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Article de revue

Elle et Marie Claire dans les années 1968 : une « parenthèse enchantée» ?

Pages 65 à 78

Notes

  • [*]
    « La parenthèse enchantée » fait référence à un film de Michel Spinosa sorti en 2000 et qui raconte l’histoire de deux couples, vivant des histoires d’amour entre la diffusion de la pilule et l’arrivée du SIDA. Elle correspond au moment où se développe un discours libéral sur la sexualité et les mœurs dans les journaux féminins que nous étudions Elle (analysé par Claire Blandin et Sandrine Lévêque) et Marie Claire (analysé par Bibia Pavard). Séverine Sofio a également utilisé cette expression pour évoquer les femmes peintres voir Artistes femmes. La parenthèse enchantée xviiie-xixe siècles, Paris, CNRS éditions, 2016.
  • [**]
    Maîtresse de conférences à l’Institut français de presse, Université Paris 2 Panthéon-Assas, chercheuse au Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les médias.
  • [***]
    Maîtresse de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au CESSP-CRPS.
  • [****]
    Professeure en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Paris 13 – Université Sorbonne Paris Cité, chercheuse au LabSIC, EA 1803.
  • [1]
    S. Lévêque, « Femmes, féministes et journalistes : les rédactrices de La Fronde à l’épreuve de la professionnalisation journalistique », Le Temps des médias, 12, 2009, p. 41-53 ; M.-L. Roberts, « Copie subversive : Le journalisme féministe en France à la fin du siècle dernier », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 6, 1997, clio.revues.org/390.
  • [2]
    C. Formaglio, « Féministe d’abord », Cécile Brunschvicg (1877-1946), Rennes, PUR, 2014.
  • [3]
    C. Cosnier, Les Dames de Femina. Un féminisme mystifié, Rennes, PUR, 2009 ; R. Mesch, Having it All in the Belle Epoque : How French Women’s Magazines Invented the Modern Woman, Stanford, Stanford University Press, 2013.
  • [4]
    B. Friedan, La Femme mystifiée, Paris, Gonthier, 1964 (traduit de l’américain par Yvette Roudy).
  • [5]
    A.-M. Dardigna, Femmes-femmes sur papier glacé, Paris, Maspero, 1974.
  • [6]
    La presse féminine (comme la presse masculine aujourd’hui) servirait avant tout (comme le résume A.-M. Dardigna, ibid. dans sa préface) « les intérêts de la consommation et du profit industriel ». C’est aussi la thèse défendue par Peter Jackson, Nick Stevenson and Kate Brooke dans leur ouvrage Making Sense of Men’s Magazine, Polity Press, Cambridge, 2007.
  • [7]
    Le député Olivier Véran a déposé, en mars 2015, un amendement qui interdit au mannequin dont l’indice corporel est inférieur à 18 de travailler. À cette occasion, un autre amendement encadrant les retouches sur les photographies publiées dans les magazines a été déposé et finalement rejeté par le Sénat.
  • [8]
    Le livre de V. Soulier, La Presse féminine. La puissance frivole, Paris, L’Archipel, 2008 est une tentative de réhabilitation de la presse féminine. Son argument principal reste cependant la « réussite » (économique) de ces magazines et que leur diffusion permet justement de toucher un public plus large que celui, par ailleurs déjà convaincu, de la presse féministe proprement dite.
  • [9]
    F. Chayé, Les Années Marie Claire, 2006 ; Exposition des unes du magazine Elle du 18 septembre au 6 octobre 2015 sur les Champs-Élysées, à l’occasion des 70 ans du magazine ; Elle était une fois, Paris, Éditions du Chêne, 2015.
  • [10]
    Le 22 novembre 1970, le magazine a organisé à Versailles une première édition de ces États Généraux de la Femme, qui fut très largement mise en cause par les organisations féministes. Le 27 janvier 2010, le magazine réitère cette opération à la chambre de commerce de Lille.
  • [11]
    « Elles réalisent le dernier magazine féminin en Afghanistan » ELLE.fr, le 4/6/2008 à 16h18, www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/Elles-realisent-le-dernier-magazine-feminin-en-Afghanistan-648299
  • [12]
    E. Sullerot, La Presse féminine, Paris, Armand Colin, 1963.
  • [13]
    On peut penser à C. Blandin et H. Eck (dir.), La Vie des femmes. La Presse féminine aux xixe et xxe siècles, Paris, éditions Panthéon-Assas, 2010 ; C. Blandin, Représentations de la famille dans la presse magazine (1964-1974), mémoire en vue de l’habilitation à diriger des recherches en histoire, Sciences Po, 2012 ; C. Blandin et B. Pavard, « Un féminisme d’opportunité, Elle et Marie Claire dans les années 1968, genre, profession et engagement », dans F. Bugnon, L. Bantigny et F. Gallot (dir.), « Prolétaires de tous les pays, qui lave vos chaussettes ? » Le genre de l’engagement dans les années 1968, Rennes, PUR, 2017 ; S. Lévêque, Presses féminines, Presses féministes. Ce que le journalisme fait aux femmes et ce que les femmes font au journalisme, mémoire en vue de l’habilitation à diriger des recherches en science politique, Paris 1, 2016 ; A. Geers, Le Sourire et le tablier. La construction médiatique du féminin dans Marie-Claire de 1937 à nos jours, Thèse EHESS, 2016.
  • [14]
    L. Bereni, La Bataille de la parité, Paris, Economica, 2015.
  • [15]
    S.-M. Bonvoisin et M. Maignien, La Presse féminine, Paris, PUF, 1986, p. 31.
  • [16]
