Notes
-
[*]
Maîtresse de conférence habilitée en histoire contemporaine (UPEC-CRHEC et Centre d’Histoire de Sciences Po) et secrétaire de rédaction du Temps des médias.
-
[**]
Françoise Hache-Bissette est professeur en sciences de l’information et de la communication (CHCSC-UVSQ) et membre du comité de rédaction du Temps des médias.
-
[1]
Trois pays seulement, les Etats Unis, la Somalie et le Soudan du Sud n’ont pas encore ratifié la convention. Cette convention est l’aboutissement du travail d’une commission créée à l’ONU en 1978. Le refus des Etats-Unis serait motivé par l’article 37 qui prohibe la peine de mort pour les mineurs.
-
[2]
Texte intégral en ligne sur : http://www2.ohchr.org/french/law/crc.htm consulté le 26/06/2013
-
[3]
Olivier Galland, « Adolescence, postadolescence, jeunesse : retour sur quelques interprétations », Revue française de sociologie, vol.42, n°4, 2001, p.611-640.
-
[4]
Ludivine Bantigny, Arnaud Baubérot, « Jeunesse », Christian Delporte, Jean-Yves Mollier, Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine, PUF, 2010, p. 450-454.
-
[5]
Philippe Ariès, L’Enfant et la vie familiale sous l’ancien régime, Paris, Plon, 1960. Egle Becchi, Dominique Julia, Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au xviie siècle, Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 2004.
-
[6]
http://www.snptv.org/_files/veilles/fichiers/veilles-118-113.pdf consulté le 26/06/2013.
-
[7]
http://www.ipsos.fr/ipsos-mediact/actualites/2012-01-24-junior-connect-junior-correct consulté le 26/06/2013.
- [8]
-
[9]
id°
1L’article premier de la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée depuis par 192 pays [1], définit l’enfant comme « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt, en vertu de la législation qui lui est applicable [2]. » Cette définition se construit en opposition : est enfant, celui qui n’est pas encore adulte. A cette délimitation de l’enfance, basée sur le juridique, certains proposent une alternative « physiologique » : la puberté annoncerait le passage à l’âge adulte. Les discours abondent autour de cette période de la vie [3], passage de la puérilité à la juvénilité, puis à l’âge adulte. Pour englober toute cette tranche d’âge, de la naissance jusqu’à 18 ans ou 20 ans, voire 22, ou 24 ans, devenue une véritable cible marketing, parler de « jeunes » ou de « jeunesse [4] » semble plus approprié.
2Parmi les cinquante-trois articles de cette convention deux concernent les droits d’expression et d’information. Selon l’article 13, « L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant. » Dans l’article 17, les médias sont présentés comme essentiels pour lui permettre d’exercer cette liberté : « Les Etats parties reconnaissent l’importance de la fonction remplie par les médias et veillent à ce que l’enfant ait accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui visent à promouvoir son bien-être social, spirituel et moral ainsi que sa santé physique et mentale. » C’est dans cet esprit que les Etats signataires se sont engagés à favoriser la production des livres et le développement de médias à destination des enfants. Même si ce texte n’est qu’un des multiples textes législatifs encadrant la production et la diffusion des œuvres destinées à la jeunesse, il est un des signes de l’importance accordée à ces publications dans les sociétés contemporaines.
3En interrogeant, au fil de l’Histoire, l’élaboration de médias destinés à ce public spécifique, Le Temps des médias se propose de réinterroger l’histoire des représentations de la jeunesse dans les sociétés. L’histoire des médias pour la jeunesse est indissociable de celle de l’enfant et de la place accordée à celui-ci [5]. Dans un premier temps, ce sont bien sûr les imprimés : pour la fin du xviiie et le xixe siècles, on peut se demander quelle est l’ampleur des images destinées aux enfants au sein des maisons de production de l’imagerie populaire. Après ce repérage statistique, Dominique Lerch s’intéresse ici aux thématiques des illustrations produites ; elles peuvent être religieuses ou laïques, liées, ou non, à l’émergence de l’école. Il faut dire que, les Lumières ayant donné une place nouvelle à la question de l’éducation, les publications à destination des enfants se multiplient en France à la fin du xviiie siècle. Marie-Emmanuelle Plagnol montre ici comment des livraisons adoptent progressivement une périodicité régulière et entrent dans le monde médiatique. Son travail apporte une illustration originale aux travaux sur l’émergence d’une périodicité régulière de la presse.
4Au xxe siècle, les médias pour la jeunesse prennent à nouveau une part active à l’innovation dans le paysage de la presse écrite : ils permettent, dans l’entre-deux-guerres, l’acculturation de la bande dessinée. Julien Baudry analyse la place de ce format dans la presse quotidienne. Les traditions laïques et religieuses continuent à nourrir parallèlement ces innovations, jusqu’au rapprochement, en 2004, des groupes Bayard et Milan. Françoise Hache-Bissette se penche sur cette union et la diversité des supports proposés aux jeunes lecteurs par le nouveau groupe. Mais, avec l’explosion de la presse magazine, des éditeurs non spécialisés lancent également des titres destinés à la jeunesse. Patricia Legouge étudie le discours de Jeune et Jolie, et comment le magazine participe à l’élaboration de normes collectives à l’âge de l’adolescence.
