Notes
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Maître de conférences en Histoire moderne. Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle.
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[1]
Année littéraire, 1757, t.VI, 239.
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[2]
Hélène Berlan, Etienne Thévenin, Médecins et société en France. Du xvie siècle à nos jours, Toulouse, Privat, 2005, 74.
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[3]
Jean-Baptiste Fressoz, « Comment sommes-nous devenus modernes ? Petite histoire philosophique du risque et de l’expertise à propos de l’inoculation et de la vaccine, 1750-1800 », dans Sezin Topçu, Cécile Cuny, Kathia Serrano-Velarde (dir.), Savoirs en débat : perspectives franco-allemandes, Paris, L’Harmattan, 2008, 197-225.
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[4]
Ces lotions à base d’acétate de plomb occasionnaient des brûlures, ce qui accentuait davantage les traces. Cf. Solange Simon-Mazoyer, « Le conflit entre les excès de la mode et de la santé au xviiie siècle : l’« habillage » du visage », La médecine des Lumières : tout autour de Tissot, sous la dir. de Vincent Barras, Micheline Louis-Courvoisier, Paris, Georg, Bibliothèque d’histoire des sciences, 2001, 41-53.
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[5]
En 1714, parut le premier compte rendu sur l’inoculation rédigé par l’Italien Timoni dans les Philosophical transactions de la Royal Society.
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[6]
Selon A. Rusnock, les inoculations qui eurent lieu à Londres dans les années 1720 furent étroitement suivies par l’élite française grâce aux rapports et aux nouvelles publiés dans les Mémoires de Trévoux et le Journal des savants. Cf. Andrea A. Rusnock, « The limits of Calculation : French Debates over Inoculation in the 1760s », Vital accounts. Quantifying health and Population in Eighteenth Century England and France, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, 71-91 et Pierre Darmon, La variole, les nobles et les princes. La petite vérole mortelle de Louis XV, Bruxelles, Editions Complexe, 1989.
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[7]
Marino Boaglio, « La variolizzazione nella letteratura », Michele Buniva introduttore della vaccinazione in Piemonte. Scienza e sanità tra rivoluzione e restaurazionea (Atti del Convegno di studi, Pinerolo, 14 ottobre 2000), ss la dir. de Giuseppe Slaviero, Torino, Università degli Studi di Torino, 2002, 83-98.
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[8]
Il est ici plus particulièrement question du premier mémoire sur l’inoculation de La Condamine, aussi cet article porte-t-il sur la période comprise entre son premier et son deuxième discours sur ce sujet à l’Académie des sciences, soit entre le 24 avril 1754 et le 15 novembre 1758.
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[9]
Ainsi en Europe, des journaux comme le Gentleman’s Magazine en Angleterre et le Journal des Luxus und der Moden en Allemagne publient des articles portant sur la médecine et les sciences à visée pratique. Voir Thomas Broman, « Periodical Literature », Books and the Sciences in history, edited by Marina Frasca-Spada and Nick Jardine, Cambridge University Press, 2000, 225-238.
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[10]
Parti en 1735 avec dix autres savants afin de mesurer un arc de méridien au niveau de l’équateur, au Pérou, il en revient dix ans plus tard et publie alors deux récits de voyage.
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[11]
Correspondance littéraire, n°7, 1er avril 1756, éd. crit. de Robert Granderoute, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du xviiie siècle, 2007, tome 3, 76-78.
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[12]
Marco Beretta, « Institutionnalisation et professionnalisation », L’Europe des sciences : Constitution d’un espace scientifique, sous la dir. de Michel Blay et Efthymis Nicolaïdis, Paris, Seuil, 2001, 186.
- [13]
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[14]
Mémoires de Trévoux, oct. 1754, t.I, 2357.
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[15]
La traduction italienne du Mémoire par Venuti est publiée dans un périodique de Livourne, le Magazzino toscano d’avril à juillet 1755.
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[16]
Jacques Wagner, Marmontel journaliste et le Mercure de France (1725-1761), Grenoble, PUG, 1975.
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[17]
Jean Balcou, « Fréron, militant des Lumières », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. 83, n° 4, 1976, 737-743.
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[18]
Deux ans plus tard, Fréron souligne à nouveau le succès du Mémoire, traduit en plusieurs langues : « Toutes ces différentes traductions, ainsi que le grand nombre d’éditions qui en ont été faites, confirment le jugement que j’en ai porté dans le temps ». (Année littéraire, oct. 1757,, t.VI, 244) Il avait indiqué en novembre 1754 que les « Gazettes de Londres viennent de rendre à M. de la Condamine un témoignage bien glorieux pour lui ». (Année littéraire, nov. 1754, t.VI, 340)
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[19]
Au sujet des traductions et éditions italiennes du Mémoire de La Condamine, voir Yasmine Marcil, « Entre France et Italie, le mémoire en faveur de l’inoculation de La Condamine », Pratiques et enjeux scientifiques, intellectuels et politiques de la traduction (vers 1660-vers 1840), Patrice Bret et Jean-Luc Chappey (dir.), à paraître en 2014.
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[20]
Année littéraire, sept. 1755, t.V, 283. Cette édition est signalée dans le Journal des savants, oct. 1755, 685. La Condamine rencontre la margrave de Bayreuth, sœur du roi de Prusse, lors de son séjour à Avignon.
