Notes
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[1]
AFP, jeudi 10 mai 1990. Sont soulignés en gras les termes de la dépêche qui auront par la suite d’importantes conséquences dans le traitement de l’information par la classe politique et les médias.
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[2]
Pour Alain Flageul, l’événement résulte de l’imbrication étroite, jusqu’à ne plus pouvoir les dissocier, du « fait brut » dans ce qu’il a d’inaliénable et de « mythes factuels, tissus serrés d’énonciation et de ressentis ». In « La télévision de l’événement », Les dossiers de l’Audiovisuel, Paris, INA/La Documentation française, n° 91.
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[3]
Cette étude repose sur le dépouillement des quotidiens Le Monde, Libération, Le Figaro et Vaucluse Matin, édition provençale du Dauphiné Libéré qui permet de replacer l’événement dans son environnement local. Ont été également visionnés les journaux télévisés de TF1 et d’A2, éditions de 20h, du 10 au 14 mai et éditions de 13h des 11 et 13 mai 1990.
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[4]
Libération, 11 mai 1990, éditorial et p. 3.
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[5]
Le Monde, 12 mai 1990, p. 14.
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[6]
Vaucluse Matin, 11 mai 1990, dernière page.
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[7]
Claude Lanzmann, in Le Figaro, 12-13 mai 1990, p. 9.
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[8]
D’après l’ouvrage de Pierre Birnbaum, Les Fous de la République. Histoire des Juifs de France de Gambetta à Vichy, Paris, Fayard, 1992.
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[9]
Reportage de Sylvie Cenci sur la cérémonie religieuse du 13 mai 1990 au cimetière de Carpentras, diffusé au tout début du journal, JT 20h, 13 mai 1990, TF1.
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[10]
Guy Porte, correspondant régional du Monde, 15 mai 1990, p. 13.
-
[11]
Jean-Marie Colombani et Hugues Portelli, Le Double septennat de François Mitterrand : dernier inventaire, Paris, Grasset, 1995.
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[12]
Parmi celles-ci, citons les procédés illégaux de financement du PS, la confusion autour de la loi d’amnistie des délits politico-financiers votée en décembre 1989 et la retombée du scandale lié à la transfusion de sang contaminé par le virus du sida à des hémophiles.
-
[13]
Franz-Olivier Giesbert, « La France souillée », Le Figaro, 11 mai 1990.
-
[14]
Xavier Marchetti, « Une société malade », Le Figaro, 14 mai 1990.
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[15]
Marc Kravetz, « Les pourvoyeurs de l’ordure », Libération, 11 mai 1990.
-
[16]
À l’automne 1989, l’affaire du foulard islamique relance le débat sur l’immigration. Michel Rocard convoqua son gouvernement, en avril 1990, à une table ronde sur l’immigration pour essayer de trouver des solutions et apaiser les tensions sociales grandissantes. En vain.
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[17]
Les premières conclusions de l’enquête ont débouché sur l’idée que la profanation avait eu lieu dans la nuit du mercredi au jeudi. Par la suite, de nouveaux éléments ont permis de démontrer que l’acte avait été commis dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 mai 1990, c’est-à-dire avant le passage télévisé de Jean-Marie Le Pen : la piste du Front National était de ce fait sérieusement remise en cause.
-
[18]
Le Monde des 28-29 janvier 1990 a révélé que Bernard Notin, professeur d’histoire à l’université de Lyon III, avait réussi à faire publier un article violemment antisémite et aux accents ouvertement négationnistes dans une revue pilotée par le CNRS, Economies et sociétés. L’affaire fit grand bruit et montrait que le négationnisme avait repris son travail de sape des fondements historiques de la « Solution finale » ; de Robert Faurisson, grâce auquel le négationnisme réalisa sa percée médiatique, à Bernard Notin, la relève de flambeau semblait assurée.
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[19]
Maurice Trillat, JT 13h, A2, 11 mai 1990.
-
[20]
Pascal Perrineau, Le Symptôme Le Pen : radiographie des électeurs du Front National, Paris, Fayard, 1997, p. 62.
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[21]
In Valéry Nataf, « Petite chronique de l’antisémitisme ordinaire dans la France de 1990 », JT 20h, TF1, 11 mai 1990.
-
[22]
L’Union des étudiants juifs de France, dans Le Monde, 12 mai 1990, p. 14.
-
[23]
JT 20h, A2, 11 mai 1990.
-
[24]
Décembre 1989 : presse écrite et chaînes de télévision françaises évoquent un charnier découvert en Roumanie, dans la ville de Timisoara, pour illustrer les atrocités commises par la révolution roumaine contre les opposants. Il fut révélé par la suite que le charnier découvert n’était en réalité qu’une fosse commune pour les gens pauvres, datant d’avant la révolution.
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[25]
Réaction publique de Jean-Marie Le Pen en visite au Puy-en-Velay, diffusée sur TF1, JT 20h, 11 mai 1990.
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[26]
Vaucluse Matin, 14 mai 1990.
-
[27]
André Fontaine, « Le danger », Le Monde, 12 mai 1990, p. 1.
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[28]
Se reporter à l’ouvrage d’Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy, Paris, Seuil, 1987.
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[29]
JT 20h, A2, 11mai 1990.
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[30]
Pour TF1, Nelly Pons est allée recueillir le témoignage de manifestants, le 14 mai, entre République et Bastille. Dans son reportage, on assiste à une distribution d’étoiles jaunes par une vieille dame : JT TF1, 14 mai 1990. Libération marque vraiment le pas en consacrant une double page à la photographie d’un couple arborant l’étoile jaune sur leur poitrine ; 15 mai 1990, pp. 2-3.