5L’arrivée de l’image en mouvement, puis du son, a permis de diversifier les médias pour la jeunesse. Dans les années 1950 naissent aux Etats-Unis des « teen-movies » spécifiquement destinés au public adolescent. Adrienne Boutang montre les enjeux de ces pratiques culturelles, révélatrices des relations entre générations dans des années charnières de l’avant-contestation. En France, la télévision connaît un double mouvement : tout d’abord, elle participe, dans sa programmation, à la redéfinition des identités juvéniles (c’est ce qu’étudie ici Géraldine Poels) ; elle invente aussi un média presque spécifique, avec la télévision scolaire (Hélène Duccini). Mais, à partir de ce second xxe siècle, l’enjeu réside aussi dans la construction de complémentarités médiatiques dans les supports à destination de la jeunesse. Claire Blandin explique comment la culture musicale des baby-boomers s’est formée à la fois à la radio et dans la presse magazine. La question du Genre, et de l’élaboration de média spécifiquement destinés aux filles ou aux garçons, traverse l’ensemble de notre dossier. Elle est directement abordée par Fanny Lignon dans sa recherche sur les jeux vidéo. La jeunesse s’approprie en effet rapidement ces nouveaux médias dans les deux dernières décennies du xxe siècle. L’article en étudie les usages par les adolescentes et les adolescents.
6Selon Mediamétrie, « Les jeunes entre 15 et 24 ans sont les premiers à adopter les nouvelles pratiques dites ATAWAD (anytime, anywhere, any device). Sans surprise, ce sont donc eux qui regardent la télévision en différé, sur d’autres écrans, et chez leurs amis [6]. » Ces jeunes sont aujourd’hui très bien équipés et hyperconnectés, fervents utilisateurs des nouveaux médias (smartphones, consoles de jeux, iPod, téléviseurs, ordinateurs, tablettes numériques…) et jonglent allègrement avec les différents supports à leur disposition. L’étude Junior Connect 2012, menée auprès de 7000 jeunes de 1 à 19 ans, observe que : « Parmi les traits qui différencient radicalement les moins de 20 ans des plus âgés, il y a leur capacité de tout faire en même temps : regarder la télé, surfer sur le Web, jouer à la console vidéo, téléphoner… En temps écran cumulé, c’est-à-dire en mêlant Internet, la télévision, les jeux vidéo, etc., les 7-12 ans y consacrent un jour complet par semaine, et 1,5 jour pour les 13-19 ans [7] ! » L’ensemble de ce dossier retrace le parcours de ces médias pour la jeunesse vers la maîtrise simultanée des supports par la jeunesse. La concurrence des autres médias (12h20 d’Internet par semaine pour les 13-19, 11 h 30 de télévision, 6 h 40 consacrées aux jeux vidéo et 5 h 30 à la radio) n’empêcherait pas les jeunes de continuer à lire, des livres mais aussi la presse qui leur est dédiée : les 1-6 ans lisent 2,9 titres de presse contre 3,3 pour les 7-12 ans et 1,4 pour les 13-19 ans [8]. La hiérarchisation des médias qui ressort de cette étude va, d’ailleurs, à l’encontre des idées reçues : « 52% des enfants et des jeunes estiment que les journaux et les magazines sont les meilleurs médias pour les aider à prendre confiance en eux. De même, 48% des 7-19 ans disent de la presse jeunesse qu’elle leur apprend à mieux se connaître, juste derrière Internet (58%) mais largement devant la télévision (20%). De même, lorsqu?on demande aux 7-19 ans quel média les aide à mieux comprendre le monde qui les entoure, ils plébiscitent largement la presse (44%) et la télévision (60%), devant Internet (42%). 54% d?entre eux déclarent par ailleurs que la presse jeunesse est le meilleur média pour mémoriser les informations qu?on lit, voit ou entend. Ils sont également 54% à apprendre des choses d?abord grâce à la presse, contre 59% qui se dirigent en priorité vers Internet. [9] » Il y aurait donc une place pour chaque média dans l’emploi du temps et la formation de la jeunesse d’aujourd’hui. Cette boulimie de consommation culturelle et médiatique est telle que la jeunesse n’a pas fini d’intéresser les multinationales de la communication.
Notes
-
[*]
Maîtresse de conférence habilitée en histoire contemporaine (UPEC-CRHEC et Centre d’Histoire de Sciences Po) et secrétaire de rédaction du Temps des médias.
-
[**]
Françoise Hache-Bissette est professeur en sciences de l’information et de la communication (CHCSC-UVSQ) et membre du comité de rédaction du Temps des médias.
-
[1]
Trois pays seulement, les Etats Unis, la Somalie et le Soudan du Sud n’ont pas encore ratifié la convention. Cette convention est l’aboutissement du travail d’une commission créée à l’ONU en 1978. Le refus des Etats-Unis serait motivé par l’article 37 qui prohibe la peine de mort pour les mineurs.
-
[2]
Texte intégral en ligne sur : http://www2.ohchr.org/french/law/crc.htm consulté le 26/06/2013
-
[3]
Olivier Galland, « Adolescence, postadolescence, jeunesse : retour sur quelques interprétations », Revue française de sociologie, vol.42, n°4, 2001, p.611-640.
-
[4]
Ludivine Bantigny, Arnaud Baubérot, « Jeunesse », Christian Delporte, Jean-Yves Mollier, Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine, PUF, 2010, p. 450-454.
-
[5]
Philippe Ariès, L’Enfant et la vie familiale sous l’ancien régime, Paris, Plon, 1960. Egle Becchi, Dominique Julia, Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au xviie siècle, Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 2004.
-
[6]
http://www.snptv.org/_files/veilles/fichiers/veilles-118-113.pdf consulté le 26/06/2013.
-
[7]
http://www.ipsos.fr/ipsos-mediact/actualites/2012-01-24-junior-connect-junior-correct consulté le 26/06/2013.
- [8]
-
[9]
id°