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[21]
L’Année littéraire publie seize articles en 1754-1758 (cinq recensions, huit lettres ou rapports, deux poésies et une nouvelle sur des inoculations réussies) et le Mercure de France en publie douze (Outre le Mémoire, on compte une recension, deux rapports, quatre poésies, deux comptes rendus d’Académie et deux nouvelles).
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[22]
Fondé en 1754, le Journal étranger connaît des changements rapides de direction jusqu’à sa disparition en 1762. C’est un mensuel qui visait à informer des livres parus hors de France. Cf. M.R. de Labriolle, « Journal étranger », Dictionnaire des journaux 1600-1789, Paris, Universitas, 1991, tome 2, 674-675, notice n°732.
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[23]
La Condamine débute ainsi son Mémoire : « Une maladie affreuse & cruelle, dont nous portons le germe dans notre sang, détruit, mutile, ou défigure un quart du genre humain ». (C.M. de La Condamine, Mémoire sur l’inoculation de la petite vérole, Paris, Durand, 1754, 1)
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[24]
J.-B. Fressoz explique que « cette théorie est abandonnée par les médecins des années 1750, sauf chez les protestants qui la relient à la notion de prédestination ». (Jean-Baptiste Fressoz, Op. cit.)
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[25]
Journal des savants, juil.1754, 510.
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[26]
Année littéraire, nov. 1754, t.V, 206.
-
[27]
Antoinette Emch-Dériaz, « L’inoculation justifiée … vraiment ? », Canadian Bulletin of Medical history, 1985, vol.2, n°2, 237-263.
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[28]
En Angleterre, on adopte la méthode du fil : le médecin fait coulisser un fil trempé de pus variolique humain, à l’intérieur d’une petite blessure. On l’appelle la méthode anglaise.
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[30]
Médecin de la Faculté de Paris, Hosty part à Londres s’informer sur l’inoculation. Il suivit 252 opérations et rendit compte de leur succès dans un rapport, publié en 1755 dans l’Année littéraire et le Mercure de France. Ce rapport soutient la campagne de La Condamine.
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[31]
Année littéraire, juil. 1755, t.IV, 242-261.
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[32]
Entre 1754 et 1758, le Mercure de France publie en effet huit articles concernant La Condamine. Ces lettres, extraits de textes ou nouvelles portent sur le Mémoire sur l’inoculation, la querelle avec Bouguer, son voyage en Italie et un texte dont il rejette la paternité l’Histoire d’une jeune fille sauvage.
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[33]
Journal des savants, juil. 1755, 476.
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[34]
James Jurin, An Account of the success of inoculating the small pox in Great-Britain, Londres, J. Peele, 1724.
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[35]
Andrea A. Rusnock, Op. cit.
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[36]
C.-M. de La Condamine, Mémoire sur l’inoculation de la petite vérole, Paris, Durand, 49-50.
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[37]
« Il est prouvé qu’elle emporte au moins la septième partie de ceux qui ont le malheur d’en être infectés […] » peut-on lire dans le Journal des savants (juil. 1754, 509).
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[38]
Catriona Seth, Les Rois aussi en mourraient. Les lumières en lutte contre la petite vérole, Paris, Desjonquères, 2008, 237-240. Selon J.-B. Fressoz, les premiers inoculés sont tous de jeunes aristocrates qui interprètent le danger de l’inoculation dans le cadre de l’ethos aristocratique de l’exploit.
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[39]
Mémoires de Trévoux, nov. 1756, 2752-2753. Il y fait le compte rendu de l’ouvrage de Pierre-Joseph Morisot-Deslandes et Jean-Etienne Montucla, Recueil de pièces concernant l’Inoculation de la petite-vérole, & propres à en prouver la sécurité & l’utilité, Paris, Desaint, Saillant et Vincent, 1756.
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[40]
Le médecin irlandais, exerçant à Paris, Andrew Cantwell considère notamment que lors de l’inoculation de la petite vérole d’autres maladies infectieuses peuvent être transmises au patient. Cf. Hervé Bazin, L’histoire des vaccinations, Paris, John Libbey Eurotext, 2008, 39.
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[41]
Après la publication en septembre 1755 (t.V, 261-288) d’un compte rendu du livre de Cantwell, l’Année littéraire publie une réponse de La Condamine (sept. 1755, t.VI, 26-48) et une réponse de Fréron (oct. 1755, t.VII, 66-72). Cette dernière est présentée comme une réponse à une lettre adressée par Cantwell à Fréron.
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[42]
L’article du Journal des savants, paru en octobre 1755 (681-686), n’est pas signé.
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[43]
Fréron précise : « C’est un Médecin & un Médecin habile qui a fait l’article du Journal des savants où la Dissertation de M. Cantwel contre l’inoculation est réfutée. Que répondra-t-il à cela ? Ce qu’il répondra, Monsieur ? il dira que ce n’est pas un Médecin ; car il se croit sûrement le seul Médecin qu’il y ait en France ». (Année littéraire, oct. 1755, t.VII, 69)
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[44]
Journal des savants, oct. 1755, 682.
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[45]
La faculté de médecine de Paris ne statue positivement sur l’inoculation que le 15 janvier 1768.
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[46]
L’inoculation est « une affaire de mode » peut-on lire dans le Journal encyclopédique, du 15 mai 1756, p. 84.
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[47]
Jean-Baptiste Fressoz, op. cit.
« Il est peu de sujets, Monsieur, sur lesquels on ait tant écrit dans ces derniers temps en France, et surtout en Angleterre, que sur l’Inoculation de la petite vérole » [1].
