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Article de revue

Manutention : prise d'information et décision d'action

Pages 193 à 216

I. INTRODUCTION

1Bien qu’une part importante des opérations de transfert ou transport de marchandises / produits s’effectue dorénavant automatiquement ou à l’aide d’équipements de levage (ex. : transfert de palettes à l’aide du chariot à fourche), la manutention manuelle demeure une circonstance importante d’accident. En effet, s’il est relativement facile d’automatiser les manutentions qui varient peu quant aux caractéristiques des objets déplacés et des lieux de prise/dépôt, ce n’est pas le cas des activités de manutention qui impliquent une diversité de contenants/formats et/ou de contextes. Ainsi, la manutention qui demeure manuelle – surtout dans les grandes entreprises qui disposent de moyens techniques – est souvent de nature complexe.

2Jusqu’à présent, des efforts considérables ont été consacrés au développement de modèles et d’outils afin d’évaluer les contraintes au dos, à L5/S1, résultant d’une activité de manutention. On a en particulier cherché à déterminer des limites acceptables en termes de charge (ex. : poids à lever contre fréquence contre hauteur) ainsi qu’à dégager des principes d’action sécuritaire. Dans le premier cas, les limites acceptables les plus utilisées, soit celles du National Institute for Occupational Safety and Health (Nosh, 1981 ; Waters, Putz-Anderson, Garg, & Fine, 1993) sont issues d’un consensus établi à partir d’un corpus d’études utilisant des critères physiologiques, biomécaniques et psychophysiques. Ces valeurs sont cependant fondées sur des études menées dans des contextes expérimentaux relativement simplifiés par rapport à la réalité du travail. Dans le second cas, malgré le grand nombre de programmes de formation, le bilan des études menées sur différents paramètres d’exécution montre qu’il est difficile de dégager un consensus clair sur des principes d’exécution sécuritaires, de trancher entre les avantages et désavantages que chacun présente (Hsiang, Brogmus, & Courtney, 1997). Par ailleurs les études de terrain montrent que les techniques et paramètres d’exécution diffèrent souvent de ce qui est recommandé ou étudié (Saint-Vincent, Lortie, & Tellier, 1989 ; Lortie & Baril-Gingras, 1998) et que l’implantation de programmes de formation à la manutention a des effets mitigés (Kroemer, 1992). Enfin, malgré le consensus établi sur les valeurs acceptables, les blessures au dos continuent d’être un enjeu majeur en santé au travail (Westgaard & Winkel, 1997), ce qui a suscité de nombreuses interrogations sur les facteurs de risque et l’importance potentielle de facteurs autres que biomécaniques, soit les facteurs psychosociaux (Carayon, Smith, & Haims, 1999 ; Westgaard, 2000).

3Une revue des grilles d’observation publiées montre qu’on accorde toujours une grande importance à la dimension posturale (Denis, Lortie, & Rossignol, 2000), à l’exclusion pratiquement de toute autre caractéristique, même l’organisation des efforts. En fait, la domination de l’approche épidémiologique a amené les études à se centrer sur l’évaluation de certains risques, au détriment de la compréhension des stratégies et méthodes de manutention développées par les manutentionnaires. Sans nier la pertinence de la dimension posturale, il est clair qu’elle ne suffit pas pour décrire et comprendre les risques associés à la manutention, ni les modes opératoires développés. Ces derniers sont par ailleurs très variés et ce, même dans des situations relativement simples, où un seul paramètre est modifié, comme la hauteur ou le poids (Authier, Lortie, & Gagnon, 1995). D’autre part, les entrevues conduites avec des manutentionnaires provenant de différents secteurs montrent que cette variabilité sous-tend la présence d’un processus de décision souvent complexe, en fait de résolution de problème où il s’agit de trouver la meilleure solution pour déplacer de A à B un objet ayant certaines propriétés, en tenant compte de ses propres capacités. Les dimensions physiques et cognitives sont alors intimement interreliées et les choix ne peuvent se comprendre qu’en éclairant les liens entre les deux. Analyser les modes opératoires uniquement en termes de facteurs de risque, comme c’est l’usage, ne permet pas de les situer en tant que moyen utilisé pour réaliser le travail et atteindre les objectifs fixés. Les modes opératoires constituent pourtant un riche objet d’observation et d’analyse en ce qu’ils peuvent informer tant sur la décision d’action elle-même (e.g. donner une impulsion pour monter une charge), le processus de décision (ex. : poser des gestes pour prendre certaines informations), les objectifs poursuivis (ex. : forcer le moins possible) que sur les moyens utilisés (ex. : se rapprocher d’un objet). Établir des politiques de prévention ou transformer le travail de manutention sans comprendre ces différentes dimensions peut mener à des situations d’échec.

4L’objet de cet article est d’articuler les dimensions physiques et cognitives mises en jeu dans la manutention. Plus particulièrement, nous verrons quels sont les objectifs potentiellement poursuivis par les manutentionnaires et comment ceux-ci peuvent se traduire en termes de modes opératoires. En effet, si ces objectifs sont parfois faciles à identifier ou du moins à comprendre, leur mise en œuvre en termes de modes opératoires ou de stratégies l’est moins. Cette mise en œuvre nécessite, comme nous le verrons, la prise en compte de multiples informations ainsi que leur organisation.

II. CADRE GÉNÉRAL

5Le manutentionnaire reçoit des informations à travers son système perceptif. Ces informations, peuvent être passivement reçues comme activement recherchées, par des opérations spécifiques observables de prises d’information ou à travers certains modes opératoires. À titre d’exemple, le fait de tirer sur une marchandise (opération) peut permettre de capter des informations sur sa masse et sur le centre de masse. Une prise asymétrique (mode opératoire), permet aussi de situer le centre de masse. Ces informations sont intégrées et interprétées en vue de prendre acte. Par exemple, le manutentionnaire peut compenser le décentrage en appliquant plus de force d’un côté ou il peut tourner et incliner le contenant pour le recentrer dans l’espace, ou même utiliser ce décentrage pour créer un effet de momentum. Les informations peuvent être prises et analysées avant le transfert, mais aussi en cours d’action. Dans le second cas, le manutentionnaire doit alors pouvoir s’ajuster rapidement à l’information reçue. Quelle que soit la décision d’action, celle-ci demeure cependant tributaire des objectifs poursuivis par le manutentionnaire. Ces interrelations sont sommairement schématisées sur la figure 1.

Figure 1
Fig. 1.
Schéma de l’activité de manutention
Material handling diagram

6On le comprendra, certains de ces éléments s’observent aisément alors que d’autres se révèlent mieux à travers des procédures de questionnement. Autant l’activité physique du manutentionnaire ne peut se comprendre si elle est déconnectée de sa dimension cognitive, autant l’inverse est vrai. Autant l’observation aide à comprendre ce qui est dit, autant les entrevues aident à comprendre ce qui est observé. Dans cet article, les deux sources sont ainsi continuellement confrontées. Les exemples qui seront donnés proviennent de différentes études dont les principales caractéristiques sont résumées sur l’annexe. Il s’agit d’études menées tant sur le terrain qu’en situation expérimentale. L’appellation expert fait référence à des manutentionnaires identifiés par leurs pairs comme étant les meilleurs. Expérimenté fait référence à l’ancienneté, indépendamment de l’expertise. En général, dans nos études, le seuil est fixé à deux ans. Les termes « novice et inexpérimenté » sont utilisés surtout pour les sujets ayant participé aux expérimentations. Le terme novice est réservé aux sujets ayant entre trois et six mois d’expérience en manutention, expérience cumulée le plus souvent sur une base d’emploi temporaire ou à temps partiel. Le terme inexpérimenté concerne les participants sans expérience en manutention.

