Notes
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[1]
Je remercie chaleureusement P. Alexandre et J.L. Kupper (Université de Liège) pour leur relecture et leurs précieux conseils, ainsi que W. De Craecker, ingénieur civil, pour les éclairages scientifiques et techniques (cristallographie, optique, magnétisme, sciences naturelles, construction navale, etc.).
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[2]
Sur le terme « Vikings », voir J. Byock, L’Islande des Vikings, Paris, 2007, p. 29 ; J.M. Maillefer, Les Vikings, Paris, 2015, p. 31–32, rappelle que ce terme est l’objet de débats depuis 150 ans quant à son étymologie. Stricto sensu, dans les sources norroises, viking est un nom commun désignant une activité qui correspond à la piraterie, et ceux qui s’y adonnent sont les víkingr. Ce n’est qu’au xxe siècle que « Viking » reçoit une acception large mais encore contestée, à savoir l’ensemble de la population scandinave vivant entre le ixe et le xie siècle : G. Cattaneo, Le parler viking. Vocabulaire historique de la Scandinavie ancienne et médiévale, Bayeux, 2017, p. 26–27.
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[3]
Chronologie détaillée dans The Oxford illustrated history of the Vikings, éd. P. Sawyer, Oxford, 1997, p. 273–281 ; R. Boyer, Les Vikings. Histoire, mythes, dictionnaire, Paris, 2008, p. 17–25. Sur cette extension des Vikings en Atlantique Nord, P. Bauduin, Les Vikings, Paris, 2014, p. 78–89 ; Id., Histoire des Vikings. Des invasions à la diaspora, Paris, 2019, p. 95-97, 271-281, 443-450 ; L. Musset, Les invasions. Le second assaut contre l’Europe chrétienne (viie–xie siècles), Paris, 1971, p. 214–220 ; Les Vikings, éd. M. de Boüard, Paris, 1968, p. 96–119. Le Groenland est mentionné dans l’Histoire du roi Olaf fils Tryggvi, chap. 86 : Histoire des rois de Norvège par Snorri Sturluson. Heimskringla, trad. F.X. Dillmann, Paris, 2000, p. 321, 577 ; Snorri Sturluson (1178–1241) a utilisé l’Íslendingabók (ou Livre des Islandais) écrit par Ari le Savant (vers 1120–1130), notamment le chap. 6 sur la colonisation du Groenland. Il est considéré comme un ouvrage fiable. Les territoires américains abordés sont désignés dans les textes par Helluland (« pays de la pierre plate »), Markland (« pays de la forêt ») et Vinland (« pays de la vigne » ou « pays des prairies », suivant les interprétations) : Saga d’Eiríkr le Rouge, Sagas islandaises, trad. R. Boyer, Paris, 1987, p. 346–347. La plus ancienne mention du Vinland date d’environ 1073–1075 et est due à Adam de Brême, Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum, iv, 39, éd. B. Schmeidler, MGH, Scriptores in usum scholarum, t. 2, Hanovre, 1917, p. 275 : […] unam insulam […] quae dicitur Winland […]. Sur ces territoires, voir infra n. 58 ; sur la valeur des sagas, n. 59. Voir la carte en annexe, p. 650.
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[4]
Plusieurs textes attestent de l’existence d’ancêtres des portulans (livres d’instructions nautiques), mais ils datent du xiie siècle, donc sont postérieurs à l’âge viking : C. Deluz, Une image du monde. La géographie dans l’Occident médiéval (ve–xve siècle), La Terre. Connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, éd. P. Gautier Dalché, Turnhout, 2013, p. 56. A. Winroth, Au temps des Vikings, Paris, 2018, p. 103, parle aussi d’instructions de navigation mises par écrit en Islande et cite le texte tiré du Landnámabók (version Hauksbók du Livre de la colonisation de l’Islande, datant du début du xive siècle) : voir infra n. 61.
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[5]
Si l’on trace sur une carte la route de la Scandinavie à l’Islande, on a les distances approximatives suivantes : Bergen–Nord des Shetland = 200 milles ou ca 370 km ; Nord des Shetland–Sud des Féroé = 200 milles ou ca 370 km ; Sud des Féroé–Sud de l’Islande = 300 milles ou ca 560 km ; d’où Bergen–Sud de l’Islande = 700 milles ou ca 1 300 km. Puis Islande–Groenland (au plus court par le détroit du Danemark entre le nord-ouest de l’Islande et la côte est du Groenland) : 370 km ; ouest du Groenland–Terre de Baffin, Labrador ou Terre-Neuve : respectivement 400, 800 ou 1 200 km. Donc au total, de Bergen à Terre-Neuve : 1 300 km + 1 200 km = 2 500 km. Voir P. Adam, Problèmes de navigation dans l’Atlantique Nord, Les Vikings et leur civilisation. Problèmes actuels, éd. R. Boyer, Paris, 1976, p. 49–50 ; carte dans Byock, L’Islande des Vikings, p. 25 ; Istituto Geographico De Agostini, Le Grand Atlas géographique Le Monde, Novare, 2014. N’oublions pas que la projection de Mercator agrandit distances et surfaces dans les hautes latitudes (au-delà de 60°) ; d’où la grandeur apparente énorme du Groenland et les distances entre les îles paraissant plus grandes qu’elles ne le sont en réalité.
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[6]
Dans l’océan Indien, les marins parcourent de longues distances (parfois 2 000 km) sans voir une seule île, profitant de la mousson (est vers ouest) de juin à septembre et des vents contraires (ouest vers est) pendant le reste de l’année : M. Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation durant le Moyen Âge, Thèse de doctorat en Histoire, Conservatoire National des Arts et métiers (Paris), 2012, p. 225. Sur les voyages dans le Pacifique, voir J.E. Huth, The lost art of finding our way, Londres–Cambridge, 2013, p. 6–9 ; O. Le Carrer, Trouver le nord et autres secrets d’orientation des voyageurs d’autrefois, Paris, 2016, p. 31–51.
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[7]
U. Schnall, Navigation der Wikinger. Nautische Probleme der Wikingerzeit im Spiegel der schriftlichen Quellen, Oldenburg–Hambourg, 1975, p. 9–10.
-
[8]
Ils ne seraient pas vraiment les premiers : Dicuil (ca 755–ca 825), moine irlandais, parle de l’arrivée d’ermites irlandais au cours du viiie siècle aux îles Féroé et en Islande : Trigesimus nunc annus est a quo nuntiaverunt mihi clerici qui […] in illa insula manserunt […] : Dicuil, Liber de mensura orbis terrae, vii, 11, éd. J.J. Tierney, L. Bieler, Dublin, 1967, p. 74 ; D. Meier, Seafarers, merchants and pirates in the Middle Ages, Woodridge–Rochester, 2006, p. 99–100 ; Boyer, Les Vikings, p. 566. Cette présence démontre que ces îles sont relativement accessibles. Les Scandinaves débarquant en Islande appellent ces ermites arrivés avant eux papar. Comment y seraient-ils arrivés (distance Irlande–Hébrides–Féroé : 650 km ; distance Féroé–Islande : 560 km, soit un total Irlande–Islande = ca 1 200 km) ? Sont-ils partis à l’aveuglette, simplement en quête de solitude au-delà de la mer ? Encore une énigme… Sur Dicuil, N. Bouloux, L’espace habité, La Terre. Connaissance, représentations, mesure, p. 314–319. Notons que G. Karlsson, Brève histoire de l’Islande, Reykjavík, 2016, p. 4, conteste la présence de ces ermites irlandais et que Byock, L’Islande des Vikings, p. 24, n’en parle pas.
-
[9]
La polarisation lumineuse est la propriété qu’acquiert un rayon de lumière lorsque la direction de la vibration devient fixe et rectiligne au lieu de se déplacer en vrille en toutes directions.
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[10]
P.G. Foote, Icelandic sólarsteinn and the medieval background, ARV. Journal of Scandinavian Folklore, t. 12, 1956, p. 27 ; Schnall, Navigation der Wikinger, p. 92–105, ne retient pas cette hypothèse, pas plus que K.A. Seaver, The last Vikings. The epic story of the great Norse voyages, Londres–New York, 2010, p. 17.
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[11]
Raudulfs Þáttur, The story of Raud and his sons, Londres, 1947, p. 24 ; Hrafns saga Sveinbjarrersonar, éd. G.P. Helgadottir, Oxford, 1987 (traduction française dans Les Vikings, éd. de Boüard, p. 14) ; A. Einarsson, Sólarsteinninn. Tæki eða tákn ? (The sunstone : fact and fiction), Gripla, t. 21, 2010, p. 281–297 (résumé anglais, p. 296–297). Selon lui, utilisée seule, cette pierre ne serait pas vraiment utile pour la navigation en haute mer. Il met aussi en garde : les sources où il en est fait mention sont des œuvres allégoriques.
-
[12]
Le trichroïsme est la propriété qu’ont certains cristaux de présenter trois couleurs suivant leur orientation et l’angle sous lequel on les observe. K. Föge, La cordiérite, de la gemme au produit industriel, Marseille, 2013, p. 12. T. Ramskou pense que la cordiérite a des propriétés correspondant à celles du compas céleste (skycompass) mis au point au milieu du xxe siècle pour remplacer la boussole magnétique, inutilisable dans les régions polaires : T. Ramskou, Solstenen, Copenhague, 1969, p. 69–70, et Id., La navigation primitive des Vikings, Les Vikings et leur civilisation, p. 46–48 ; pour vérifier son hypothèse, il va en avion du Groenland à Copenhague et constate que la cordiérite lui permet de déterminer l’azimut du Soleil (l’angle horizontal entre la direction de celui-ci et celle du nord géographique) à 5° près ; il en conclut que les Scandinaves étaient des navigateurs aux connaissances en astronomie beaucoup plus sophistiquées qu’on ne le croit généralement : F. Rogers, Precision Astrolabe. Portuguese navigators and transoceanic aviation, Lisbonne, 1971, p. 288–291 ; de là à transposer une pratique de la navigation aérienne du milieu du xxe siècle à la navigation des Vikings, il y a un pas que nous ne franchirons pas, pas plus que Föge, La cordiérite, p. 13.
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[13]
La réfraction (ou réfringence) d’un rayon lumineux est le phénomène par lequel il change de direction quand il passe d’un milieu dans un autre (par exemple de l’air au cristal). La biréfringence est la propriété qu’ont certains cristaux de dédoubler les rayons lumineux les traversant ; elle s’observe à l’œil nu dans certains cristaux (notamment la calcite). Sur les propriétés optiques et la description de la cordiérite et de la calcite : O. Johnsen, Guide Delachaux des minéraux, Paris, 2010, p. 66–73, 291–292, 185–188 ; C. De Craecker-Dussart, À la croisée des sciences. Cristallographie et optique, Athena, t. 311, 2015, p. 32–35.
-
[14]
Huth, The lost art of finding our way, p. 181 ; Þ. Vihjalmsson, Time and travel in Old Norse society, Disputatio. An international transdisciplinary Journal of the Late Middle Ages, t. 2, 1997, p. 89–114, est sceptique.
-
[15]
Sur la fiabilité des sources, voir infra n. 59–60.