1Dans l’Europe des Lumières, les épidémies de petite vérole ou variole sont récurrentes et parfois très meurtrières, telles celles de Londres en 1721 et de Paris en 1723 (qui fit 10 000 victimes [2]). Cette maladie extrêmement contagieuse, caractérisée par une éruption pustuleuse, touchait toutes les populations mais plus particulièrement les enfants. Selon sa forme, elle n’était pas toujours mortelle [3], mais laissait souvent chez les survivants des séquelles et des traces plus ou moins visibles ; de là l’usage de lotions ou de remèdes pour faire disparaître les marques sur le visage [4]. Aussi cette maladie faisait-elle peur par sa forte contagion, par l’impuissance des médecins à la guérir et par ses conséquences. Au début du xviiie siècle en Angleterre, une méthode préventive, l’inoculation, est défendue à la Royal Society [5], mais celle-ci n’est vraiment prise en considération qu’après l’intense action de divulgation menée par Mary Wortley Montagu à Londres. En France, cette méthode intéressa [6] : elle fut discutée et étudiée dans les cercles médicaux et au Conseil du roi. Mais cela ne dura pas, après les années 1720 il n’en fut plus question. L’intérêt pour l’inoculation renaît sous l’impulsion d’ouvrages de médecins, ceux de James Kirkpatrik, Samuel Tissot et Théodore Tronchin ainsi que celui du mathématicien Charles-Marie de La Condamine (1701-1774) dont le Mémoire sur l’inoculation de la petite vérole (1754) connaît un grand retentissement. Dès lors, le débat sur l’inoculation de la variole s’étend à toute l’Europe et occupe toute la seconde moitié du xviiie siècle. Mêlant des arguments médicaux, politiques, moraux et théologiques, la discussion sort de de la faculté de médecine [7]. Rapidement, la variole est aussi l’objet d’une controverse intense à laquelle les périodiques prennent part. En focalisant cette étude sur les débuts de la querelle en France entre 1754 et 1758 [8], nous chercherons ici à cerner le rôle des journaux littéraires dans la campagne menée par La Condamine, qui s’avère riche tant celui-ci porte une grande attention à ses publications. Notre objet est donc de comprendre comment les périodiques participent à cette écriture en action, et plus largement aux échanges sur l’inoculation, à une époque où les savoirs scientifiques, et notamment la médecine, ne sont plus réservés à quelques savants et sont discutés publiquement [9]. Cette « publicisation » de l’inoculation conduit à s’interroger sur l’élaboration des savoirs au sein des périodiques et aux formes de la critique. Après une première partie consacrée à la campagne de La Condamine, la seconde portera sur les arguments développés par cinq journaux littéraires (le Mercure de France, le Journal encyclopédique, l’Année littéraire, les Mémoires de Trévoux et le très érudit Journal des savants) pour expliquer et défendre cette pratique médicale.
Le Mémoire sur l’inoculation, un succès
2Le 24 avril 1754, lorsqu’il prononce son discours en faveur de l’inoculation à l’Académie royale des sciences, Charles-Marie de La Condamine est un savant renommé. Sa réputation tient beaucoup à sa participation à une des deux grandes expéditions astronomiques réalisées à l’instigation de cette même académie au milieu des années 1730 afin de connaître la configuration exacte de la Terre [10]. Son discours fut remarqué, en raison de ses talents oratoires et parce qu’il s’exprima lors d’une séance publique de l’Académie, ce qui lui assura un large rayonnement. La célèbre Correspondance littéraire, philosophique et critique, nouvelle à la main dirigée alors par F. M. Grimm, signale que son exposé « a été fort applaudi » et surtout témoigne de l’importance prise par ce texte puisqu’on peut y lire deux ans plus tard que « M. de La Condamine a fait une révolution en France par son Mémoire sur l’inoculation de la petite vérole. M. de Voltaire en avait parlé dans ses Lettres anglaises, sans faire la moindre impression sur l’esprit du public. Le Mémoire de M. de la Condamine fut reçu avec beaucoup d’applaudissements dans une séance publique de l’Académie des sciences [...] [11] ». Vingt ans plus tôt, Voltaire avait en effet défendu sans succès l’inoculation dans ses Lettres anglaises (1734). Quant à La Condamine, il avait signalé avoir observé le succès de cette méthode à Constantinople (dans le discours lu à la suite de son voyage au Levant, en 1731-1732), ainsi qu’en Amérique du sud (dans le récit de son voyage retour du Pérou, publié en 1745 sous le titre Relation abrégée d’un voyage fait dans l’intérieur de l’Amérique méridionale), sans susciter le moindre écho. Mais en 1754, le contexte est différent. Paris vient de connaître en 1753 une nouvelle épidémie de variole.
3À la suite de son discours, le savant fait tout pour en assurer la visibilité. Ainsi prête-t-il tout d’abord un grand soin à l’édition de son texte. Il obtient de l’Académie le droit de le faire imprimer à part, tout en conservant néanmoins la possibilité d’être publié ultérieurement dans les Mémoires de cette institution. Ceux-ci présentent en effet un grave défaut : tout en étant considérés comme le lieu le plus prestigieux pour la publication de textes savants, ils accusent un fort retard de publication [12]. L’intérêt d’une édition si rapide et accessible du discours [13] n’échappe pas aux journalistes de deux périodiques bien différents, le Journal encyclopédique fondé par Pierre Rousseau en 1756 et les Mémoires de Trévoux (1701) rédigés par des jésuites. « Ce Mémoire, note le second, sera inséré dans le Volume de l’Académie pour l’année 1754. En attendant l’édition de ce Volume, il étoit à propos qu’un Morceau si intéressant, si lié au bien public, fût entre les mains de tout le monde » [14]. La variole et sa méthode préventive sont bien considérées comme des questions de santé dignes de l’intérêt de tous et non des seuls médecins.
