Notes
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[1]
Fruit de la collaboration du Centre d’études romantiques et dix-neuviémistes (Montpellier-3), du Centre d’histoire du xixe siècle (Paris-1/Paris-4) et de l’UMR Lire (CNRS/Lyon 2), ce projet est piloté par un comité éditorial composé de Jean-Pierre Bertrand, Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant.
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[2]
Les quelques développements consacrés à ces questions, souvent très anciens d’ailleurs, ont davantage mis l’accent sur les méthodes à mettre en œuvre (et les pièges à éviter) que sur les orientations de fond prises par l’histoire de la presse. Voir notamment Georges Bourgin, « Essai sur l’histoire de la presse française », Bulletin du Comité international des sciences historiques, n° 22, 1934, p. 26-70 ; Jacques Kayser, « L’historien et la presse », Revue historique, n° 218-2, 1957, p. 284-309 ; Pierre Guiral, « Problèmes d’histoire de la presse », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. XVIII, n° 4, 1971, p. 481-488 ; Pierre Albert, « Remarques sur les recherches en histoire de la presse », Bulletin d’histoire moderne et contemporaine, n° 9, 1975, p. 39-72, ainsi que les 3 pages de l’avant-propos de sa thèse (citée n. 8) consacrée aux « différentes conceptions de l’histoire de la presse ».
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[3]
Histoire politique et littéraire de la presse en France, avec une introduction historique sur les origines du journal et la bibliographie générale des journaux depuis leur origine, Paris, Poulet-Malassis, 1861.
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[4]
Cf. notamment les travaux menés sous l’impulsion de Pierre Rétat et de Jean Sgard.
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[5]
H. Avenel, La presse de 1789 à nos jours, Paris, Flammarion, 1900 ; E. Dubief, Le journalisme, Paris, Hachette, 1892 ; J. Pigelet, L’organisation intérieure de la presse périodique française, Orléans, Paul Pigelet, 1909 ; A. de Chambure, À travers la presse, Paris, Th. Fert, Albouy, 1914 ; Charpentier, La chasse aux nouvelles. Exploits et ruses de reporters, Paris, Éditions du croissant, 1926.
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[6]
Georges Weill, Le Journal. Origines, évolution et rôle de la presse périodique, Paris, La Renaissance du livre, 1934.
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[7]
Georges Weill, Histoire du parti républicain en France, 1814-1870, Paris, Alcan, 1928.
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[8]
Signalons cependant que ce mouvement n’épuise pas celui de l’histoire interne et professionnelle de la presse par les journalistes, comme en témoignent les ouvrages de Charles Lédré (Histoire de la presse, Fayard, 1958), Raymond Manevy (La presse française de Renaudot à Rochefort, Forest, 1958), plus tard Thomas Ferenczi (L’Invention du journalisme en France. Naissance de la presse moderne à la fin du xixe siècle, Plon, 1993).
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[9]
Citons, parmi un grand nombre de travaux importants, ceux de Jacques Kayser (dir.), La presse de province sous la III République, Paris, A. Colin, 1958 ; Françoise Mayeur, L’Aube : étude d’un journal d’opinion, Colin, 1967 ; Pierre Sorlin, La Croix et les juifs (1880-1899), Paris, Grasset, 1967 ; Jean-Pierre Kintz, Journaux et journalistes strasbourgeois sous le Second Empire, Strasbourg, Istra, 1974 ; Henri Lerner, La Dépêche, journal de la démocratie, Publications de l’université de Toulouse-Le Mirail, 1978 ; Pierre Albert, Histoire de la presse politique nationale au début de la III République (1871-1879), Lille, Atelier des thèses de l’Université de Lille-3, 1980 ; François Roth, Le Temps des journaux. Presse et cultures nationales en Loraine mosellane (1860-1940), Presses universitaires de Nancy, 1983.
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[10]
Henri Mitterand, Zola journaliste, Paris, Armand Colin, 1962 ; René Guise, Le Phénomène du roman-feuilleton (1828-1848). La crise de croissance du roman, thèse d’État, dactyl., Université de Nancy-2, 1975 ; Roger Bellet, Jules Vallès journaliste (1857-1885), Éditeurs français réunis, 1977, repris sous le titre Jules Vallès, journalisme et révolution, Tusson, Du Lérot, 1988 ; Roland Chollet, Balzac journaliste. Le tournant de 1830, Paris, Klincksieck, 1983 ; Lise Queffelec, Naissance d’un genre, le roman populaire. Les feuilletons de La Presse sous la Monarchie de Juillet, thèse de IIIe cycle, Université de Paris-4, 1983.
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[11]
Michael Palmer, Des petits journaux aux grandes agences. Naissance du journalisme moderne (1863-1914), Paris, Aubier, 1983.
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[12]
Jean-Pierre Seguin, Nouvelles à sensation, les canards du xixe siècle, Paris, Colin, 1959 ; L’information en France avant le périodique, Paris, Maisonneuve et Larose, 1964.
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[13]
Anne-Marie Thiesse, Le roman du quotidien. Lecteurs et lectures populaires à la Belle Époque, Paris, Le Chemin Vert, 1984, rééd. Seuil 2000.
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[14]
Marc Martin, Histoire et médias. Journalistes et journalisme français, 1950-1990, Paris, Albin-Michel, 1991, ainsi que Médias et Journalistes de la République, Paris, Odile Jacob, 1997 ; Christian Delporte, Dessinateurs de presse et dessin politique en France des années 1920 à la Libération, thèse d’histoire (sous la dir. de René Rémond), IEP de Paris, 1991, et Les journalistes en France, 1880-1950. Naissance et construction d’une profession, Paris, Le Seuil, 1999.
-
[15]
Jean-Noël Jeanneney, « Les médias », dans René Rémond (dir.), Pour une histoire politique, Paris, Seuil, 1988, p. 185-198 ; –, Une histoire des médias, des origines à nos jours, Paris, Seuil, 1995.
-
[16]
Michel Rapaport (dir.), Culture et religion. Europe – xixe siècle, Paris, Atlande, p. 24.
-
[17]
William H. Sewel, « The Concept(s) of Culture », in Victorial Bonnell & Lynn Hunt (eds), Beyond the Cultural Turn. New Directions in the Study of Society and Culture, Berkeley, University of California Press, 1999, p. 35-61.
-
[18]
Expression proposée par Dominique Kalifa dans la conclusion de L’Encre et le sang. Récits de crimes et société à la Belle Époque, Paris, Fayard, 1995, p. 302.
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[19]
Dans E. François (dir.), Sociabilité et société bourgeoise en France, en Allemagne et en Suisse, Édition recherches sur les civilisations, 1986.
-
[20]
Jeremy D. Popkin, Press, Revolution and Social Identity in France, 1830-1835, The Penn State University Press, 2002.
-
[21]
D. Kalifa, La Culture de masse en France. 1 : 1860-1930, Paris, La Découverte, 2001.
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[22]
Benoît Lenoble, Le journal au temps du réclamisme, DEA d’histoire, Université Paris-1, 2003.
-
[23]
D. Kalifa, « L’entrée de la France en régime médiatique : l’étape des années 1860 », dans Jacques Migozzi (dir.), De l’écrit à l’écran. Littérature populaire : mutations génériques, mutations médiatiques, Limoges, Pulim, 2000, p. 39-51.
-
[24]
Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant, 1836. L’an I de l’ère médiatique, Paris, Nouveau Monde éditions, 2001.
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[25]
Sur l’histoire littéraire et ses nouvelles orientations, « Multiple histoire littéraire », Revue d’histoire littéraire de la France, juil.-sept. 2003, 103-3, p. 515-668.