III. OBJECTIFS POURSUIVIS

7Outre le maintien de leur intégrité physique, les manutentionnaires poursuivent aussi des objectifs de performance et de satisfaction.

III . 1. MAINTENIR L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE

8Le maintien de cette intégrité met en jeu trois types d’objectifs : diminuer les risques de blessure, préserver un niveau acceptable de fatigue et de confort ainsi que s’assurer de pouvoir s’ajuster rapidement à une situation.

III . 1 . A. Diminuer les risques de blessure

9En manutention, on reconnaît que les efforts excessifs, en fait les contraintes transmises aux tissus, sont une source de blessure importante. Ainsi, beaucoup d’efforts ont été consacrés à identifier, d’une part, les caractéristiques qui augmentent ces contraintes, comme la posture, la masse ou certaines conditions spatiales (Denis et al., 2000) et, d’autre part, les caractéristiques physiques prédictives des capacités de levage, telles le groupe musculaire-clé (ex. : quadriceps, dos, abdomen) ou le type de tests d’effort le plus prédictif (ex. : statique contre dynamique). Pourtant, hormis le fait d’être en bonne condition, les manutentionnaires ne mentionnent pour ainsi dire jamais les capacités physiques comme étant un point-clé. Par exemple, des livreurs, interrogés sur ce qui fait qu’un livreur est meilleur qu’un autre ou s’en tire bien, ne mentionnent pas la force physique, mais plutôt : « la débrouillardise : il va trouver la bonne méthode pour faire chaque client. Savoir organiser sa journée. Apprendre à travailler avec un régulier car il sait quoi faire ». Les seize préposés aux commandes questionnés sur ce qui différencie le plus les jeunes des plus âgés n’ont identifié la condition physique qu’à trois reprises. À leurs yeux, les aspects comportementaux (motivation, concentration, façon de travailler) sont plus importants (Couture, 2000).

10En effet, dans les secteurs où la manutention présente de la variabilité, les imprévus ou les incidents sont fréquents et les conditions, parfois difficiles. Un contenant peut se briser, un patient réagir de façon inattendue, un sol être glissant ou présenter une surface inégale. Un mode opératoire peut permettre de prévenir ou de mieux absorber ces imprévus ou difficultés qu’un autre. Ainsi, interrogé sur la technique de manutention utilisée lors d’une expérimentation par rapport à celle qu’il aurait utilisé au travail, un manutentionnaire novice (il avait travaillé quelques mois au déchargement de remorques) a expliqué que bien qu’à son point de vue, la technique qu’il avait choisi d’utiliser (genoux fléchis / dos droit) ait été la meilleure pour préserver son dos, il ne l’utilisait pas au travail car elle ne lui permettait pas de réagir assez vite aux imprévus. De fait, une étude sur les accidents réalisée dans ce milieu a montré qu’un imprévu était mentionné pour 58 % des accidents (Lortie, Lamonde, Colling, & Tellier, 1996), l’instabilité des marchandises constituant le type d’imprévus le plus fréquent (25 %). Le manutentionnaire peut alors être frappé par cette marchandise ou tenter de la retenir ou de la récupérer, ce qui peut engendrer un déséquilibre ou un mouvement soudain. Les conditions difficiles ou les incidents/imprévus peuvent ainsi engendrer des dysfonctionnements, en particulier au niveau du contrôle de l’équilibre et de l’objet qui peuvent occasionner des efforts excessifs et soudains causant une lésion (Marras, Rangarajurulu, & Lavender, 1987 ; Manning & Shannon, 1981 ; Strandberg, 1985). Les incidents et dysfonctionnements sont généralement peu repérés dans les études d’accidents, l’extraction des données étant centrée presque exclusivement sur la lésion, soit la région blessée, le type de blessure ou d’accident (Lortie & Rizzo, 1999).

11Certains modes opératoires peuvent aider à prévenir les conséquences d’imprévus ou de dysfonctionnements en améliorant par exemple le contrôle de l’objet et/ou de l’équilibre. Par exemple, l’utilisation des quadriceps est considérée comme protectrice pour le dos, de sorte que la flexion accentuée des genoux est souvent favorisée dans les programmes de formation. Cependant, la flexion des genoux peut aussi entraîner une diminution de l’équilibre (Hsiang et al., 1997), celle-ci provoquant un éloignement du centre de masse par rapport à la base d’appui (Denis, 2001). De fait, les manutentionnaires disent éviter les flexions des genoux prononcées pour préserver leur équilibre. Les experts disent aussi favoriser, lorsque c’est possible et pertinent, la prise diagonale sur les coins parce qu’elle améliore le contrôle sur l’objet. « En agrippant la boîte par les coins, on s’assure d’avoir une prise sur les trois côtés à la fois. Ça ne peut pas glisser parce qu’elle est barrée... Si en plus, le petit doigt sert à barrer la boîte... Si tu le mets en dessous, déjà, tu as une petite prise de plus qui a l’air banal, mais qui est là. »

III . 1 . B. Préserver un niveau acceptable de fatigue et de confort

12Il peut s’agir de réduire la durée ou l’intensité des efforts, d’éviter certaines conditions d’effort ou d’en favoriser la régularité.

13• Réduire la durée des efforts : Cet objectif est presque systématiquement mentionné, quel que soit le milieu étudié. Par ailleurs, une étude expérimentale récente sur la perception montre que la durée est le paramètre le mieux corrélé à la perception des efforts et de l’efficacité (Nastasia, Lortie, Delisle, & Gagnon, 2001). Cet objectif peut être rencontré par le développement de modes opératoires précis : « Si tu es sur les deux pieds au départ, il faut que tu transfères ton poids avant de faire un pas, tandis que si tu es déjà en appui sur un pied, tu es prêt à faire ton pas. Tu gagnes peut-être 2/10e de seconde à chaque fois... au bout de 200 boîtes... » (expert, Authier, 1996). Le positionnement des équipements ainsi que le positionnement du manutentionnaire jouent aussi un rôle majeur dans cette recherche de la réduction de la durée de l’effort. Par ailleurs, lorsqu’il est dit à un manutentionnaire de prendre son temps, cela peut aller à l’encontre de cet objectif de réduire la durée d’effort et au contraire augmenter la charge de travail. Cependant, réduire la durée d’effort, ne signifie pas « aller vite ».