-
[16]
Seaver, The last Vikings, p. 17, et Einarsson, Sólarsteinninn, p. 297, se demandent si la pierre de soleil n’était pas considérée par les églises et les monastères comme une aide pour établir les heures canoniques, d’autant plus que les autres mentions de la pierre se trouvent dans des inventaires de ces établissements religieux ; Einarsson fait aussi remarquer, à juste titre, que, utilisée seule, cette pierre ne serait pas utile pour la navigation en haute mer. Récemment, un fragment de calcite aurait été découvert en Islande du nord-est dans un établissement viking, ce qui tendrait à prouver que ce spath d’Islande était utilisé au temps viking : A. Le Floch, G. Ropars, J. Lucas, S. Wright, T. Davenport, M. Corfield, M. Harrisson, The sixteenth century Alderney crystal : a calcite as an efficient reference optical compass ?, Proceedings of Royal Society A. Mathematical, Physical and Engineering Science, t. 469, 2013, p. 14 ; il s’avère néanmoins que cet endroit pourrait être un temple ou un centre rituel : G. Lucas, C. Batey, G. Gudmundsson, I.T. Lawson, T.H. McGovern, I.A. Simpson., Hofstadir Excavations of a Viking Age feasting hall in north-eastern Iceland, Reykjavík, 2009, p. 253–321. Rien ne dit que cette pierre servait à la navigation.
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[17]
Le Floch e.a., The sixteenth century Alderney crystal ; G. Ropars, G. Gorre, A. Le Floch, J. Enoch, V. Lakshminarayanan, A depolarizer as a possible precise sunstone for Viking navigation by polarized skylight, Proceedings of Royal Society A. Mathematical, Physical and Engineering Science, t. 468, 2012, p. 671–684 ; L. K. Karlsen, Secrets of the Viking navigators. How the Vikings used their amazing sunstones and other techniques to cross the open ocean, Seattle, 2003, expose déjà comment il voit les applications pratiques et l’usage de la pierre de soleil qui, pour lui, ne fait aucun doute.
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[18]
Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 249–256 ; voir aussi C. De Craecker-Dussart, Boussoles, compas, gyroscopes et GPS, Athena, t. 315, 2015, p. 32–35. Sur le compas magnétique (terme utilisé en navigation maritime et aérienne au lieu de boussole, réservée à l’usage sur terre) : A. Gillet, Une histoire du point en mer, Paris, 2000, p. 11–16 ; sur l’introduction de la boussole en Occident fin xiie–début xiiie siècle : R. Halleux, Les noms latins de la pierre d’aimant et les premières mentions de la boussole en Occident, Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2012, p. 1263–1269 ; E. Vagnon, La représentation cartographique de l’espace maritime, La Terre. Connaissance, représentations, mesure, p. 459–472 ; P. Juhel, L’aventure de l’aiguille aimantée. Histoire de la boussole, Versailles, 2013.
-
[19]
L’expérience est facile à faire : on approche un objet métallique d’une boussole magnétique pour voir l’aiguille bouger. Des boussoles indifférentes aux perturbations magnétiques n’apparaissent qu’au xixe siècle : Gillet, Une histoire du point en mer, p. 14–15. Une autre cause de dérèglement d’une boussole est la proximité du pôle Nord. Aux pôles, le champ magnétique est vertical et une boussole, dont l’aiguille est maintenue horizontale, ne pointe plus vers une direction particulière. Donc au-delà du cercle arctique, on ne peut plus s’y fier, ce qui, du même coup, écarte son usage éventuel par les Vikings lors de leurs voyages dans cette zone. Les avions rencontraient le même problème quand ils passaient au-dessus de l’Arctique pour raccourcir les trajets : Rogers, Precision Astrolabe, p. 289, et D. Ottello, Paris Tokyo par la zone polaire nord, AviaTechno. Technologie et aéronautique, en ligne : http://aviatechno.net/constellation/route_polaire.php (dernière consultation : 7 décembre 2019).
-
[20]
Sur ce compas : F. Durand, Un instrument de navigation des Vikings ? À propos d’une découverte archéologique au Groenland, Proxima Tulé. Revue d’Études nordiques, t. 1, 1994, p. 13–24 ; D. Bouet, Les bateaux vikings, Bayeux, 2014, p. 63–65.
-
[21]
Dans le fjord Uunartoq, au sud-ouest du Groenland ; c’est là que les Vikings se seraient d’abord installés et auraient créé « l’Établissement de l’Est » ou Eystribyggð, actuelle Julianehåb, (en fait sur la côte sud, la plus favorisée, mais un peu à l’est de l’autre établissement, d’où son nom) ; de là, certains sont allés 400 km plus au nord, dans « l’Établissement de l’Ouest » ou Vestribyggð, actuelle Godthåb, où les conditions hivernales étaient plus rudes, mais qui servait sans doute de point de départ vers le Groenland du Nord, riche en certaines ressources comme peaux, fourrures, ivoires (défenses de morses et de narvals) : Boyer, Les Vikings, p. 560. Voir aussi K.A. Seaver, The frozen echo. Greenland and the exploration of North America ca A.D. 1000–1500, Stanford, 1996, p. 3–12 ; Id., The Last Vikings, Londres, 2010, p. 17–18.
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[22]
Gillet, Une histoire du point en mer, p. 12. Citons F. Durand, Les Vikings et la mer, Paris, 1996, p. 88 : « Ils ignoraient d’évidence notre division de l’horizon en 360°. La mythologie du paganisme germanique se représentait les quatre points cardinaux sous la forme de quatre nains appelés respectivement Norðri, Austri, Suðri et Vestri, et qui devinrent pour les navigateurs nordiques les quatre références azimutales, les høfuð-aettir. En les divisant par deux, on obtint les aettir proprement dites, donc les huitièmes. S’orienter allait se dire deila aettir, c’est-à-dire distinguer les huitièmes […]. Ces angles de 45° furent à nouveau divisés par deux, les miðmundastaðir, et encore par deux, la rose des vents utilisée comportant donc 32 traits. »
-
[23]
Ibid., p. 94–98, tout en montrant l’intérêt de cette découverte, conseille la prudence, aucun texte n’en faisant apparemment mention.
-
[24]
La courbe gnomonique résulte de la succession des points limites de l’ombre formée au fil des heures par le Soleil sur un bâton, le gnomon, placé verticalement au centre du cadran. Le point de la courbe le plus proche du centre correspond à l’ombre du Soleil au zénith. Si l’on relie ce point au centre du cadran, on a l’axe nord-sud. Plus complètement, le gnomon (déjà utilisé à Babylone et dans l’Égypte ancienne, au iie millénaire av. J.-C.) est un instrument composé d’un style et d’une surface plane, pour mesurer la variation de la longueur de l’ombre en fonction de la position du Soleil. C’est l’ancêtre du cadran solaire : O. Le Carrer, Océans de papier, Grenoble, 2006, p. 128.
-
[25]
Meier, Seafarers, merchants and pirates, p. 46.
-
[26]
Seaver, The frozen echo, p. 17–18, 333 : une reconstitution du « compas solaire », découvert à Narsarsuaq, a été testée avec succès à bord de la réplique d’un bateau viking, Gaïa, mis au jour à Gokstad, qui a pris la mer depuis la Norvège jusqu’en Amérique du Nord, en 1991.
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[27]
Description détaillée et usage supposé du cadran découvert dans Durand, Un instrument de navigation, p. 14, 18–19 ; voir l’illustration du cadran p. 15, 17. Il note que le Musée National de Copenhague ne le présente pas comme un instrument nautique.
-
[28]
Voir supra n. 22.
-
[29]
Meier, Seafarers, merchants and pirates, p. 46 ; Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 249–256 : une fois le disque calibré, si l’ombre du gnomon est trop à droite ou trop à gauche, on serait trop au nord ou trop au sud du cap suivi. Cette théorie est séduisante, mais difficile à réaliser : comment tenir un tel instrument horizontalement sur un bateau voguant en mer houleuse ? Voir infra n. 33.
-
[30]
C’était l’avis de Ramskou : voir supra n. 12 ; Rogers, Precision Astrolabe, p. 288–291. Malheureusement, les sources sont rares et postérieures aux Vikings. Pourtant, les observations astronomiques ont probablement eu leur importance, même si on ne sait pas quels instruments étaient utilisés. La tradition islandaise garde le souvenir d’Oddi Helgason (Stjörnu-Oddi, dit Oddi aux étoiles, xiie siècle), qui a fait des calculs, comme les dates des solstices d’été et d’hiver, la direction du Soleil à l’aube et au crépuscule, les mouvements solaires visibles qui augmentent du solstice d’hiver au solstice d’été, puis décroissent jusqu’au solstice d’hiver suivant : Þ. Vilhjalmsson, Time-reckoning in Iceland before literacy, Archaeoastronomy in the 1990s, éd. C.L.N. Ruggles, 1991, Loughborough, p. 72–76 ; Id., Time and travel in Old Norse society, p. 89–114 et n. 15 ; Boyer, Les Vikings, p. 335–336, 408, 659–660. On sait aussi que les Scandinaves avaient du monde une image sphérique et ne craignaient pas de tomber dans le vide : Seaver, The last Vikings, p. 14–15.
-
[31]
Huth, The lost art of finding our way, p. 175, étend cette période en dehors du solstice d’été ; en général, à ces latitudes, un compas solaire peut raisonnablement être utilisé pendant une semaine, voire un peu plus, avant de procéder à un nouveau calibrage.
-
[32]
Schnall, Navigation der Wikinger, p. 85–92, en particulier p. 88.
-
[33]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 90. On peut l’imaginer posé sur un bac d’eau, où il flotterait horizontalement sur mer calme, mais ni houleuse ni démontée, bien entendu. Rappelons le temps et les essais nécessaires à la conception du chronomètre de marine de John Harrison au xviiie siècle : J. Betts, Harrison, Greenwich, 2007 ; C. De Craecker-Dussart, Le chronomètre au service de la longitude et de la navigation, Athena, t. 272, 2011, p. 13–15.
-
[34]
Seaver, The last Vikings, p. 17.
-
[35]
Vihjalmsson, Time and travel, p. 110.
-
[36]
Seaver, The last Vikings, p. 18 : un petit disque aurait été trouvé récemment à Qorlortoq au Groenland, dans « l’Établissement de l’Est », ce qui pourrait affermir la thèse selon laquelle Érík le Rouge (Eiríkr rauði) et ses compagnons auraient utilisé une sorte de compas solaire ; malheureusement aucune précision n’est donnée sur ce disque. Bouet, Les bateaux vikings, p. 65 signale la découverte récente à Vatnahverfi, aussi dans « l’Établissement de l’Est », d’un petit compas solaire ; il en a fait une réplique pour tenter d’expérimenter son utilité : une pierre positionnée horizontalement avec un gnomon et une courbe supérieure correspondant à un relevé du gnomon ; la pierre serait tournée de façon à ce que l’ombre du gnomon arrive jusque sur la dite courbe ; il serait alors possible de déterminer le nord, à condition d’avoir un temps clair et une mer calme. Boyer, Les Vikings, p. 660–661 signale un autre objet découvert dans un tumulus fouillé en 1906, dans l’île bretonne de Groix (au large de Lorient) : un cercle de 60 cm de diamètre, avec un décor extérieur en forme de feuilles (il y en aurait eu 32 sur toute la circonférence, à intervalle régulier de 11° 15’) (Musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye) ; selon P. Bergthörsson, Les Vikings en France, Dossiers de l’Archéologie, t. 277, 2002, p. 72–79, ce pourrait être un instrument de navigation, se basant sur la reconstitution due à M. von Muller-Wille, Das Schiffsgrab von der Ile de Groix (Bretagne), Ausgrabungen in Haitabu (1963–1980). Das archäologische Fundmaterial der Ausgrabung Haithabu, Neumünster, 1978, p. 57 ; l’ensemble aurait été fixé sur un fond circulaire en bois avec une aiguille orthogonale en son centre, tandis qu’une autre serait posée sur le disque en partant du milieu : L. Langouët, La sépulture viking à barque de l’île de Groix (Morbihan), Bulletin de l’Association Manche Atlantique pour la Recherche archéologique dans les Îles, t. 19, 2006, p. 94–95 ; ce pourrait être un instrument adapté à la latitude de l’île de Groix. Mais ici non plus, rien n’est sûr.