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[26]
Pour une analyse historique de cette figure nouvelle, voir L’Écrivain-journaliste au xixe siècle : un mutant des Lettres, Saint-Étienne, Éditions des Cahiers intempestifs, 2003.
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[27]
Les analyses développées ici prolongent des hypothèses dont on retrouvera une première formulation dans Alain Vaillant et Éric Térouanne, « Le roman au xixe siècle ou la littérature-livre », Revue d’histoire du xixe siècle, n° 19, 1999/2, p. 15-34 ; M.-È. Thérenty et A. Vaillant, op. cit.
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[28]
Cf. Charles Baudelaire, « Conseils aux jeunes littérateurs » [L’Esprit Public, feuilleton du 15 avril 1846], dans Œuvres complètes, C. Pichois éd., Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, t. 2, 1976, p. 15 : «(…) j’admets et j’admire la camaraderie (…) Elle est une des saintes manifestations de la nature, une des nombreuses applications de ce proverbe sacré : l’union fait la force».
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[29]
Sur le lien entre presse et roman, voir Marie-Ève Thérenty, Mosaïques. Être écrivain entre presse et roman (1829-1836), Paris, Champion, 2003.
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[30]
Pour une présentation synthétique de l’analyse linguistique du stéréotype, voir Ruth Amossy et Anne Herschberg-Pierrot, Stéréotypes et clichés, Paris, Nathan, 1997.
1Le texte qui suit reprend les deux interventions de Dominique Kalifa et d’Alain Vaillant présentées lors de la journée d’étude qui inaugura, le 16 juin 2003, le projet collectif « La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au xixe siècle » [1]. En précisant le sens accordé à ces deux notions de « culturel » et de « littéraire » appliquées à l’histoire de la presse, il synthétise les principaux attendus et enjeux scientifiques d’un projet qui réunit historiens et littéraires autour d’un objet commun.
I – Qu’entendre d’abord par ce qualificatif de « culturel », appliqué à l’histoire de la presse du xixe siècle ?
2On sait en effet combien ce terme, aux contours pour le moins contrastés, peut susciter d’acceptions et d’usages différents. L’extrême faveur dont il bénéficie depuis une vingtaine d’années dans l’ensemble des sciences sociales, et notamment en histoire, a encore accentué ces incertitudes, aux sources d’un pan-culturalisme parfois peu convaincant. Clarifier notre acception du terme s’impose donc. Nous commencerons par un rapide survol de l’historiographie de la presse et des principales orientations prises par les recherches qui s’en réclament, opération curieusement absente jusqu’ici des travaux en histoire de la presse [2], avant de tenter d’esquisser les grandes lignes de ce que pourrait être une histoire culturelle de la presse, au sens où nous l’entendons. Quelques mots en guise de conclusion évoqueront les difficultés propres à la séquence chronologique retenue, et les moyens de les contourner.
31. Née au milieu du xixe siècle avec l’ouvrage fondateur d’Eugène Hatin [3] (ce qui signale au passage l’importance de ces années médianes dans la prise de conscience à la fois du rôle de la presse et de ses transformations), l’histoire de la presse dessine schématiquement trois grands moments. (N’est envisagée ici que l’histoire contemporaine des journaux, les perspectives sont assez différentes en histoire moderne, notamment en ce qui concerne le xviiie siècle et la Révolution française, où les effets de revitalisation ont été à la fois plus précoces et plus nets [4]).
4Le premier procède, pour reprendre les termes mêmes de Hatin, d’une histoire principalement politique et littéraire des journaux, ce dernier terme étant entendu en son sens canonique et non dans l’acception que nous en proposons plus loin. Émanant le plus souvent d’acteurs eux-mêmes engagés dans l’univers professionnel de la presse, qui trouvaient dans le recours à leur propre histoire des moyens de renforcer le procès de professionnalisation en cours, une imposante bibliographie s’est développée, très attentive à la vie des journaux, parfois à leur envers, témoignant ainsi de l’émergence d’un secteur d’activité. Outre l’indispensable travail de repérage et d’inventaire des titres, ces travaux sont surtout dominés par deux questions : celle de la liberté et de législation d’une part, celle de la légitimité du pouvoir de la presse et de sa moralité d’autre part. Dans les deux cas, l’accent était porté sur l’émergence des journaux comme acteurs politiques autonomes et légitimes. Dans cet important train de publications, qui connaît dans les années 1900-1920 une forte accélération (Henri Avenel, Eugène Dubief, Jacques Pigelet, A. de Chambure, André Charpentier, etc. [5]), un livre s’individualise nettement, celui de George Weil paru en 1934 dans « L’Évolution de l’Humanité » pilotée par Henri Berr [6]. Si la perspective politique n’est pas absente (Weill avait publié quelques années plus tôt chez Alcan une Histoire du parti républicain au xixe siècle [7] et son Histoire de la presse insiste sur l’importance du journal dans le procès de démocratisation), l’ouvrage s’inscrit cependant clairement dans le projet de synthèse historique de Berr, délaissant le cadre national pour interroger l’avènement du journal dans un processus civilisationnel : « L’histoire du journal est complexe et difficile, car on ne peut l’isoler de l’histoire générale de la civilisation », écrit Weil en introduction (p. 5). D’où le souci de l’auteur de déborder le simple cadre politique pour inscrire l’histoire du journal dans l’ensemble des transformations économiques, techniques, sociales, intellectuelles, de l’Europe moderne et contemporaine. Un livre essentiel donc, mais qui demeure isolé.
5Une deuxième séquence apparaît aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale et s’étend jusqu’au début des années 1980 : c’est le temps de l’histoire « scientifique » des journaux, une période essentielle qui engrange les acquis majeurs de la recherche, sur lesquels nous nous reposons encore très largement aujourd’hui [8]. Trois grandes directions caractérisent ces années : 1) La mise en œuvre de très nombreuses monographies, qui permettent de connaître avec précision la vie des journaux (appareillage technique, structures économiques et financières, histoire des titres, des tirages, des orientations rédactionnelles et politiques, etc.) et l’établissement d’un indispensable inventaire des quotidiens et des périodiques. Apparaissent notamment les premières grandes thèses ou travaux d’envergure consacrées à des organes de presse [9] ; 2) Le développement des études de contenus, florissantes à compter des années 1950, tant dans les départements d’histoire où les diplômes se multiplient sur ces questions, que dans le cadre des nouvelles « études de presse » où appel est fait à d’autres types de savoir (lexicologie, narratologie, sémiologie, sémantique quantitative), aux sources de ce qui allait devenir les sciences de l’information (L’Écriture de presse, de Violette Morin, paraît chez Mouton en 1969). S’ils demeurent de valeur inégale, les innombrables travaux qui sont alors publiés enrichissent profondément notre connaissance du monde des journaux. 3) L’établissement des grandes synthèses, notamment la monumentale Histoire générale de la presse française, publiée entre 1969 et 1976, à laquelle il convient de rendre un hommage appuyé tant elle continue de fournir le socle indispensable à toute réflexion sur l’histoire de la presse.