14• Réduire les efforts : Réduire les efforts en rapprochant le centre de masse est sans doute le premier moyen utilisé. Il peut cependant être réalisé de différentes façons. Une première façon, la plus flagrante consiste à se rapprocher de l’objet ou à rapprocher comme tel l’objet ou son centre de masse (ex. : incliner l’objet ou le saisir du côté excentré). Un rapprochement implique que le glissement de l’objet soit facilité. Un autre moyen pour réduire les efforts réside dans l’utilisation de modes opératoires fins et d’un savoir-faire précis quant à l’utilisation des effets de momentum et de l’utilisation de l’impulsion. « C’est la manière dont le poids est placé et déplacé qui fait que nous, nous avons le poids pour nous. Les novices ont le poids qui travaille contre eux » ; « (ils) ne savent pas comment s’aider avec la pesanteur » (manutentionnaire expert). Cependant, pour pouvoir utiliser ces savoir-faire, il faut pouvoir être positionné adéquatement, ce qui exige aussi la mise en place de stratégies parfois complexes. À titre d’exemple, une étude menée dans un entrepôt auprès de préposés aux commandes, a montré que pour utiliser les effets d’accélération, il fallait que le chariot soit positionné suffisamment près des caisses à prendre. La possibilité de positionner ce chariot, long de deux palettes, difficile à manœuvrer, dépendait de la possibilité d’en planifier le déplacement, ce qui nécessite de connaître à l’avance l’ensemble des adresses de la commande à exécuter. On peut mentionner aussi d’autres modalités comme l’utilisation des contrepoids (ex. : la jambe libre), le transfert de poids et les prises d’appui.

15• Favoriser la continuité et la régularité de l’effort : Les changements de direction augmenteraient les contraintes au dos (Gagnon, Roy, & Lortie, 1988). L’observation montre que les manutentionnaires privilégient les efforts exercés selon un axe horizontal (et diagonal), parallèle aux épaules, ce qui favorise la continuité du mouvement (Lortie & Baril-Gingras, 1998). Tout arrêt du mouvement brusque ou contrecoup est évité. « On doit apprendre comment lancer les caisses ; on ne doit pas arrêter l’élan. Sur le convoyeur (à la réception) : il ne faut pas mettre son bras droit, il ne faut pas le barrer ; ça donne des secousses dans le vide » (livreur expérimenté). La façon de se positionner entre le lieu de prise et de dépôt et/ou de positionner un chariot permet de rencontrer cet objectif. Le fait de positionner un pied vers le dépôt tel que décrit plus haut contribue à réduire la durée des efforts mais aussi à obtenir cette continuité recherchée. Pour compenser la position diagonale et limiter le travail en asymétrie, le manutentionnaire repositionne cependant l’objet à transférer en conséquence. À titre d’exemple, l’observation des opérations de pré-transfert a montré que dans 40 % des cas, le contenant était d’abord tourné (Baril-Gingras & Lortie, 1990), comportement qui ne s’observe pas avec les novices (Authier, Lortie, & Gagnon, 1996). Dans certains contextes, les changements brusques de hauteurs ou de distances sont aussi évités pour cette raison. Ainsi, l’observation des zones de prise et dépôt (sol/mi-cuisse, mi-cuisse/épaule, au-dessus des épaules) lors du chargement et du déchargement de remorques a montré que 47 % des transferts s’exécutaient dans les mêmes zones (Lortie & Baril-Gingras, 1998). Les stratégies d’empilage constituent aussi une clé importante : « Si j’ai à prendre une marchandise qui est près de moi, je la mets le plus loin possible ; celles qui sont le plus loin, je les mets le plus proche... Comme ça, j’ai à peu près toujours la même distance à faire » (préposé aux commandes expérimenté).

16Enfin, la régularité de l’effort constitue une autre dimension importante. Interrogés sur ce qui expliquait le mieux leur productivité, la régularité a été l’élément le plus mentionné par les préposés aux commandes. Ce qui l’interrompt peut alors être perçu comme une gêne et non comme une pause bienvenue.

17• Améliorer le confort et diminuer la fatigue : Il peut s’agir de la fatigue centrale, comme de la fatigue locale. Réduire la durée des efforts ou l’intensité des efforts concourt à cet objectif, mais réduire le nombre de manutentions constitue aussi un moyen important. « La clé, c’est de ne toucher à une caisse qu’une fois » (livreur expérimenté). Ce qui permet de l’atteindre dépend du secteur concerné. À titre d’exemple, lors du chargement d’une remorque, c’est la planification du chargement (ordre de chargement, position des marchandises) qui limite les remanutentions. L’observation de 17 préposés au chargement a montré que de 14 % à 77 % (moyenne : 32 %) des marchandises étaient remanutentionnées (Lortie & Pelletier, 1996). Dans le cas des livreurs, c’est plutôt l’organisation du travail d’équipe, la connaissance du secteur et les relations aux clients qui jouent un rôle déterminant. Par exemple, certains clients demandent à vérifier les caisses livrées avant de les placer, ce qui impose une double manipulation. La qualité et la stabilité de la relation avec le client constituent alors un facteur qui peut diminuer le travail de manutention. Dans d’autres situations, c’est l’occurrence d’erreurs qui augmente les remanutentions. Certaines stratégies de palettisation sont alors utilisées pour faciliter les vérifications et éviter les erreurs.

III . 1 . C. Améliorer la flexibilité et la rapidité de s’ajuster aux situations

18Dès que le manutentionnaire se situe dans un contexte de variabilité, il doit pouvoir s’ajuster rapidement. La flexibilité du mode opératoire constitue alors une qualité recherchée. Ceci s’obtient souvent par des modalités de prises particulières. « En agrippant la boîte par les coins, on s’assure d’avoir une prise sur les trois côtés à la fois... pour qu’elle soit plus facile à diriger. Il faut que le pouce soit séparé des autres doigts, qu’il soit placé sur le dessus de la boîte » (manutentionnaire expert). Dans ce cas-ci, la décision sur où et comment placer le contenant est prise en cours d’action, à partir de l’information captée sur le contenant. La position des mains et des doigts, comme on le verra plus loin, permet d’obtenir de l’information sur cet objet mais aussi de s’ajuster à l’information reçue et de modifier rapidement la position de l’objet ou sa trajectoire, si nécessaire. La prise doit permettre de le faire pivoter, tourner ou basculer en conséquence. Ainsi, un mode opératoire est dit efficace s’il permet de s’ajuster rapidement tant à une décision qu’à un imprévu ou un dysfonctionnement.