-
[37]
Saga des Groenlandais (Grœnlendinga saga), Sagas islandaises, p. 359.
-
[38]
Durand, Les Vikings et la mer, p. 96–98.
-
[39]
Certains émettent même l’hypothèse d’associer pierre de soleil et compas solaire ou cadran de position, éventuellement en un seul instrument combiné, pour expliquer les voyages des Vikings dans l’Atlantique Nord. : B. Bernáth, A. Farkas, D. Száz, M. Blahó, Á. Egri, A. Barta, S. Åkesson, G. Horváth, How could the Viking sun compass be used with sunstones before and after sunset ? Twilight board as a new interpretation of the Uunartoq artefact fragment, Proceedings of Royal Society A. Mathematical, Physical and Engineering Science, t. 470, 2014, [En ligne]. URL : https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspa.2013.0787. Pourtant, aucune source ne permet d’affirmer que ces deux objets, pris séparément, pourraient avoir été des instruments de navigation. Il est d’autant plus difficile d’avancer de manière sûre que les Vikings ont utilisé les deux lors d’un même voyage.
-
[40]
Navigation à l’estime ou simplement estime (anglais, dead reckoning) : ancien type de navigation « instrumentale » (utilisé du xiiie au xviiie siècle) à l’aide d’une boussole magnétique marine ou compas (donnant le cap), d’un loch ou de son ancêtre le log ou la bûche, et d’un garde-temps, comme un sablier (estimant vitesse en nœuds – ou milles marins/h – et donc distance parcourue en milles marins ; 1 mille marin = environ 1,85 km ; 1 nœud = env. 1,85 km/h). C’est donc une navigation instrumentale, au contraire de la navigation à vue, au jugé ou « au naturel » (voir infra n. 66) ; Huth, The lost art of finding our way, p. 53–80. Cette méthode approximative reste précieuse quand il faut « louvoyer » par vent contraire : Le Carrer, Trouver le nord, p. 150.
-
[41]
Signalons les inscriptions runiques des ixe, xe et xie siècles, les seuls documents contemporains des Vikings, d’où leur importance (outre les strophes scaldiques et les pierres historiées) ; les runes sont d’anciens caractères germaniques utilisés notamment par les Vikings ; celles qui subsistent sont souvent gravées sur un support dur, souvent des pierres levées, mais ne concernent guère le domaine maritime. Une inscription de Hønen en Norvège (ca 1040) fait néanmoins allusion à un voyage au loin ; selon W. Krause, Les runes ou l’écriture des Vikings et des anciens Germains, Paris, 1995, p. 8–9, 144–145, il pourrait s’agir d’une expédition à l’issue dramatique, les voyageurs ayant probablement été jetés sur les côtes du Groenland, où ils périrent de faim et de froid ; Bauduin, Histoire des Vikings, p. 62-65.
-
[42]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 76.
-
[43]
Le terme « estime » traduit l’incertitude entachant cette méthode d’approche de la route à suivre, ce qui explique de nombreux naufrages. En effet, cette manière de naviguer implique toujours un flou quant à la position du navire, flou qui grandit au fil des heures. La vitesse, par exemple, n’est pas nécessairement constante ; il peut y avoir un changement plus ou moins subtil de la vitesse ou/et de la direction du vent : Huth, The lost art of finding our way, p. 69–73. Il y a donc des aléas : Winroth, Au temps des Vikings, p. 104, signale qu’en 838, des pirates danois se noient suite à une tempête : Inter quae Danorum piratae patria egressi, ortoque subito maritimorum luctuum turbine, vix paucissimis eudentibus submersi sunt. D’après Les Annales de Saint-Bertin et de Saint-Vaast, éd. C. Dehaisne, Paris, 1871, p. 27.
-
[44]
Cité par Gillet, Une histoire du point en mer, p. 10. V.F. Dulague était professeur d’hydrographie.
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[45]
Voir supra n. 18.
-
[46]
« Log », terme d’origine néerlandaise signifiant « bûche » ; il consiste en une planchette fixée à l’extrémité d’une corde sur laquelle sont répartis des nœuds régulièrement espacés ; il est lancé à la mer et un marin compte le nombre de nœuds en un temps donné. Une version élaborée, le loch, apparaît au xvie siècle : Gillet, Une histoire du point en mer, p. 10, 16–21, et J. Merrien, Dictionnaire de la mer. Savoir-faire, traditions, vocabulaire, techniques, Paris, 2014, p. 535–537.
-
[47]
L’origine du sablier (ou ampoulette) est floue. Certains le font remonter à l’Antiquité, d’autres au xiiie ou xive siècle : une fresque italienne, datant de 1338 et décorant le Palazzo Publico de Sienne en Italie, contient un sablier comme symbole de la mesure et de la tempérance ; vers 1380, un inventaire de Charles V, roi de France, mentionne un sablier : É. Biémont, Rythmes du temps. Astronomie et calendrier, Bruxelles, 2000, p. 126. Voir aussi J. Randier, L’instrument de marine, Le Touvet, 1999, p. 141.
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[48]
Girouette : mot dérivé du norrois vedrviti ou de l’ancien normand wirewite. La girouette nordique est une plaque de métal pivotant autour d’un axe vertical, placé au sommet d’un édifice ou d’un bateau, pour indiquer la direction du vent : Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 441. Autres exemples que celle de Söderala : girouette de l’église de Tingelstad (1100–1150) (dans l’Oppland, Sud-Est de la Norvège), de l’église de Heggen (1000–1050) (dans le Buskerud, Sud de la Norvège) : Les Vikings. Les Scandinaves et l’Europe, 800–1200, Paris, 1992, p. 228–229, 336 ; G. Bernage, Les Vikings en Normandie, Bayeux, 2011, p. 90-91 ; R. Boyer, L’art viking, Bruxelles, 2001, p. 121, 173–175. Des descriptions contemporaines suggèrent que certaines girouettes, avant d’être placées au sommet des clochers, se trouvaient sur la proue de bateaux vikings : J. Bill, Ships and seamanship, The Oxford illustrated history of the Vikings, p. 201. Sur un morceau de bois gravé, trouvé à Bergen (Norvège) daté du début du xiiie siècle, apparaissent également des figures de proue avec des girouettes sur des navires encore de type viking (Université de Bergen) : Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 91.
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[49]
Appareil servant à sonder, c’est-à-dire évaluer distance et nature du fond : Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 769–772. En anglais : « (sounding) lead » ou « leadline » ou « lead and line » ou « sounding rod ». Considérée comme un instrument de navigation très ancien et utilisé partout ; Hérodote en signale déjà l’usage au ive siècle av. J.-C. : J. Kemp, The use of the lead and line by early navigators in the North Sea ?, TransNav. The International Journal on Maritime Navigation and Safety of Sea Transportation, t. 8, 2014, p. 481–483 ; de plus, « sonde » dérive du norrois sund, « mer » ou « détroit » ou « nage ». Cette étymologie suggère que les Vikings l’utilisaient bel et bien : Huth, The lost art of finding our way, p. 318–319 ; Bill, Ships and seamanship, p. 198–199. Elle permet de savoir si l’on s’approche d’une terre ou de hauts-fonds, mais aussi d’identifier sa position. Elle était utilisée en mer Baltique au xve siècle, si l’on en croit Fra Mauro (religieux italien vivant à Venise, qui dressa une carte du monde connu vers 1450) : Per questo mar non se navega cum carta ni bossolo ma cum scandio ; P. Falchetta, Fra Mauro’s world map with a commentary and translations of the inscriptions, Turnhout, 2006, p. 668–669. De plus, E. Heinsius, Der Bildteppich von Bayeux als Quelle für die Seemannschaft der Wikingerzeit, Vorzeit, 1966, p. 26, a cru pouvoir déduire de la scène reproduite sur la Tapisserie de Bayeux (Hic Harold mare navigavit : D.M. Wilson, La tapisserie de Bayeux, Paris, 2005, section 4) l’emploi d’une sonde : un marin lance vers l’avant une ligne tendue par un corps lourd immergé pour reconnaître la profondeur de l’eau et par là-même constater la vitesse sur le fond. Durand, Les Vikings et la mer, p. 91, rappelle la découverte, sur le site de Dorestad en 1957, d’un plomb piriforme muni d’une anse à sa partie supérieure ; voir le rapport des fouilles : W.A. Van Es et W.J.H. Verwers, Excavations at Dorestad I. The Harbour : Hoogstraat I, Amersfoort, 1980.
-
[50]
Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 222.
-
[51]
Adam, Problèmes de navigation, p. 55.
-
[52]
Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 215–227.
-
[53]
Bill, Ships and seamanship, p. 197–198. C’est ce que fit Ulysse en Méditerranée, selon Homère, Odyssée, chant V, éd. F. Robert, trad. V. Bérard, Paris, 1955, p. 103 : « en gardant toujours l’Ourse à gauche de la main », il voyageait vers l’est.
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[54]
Source datant du ixe siècle, d’où son intérêt particulier : Alfred le Grand, roi de Wessex de 871 à 899, fait traduire en langue vulgaire (vieil anglais) des ouvrages historiques, comme l’Historiarum adversus Paganos libri septem d’Orose, y ajoute des commentaires et des récits de voyages, notamment ceux d’Ohthere, probablement norvégien, et Wulfstan, anglo-saxon : S. Lebecq, Ohthere et Wulfstan : deux navigateurs dans le Nord européen à la fin du ixe siècle, Horizons marins. Itinéraires spirituels (ve–xviiie siècles), t. 2, Marins, navires et affaires, éd. H. Dubois, J.C. Hocquet, A. Vauchez, Paris, 1987, p. 167–181 (trad. franç. par S. Lebecq, p. 175) ; voir aussi J. Bately et A. Englert, Ohthere’s Voyages. A late 9th century account of voyages along the coasts of Norway and Denmark and its cultural context, Roskilde, 2007.
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[55]
Ce récit concerne le cabotage et pas la navigation hauturière. Il est simplement un exemple de l’usage des points cardinaux comme repères. Les Norvégiens les utilisaient sans doute pour la navigation hauturière vers l’ouest. L’existence de termes pour désigner les points cardinaux implique que ceux qui les utilisent ont les moyens et la nécessité de s’orienter et d’établir des directions : Huth, The lost art of finding our way, p. 65. À propos des points cardinaux, voir supra n. 22.