6En dépit de son importance capitale dans l’élaboration du savoir historique sur la presse, cette seconde séquence reste dominée, tout comme la première, par des interrogations d’ordre politique ou idéologique. Même si la technique, l’économique et dans une moindre mesure le narratif sont mobilisés dans de nombreux travaux, l’essentiel du substrat scientifique reste gouverné par le souci de mesurer le rôle et l’influence des journaux dans la gestion de l’opinion publique ou, à l’inverse, le poids des hommes de pouvoir sur la vie et le fonctionnement des organes de presse. Dans les deux cas, l’histoire de la presse est pensée en termes de relations de pouvoir. On aura évidemment noté le rôle de la Seconde Guerre mondiale, des questions de propagande et de manipulation des opinions dans l’émergence, dans les années 1950, des études de presse. Pour les historiens, la question des contenus des journaux se pense alors presque exclusivement en regard des phénomènes d’opinion publique. Premier à consacrer en 1953 un article méthodologique à ces questions (« Étude de presse et analyse de contenu » dans Le Mouvement social), Jacques Ozouf est aussi le premier à construire l’opinion publique en objet d’histoire. La majeure partie des historiens de la presse reste alors motivée par des questions de nature politique, comme en témoigne la place dominante occupée par l’IEP de Paris et l’université de Paris-X Nanterre dans la direction des thèses soutenues en histoire de la presse. Les rares avancées concernant des domaines autres que politiques sont alors venues des départements de littérature (Henri Mitterand, René Guise, Roger Bellet, Roland Chollet, Lise Queffelec [10]), de sciences de l’information (Michael Palmer [11]), de chartistes et de conservateurs (Jean-Pierre Seguin [12]) ou de francs-tireurs disciplinaires comme Anne-Marie Thiesse [13].
7Un troisième temps est sensible depuis une quinzaine d’années. Il a pris deux formes : d’une part l’inscription des problématiques dans une histoire plus sociale. Alors que la séquence précédente n’avait guère porté attention qu’aux grandes plumes, aux polémistes célèbres ou aux patrons de presse, on porte alors le regard vers les acteurs plus obscurs, et notamment les journalistes qui font irruption dans le paysage historiographique (soulignons ici le rôle pionnier de Marc Martin, prolongé depuis par Christian Delporte et quelques d’autres [14]). Il s’agit là d’une inflexion décisive qui engage progressivement à rompre avec la tyrannie du politique : l’attention portée à ces artisans souvent anonymes de l’écriture de presse invitait en effet à réfléchir sur les modes de construction de l’événement et sur la nature même de l’information. On passe alors clairement d’une histoire des journaux à une histoire du journalisme. D’autre part, et sous l’effet du développement des sciences de l’information, on note alors le souci croissant de ne pas isoler les journaux de l’ensemble du dispositif informatif, engageant les historiens à traiter le journal dans un ensemble plus large, plus solidaire, auquel on va donner peu à peu le nom d’« histoire des médias » [15]. Une attention plus soutenue aux questions techniques (la « médiologie » selon Régis Débray), aux modalités de la diffusion ou de la distribution en a notamment découlé. Mais ces perspectives sont le plus souvent limitées au seul xxe siècle, les années 1800-1880 s’enfonçant progressivement dans une sorte de préhistoire médiatique difficilement acceptable quand on sait l’importance des monarchies censitaires, par exemple, dans la genèse de notre modernité culturelle. « Force est de constater, écrivent les auteurs d’un récent ouvrage de synthèse sur l’histoire culturelle du xixe siècle [16], que l’histoire de la presse, après l’élan qui lui fut donné par Pierre Albert dans les années 1970 avec la création de l’Institut français de la presse, semble aujourd’hui moins dynamique, au moins pour le xixe siècle ». Le constat est juste évidemment, mais il ne tient qu’à nous qu’il ne s’applique pas à demain. Reste cependant qu’en dépit de sa richesse et de sa diversité, l’histoire de la presse a jusqu’ici été surtout pensée en termes d’institution : la presse comme institution (histoire des titres et des entreprises), ses liens avec l’institution politique ou avec celles de la « sphère publique ».
82. Le désir d’une histoire culturelle de la presse s’inscrit dans un autre cadre de recherche. Réglons d’emblée la question du terme culture, que nous n’utilisons ici évidemment ni dans son acception ontologique (qui en ferait, par opposition à la nature, tout ce qui relève de la part de la création de l’homme), ni dans ses usages académiques ou « légitimistes » qui l’assimilent au corpus savant. Récusant tout critère esthétique ou toute approche trop environnementale, nous nous retrouvons assez bien dans la définition large, mais sans trop, qu’en a proposé Pascal Ory : « l’ensemble des représentations collectives propres à une société et des pratiques sociales nécessaires à leur production, leur diffusion et leur réception ». Si une telle approche, qu’on peut pour aller vite qualifier de socio-anthropologique, semble aujourd’hui faire consensus dans la communauté des historiens, elle n’exclut cependant pas d’autres types de difficultés, au vrai plus beaucoup plus redoutables, assez bien résumés récemment par l’historien américain William Sewel [17], et qui continue de miner les travaux qui se revendiquent de l’histoire culturelle. Cet ensemble peut-il fonctionner comme « système », analysable, interprétable, au travers du langage, des signes, des symboles, des significations qui en émanent, et auxquels on pourrait reconnaître une autonomie de nature symbolique ? C’est pour aller vite la proposition de l’anthropologie culturelle américaine, inspirée de l’œuvre de Clifford Geertz, qui a fortement influencé la new cultural history. N’est-il à l’inverse perceptible qu’au travers de pratiques, d’actions, d’expériences, de relations, dominés par d’autres enjeux, notamment sociaux, qui brouilleraient et interdiraient toute lecture cohérente en termes de significations, et imposeraient le recours à une approche d’abord sociale. En bref, la culture comme système ou comme pratique, comme expérience ou comme discours, comme ensemble cohérent ou mobile de significations ? La réponse passe bien sûr par la mise en œuvre d’une subtile et complexe dialectique, que le recentrement sur notre objet initial, la presse, devrait permettre de préciser.
9Envisager une histoire culturelle de la presse part du constat et de l’hypothèse suivants : par les caractères de sa production, l’ampleur de sa diffusion et les rythmes nouveaux qu’il impose au cours ordinaire des choses, l’essor du journal (et la lecture périodique en général) tend à modifier profondément l’ensemble des activités (sociales, économiques, politiques, culturelles, etc.), des appréciations et des représentations du monde, projetées toutes ensembles dans une culture, voire dans une « civilisation » de la périodicité et du flux médiatique. Et que c’est au cœur du xixe siècle que ce processus, entamé de plus longue date, mais accéléré alors par les transformations économiques et les enjeux idéologiques dont le journal est aussi l’instrument, trouve les conditions de sa réalisation. Pleinement achevée à l’aube de la Grande Guerre, cette inscription du pays dans un cadre désormais régi par le principe de l’écriture et de la lecture périodiques constitue une mutation anthropologique majeure, aux sources de notre modernité « médiatique », et qui n’a jamais vraiment été étudiée en tant que telle. En parlant de « Civilisation du journal » [18], nous souhaitons en quelque sorte inverser le postulat de Georges Weil qui entendait étudier l’impact de la civilisation sur l’émergence du journal. On voudrait ici mesurer l’impact du journal sur la marche de la civilisation, et parler de civilisation du journal au même titre que Lucien Fevbre parlait, dans L’Encyclopédie française de 1936 (vol. XVIII), de « civilisation du livre ». Après tout, c’est bien le journal, et non le livre qui s’est approprié le terme de « presse », qui aurait tout aussi bien pu convenir au second. Ou, pour dire les choses autrement, tenter de répondre à cette question de Henri Berr qui note, en préface à Georges Weil en 1934 (p. xvii) : « Le progrès de la presse est éclatant. Mais le progrès par la presse ? ».