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[31]
Dans le JT de 20h de TF1, 14 mai 1990, Bernard Nicolas suit en direct l’avancée de la manifestation parisienne depuis la place de la Bastille. Il conclut son intervention sur ces mots : « j’ai noté une banderole, comme ça, tout à fait par hasard, « procès de Vichy 1940-1990 », comme s’il y avait ici un retour de l’histoire ». Hasard ? Si cette banderole plus qu’une autre a attiré et retenu l’attention du reporter au point que ce soit celle-ci qu’il mentionne, c’est sans doute parce qu’elle véhiculait un message conforme à l’orientation sémantique du discours médiatique du moment.
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[32]
« Des spécialistes tentent d’évoquer cet acte inqualifiable », Le Figaro, 12-13 mai 1990, p. 9.
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[33]
Gilles Debernardi, « Une offense au genre humain », Vaucluse Matin, 13 mai 1990.
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[34]
Paul Yonnet, « La machine Carpentras », Le Débat, septembre-octobre 1990, p. 21, 23 et 26. Voir aussi les analyses de : Nonna Mayer, « Carpentras machine arrière », Commentaire, printemps 1991, pp. 75-80 et Nicole Leibowitz, L’Affaire Carpentras, Paris, Plon, 1997.
1Tombes saccagées, stèles cassées, cadavre exhumé : telle est la découverte faite par deux femmes venues se recueillir dans la matinée du jeudi 10 mai 1990 dans le carré juif du cimetière de Carpentras. Dans un premier temps tenue secrète pour éviter les effets d’imitation, la profanation est rendue publique à 15h53 par un communiqué de l’AFP : « Le ministre de l’Intérieur est attendu aujourd’hui à Carpentras où il se rendra au cimetière juif qui a été profané par des inconnus […] 33 tombes et non pas 2 seulement comme indiqué précédemment ont été endommagées par des inconnus qui ont ouvert un cercueil et exhumé le défunt, un homme décédé de 81 ans. Le corps, empalé sur un manche de parasol, a été découvert gisant sur la tombe voisine. Cet acte n’a pas été revendiqué. Les enquêteurs ont relevé les empreintes de chaussures de quatre personnes différentes qui, semble-t-il, auraient opéré au cours de la nuit de mercredi à jeudi [1]. »
2Depuis une dizaine d’années les profanations s’étaient multipliées et l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic à Paris en 1980 avait révélé la persistance de l’antisémitisme en France. Pourtant ce qui s’est passé à Carpentras a revêtu dès le départ une dimension singulière. Par un processus d’appropriation du fait “brut” dans ce qu’il a d’objectif, les médias et la classe politique l’ont reconstruit selon plusieurs configurations sémantiques. C’est précisément ce processus que nous allons interroger pour essayer d’en démonter les mécanismes, mettre en lumière ses enjeux. Comment s’est opérée la transmutation du “fait” en “événement” [2], au terme de laquelle la profanation de Carpentras, acte d’antisémitisme révoltant, est devenue une affaire politico-médiatique polysémique [3] ?
3Depuis le jour de son annonce jusqu’au 14 mai 1990, jour de la grande manifestation parisienne « contre le racisme et l’antisémitisme » placée sous l’égide du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), la profanation du cimetière juif de Carpentras a investi l’espace et le débat publics. À partir du 16 mai, en revanche, l’intérêt pour le sujet semble retomber. L’enquête de police devient la composante essentielle de l’information.
L’antisémitisme à son paroxysme : un acte irrecevable en République
La violation du sacré comme violence antisémite
4La profanation de sépultures a été immédiatement perçue comme un acte dirigé contre les Juifs. Mais ce geste ne peut être réduit à une forme d’antisémitisme ordinaire, dans la mesure où il porte atteinte aux vivants à travers leurs morts. L’empalement a constitué l’élément “factuel” autorisant la transmutation médiatique du “fait” en “événement”. Le 10 mai, dans le JT de 20h de TF1, Patrick Poivre d’Arvor annonce « la grande nouvelle de la journée » : « un véritable spectacle d’horreur […] 34 tombes profanées, le corps d’un défunt avait même été sorti, exhumé et empalé sur un manche de parasol […] tout de suite ces horribles détails ». L’empalement, aspiration des profanateurs à une horreur appelée à faire sensation, est bien reçu par l’opinion comme l’acmé de la violence antisémite. « Je voudrais dire les choses d’une façon nette, même si ça peut choquer, et dans ce cas je m’en excuse. 40 tombes ont été profanées. Dans l’un des cas, on a sorti un corps et on l’a retrouvé avec un manche de pelle enfoncé dans l’anus. » Dans la déclaration de Laurent Fabius, premier secrétaire du PS, le 10 au soir, la captation de l’attention du public l’emporte sur la visée informative (40 ou 34 tombes, manche de pelle ou de parasol ?), fut-ce au prix d’un effet d’amplification et d’une crudité de langage rarement autorisée à une heure de grande écoute. Dès le départ, l’“horreur” se retrouve au cœur de la mise en forme de l’événement : horreur de l’acte, suggérée et suscitée.