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[56]
Les Romains bâtissent leurs villes en traçant des rues rectilignes : la principale, orientée nord-sud, est le cardo maximus ; la ligne ouest-est, le decumanus maximus ; le tracé des routes se faisait en longeant par à-coups le cardo ou le decumanus ; la plupart du temps, ce tracé est en ligne droite, mais quand il rencontre un obstacle, par exemple un massif montagneux, il serpente ; puis une fois l’obstacle franchi, reprend la première direction ; J. De Graeve, J. Mosselmans, Des agrimensores romains aux arpenteurs au xvie siècle. Catalogue d’exposition à la Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles, 2001, p. 29–31. La méthode des Romains pour déterminer l’axe nord-sud (et donc aussi l’axe est-ouest, le tout sans aiguille aimantée) est connue : J.Y. Guillaumin, Les arpenteurs romains, t. 1, Paris, 2005, p. 102–103.
-
[57]
Byock, L’Islande des Vikings, p. 23–28.
-
[58]
La découverte de l’Amérique du Nord-Est par les Vikings (au moins la Terre de Baffin, le Labrador, Terre-Neuve et peut-être même la vallée du Saint-Laurent) semble un fait acquis, même si l’on ne peut pas identifier de manière certaine l’Helluland (pays de la pierre plate), le Markland (pays de la forêt) et le Vinland (pays de la vigne ou des prairies, selon les interprétations). En 2019, une seule implantation scandinave en Amérique du Nord est sûre, déterminée par les fouilles archéologiques d’Helge Ingstad ayant fourni en 1960 les traces (datées des années 980-1030) de ce qui pourrait être une étape avant de s’aventurer plus loin ou un atelier de réparation de bateaux vikings, l’Anse aux Meadows, à l’extrémité nord de l’île de Terre-Neuve : Bauduin, Les Vikings, p. 86–88 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 7, 111 ; Boyer, Les Vikings, p. 283–286. En 2016, l’existence d’un second site, à Pointe Rosée dans le sud-ouest, a été annoncé mais nécessite confirmation : Bauduin, Histoire des Vikings, p. 280.
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[59]
Les Sagas et les différentes versions du Livre de la colonisation de l’Islande sont une mine de renseignements, mais pas des témoignages historiques assurés, racontant surtout les exploits des chefs vikings et datant d’environ 1180 à 1350, soit d’un à trois siècles après l’ère viking. Il convient d’être prudent quant à leur utilisation comme sources sur une civilisation plus ancienne que celle qui les a produites ; il faut l’être d’autant plus qu’on a l’impression d’objectivité et de réalisme, les auteurs se gardant de juger et d’intervenir. Pourtant, ces sources éclairent des événements historiques avérés (comme les voyages d’exploration dans l’Atlantique Nord), des pratiques et des usages ayant eu cours au début de l’histoire islandaise. Il ne faut donc pas les rejeter a priori, mais y recourir en conjonction avec d’autres sources ; l’art de naviguer, par exemple, repose sur une longue tradition et sur l’expérience et n’a donc probablement guère changé entre l’époque viking et la suivante : F.X. Dillmann insiste sur ce point, dans Histoire des rois de Norvège par Snorri Sturluson, p. 30–37, rappelant la suspicion exagérée dont ces textes ont été l’objet à la fin du xixe et au xxe siècle ; T. Tulinius La « Matière du Nord ». Sagas légendaires et fiction dans la littérature islandais en prose du xiiie siècle, Paris, 1995, p. 18, 38, 55 ; Byock, L’Islande des Vikings, p. 40–41, 117–120, 181 ; Maillefer, Les Vikings, p. 20–22 ; J. Dor, Les sagas islandaises, Cahiers de Clio, t. 113–114, 1993, p. 44 ; Bauduin, Histoire des Vikings, p. 68-71.
-
[60]
Livre de la colonisation de l’Islande ou Landnámabók, éd. et trad. R. Boyer, Turnhout, 2000, p. 31. Ce livre connut un grand succès et plusieurs versions ; Boyer a traduit celle de 1275, Sturlubók, selon lui la plus connue et la plus fiable. Sur la valeur historique du Landnámabók et de l’Íslendingabók, voir Byock, L’Islande des Vikings, p. 117–120, 406 n. 21, 24 ; Bauduin, Histoire des Vikings, p. 67-68.
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[61]
Cité par Byock, L’Islande des Vikings, p. 61 : Livre de la colonisation de l’Islande, version Hauksbók (v. 1306). Sur cette version, voir Livre de la colonisation de l’Islande, p. 22–24.
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[62]
Entre 60° de latitude nord (la route suivie) et 61° 30’ (Sud des Féroé), il y a environ 167 km (1° = 40 000 km/360 = 111,11 km) : Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 292.
-
[63]
1 lieue marine = environ 5,56 km ; donc 12 lieues marines = environ 67 km. Le Sud de l’Islande se trouve à la latitude 63° 30’ ; autrement dit à près de 390 km au nord du 60e parallèle : Ibid., p. 529.
-
[64]
Huth, The lost art of finding our way, p. 53–80.
-
[65]
Pythéas de Marseille, sans instrument de navigation – sinon peut-être une sonde ou un gnomon –, s’est probablement basé sur le Soleil, lorsqu’il est allé dans l’Atlantique Nord, jusqu’à l’île de Thulé ; il pourrait s’agir d’une île des Orcades ou même des Lofoten (au-delà du cercle polaire arctique), à moins que ce ne soient les Féroé ou l’Islande. Il a peut-être atteint le cercle polaire, puisqu’il aurait assisté au jour de 24 heures et aurait vu la mer « figée » (la mer à moitié gelée ou la banquise ?) : J.M. André, M.F. Baslez, Voyager dans l’Antiquité, Paris, 1993, p. 45. Ce voyage est d’autant plus possible que Pythéas a des connaissances astronomiques ; il pense que la Terre tourne autour d’un axe fixe, mais surtout il serait le premier à constater les changements de la durée du jour en fonction de la latitude et les différences de climat quand on voyage du sud au nord : Huth, The lost art of finding our way, p. 103.
-
[66]
Navigation à vue (anglais visual navigation), c’est-à-dire sans instrument (contrairement à la navigation à l’estime : voir supra n. 40).
-
[67]
L. Denoix, Les problèmes de navigation au début des grandes découvertes, Le navire et l’économie maritime du Nord de l’Europe du Moyen Âge au xviiie siècle. Actes du 3e colloque international d’histoire maritime, Paris, 1958, éd. M. Mollat, Paris, 1960, p. 134.
-
[68]
Ainsi le grand glacier Vatnajökull, qui surplombe la côte sud de l’Islande (culminant à la côte sud-est à 2 119 m) pouvait être vu, par temps dégagé, à une distance de 177 km ; le mont Forel (3360 m) sur la côte est du Groenland, peut-être le Bláserkr des marins vikings, était visible à 227 km, donc à mi-chemin entre l’Islande et le Groenland (Parti d’Islande Érík le Rouge « arriva au large du glacier qui s’appelle Blaserkr » : Saga d’Eiríkr le Rouge, p. 333) ; le glacier sur le cap Dyer (2 591 m) en Terre de Baffin, pouvait être vu à 196 km par le navigateur allant du Groenland occidental vers le Labrador et Terre-Neuve via le détroit de Davis : Durand, Les Vikings et la mer, p. 87.
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[69]
Un cairn est un amas de pierres ou de cailloux entassés servant de balise sur la côte ou sur un chemin.
-
[70]
La Saga de Saint Óláf de Snorri Sturluson, éd. et trad. R. Boyer, Paris, 2007, p. 45.
-
[71]
Vers 815, Flóki, fils de Vilgerðr aurait embarqué trois corbeaux. Lorsqu’il les lâche en pleine mer, ils reviennent au bateau si la terre est trop loin ; par contre, ils ne reviennent pas s’ils détectent une terre, pourtant invisible du marin : il suffirait alors de les suivre ; c’est ainsi que Flóki aurait débarqué sur les côtes islandaises : Livre de la colonisation de l’Islande, p. 33. Cet extrait, même s’il fait penser à l’épisode de l’Arche de Noé dans la Bible (les Islandais sont chrétiens depuis plus de deux siècles et imprégnés de lecture biblique) laisse supposer le rôle des oiseaux dans la navigation. Voir aussi Bill, Ships and seamanship, p. 198.
-
[72]
Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 230–231.
-
[73]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 82–87, décrit les zones habituelles des oiseaux marins en les répartissant en trois groupes : 1) les espèces côtières, restant à une distance inférieure à 18 milles (33 km) des côtes (macareux moines, cormorans, mouettes, goélands, etc.) ; 2) les espèces néritiques, volant au-dessus du plateau continental entre 18 et 50 milles (33–92 km) (guillemots, pingouins, fous de Bassan, etc.) ; 3) les espèces océaniques évoluant à plus de 50 milles (92 km) de la côte (albatros, puffins, pétrels, frégates, fulmars, oies, barges, etc.).
-
[74]
J.F. Dejonghe, Les oiseaux dans leur milieu, Paris, 1990, p. 192–194 ; L. Svensson, P.J. Grant, Le guide ornitho. Les 848 espèces d’Europe, Paris, 2004, en particulier p. 42–45, 48–53.
-
[75]
Pour expliquer l’orientation des oiseaux migrateurs eux-mêmes, les scientifiques ont mis en évidence plusieurs types de boussoles internes ou compas biologiques (solaire, stellaire, magnétique, optique, olfactif, etc.) : M. Zucca, La migration des oiseaux. Comprendre les voyageurs du ciel, Bordeaux, 2015, p. 251–287.
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[76]
Parmi les mammifères marins, des baleines, rorquals, cachalots, orques, dauphins, marsouins, bélougas, globicéphales (cétacés), mais aussi morses et phoques (pinnipèdes) : H. Shirihai, B. Jarrett, Mammifères marins du monde, Paris, 2014, passim.
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[77]
Huth, The lost art of finding our way, p. 407.
-
[78]
Le plateau continental est le prolongement du continent sous la mer, limité par le talus continental et s’étendant généralement à des profondeurs inférieures à 200 m ; on y trouve aussi bien le krill (plancton des mers froides, formé de petits crustacés transparents, et qui constitue la nourriture principale des baleines) que des bancs de poissons. Le plateau continental de l’Islande est important, car l’île est une partie émergée de la dorsale médio-atlantique, chaîne de montagnes sous-marines : E. Wahlgren, The Vikings and America, Londres, 1986, p. 150.
-
[79]
Winroth, Au temps des Vikings, p. 103.
-
[80]
Boyer, Les Vikings, p. 549, rappelle que l’Islande est « l’île aux volcans » : il y en a effectivement environ 200, dont certains comptent parmi les plus actifs au monde. M. Rosi, P. Papale, L. Lupi, M. Stoppato, 100 volcans actifs dans le monde, Paris, 2008, p. 10, 52, 130–147 ; H. Gaudru, É. Pradal, À la découverte des volcans extrêmes, Paris, 2013, p. 155–157. Les volcanologues K. Krafft, M. Krafft, À l’assaut des volcans. Islande–Indonésie, Paris,1976, p. 19–27, précisaient que l’Islande est encore une « terre en création, que ce pays qui frôle le cercle polaire est un point chaud de notre globe où des forces volcaniques colossales s’accumulent et se déchaînent. »
-
[81]
Adam de Brême, Gesta, iv, 36, p. 272 : Haec itaque Thyle nunc Island appellatur, a glacie, quae oceanum astringit. De qua etiam hoc memorabile ferunt, quod eadem glacies ita nigra et arida ideatur propter antiquitatem, ut incensa ardeat : cette rumeur pourrait être née de l’existence des volcans qui font de l’Islande une île si particulière ; Ibid., p. 273 : Iuxta Island est oceanus glaciatus et fervens et caligans : lors des éruptions, la lave peut atteindre la mer et provoquer d’énormes nuages de vapeur.