10La mise en œuvre d’un tel programme nécessite en fait deux opérations conjointes. Tout en restant au plus près de l’objet presse, dans sa réalité matérielle et textuelle tout comme dans les modalités par lesquelles il se donne à voir, à prendre, à lire, il convient de tenter de préciser les divers usages de l’écriture périodique au xixe siècle. Comment les différents groupes sociaux ou professionnels, les genres et les classes d’âges, les appartenances religieuses ou les entités régionales, bref les multiples composantes de la société française du xixe siècle, laquelle n’est de surcroît évidemment pas immobile de 1800 à 1914, ont-elles négocié leur rencontre avec le vecteur presse ? Avec quel calendrier et quel cahier des charges, avec quelles attentes et quelles déceptions ? Ces questions sont décisives et ne se résument pas à un simple exposé des voies de l’alphabétisation : ce sont les pratiques et les usages différenciés de la lecture du journal au xixe siècle qu’il nous faut tenter de cerner au plus près, faute de quoi l’entreprise ne débouchera sur rien d’autre qu’un exposé de surplomb sur ce qui serait, peut-être, les effets culturels de l’offre périodique au xixe siècle.
11Mais cette opération n’aura vraiment de sens que si on lui en adjoint une seconde, complémentaire, qui tente de préciser comment cette même offre périodique contribue, en même temps, à façonner, à modeler et à instituer ces différents groupes sociaux et professionnels, ces différents genres et classes d’âges, ces différentes appartenances religieuses ou régionales, etc. Il convient, en d’autres termes, de ne pas postuler l’existence de groupes trop définis, mais de les percevoir dans la dynamique même de leur construction, dont la presse, pensons-nous, est l’un des agents majeurs. Le concept central pourrait être ici celui d’« identité », qu’on aura sans doute profit à croiser avec celui de sociabilité cher à Maurice Agulhon. « Le journal, lieu et lien de la société bourgeoise en France pendant la première moitié du xixe siècle », écrivait André-Jean Tudesq dans un collectif récent [19]. Un des enjeux majeurs d’une histoire culturelle de la presse sera donc d’évaluer le rôle des périodiques et de leur appropriation dans l’émergence des identités sociales, professionnelles, génériques, politiques, etc., dont le siècle accouche. Une démarche exemplaire nous semble être à cet égard celle du récent ouvrage de Jeremy Popkin [20], consacré aux journaux lyonnais et à leur rôle dans les événements révolutionnaires des années 1830-1835. Selon lui, il convient de « considérer les journaux non seulement comme des pourvoyeurs d’information et d’idéologie — même si l’importance de ces fonctions ne doit jamais être sous estimée — mais aussi comme des lieux essentiels de la construction des identités sociales et culturelles, ainsi que comme une forme importante de littérature » (p. 9). Toute son analyse vise dès lors à montrer combien, dans la permanente interaction qu’ils entretiennent avec leurs lecteurs, les journaux lyonnais façonnèrent les identités collectives, celle de la bourgeoisie comme celle des prolétaires ou du petit noyau de féministes engagées dans l’événement révolutionnaire.
12Une telle approche nous semble décisive. Qu’il s’agisse, pour prendre quelques exemples dans des registres très divers, de l’émergence du monde ouvrier en tant que classe, des recompositions de l’image et de la conception de la féminité, ou des multiples procès de professionnalisation qui traversent tout le xixe siècle (pensons entre autres aux instituteurs, aux policiers, aux médecins ou hommes de loi), rien de tout cela ne serait compréhensible sans le concours des journaux, agents actifs de construction et d’expression des identités sociales et culturelles. C’est donc ensemble, textes et pratiques, figures et usages, imaginaires et expériences, qu’il convient de mener l’étude, ce qui peut être un des moyens de travailler à la dialectique culturelle précédemment évoquée. Mais, compte tenu de la forte dynamique culturelle qui traverse le siècle, fondée sur l’émergence progressive d’une culture de masse [21], ce processus en croise un autre, que l’on peut résumer autour de l’idée de l’essor d’une « culture de la presse », fondée sur un certain nombre de réflexes, de références, de motifs, qui finissent par construire un véritable imaginaire de papier, de plus en plus massif et de plus en plus partagé, qui triomphe à la veille de 1914. L’imaginaire de « l’enquête », qui triomphe à la fin du xixe siècle, en est un des éléments. Du « puff » des années 1830 au « réclamisme » de la Belle Époque, l’imaginaire publicitaire et l’auto-célébration médiatique en est un autre [22]. Du Magasin pittoresque à Je Sais Tout, les voies de la vulgarisation scientifique et du merveilleux technique, encore très peu étudiées, en constituent un troisième. D’autres sont encore perceptibles. C’est aussi à l’analyse de cette « culture de la presse » qu’un travail comme celui que nous entreprenons est dédié, à condition bien sûr de la penser, elle aussi, dans la dialectique qu’elle construit avec la profusion d’identités sociales qui se construisent avec, à côté ou même parfois contre elle. Car c’est sans doute l’un des paradoxes majeurs de cette « culture médiatique » en voie de constitution que d’œuvrer en parallèle à un vaste processus de standardisation et d’homogénéisation culturelle, tout en suscitant un constant mouvement inverse, presque réactif, de diffraction, de fragmentation ou d’individualisation des comportements et des imaginaires.
13La période retenue offre-t-elle un cadre pertinent à une telle analyse ? De toute évidence, le xixe siècle n’est, au regard de la presse, pas une séquence homogène. Deux âges, deux régimes culturels, semblent s’y succéder, que l’on peut décrire et analyser de façons très diverses. Opposer, par exemple, un journal contrôlé à un journal libéré, ou une presse d’opinion à une presse d’information, une diffusion restreinte à une diffusion de large circulation, une sphère publique et bourgeoise, fondée sur la discussion et le raisonnement, à une sphère du marché et de la consommation. La chose est évidente et il n’est pas utile de s’y attarder. Pourtant, une analyse plus fine de la chronologie montre que ce constat n’interdit nullement de considérer le siècle en son entier. Plus que partage en deux âges, on peut défendre l’idée d’un siècle saisi en son cours d’un séisme majeur, dont l’épicentre est situé quelque part vers le mitan du siècle (la décennie 1860 [23]), mais dont les premières secousses sont largement antérieures (la décennie 1830 [24]) et les rejeux, récurrences ou refus largement postérieurs. Culturellement, c’est à l’aune du siècle, dont on se rappelle qu’il fut premier à se penser comme tel, que les transformations liées au phénomène médiatique sont sans doute les plus pertinentes à penser.
II – Pourquoi une histoire « littéraire » de la presse ?
14Cette idée apparemment incongrue peut susciter de légitimes perplexités : chez les littéraires qui se demanderont quel effet de mode médiatique se cache derrière un tel projet, et chez les historiens qui s’inquiéteront de voir un objet pleinement historique soumis à la vieille pratique de la critique littéraire qui, même teintée de chronologie et de considérations érudites, forme habituellement l’essentiel de ce qu’il est convenu d’appeler abusivement l’« histoire littéraire » [25]. Il n’est donc pas inutile, afin de prévenir des malentendus, de commencer par dire ce que cette histoire littéraire de la presse ne doit pas être, avant d’en venir à des définitions plus positives.
15Tout d’abord, nous ne voulons pas faire une histoire des écrivains-journalistes, en revenant à la perspective monographique de l’histoire littéraire : il y eut, naguère, les études magistrales et déjà citées de Roland Chollet, de Roger Bellet, d’Henri Mitterand : notre travail doit énormément à ces entreprises pionnières, mais, justement, le temps est venu de prendre le problème par un autre bout — en changeant à la fois l’objet et le point de vue de l’histoire littéraire.
16Nous ne voulons pas non plus d’une histoire de la presse littéraire, qui laisserait soigneusement de côté la presse en général, ou la masse de ses secteurs spécialisés, pour ne garder que les revues — du romantisme ou de la fin de siècle —, la petite presse du Second Empire, les journaux de caricature — bref tout ce qui jouit, pour une raison ou une autre, d’une certaine légitimité artistique ou littéraire, au détriment de tout le reste.