III . 2. OBJECTIFS DE PERFORMANCE ET DE SATISFACTION

19Les objectifs fixés par l’entreprise sont généralement autant quantitatifs que qualitatifs. Il peut s’agir de ne pas faire d’erreurs, de ne pas endommager la marchandise, de constituer des piles stables, d’équilibrer un chargement. Cependant, il arrive que le manutentionnaire se fixe des objectifs supplémentaires personnels de qualité qui deviennent une source de satisfaction « ... je pense au client à l’autre bout. Quand les magasins reçoivent les commandes et moi je sais la façon dont je les ai faites, je n’aurai jamais de retours de caisses, parce que c’est bien fait » (préposé aux commandes expérimenté) L’étude menée auprès de ces préposés a montré que ces derniers se différenciaient entre eux quant aux nombres de critères utilisés pour définir ce qu’était une « belle palette ». Certains utilisaient deux critères, d’autres en mentionnaient quatre et plus. L’analyse des modes opératoires a par la suite montré que ceux qui se fixaient des objectifs plus élevés semblaient aussi rechercher plus de précision, en se positionnant plus près des caisses par exemple (Couture & Lortie, 1999). Certaines façons d’empiler et de positionner les caisses facilitent aussi la vérification pour éviter les erreurs : « Je ne fais pas d’erreurs en principe. Je fais de belles palettes, de très belles palettes. » Il s’ensuit une reconnaissance des pairs et du superviseur, dont découlent parfois des avantages bien concrets. Interrogés sur leur perception de ce qui différenciait les jeunes préposés des plus anciens, les deux groupes ont cité en premier la motivation plutôt que la condition physique. Questionnés sur les objectifs, la majorité des préposés ont identifié la recherche de qualité en tant qu’objectif dominant chez les plus âgés contre la quantité chez les plus jeunes (Couture, 2000).

20Rencontrer des objectifs de qualité nécessite toutefois la mise en place de stratégies et le développement d’activités de planification complexes où la prise d’information et son analyse jouent un rôle important. Il semble que ceux qui y arrivent, développent aussi des stratégies et des modes opératoires qui sont efficaces en termes de santé et de sécurité. Ainsi, lorsque nous avons demandé dans deux entreprises de transport à des manutentionnaires d’identifier ceux qui, à leur avis, étaient les meilleurs, les manutentionnaires identifiés (ceux obtenant le plus de votes) ont été les mêmes que ceux choisis par les contremaîtres. L’analyse subséquente de leurs dossiers a montré qu’ils étaient rarement accidentés et après un questionnement sur leur santé musculosquelettique, qu’ils avaient peu de problèmes (Authier & Lortie, 1993).

21Dans la mesure où on constate que les seuls facteurs biomécaniques ou physiques ne peuvent expliquer l’évolution des problèmes musculosquelettiques, la dimension satisfaction, et de façon plus large, les aspects dits psychosociaux – dont les facteurs de stress – ont acquis de l’importance ces dernières années (Randall, Griffiths, Cox, & Welsh, 2002). L’utilisation des concepts (latitude décisionnelle, support social, demande psychique) et modèles développés entre autres par Karasek et Theorell (1990) pour éclairer la problématique des troubles musculosquelettiques a suscité beaucoup d’intérêt à cet égard. Ainsi, plusieurs travaux ont eu pour objet de décrire l’impact physique – entre autres au niveau de l’activité électromyographique – des facteurs de stress (Westgaard, 1996). Ce qui a été peu décrit, cependant, est le lien entre l’activité de travail et ces facteurs. Dans une étude récente menée dans deux entrepôts d’une même entreprise, un non-informatisé où le préposé prépare la commande à partir d’une liste papier, et un informatisé où le pistolet informatique indique où aller au fur et à mesure de la saisie du code-barre, la compilation des réponses aux questionnaires développés par Karasek (1985) a montré, comme son modèle le prévoit, que les manutentionnaires du système informatisé qui percevaient une latitude décisionnelle (Job Content Questionnaire) plus faible, rapportaient aussi une charge de travail accrue (Couture, 2000). Très concrètement, l’étude a montré que le fait de disposer de moins d’informations avec l’introduction de l’informatique nuisait aux activités de planification et aux choix des modes opératoires. Par exemple, la conduite du chariot ne pouvait plus être planifiée pour permettre une position rapprochée. Le travail a alors physiquement changé, l’insatisfaction exprimée portant sur des éléments bien concrets. Par exemple, avec le système informatique, si une adresse est vide, le préposé ne peut poursuivre son travail, car il ne peut enregistrer le code-barre. Il bloque la circulation et doit attendre le réapprovisionnement. Les objectifs de diminution de durée d’effort et de régularité sont mis en échec. Ne connaissant plus à l’avance l’ensemble de la commande, ils n’arrivent plus à produire la même qualité d’empilage, ce qui nuit à l’objectif de qualité et les palettes, moins stables, doivent être emballées. Ainsi, aux 16 préposés à qui on a demandé ce qui contribuait le plus à leur satisfaction, les deux réponses dominantes ont été « ne pas faire d’erreurs et la qualité de l’empilage ». Ne pas faire d’erreur permet d’éviter d’avoir à recommencer un empilage. De façon générale, trouver les méthodes les plus économiques ou les plus efficaces présente un défi et est une source de satisfaction. « Le job, c’est jamais pareil. C’est pas monotone » (préposé aux commandes expérimenté).

IV. LA PRISE D’INFORMATION

22La rencontre des divers objectifs énoncés implique la mise en œuvre de modes opératoires et de stratégies qui requièrent non seulement des prises d’information, mais aussi de savoir quelles informations prendre, comment les prendre et comment les utiliser.

IV . 1. SUR L’OBJET DE DÉPLACEMENT

23Les informations d’ordre visuel précèdent généralement la manutention alors que les informations de type proprioceptif sont prises au cours d’une phase préparatoire au transfert ou directement en cours d’action. Dans le cas de situations qui se répètent, les informations acquises par le corps sont mises en mémoire et la prise d’information est par la suite visuelle. À titre d’exemple, la hauteur du centre de masse des caisses d’alcool varie selon la forme des bouteilles, ce qui déterminera la façon de les manutentionner et de les placer. Après quelque temps, l’imprimé sur la caisse, ou la simple lecture de l’adresse permet d’inférer la position du centre de masse. On peut recevoir passivement ces informations – c’est le cas des novices – comme les rechercher activement, à l’aide de modes opératoires précis.

IV . 1 . A. Le poids

24On peut lire une donnée sur le poids mais sa signification concrète dépend du format. C’est donc la manutention et les signaux perçus par le corps qui permettent de la traduire en informations concrètes interprétables. Commissaris et Toussaint (1997) ont montré que le fait de surestimer un poids (les sujets étaient volontairement induits en erreur) occasionne une surcharge momentanée au niveau de la colonne vertébrale ainsi qu’un déséquilibre, le sujet déployant un effort au-delà de ce qui est nécessaire. La reconnaissance du poids est donc importante et c’est le but de certaines opérations de prétransfert (ex. : basculer, tirer). Ainsi, une étude de terrain menée auprès de manutentionnaires déchargeant des remorques a montré qu’environ un transfert sur cinq était précédé d’une action spécifique d’identification (Baril-Gingras & Lortie, 1995). Les opérations de prétransfert (57 % des manutentions) permettent aussi de rapprocher le centre de masse. L’action de tirer a déjà été considérée comme un élément de la technique de transfert permettant potentiellement de contrer l’effet d’inertie de la charge. Cependant, les études expérimentales menées sur l’impact de cette action sur le chargement résultant au dos, n’ont pu en dégager des bénéfices clairs (ex. : Leskinen, Stålhammar, Kuorinka, & Troup, 1983). Toutefois, ces opérations répondent aussi à une autre finalité : la prise d’information sur le contenant. Ainsi, des manutentionnaires experts à qui il était demandé de commenter la façon de faire de novices filmés signalaient qu’en levant directement les boîtes, ces derniers manquaient l’étape de prise d’information : « Ils prennent pas le temps de faire connaissance avec la marchandise avant de partir » (Authier, 1996).