5Le 11 mai la profanation de Carpentras fait la Une de tous les quotidiens, pour lesquels sa spécificité résiderait dans la violence exercée, transgressive et inouïe. « La France tétanisée par le choc antisémite » titre Libération ; Vaucluse Matin parle d’un « acte d’antisémitisme sans précédent » : « La communauté israélite de Carpentras […] a été d’autant plus profondément traumatisée que la tradition religieuse juive s’oppose à l’exhumation des corps ». On peut distinguer 3 degrés dans la nature de l’acte : le premier constitué par la destruction matérielle (tombes cassées), le second par l’atteinte symbolique à la culture religieuse juive. Eux seuls suffiraient à justifier l’horreur sans nom prêtée au crime. Mais l’acte porte également atteinte à l’équilibre de la France républicaine, fille des Lumières. « Un crime prémédité […] la transgression sauvage du tabou le plus antique : le respect des morts. Un véritable défi à la société française, comme pour la prévenir que ses fondements les plus solides étaient en train de s’effriter. » Telle est l’analyse que livre Marcel Trillat dans le journal d’Antenne 2 (A2). Le crime de Carpentras serait double, dirigé à la fois contre les Juifs et contre la France.
Les « Juifs du pape » entre intégration et exclusion : une « cible symbole »
6Dès le 10 mai, le lieu de la profanation est mis en exergue par la rédaction d’A2, dans l’édition de 20h du JT : « Dans cette ville [Carpentras] vit une communauté juive depuis le xiiie siècle ; elle est même une cité historique du judaïsme français ». Le 11 mai et les jours suivants, toutes les rédactions insistent sur la renommée juive de la ville provençale, « berceau du judaïsme français » [4], « Jérusalem comtadine » [5] abritant la « communauté israélite la plus ancienne de France » [6]. La qualité antisémite de l’acte est indéniable : les profanateurs de Carpentras, héritiers des Drumont et consorts, partagent avec leurs prédécesseurs l’idée que le Juif, entité raciale et/ou religieuse, incarne le Mal absolu. Pour l’éradiquer, il faut en pulvériser les racines.
7La symbolique du lieu révèle ainsi trois aspects de l’affaire en devenir. La ville est :
8- La « cible symbole » d’un crime qu’un éclairage historique désigne comme explicitement antijuif. Le lieu devait être en lui-même le véhicule du sens de la profanation.
9- Cela rapproche le geste profanateur, aux yeux des membres de la communauté juive, d’une « démarche d’anéantissement absolu » [7]. Ses auteurs, en retournant et souillant la « Terre mère », cherchaient à l’empêcher de féconder à nouveau.
10- La « capitale des juifs du pape », terre d’asile pour les Juifs bannis du royaume de France par Philippe le Bel en 1306 et Charles IX en 1394. Le perpétuel mouvement de balancier - intégration/exclusion - qu’incarne de façon exemplaire le destin des « Juifs du pape » jusqu’au drame du printemps 1990 semble obliger les Français à un examen de conscience.
11C’est donc le portrait de la France de Dreyfus que dépeint la presse, capable de défendre ses Juifs et de les clouer au pilori dans le même temps ; une façon de porter l’accusation au-delà du cercle des auteurs de la profanation. Face à un tel événement, il convient de choisir son camp, absolument et unanimement, pour la défense des Juifs et de leur dignité.
L’« union sacrée » face au péril
12En transgressant un tabou, les profanateurs ont menacé la pérennité de l’ordre démocratique. C’est l’idée qu’a exprimée le Grand Rabbin de France, Joseph Sitruk, lors de la cérémonie religieuse organisée le 13 mai dans l’enceinte du cimetière : « Il faut que la France démocratique d’aujourd’hui comprenne qu’il ne faut plus laisser faire ». Dans les sujets des JT de 20h de TF1 et d’A2 du 13 mai, un plan américain focalise notre attention sur le Grand Rabbin, debout sur une estrade, surplombant la foule d’officiels et d’anonymes. Il porte un costume sombre et un chapeau de feutre noir. La sauvegarde de la République passerait selon lui par une cohésion sociale réinventée, la fraternisation entre juifs et non juifs. François Mitterrand l’a parfaitement compris, en se rendant le 10 mai au soir au domicile du Grand Rabbin. Il tenait à apporter réconfort et soutien à la communauté juive, « comme on le fait pour un deuil de famille quand un membre de cette famille disparaît », a-t-il déclaré à l’AFP. Nous voilà revenus au temps de la République fraternelle dont les Juifs étaient « fous » [8].
13Mais cette image qui s’impose, de communion dans le chagrin, est une image construite, notamment par le reportage de TF1 sur la cérémonie du 13 mai. Après avoir fait entendre le message de pardon du Grand Rabbin on enchaîne directement sur le discours du ministre de l’Intérieur Pierre Joxe. À l’écran toute rupture est abolie. Pierre Joxe apparaît en plan moyen, portant également un costume sombre et un chapeau noir. Il adopte la même attitude que celui qui l’a précédé sur l’estrade : des feuillets à la main, il prononce un discours empreint d’émotion [9]. Le visage grave traduit la solennité de l’instant. De la prise de conscience collective dépend l’honneur de la République française – Joseph Sitruk et Pierre Joxe parlent d’une seule et même voix. Dans ce reportage, l’image du Grand Rabbin, représentant la communauté juive, et celle du ministre de l’Intérieur, porte-parole de la Nation, sont entièrement superposables : cette équivalence d’ordre visuelle entre les 2 hommes suggère que Juifs et Français sont à l’unisson. La lecture de la presse ne fait que confirmer cette entente générale. Dans l’édition du 15 mai, Le Monde revient sur la portée de la célébration du 13 mai. « Un consensus exemplaire que saluera M. Sitruk en s’exclamant avec force : “Quel bonheur de sentir la France à nos côtés !” [10]. » Cela donne un avant-goût de la manifestation du lendemain.