-
[82]
Herbert fut informé par Eskil, un des grands hommes de l’Église en Islande, mais aussi ami de Bernard de Clairvaux. Herbert et Eskil se trouvaient à Clairvaux en même temps, entre 1178 et 1180 : E.M. Jónsson, « Nul ne peut le contester ». Le volcanisme islandais et la preuve de l’existence de l’enfer dans le Miroir royal, Hugur. Mélanges offerts à R. Boyer, éd. C. Lecouteux, Paris, 1997, p. 245–258. Voir Herbertus Turritanus, Liber visionum et miraculorum Clarevallensium, éd. G. Zichi, G. Fois, S. Mula, Turnhout, 2017.
-
[83]
« Pendant la nuit, il y eut là une éruption volcanique et le champ de lave de Borg brûla » : Livre de la colonisation de l’Islande, p. 72. Ou encore, « Herjólfr […] fut le premier à habiter les îles Vestmann (Vestmannaeyjar) […] à l’endroit où il y a maintenant un champ de lave. […] Son fils […] habita là où aujourd’hui tout a été dévasté » ; Ibid., p. 238 : allusion à une éruption volcanique particulièrement violente en ce lieu qui en connaît de temps en temps ; la dernière remonte à 1973. Et ceci : « Hrafn […] sut d’avance qu’il allait y avoir une éruption volcanique et transféra sa résidence à Lágey » ; Ibid., p. 223. Autre manifestation : « Grélöð trouva que le sol exhalait une odeur mauvaise » ; Ibid., p. 116 ; on peut penser qu’il s’agit d’une odeur de soufre. « Il se fit qu’un jour, au matin, Þrasi vit une grande inondation » ; Ibid., p. 207 ; R. Boyer suggère que ce pourrait être la manifestation d’un phénomène naturel assez commun sur l’île : d’énormes amas de glace mêlée de pierre et de boue entrant subitement en fusion sous l’action de la lave et causant de véritables inondations. Enfin, « Hrafnkell […] se réveilla et s’en alla. Arrivé à peu de distance, toute la montagne s’effondra » ; Ibid., p. 203.
-
[84]
M. Detay, A.M. Detay, Volcans. Du feu et de l’eau, Paris, 2013, p. 74–77. On trouve en Islande le grand Geysir qui a donné son nom au phénomène ; le terme « geyser » vient de l’islandais gjosà signifiant « jaillir ». D’après des études géologiques des formations rocheuses thermiques, le champ de Geysir est actif depuis au moins 10 000 ans. Les éruptions du Grand Geysir (certaines de près de 100 m de haut) sont enregistrées pour la première fois en 1294. Depuis l’installation des centrales géothermiques au xxe siècle, l’extraction de la vapeur et le prélèvement des eaux phréatiques chaudes entraînent la réduction, voire l’arrêt de l’activité des geysers situés à proximité, le fragile équilibre naturel requis pour former les jets d’eau et de vapeur étant rompu : R.R. Coenraads, J.I. Koivula, Géologica. La dynamique de la Terre, Potsdam, 2012, p. 166–170. Il est donc évident que le nombre, la puissance et la hauteur des geysers devaient être bien plus grands à la période viking qu’actuellement.
-
[85]
Voir supra n. 68.
-
[86]
Voir supra n. 48.
-
[87]
Saga des Groenlandais, p. 359.
-
[88]
Par exemple, un courant nord-atlantique chaud, prolongation du Gulf Stream, tourne autour de l’Islande (voir carte). Par contre, des courants polaires froids longent la côte est du Groenland, plus inhospitalière que la côte ouest (on comprend pourquoi les Scandinaves se sont installés sur cette dernière) : Byock, L’Islande des Vikings, carte p. 45. « […] ils amenèrent la voile, jetèrent l’ancre et attendirent la marée, car il y avait un violent courant devant eux » : La Saga de Saint Óláf, p. 245. A contrario, l’absence de courant et de vagues ou une zone d’eau calme par mer agitée pouvaient signifier que le bateau se dirigeait vers le rivage abrité d’une île dissimulée dans le brouillard ou la pluie.
-
[89]
« Juste quand vint la fin du mois, toutes les glaces furent chassées par le vent et les marchands eurent bon vent pour quitter le Groenland […] » : Dit des Groenlandais, Sagas islandaises, p. 388. Cela se passe, selon R. Boyer, au mois de juillet ; il s’agit des icebergs qui se détachent des glaciers en mai–juin. Par ailleurs, la clémence du climat nord-atlantique semble avérée du vie–viie au xie–xiie siècle, suite à un réchauffement confirmé par les glaciologues. Les Nordiques ont probablement profité de cette amélioration climatique pour coloniser l’Islande au ixe siècle et aborder au Groenland assez libre de glaces au xe siècle : E. Le Roy Ladurie, Histoire du climat depuis l’an mil, t. 2, Paris, 1983, p. 48–49 ; P. Alexandre, Le climat en Europe au Moyen Âge, Paris, 1987, p. 794–795, 808. Les sources suggèrent que le climat y fut d’une douceur inhabituelle entre environ 870 et 1170, et même encore au xiiie siècle. Pendant ce petit optimum climatique, les températures auraient été supérieures de 1° C à la moyenne de la fin du xxe siècle. Cette époque était donc propice à une migration maritime en Atlantique Nord, les glaces poussées par les courants étant réduites à un minimum. Pour Byock, L’Islande des Vikings, p. 77–78, ce réchauffement aurait pris fin entre le milieu et la fin du xiie siècle, avec pourtant de relatives périodes de chaleurs jusque 1260 ; dès le xie pour J. Malaurie, Les changements du climat dans le Nord-Ouest du Groenland pendant le post-glaciaire récent : nouvelles conclusions palynologiques, géomorphologiques et ethnogénétiques, Les Vikings et leur civilisation, p. 89–95.
-
[90]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 89.
-
[91]
Bill, Ships and seamanship, p. 198.
-
[92]
Voir supra n. 37.
-
[93]
« Veille au bon aspect de ton navire, c’est ce qui attirera les hommes capables, et ton navire sera bien équipé. Prépare-le à prendre la mer lorsque commencera l’été et navigue pendant la meilleure saison. Avec toujours des cordages solides dans ton bâtiment. Évite de t’attarder en mer l’automne venu […] » : d’après Le Miroir du Roi, livre écrit par un anonyme vers 1260, contenant les conseils d’un Norvégien à son fils ; cité par Les Vikings, éd. de Boüard, p. 14 ; texte complet traduit du vieux norvégien dans Le Miroir Royal, trad. E.M. Jónsson, Nyon, 1997. Sur ce texte, voir Patrimoine littéraire européen, t. 4b, Le Moyen Âge. De l’Oural à l’Atlantique, éd. J.C. Polet, Bruxelles, 1993, p. 1099–1102. Citons P. Adam, expert en navigation nord-atlantique : « Je réduirai la vitesse moyenne courante des navires vikings à 5 ou 6 nœuds en pleine mer, et […] davantage encore quand ils longeaient les côtes et surtout des côtes inconnues […]. De tels chiffres donneraient près de vingt jours pour aller de Bergen au Groenland. Si l’on tient compte du temps pour décharger, charger, régler ses affaires et attendre les vents favorables, on pouvait tout juste faire l’aller et retour en une belle saison. Dans de telles conditions, qui prévalaient sur une route bien connue, il ne serait nullement anormal qu’il ait fallu un ou deux hivernages pour découvrir la route jusqu’à Terre-Neuve » : Adam, Problèmes de navigation, p. 54.
-
[94]
Saga d’Eiríkr le Rouge, p. 334. Quelques autres exemples : « Ils arrivèrent au Vinland […] : là, ils entourèrent leur bateau d’une palissade, restèrent tranquilles cet hiver-là, pêchant du poisson pour nourriture » ; « Karlsefni équipa son bateau […], arriva en Norvège sain et sauf et y passa l’hiver […] », puis retourna en Islande « et son bateau fut tiré sur le rivage pendant l’hiver » : Saga des Groenlandais, p. 364, 374 ; « Hrólfr […] demanda à Helgi s’il se dirigerait vers l’océan arctique […] car l’équipage considérait qu’il était temps d’accoster, l’été étant fort avancé » : Livre de la colonisation de l’Islande, p. 169.
-
[95]
Saga des Groenlandais, p. 366.
-
[96]
L’Islandais Ƥórarinn craint, partant de Norvège pour le Groenland, de dériver vers l’Islande […], ce qui « peut arriver souvent […] il dériva fortement et fut fort balotté en mer, mais vers la fin de l’été, il aborda en Islande » : La Saga de Saint Óláf, p. 145 ; parfois, un détour permet d’arriver à bon port : « L’été suivant, Eyvindr Corne d’Auroch partit de l’Ouest, en Irlande, à destination de la Norvège, mais comme le temps était rude et les courants impraticables, Eyvindr fit un détour par l’Ásmundarvágr et y mouilla quelque temps, immobilisé par les intempéries » : Ibid., p. 177.
-
[97]
Dit des Groenlandais, p. 377–378.
-
[98]
Saga des Groenlandais, p. 357.
-
[99]
Kristni Saga (La Saga de la conversion), éd. G. Jonsson, Akureyri, 1953 : voir Byock, L’Islande des Vikings, p. 61.
-
[100]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 161.
-
[101]
Id., Océans de papier, p. 25–26.
-
[102]
Les Vikings, éd. de Boüard, p. 11.
-
[103]
A.E. Christensen, The Viking ships, The Sea in History. The Medieval World / La Mer dans l’histoire. Le Moyen Âge, éd. M. Balard, C. Buchet, Woodbridge–New York, 2017, p. 547–560, spécialement p. 549–551 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 60 ; Winroth, Au temps des Vikings, p. 118 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 141–144 ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 92–93 ; Bill, Ships and seamanship, p. 182.
-
[104]
Datation par dendrochronologie : voir infra n. 133.
-
[105]
Sur les fouilles et la description des découvertes : T. Sjøvold, Les vaisseaux vikings de Gokstad, d’Oseberg et de Tune. Brève introduction illustrée, Oslo, 1954 ; J. Bill, Navires et navigation en Occident à l’époque des Vikings, La progression des Vikings, des raids à la colonisation, éd. A.M. Flambard Héricher, Rouen, 2003, p. 27–55 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 30, 54 ; É. Rieth, Navires et construction navale au Moyen Âge. Archéologie nautique de la Baltique à la Méditerranée, Paris, 2016 p. 21–31, 95, 117–121.