    Les journaux féminins traditionnels sont concurrencés par les titres plus diversifiés selon les centres d’intérêt réputés féminins (Enfants Magazine destiné aux jeunes mères est créé par exemple en 1976) ou selon les cibles marketing (CSP et âge par exemple) avec la création de Jacinthe en 1975 ou 20 ans en 1977 destinés aux jeunes filles plutôt aisées.
  • [17]
    L. Kandel, « L’explosion de la presse féministe », Le Débat, 1, 1980, p. 105-128.
  • [18]
    D. Cardon, « Droit au plaisir et devoir d’orgasme dans l’émission de Ménie Grégoire. », Le Temps des médias, 1, 2003, p. 77-94.
  • [19]
    H. Duccini, « Carré blanc et signalétique télévisée en France, 1961-1998 », Le Temps des médias, 1, 2003, p. 65-76.
  • [20]
    V. Chambarlhac, « L’Encyclopédie socialiste, une forme singulière pour une cause politique ? », Genèses 4/ 2004 (no57), p. 4-22.
  • [21]
    J.-G. Padioleau, 1976, « Systèmes d’interaction et rhétoriques journalistiques », Sociologie du travail, vol. 18, 3, p. 256-282.
  • [22]
    « La femme cette inconnue. Êtes-vous pour ou contre le travail des femmes ? », Elle, 1199, 9 décembre 1968, p. 101-116.
  • [23]
    « Tout sur la pilule », Elle, 1192, 21 octobre 1968.
  • [24]
    « La puberté, les règles et la grossesse et la ménopause », Elle, 1194, 4 novembre 1968.
  • [25]
    S. Chaperon, Les années Beauvoir (1945-1970), Paris, Fayard, 2000.
  • [26]
    L. Bereni, « Lutter dans ou en dehors du parti ? L’évolution des stratégies des féministes du Parti socialiste (1971-1997) », Politix, 73, 2006, p. 187-209 ; B. Pavard, « Outsiders dans le parti ? Mignonnes allons voir sous la rose… : le journal des féministes du PS (1979-1982) », Parlement[s], Revue d’histoire politique, 19, 2013 p. 119-123.
  • [27]
    M. Maruani, Les syndicats à l’épreuve du féminisme, Paris, Syros, 1979. P. Le Brouster, « Contribution à l’histoire du Planning familial : le partenariat CFDT-MFPF au cours des années soixante-dix », Genre & Histoire [En ligne], Printemps 2008, consulté le 6 décembre 2016. URL : http://genre-histoire.revues.org/297
  • [28]
    A. Lasserre, « Quand la littérature se mit en mouvement : écriture et mouvement de libération des femmes en France (1970-1981) », Les Temps modernes, 689, 2016, p. 119-141.
  • [29]
    F. Dumont, Des sorcières comme les autres. Artistes et féministes dans la France des années 1970, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
  • [30]
    C. Achin, D. Naudier, « Trajectoires de femmes ordinaires dans les années 1970 : La fabrique de la puissance d’agir féministe », Sociologie, 1, vol.1, 2010, p. 77-93.
  • [31]
    A. Revillard, La Cause des femmes dans l’État. Une comparaison France-Quebec, Grenoble, PUG, Libres cours politique, 2016.
  • [32]
    B. Pavard, « Contraception et avortement dans Marie-Claire (1955-1975) : de la méthode des températures à la méthode Karman », op. cit.
  • [33]
    Françoise Salmon quitte Marie Claire peu de temps après la création du journal des féministes pour rejoindre F-Magazine qui vient de se créer.
  • [34]
    Information donnée par Jean-Jacques Greif, entretien avec Bibia Pavard du 12/04/2016.
  • [35]
    A. Farrell, Ms. Magazine and the promise of Popular Feminism, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1998, p. 1.
  • [36]
    L. Kandel, « L’explosion de la presse féministe », art.cit. p 10.
  • [37]
    Entretien de Bibia Pavard avec la journaliste Hélène Mathieu, 11/02/2016.
  • [38]
    F. Matonti, Le Genre présidentiel. Enquête sur l’ordre des sexes en politique, Paris, La Découverte, 2017.
  • [39]
    Et ce, en dépit du fait que le lectorat de Elle est, dans les années 1960 et selon Évelyne Sullerot, un lectorat de classe moyenne supérieure.
  • [40]
    A. Rauch, « Des bancs de l’école au courrier du cœur. Une histoire du corps ragaillardie », Vingtième Siècle. Revue d’histoire 2/2008 (98), p. 71-88.
  • [41]
    L. Boltanski, Prime éducation et morale de classe, Paris, La Haye, Mouton, 1969.
  • [42]
    N. Quemener, « “Ma chérie, il faut révéler ta féminité !”. Rhétorique du choix et de l’émancipation dans les émissions de relooking en France », Raisons politiques, 62, 2016, p. 35-49.
  • [43]
    Fanny Deschamps publie cette enquête sous la forme d’un ouvrage : Journal d’une assistante sociale, Paris, Éditions Premières, 1970.
  • [44]
    « Décès de l’écrivaine Fanny Deschamps », 30/5/2000, tempsreel.nouvelobs.com/culture/20000530.OBS4842/deces-de-l-ecrivain-fanny-deschamps.html
  • [45]
    S. Lévêque, Presses féminines, Presses féministes, Ce que le journalisme fait aux femmes et ce que les femmes font au journalisme, mémoire de HDR, op.cit.
  • [46]
    Les entretiens avec les journalistes de la rubrique révèlent la satisfaction qu’ils éprouvent à pratiquer un journalisme d’investigation. Voir B. Pavard « Marie Claire, magazine féministe ? Les conditions de circulation de discours militants dans la presse commerciale (1976-1990) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, à paraître.
  • [47]
    Entretien de Bibia Pavard avec le journaliste Jean-Jacques Greif, 12/04/2016.
  • [48]
    F. Matonti, Le genre présidentiel. Enquête sur l’ordre des sexes en politique, op. cit.
  • [49]
    C. Frisque, « Femmes secourables, femmes militantes, dans deux magazines féminins », Mots, 65, mars 2001, p. 51-75.