14La France avait en effet été conviée par le CRIF à une grande manifestation le 14 mai à Paris, entre les places de la République et de la Bastille. Cette manifestation, emblématique de la capacité de réaction du pays – le « sursaut » s’affiche en gros titre dans toute la presse – a connu un retentissement exceptionnel dans les médias, érigée en “événement” du fait de la présence du président de la République. Le 15 mai on retrouve sa photographie dans tous les quotidiens : « Un président de la République dans la rue », Libération ; « fait sans précédent depuis la Libération, le président de la République en la personne de François Mitterrand s’est joint à cette manifestation », Vaucluse Matin. Pour tous les journalistes, le rassemblement se caractérise, outre la présence de François Mitterrand, par sa massivité, sa diversité multi-ethnique et pluriconfessionnelle et son slogan fédérateur : « non au racisme et à l’antisémitisme ». Ces traits ressortent bien dans le reportage tourné place de la Bastille et diffusé dans le JT de TF1. Différents témoignages ont été recueillis : ceux d’anonymes, un musulman, une catholique, un professeur venu en famille et un couple de juifs. Puis défilent successivement à l’écran, en plans rapprochés, Jean-Pierre Bloch (LICRA), François Léotard, Jacques Chirac, Georges Marchais, Pierre Mauroy, Harlem Désir, Mgr Decourtray, Christophe Dechavanne, Guy Bedos et enfin Michel Rocard. Le reportage d’A2 applique le même schéma de déroulement scénographique : « Parmi les manifestants, de nombreuses personnalités politiques, toutes tendances confondues […] puis vers 19h15, François Mitterrand rejoignait le cortège ». À leur nom, les hommes politiques apparaissent à l’écran, fendant la foule. Ce sont des hommes d’action, en action, que l’on donne à voir aux téléspectateurs. Le climax est atteint lorsque l’image de François Mitterrand emplit l’écran sans voix off ni musique. L’importance de l’instant vécu et médiatisé est soulignée au moyen d’un silence imposant.
Rapports de force politiques
Crise sociale et climat politique délétère, les racines du Mal ?
15En se joignant à la manifestation parisienne, le président de la République défendait l’idée que si la France devait « se ressaisir », c’était à l’État de donner l’impulsion. Par ce geste, il montrait également qu’il avait pris note des critiques formulées depuis l’annonce de la profanation, par voie de presse, à l’encontre de son gouvernement. En effet, pour nombre de journalistes, la profanation était symptomatique d’une France en crise.
16François Mitterrand a été réélu le 8 mai 1988 à la présidence de la République mais son parti est en déroute. « Le bilan des années Mitterrand aurait pu être positif s’il n’était entaché par une grave carence morale et […] un développement considérable de la corruption [11]. » Le gouvernement et les parlementaires socialistes ont souffert d’un discrédit profond dans l’opinion, conséquence de l’enchaînement ininterrompu des « affaires » [12]. La série d’élections en 1988-1989 est un bon indicateur de la crise qu’ils traversent. Aux municipales et cantonales, on relève une augmentation de l’abstention et une réorientation du corps électoral vers le FN ou les Verts. Les élections européennes ne font que confirmer cette tendance. Quant à la droite, elle peine à se positionner sur l’échiquier politique français.
17Les éditoriaux du Figaro illustrent bien de quelle façon les proportions de l’événement Carpentras, rapportées à la morosité politique ambiante, ont été redimensionnées : « N’insistons pas sur le machiavélisme d’un pouvoir socialiste qui ne songe, depuis des années, qu’à gonfler les voiles de l’extrême droite. Plaignons-le, il aura des comptes à rendre à l’histoire » [13]. Le 14, Xavier Marchetti poursuit dans la même veine : « Il faut aussi faire la part de la pernicieuse dégradation de la vie politique. Elle entraîne moquerie et rejet » [14]. D’aucuns rétorqueront que Le Figaro, journal de droite, en a profité pour tirer à bout portant sur les socialistes. Mais leurs confrères de Libération ont aussi relié l’événement au climat général. Ils parlent d’« authentique désarroi » et citent Jacques Chirac qui voit dans cette profanation la manifestation d’une « crise dont nous sommes tous responsables » [15].
18Au moment où les formations traditionnelles étaient en proie au malaise, sans réponse face aux problèmes de l’immigration [16] et de l’insécurité, le FN récoltait des voix. Qui veut comprendre la facilité avec laquelle s’est mise en place la rhétorique de culpabilisation du FN autour de la profanation de Carpentras doit la mettre en relation avec la visibilité croissante du parti dans le paysage politique français.
Responsabilité et/ou culpabilité : le Front National en accusation
19Que l’acte ait eu lieu en Provence, terre d’élection du Front National, qu’il ait été commis, apparemment, dans la nuit du mercredi au jeudi [17], juste après le passage de Jean-Marie Le Pen à L’Heure de vérité : ces données forment un faisceau d’indices qui désignent le parti d’extrême droite comme coupable pour la classe politique. Mais selon quelles modalités l’attaque a-t-elle porté contre le Front National au point que l’évidence des uns (les hommes politiques de gauche et de l’opposition, les représentants de la communauté juive de France) soit devenue la certitude des autres ?