17Alors, nous dira-t-on encore, nous nous intéressons à la « paralittérature », à un domaine de la paralittérature que les littéraires, dans leur distraction et malgré leur voracité, auraient négligé jusqu’à ce jour, à moins que nous ne voulions sauver de l’oubli quelques minores, rétablir un peu de justice dans le Panthéon des auteurs ou, du moins, le mettre au goût du jour. Non, nous ne voulons ni l’une ni l’autre chose. D’une part, nous n’aurions pas décidé de nous détourner de l’approche monographique pour la réintroduire subrepticement. D’autre part, c’est à l’origine pour des questions d’esthétique littéraire que nous avons jugé indispensable de faire un détour par la presse, pour comprendre concrètement le devenir, au xixe siècle, de ce que nous appelons aujourd’hui la littérature. Comme lecteurs, nous continuons à aimer Balzac, Flaubert, Baudelaire, Mallarmé ; mais c’est du fait même de ce plaisir de lecture que nous avons été amenés à travailler sur la presse pour mieux comprendre les mutations majeures de la littérature que connaît le xixe siècle, et qui concernent autant l’évolution des genres ou des formes de l’écriture que les trajectoires individuelles des auteurs.
18Cela dit, il va de soi qu’une histoire de la presse doit, aussi, inclure une histoire des écrivains-journalistes [26], de la presse littéraire et de la paralittérature : elle doit l’inclure, mais sa raison d’être est ailleurs. Avant d’en venir à cette raison d’être, et d’exposer les arguments de jure qui, nous semble-t-il, obligent à faire cette histoire de la presse, il est opportun de rappeler quelques arguments de facto qui montrent que, même s’ils ne le voulaient pas, les littéraires ne pourraient, sans elle, mener à bien leur tâche traditionnelle de commentateurs de textes.
19Le premier argument de facto nous ramène à la question des auteurs du xixe siècle, que, sous l’angle de leur relation à la presse, on peut répartir grossièrement en trois catégories. La première est celle de tous les écrivains majeurs du siècle que nous lisons aujourd’hui dans des éditions savantes mais pour lesquels la presse a joué un rôle génétiquement déterminant au moment de l’élaboration de leurs œuvres. Nous avons cité Balzac ou Vallès ; mais il faudrait ajouter des poètes comme Baudelaire et Mallarmé, puis tous les professionnels qui, à partir de la monarchie de Juillet, ne cessent de passer du livre au journal, selon les circonstances ou les genres pratiqués (songeons, par exemple, à Nerval, Sand, Gautier ou Maupassant) — sans compter à peu près toute la fin de siècle, où la revue « d’avant-garde » est le principal creuset de l’invention littéraire. Au-delà de ce noyau dur, on peut en outre constater qu’à peu près tous les écrivains du xixe siècle ont croisé de façon significative la route du périodique, et ont tiré de cette rencontre des enseignements décisifs pour l’évolution de leur œuvre : ce fut notamment le cas, parmi beaucoup d’autres, de Hugo ou de Zola. Enfin, il reste les irréductibles, ceux dont l’œuvre paraît, idéologiquement et esthétiquement, incompatible avec la logique médiatique de la presse. Que pourraient devenir, dans l’espace du journal, l’éloquence logorrhéïque et l’effusion lyrique d’un Lamartine, les condamnations sans appel de Vigny, Musset, Flaubert ? Il n’empêche : Lamartine a passé la dernière partie de sa vie à écrire et à publier, sous forme de périodique, le Cours familier de littérature ; Vigny et Musset ont publié leurs poèmes, à partir de la monarchie de Juillet, dans la Revue des deux mondes ; quant à Flaubert, son destin d’écrivain est indissolublement lié à la publication scandaleuse de Madame Bovary dans la Revue de Paris. Il faut donc bien admettre que la presse a été un point de passage inévitable pour les écrivains et qu’il s’agit, à un tel degré, d’un phénomène absolument spécifique au xixe siècle.
20Deuxième argument de facto : au-delà des auteurs, et qu’on s’en réjouisse ou non, il est incontestable que la publication périodique ait été le mode principal de publication littéraire pendant la majeure part du xixe siècle. Comme on a sans doute trop mis l’accent, depuis plusieurs décennies, sur le seul roman-feuilleton, on a très largement sous-estimé cette véritable hégémonie du fait périodique. Celle-ci est accentuée, ou aggravée, par un phénomène incident que les historiens de l’édition connaissent bien. Le xixe siècle est marqué par un accroissement durable du lectorat et de la demande culturelle (et, avant toute chose, de la demande en textes à lire). Or l’anarchie révolutionnaire, puis le contrôle administratif sous l’Empire, ont très durement touché le secteur de la librairie en France. Il était économiquement et culturellement florissant au xviiie siècle. Il n’est plus guère constitué, sous la Restauration, que d’artisans d’un niveau technique très inégal, disposant de faibles moyens financiers et très en retrait de la vie littéraire (d’où l’exception, remarquable et remarquée, que constitue un Ladvocat). Sous la monarchie de Juillet, au moment où commencent à se développer les industries de l’imprimé, le journal va donc occuper le terrain laissé vacant par le livre. Cette situation ne durera qu’une vingtaine d’années, mais ces vingt ans ont permis au périodique de tenir un rôle tout à fait extraordinaire, et sans doute disproportionné, qu’on a du mal à mesurer aujourd’hui, et surtout à se représenter. Ce qui est vrai de la culture imprimée l’est aussi de la littérature : le livre — la presse non périodique — est resté hors jeu, et le journal a donc été le diffuseur et la matrice de l’innovation littéraire, sous la monarchie de Juillet.
21Dernier argument de facto : durant tout le xixe siècle jusqu’à la IIIe République et, plus particulièrement, jusqu’à la loi de 1881, une législation vigilante pèse sur le journal, et lui interdit, à de très rares exceptions près, d’intervenir librement dans le débat politique. Le journal se développe, mais il lui est impossible de faire ce pour quoi il est créé, informer et participer au débat d’idées. Il s’ensuit un contexte très particulier, où un vaste espace textuel, abondant et régulier, est ainsi offert à ceux qui font profession d’écrire pour le plaisir, ou l’imagination, à savoir les écrivains de littérature. Cette période paradoxale, où la presse triomphe mais tourne à vide, offre une conjoncture tout à fait remarquable : ce n’est pas un hasard si les écrivains-journalistes dont le nom vient le plus immédiatement à l’esprit sont des contemporains de la monarchie de Juillet et du Second Empire.
22Tous ces arguments de facto prouvent qu’on ne peut pas éviter d’analyser le journal pour comprendre le xixe siècle littéraire, parce que la littérature rencontre, sur sa route, le périodique. Il reste à montrer que ce ne fut pas qu’une brève rencontre et que, dans ce croisement d’un art millénaire et d’un nouveau medium, s’opère une transmutation capitale, qui modifie notre conception même de la littérature et au-delà, de notre culture [27]. Le journal est en effet l’un des protagonistes d’un événement capital, qui survient autour de 1830, et qu’on peut interpréter comme un changement du régime de littérarité. Jusqu’à la monarchie de Juillet, et malgré quelques aménagements notables au xviiie siècle, la littérature, dans ses cadres formels et ses principes d’écriture, est restée d’essence discursive — ou, si l’on veut, rhétorique — : elle est mise en forme de la parole et prise de conscience esthétique de cette mise en forme. Or, avec le xixe siècle un nouveau modèle, qu’on pourrait dire « textuel », se substitue au vieux (et même antique) modèle discursif. L’œuvre littéraire n’est plus parole donnée à entendre, même par l’entremise de la page écrite, mais livre public et texte à lire, diffusé par les nouvelles structures de communication que sont le journal ou le livre et intégré à un système complexe de consommations culturelles où il apparaît non plus comme une parole médiatrice, mais comme un objet médiatisé. Il va de soi, bien sûr, que cette textualisation de la littérature n’invalide pas instantanément ni totalement le modèle rhétorique : pour l’écrivain, le travail d’écriture se pense toujours comme une entreprise discursive et toute l’histoire des formes littéraires depuis ce xixe siècle peut s’interpréter comme une série de manœuvres pour réintroduire, dans l’espace du texte, la logique de la parole. Il n’empêche que la prééminence culturelle du fait textuel entraîne un remodelage profond de la littérature et des cadres génériques.