1Les journaux féminins de la seconde moitié du xxe siècle sont généralement dénoncés comme les supports privilégiés de la domination masculine. Contrairement aux journaux de la fin du xixe et du début du xxe, qui comme La Fronde[1] ou La Française[2] émanent de personnalités et groupes féministes, ou à des journaux féminins modernes de l’entre-deux-guerres, qui peuvent promouvoir de nouvelles identités de genre, tel Femina[3], cette presse féminine a été largement dénoncée. Cela semble d’autant plus problématique qu’elle est produite par les femmes elles-mêmes (les journalistes majoritaires dans les rédactions) et avec le consentement d’autres femmes auxquelles ces titres sont destinés et qui les achètent. Les journaux féminins reproduiraient ainsi une image idéalisée mystificatrice de la femme au foyer [4], entretiendraient un ordre patriarcal [5] ; ils renforceraient les logiques capitalistes et le consumérisme [6], et imposeraient des normes esthétiques si contraignantes qu’elles iraient, pour reprendre une polémique récente, jusqu’à conduire les adolescentes à l’anorexie [7]. À l’inverse, peu de discours célèbrent le rôle des journaux féminins dans les combats des femmes [8], si ce n’est ceux produits par les journaux féminins eux-mêmes, qui en font, aujourd’hui, un élément constitutif de leur ligne éditoriale. Tant Elle que Marie Claire écrivent leur propre histoire en rapport avec l’évolution de la vie des Françaises, et se présentent comme des acteurs des transformations apportées par le féminisme [9]. Les magazines organisent aussi des actions d’envergure qui mettent en valeur la dimension politique de leur activité et réinscrivent leur action dans un registre civique qui légitime leur existence et les ancrent dans le monde de la presse actrice de la démocratie, comme l’organisation des États généraux de la femme par le Magazine Elle[10], son engagement pour les femmes afghanes [11] ou l’opération « Une rose pour Marie Claire », qui récolte chaque année depuis 2006 des fonds au profit de la scolarisation des petites filles.