20Depuis le milieu des années 1980 le FN s’est enraciné dans la vie politique française. C’est en septembre 1983 qu’il émerge réellement lors de l’élection municipale partielle à Dreux. En décembre 1989, à Dreux toujours, il confirme son importance, avec la victoire de sa candidate Marie-France Stirbois au second tour des législatives partielles. Le vrai souci pour la gauche au pouvoir est dès lors de lui barrer la route. Survient la profanation : elle est créditée le jour même par Pierre Joxe sur le compte du parti frontiste. L’ère du soupçon est ouverte, le monde politique et les médias s’appropriant d’emblée le drame des Juifs de Carpentras, sous prétexte que derrière lui se profilerait le drame d’une société minée de l’intérieur par une force politique à l’influence pernicieuse. Le président du CRIF, Jean Kahn, croit qu’il faut « établir un lien de concomitance avec une recrudescence d’appels à l’incitation raciale et à l’antisémitisme qui sont de nature à susciter des actes de ce type ». Le lendemain, l’ensemble des titres de la presse quotidienne lui font écho.
21Maurice Trillat explique dans le JT d’A2 du 11 mai qu’il faut tenir compte des « bons professeurs de Lyon [18], des élus qui ne cessent de jeter de l’huile sur le feu de la haine raciale » et des « tribuns talentueux qui distillent les petites phrases, comme celle que l’on a pu entendre l’autre soir à L’Heure de vérité » [19]. « Dès l’été 1989, le FN pallie la chute de tension électorale en multipliant les déclarations provocatrices […]. Il se replie sur le noyau dur de l’idéologie de l’extrême droite française : l’antisémitisme [20]. » Valéry Nataf en donne un exemple dans sa « petite chronique de l’antisémitisme ordinaire dans la France de 1990 ». Claude Autant-Lara, « cinéaste vieillissant » et député européen du FN, n’a-t-il pas dit : « quand on me parle de génocide, je dis : en tout cas, ils ont raté la mère Veil » [21]. Dans Le Monde, Edwy Plenel revient longuement sur cette percée et présence de l’extrême droite en France, qui a définitivement abandonné la confidentialité et l’UEJF s’effraie que les « antisémites n’en soient plus à l’utilisation des mots ou des calembours douteux » mais qu’ils passent « à l’acte avec des pioches et s’attaquent à des cadavres » [22].
22Le 12, l’acte d’accusation se précise et s’affine : « Le Pen pointé du doigt par la classe politique », Libération des 12-13 mai. Le 14, il a rallié l’opinion publique à lui. À la manifestation parisienne, toute la classe politique était là, à l’exception du FN. « Il y a ce soir à la Bastille la plupart des responsables religieux, syndicaux et politiques. La gauche comme la droite. […] Un seul absent, vous le savez déjà, c’est Jean-Marie Le Pen. Le FN ne viendra pas et personne ne croira à un hasard », annonce Philippe Lefait dans le JT d’A2. « Bien sûr » que le FN est absent, ajoute Françoise Laborde sur la chaîne concurrente. Les journalistes font comme si la chose était acquise : « vous le savez déjà » ; la condamnation est irréfutable, il n’y a donc pas lieu de discuter : « bien sûr ». Chaque jour, entre le 11 et le 14 mai, le dossier à charge n’a cessé de s’étoffer ; il en a résulté la conviction collective que le FN était le profanateur, dans l’intention du moins. Le 14 mai un mannequin représentant le leader du FN trône au-dessus du cortège avec l’inscription suivante : « Carpentras c’est moi ». L’hypothèse de départ est devenue, accréditée par les médias, thèse inébranlable.
« À qui sert le crime ? »
23Dans un premier temps, fort de son audience électorale, le FN a témoigné sa solidarité à la communauté juive outragée, au même titre que les autres partis. Le 11 mai, Carl Lang, son secrétaire général, condamne la « bestialité » de la profanation et dénonce « l’horreur et l’ignominie de ce comportement barbare ». Cependant la rumeur du soupçon qui pèse sur le parti continue de s’amplifier. Celui-ci entame alors sa contre-offensive médiatique. En voyage au Danemark, Jean-Marie Le Pen tient une conférence de presse le 11 mai et affirme sur un ton courroucé être victime d’une machination. L’affrontement entre les accusateurs et l’accusé est narré dans le JT de 20h d’A2 : « Ce matin, le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe […] estimait que les idées du leader du FN pouvaient conduire à des violences qui dépassent l’imagination […] Jean-Marie Le Pen prend lui aussi position mais il articule son propos. Oui, il s’agit d’un acte ignoble mais c’est un coup monté qui sert de tremplin à la classe politique pour s’attaquer au FN » [23].
24Les piétinements de l’enquête policière ainsi que la piste avortée des skinheads semblent jouer en sa faveur. « L’attitude de certains hommes politiques apparaît comme tellement choquante qu’elle fait immédiatement penser à un montage. D’ailleurs, par beaucoup de côtés, cet événement rappelle quelque chose de récent : c’est l’opération de Timisoara [24]. […] À qui le crime profite ? Cela devrait en tout cas écarter le FN » [25]. C’est le troisième temps de l’argumentaire frontiste : cible d’une instrumentalisation politicienne de la profanation, le FN se pose en victime. Ce renversement dialectique devait enlever toute pertinence à l’accusation portée contre lui ; c’est du moins ce qu’espéra Bruno Mégret, s’exprimant devant la presse le 14 mai, à l’heure où la manifestation parisienne commençait. « La situation aujourd’hui dans notre pays n’est pas celle que disent les responsables politiques et Mr Joxe en tête. Ce n’est pas celle de la montée de l’antisémitisme et d’une communauté juive qui serait persécutée. C’est tout le contraire qui est vrai. […] Ceux qui sont persécutés, c’est le Front National, ceux qui sont placés au ban de la société, c’est le Front National. » Bruno Mégret va même jusqu’à parler de « diffamation d’État » et dénonce en Pierre Joxe un « ministre de la propagande qui pratique la politique du bouc émissaire » [26].