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[106]
Wilson, La Tapisserie de Bayeux. Plusieurs historiens, archéologues et experts navals estiment qu’elle serait le document contemporain (ca 1070) donnant les informations les plus fiables et précises sur la construction des bateaux et la navigation vikings : scènes de construction, de navigation et d’accostage de 41 bateaux : Bill, Ships and seamanship, p. 195, 199–200 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 20 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 141–144 ; Bouet, Les bateaux vikings, p. 10–11 ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 92–93 : les navires de Guillaume de Normandie seraient scandinaves, les outils des charpentiers seraient ceux de leurs aïeux vikings ; les spécialistes danois du Musée des navires vikings de Roskilde – dont O. Crumlin-Pedersen, son fondateur et grand spécialiste des bateaux vikings – se servent de l’examen de la broderie pour comprendre les techniques ayant permis d’élaborer les navires vikings découverts dans le fjord de Roskilde et qui datent du début du xie siècle. La Tapisserie de Bayeux, une chronique des temps vikings ? Actes du colloque de Bayeux, éd. S. Lemagnen, Rouen, 2009, passim.
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[107]
Boyer, Les Vikings, p. 346 ; Bauduin, Les Vikings, p. 38 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 22.
-
[108]
Boyer, Les Vikings, p. 346.
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[109]
Bauduin, Les Vikings, p. 42 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 132 ; Bouet, Les bateaux vikings, p. 4–6 ; S. Lebecq, Pour une histoire des équipages (mers du Nord, ve–xie siècles), Hommes, mers et terres du Nord au début du Moyen Âge, t. 2, Centres, communications, échanges, éd. Id., Villeneuve d’Ascq, 2011, p. 251–272 en particulier p. 253 ; Id., Les marchands au long cours et les formes de leur organisation dans l’Europe du Nord et du Nord-Ouest aux viie–xie siècles, Voyages et voyageurs à Byzance et en Occident du vie au xie siècle, éd. A. Dierkens, J.M. Santerre, J.L. Kupper, Genève, 2000, p. 321–337, en particulier p. 324. Il faut distinguer la tonne métrique (1 t = 1 000 kg, unité de déplacement d’eau ou de poids) du tonneau (1 tonneau = 2,83 m³ = 100 pieds cubes anglais, unité de jauge, de volume ou de capacité intérieure) : Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 300, 506, 812–813. Par exemple, le navire de Gokstad déplaçait ou pesait 20,2 t, tandis que sa copie exacte, réalisée en 1893 et qui traversa l’Atlantique, jaugeait 31,8 tonneaux = 90 m³ : Bouet, Les bateaux vikings, p. 6.
-
[110]
Byock, L’Islande des Vikings, p. 26–27 ; Lebecq, Pour une histoire des équipages, p. 254 ; Id., Les marchands au long cours, p. 323–325 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 56–58.
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[111]
Bauduin, Les Vikings, p. 41 ; Winroth, Au temps des Vikings, p. 91, précise que, vers 900, les constructeurs scandinaves commencent à développer deux types de bateaux : des navires de guerre longs et élégants et des navires de charge courts et larges en comparaison. Cattaneo, Le parler viking, p. 45 ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 92, 122–128.
-
[112]
Wilson, La Tapisserie de Bayeux, p. 184–185, sections 35–36 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 141–144.
-
[113]
La quille est la première pièce maîtresse d’un bâtiment sur laquelle s’appuie toute la charpente (à commencer par ses couples ou côtes) dont elle est l’épine dorsale. Sa partie apparente est la saillie plus ou moins profonde sous la coque, qui détermine le tirant d’eau (voir infra n. 121). Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 694–696 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 326.
-
[114]
Le bordé est l’ensemble du revêtement étanche extérieur de la coque, constitué de longues planches de bordage. Sur le bordé et l’architecture à clin : Rieth, Navires et construction navale, p. 95–136, 137–178, 323.
-
[115]
« Une pluie fraîche frappait rudement / la proue goudronnée des navires de guerre / le long des côtes / et les vaisseaux bardés de fer / déployaient fièrement leur gréement » : Saga de Harald Hárðráði, chap. 2, strophe du scalde Bölverk, cité par Maillefer, Les Vikings, p. 48. Les Scandinaves enduisaient l’extérieur des bordés immergés de « goudron de phoque », mélange de goudron végétal et d’huile de phoque ou de baleine (mentionné dans la Saga d’Eiríkr le Rouge, p. 354 : « Ils avaient une barque goudronnée à la graisse de phoque ; les vers de mer n’ont pas prise là-dessus »), pour empêcher la création du biofilm sur la carène et limiter l’implantation des tarets (vers et mollusques s’attaquant au bois immergé), servant d’antifouling ou antisalissure. Il fut expérimenté avec succès sur la réplique du Skuldelev 3 de Roskilde : Bouet, Les bateaux vikings, p. 54–55.
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[116]
Maillefer, Les Vikings, p. 43–46, et Bill, Navires et navigation, p. 33–36, 41 ; Id., Ships and seamanship, p. 185 : on a avancé le ive siècle, mais les preuves de l’utilisation de la voile en Scandinavie n’apparaissent qu’à partir des viie-viiie siècles ; on les voit sur certains pétroglyphes du Gotland (voir infra, n. 122 et 127) : Rieth, Navires et construction navale, p. 24, 26, 122–123. Le bateau de Kvalsund, exhumé en Norvège en 1920, est daté par carbone 14 des années 660–730. Il semble être le premier exemple connu de bateaux scandinaves gréés (à voile) ; structurellement parlant, il paraît peu adapté à la navigation hauturière ; pourtant ses dimensions (18 m x 3,2 m) le rendent assez stable ; il était mû par une vingtaine de rameurs et possède une quille en T ; ces quelques modifications structurelles, par rapport au bateau de Nydam, permettent de le rendre plus stable et plus maniable. À partir du bateau de Kvalsund, les grandes lignes de la construction à clin médiévale semblent lancées et maîtrisées. Les bateaux postérieurs garderont les mêmes principes structuraux : Bouet, Les bateaux vikings, p. 20–21. Une strophe scaldique mentionne des bateaux qui « Portaient à leur vergue / Leur voile bleue » : Saga de saint Olaf, p. 287, strophe 97. Les strophes ou poésies scaldiques sont contemporaines des Vikings (même si leur datation est peu précise), d’où leur intérêt comme source historique : Maillefer, Les Vikings, p. 15–18 ; Histoire des rois de Norvège par Snorri Sturluson, p. 23–26 ; Boyer, Les Vikings, p. 774–801.
-
[117]
« Les savants disent qu’il faut [dans les meilleures conditions, sans escale, donc au minimum] sept journées de navigation de Stadr en Norvège, à l’ouest, jusqu’à Horn en Islande de l’est [970 km], et que depuis le Snæfellsnes [péninsule en Islande de l’Ouest], le trajet le plus court pour le Groenland est de quatre journées en mer [370 km] » : Byock, L’Islande des Vikings, p. 22. « La construction navale s’est développée très rapidement à l’époque viking une fois que la voile est devenue d’utilisation courante sur des navires plus grands dès le viiie siècle. À partir du viiie siècle jusqu’au début du xe, les navires s’avèrent être des vaisseaux associant propulsion à l’aviron et propulsion à la voile » : Bill, Navires et navigation, p. 41.
-
[118]
Voir supra, n. 48.
-
[119]
Boyer, Les Vikings, p. 344–350 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 129–131. Le gouvernail, placé à tribord arrière, est plus qu’une simple rame : il ressemble à une aile d’avion et permet de manœuvrer aisément le bateau. Il se compose de deux pièces : le safran, vertical, pouvant pivoter pour dévier le flux d’eau et ainsi changer de direction ; la barre horizontale reliée au safran par un tenon : Bouet, Les bateaux vikings, p. 59.
-
[120]
Winroth, Au temps des Vikings, p. 94. Voir infra n. 136.
-
[121]
Le tirant d’eau est la profondeur à laquelle s’enfonce le point le plus bas de la coque (quille comprise) d’un bateau à flot. C’est donc la distance quille-ligne de flottaison et la profondeur d’eau minimale requise. Un navire viking est étonnamment plat et a un tirant d’eau inférieur à 1 m, ce qui lui permet de naviguer dans les eaux peu profondes des fleuves et rivières, de la Baltique, des mers du Nord, de Norvège, du Groenland, du Labrador, etc., d’effectuer du cabotage et d’accoster facilement : Boyer, Les Vikings, p. 347. Maillefer, Les Vikings, p. 44.
-
[122]
Décrit sur les pierres historiées de l’île de Gotland (viie–xiie siècles) : Boyer, Les Vikings, p. 348 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 23, 123 ; Bauduin, Histoire des Vikings, p. 216, 219. Voir infra n. 127.
-
[123]
Sjøvold, Les vaisseaux vikings ; Christensen, The Viking ships, p. 555 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 28–37.
-
[124]
Voir la gravure tirée d’Olaus Magnus, Historia de gentibus septentrionalibus, Rome, 1555, reproduite dans Boyer, Les Vikings, p. 854.
-
[125]
Adam, Problèmes de navigation, p. 53.
-
[126]
Nydam 2 est considéré notamment par Boyer, Les Vikings, p. 346, comme « l’ancêtre » du bateau viking. Voir aussi Rieth, Navires et construction navale, p. 23.
-
[127]
Durand, Les Vikings et la mer, p. 17 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 23, 123 ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 14–15, montre des exemples ; Bouet, Les bateaux vikings, p. 9–10 : sur l’île de Gotland, au Sud-Est de la Suède, on trouve près de 380 pierres historiées (en suédois Bildstenar pour pierres de peinture), datant pour la plupart des viie–viiie siècles. Le registre inférieur de ces pierres est systématiquement doté d’une représentation de bateau, vu de profil et voile dehors. Ces embarcations se rapprochent de la forme globale du bateau « viking ».
-
[128]
Christensen, The Viking ships, p. 547 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 27, 93 ; Bouet, Les bateaux vikings, p. 14, 68–73, signale des reconstitutions du Skuldelev I. Le Saga Siglar, réplique du Skuldelev 1, épave de knørr découverte dans le fjord de Roskilde (Danemark), a rejoint le Groenland sans difficulté dans les années 1984–1986, prouvant ses qualités pour la navigation hauturière. Le Ottar, autre réplique du Skuldelev 1, est visible dans le port du musée de Roskilde. Voir aussi, à propos de ces reconstitutions, les travaux remarquables de O. Crumlin-Pedersen et T. Damgård-Sørensen. Ils donnent la marche à suivre pour créer des protocoles expérimentaux adéquats afin d’étudier les embarcations vikings : Sailing into the Past. Proceedings of the International Seminar on Replicas of Ancient and Medieval Vessels, éd. O. Crumlin-Pedersen, M. Vinner, Roskilde, 1986 ; T. Damgård-Sorensen, Les bateaux de Skuldelev (Roskilde) et leurs répliques modernes, L’héritage maritime des Vikings, p. 199–228.
-
[129]
Durand, Les Vikings et la mer, p. 72–73. Selon la Saga d’Egill, fils de Grímr le Chauve (Egils Saga Skallagrímssonar), Sagas islandaises, p. 23, le bateau marchand affrété par Thorgils Gjallandi à la fin du ixe siècle a un équipage de près de vingt hommes ; selon la Saga des Groenlandais, p. 363, Leif Eriksson recueille sur son navire une quinzaine de naufragés après que leur bateau se soit écrasé sur des rochers de la côte sud-occidentale du Groenland. Ces chiffres correspondent à la douzaine de personnes embarquées sur le Skuldelev 1, knørr proche des bateaux utilisés par les Norvégiens pour leurs premiers grands voyages à travers l’Atlantique Nord : Lebecq, Pour une histoire des équipages, p. 254 ; « Leifr, fils d’Eiríkr le Rouge […], acheta un bateau et recruta des matelots, en sorte qu’ils étaient trente-cinq hommes en tout » : Saga des Groenlandais, p. 360.