2Au-delà de ce grand écart d’interprétation, et depuis le travail fondateur d’Évelyne Sullerot [12], des travaux sociohistoriques se sont intéressés aux journaux féminins en montrant comment ils ont pu, à différents moments de leur histoire, se définir comme féministes ou du moins s’engager dans la lutte pour l’égalité des femmes et des hommes [13]. S’inscrivant dans ce renouveau historiographique, cet article ne cherche pas à mesurer les éventuels effets des contenus de ces magazines féminins sur leurs lectrices et des usages féministes qu’elles seraient susceptibles d’en faire, mais s’interroge, en amont, sur leur contenu, leurs conditions de production et sur le(s) projet(s) éditorial(ux) qu’ils défendent. Ceci implique, au préalable, de ne pas considérer la presse féminine comme un tout, ni le féminisme comme une pensée et un mouvement unifiés, mais de distinguer, parmi la multitude de titres, des logiques et des lignes de force, qui permettent d’évaluer et de comprendre dans quel contexte un message d’émancipation féministe peut s’exprimer dans les journaux féminins commerciaux. Les deux titres considérés sont représentatifs d’une presse féminine moyenne gamme et paraissent sur plusieurs décennies, ce qui permet de mesurer les inflexions de leurs discours féministes sur une longue période. Nous concentrerons notre attention sur un moment, où par la publication de deux « suppléments » spécifiques - l’Encyclopédie de Elle (1968-1970) et le « cahier Femmes » de Marie Claire (1976-1990), ces deux magazines cherchent à se positionner dans « l’espace de la cause des femmes [14] », c’est-à-dire l’espace des luttes politiques au nom des femmes et pour les femmes. Nous avons choisi de dépouiller intégralement ces contenus, afin d’en examiner les logiques de production et d’en repérer les producteurs/trices. L’approche est donc matérielle : les deux supports sont analysés comme révélateurs de l’ambivalence des discours féministes dans ces deux magazines. Comment et pourquoi sont inventés, dans des magazines qui s’adressent d’abord et avant tout aux femmes, des formats particuliers – « l’Encyclopédie », « le Journal » – censés aborder des questions spécifiquement féminines qui méritent un traitement à part, comme entre parenthèses, à la fois temporel et physique. Il s’agira alors de s’interroger sur ces formats spécifiques d’expression des discours féministes et de montrer que les formes mêmes dans lesquelles ces discours sont insérés (l’encartage et/ou la rubrique) renforcent l’ambivalence de leur portée : si ces suppléments marquent sans aucun doute une forme de parenthèse féministe dans l’histoire des deux titres, ils sont aussi des espaces qui permettent de mettre le féminisme entre parenthèses.

L’encyclopédie de Elle et le Journal des Femmes de Marie Claire : une parenthèse féministe ?

3Les événements de Mai et Juin 1968 surviennent alors que Elle et Marie Claire connaissent une crise. Leur lectorat est en baisse pour la première fois depuis la Libération, Marie Claire passe d’un tirage de 700 000 exemplaires par mois en 1962, à un peu moins de 500 000 en 1967. Elle se maintient autour de 525 000 exemplaires par semaine, mais les tirages commencent à baisser à partir de 1967 [15]. Dans les années 1970, alors que les mobilisations féministes prennent de l’ampleur et gagnent en visibilité, les ventes chutent encore : entre 1974 et 1979 les ventes de Elle passent de 500 000 à 266 000 et celles de Marie Claire de 525 000 à 406 000 [16]. Les deux magazines adaptent leur ligne éditoriale pour accompagner les transformations sociales et politiques qui touchent les femmes et lutter contre la concurrence que leur font des journaux plus militants dont les tirages augmentent sur la période [17]. De nouvelles journalistes font leur entrée dans la rédaction, et de nouvelles formules sont créées. Marie Claire est sous-titré « magazine du couple » à partir de juillet 1968. Ménie Grégoire, forte de son succès sur RTL depuis 1967 [18], intègre le journal pour mettre son expertise au profit de l’analyse des nouveaux rapports conjugaux. En novembre 1970, le magazine Elle organise des « États généraux » qui s’accompagnent d’une vaste enquête sur les transformations de la vie des femmes. En outre, les deux magazines proposent des suppléments qui sont des lieux d’expérimentation éditoriale. « L’Encyclopédie des femmes » (appelée « La femme cette inconnue ») est lancée par Elle en octobre 1968 et compte une cinquantaine de numéros jusqu’en 1970. Un « Journal des femmes » paraît dans Marie Claire à partir de 1976 et perdure jusqu’en 1990. Ces espaces éditoriaux particuliers sont des lieux d’expérimentation et d’expression d’un discours plus engagé pour les droits des femmes.