25Le 12 mai, André Fontaine signe l’éditorial du Monde, « Le danger ». Il prétend se garder de tout jugement hâtif « à la différence du Front National ». Mais sa simple observation des faits ne parvient pas à se départir d’un style allusif sous lequel s’énonce une sentence : « il n’est pas trop tôt pour souligner le danger de la banalisation […] du discours raciste ou révisionniste […]. Le drame de Carpentras devrait en inciter plus d’un, homme public comme citoyen privé, à faire en ce domaine, son examen de conscience » [27]. Face à l’entreprise de diabolisation de son parti, qui a rassemblé dans une entente tacite les différentes forces politiques, Jean-Marie Le Pen n’est pas parvenu à imposer l’idée d’un Front National victime expiatoire sacrifiée sur l’autel de la manipulation.
Jeux et enjeux de mémoire
« Chagrin et Pitié » face à une double exhumation
26« Lorsque l’horreur est indicible, on ne doit rien dire, on doit se taire et méditer. C’est ce que nous venons de faire. Mais lorsque les criminels sont connus, on doit les dénoncer. Nous les connaissons ; je dénonce donc le racisme, l’antisémitisme, l’intolérance et je pense que tout le monde en France ressentira, comme nous, chagrin et pitié », tels sont les mots de réconfort que Pierre Joxe adresse le 10 mai à la communauté juive de France. L’association de ces deux mots, chagrin et pitié, possède une forte résonance historique et culturelle. Au printemps 1990, la France replongeait dans son passé à l’occasion de la publication dans L’Express d’une « enquête sur un crime oublié ». Le journaliste Eric Conan y retraçait l’itinéraire des enfants de la rafle du Vel’d’Hiv’, arrêtés les 16 et 17 juillet 1942 par la police française sur ordre allemand puis regroupés dans les camps du Loiret avant d’être déportés vers Auschwitz. Le “syndrome de Vichy” [28] joue alors à plein et le rappel des persécutions antijuives pendant la Seconde Guerre mondiale jette le trouble dans la conscience nationale.
27Dans un tel régime de mémoire, la citation du film de Marcel Ophüls, Le Chagrin et la Pitié devient sur-signifiante. En déterrant le cadavre de Félix Germon, les auteurs du crime ont (in)volontairement procédé à une double exhumation, faisant resurgir à la surface du temps présent les années de l’Occupation. « Chagrin et pitié », l’expression sert de tremplin aux éditorialistes de la presse écrite ainsi qu’aux équipes de rédaction des JT qui rebondissent sur le thème et l’alimentent en retour. Du statut des Juifs d’octobre 1940, promulgué par le régime de Vichy à la déclaration de Jean-Marie Le Pen à L’Heure de vérité le 9 mai 1990, l’attaque contre les Juifs serait toujours de même nature. À l’appui de ce parallèle, qui transforme la profanation en sinistre machine à remonter le temps, plusieurs démonstrations ont été développées. Dans le JT d’A2 par exemple, l’historien du fascisme et de l’antisémitisme Jean-Pierre Azéma analyse le discours du leader du FN du 9 mai, dans lequel ce dernier dénonce l’existence d’un « pouvoir juif dans la presse », à la lumière de l’article 5 du statut des juifs d’octobre 1940 (il interdisait aux Juifs d’exercer des professions touchant à la communication) [29]. Dans son éditorial du 11 mai, Le Figaro s’interroge : « quand Jean-Marie Le Pen parlait mercredi soir d’un “pouvoir juif dans la presse”, ne réveillait-il pas de vieux démons ? ». Dès lors il faut faire front et dire non au racisme et à l’antisémitisme, l’enjeu même de la manifestation du 14 mai. « Du chagrin et pitié », évocation traumatique d’une période où « les Français ne s’aimaient pas », la France bascule très vite dans « le chagrin et la résistance ».
28Intervenant en pleine phase d’obsession mémorielle concernant le régime de Vichy, le sens de la profanation du cimetière juif de Carpentras n’a pu se déployer que sous son influence. La mémoire collective des “années noires” réactivée récemment par les médias a imposé ses référents au point que l’événement de mai 1990 ne peut être saisi qu’à travers ses arcanes, éclairé par « ce passé qui ne veut pas passer ». Afin de rendre intelligible un « événement sans précédent », il faudrait paradoxalement l’inscrire dans une continuité. C’est ainsi que les étoiles jaunes s’affichent côté cœur [30]. Tout est suggéré ici, mais avec force et conviction : comment ne pas y voir le procès de Vichy, 50 ans après [31] ?
Auschwitz-Carpentras : entrée en résonance
29La plongée dans l’histoire qu’a provoquée la profanation de Carpentras atteint, au-delà des années Vichy, les profondeurs abyssales de la Shoah. Derrière les relents d’antisémitisme transparaît en filigrane la mémoire du génocide des Juifs perpétré par les nazis, que les commémorations du 8 mai 1945 célébrées quelques jours auparavant ont contribué à réactiver. Le Figaro le premier adopte cet angle, ouvrant une brèche dans laquelle le reste des médias s’est engouffré. L’éditorial du 11 mai comprend déjà les mots « holocauste nazi ». Le 12, le propos prend de l’envergure : la « prose » des profanateurs serait inspirée du « très beau film de Rossif », De Nuremberg à Nuremberg, rediffusé le 8 mai sur A2 : « les petits écrans provoquent d’étranges phénomènes de retour ». Le quotidien convoque enfin des « spécialistes » afin d’étayer cette thèse : Claude Lanzmann estime que les profanateurs avaient une « démarche d’anéantissement absolu […] ce que faisaient les nazis dans les camps d’extermination » [32]. Cette interprétation de l’événement relie le drame actuel au génocide des Juifs. Le 11 mai, dans le JT de 20h d’A2, un reportage s’ouvre sur une assemblée recueillie à Carpentras autour d’un rabbin. Elie Wiesel apparaît à l’écran, présence hautement symbolique et significative. Le Prix Nobel de la Paix n’est-il pas le chantre de la mémoire de la Shoah ? Une voix off commente les images : « Le chant des familles juives pour pleurer les morts d’Auschwitz, comme si Carpentras avait remonté le temps cet après-midi ». La profanation de Carpentras ou le génocide continué : on pleure celles et ceux, Juifs, dont la dignité a été bafouée à cinquante ans d’intervalle, dans un deuil difficile à achever car à ré-entreprendre toujours. C’est là une mise en forme de l’événement qui le fait se dérober à lui-même – de simple profanation, nous sommes passés à un crime contre la mémoire juive.