4Ensuite, La Condamine s’est montré attentif à la presse périodique qu’il s’approprie pleinement. En France comme en Italie [15] c’est d’abord grâce à un journal que son ouvrage est connu du public : il est intégralement publié dans le Mercure de France de juin 1754, ce qui permet, selon le journal lui-même, de toucher un large public. Le Mercure de France, alors dirigé par l’abbé Raynal (1750-1755), tend à devenir depuis les années 1740 un journal d’information générale (dans lequel il est question de politique, de finances, de droit aussi bien que de littérature et de théâtre). Bien qu’il ne porte pas l’accent sur les sciences, ce périodique participe pourtant lui aussi au phénomène d’accélération du processus de publication des résultats scientifiques de la seconde moitié du siècle. Il informe en particulier régulièrement du contenu des séances des académies. Son soutien à la cause de l’inoculation ne fait que croître dans les années suivantes, au moment où le Mercure de France est dirigé par Jean-François Marmontel [16].
5L’Année littéraire, fondée par Elie-Catherine Fréron, s’est également avérée une tribune importante de la campagne de La Condamine. Fréron, qui fréquente ce dernier [17], s’est attaché à montrer le succès de son livre, notant sa réception élogieuse dans les gazettes anglaises et informant de ses traductions « en Anglois, en Espagnol, & tout récemment en Italien » [18]. S’il n’est finalement pas publié en espagnol, son livre devient en revanche dans la péninsule italienne un ouvrage de référence [19], et il est également traduit en danois, en néerlandais, en suédois, puis plus tard, en 1762, en portugais. Par ailleurs, Fréron (ainsi que le Journal des savants) souligne qu’il a été réédité en français : « Ce même Mémoire a été imprimé plusieurs fois en un an ; on vient d’en publier une nouvelle édition à Avignon chez F.B. Mérande, Imprimeur & Libraire. Cette édition, faite sous les yeux de l’auteur, qui l’a dédiée à son altesse royale madame la margrave de Bareith, est corrigée & considérablement augmentée » [20]. En effet, en janvier-février 1755 alors qu’il séjourne à Avignon avant de prendre la route de l’Italie, La Condamine s’entend avec l’imprimeur François-Barthélémy Mérande (vers 1720-an II/1793) pour réimprimer son Mémoire. Son implication se marque dans le texte même de cette édition « augmentée », qui ne correspond pas seulement à un affichage publicitaire mais à un texte réellement corrigé, modifié et allongé de plusieurs pages. Dans son mémoire structuré en trois parties, il présente tout d’abord l’histoire de l’inoculation, puis répond aux objections qui pourraient être faites à cette méthode, et enfin donne son avis, prônant une médecine de l’intervention, considérée comme salutaire pour les individus comme pour la société. C’est dans cette dernière partie que La Condamine apporte le plus long supplément. Il y affirme plus nettement encore l’efficacité de cette méthode, apporte de nouveaux exemples d’inoculations prouvant la validité de la méthode, corrige un fait ou une date. Il modifie aussi le ton de certains passages, se fait plus incisif à l’égard du lecteur, parfois directement interpellé (« hésitez-vous encore sur le choix ? »).
Expliquer et convaincre
6Les périodiques français ont été favorables à l’inoculation et certains (l’Année littéraire et le Mercure de France) l’ont même soutenue avec vivacité. Ces deux journaux reviennent régulièrement sur cette question et sous des formes variées. En effet l’inoculation n’est pas seulement l’objet de comptes rendus d’ouvrages mais aussi de poèmes, de brèves nouvelles (informant de la réalisation d’inoculations dans une ville) et de lettres ou rapports (signés et envoyés essentiellement par des médecins) [21]. Fréron joue un rôle important dans la campagne, non seulement en tant que directeur de l’Année littéraire, mais aussi comme rédacteur principal d’un autre titre, le Journal étranger, entre septembre 1755 et août 1756 [22]. Cela lui donne l’occasion d’interventions diversifiées. Dans le premier titre, Fréron s’implique lui-même, prend part aux discussions sur l’inoculation, informe des nouveaux livres et des récits d’inoculations, propose des poésies ; dans le second, il fait connaître les débats sur cette affaire de santé à l’échelle européenne, en publiant surtout des dissertations et des lettres (et non des recensions) reprises de journaux étrangers.
7Reprenant La Condamine [23], les journalistes qualifient la maladie de « cruelle » ou encore de « dangereuse » et « mortelle ». Plusieurs d’entre eux s’attachent à expliquer l’origine de la petite vérole, due selon eux à un « germe » inné. L’inoculation est vue comme le moyen permettant à ce germe de se développer en dehors, et donc comme le moyen de détruire un mal déjà présent dans le corps. Si cette théorie n’a plus cours chez les médecins au milieu du siècle, on la retrouve néanmoins chez certains propagandistes et à leur suite dans les périodiques littéraires [24]. Les apologistes assurent que les personnes inoculées sont prémunies contre la maladie, tout comme celles qui ont été atteintes par une variole naturelle. Si l’on ne sait pas à l’époque expliquer le rôle protecteur de l’inoculation, on ne sait surtout pas guérir la variole, aussi le Journal des savants fait remarquer que l’inoculation est « le seul spécifique que nous ayons pour se préserver de la maladie [25] » tandis que l’Année littéraire précise que l’inoculation est un « préservatif sûr » qui permet d’« être pour jamais exempt de la contagion [26] ». Et de fait, l’inoculation est la première tentative d’immunisation contre une maladie grave et contagieuse [27].