Un espace à part dans le magazine

4Ces deux espaces sont, formellement d’abord, une parenthèse dans chacun des journaux étudiés : ils viennent interrompre le dispositif médiatique usuel du magazine. Pour Elle, il s’agit d’un cahier détachable de couleur rose, imprimé sur du papier non glacé. L’idée du supplément détachable se justifie par le caractère jugé sulfureux du contenu. L’idée est d’offrir la possibilité aux lectrices de soustraire l’encyclopédie aux regards des enfants ou du conjoint et de laisser le magazine en accès libre. Le premier numéro comporte un carré blanc [19] signe qu’il s’agit d’une lecture réservée aux adultes et sans aucun doute aux femmes elles-mêmes. Mais le supplément détachable est aussi un moyen, comme les fiches cuisines du magazine, de fidéliser les lectrices, en les incitant à les collectionner et donc à ne manquer aucun numéro.

Doc 1

«L’Encyclopédie de la femme»

Doc 1

«L’Encyclopédie de la femme»

n°4, Elle, février 1969.

5Par ailleurs, le choix du terme « encyclopédie » lui-même semble fonctionner comme un gage de neutralité et de scientificité [20] et renvoie aux logiques propres de l’expertise critique, telle qu’elle s’impose au cours des années 1970 [21] dans la presse généraliste voire dans la presse militante. Il ne s’agit pas pour les journalistes qui animent ce supplément de produire une tribune politique, mais, au contraire, de mettre en avant une vision médicalisée et neutralisée des questions posées, qui sont souvent en lien avec le corps et la médecine (et font donc intervenir des médecins mais aussi des psychologues). La polyphonie est aussi respectée, puisque le supplément présente toujours les points de vue opposés sur une question : l’encyclopédie n° 4, par exemple, pose la question : « êtes-vous pour ou contre le travail des femmes ? » [22]. De la même manière, le premier dossier sur la contraception et la pilule compile les avis de femmes favorables à ce mode contraceptif, et de celles qui y sont opposées, ou du moins pour lesquelles cela ne va pas de soi [23]. Dans le second numéro, consacré à la puberté, les règles, la grossesse et la ménopause, ce sont encore les médecins qui ont la parole, ce qui permet une très forte euphémisation [24]. De manière plus indirecte, l’encyclopédie est aussi un des symboles de la philosophie des Lumières qui inscrit le projet dans un idéal civique et fait du journal un instrument de savoir au service de la démocratie. L’encyclopédie de Elle est donc un lieu d’expression de thématiques qui « épousent » une partie des causes déjà prises en charge dans l’espace public (journaux, associations, partis politiques) où s’amorce une véritable politisation des enjeux sexuels [25].

6Dans le cas de Marie Claire, le supplément « Femmes » est publié à partir de janvier 1976, alors que le Mouvement de libération des femmes, qui avait été moteur des mobilisations depuis le début de la décennie, semble en perte de vitesse. Les mobilisations féministes irriguent désormais différentes sphères sociales (partis politiques [26], syndicats [27], littérature [28], arts plastiques [29], etc.), touchent de nouvelles couches sociales [30] et surtout, s’inscrivent depuis 1974 dans les organigrammes gouvernementaux [31]. De plus, avec l’année de la femme décrétée par l’ONU en 1975, le féminisme s’institutionnalise.

7Le mitan des années 1970 correspond aussi à un tournant dans l’organisation du magazine. À partir de 1974 l’équipe est renouvelée : Jacques Garai devient directeur de la rédaction, Katie Breen, Jean-Jacques Greif et Michèle Manceaux intègrent la partie magazine. La publication, en 1974, d’une enquête de Jeanne Dodeman sur le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et la Contraception est révélatrice d’un changement de ton. Elle est accompagnée d’une série de photographies qui rendent compte de la pratique illégale des avortements militants [32]. La ligne éditoriale de la partie magazine intègre désormais les enjeux féministes, et le magazine va même jusqu’à se présenter dans son numéro de janvier 1976 comme un journal résolument féministe en annonçant en une : « lisez dans Marie Claire : “Femmes”, le journal des féministes ». Cette nouvelle rubrique a été imaginée par le rédacteur en chef Jacques Garai, avec deux journalistes : Jean-Jacques Greif et Françoise Salmon [33]. Elle semble inspirée par le magazine féministe et commercial Ms Magazine dont le premier numéro sort en 1972 aux États-Unis [34] et rencontre un large succès avec un tirage de 400 000 à 500 000 exemplaires et un lectorat estimé à 3 millions [35]. Comme le magazine américain, cette nouvelle formule a vocation à populariser les idées féministes.

8Le « Cahier Femmes », comme l’appellent les journalistes de la rédaction, n’est pas à proprement parler une entreprise militante, contrairement aux journaux féministes qui fleurissent au même moment [36], mais marque plutôt une volonté de capter un air du temps pour mieux attirer un public nouveau : des femmes plus jeunes et plus aisées. Pour ce faire, la forme est innovante : à partir de mai 1977 le papier de la rubrique cesse d’être glacé pour deux ans, prenant alors un aspect plus « rugueux » figurant le caractère subversif du contenu [37]. Même si l’expérience du papier journal est éphémère pour des raisons de coût, le journal possède sa propre Une et son propre sommaire, il a sa propre unité et sa propre identité.