-
[130]
Williams, The Viking Ship, p. 84 ; Boyer, Les Vikings, p. 349–350 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 26.
-
[131]
Christensen, The Viking ships, p. 551 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 28–37 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 24–27, 117–122, 131.
-
[132]
Williams, The Viking Ship, p. 90–91 ; Bill, Navires et navigation, p. 48, 54 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 3, 30, 110, 126, 132.
-
[133]
La dendrochronologie est une méthode précise de datation des objets et des structures en bois, événements, changements climatiques etc., par l’étude des cernes ou anneaux concentriques de croissance annuelle des troncs d’arbres. Elle fournit des informations précieuses en histoire, géographie, archéologie, écologie, climatologie, etc. : A.V. Munaut, La dendrochronologie et les problèmes de géographie historique, Sources de la géographie historique en Belgique, Bruxelles, 1980, p. 471 ; Id., Les cernes de croissance des arbres. La dendrochronologie, Turnhout, 1988 ; D. Whitehouse, Archaeology, Medieval studies. An introduction, éd. J.M. Powell, New York, 1992, p. 170 ; Alexandre, Le climat en Europe au Moyen Âge, p. 800–803 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 64 ; P. Pomey, É. Rieth, L’archéologie navale, Paris, 2005, p. 139–142.
-
[134]
P. Villiers, A. Senotier, Une histoire de la marine de Loire, Brinon-sur-Sauldre, 2000, p. 20 : construction à clin, légèreté, solidité et voilure carrée de type viking caractérisent les bateaux ligériens jusqu’au xixe siècle ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 97 : en Normandie, la construction navale semble le secteur le plus « scandinavisé ». Les bateaux à clin sont présents sur la côte d’Isigny à Trouville et appelés « picoteux » ; E. Ridel, Bateaux de type scandinave en Normandie (xe–xiiie siècle), L’héritage maritime des Vikings en Europe de l’Ouest, éd. E. Ridel, Caen, 2002, p. 289–320. Pour la Galice (Nord-Ouest de l’Espagne) : Bill, Ships and seamanship, p. 200.
-
[135]
Ibid., p. 195.
-
[136]
Les expériences menées notamment sur des répliques des bateaux de Roskilde (Danemark) montrent qu’en louvoyant ces navires pouvaient malgré tout aller contre un vent modéré, même si c’est très lentement : Lebecq, Les marchands au long cours, p. 325 ; la réplique du bateau viking Gaïa de Gokstad en Norvège fait le voyage vers l’Amérique du Nord en 1991, emportant une reconstitution du cadran découvert à Narsarsuaq : voir supra n. 20, 21, 26, et Seaver, The frozen echo, p. 17, 333 n. 10 ; M. De Waha, La hache qui façonne l’eau. Infrastructures du transport maritime et développement au Haut Moyen Âge, Voyages et voyageurs à Byzance et en Occident, p. 21–82, en particulier p. 26 : en 1893 déjà, une réplique exacte du bateau de Gokstad (le Viking) traverse l’Atlantique Nord, pour démontrer expérimentalement ses capacités et être montrée à l’exposition internationale de Chicago ; Rieth, Navires et construction navale, p. 64, et Bouet, Les bateaux vikings, p. 6. Le Havhingsten fra Glendalough (l’étalon des mers de Glendalough), copie du Skuldelev 2 (bateau de guerre de type skeið) est allé en 44 jours, du port de Roskilde à Dublin en contournant l’Écosse, propulsé par la voile et la rame avec une équipe de 65 personnes : J. Bill, S. Nielsen, E. Andersen, T. Damgård-Sørensen, Welcome on Board ! The Sea Stallion from Glendalough. A Viking Longship Recreated, Roskilde, 2007 ; Williams, The Viking Ship, p. 64–67.
-
[137]
Louis Jules Mancini, Deux nageurs, dans Id., Fables, Paris, Didot Jeune, 1796, p. 219.
-
[138]
J.L.Kupper, Sur les incursions normandes dans le pays mosan : le roi Arnoul, l’évêque Francon, le duc Henri, Franchimont, Limbourg et la porte Hasseline de Liège, Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, t. 116, 2012, p. 20–21.
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[139]
Winroth, Au temps des Vikings, p. 103.
« Essaie de te représenter comment ils se lançaient […] dans l’inconnu, ignorants de la route à suivre, perdus dans l’infini, sans cesse exposés aux dangers et aux intempéries. »
1Il est prouvé que des Vikings [2] (Scandinaves, principalement Norvégiens), prenant part aux expéditions nord-atlantiques de la fin du viiie siècle au xie siècle, sont allés cap à l’ouest – à la faveur des courants, des vents et des saisons – vers les îles Shetland. Ils ont continué, dans l’Atlantique Nord, vers les Féroé, où ils auraient abordé au cours du ixe siècle, puis l’Islande, qu’ils découvrent vers 860 et colonisent peu après 870, avant d’apercevoir le Groenland vers 980 et de s’y installer en 985 ou 986. De là, ils voguent encore plus loin vers l’ouest et l’Amérique du Nord-Est (Terre de Baffin, Labrador, Terre-Neuve) (carte), vraisemblablement accostée vers l’an 1000 [3], près de cinq siècles avant la découverte de l’Amérique centrale par Christophe Colomb. Voyageurs infatigables, les Vikings nous étonnent donc par l’ampleur de leurs déplacements à longue portée en haute mer.
2Comment ont-ils pu naviguer en pleine mer à travers l’Atlantique Nord, océan mystérieux et monde subarctique, alors qu’ils ne disposaient ni de carte, ni d’itinéraire écrit [4], ni de boussole ? Ils avaient certainement un sens aigu de l’observation et de l’orientation. Mais est-ce suffisant ? N’y a-t-il pas autre chose ? Des hypothèses ont été avancées qui pourraient être étayées, selon certains, par de rares découvertes archéologiques : un cristal de calcite-spath d’Islande ou « pierre de soleil », un morceau de cadran. Quoi qu’il en soit, ces découvertes n’impliquent pas d’office leur usage par les Vikings. II importe d’examiner les sources écrites et archéologiques, y compris les épaves et les pierres gravées, d’étudier les faits avérés et les hypothèses émises, et ce de façon critique, en les replaçant dans leurs contextes historique, scientifique et technique, pour distinguer les mythes et légendes de ce qui serait sûr, vraisemblable ou plus ou moins probable. Il faut aussi savoir dans quelle mesure des méthodes plus traditionnelles de s’orienter pourraient ou non suffire : sorte de navigation basique à l’estime (avec instruments rudimentaires, comme log, girouette ou sonde), navigation à vue (aspects de la mer et du ciel, vents, astres, animaux, autres repères [semi-]naturels sur mer et sur terre, etc.).
3L’objectif de cette contribution est – via les prismes de la critique historique, des sciences et des techniques, et donc par une approche pluridisciplinaire – d’évaluer les communications, parfois fracassantes, fleurissant un peu partout, y compris dans les mass media, sur les moyens d’orientation des Vikings. Car on imagine mal aujourd’hui traverser l’Atlantique, venant de Norvège, pour atteindre l’Islande, le Groenland et l’Amérique du Nord-Est, sans carte et sans instrument, comme compas de marine ou GPS. Pourtant, les Vikings l’ont fait. Les spéculations sur d’énigmatiques outils de navigation plus ou moins perfectionnés vont dès lors bon train. Voyons les réponses à cette question que pourraient apporter découvertes archéologiques, expériences scientifiques, hypothèses et textes.
4Une mise au point préalable est nécessaire pour les voyages en haute mer ou navigation hauturière (au grand large, hors de vue des côtes, donc à distinguer du cabotage) entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Les distances [5] ne sont pas comparables à celles qu’il faut parcourir dans l’océan Indien ou en plein Pacifique (des milliers de kilomètres), où pourtant des voyages ont été réalisés il y a des millénaires, notamment par les Polynésiens [6]. Alors, pourquoi pas les Vikings en Atlantique Nord ? Ils avaient pour eux l’intrépidité, le sens de l’orientation sur mer et des bateaux d’une qualité exceptionnelle. N’empêche, se retrouver en pleine mer, souvent dans le brouillard ou au cœur d’une tempête, même de jour et en été, exige certains repères, outils, expériences, compétences ou beaucoup de chance. L’élément décisif qui suscite encore aujourd’hui admiration et étonnement n’est pas le cabotage, mais la régularité de leur navigation hauturière, le franchissement de la mer du Nord et les traversées de l’Atlantique Nord vers l’Islande, le Groenland et l’Amérique [7].
5Les Vikings sont considérés comme des pionniers [8], allant, par étape, toujours plus loin vers l’ouest, du viiie au xie siècles : d’abord les îles au nord de l’Écosse (Shetland et Féroé), puis l’Islande, le Groenland et enfin l’Amérique du Nord-Est. Naviguer en pleine mer nécessite certainement un grand sens de l’orientation, beaucoup d’expérience et de savoir-faire. On peut compter aussi éventuellement sur le hasard pour le voyage aller, mais pour le retour, c’est beaucoup plus aléatoire encore. Suite à certaines découvertes archéologiques et expériences scientifiques, des médias se sont emparés du mystère « orientation viking ». Pour eux, ces marins d’exception auraient bel et bien eu des instruments de navigation. Ils n’ont pas hésité à classer un peu trop vite l’énigme comme résolue. Examinons-les de près.
1 – La « pierre de soleil »
6Parmi ces instruments, on pourrait trouver la pierre de soleil (norrois ou ancien scandinave : sólarsteinn ; allemand : Sonnestein ; anglais : sunstone), un cristal polarisant la lumière [9] et qui permettrait d’indiquer la direction du Soleil, même s’il est caché par les nuages ou juste en dessous de l’horizon, hypothèse émise par l’ingénieur P.G. Foote dès 1957 [10]. L’archéologue danois T. Ramskou reprend cette théorie en 1967, se basant sur deux sources islandaises racontant en fait la même petite histoire, Raudulfs Þáttur (fin xiie–début xiiie siècle), insérée dans un manuscrit du xive siècle, et Hrafns saga Sveinbjarrersonar (ca 1230) parlant de son usage sur terre. Le roi Olaf rend visite à un fermier. Tard dans la nuit, il s’intéresse à son fils, Sigurð, qui aurait un certain savoir : grâce à une pierre magique, il peut discerner les mouvements des corps célestes qu’il voit, mais aussi de ceux qu’il ne voit pas. Il peut donc connaître l’heure. Le lendemain, le roi Olaf constate que le Soleil est bien dans la direction indiquée par la pierre, alors que le temps est couvert : « Il faisait brumeux […] le ciel se trouva chargé de nuages. Il [le roi Olaf] demanda […] où le Soleil pouvait bien se trouver et il [Sigurð] le lui dit. Alors le roi ramassa la pierre solaire et vit que celle-ci irradiait. Il en conclut que Sigurð avait raison [11]. » T. Ramskou pense que cette pierre pourrait être de la cordiérite ou iolite, présente en Norvège et au Canada. Ce minéral (silicate mixte d’aluminium et de magnésium, à inclusions de mica) scintille au soleil et sa couleur varie du jaune au bleu et au violet selon la direction d’observation et d’orientation (trichroïsme [12]). Dans certaines conditions, il paraît même transparent. Il pourrait donc déterminer la direction du Soleil dans un ciel partiellement nuageux ou quand il est juste sous l’horizon. Mais il s’altère rapidement en micas ou chlorites, ce qui rend son usage en navigation prolongée très peu probable.