8L’inoculation variolique consiste à introduire dans le corps d’un individu de petites quantités de matériel prélevé de pustules de malades ayant une forme légère de la petite vérole. La personne inoculée contracte alors la maladie, communément appelée « petite vérole artificielle », mais celle-ci doit se réduire à des symptômes locaux, sans virulence ; ce qui est, souligne l’Année littéraire, beaucoup moins dangereux qu’une « petite vérole naturelle ». Tous les journaux s’intéressent au protocole médical mais Fréron est sans doute le plus précis sur ce point. Ce dernier a pris à cœur d’expliquer à plusieurs reprises à ses lecteurs le déroulement de cette opération « si simple & si aisée, que tout le monde est en état de la pratiquer ». Si à la suite de La Condamine qui retrace l’histoire de l’inoculation, les journalistes signalent différentes manières de s’inoculer, ils se mettent au diapason des médecins européens défendant un long protocole. Ceux-ci transforment en effet rapidement un simple remède populaire en une complexe et coûteuse procédure qui prévoit une préparation à l’intervention : diète rigoureuse, repos, air frais, purges répétées et saignées. Les médecins sont moins en accord sur la meilleure façon d’insérer la petite vérole (aiguille, fil passé dans une incision [28], tampon [29] …) mais il en est peu question dans les périodiques des années 1754-1758. S’appuyant sur les textes de La Condamine et du médecin Ambroise Hosty [30], les journalistes de l’Année littéraire et des Mémoires de Trévoux notent qu’une fois inoculé, on est libéré de la peur : on est « à l’abri des cruelles inquiétudes qu’on éprouve lorsqu’on ne l’a point eue [31] ». Ce sont les seules allusions à la peur engendrée par la maladie, tandis que les journaux n’abordent pas la question de la souffrance, largement absente de cette controverse. Comme La Condamine, les journalistes prônent une médecine de l’intervention et de la prévention. Ainsi ils manifestent ici un désaccord avec les théories médicales s’opposant à toute insertion de corps étrangers dans un corps sain et ils mettent en cause ceux qui considèrent que contracter volontairement une maladie revient à devancer sa destinée et donc à refuser les lois de la nature.
9Contrairement à L’Année littéraire, au Journal des savants et au Journal encyclopédique, le Mercure de France n’a pas apporté ses propres éclaircissements ni sur le but, ni sur le procédé de l’inoculation. Il est en revanche un appui indéfectible de La Condamine dont il mentionne d’autres travaux durant cette période [32].
10Incontestablement le Mémoire de La Condamine a marqué et devient une référence dans les années suivantes. Trois critères d’appréciation sont mis en valeur par les périodiques : l’exhaustivité de ses réponses aux objections contre l’inoculation, son écriture éloquente et la rationalité de ses arguments. Les journaux insistent sur le fait que l’académicien rend accessible à tous les raisons pour lesquelles cette nouvelle pratique est efficace. Sa campagne s’inscrit parfaitement dans la lutte contre les préjugés enracinés dans la société à laquelle les périodiques souscrivent. Ainsi, selon le Journal des savants, ce sont « les préjugés [qui] empêchent l’implantation de l’inoculation [33] ». Les journalistes ont salué la rhétorique mise en œuvre par l’académicien afin de convaincre ses lecteurs, mais certains d’entre eux ont surtout insisté sur ses arguments. La Condamine défend l’efficacité de l’inoculation en s’appuyant sur des preuves, multiples et répétées. Celles-ci sont le résultat de probabilités établies à partir d’observations médicales et d’expériences d’inoculation. L’académicien reprend les données chiffrées publiées par le médecin anglais James Jurin dont les tableaux de chiffres de mortalité montrent le faible nombre d’inoculations ratées [34]. A partir de ces listes, La Condamine a développé ses propres arguments numériques : il a axé son argumentation sur la comparaison des risques pour un individu de mourir de la variole ou suite à une inoculation. C’est donc sur une certitude mathématique que La Condamine justifiait la décision de l’inoculation [35] et qu’il pouvait répondre à l’objection suivante : « Pourra-t-on jamais persuader un père tendre de communiquer, de propos délibéré, à son fils unique, une maladie qui peut lui donner la mort ? », en affirmant « Ce n’est point ici une question de morale, c’est une affaire de calcul. Ne faisons point un cas de conscience d’un problème d’arithmétique » [36]. La Condamine insistait sur ce point afin de transcender le risque individuel de mourir de l’inoculation.
11Ce sont le Journal des savants [37] et les Mémoires de Trévoux qui ont fait le plus largement part à leurs lecteurs de cet axe essentiel du livre de La Condamine. L’Année littéraire, tout comme le Journal encyclopédique et le Mercure de France, se sont, eux, surtout focalisés sur la narration de cas exemplaires ou de séries d’inoculations réussies, qui sont présentés comme des « expériences » ou plus rarement des « faits ». Informer d’inoculations jugées exemplaires, car pratiquées sur un prince ou un grand aristocrate, est un moyen pour les périodiques de participer à la campagne d’incitation menée par les apologistes. « Il fallait un exemple fameux », peut-on lire dans le Mercure de France, pour encourager les inoculations ; c’est fait avec celles des deux enfants du duc d’Orléans (le 25 mars 1756) largement commentées à Paris [38]. Ces journaux informent aussi des inoculations pratiquées en Europe : à Drontheim et à Copenhague (dans le Mercure de France), à Citerna par le médecin Peverini (Année littéraire), à Città di Castello par le médecin Lunadei (Journal étranger) ou de manière plus vague en Allemagne (Journal encyclopédique). Ces nouvelles brèves ont pour commun de ne signaler que des inoculations réussies. Ici, c’est l’accumulation des succès qui doit convaincre de l’efficacité de l’opération.
