
III. LA CONCEPTION COMME UNE CONSTRUCTION DE REPRÉSENTATIONS
39À l’occasion du colloque en honneur de Herbert Simon, The Sciences of design. The scientific challenge for the 21st century (Visser, 2002 b), nous avons engagé une réflexion sur l’analyse que Simon fait de la conception. Elle nous a conduits à envisager celle-ci, plutôt que comme une activité de résolution de problèmes, comme une activité de construction de représentations – internes et externes, privées et utilisées conjointement [3] – à travers l’utilisation de différents systèmes sémiotiques, notamment, des modalités verbale, graphique et gestuelle (interaction multimodale) (Traverso & Visser, 2003 ; Visser & Détienne, 2005).
40Cette section présente notre approche de la conception. Nous définissons la conception et présentons ses deux éléments centraux : les structures représentationnelles et les activités qui s’exercent sur elles. Comme la littérature en cognitive design research offre bien plus de discussions sur les structures que sur les activités représentationnelles, nous entrerons davantage en détail pour celles-ci.
III . 1. DEFINITION DE LA CONCEPTION
41La conception consiste à spécifier un artéfact (l’artéfact produit), à partir de spécifications de départ (requirements) qui indiquent – en général de façon ni explicite ni exhaustive – les fonctions à remplir par l’artéfact, ainsi que les besoins et buts qu’il doit satisfaire, étant donné certaines conditions (exprimées par des contraintes). Sur le plan cognitif, cette activité de spécification consiste à construire des représentations de l’artéfact à concevoir – elles-mêmes aussi des artéfacts – jusqu’à ce que ces représentations soient si précises, concrètes et détaillées qu’elles spécifient complètement et explicitement la réalisation de l’artéfact produit (spécifications de réalisation) (Visser, 2006 a).
42Cette construction est itérative et conduit à de nombreuses représentations intermédiaires. La différence entre les artéfacts final et intermédiaires (des représentations) est une question de degré de spécification, complétude et abstraction (concrétisation et précision) (cf. Goel, 1995).
43Les deux types de spécifications étant des représentations, l’activité de conception consiste en la transformation d’une représentation en une autre, où les deux sont de nature différente, mais représentent le « même » artéfact. Pour être plus précis, toutefois, la représentation de départ représente un grand nombre d’artéfacts produits tandis que la représentation finale est censée n’en représenter qu’un seul. En réalité, la représentation finale d’un projet de conception laisse encore beaucoup d’espace à la réalisation de l’artéfact produit.
III . 2. STRUCTURES REPRÉSENTATIONNELLES
44La notion de « représentation » a fait l’objet de beaucoup de débats en sciences cognitives (Goel, 1995 ; Greco, 1995 ; Representation, 1995). Dans notre vision de la conception, construction et utilisation de représentations sont centrales dans cette activité.
45Dans les travaux sur les représentations en conception, il s’agit généralement de représentations externes (Goel, 1995 ; Purcell, 1998 ; Verstijnen, Heylighen, Wagemans, & Neuckermans, 2001 ; Verstijnen, van Leeuwen, Goldschmidt, Hamel, & Hennessey, 1998). Les concepteurs utilisent évidemment aussi des représentations internes, telles que des percepts, images mentales et modèles mentaux.
46Divers auteurs soulignent que l’ « ambiguïté » de certaines représentations externes utilisées par les concepteurs, telle l’esquisse (Goel, 1995), a une fonction essentielle en conception, à savoir que ces représentations peuvent être imprécises et provisoires. Stacey et Eckert (2003) soulignent, toutefois, qu’il faut distinguer ces deux caractéristiques car ce n’est pas le caractère imprécis d’une représentation qui est salutaire, mais son caractère provisoire.
III . 3. ACTIVITE DE CONSTRUCTION DE REPRÉSENTATIONS
47Nous distinguons trois types d’activité de construction de représentations : génération, transformation et évaluation. De nombreuses autres activités, opérations et processus interviennent dans ces activités. Quelques exemples en sont la (ré)interprétation, l’association, l’analyse, l’exploration, l’inférence, la restructuration, la combinaison, la formulation d’hypothèses, la justification, le raisonnement analogique – et dans d’autres registres : d’une part, l’imagerie mentale et, d’autre part, le dessin.