9Le contenu « journal » se veut en prise avec les questions sociales et l’actualité du féminisme. Il comprend une grande enquête ou une interview sur le sujet du mois et des sous-rubriques régulières, comme « Le coin des misogynes » qui dénonce des situations de sexisme ordinaires, un portrait de femme exerçant un « métier d’homme », « la pub du mois » qui reproduit une publicité jugée sexiste etc. Le Cahier comprend surtout une rubrique intitulée « Quelques choses à vous dire » qui répertorie sous forme de brèves des lieux, des spectacles, des livres féministes. À elle seule, cette rubrique montre que les journalistes suivent de près l’actualité du féminisme et partagent les prises de position sur les principaux sujets sur lesquels s’engagent les organisations féministes et en particulier le Mouvement de libération des femmes. La mobilisation des femmes au travail, le sexisme, la contraception, l’avortement, les violences, la pornographie ou la place des femmes en politique remplissent ainsi les colonnes du journal qui consacre dans le même temps des personnalités exemplaires de la lutte des femmes (Benoîte Groult, Annie Leclerc, Simone de Beauvoir, Yvette Roudy) et des héroïnes du passé (Olympe de Gouges, Flora Tristan, Alexandra Kollontaï…). Cet espace éditorial se veut une interface entre le mouvement féministe et ses lectrices qu’il cherche à sensibiliser et à enrôler. Le Cahier peut se transformer en tribune visant à interpeller les pouvoirs publics et l’opinion, par exemple en août 1979 pour le maintien de la loi Veil qui n’avait été votée que pour cinq ans. On peut donc voir ces pages femmes comme un lieu d’acculturation féministe qui emprunte une rhétorique spécifique, un vocabulaire (« sexiste », « misogyne », « phallocrate »), un ton humoristique dont usent par ailleurs les mouvements féministes de l’époque.

10Elle et Marie Claire à travers leurs deux suppléments ont, de manière différente et dans des contextes différents, porté la cause des femmes telles qu’elle était par ailleurs défendue dans d’autres espaces. Néanmoins, ces discours féministes ont été produits dans des cadres spécifiques qui en limitent la portée.

Un féminisme entre parenthèses

11Pour évaluer la portée des discours féministes qui irriguent les deux titres, il convient d’analyser la place qu’ils prennent dans les deux magazines qui les diffusent. Ainsi sa « dilution » parmi d’autres thématiques donne à voir, selon l’expression de F. Matonti, un « féminisme apprivoisé » [38], non détaché des logiques sociales – et économiques – propre à la presse commerciale, à tendance différentialiste et qui ne remet pas en cause l’ordre social. Du même coup, les deux suppléments que nous avons étudiés, en tant qu’espaces spécifiques et délimités d’expression d’un discours féministe, peuvent aussi être analysés comme des moyens de circonscrire les aspirations à l’émancipation et justement de mettre entre parenthèses un féminisme par trop revendicatif. Si les deux publications connaissent des destins différents en raison notamment du contexte militant dans lequel elles sont publiées (avant 1971 pour Elle, et après 1975 pour Marie Claire), elles connaissent aussi des évolutions similaires qui les conduisent à une progressive euphémisation des discours féministes. Particulièrement marquée à Elle en raison du positionnement sociologique et politique de la rédaction, cette euphémisation du discours féminisme emprunte à Marie Claire d’autres chemins, notamment du fait de transformations organisationnelles plus rapides de ses équipes rédactionnelles.

Elle : un ordre sexuel et social respecté

12L’encyclopédie est publiée dans un magazine qui, en dépit de cette apparente modernité respecte (voire promeut) un ordre de classe et de genre qui sied aux lectrices visées par le titre. Il s’agit de lectrices de classes moyennes supérieures susceptibles d’acheter les produits que vantent les nombreuses publicités insérées dans le journal. De fait, dans le magazine lui-même, les femmes bourgeoises sont érigées en modèle absolu qu’il convient de suivre : elles doivent ainsi être tout à la fois « élégantes », « discrètes », disponibles, bonnes cuisinières et épouses modèles. Les rappels à l’ordre émaillent l’intégralité du contenu du magazine et s’expriment de façon caricaturale dans les réponses que Marcelle Segal, adresse, dans sa rubrique du Courrier des lectrices, aux jeunes filles des classes populaires [39] qui lui écrivent, leur rappelant sans cesse les « bonnes » manières qui conviennent à leur genre et celles qu’elles devraient adopter pour échapper à leur classe [40]. D’autres espaces réguliers, comme les éditoriaux de Jean Duché, font montre des mêmes logiques, diffusant une morale de classe et une morale de « genre » qui interdit toute subversion de l’ordre social et tend à le préserver.

13Bien que présentée comme un objet sulfureux, l’Encyclopédie ne déroge pas à cette ligne éditoriale. À l’instar des guides de puériculture de la fin du xixe, étudiés par Luc Boltanski [41], ses articles révèlent un ethnocentrisme de classes (et de genre) extrêmement prononcé. Les prescriptions en matière de nourriture ou de sexualité restent marquées par la vision des journalistes qui les produisent. Les comportements déviants, ou du moins désignés comme tels, sont ainsi proscrits par le supplément avec d’autant plus de force que les conseils sont des discours rapportés, émanant d’instances légitimes, médecins ou experts en tout genre. À l’instar des récentes émissions de relooking, étudiées par Nelly Quemener [42], la féminité prescrite est loin de rompre avec le modèle hétéronormé et bourgeois, et Elle apparaît comme un véritable instrument d’acculturation des classes populaires et des « féminités déviantes ».

14Le numéro 6 de l’Encyclopédie, consacré à la nutrition, est révélateur de ces mécanismes. Sous le titre « un problème vital se nourrir bien », la journaliste décrit les comportements « coupables » des lectrices (dont on perçoit la représentation qu’en ont les journalistes) et qui se rapporte évidemment aux comportements jugés déviants des classes populaires (manger trop gras, ne pas faire d’exercice par exemple).

15Mais cet ethnocentrisme de classe prend des formes parfois extrêmement violentes, comme dans les enquêtes de Fanny Deschamps et en particulier dans celle parue dans le n°35 de l’Encyclopédie. Dénonçant une maternité défaillante, une sexualité mal contrôlée, la journaliste, sous couvert de l’enquête de terrain poussée (elle affirme avoir « été pendant six semaines assistante sociale près d’un juge pour enfants »), fait la preuve d’un racisme de classe caricatural. La pauvreté est alors associée aux « enfants martyrs », aux « femmes esclaves », à « l’alcoolisme », à « l’inceste » et « la délinquance ». Les « pauvres » sont comparés à des animaux, voire, plus loin dans l’article, « à des Huns et des barbares [43] ».