25La prise d’information peut aussi transiter par le mode d’activation musculaire. Ainsi, Patterson, Congleton, Koppa et Huchington (1987) ont montré que des manutentionnaires expérimentés utilisaient les extenseurs différemment selon qu’on les informait ou non au préalable du poids à soulever. Lorsque le poids leur était inconnu, les expérimentés utilisaient leurs extenseurs en contraction excentrique plutôt que concentrique, alors que les non-expérimentés utilisaient toujours la même technique. Il en résultait des moments maximaux significativement supérieurs chez ces derniers.

IV . 1 . B. Le repérage de la position du centre de masse

26Cela constitue sans doute un des aspects les plus sous-estimés du travail de manutention. Ce repérage permet de déterminer par quel côté saisir le contenant (pour rapprocher le centre de masse), d’éviter les pertes de contrôle et les problèmes d’équilibre qui peuvent s’ensuivre ainsi que les asymétries d’effort (Denis, 2001). Cela permet aussi de déterminer la position au dépôt pour assurer une stabilité de l’objet transféré. Cette prise d’information requiert l’utilisation de modes opératoires spécifiques, où, de façon générale, la localisation des mains joue un rôle important. À titre d’exemple, dans le cas des boîtes, la prise diagonale permet de maximiser la prise d’information dans les trois plans (Authier, 1996). Les manutentionnaires experts la favorisent d’ailleurs systématiquement lorsque le format ou la situation le permet. « À la longue, on a appris qu’on juge plus vite avec cette prise (diagonale). Tu vois que la pesanteur est plus d’un côté que de l’autre » (Authier, 1996). Sinon, ils optent pour une prise à tout le moins asymétrique. La possibilité de prendre de l’information à travers la localisation des mains ne s’acquiert toutefois pas spontanément. Ainsi, une étude récente menée auprès de 11 participants novices a montré que même après avoir transféré à 150 reprises des contenants dont un était aléatoirement décentré, aucun n’a su établir de liens entre la position des mains et la prise d’information. Au mieux, quelques-uns arrivaient à appréhender le décentrage en faisant glisser la boîte au préalable. Aucun n’a su identifier correctement les différentes modalités de décentrage utilisées, bien que la majorité ait dit avoir su les identifier correctement. Cette prise d’information sert aussi à déterminer les modalités de transfert de l’objet. Par exemple, la hauteur du centre de masse peut-être utilisée pour donner un effet de momentum en pivotant et basculant le contenant (Authier et al., 1996). Aussi, si le centre de masse est excentré vers l’extérieur, le manutentionnaire a avantage à le repositionner le plus près possible de lui. Par contre, au dépôt sur une palette ou un chariot, il a avantage à positionner le centre de masse vers l’intérieur (donc à l’éloigner) pour en assurer la stabilité. La prise doit permettre ce changement de position. Ainsi, la prise en tant que moyen pour capter l’information doit aussi permettre de s’ajuster à l’information reçue.

27Or, en matière de formation et de prévention, les prises symétriques et l’utilisation des poignées sont systématiquement favorisées. Dans certains contextes, celles-ci sont sans doute avantageuses. Cependant, il est nécessaire d’évaluer auparavant les besoins en matière d’information.

IV . 1 . C. Les propriétés et le comportement de l’objet de déplacement

28Il peut s’agir de propriétés telles la rigidité, la solidité, la fragilité du contenu, les possibilités de prise, les réactions par rapport à une action. Ces informations sont particulièrement importantes dans le cas de la manutention des patients : « Il faut apprendre les patients. La moitié de l’ouvrage est fait quand on connaît un patient » (préposé aux bénéficiaires, Lortie, 1984). Ces derniers jouent par ailleurs un rôle important dans le processus accidentel (Lortie, 1987) : « Tu peux pas leur faire confiance... Celui qui m’a tordu le dos... j’étais certain qu’il bougerait pas. » Les préposés rapportaient que plusieurs des techniques enseignées ne prenaient pas en compte cette dimension.

29Lors de l’ouverture des couvercles d’égouts et de puisards, la condition de ce dernier, en particulier le fait qu’il soit plus ou moins « collé » (encrassement, gel, etc.) influence notablement sur l’effort qu’il faut par la suite appliquer (Doit, Aptel, & Howart, 1993). Une étude de terrain menée auprès d’employés expérimentés a montré qu’ils arrivaient dans 75 % des cas à prévoir à plus ou moins 10 % le niveau de difficulté en inspectant visuellement le couvercle avant d’opérer (Derfoul, 2002). Cependant quand la difficulté effective était élevée, le taux d’erreurs était supérieur. C’est à ce moment que le risque de blessure s’accroît. Dans le cas du chargement des remorques, on peut observer des chargeurs expérimentés faire en début de quart de travail la tournée des portes de déchargement (les marchandises arrivent en provenance de différentes villes pour être transférées dans d’autres remorques en fonction de leur destination) pour s’informer des marchandises qu’ils auront à charger. Avoir plus d’informations sur les marchandises constitue par ailleurs une revendication rencontrée dans plusieurs milieux.

30Par ailleurs, sur le plan organisationnel, plus la prise d’information constitue un élément important, plus la stabilisation des contextes de travail peut constituer un élément facilitant puisqu’elle permet de construire les connaissances utiles au travail.

IV . 2. SUR LA SITUATION

31En matière de formation, le positionnement face au lieu de prise est privilégié. Or, l’observation de manutentionnaires experts montre qu’ils se positionnent souvent au départ un pied en direction du dépôt et que leur attention est centrée sur ce dépôt (Authier et al., 1996). Tel qu’exposé antérieurement, ce positionnement permet de diminuer la durée de l’effort. Cependant, ce positionnement vers le dépôt s’explique aussi par la nécessité de prendre de l’information. Où déposer est important car cela va déterminer l’effort à produire et la trajectoire de l’objet. Par exemple, lors de la mise en palette, la qualité de l’empilement – dont la stabilité – dépend de la façon de positionner chaque contenant en tenant compte de son centre de masse et de son format. Dans le cas du chargement d’une remorque, ce travail devient particulièrement complexe car il faut à la fois entrer le plus de marchandises possible, réaliser un chargement stable et équilibré et tenir compte des caractéristiques de poids et de la fragilité des objets. Plus le manutentionnaire réussit à positionner adéquatement l’objet dès le premier dépôt, moins il aura de marchandises à remanutentionner (Lortie & Pelletier, 1996).