48Même s’il est simpliste de qualifier d’ « analyse » la première « étape » dans un processus de conception, cette forme d’interprétation correspond bien à une activité centrale dans les premières phases d’un projet de conception. L’analyse des contraintes données dans les spécifications de départ, par exemple, est essentielle pour désambiguïser celles-ci. Analyser l’état du projet tel qu’il est au moment t peut être un moyen d’y introduire du détail ou du concret. Avec sa connotation logique, la notion n’est, toutefois, pas bien appropriée pour traduire la seule ou même la principale activité dans les premières phases de conception. Il faudra aussi des activités non algorithmiques, comme l’interprétation, l’association ou l’exploration.
49Le raisonnement analogique joue un rôle important dans les trois activités de construction. Il sous-tend la réutilisation (Visser, 1999). Il intervient dans l’interprétation de problèmes mal définis et peut conduire à l’évocation d’idées « intéressantes » (comme l’évocation de caténaires pour trouver des principes de déploiement d’antennes de satellite ; Visser, 1991). Il joue un rôle organisateur et facilitateur quand le concepteur l’utilise pour exploiter des problèmes déjà résolus, en adaptant leur solution (par exemple, adapter la définition d’un poste d’ébauche pour celle du poste de finition ; Visser, 1996).
50Bien sûr, le concepteur fait aussi appel à l’inférence. La déduction est utilisée cependant dans une bien moindre mesure que l’induction. Par exemple, Goel (1995) n’identifie que 1,3 % d’ « inférences (ouvertement) déductives » dans ses protocoles de conception.
51Plusieurs auteurs présentent la restructuration et la combinaison (synthèse) de représentations comme essentielles dans le processus créatif. Elles constituent des outils pour la réinterprétation. Verstijnen et al. (1998, 2001) montrent que, de façon différente, chacune peut conduire un concepteur à introduire de nouveaux éléments dans sa représentation courante.
52Le dessin (esquisse et autres formes) intervient dans différentes activités. Il peut servir l’analyse, la restructuration et la simulation. Dans l’interaction, il peut contribuer à informer ou expliquer. Le dessin relativement non structuré qu’est le croquis peut donner au concepteur accès à des connaissances inaccesssibles autrement et conduire à de nouveaux points de vue sur le projet en cours. Ceux-ci peuvent même déboucher sur des orientations entièrement nouvelles (cf. Schön & Wiggins, 1992 : seeing-moving-seeing ; Suwa, Gero, & Purcell, 1999 : unexpected discoveries).
III . 3 . A. Génération
53Notre distinction entre génération et transformation dépend de ce qui est la principale ressource dans la construction de représentations. S’il s’agit de l’état du projet de conception, nous parlons de « transformation » ; s’il s’agit des connaissances ou de la mémoire à long terme du concepteur, il s’agit de « génération ». Toutefois, même dans cette construction « à partir de zéro » (from scratch), il y a toujours une influence externe : par exemple, des spécifications de départ et des contributions du « monde extérieur », comme des normes ou des collègues qui formulent des avis, des suggestions ou d’autres contributions.
54La génération peut être mise en œuvre par différents types de processus et opérations : de la « simple » évocation de connaissances en mémoire à l’élaboration de nouvelles représentations à partir d’unités de connaissance sans lien immédiat avec la tâche en cours (Visser, 1991). Le raisonnement analogique et la mise en œuvre d’autres sauts non déterministes (Johnson-Laird, 1989) peuvent jouer un rôle important.
III . 3 . B. Transformation
55Nous avons proposé une distinction entre différentes activités selon le type de transformation entre représentation de départ rx et représentation d’arrivée ry (Visser, 2006 a) :
56— dupliquer (Goel, 1995) : répliquer ou reformuler ri ;
57— ajouter : introduire de l’information nouvelle ou de « petites altérations » en ri (Van der Lugt, 2002) ;
58— détailler : découper ri en composants ri1 à rin ;
59— concrétiser : transformer ri en qui représente ri d’une perspective plus concrète ;
60— modifier : transformer ri dans une autre version , ni en le détaillant, ni en le concrétisant.