16Si l’Encyclopédie se présente comme un « produit à part » dans le journal, son contenu ne se différencie pas fondamentalement de celui du magazine dont il est issu. La création de l’Encyclopédie est d’ailleurs produite dans la continuité du journal lui-même. En effet, le supplément ne dispose pas d’une équipe autonome, ni même d’une équipe renouvelée par rapport à celle du magazine. Dirigé par Stanislas Fontaine – un homme – qui collabore régulièrement à Elle, il fait intervenir des rédactrices elles aussi intégrées à l’équipe, « bien installées » et dotées de ressources importantes. Stanislas Fontaine est à l’époque un écrivain reconnu, élève de Jean-Paul Sartre et collaborateur de Raymond Aron, lauréat en 1959 du prix Renaudot, et qui collabore à plusieurs journaux. Son épouse, Denise Dubois-Jallais, d’origine plus modeste, collabore elle aussi à l’Encyclopédie. Quant à Fanny Deschamps, si elle défend dans les colonnes du magazine l’éducation sexuelle, et se dit favorable au contrôle des naissances (par la contraception), elle est elle aussi une journaliste confirmée, issue d’un milieu suffisamment « bourgeois » pour lui permettre d’avoir commencé comme cadre dans l’industrie [44].

17De par ses conditions de production, l’Encyclopédie ne déroge pas aux principes qui président à la production du magazine dans son ensemble, dont elle semble le prolongement. Comme pour les États Généraux de la Femme, qui sont organisés en novembre 1970, l’Encyclopédie révèle les tensions et les injonctions contradictoires qui traversent la presse féminine d’après-guerre pour qui il s’agit tout à la fois de défendre un discours moderne qui séduit de nouvelles lectrices sans rompre avec la féminité traditionnelle, socle de sa réussite commerciale [45]. Les pages « Femmes » de Marie Claire, en raison de leur date de création et de leur longévité, diffèrent quelque peu.

Pour Marie Claire : un féminisme progressivement domestiqué

18Si, comme à Elle, les pages femmes sont insérées dans un magazine qui traite par ailleurs de sujets « féminins », comme la mode, le maquillage ou les enfants, les logiques qui rendent possibles leur intégration dans le magazine sont diverses, davantage enracinées dans les processus de production du supplément lui-même. Le ton direct et dénonciateur et parodique rappelle certes les happenings du mouvement féministe mais fait aussi écho aux styles traditionnels du magazine populaire. Par exemple, la dénonciation de la drague de rue se fait sous une forme de roman-photo en août 1976 : « Les dragueurs dragués. Deux rédactrices de “Femmes” ont inversé les rôles : elles ont abordé les inconnus dans la rue. Voici comment ils ont réagi ». On retrouve la revendication militante de la place des femmes dans l’espace urbain croisée avec le ton ludique de la presse féminine. De plus, les enquêtes et interviews répondent aux aspirations professionnelles et renvoient directement à l’exigence journalistique [46] telle que l’investissent les journalistes membres de l’équipe rédactionnelle. L’équipe des pages femmes s’efforce de féminiser l’actualité et de rendre compte de la vie des femmes, comme l’explique le chapeau représentatif d’un reportage de Katie Breen en décembre 1980 : « La Pologne bouge. On en a beaucoup parlé, on a tout analysé, sauf la condition des femmes. Il fallait aller voir sur place, nous l’avons fait ». De plus, on peut noter que les pages Femmes abordent frontalement les questions sexuelles (viol, prostitution, harcèlement sexuel) et que le féminisme peut aussi être un moyen pour parler de sexe et vendre [47]. En outre, les témoignages personnels, les histoires vécues qui renvoient certes aux pratiques des groupes de parole féministes afin de politiser le privé peuvent aussi alimenter une logique fait-diversière. Ainsi, l’expression du féminisme ne va pas à l’encontre des logiques commerciales, au contraire. L’exemple de la « pub sexiste » du mois est parlant : elle ne prend jamais pour cible les grands annonceurs mais plutôt des petits commerces dans une presse locale ou spécialisée. La confrontation entre cette sous-rubrique et les publicités des autres pages du magazine peut d’ailleurs montrer la conciliation de logiques contradictoires.

19Le cahier « Femmes » de Marie Claire paraît pendant quatorze ans, de janvier 1976 à janvier 1990. Un dépouillement systématique permet aussi de déceler les transformations au fil du temps, sur la forme comme sur le fond. D’un féminisme revendicatif, on passe à un « féminisme apprivoisé [48] ». Tout d’abord matériellement, le rubricage évolue à plusieurs reprises révélant des transformations du message. Par exemple, une rubrique de type courrier du cœur (« Lettre à mon homme ») remplace le « courrier indigné » à partir de février 1980 s’éloignant nettement de la visée féministe des débuts, pour intégrer le registre du magazine féminin. Les sujets militants qui faisaient jadis la « une » laissent place à la célébration des femmes hors du commun, anonymes ou célèbres. Les couvertures du cahier Femmes sont révélatrices : elles sont d’abord consacrées à la grande enquête qui touche directement les lectrices dans leur vie privée ou professionnelle tandis qu’à partir de 1987, les couvertures consacrées à la condition des femmes dans des pays étrangers se multiplient dans une perspective plus « humanitaire [49] ». Le féminisme « pour ailleurs » semble remplacer les questions qui se posent aux Françaises ici et maintenant, contribuant à une mise à distance des enjeux de l’égalité femmes hommes dans les pays occidentaux. De plus, à partir de 1986, les « unes » mettent en scène des célébrités, le cahier femmes se « peopolise » dans la mesure où ce sont les femmes connues qui servent à aborder les questions politiques et sociales : Simone Signoret, Pauline Lafont, Bulle Ogier, Béatrice Dalle, Yvette Horner…

20La presse féminine peut-elle être féministe ? L’étude de cas permet de mettre au jour des liens qui s’avèrent complexes. Elle et Marie Claire, dans les années 1960, s’ouvrent à des discours et des revendications portés par des groupes féministes, ce qui permet de mesurer le positionnement de ces magazines dans « l’espace de la cause des femmes ». Néanmoins, le format semble déterminant : la focalisation sur des suppléments a bien montré les logiques d’inclusion dans le magazine par séparation matérielle, une forme de « mise à l’encart ». L’expression du féminisme dans les deux magazines doit se comprendre par la rencontre entre un contexte de contraintes socio-politiques où les mobilisations féministes sont fortes et une logique commerciale de captation de nouveaux publics ou de fidélisation des lectrices. La comparaison entre les deux suppléments, qui ne se déploient pas sur la même période, permet de montrer la forte dépendance à l’égard des mobilisations contemporaines qui concernent les femmes. Pour autant, l’exemple de l’encyclopédie des femmes de Elle et du supplément Femmes de Marie Claire montre bien, aussi, comment l’expression d’une culture féministe ne remet pas en cause les logiques propres aux magazines, qui l’absorbent et la normalisent.