23Nous venons de dire que les instruments de cette mutation étaient le journal et le livre. En réalité, pour les raisons qui ont été tout à l’heure esquissées, c’est à la presse seule qu’il revient, au moins au début, de jouer ce rôle. Les caractéristiques propres du journal vont donc, à leur tour, influer de façon décisive sur les évolutions de la littérature. Fondamentalement, ces caractéristiques sont au nombre de trois. Le journal est médiatique, périodique, collectif.
24Le journal est médiatique : il ne sert pas, comme l’éditeur traditionnel, à transférer une parole de la sphère privée à l’espace public, mais, tout entier et dès l’origine situé au cœur de cet espace public, il fonctionne comme un instrument de médiation et d’intermédiation entre les personnes. Le journal capte à son profit et organise de façon rationnelle et systématique la fonction de médiation qui était traditionnellement dévolue à la littérature : d’où le péché qu’il ne cessera de devoir expier, aux yeux des romantiques. Aujourd’hui, on a tendance à opposer à notre moderne civilisation de l’image électronique la vieille culture de l’imprimé, qu’on associe à la littérature ; mais, au xixe siècle, l’industrie de l’imprimé est souvent ressentie comme une concurrente, et une ennemie de la vraie littérature — c’est l’antienne des poètes romantiques. Quant à l’écrivain-journaliste, il apparaît ainsi comme le seul type d’auteur à connaître de l’intérieur le jeu de la communication moderne, et à le jouer sans réticence. D’autre part, le journal, parce qu’il est médiation, a aussi pour fonction de s’interposer entre les lecteurs et le réel, de représenter le réel. De cette représentation du réel naît ce que Mallarmé appellera l’« universel reportage », et l’on peut aussi penser aux critiques que le linguiste Noam Chomsky adresse à ce « faux réel » dont les médias offrent l’illusion. Mais, d’un point de vue spécifiquement littéraire, nous faisons l’hypothèse que cette hégémonie de la médiation journalistique s’accompagne d’un changement de régime discursif, parallèle au changement de paradigme littéraire. L’écrit était traditionnellement d’abord et avant tout argumentatif : il avait pour mission de convaincre et d’interpeller l’autre. Il devient au xixe siècle prioritairement narratif : son rôle est désormais de représenter et de raconter — qu’il s’agisse ou non de fiction : cette différence est sans doute beaucoup moins fondamentale que nous l’imaginons habituellement. De ce point de vue, la progression du roman est très probablement à corréler avec cette montée en force du mode narratif journalistique.
25En outre, le journal est par définition quotidien ; il lui faut chaque jour assez de textes pour remplir les trois, puis quatre, cinq ou six colonnes de chacune de ses pages. Cette réalité, qui distingue notre actuelle « culture de flot » de l’ancienne culture éditoriale, appartient aujourd’hui à notre paysage familier et peut passer pour une évidence triviale. Au contraire, les écrivains de 1830, qui la découvrent, y voient légitimement une profonde remise en cause de leur rôle. Jusque-là, l’initiative appartenait à l’auteur : il lui revenait d’écrire, en prenant le temps qu’il fallait et suivant ce qu’il avait à dire, et c’était donc seulement dans une seconde étape que se posait le problème de la publication. Au contraire, dans le cas du journal, c’est parce qu’il y a publication, à un rythme que rien n’a le droit de retarder, qu’il est indispensable de trouver des auteurs — ou des fournisseurs de textes. Le rythme de l’écriture ne reflète plus le jeu de forces individuelles, mais une réalité sociale. Ce qui est vrai alors du journal l’est, aujourd’hui, de la plupart des formes de communication : aussi intime que soit la pensée ou le sentiment qu’ait à exprimer un auteur, le tempo de la création lui est donné désormais de l’extérieur. Il est même probable que cette transformation du rapport au temps est le phénomène majeur, qui va transformer la perception du politique, de la culture, des arts, etc. Nous entrons, au xixe siècle, dans un temps collectif qui est fait d’un empilage de rythmes cumulés, et que le périodique a pour charge de rappeler, donc de créer.
26Enfin, le journal est collectif. Chaque numéro est l’émanation d’une collectivité de rédacteurs, animée par une personnalité remarquable : collectivité de collaborateurs, mais aussi, suivant un terme employé péjorativement par Henri de Latouche puis récupéré par le journaliste Baudelaire [28], de « camarades » qui sont unis par une vraie connivence, par des liens dont la nature échappe évidemment au public, et qui sont d’ailleurs tissés à l’intérieur d’un journal, mais aussi, d’un titre à l’autre, au sein de la vaste nébuleuse des écrivains-journalistes. L’opposition entre le soliloque intime et l’échange public, qui nourrit depuis le xixe siècle la mauvaise conscience des auteurs, n’y a pas sa place : toute parole journalistique est, d’origine et par destination, plurielle et collective — ou, du moins, insérée dans un complexe et polyphonique système d’interlocution. Formellement, deux caractères structurels de l’écriture journalistique traduisent cette nature polyphonique. D’abord, l’importance du mode conversationnel. On ne cesse de l’écrire : le journal est l’héritier de la conversation et du salon de l’Ancien Régime, et c’est là d’ailleurs l’une des formes, peut-être la plus spectaculaire, d’investissement du texte par la parole. Mais à qui le journaliste parle-t-il ? À la fois à son public d’abonnés et à la communauté de ses confrères journalistes. Autrement dit, l’écriture journalistique est dès l’origine à double destination, et c’est pourquoi le journal est le lieu d’invention (ou de réinvention et de redéfinition) de ce qui apparaît comme l’un des traits les plus reconnaissables de notre culture actuelle, à savoir l’ironie : le journal gomme les frontières qui délimitaient le sérieux et le risible, inaugurant le règne de l’ambivalence généralisée.
27Donc, la tâche de l’historien de la littérature qui s’engage dans cette étude du fait périodique, est immense. Au-delà du travail de description et d’étude érudite, sa visée doit être triple.
28Il lui faut d’abord inscrire sa démarche dans ce qu’il convient d’appeler une « poétique historique des formes et des genres », et examiner comment les pratiques d’écriture sont transformées par le périodique. On songe, bien sûr, à l’immense continent du narratif, fictionnel ou non [29]. La poésie est elle aussi concernée : on a commencé à étudier tout ce que doit au journal le poème en prose, qui, mutatis mutandis, est à la poésie ce que le roman-feuilleton est à la fiction, mais le poème versifié est également touché : c’est dans le journal que s’ébauchent les traits caractéristiques de la poésie moderne, consacrés en 1857 par les Fleurs du Mal de Baudelaire : brièveté, prééminence du voir sur le dire, ironisation généralisée. Il y a, encore, les innombrables et multiformes résurgences journalistiques de l’art du discours.