12Seuls les Mémoires de Trévoux évoluent vers une position plus suspicieuse et plus attentive à la « controverse ». Ainsi en 1756, on peut lire : « La dispute pourra s’échauffer entre les Docteurs ; le Public n’en sera que plus incertain jusqu’à ce que le temps & l’expérience l’aient terminée. […] Pour nous, contents d’avertir le Public qu’il y a encore des doutes sur l’Inoculation, & qu’on n’est pas obligé d’y prendre une confiance absolue, nous en croyons pas devoir étendre ici des objections qu’il ne nous conviendrait pas d’adopter ou de rejeter sur nos préjugés particuliers. C’est aux Maîtres de l’Art à continuer leurs observations avec un zèle exempt de passion & de partialité, & à porter, sur le résultat qu’elles produiront, un jugement assuré, qui fixe toutes les incertitudes, & qui finisse toute la dispute » [39].
13Entre 1754 (date de parution du Mémoire de La Condamine) et 1756, le débat dans la presse périodique a évolué, avec la publication des premières recensions d’ouvrages opposés à l’inoculation, dont celui du médecin irlandais Andrew Cantwell intitulé Dissertation sur l’inoculation pour servir de réponse à celle de M. de la Condamine de l’Académie royale des sciences sur le même sujet (1755) [40]. À partir de cette date, les journaux font part tour à tour de livres ou de lettres favorables ou non à l’inoculation. Ces comptes rendus leur offrent l’occasion d’affirmer leur position et les journaux s’avèrent parfois très sévères ou ironiques. On est loin d’une critique feutrée et contrôlée, les périodiques littéraires se sont emparés de cette question de santé et se sont affirmés comme des acteurs légitimes du débat.
14La question de l’inoculation n’est donc plus réservée aux seuls médecins. Les commentaires de Fréron sont révélateurs de cette ouverture mais cela n’est pas sans tensions. À la suite d’une lettre de Cantwell le mettant en cause [41], Fréron répond en affirmant sa légitimité à critiquer l’ouvrage du médecin irlandais : « Il [Cantwell] commence par établir que l’inoculation n’est pas de ma compétence, parce que je ne suis pas Médecin ». Fréron répond en reprenant une métaphore de La Condamine et en rapportant l’inoculation à une « affaire de calcul ». Il ajoute enfin qu’il n’est pas le seul à le critiquer et renvoie au compte rendu du Journal des savants rédigé, selon Fréron [42], par un médecin [43]. Dans les deux périodiques (Année littéraire et Journal des savants), on s’accorde pour démontrer la faiblesse des arguments de Cantwell, qui se voit par exemple reprocher de se baser sur des « conjectures » et non sur des « preuves » ou de formuler des « contradictions » entre deux passages de son ouvrage. La médiocrité de l’attaque est telle que « Les Partisans de l’Inoculation ne seront point allarmés de la réponse de M. Cantwel [44] ». Néanmoins, dans l’ensemble, le ton est bien différent entre les deux périodiques. Le Journal des savants est plus distancié que l’Année littéraire ; il s’en tient à des recensions d’ouvrages (neuf articles entre 1754 et 1758) dont les commentaires sont axés sur une discussion rationnelle, sur la question de la preuve de l’efficacité de l’inoculation. Fréron, lui, s’est engagé dans la bataille, avec son style mordant, ironique et polémiste bien connu. C’est aussi son journal qui accorde le plus de place aux « anti-inoculistes » dont il critique les arguments à moins qu’il ne les tourne en dérision. En revanche les Mémoires de Trévoux prennent plus au sérieux les arguments des adversaires de l’inoculation. Ce journal en appelle à de nouvelles expériences afin de statuer définitivement sur cette méthode et éteindre la controverse qui oppose des médecins [45]. Ce n’est pas la procédure qui est ici en cause mais le danger de cette opération. Ce journal insiste sur l’inconnu que représente encore l’inoculation. De fait, le risque de mourir suite à une inoculation a constitué un obstacle important à la diffusion de la méthode de manière massive.
15À la fin des années 1750, nous n’en sommes qu’aux prémices d’une controverse qui prend une telle proportion qu’elle ne s’éteint qu’avec la disparition des principaux protagonistes qui ne cessent de publier livres, pamphlets, articles dans les périodiques, lettres et mémoires. Les journaux littéraires qui se sont voulus une tribune de ce débat, ont fait de l’inoculation un savoir public, mettant en cause les frontières intellectuelles traditionnelles au sein du discours médical (ce qui revenait aussi à s’interroger sur le monopole de la faculté de médecine dans la définition des remèdes légitimes). Les périodiques littéraires ont explicitement pris position, adhérant à l’idée d’une protection active contre une maladie infectieuse. Les campagnes de La Condamine, qui n’est pas lui-même médecin, et de journalistes tels Fréron, ont sans doute contribué à une telle évolution. En revanche, même si le Journal encyclopédique affirme en 1756 que les inoculations se multiplient en Europe et qu’elles sont à la « mode » en France [46], La Condamine lui-même reconnaît en 1758 qu’elles sont peu nombreuses, il en recense moins de cent à Paris [47].