Date de mise en ligne : 19/10/2017

https://doi.org/10.3917/tdm.029.0065

Notes

  • [*]
    « La parenthèse enchantée » fait référence à un film de Michel Spinosa sorti en 2000 et qui raconte l’histoire de deux couples, vivant des histoires d’amour entre la diffusion de la pilule et l’arrivée du SIDA. Elle correspond au moment où se développe un discours libéral sur la sexualité et les mœurs dans les journaux féminins que nous étudions Elle (analysé par Claire Blandin et Sandrine Lévêque) et Marie Claire (analysé par Bibia Pavard). Séverine Sofio a également utilisé cette expression pour évoquer les femmes peintres voir Artistes femmes. La parenthèse enchantée xviiie-xixe siècles, Paris, CNRS éditions, 2016.
  • [**]
    Maîtresse de conférences à l’Institut français de presse, Université Paris 2 Panthéon-Assas, chercheuse au Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les médias.
  • [***]
    Maîtresse de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au CESSP-CRPS.
  • [****]
    Professeure en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Paris 13 – Université Sorbonne Paris Cité, chercheuse au LabSIC, EA 1803.
  • [1]
    S. Lévêque, « Femmes, féministes et journalistes : les rédactrices de La Fronde à l’épreuve de la professionnalisation journalistique », Le Temps des médias, 12, 2009, p. 41-53 ; M.-L. Roberts, « Copie subversive : Le journalisme féministe en France à la fin du siècle dernier », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 6, 1997, clio.revues.org/390.
  • [2]
    C. Formaglio, « Féministe d’abord », Cécile Brunschvicg (1877-1946), Rennes, PUR, 2014.
  • [3]
    C. Cosnier, Les Dames de Femina. Un féminisme mystifié, Rennes, PUR, 2009 ; R. Mesch, Having it All in the Belle Epoque : How French Women’s Magazines Invented the Modern Woman, Stanford, Stanford University Press, 2013.
  • [4]
    B. Friedan, La Femme mystifiée, Paris, Gonthier, 1964 (traduit de l’américain par Yvette Roudy).
  • [5]
    A.-M. Dardigna, Femmes-femmes sur papier glacé, Paris, Maspero, 1974.
  • [6]
    La presse féminine (comme la presse masculine aujourd’hui) servirait avant tout (comme le résume A.-M. Dardigna, ibid. dans sa préface) « les intérêts de la consommation et du profit industriel ». C’est aussi la thèse défendue par Peter Jackson, Nick Stevenson and Kate Brooke dans leur ouvrage Making Sense of Men’s Magazine, Polity Press, Cambridge, 2007.
  • [7]
    Le député Olivier Véran a déposé, en mars 2015, un amendement qui interdit au mannequin dont l’indice corporel est inférieur à 18 de travailler. À cette occasion, un autre amendement encadrant les retouches sur les photographies publiées dans les magazines a été déposé et finalement rejeté par le Sénat.
  • [8]
    Le livre de V. Soulier, La Presse féminine. La puissance frivole, Paris, L’Archipel, 2008 est une tentative de réhabilitation de la presse féminine. Son argument principal reste cependant la « réussite » (économique) de ces magazines et que leur diffusion permet justement de toucher un public plus large que celui, par ailleurs déjà convaincu, de la presse féministe proprement dite.
  • [9]
    F. Chayé, Les Années Marie Claire, 2006 ; Exposition des unes du magazine Elle du 18 septembre au 6 octobre 2015 sur les Champs-Élysées, à l’occasion des 70 ans du magazine ; Elle était une fois, Paris, Éditions du Chêne, 2015.
  • [10]
    Le 22 novembre 1970, le magazine a organisé à Versailles une première édition de ces États Généraux de la Femme, qui fut très largement mise en cause par les organisations féministes. Le 27 janvier 2010, le magazine réitère cette opération à la chambre de commerce de Lille.
  • [11]
    « Elles réalisent le dernier magazine féminin en Afghanistan » ELLE.fr, le 4/6/2008 à 16h18, www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/Elles-realisent-le-dernier-magazine-feminin-en-Afghanistan-648299
  • [12]
    E. Sullerot, La Presse féminine, Paris, Armand Colin, 1963.
  • [13]
    On peut penser à C. Blandin et H. Eck (dir.), La Vie des femmes. La Presse féminine aux xixe et xxe siècles, Paris, éditions Panthéon-Assas, 2010 ; C. Blandin, Représentations de la famille dans la presse magazine (1964-1974), mémoire en vue de l’habilitation à diriger des recherches en histoire, Sciences Po, 2012 ; C. Blandin et B. Pavard, « Un féminisme d’opportunité, Elle et Marie Claire dans les années 1968, genre, profession et engagement », dans F. Bugnon, L. Bantigny et F. Gallot (dir.), « Prolétaires de tous les pays, qui lave vos chaussettes ? » Le genre de l’engagement dans les années 1968, Rennes, PUR, 2017 ; S. Lévêque, Presses féminines, Presses féministes. Ce que le journalisme fait aux femmes et ce que les femmes font au journalisme, mémoire en vue de l’habilitation à diriger des recherches en science politique, Paris 1, 2016 ; A. Geers, Le Sourire et le tablier. La construction médiatique du féminin dans Marie-Claire de 1937 à nos jours, Thèse EHESS, 2016.
  • [14]
    L. Bereni, La Bataille de la parité, Paris, Economica, 2015.
  • [15]
    S.-M. Bonvoisin et M. Maignien, La Presse féminine, Paris, PUF, 1986, p. 31.
  • [16]
    Les journaux féminins traditionnels sont concurrencés par les titres plus diversifiés selon les centres d’intérêt réputés féminins (Enfants Magazine destiné aux jeunes mères est créé par exemple en 1976) ou selon les cibles marketing (CSP et âge par exemple) avec la création de Jacinthe en 1975 ou 20 ans en 1977 destinés aux jeunes filles plutôt aisées.
  • [17]
    L. Kandel, « L’explosion de la presse féministe », Le Débat, 1, 1980, p. 105-128.
  • [18]
    D. Cardon, « Droit au plaisir et devoir d’orgasme dans l’émission de Ménie Grégoire. », Le Temps des médias, 1, 2003, p. 77-94.
  • [19]
    H. Duccini, « Carré blanc et signalétique télévisée en France, 1961-1998 », Le Temps des médias, 1, 2003, p. 65-76.
  • [20]
    V. Chambarlhac, « L’Encyclopédie socialiste, une forme singulière pour une cause politique ? », Genèses 4/ 2004 (no57), p. 4-22.
  • [21]
    J.-G. Padioleau, 1976, « Systèmes d’interaction et rhétoriques journalistiques », Sociologie du travail, vol. 18, 3, p. 256-282.
  • [22]
    « La femme cette inconnue. Êtes-vous pour ou contre le travail des femmes ? », Elle, 1199, 9 décembre 1968, p. 101-116.
  • [23]
    « Tout sur la pilule », Elle, 1192, 21 octobre 1968.
  • [24]
    « La puberté, les règles et la grossesse et la ménopause », Elle, 1194, 4 novembre 1968.
  • [25]
    S. Chaperon, Les années Beauvoir (1945-1970), Paris, Fayard, 2000.
  • [26]
    L. Bereni, « Lutter dans ou en dehors du parti ? L’évolution des stratégies des féministes du Parti socialiste (1971-1997) », Politix, 73, 2006, p. 187-209 ; B. Pavard, « Outsiders dans le parti ? Mignonnes allons voir sous la rose… : le journal des féministes du PS (1979-1982) », Parlement[s], Revue d’histoire politique, 19, 2013 p. 119-123.
  • [27]
    M. Maruani, Les syndicats à l’épreuve du féminisme, Paris, Syros, 1979. P. Le Brouster, « Contribution à l’histoire du Planning familial : le partenariat CFDT-MFPF au cours des années soixante-dix », Genre & Histoire [En ligne], Printemps 2008, consulté le 6 décembre 2016. URL : http://genre-histoire.revues.org/297
  • [28]
    A. Lasserre, « Quand la littérature se mit en mouvement : écriture et mouvement de libération des femmes en France (1970-1981) », Les Temps modernes, 689, 2016, p. 119-141.
  • [29]
    F. Dumont, Des sorcières comme les autres. Artistes et féministes dans la France des années 1970, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
  • [30]
    C. Achin, D. Naudier, « Trajectoires de femmes ordinaires dans les années 1970 : La fabrique de la puissance d’agir féministe », Sociologie, 1, vol.1, 2010, p. 77-93.
  • [31]
    A. Revillard, La Cause des femmes dans l’État. Une comparaison France-Quebec, Grenoble, PUG, Libres cours politique, 2016.
  • [32]
    B. Pavard, « Contraception et avortement dans Marie-Claire (1955-1975) : de la méthode des températures à la méthode Karman », op. cit.
  • [33]
    Françoise Salmon quitte Marie Claire peu de temps après la création du journal des féministes pour rejoindre F-Magazine qui vient de se créer.
  • [34]
    Information donnée par Jean-Jacques Greif, entretien avec Bibia Pavard du 12/04/2016.
  • [35]
    A. Farrell, Ms. Magazine and the promise of Popular Feminism, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1998, p. 1.
  • [36]
    L. Kandel, « L’explosion de la presse féministe », art.cit. p 10.
  • [37]
    Entretien de Bibia Pavard avec la journaliste Hélène Mathieu, 11/02/2016.
  • [38]
    F. Matonti, Le Genre présidentiel. Enquête sur l’ordre des sexes en politique, Paris, La Découverte, 2017.
  • [39]
    Et ce, en dépit du fait que le lectorat de Elle est, dans les années 1960 et selon Évelyne Sullerot, un lectorat de classe moyenne supérieure.
  • [40]
    A. Rauch, « Des bancs de l’école au courrier du cœur. Une histoire du corps ragaillardie », Vingtième Siècle. Revue d’histoire 2/2008 (98), p. 71-88.
  • [41]
    L. Boltanski, Prime éducation et morale de classe, Paris, La Haye, Mouton, 1969.
  • [42]
    N. Quemener, « “Ma chérie, il faut révéler ta féminité !”. Rhétorique du choix et de l’émancipation dans les émissions de relooking en France », Raisons politiques, 62, 2016, p. 35-49.
  • [43]
    Fanny Deschamps publie cette enquête sous la forme d’un ouvrage : Journal d’une assistante sociale, Paris, Éditions Premières, 1970.
  • [44]
    « Décès de l’écrivaine Fanny Deschamps », 30/5/2000, tempsreel.nouvelobs.com/culture/20000530.OBS4842/deces-de-l-ecrivain-fanny-deschamps.html
  • [45]
    S. Lévêque, Presses féminines, Presses féministes, Ce que le journalisme fait aux femmes et ce que les femmes font au journalisme, mémoire de HDR, op.cit.
  • [46]
    Les entretiens avec les journalistes de la rubrique révèlent la satisfaction qu’ils éprouvent à pratiquer un journalisme d’investigation. Voir B. Pavard « Marie Claire, magazine féministe ? Les conditions de circulation de discours militants dans la presse commerciale (1976-1990) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, à paraître.
  • [47]
    Entretien de Bibia Pavard avec le journaliste Jean-Jacques Greif, 12/04/2016.
  • [48]
    F. Matonti, Le genre présidentiel. Enquête sur l’ordre des sexes en politique, op. cit.
  • [49]
    C. Frisque, « Femmes secourables, femmes militantes, dans deux magazines féminins », Mots, 65, mars 2001, p. 51-75.

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