61— révolutionner : remplacer ri par une représentation alternative rj, ni en le détaillant, ni en le concrétisant (cf. les « transformations tangentielles » proposées par Van der Lugt, 2002, qui sont des « sauts sauvages dans une autre direction »).
III . 3 . C. Évaluation
62Selon les méthodologies traditionnelles de conception, la génération et l’évaluation de solutions sont deux étapes différentes dans un projet de conception. Cependant, des études empiriques ont montré que les deux sont fortement intriquées (Visser, 1994). Par ailleurs, dans une étude conduite sur des concepteurs pendant des réunions de revue technique, nous avons observé que les concepteurs qui n’étaient pas censés faire de la conception mais seulement de l’évaluation en faisaient quand même (d’Astous et al., 2004). Ils ne prenaient pas seulement note de l’évaluation négative qu’ils portaient sur certaines solutions, mais formulaient aussi des solutions alternatives pour celles-ci.
63Évaluer une entité consiste à la jauger vis-à-vis d’une ou plusieurs références. Selon la source de celles-ci, les chercheurs en distinguent différents types : prescrites, construites ou déduites (Bonnardel, 1991 ; Ullman et al., 1988). Selon l’utilisation qui en est faite, ils distinguent trois types de stratégies d’évaluation (Bonnardel, 1991 ; Martin et al., 2001) : analytique, comparative ou analogique.
64Comme souligné plus haut (section II . 9), l’utilisation de références pour l’évaluation a beaucoup d’aspects subjectifs et relatifs. Le point de vue des concepteurs sur les références tout comme les stratégies qu’ils adoptent dépendent de leurs connaissances et représentations. Ils construisent et déduisent différentes références, et considèrent différentes contraintes comme « prescrites ». De façon équivalente, les connaissances et représentations influent sur leurs stratégies : elles guideront, par exemple, les comparaisons ou analogies établies.
IV. CONCLUSION
65L’objet de cet article était un double développement en cognitive design research, le premier interne à l’approche de la conception comme résolution de problèmes (position introduite par Simon, 1969-1996), le second la transition de cette approche vers la construction de représentations (Visser, 2006 a). Parmi les 11 caractéristiques de la conception élaborées à partir des analyses de Simon sur lesquelles il existe un accord plus ou moins général dans la communauté, un nombre important vaut pour les deux positions : l’approche de la conception comme une activité cognitive plutôt qu’un statut professionnel et comme une activité de recherche de compromis, l’importance du caractère mal défini des spécifications (le « problème »), du caractère complexe des éléments d’un projet de conception, de la fixation par le concepteur sur des idées précoces, du caractère « satisfaisant » au lieu de « correct » des propositions avancées, de l’évaluation de celles-ci devant se faire en l’absence de critères préexistants et de la réutilisation de connaissances. Le caractère opportuniste de l’organisation de l’activité de conception reste une question sous débat.
66Dans la seconde section, nous avons défini la conception comme une activité qui consiste à spécifier un artéfact, étant donné les spécifications de départ de celui-ci, en générant et transformant des représentations de façon continue. Cette approche qui met l’accent sur les aspects constructifs de l’activité et sur l’importance de différentes formes de représentations permet, à notre avis, de rendre mieux compte de la richesse des activités et structures cognitives mises en œuvre dans la conception.
67Manuscrit reçu : juin 2008. Accepté après révision par les coordinateurs : octobre 2008.
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Mots-clés éditeurs : Résolution de problèmes, Ergonomie cognitive de la conception, Cognitive design research, Conception générique, Représentation
Mise en ligne 12/03/2009
https://doi.org/10.3917/th.721.0061Notes
-
[1]
Les deux termes ne sont donc pas interchangeables. Ne voyant pas de traduction réussie pour cognitive design studies, nous le maintenons dans ce texte.
-
[2]
Trad. franç. : Simon (1969/1974).
-
[3]
Nous distinguons les représentations personnelles des concepteurs travaillant ensemble qui sont « privées » et les représentations que ces concepteurs utilisent conjointement.
-
[*]
1. LTCI (Laboratoire commun en traitement et communication de l’information), UMR 5141, CNRS – Telecom ParisTech, Département SES (Sciences économiques et sociales), Bureau 419, 46, rue Barrault, F-75634 Paris Cedex 13. E-mail : willemien. vvvisser@ telecom-paristechap. fr.