30En ce printemps 1990, la France investit donc de facto les rescapés de la Shoah d’une légitimité à témoigner. Ceux-ci participent pleinement à la dramatisation de l’événement et assument la fonction de « faire ressentir » la douleur juive. Dans un reportage du JT de TF1 du 11 mai (édition de 20h), la caméra s’arrête sur une femme âgée juive, prise en gros plan ; elle crie presque : « j’ai été déportée par les Hongrois exactement pareil. Mes parents ils ont brûlé à Birkenau, ils ont massacré les synagogues et les cimetières. Ils ont commencé exactement pareil ». La caméra se tourne ensuite vers un homme ; son matricule de déporté apparaît en gros plan à l’écran : « Je montre ça parce que c’est vrai », dit-il avant de pleurer. Les téléspectateurs assistent à un retour de l’histoire inscrite dans la chair des anciens déportés, qui occupent en permanence l’arrière-plan, incarnation du martyre juif perpétuellement enduré et figuration d’un sens prêté à l’événement. Invitée du JT d’A2 le 14 mai, Simone Veil, rescapée d’Auschwitz, incarnerait la parole institutionnalisée du déporté juif au point que l’on « a reparlé des chambres à gaz et de l’holocauste […] sans que personne n’ait pu trouver ces interventions déplacées », commente Vaucluse Matin [33].
31L’événement Carpentras disparaît de la Une des journaux à partir du 16 mai 1990. Il resurgit ponctuellement au gré des aléas de l’enquête policière mais l’affaire n’est pas close pour autant. En septembre 1990, un article du sociologue Paul Yonnet dans la revue Le Débat relance la polémique : l’ancrage historique de l’événement aurait eu pour but d’assurer « la culpabilité récurrente de Le Pen » [34]. Ce rebondissement vient étayer la thèse selon laquelle cette profanation est devenue presque instantanément un « récit médiatique » construit et imposé. Dès son exposition sur la scène publique, l’acte a échappé à ses protagonistes. Les médias et les pouvoirs publics se sont approprié l’information pour la reconstruire selon leurs interprétations, interdisant de la regarder comme une empreinte immédiate du réel.
32La profanation n’est pas la première du genre mais en mai 1990 à Carpentras le cadavre d’un homme juif a été exhumé et empalé (il s’agissait en fait d’un simulacre, comme le révélera l’enquête par la suite). Ce fait a joué de tout son poids dans la réception de la profanation. Il a constitué le motif sur lequel les instances de médiation ont pu unanimement greffer une trame aux tissages politique, historique et mémoriel. La conjonction de plusieurs éléments contextuels, désarticulation du corps social et climat politique délétère, ascension électorale du Front National, réactivation concomitante de la mémoire de la Shoah et de la mémoire de Vichy, permet seule de dénouer les fils du récit médiatique de la profanation de Carpentras.
33Émergeant dans une France profondément désorientée, l’acte perpétré a cristallisé les angoisses et les hantises du moment, en libérant les consciences et la parole. La manifestation du 14 mai 1990 a bien montré la valeur curative que l’on a prêtée à l’événement : expurger les maux de la société et la gangrène de la mémoire.
Épilogue
34En juillet 1996, les aveux de Yannick Garnier, ancien skinhead, révéleront que le crime avait été prémédité par des extrémistes du Parti national français et européen, un groupuscule d’inspiration néo-nazie.
Notes
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[1]
AFP, jeudi 10 mai 1990. Sont soulignés en gras les termes de la dépêche qui auront par la suite d’importantes conséquences dans le traitement de l’information par la classe politique et les médias.
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[2]
Pour Alain Flageul, l’événement résulte de l’imbrication étroite, jusqu’à ne plus pouvoir les dissocier, du « fait brut » dans ce qu’il a d’inaliénable et de « mythes factuels, tissus serrés d’énonciation et de ressentis ». In « La télévision de l’événement », Les dossiers de l’Audiovisuel, Paris, INA/La Documentation française, n° 91.
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[3]
Cette étude repose sur le dépouillement des quotidiens Le Monde, Libération, Le Figaro et Vaucluse Matin, édition provençale du Dauphiné Libéré qui permet de replacer l’événement dans son environnement local. Ont été également visionnés les journaux télévisés de TF1 et d’A2, éditions de 20h, du 10 au 14 mai et éditions de 13h des 11 et 13 mai 1990.
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[4]
Libération, 11 mai 1990, éditorial et p. 3.
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[5]
Le Monde, 12 mai 1990, p. 14.
-
[6]
Vaucluse Matin, 11 mai 1990, dernière page.
-
[7]
Claude Lanzmann, in Le Figaro, 12-13 mai 1990, p. 9.