32Quand le manutentionnaire travaille toujours dans les mêmes lieux, il connaît l’environnement. Ce n’est pas le cas de ceux qui changent souvent de lieux, comme les livreurs. Les activités de reconnaissance deviennent alors importantes, et développer la connaissance des lieux, un enjeu majeur. Cela permet de mieux planifier le travail et de choisir les méthodes de transfert ou de transport les plus appropriées. La stabilité des lieux d’affectation constitue alors une revendication typique de ces milieux. Ainsi, lors d’entrevues récentes menées avec des livreurs où il leur était demandé d’expliquer ce qu’il était le plus important de savoir comme livreur, tous ont mentionné des aspects de connaissances liées aux situations de travail : connaissances des clients, des aménagements, des rues. Les formations s’adressent peu à ces éléments et l’organisation du travail n’en tient pas toujours compte.

IV . 3. SUR SOI-MÊME

33Certaines informations reçues à travers les modalités de perception conduisent à des ajustements spontanés de modes opératoires. À titre d’exemple, lorsque le poids augmente, on observe des changements spontanés dans la posture de manutention comme le passage d’une technique genoux fléchis à celle du dos fléchi (Davis, Troup, & Burnard, 1965 ; Schipplein, Trafimow, Andersson, & Andriacchi, 1990). Plus récemment, Chen (2000) a montré l’occurrence d’ajustements spontanés au niveau de l’utilisation de l’accélération lorsque les membres supérieurs accumulent de la fatigue. Les ajustements spontanés correspondent globalement aux possibilités des différents groupes musculaires, comme les quadriceps (Trafimow, Schipplein, Novak, & Andersson, 1993). Dans une étude où nous demandions à des sujets inexpérimentés de choisir le poids maximum qu’ils seraient capables de déplacer à six reprises sur des étagères placées à différentes hauteurs, sans se sentir en situation « à risque », certains ont choisi des poids à la limite de leur capacité, alors que d’autres se laissaient une bonne marge de manœuvre (Lortie, Pradhan, & Kuorinka, 1995). L’observation des techniques utilisées a montré que les sujets changeaient de techniques pendant l’expérimentation et que la perception du confort, de la fatigue, des capacités influençait directement ces modifications : « À cause de l’élancement que j’ai eu dans les deux biceps, il a fallu que je trouve des façons de m’en tirer assez rapidement. » Certains peuvent être très à l’écoute de ces signaux, d’autres moins. Il est flagrant qu’un travailleur qui évalue mal ses possibilités est un sujet potentiellement « à risque ».

34Si les sujets évaluent leur force et leur capacité, ils évaluent aussi leur habileté. Lorsque nous avons demandé à des manutentionnaires experts d’identifier entre deux méthodes de manutention pour 20 situations, laquelle était la meilleure, les consensus ont été faibles, contrairement à nos attentes (Authier & Lortie, 1993). Ces derniers optaient pour des méthodes – en fait, des solutions – différentes pour des raisons différentes (ex. : dos, bras, contrôle, équilibre) déterminées par leurs conditions et habiletés individuelles. Les très bons manutentionnaires développent sans doute une connaissance de leurs limites. En fait, ils s’entendent sur ce qu’il faut éviter plutôt que sur la façon de faire à privilégier.

IV . 4. SUR LE DÉROULEMENT DE L’ACTION

35 Un jugement est porté sur l’action en cours, entre autres en termes d’efficacité, de contrôle, d’équilibre, de justesse du dépôt. L’information reçue provient du corps ou de l’objet déplacé lui-même : « Il faut soulever la boîte, l’amener, puis la redescendre (pour la mettre sur la tablette du bas)... je sens que mon corps travaille pour rien, tu sens ton corps qui te dit : il serait brillant si tu avais une autre méthode que ça » (sujet inexpérimenté). Dans l’étude où il s’agissait de transférer des poids lourds sur des étagères, les sujets inexpérimentés ont cherché à modifier leur mode opératoire à cause du niveau de difficulté de la tâche. Ils devenaient conscients des insuffisances de leur technique. « Parce que ça demande une habileté... c’est difficile en termes de contrôle de juger ta distance pour ne pas accrocher la tablette pour contrôler la boîte. » Dans cette étude, les participants devaient aussi choisir parmi une liste de dix termes de perception en rapport avec des symptômes physiques (ex. : fatigue, effort, inconfort) ou opératoires (ex. : contrôle, équilibre) celui reflétant le mieux sa perception et expliquer son choix. L’analyse des explications fournies a montré que ces derniers utilisaient souvent les termes opératoires pour expliquer leurs symptômes physiques (Nastasia, Lortie, & Kuorinka, 2001). « Inconfortable : on dirait que c’est une question de posture des jambes. J’ai plus utilisé les jambes. Je les faisais plus fléchir. Peut-être une question d’équilibre dans cette posture. J’avais moins d’équilibre... L’inconfort est un mélange d’équilibre et de tension musculaire dans les jambes. » Le jugement porté sur le déroulement d’une action constitue donc un aspect important à considérer dans les études de manutention.

36Le jugement porté sur la technique utilisée et le déroulement de l’activité dépend des connaissances, des références et de la représentation que le sujet en a. Ainsi dans l’étude où une des boîtes à transférer était aléatoirement décentrée, les novices ont tous décrit en entretien des problèmes de contrôle et d’équilibre. Par contre, ils évaluaient généralement de façon positive leur équilibre ou leur contrôle. Ils se jugeaient en maîtrise de la situation (Nastasia et al., 2001). Dans la mesure où ce jugement était positif, ils n’ont pas cherché à identifier des modalités de prise qui auraient amélioré par exemple, leur contrôle, même après le transfert de 150 contenants. Leur représentation de ce qu’était un bon contrôle n’était pas celle de manutentionnaires expérimentés. Le niveau de difficulté n’était pas non plus suffisant pour amener le participant à rechercher d’autres techniques. Aussi, une difficulté au niveau de l’équilibre ou du contrôle peut être éprouvée sans qu’on sache à quoi l’associer ou comment modifier la situation. Autrement dit, le lien entre les caractéristiques de modes opératoires et la performance résultante n’est pas facilement établi. « Je trouvais ça fatiguant de me positionner, de ne pas trouver une stratégie qui me soit adéquate, correcte... » (sujet inexpérimenté). À titre d’exemple, les manutentionnaires experts faisaient observer que les novices positionnaient leur jambe libre trop loin ou ne rapprochaient pas suffisamment la boîte, ce qui nuisait à leur équilibre ainsi qu’à leur capacité de récupérer leur équilibre en cas d’imprévu (Authier, 1996). On peut penser être en situation d’équilibre précaire sans en comprendre la mécanique, ni savoir comment se réajuster. On peut aussi accepter un équilibre plus précaire, si on sait pouvoir le récupérer facilement. Ceci suppose l’intégration d’un ensemble d’informations et surtout, la capacité d’établir des liens avec l’action et le mode opératoire. Ce savoir se construit à travers la pratique, mais la compréhension a priori de ces éléments peut en favoriser le développement.

37À partir du moment où le manutentionnaire a un objet en main, l’information perçue est celle d’un système dynamique. Les décisions se prennent en cours d’action et le traitement des informations est très rapide. Il porte sur la qualité/réussite de l’action, mais aussi sur la capacité de réagir et de s’ajuster en cas d’imprévu ou de dysfonctionnement.