Notes
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[*]
Maître de conférences en Histoire moderne. Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle.
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[1]
Année littéraire, 1757, t.VI, 239.
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[2]
Hélène Berlan, Etienne Thévenin, Médecins et société en France. Du xvie siècle à nos jours, Toulouse, Privat, 2005, 74.
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[3]
Jean-Baptiste Fressoz, « Comment sommes-nous devenus modernes ? Petite histoire philosophique du risque et de l’expertise à propos de l’inoculation et de la vaccine, 1750-1800 », dans Sezin Topçu, Cécile Cuny, Kathia Serrano-Velarde (dir.), Savoirs en débat : perspectives franco-allemandes, Paris, L’Harmattan, 2008, 197-225.
-
[4]
Ces lotions à base d’acétate de plomb occasionnaient des brûlures, ce qui accentuait davantage les traces. Cf. Solange Simon-Mazoyer, « Le conflit entre les excès de la mode et de la santé au xviiie siècle : l’« habillage » du visage », La médecine des Lumières : tout autour de Tissot, sous la dir. de Vincent Barras, Micheline Louis-Courvoisier, Paris, Georg, Bibliothèque d’histoire des sciences, 2001, 41-53.
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[5]
En 1714, parut le premier compte rendu sur l’inoculation rédigé par l’Italien Timoni dans les Philosophical transactions de la Royal Society.
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[6]
Selon A. Rusnock, les inoculations qui eurent lieu à Londres dans les années 1720 furent étroitement suivies par l’élite française grâce aux rapports et aux nouvelles publiés dans les Mémoires de Trévoux et le Journal des savants. Cf. Andrea A. Rusnock, « The limits of Calculation : French Debates over Inoculation in the 1760s », Vital accounts. Quantifying health and Population in Eighteenth Century England and France, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, 71-91 et Pierre Darmon, La variole, les nobles et les princes. La petite vérole mortelle de Louis XV, Bruxelles, Editions Complexe, 1989.
-
[7]
Marino Boaglio, « La variolizzazione nella letteratura », Michele Buniva introduttore della vaccinazione in Piemonte. Scienza e sanità tra rivoluzione e restaurazionea (Atti del Convegno di studi, Pinerolo, 14 ottobre 2000), ss la dir. de Giuseppe Slaviero, Torino, Università degli Studi di Torino, 2002, 83-98.
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[8]
Il est ici plus particulièrement question du premier mémoire sur l’inoculation de La Condamine, aussi cet article porte-t-il sur la période comprise entre son premier et son deuxième discours sur ce sujet à l’Académie des sciences, soit entre le 24 avril 1754 et le 15 novembre 1758.
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[9]
Ainsi en Europe, des journaux comme le Gentleman’s Magazine en Angleterre et le Journal des Luxus und der Moden en Allemagne publient des articles portant sur la médecine et les sciences à visée pratique. Voir Thomas Broman, « Periodical Literature », Books and the Sciences in history, edited by Marina Frasca-Spada and Nick Jardine, Cambridge University Press, 2000, 225-238.
-
[10]
Parti en 1735 avec dix autres savants afin de mesurer un arc de méridien au niveau de l’équateur, au Pérou, il en revient dix ans plus tard et publie alors deux récits de voyage.
-
[11]
Correspondance littéraire, n°7, 1er avril 1756, éd. crit. de Robert Granderoute, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du xviiie siècle, 2007, tome 3, 76-78.
-
[12]
Marco Beretta, « Institutionnalisation et professionnalisation », L’Europe des sciences : Constitution d’un espace scientifique, sous la dir. de Michel Blay et Efthymis Nicolaïdis, Paris, Seuil, 2001, 186.
- [13]
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[14]
Mémoires de Trévoux, oct. 1754, t.I, 2357.
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[15]
La traduction italienne du Mémoire par Venuti est publiée dans un périodique de Livourne, le Magazzino toscano d’avril à juillet 1755.
-
[16]
Jacques Wagner, Marmontel journaliste et le Mercure de France (1725-1761), Grenoble, PUG, 1975.
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[17]
Jean Balcou, « Fréron, militant des Lumières », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. 83, n° 4, 1976, 737-743.
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[18]
Deux ans plus tard, Fréron souligne à nouveau le succès du Mémoire, traduit en plusieurs langues : « Toutes ces différentes traductions, ainsi que le grand nombre d’éditions qui en ont été faites, confirment le jugement que j’en ai porté dans le temps ». (Année littéraire, oct. 1757,, t.VI, 244) Il avait indiqué en novembre 1754 que les « Gazettes de Londres viennent de rendre à M. de la Condamine un témoignage bien glorieux pour lui ». (Année littéraire, nov. 1754, t.VI, 340)
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[19]
Au sujet des traductions et éditions italiennes du Mémoire de La Condamine, voir Yasmine Marcil, « Entre France et Italie, le mémoire en faveur de l’inoculation de La Condamine », Pratiques et enjeux scientifiques, intellectuels et politiques de la traduction (vers 1660-vers 1840), Patrice Bret et Jean-Luc Chappey (dir.), à paraître en 2014.
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[20]
Année littéraire, sept. 1755, t.V, 283. Cette édition est signalée dans le Journal des savants, oct. 1755, 685. La Condamine rencontre la margrave de Bayreuth, sœur du roi de Prusse, lors de son séjour à Avignon.