29C’est aussi toute la question du stéréotype, fondamentale à toute réflexion sur l’écriture journalistique, qui serait à reprendre, sur de tout autres bases que celles de la linguistique contemporaine [30]. Ces considérations, qui enrichissent la théorie et les pratiques de l’analyse textuelle, négligent le fait que, historiquement, les notions de stéréotype ou de cliché naissent, au xixe siècle, du monde de l’imprimerie industrielle et de la presse, et désignent des techniques de report d’une page composée par un système d’empreinte. Ce qui est en jeu, c’est la mise au point d’une technique qui réduise les coûts et les délais de fabrication. De même pour le stéréotype journalistique : l’écrivain, au lieu d’écrire tout son texte, recourt lui aussi à des morceaux préfabriqués. Le stéréotype et le cliché sont, en somme, les ancêtres du « coupé collé ».
30Le stéréotype ne constitue donc pas le degré ultime d’exténuation du lieu commun et de cette crise du sujet moderne dont la mise en cause du langage ne serait qu’une des manifestations, mais un phénomène tout à fait nouveau, qui renvoie aux conditions concrètes de la communication humaine, où les contraintes textuelles l’emportent désormais sur la logique discursive. Cette perspective historique change bien des choses. Pendant longtemps, on a attribué à Flaubert (celui de Bouvard et Pécuchet et du Dictionnaire des idées reçues) l’initiative d’une entreprise de déconstruction ironique du stéréotype. En fait, on observe que le stéréotype est, d’emblée et par nature, ironique (ou, du moins, ironisable). L’écrivain qui recourt au stéréotype introduit dans son discours quelque chose qui relève de la reproduction mécanique : il ne peut le faire qu’au second degré, en exhibant l’inadéquation comique du ready made discursif à son objet. Le stéréotype ne succède donc pas au lieu commun. Les lieux communs continuent à encombrer les débats politiques, les discours de comices agricoles ou de distribution des prix, et à dériver vers la langue de bois. Le stéréotype, au contraire, manipulé jubilatoirement par le petit monde du Paris littéraire et journalistique, redonne force à l’écriture, en signalant la distance entre le mot et la chose. Quelque chose ne devient pas stéréotype : il l’est par nécessité structurelle, et à cause de son mode de fonctionnement culturel. Dans une culture qui se mécanise, les écrivains professionnels (les « journalistes ») retournent la mécanique contre elle-même, et inventent au passage ce que Baudelaire appellera la modernité.
31Encore faut-il nuancer la vision du journal du xixe siècle, qui se divise en deux parties, le haut et le bas. Le haut, ce sont les articles politiques, les grandes controverses, les éditoriaux : dans ces articles, domine le lieu commun (au bon et au mauvais sens du terme), la technique oratoire, la recherche argumentée et vrai et du bien. Le bas, c’est le « feuilleton », c’est-à-dire la critique, la chronique culturelle, l’anecdote. Cette distinction déborde du cadre spatial. Même dans le haut, l’argumentation est cernée, débordée par le fait divers, la chronique judiciaire, les « variétés » : toutes sortes d’articles où il s’agit, non d’argumenter (de construire une pensée), mais de décrire, de raconter, de présenter le réel. Notre hypothèse est donc que l’espace journalistique, qui inclut, vers 1840, presque tout l’espace textuel, se distribue en deux sous-ensembles : l’espace argumentatif, où domine le lieu commun, et l’espace narratif, fondé sur le stéréotype — ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu’il n’y ait pas une sorte d’argumentation seconde, dans la narration, grâce au stéréotype. En fait, le stéréotype journalistique est l’outil nécessaire, au xixe siècle, de la représentation de l’autre. Représentation figée, schématique, caricaturale, mais représentation tout de même de l’autre dans ses différences, alors que le lieu commun du discours politique tend à penser l’autre, sans dire, décrire ni faire voir ses spécificités, mais en les niant au contraire grâce au recours aux vieilles catégories de l’éloquence aristotélicienne. Le stéréotype suscite des images mentales, et ces images participent de la découverte de l’autre et de l’ailleurs.
32On devine ici que, pour comprendre ce qui joue, en profondeur, dans cet univers du périodique, il faut absolument tout lire, oublier les hiérarchies littéraires, s’immerger dans un océan textuel pour en percevoir, de l’intérieur, la dynamique culturelle et scripturale, pour repérer tout ce qui change, à cause du périodique, dans le rapport à l’écriture. Personne ne discute le fait que l’omniprésence de l’image a bouleversé la culture écrite, au xxe siècle. Mais un changement aussi capital est survenu au xixe siècle, à cause de la presse. Ou, plus exactement, la mutation du périodique est la première d’une longue suite qui constitue progressivement notre culture contemporaine. C’est le deuxième objectif d’une histoire littéraire de la presse : celle-ci doit s’inscrire dans une « histoire de la communication humaine » et, notamment, de la communication littéraire. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui, à la suite de Marc Fumaroli, rattachent le littéraire à l’antique et noble philosophie de l’éloquence et, de l’autre, les spécialistes modernistes des médias, mais une seule discipline, qui s’attache à l’histoire des outils que les hommes ont élaborés pour communiquer. Ce qui suppose à la fois de mettre en relation l’histoire littéraire et l’histoire des formes sociales de communication, et de s’interdire de lier de façon anhistorique le fait littéraire à l’un des supports de la communication littéraire, qu’on hypostasierait ainsi (que ce soit le livre, le manuscrit, la parole…) : aussi, malgré les apparences, l’histoire littéraire de la presse, précisément parce qu’elle bouscule nos habitudes (et le privilège arbitraire accordé au livre imprimé), nous ramène-t-elle de façon opportune et salubre à la sempiternelle question « qu’est-ce que la littérature ? », et nous oblige à redéfinir, ou à définir enfin, ce qu’est, exactement l’histoire de la littérature, de façon beaucoup plus rigoureuse et sourcilleuse, paradoxalement, que les habituels gardiens du temple « Littérature ».
33Enfin — c’est là son troisième objectif —, cette histoire doit nous conduire à examiner en quoi le journal restructure notre vision des choses et notre conception de la culture et de la société : en bref, de tout ce que nous croyons être notre réel. Ce qui nous renvoie à l’histoire culturelle, avec laquelle il nous faut patiemment prendre la mesure de ce qui constitue bien une « Civilisation du journal ».
Notes
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[1]
Fruit de la collaboration du Centre d’études romantiques et dix-neuviémistes (Montpellier-3), du Centre d’histoire du xixe siècle (Paris-1/Paris-4) et de l’UMR Lire (CNRS/Lyon 2), ce projet est piloté par un comité éditorial composé de Jean-Pierre Bertrand, Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant.
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[2]
Les quelques développements consacrés à ces questions, souvent très anciens d’ailleurs, ont davantage mis l’accent sur les méthodes à mettre en œuvre (et les pièges à éviter) que sur les orientations de fond prises par l’histoire de la presse. Voir notamment Georges Bourgin, « Essai sur l’histoire de la presse française », Bulletin du Comité international des sciences historiques, n° 22, 1934, p. 26-70 ; Jacques Kayser, « L’historien et la presse », Revue historique, n° 218-2, 1957, p. 284-309 ; Pierre Guiral, « Problèmes d’histoire de la presse », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. XVIII, n° 4, 1971, p. 481-488 ; Pierre Albert, « Remarques sur les recherches en histoire de la presse », Bulletin d’histoire moderne et contemporaine, n° 9, 1975, p. 39-72, ainsi que les 3 pages de l’avant-propos de sa thèse (citée n. 8) consacrée aux « différentes conceptions de l’histoire de la presse ».
-
[3]
Histoire politique et littéraire de la presse en France, avec une introduction historique sur les origines du journal et la bibliographie générale des journaux depuis leur origine, Paris, Poulet-Malassis, 1861.