V. LA MISE EN PLACE DE STRATÉGIES, LA PLANIFICATION ET LE PROCESSUS DE DÉCISION

V . 1. LES STRATÉGIES

38Pour pouvoir utiliser les modes opératoires utiles à la rencontre de leurs objectifs, les manutentionnaires développent des stratégies. Ces dernières sont relativement stables, jusqu’à ce qu’elles soient mises en échec. Une stratégie peut résider dans la façon de conduire et de positionner les équipements. Ainsi, l’observation de préposés aux commandes a montré qu’ils utilisaient deux stratégies de conduite de chariot, soit au centre de l’allée ou en zigzag. L’étude a montré que la conduite en zigzag permettait de se positionner plus près des caisses, favorisant ainsi l’utilisation de certaines modalités de transfert, comme l’utilisation de l’impulsion (Couture & Lortie, 1999). Pour conduire en zigzag, il fallait connaître à l’avance les adresses pour planifier le déplacement du chariot long de deux palettes. Lorsque l’entreprise a introduit un système informatique donnant l’information sur les adresses seulement au fur et à mesure, il est devenu impossible d’en planifier le déplacement. La stratégie peut aussi s’exprimer par la façon de dés empilés (ex. : en escalier, en cheminée, en palier). Chaque méthode a ses avantages selon que l’on veut augmenter le choix des hauteurs, se rapprocher, faciliter la flexion du dos ou non, etc. Dans le cas des préposées aux bénéficiaires en milieu gériatrique, les femmes privilégiaient le travail au lit alors que les hommes préféraient transférer dès le départ les patients. Les opérations de déplacement dans le lit devenaient très importantes chez les préposées femmes et les rapports aux équipements et à l’organisation du travail différaient en conséquence (Lortie, 1986). Lorsque pour diminuer les coûts de buanderie, il fut décidé de remplacer les draps par des alaises et d’acquérir des piqués économiques au lavage, mais intolérants à la traction, les opérations de manutention au lit sont devenues très difficiles. L’ensemble des stratégies développées au cours des ans par ces préposées est devenu caduc. Il est ainsi essentiel de dégager ces stratégies, car il est facile de prendre des décisions qui les mettent en échec.

V . 2. LA PLANIFICATION DES ACTIVITÉS

39Certaines stratégies exposées impliquent des activités de planification importantes, activités souvent négligées en manutention. Les objets de planification typiquement rencontrés peuvent se rapporter au déplacement, à la séquence des objets à déplacer et au choix des lieux de prise et de dépôt. Les deux exemples suivants permettront d’illustrer l’importance de ces activités de planification et l’impact de certaines décisions de gestion.

40Chargement d’une remorque : La planification de l’ordre dans lequel les marchandises seront entrées et de leur emplacement est cruciale. Cet ordre dépend des caractéristiques des marchandises et plus les marchandises sont de formats et poids variés, plus la tâche est complexe. Plus la planification est précise, plus la position de la marchandise est finale, moins cela nécessite de réajustements. Le savoir-faire spatial joue aussi un rôle important et certains manutentionnaires détestent être affectés au chargement. Pour effectuer cette planification, il est utile de connaître les caractéristiques des marchandises à charger. Ainsi, tel qu’expliqué antérieurement, certains manutentionnaires débutent leur quart de travail par une tournée sur les quais pour se renseigner sur les marchandises qui leur sont destinées. Une autre stratégie consiste à laisser les marchandises s’accumuler pour pouvoir réaliser cette planification. La manutention doit alors être réalisée dans un espace-temps plus restreint. Lorsque l’entreprise a voulu instaurer un système de déchargement-chargement direct de remorque à remorque pour éviter l’entreposage temporaire sur le quai et diminuer les manutentions, les activités de planification sont devenues impossibles et le nombre de manutentions a au contraire augmenté. Le système a été rapidement abandonné. Par contre, avec les développements informatiques, il devient possible de faciliter ce travail de planification en transmettant l’information utile aux préposés au chargement.

41• Distribution de boissons : Les camions ont des casiers latéraux non communicants et il faut ramener les caisses vides. La qualité du positionnement du camion par rapport au client a alors un impact déterminant sur le travail de manutention. Pour obtenir le positionnement optimal, il faut, entre autres, connaître la géographie des lieux et déterminer la meilleure séquence de livraison. Il faut aussi planifier en fonction des habitudes des clients, pour éviter par exemple les périodes d’engorgement avec les autres livreurs. Une bonne connaissance du secteur de livraison facilite alors considérablement la planification et par la suite les activités de manutention. À l’époque de cette étude, le programme informatique de recherche opérationnelle conçu pour l’entreprise établissait la séquence des clients sur la base d’un critère de minimisation des distances géographiques entre deux clients. Conduire quelques minutes de plus avait alors peu d’importance pour les livreurs par rapport à un mauvais positionnement du camion. L’entreprise a en partie résolu ce problème en préparant chaque commande sur une palette spécifique à chaque client et en plaçant cette palette sur le côté approprié du camion. Le livreur vérifie son chargement avant de partir et il peut demander des modifications. Cependant, comme les caisses sont maintenant de formats variés, les surfaces sont moins égales – de la colle a été ajoutée pour aider à la stabilité – et la saisie des caisses s’avère maintenant plus difficile. Par la suite, des horaires de quatre jours ont été implantés et la taille des camions a augmenté, ce qui a permis de réduire la flotte de camions, mais a augmenté la hauteur des chargements. Les problèmes aux épaules, à peu près inexistants jusqu’alors, sont devenus un enjeu dominant, de même que les problèmes d’équilibre (il faut grimper). La compagnie voudrait améliorer la répartition de clients difficiles, cependant, la conduite est devenue tellement difficile que certains livreurs préfèrent deux clients difficiles, mais proches. La taille des camions a diminué la pertinence de planifier la séquence de livraison, parce que de toute façon, il reste peu de latitude quant au positionnement du camion. Par ailleurs, l’introduction d’un système d’affectation à un travail léger pour gérer les accidentés, crée des problèmes de gestion en termes de stabilité des routes et des équipes, ce qui à son tour amplifie les problèmes.

V . 3. LE PROCESSUS DE DÉCISION

42• En préalable au transfert : Certaines décisions se prennent tôt dans la manutention, avant le transfert proprement dit : « Une fois que je sais ce qu’elle a l’air cette boîte-là, je me positionne et je maîtrise » (manutentionnaire expert). « Je suis obligé de penser beaucoup comment je vais lever la boîte pour que ça fasse le moins de problèmes possibles » (sujet inexpérimenté). Ces décisions sont conscientes et découlent du savoir-faire développé au cours des ans.

43• En cours d’action : La plupart des décisions se prennent toutefois en cours d’action, l’information reçue étant celle d’un système – le manutentionnaire et l’objet – dynamique. Le traitement de l’information est alors très rapide. « Si tu vois que la pesanteur est plus d’un côté que de l’autre, tu peux te réajuster tout de suite et retrouver l’équilibre de la boîte » (manutentionnaire expert). Ces ajustements sont en partie spontanés, mais on peut en avoir conscience et cela peut se traduire en décision, à savoir, « à partir d’une certaine hauteur, il est préférable d’accélérer et pour accélérer, je ne dois pas être trop loin ». La place et la position de dépôt sont aussi choisies en cours d’action, à partir de l’information captée sur le contenant et l’environnement.