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[8]
D’après l’ouvrage de Pierre Birnbaum, Les Fous de la République. Histoire des Juifs de France de Gambetta à Vichy, Paris, Fayard, 1992.
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[9]
Reportage de Sylvie Cenci sur la cérémonie religieuse du 13 mai 1990 au cimetière de Carpentras, diffusé au tout début du journal, JT 20h, 13 mai 1990, TF1.
-
[10]
Guy Porte, correspondant régional du Monde, 15 mai 1990, p. 13.
-
[11]
Jean-Marie Colombani et Hugues Portelli, Le Double septennat de François Mitterrand : dernier inventaire, Paris, Grasset, 1995.
-
[12]
Parmi celles-ci, citons les procédés illégaux de financement du PS, la confusion autour de la loi d’amnistie des délits politico-financiers votée en décembre 1989 et la retombée du scandale lié à la transfusion de sang contaminé par le virus du sida à des hémophiles.
-
[13]
Franz-Olivier Giesbert, « La France souillée », Le Figaro, 11 mai 1990.
-
[14]
Xavier Marchetti, « Une société malade », Le Figaro, 14 mai 1990.
-
[15]
Marc Kravetz, « Les pourvoyeurs de l’ordure », Libération, 11 mai 1990.
-
[16]
À l’automne 1989, l’affaire du foulard islamique relance le débat sur l’immigration. Michel Rocard convoqua son gouvernement, en avril 1990, à une table ronde sur l’immigration pour essayer de trouver des solutions et apaiser les tensions sociales grandissantes. En vain.
-
[17]
Les premières conclusions de l’enquête ont débouché sur l’idée que la profanation avait eu lieu dans la nuit du mercredi au jeudi. Par la suite, de nouveaux éléments ont permis de démontrer que l’acte avait été commis dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 mai 1990, c’est-à-dire avant le passage télévisé de Jean-Marie Le Pen : la piste du Front National était de ce fait sérieusement remise en cause.
-
[18]
Le Monde des 28-29 janvier 1990 a révélé que Bernard Notin, professeur d’histoire à l’université de Lyon III, avait réussi à faire publier un article violemment antisémite et aux accents ouvertement négationnistes dans une revue pilotée par le CNRS, Economies et sociétés. L’affaire fit grand bruit et montrait que le négationnisme avait repris son travail de sape des fondements historiques de la « Solution finale » ; de Robert Faurisson, grâce auquel le négationnisme réalisa sa percée médiatique, à Bernard Notin, la relève de flambeau semblait assurée.
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[19]
Maurice Trillat, JT 13h, A2, 11 mai 1990.
-
[20]
Pascal Perrineau, Le Symptôme Le Pen : radiographie des électeurs du Front National, Paris, Fayard, 1997, p. 62.
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[21]
In Valéry Nataf, « Petite chronique de l’antisémitisme ordinaire dans la France de 1990 », JT 20h, TF1, 11 mai 1990.
-
[22]
L’Union des étudiants juifs de France, dans Le Monde, 12 mai 1990, p. 14.
-
[23]
JT 20h, A2, 11 mai 1990.
-
[24]
Décembre 1989 : presse écrite et chaînes de télévision françaises évoquent un charnier découvert en Roumanie, dans la ville de Timisoara, pour illustrer les atrocités commises par la révolution roumaine contre les opposants. Il fut révélé par la suite que le charnier découvert n’était en réalité qu’une fosse commune pour les gens pauvres, datant d’avant la révolution.
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[25]
Réaction publique de Jean-Marie Le Pen en visite au Puy-en-Velay, diffusée sur TF1, JT 20h, 11 mai 1990.
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[26]
Vaucluse Matin, 14 mai 1990.
-
[27]
André Fontaine, « Le danger », Le Monde, 12 mai 1990, p. 1.
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[28]
Se reporter à l’ouvrage d’Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy, Paris, Seuil, 1987.
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[29]
JT 20h, A2, 11mai 1990.
-
[30]
Pour TF1, Nelly Pons est allée recueillir le témoignage de manifestants, le 14 mai, entre République et Bastille. Dans son reportage, on assiste à une distribution d’étoiles jaunes par une vieille dame : JT TF1, 14 mai 1990. Libération marque vraiment le pas en consacrant une double page à la photographie d’un couple arborant l’étoile jaune sur leur poitrine ; 15 mai 1990, pp. 2-3.
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[31]
Dans le JT de 20h de TF1, 14 mai 1990, Bernard Nicolas suit en direct l’avancée de la manifestation parisienne depuis la place de la Bastille. Il conclut son intervention sur ces mots : « j’ai noté une banderole, comme ça, tout à fait par hasard, « procès de Vichy 1940-1990 », comme s’il y avait ici un retour de l’histoire ». Hasard ? Si cette banderole plus qu’une autre a attiré et retenu l’attention du reporter au point que ce soit celle-ci qu’il mentionne, c’est sans doute parce qu’elle véhiculait un message conforme à l’orientation sémantique du discours médiatique du moment.
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[32]
« Des spécialistes tentent d’évoquer cet acte inqualifiable », Le Figaro, 12-13 mai 1990, p. 9.
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[33]
Gilles Debernardi, « Une offense au genre humain », Vaucluse Matin, 13 mai 1990.
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[34]
Paul Yonnet, « La machine Carpentras », Le Débat, septembre-octobre 1990, p. 21, 23 et 26. Voir aussi les analyses de : Nonna Mayer, « Carpentras machine arrière », Commentaire, printemps 1991, pp. 75-80 et Nicole Leibowitz, L’Affaire Carpentras, Paris, Plon, 1997.