-
[4]
Cf. notamment les travaux menés sous l’impulsion de Pierre Rétat et de Jean Sgard.
-
[5]
H. Avenel, La presse de 1789 à nos jours, Paris, Flammarion, 1900 ; E. Dubief, Le journalisme, Paris, Hachette, 1892 ; J. Pigelet, L’organisation intérieure de la presse périodique française, Orléans, Paul Pigelet, 1909 ; A. de Chambure, À travers la presse, Paris, Th. Fert, Albouy, 1914 ; Charpentier, La chasse aux nouvelles. Exploits et ruses de reporters, Paris, Éditions du croissant, 1926.
-
[6]
Georges Weill, Le Journal. Origines, évolution et rôle de la presse périodique, Paris, La Renaissance du livre, 1934.
-
[7]
Georges Weill, Histoire du parti républicain en France, 1814-1870, Paris, Alcan, 1928.
-
[8]
Signalons cependant que ce mouvement n’épuise pas celui de l’histoire interne et professionnelle de la presse par les journalistes, comme en témoignent les ouvrages de Charles Lédré (Histoire de la presse, Fayard, 1958), Raymond Manevy (La presse française de Renaudot à Rochefort, Forest, 1958), plus tard Thomas Ferenczi (L’Invention du journalisme en France. Naissance de la presse moderne à la fin du xixe siècle, Plon, 1993).
-
[9]
Citons, parmi un grand nombre de travaux importants, ceux de Jacques Kayser (dir.), La presse de province sous la III République, Paris, A. Colin, 1958 ; Françoise Mayeur, L’Aube : étude d’un journal d’opinion, Colin, 1967 ; Pierre Sorlin, La Croix et les juifs (1880-1899), Paris, Grasset, 1967 ; Jean-Pierre Kintz, Journaux et journalistes strasbourgeois sous le Second Empire, Strasbourg, Istra, 1974 ; Henri Lerner, La Dépêche, journal de la démocratie, Publications de l’université de Toulouse-Le Mirail, 1978 ; Pierre Albert, Histoire de la presse politique nationale au début de la III République (1871-1879), Lille, Atelier des thèses de l’Université de Lille-3, 1980 ; François Roth, Le Temps des journaux. Presse et cultures nationales en Loraine mosellane (1860-1940), Presses universitaires de Nancy, 1983.
-
[10]
Henri Mitterand, Zola journaliste, Paris, Armand Colin, 1962 ; René Guise, Le Phénomène du roman-feuilleton (1828-1848). La crise de croissance du roman, thèse d’État, dactyl., Université de Nancy-2, 1975 ; Roger Bellet, Jules Vallès journaliste (1857-1885), Éditeurs français réunis, 1977, repris sous le titre Jules Vallès, journalisme et révolution, Tusson, Du Lérot, 1988 ; Roland Chollet, Balzac journaliste. Le tournant de 1830, Paris, Klincksieck, 1983 ; Lise Queffelec, Naissance d’un genre, le roman populaire. Les feuilletons de La Presse sous la Monarchie de Juillet, thèse de IIIe cycle, Université de Paris-4, 1983.
-
[11]
Michael Palmer, Des petits journaux aux grandes agences. Naissance du journalisme moderne (1863-1914), Paris, Aubier, 1983.
-
[12]
Jean-Pierre Seguin, Nouvelles à sensation, les canards du xixe siècle, Paris, Colin, 1959 ; L’information en France avant le périodique, Paris, Maisonneuve et Larose, 1964.
-
[13]
Anne-Marie Thiesse, Le roman du quotidien. Lecteurs et lectures populaires à la Belle Époque, Paris, Le Chemin Vert, 1984, rééd. Seuil 2000.
-
[14]
Marc Martin, Histoire et médias. Journalistes et journalisme français, 1950-1990, Paris, Albin-Michel, 1991, ainsi que Médias et Journalistes de la République, Paris, Odile Jacob, 1997 ; Christian Delporte, Dessinateurs de presse et dessin politique en France des années 1920 à la Libération, thèse d’histoire (sous la dir. de René Rémond), IEP de Paris, 1991, et Les journalistes en France, 1880-1950. Naissance et construction d’une profession, Paris, Le Seuil, 1999.
-
[15]
Jean-Noël Jeanneney, « Les médias », dans René Rémond (dir.), Pour une histoire politique, Paris, Seuil, 1988, p. 185-198 ; –, Une histoire des médias, des origines à nos jours, Paris, Seuil, 1995.
-
[16]
Michel Rapaport (dir.), Culture et religion. Europe – xixe siècle, Paris, Atlande, p. 24.
-
[17]
William H. Sewel, « The Concept(s) of Culture », in Victorial Bonnell & Lynn Hunt (eds), Beyond the Cultural Turn. New Directions in the Study of Society and Culture, Berkeley, University of California Press, 1999, p. 35-61.
-
[18]
Expression proposée par Dominique Kalifa dans la conclusion de L’Encre et le sang. Récits de crimes et société à la Belle Époque, Paris, Fayard, 1995, p. 302.
-
[19]
Dans E. François (dir.), Sociabilité et société bourgeoise en France, en Allemagne et en Suisse, Édition recherches sur les civilisations, 1986.
-
[20]
Jeremy D. Popkin, Press, Revolution and Social Identity in France, 1830-1835, The Penn State University Press, 2002.
-
[21]
D. Kalifa, La Culture de masse en France. 1 : 1860-1930, Paris, La Découverte, 2001.
-
[22]
Benoît Lenoble, Le journal au temps du réclamisme, DEA d’histoire, Université Paris-1, 2003.
-
[23]
D. Kalifa, « L’entrée de la France en régime médiatique : l’étape des années 1860 », dans Jacques Migozzi (dir.), De l’écrit à l’écran. Littérature populaire : mutations génériques, mutations médiatiques, Limoges, Pulim, 2000, p. 39-51.
-
[24]
Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant, 1836. L’an I de l’ère médiatique, Paris, Nouveau Monde éditions, 2001.
-
[25]
Sur l’histoire littéraire et ses nouvelles orientations, « Multiple histoire littéraire », Revue d’histoire littéraire de la France, juil.-sept. 2003, 103-3, p. 515-668.
-
[26]
Pour une analyse historique de cette figure nouvelle, voir L’Écrivain-journaliste au xixe siècle : un mutant des Lettres, Saint-Étienne, Éditions des Cahiers intempestifs, 2003.
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[27]
Les analyses développées ici prolongent des hypothèses dont on retrouvera une première formulation dans Alain Vaillant et Éric Térouanne, « Le roman au xixe siècle ou la littérature-livre », Revue d’histoire du xixe siècle, n° 19, 1999/2, p. 15-34 ; M.-È. Thérenty et A. Vaillant, op. cit.
-
[28]
Cf. Charles Baudelaire, « Conseils aux jeunes littérateurs » [L’Esprit Public, feuilleton du 15 avril 1846], dans Œuvres complètes, C. Pichois éd., Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, t. 2, 1976, p. 15 : «(…) j’admets et j’admire la camaraderie (…) Elle est une des saintes manifestations de la nature, une des nombreuses applications de ce proverbe sacré : l’union fait la force».
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[29]
Sur le lien entre presse et roman, voir Marie-Ève Thérenty, Mosaïques. Être écrivain entre presse et roman (1829-1836), Paris, Champion, 2003.
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[30]
Pour une présentation synthétique de l’analyse linguistique du stéréotype, voir Ruth Amossy et Anne Herschberg-Pierrot, Stéréotypes et clichés, Paris, Nathan, 1997.