44• La décision : un compromis : Ce compromis est basé sur l’évaluation de la situation contre celle des aptitudes et de la condition du manutentionnaire. Ainsi, dans cette étude où il était demandé à 28 manutentionnaires experts de choisir entre deux méthodes de manutention (20 séquences vidéo) globalement et pour 10 critères différents (ex. : effort au dos, aux membres supérieurs, équilibre, contrôle, sécurité) puis d’indiquer les critères déterminants de leur décision, les résultats ont montré que ces derniers choisissaient d’une fois à l’autre des méthodes différentes, pour des raisons différentes (Authier & Lortie, 1993). L’évaluation de la situation changeait d’une séquence à l’autre.

45Le choix final est souvent un compromis, tous les objectifs ne pouvant être atteints à travers la même méthode. À titre d’exemple, des préposées aux bénéficiaires disaient privilégier parfois des méthodes de transfert utilisant moins les ressources du bénéficiaire, comme cela leur est suggéré en formation. Cela était plus coûteux en termes d’effort, mais perçu comme étant plus sécuritaire, car moins dépendant des réactions du patient (Lortie, 1984).

VI. PORTÉE PRATIQUE

46Les pistes de prévention sont multiples. Nous exposons ici simplement quelques exemples.

47• Identification des experts et de leur savoir-faire : Le choix d’un mode opératoire résulte d’une multitude de facteurs. La compréhension du savoir-faire des experts éclaire aussi sur les actions de prévention. Ce savoir-faire, peu codifié et reconnu pour l’instant, ne porte pas que sur la manutention en tant qu’action mais sur la planification d’un ensemble de manutentions.

48• Formation : Savoir quelles informations prendre, comment les prendre, comment les interpréter et les intégrer dans une action de manutention ne vont pas de soi. Cette dimension est souvent ignorée dans les programmes de formation. En outre, les programmes visent souvent l’enseignement de techniques pré-identifiées, jugées sécuritaires et déterminées à partir de contextes expérimentaux plus simples que la réalité. Elles ne tiennent pas suffisamment compte des autres objectifs poursuivis. Il serait opportun d’enseigner plutôt des principes portant, par exemple, sur le contrôle de l’équilibre et de l’objet. Ainsi, bien que les manutentionnaires experts privilégient les prises diagonales, ils ne les utilisent pas systématiquement. En fait, 41 positions différentes de prise ont été observées (chaque face de la boîte était divisée en trois sections ; Authier et al., 1996). On ne peut ainsi recommander systématiquement les prises diagonales. C’est l’analyse du contexte qui permet d’en établir la pertinence. Il faut signaler qu’une prise asymétrique ne résulte pas nécessairement en une asymétrie d’effort si le contenant est repositionné (tourné et incliné) en conséquence. Étudier l’impact d’une prise asymétrique, sans prendre en compte la position du contenant, peut mener à des conclusions erronées.

49La formation a aussi avantage à être élargie. Par exemple, pour un livreur, la relation au client est importante. Certains clients vérifient chaque commande de sorte que les caisses sont manipulées deux fois. La qualité des relations avec le client est devenue un enjeu majeur pour ces livreurs d’autant plus que les profils culturels des clients ont beaucoup évolué ces dernières années, ce qui crée des frictions.

50• Accès à l’information : On peut faciliter le travail par un meilleur accès aux informations pertinentes. Les outils informatiques pourraient faciliter la circulation de l’information. La prise d’information porte sur deux grandes dimensions : le déplacement des objets eux-mêmes et la planification de ces déplacements. Dans le premier cas, ces informations ont souvent une portée assez générale. À titre d’exemple, la prise d’information sur les objets, même si elle n’a pas la même importance et présente des difficultés différentes d’un secteur à l’autre, procède souvent des mêmes principes, la manutention de patients constituant cependant une problématique particulière. Dans le second cas, à savoir les activités de planification, les informations et leur traitement sont généralement spécifiques au secteur concerné.

51• Organisation : La stabilité d’affectation constitue un enjeu important en ce qu’il permet de développer la connaissance de l’environnement et des marchandises à déplacer. À titre d’exemple, les réorganisations dans les hôpitaux mises en place suite aux compressions budgétaires ont amené une instabilité des secteurs d’affectation. Les charges de travail augmentent en conséquence. La stabilisation des équipes et un binôme adéquat peuvent aussi être un élément facilitant. Lors d’une récente série d’entretiens menés avec des livreurs, la plupart a spontanément rapporté en fin d’entretien que leur partenaire qui avait eu à travailler avec un nouvel équipier, avait dû trouver la journée bien longue.

52• La conception des contenants et des prises : Les développements contemporains ont engendré une multiplication des formats. Ces derniers sont déterminés sur la base d’étude de marchés. La palettisation est de plus en plus difficile, les surfaces sont inégales. Pour stabiliser, il faut ajouter de la colle. Ce qui normalement était tiré, doit être maintenant soulevé. Certains contenants sont munis uniquement d’emballage plastique : ils sont difficiles à prendre et ne glissent pas. La compétition entre les compagnies a amené une réduction de la qualité des cartons qui fait que ces derniers se brisent plus facilement. Les fonds accrochent. Les coûts de palettes ont été réduits en diminuant les procédés de séchage : elles se déforment, se brisent plus facilement. Les contenants s’y accrochent. Ce qui rend cependant un contenant difficile dépend de son contexte d’utilisation. La seule avenue de prévention réside dans l’évaluation systématique de l’impact de l’introduction de nouveaux contenants ou formats sur l’activité.

53• La conception des équipements : Elle présente des facettes différentes selon les milieux concernés. Par exemple, dans le secteur livraison, la taille des camions a augmenté. Il y a par conséquent plus de contenants au-dessus des roues et les camions sont plus hauts. Il faut grimper plus souvent et transférer les caisses à partir de surfaces d’appui restreintes. Une analyse récente de 388 descriptions d’accidents de livraison a montré qu’un problème au niveau de l’équilibre était rapporté dans 40 % des accidents. La conception des camions pourrait être améliorée à cet égard.

VII. CONCLUSION

54La manutention ne se résume pas à une simple activité mécanique. Les manutentionnaires poursuivent des objectifs et pour rencontrer ces objectifs, des modes opératoires et des stratégies complexes sont mis en œuvre. Ils ont à prendre des décisions basées sur un ensemble d’éléments et la prise d’information constitue une composante importante de leur travail. De la même façon, analyser le travail sous un angle essentiellement psychosocial sans en comprendre les dimensions physiques, mène aussi à de l’incompréhension. Les dimensions cognitives et physiques doivent être analysées conjointement.

55Manuscrit reçu : mars 2001.
Accepté par R. Amalberti après modification : mai 2002.

Tableau 2

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Mots-clés éditeurs : Information, Mode opératoire, Manutention, Stratégie, Planification

https://doi.org/10.3917/th.653.0193

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