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[21]
L’Année littéraire publie seize articles en 1754-1758 (cinq recensions, huit lettres ou rapports, deux poésies et une nouvelle sur des inoculations réussies) et le Mercure de France en publie douze (Outre le Mémoire, on compte une recension, deux rapports, quatre poésies, deux comptes rendus d’Académie et deux nouvelles).
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[22]
Fondé en 1754, le Journal étranger connaît des changements rapides de direction jusqu’à sa disparition en 1762. C’est un mensuel qui visait à informer des livres parus hors de France. Cf. M.R. de Labriolle, « Journal étranger », Dictionnaire des journaux 1600-1789, Paris, Universitas, 1991, tome 2, 674-675, notice n°732.
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[23]
La Condamine débute ainsi son Mémoire : « Une maladie affreuse & cruelle, dont nous portons le germe dans notre sang, détruit, mutile, ou défigure un quart du genre humain ». (C.M. de La Condamine, Mémoire sur l’inoculation de la petite vérole, Paris, Durand, 1754, 1)
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[24]
J.-B. Fressoz explique que « cette théorie est abandonnée par les médecins des années 1750, sauf chez les protestants qui la relient à la notion de prédestination ». (Jean-Baptiste Fressoz, Op. cit.)
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[25]
Journal des savants, juil.1754, 510.
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[26]
Année littéraire, nov. 1754, t.V, 206.
-
[27]
Antoinette Emch-Dériaz, « L’inoculation justifiée … vraiment ? », Canadian Bulletin of Medical history, 1985, vol.2, n°2, 237-263.
-
[28]
En Angleterre, on adopte la méthode du fil : le médecin fait coulisser un fil trempé de pus variolique humain, à l’intérieur d’une petite blessure. On l’appelle la méthode anglaise.
- [29]
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[30]
Médecin de la Faculté de Paris, Hosty part à Londres s’informer sur l’inoculation. Il suivit 252 opérations et rendit compte de leur succès dans un rapport, publié en 1755 dans l’Année littéraire et le Mercure de France. Ce rapport soutient la campagne de La Condamine.
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[31]
Année littéraire, juil. 1755, t.IV, 242-261.
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[32]
Entre 1754 et 1758, le Mercure de France publie en effet huit articles concernant La Condamine. Ces lettres, extraits de textes ou nouvelles portent sur le Mémoire sur l’inoculation, la querelle avec Bouguer, son voyage en Italie et un texte dont il rejette la paternité l’Histoire d’une jeune fille sauvage.
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[33]
Journal des savants, juil. 1755, 476.
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[34]
James Jurin, An Account of the success of inoculating the small pox in Great-Britain, Londres, J. Peele, 1724.
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[35]
Andrea A. Rusnock, Op. cit.
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[36]
C.-M. de La Condamine, Mémoire sur l’inoculation de la petite vérole, Paris, Durand, 49-50.
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[37]
« Il est prouvé qu’elle emporte au moins la septième partie de ceux qui ont le malheur d’en être infectés […] » peut-on lire dans le Journal des savants (juil. 1754, 509).
-
[38]
Catriona Seth, Les Rois aussi en mourraient. Les lumières en lutte contre la petite vérole, Paris, Desjonquères, 2008, 237-240. Selon J.-B. Fressoz, les premiers inoculés sont tous de jeunes aristocrates qui interprètent le danger de l’inoculation dans le cadre de l’ethos aristocratique de l’exploit.
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[39]
Mémoires de Trévoux, nov. 1756, 2752-2753. Il y fait le compte rendu de l’ouvrage de Pierre-Joseph Morisot-Deslandes et Jean-Etienne Montucla, Recueil de pièces concernant l’Inoculation de la petite-vérole, & propres à en prouver la sécurité & l’utilité, Paris, Desaint, Saillant et Vincent, 1756.
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[40]
Le médecin irlandais, exerçant à Paris, Andrew Cantwell considère notamment que lors de l’inoculation de la petite vérole d’autres maladies infectieuses peuvent être transmises au patient. Cf. Hervé Bazin, L’histoire des vaccinations, Paris, John Libbey Eurotext, 2008, 39.
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[41]
Après la publication en septembre 1755 (t.V, 261-288) d’un compte rendu du livre de Cantwell, l’Année littéraire publie une réponse de La Condamine (sept. 1755, t.VI, 26-48) et une réponse de Fréron (oct. 1755, t.VII, 66-72). Cette dernière est présentée comme une réponse à une lettre adressée par Cantwell à Fréron.
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[42]
L’article du Journal des savants, paru en octobre 1755 (681-686), n’est pas signé.
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[43]
Fréron précise : « C’est un Médecin & un Médecin habile qui a fait l’article du Journal des savants où la Dissertation de M. Cantwel contre l’inoculation est réfutée. Que répondra-t-il à cela ? Ce qu’il répondra, Monsieur ? il dira que ce n’est pas un Médecin ; car il se croit sûrement le seul Médecin qu’il y ait en France ». (Année littéraire, oct. 1755, t.VII, 69)
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[44]
Journal des savants, oct. 1755, 682.
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[45]
La faculté de médecine de Paris ne statue positivement sur l’inoculation que le 15 janvier 1768.
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[46]
L’inoculation est « une affaire de mode » peut-on lire dans le Journal encyclopédique, du 15 mai 1756, p. 84.
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[47]
Jean-Baptiste Fressoz, op. cit.