7Une autre possibilité serait la calcite-spath d’Islande, présente en grande quantité sur cette île, en particulier à Eskifjörður, dans l’extrême est. Connu aujourd’hui sous le nom de silfrberg (« roc d’argent »), ce carbonate de calcium transparent ou translucide a la propriété de forte biréfringence ou double réfraction [13] et donne donc une image dédoublée (fig. 1). Si le cristal est orienté de manière adéquate (pour rendre les intensités des deux images égales), il donnerait la direction du Soleil, même quand celui-ci est caché par la brume. Des essais ont été faits et seraient concluants, mais seulement si le ciel n’est pas complètement couvert : il faudrait quand même un minimum de ciel bleu au-dessus de l’observateur [14].
Cristal de calcite-spath d’Islande montrant sa biréfringence sur papier quadrillé ; pour certains, base d’une pierre de soleil viking (?), https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Crystal_on_graph_paper.jpg
Cristal de calcite-spath d’Islande montrant sa biréfringence sur papier quadrillé ; pour certains, base d’une pierre de soleil viking (?), https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Crystal_on_graph_paper.jpg
8Outre les deux sources citées, la pierre de soleil est aussi mentionnée dans quelques inventaires islandais de biens d’églises et de cloîtres, parmi d’autres objets de valeur, comme des coupes et des vêtements. Elle semble donc exister bel et bien et pourrait être un fragment de spath d’Islande ou de cordiérite. Malheureusement, ces textes sont bien postérieurs aux voyages réalisés par les Vikings à travers l’Atlantique Nord [15]. Par ailleurs, ils ne disent pas que la pierre est sur un quelconque bateau, ni comment elle est utilisée, ni à quelle fin. Est-on simplement supposé s’émerveiller de voir le roi détecter la direction du Soleil grâce à elle ? Est-elle un objet précieux ? Sert-elle éventuellement à des fins religieuses, comme à déterminer les heures de prières [16] ? Ou est-ce simplement un objet de curiosité ou un porte-bonheur ? Impossible de conclure : les quelques sources écrites ne mentionnent pas l’usage d’un cristal comme instrument de navigation.
9L’archéologie ne l’étayait pas non plus jusqu’à une découverte récente, en 2002, sur le lieu d’un naufrage en 1592, près de l’île anglo-normande d’Aurigny (Alderney). Une épave de la période élisabéthaine renfermait un cristal de spath d’Islande, à côté de deux compas de navigation. Des analyses minutieuses ont été faites par des physiciens et chimistes de l’Université de Rennes, ainsi que par des scientifiques de plusieurs universités [17]. Il s’agit bien d’un cristal de spath d’Islande. Reste à en connaître l’utilité. Ces différentes études démontrent que, d’un point de vue scientifique, les Vikings auraient pu exploiter la haute sensibilité de l’œil humain à des contrastes faibles, en regardant à travers un cristal de calcite-spath d’Islande. Mais un tel cristal à bord d’un navire du xvie siècle peut-il avoir servi à sa navigation près de 600 ans après les dernières expéditions vikings, alors que la boussole est utilisée depuis au moins quelques siècles (même si on n’en connaît pas encore vraiment le fonctionnement) [18] ? Effectivement, il aurait pu prendre le relais de la boussole, car les canons et autres objets en fer à bord du navire la déréglaient [19].
10Théoriquement, la pierre de soleil, telle que le morceau de calcite-spath d’Islande trouvé dans l’épave d’Aurigny, pourrait donc avoir été utilisée pour indiquer la direction du Soleil par temps nuageux. En réalité, rien ne permet de confirmer cette hypothèse. Quelques textes la citent, mais sans la décrire et surtout sans en donner l’usage. Aucun ne la mentionne sur un navire viking. En outre, les quelques rares sources sont postérieures de deux à trois siècles aux voyages de découvertes vikings vers l’ouest. Évitons donc les conclusions trop hâtives, aussi longtemps que de nouvelles découvertes archéologiques solides ne viendront pas confirmer cette hypothèse apparemment élégante, spectaculaire et donc attrayante pour certains médias. C’est une idée ingénieuse qui mérite, certes, d’être étudiée, mais littérature et pratique semblent, pour le moment, nous orienter vers d’autres moyens. De toute façon, il en faut, car la pierre de soleil seule, même efficace, ne suffit pas pour naviguer et arriver à bon port. Même si elle fournit une direction, il faut encore évaluer distances et vitesses, éviter les écueils (brouillard, tempêtes, récifs), etc.
2 – Le « compas solaire » ou « cadran de position »
11Parmi les autres moyens d’orientation attribués par certains aux Vikings, mentionnons le Sólkompas ou « compas solaire » (en anglais, suncompass) ou « cadran de position [20] ». En 1948, C.L. Vebæk, archéologue danois, découvre au Groenland, à Narsarsuaq [21], en ancien territoire viking, un demi-disque en bois de 7 cm de diamètre, épais de 9 mm, avec ce qui paraît un trou central de 18 mm de diamètre. Si on le tient avec le centre évidé à gauche, on aperçoit, sur sa surface, seize encoches plus ou moins régulières sur le demi-pourtour, une petite dépression à droite, deux courbes vers le milieu et, sous l’encoche supérieure, une échelle de seize petits traits horizontaux pratiquement parallèles. Une analyse au carbone 14 (14C) permet de le dater entre 985 et 1025, soit au début de l’installation des Vikings au Groenland. La mise au jour de cet objet amène de nombreuses questions chez les archéologues, historiens, scientifiques et marins. Quel est l’usage de ce petit demi-disque ? A-t-il servi à la navigation et, à partir de là, a-t-il permis la traversée de l’Atlantique Nord ? Quel crédit apporter à un objet unique et de si petite dimension ? Si l’on imagine le disque complet, il est très probable qu’il comportait 32 encoches sur son pourtour, ce qui correspondrait aux 32 directions d’une rose des vents complète [22] (fig. 2). Peut-on en conclure qu’il s’agit d’un instrument à usage marin, le « compas solaire » (Sólkompas) des Vikings ? Certains franchissent (trop) vite ce pas [23]. Mais alors, que signifient les différentes lignes présentes sur le cadran ? Pour d’aucuns, ce sont des traits sans signification particulière, de simples égratignures en somme. Pour d’autres, elles sont en relation avec l’orientation en mer : la ligne horizontale près du centre correspondrait, par exemple, à la courbe gnomonique [24] au moment de l’équinoxe, tandis que la courbe passant un peu au-dessus du centre pourrait être une courbe gnomonique d’un autre jour déterminé. Cette dernière courbe correspondrait à une certaine latitude (peut-être le parallèle à 60° nord qui relie les environs de Bergen, Sud-Ouest de la Norvège, au cap Farewell ou Nunap Isua, Sud-Groenland – carte). Une autre hypothèse voudrait que la ligne courbe corresponde à la course du Soleil au solstice d’été [25]. Certains traits, enfin, seraient des marques utilisables pour les variations saisonnières [26]. Quant aux seize petits traits horizontaux parallèles situés dans le dessus du cadran, ils seraient destinés à mettre le nord en évidence et la petite dépression à droite indiquerait l’est [27].
Timbre des Féroé émis en 2002 et montrant un cadran de position, peut-être utilisé par les Vikings en Atlantique Nord (?)
Timbre des Féroé émis en 2002 et montrant un cadran de position, peut-être utilisé par les Vikings en Atlantique Nord (?)
12Un compas solaire ou cadran de position déterminerait une direction à partir de la position du Soleil et de la date. Le cadran découvert à Narsarsuaq pourrait correspondre à cet usage, sachant toutefois que la déclinaison du Soleil varie chaque jour et que la courbe se modifie. Voyons son principe de fonctionnement. On prend un petit disque en bois avec un axe (gnomon ou style) dressé en son centre. Le jour précédant le voyage, on le place horizontalement et on procède à son « calibrage ». Cela consiste à marquer, à intervalles réguliers, l’extrémité de l’ombre du gnomon. En joignant ces points, on obtiendrait un arc de courbe (hyperbole) qui correspondrait à la hauteur du Soleil pour la date et la latitude en question. La direction nord serait obtenue en traçant la ligne partant du centre du gnomon au point sur l’arc qui en est le plus proche. Ensuite, il suffirait de marquer le reste des 32 points d’une rose des vents [28]. Le jour du voyage, on ferait tourner le disque jusqu’à ce que la pointe de l’ombre tombe sur l’hyperbole, ce qui permettrait de garder un cap [29]. Cette hypothèse est étayée par les connaissances qu’avaient les Vikings en astronomie [30]. En outre, si la déclinaison solaire varie chaque jour, ce n’est pas le cas autour du solstice d’été : une courbe définie à ce moment resterait suffisamment précise pour orienter un bateau durant deux semaines. Mais ils voyageaient tout l’été, de mai–juin à septembre–octobre, soit bien plus longtemps [31].
13Toute cette théorie comporterait donc beaucoup de conditionnels et de suppositions. Elle allait se heurter à des critiques sévères et même être tournée en dérision : indentations irrégulières, alors que les Vikings étaient passés maîtres dans l’art de travailler le bois, instrument beaucoup trop petit pour être utilement employé ; en outre, il n’aurait pu être utilisé sans l’aide d’un calendrier et d’une table de déclinaisons [32]. Il faut bien l’admettre, on ne connaît pas vraiment l’usage de ce petit morceau de cadran à encoches, par ailleurs pas toujours également réparties. Plusieurs traits sont mal ou non expliqués. De plus, pour qu’il soit un instrument de navigation, il devrait pouvoir être maintenu horizontalement en mer, ce qui n’est pas du tout assuré [33]. On ne sait même pas avec certitude dans quel sens il faut le tenir. Certains ont également avancé qu’il pourrait être un jouet (peut-être une toupie) ou un objet religieux. Sa petite taille pose aussi question, à moins qu’il n’ait servi de modèle pour un cadran plus grand. On a suggéré qu’il pouvait être un simple instrument de mesure du temps utilisé sur terre, une sorte de cadran solaire [34], comme en utilisaient déjà les Anciens. À l’appui de cette thèse, observons que, dans les hautes latitudes, le Soleil fait un mouvement presque horizontal pendant une grande partie de la journée. Il est donc difficile d’apprécier l’heure si l’on ne dispose pas de repère ; par exemple, si l’on se trouve sur un rivage face à l’océan ou en territoire inconnu [35]. Il convient toutefois de signaler quelques découvertes archéologiques qui pourraient suggérer l’utilisation d’un compas solaire : deux objets trouvés récemment au Groenland dans « l’Établissement de l’Est » ainsi qu’un cercle métallique découvert en 1906 dans l’île bretonne de Groix, mais réévalué récemment. Ces différentes mises au jour suscitent de nombreuses questions et ne permettent pas d’affirmer que ces objets étaient utilisés comme instrument de navigation [36]. Ceci dit, ce n’est pas parce que nous n’avons pas trouvé d’instrument solaire utilisé de manière certaine, que les Scandinaves ne se sont pas servi du Soleil pour se guider en mer. En effet, selon la Saga des Groenlandais, Bjarni Herjólfsson veut retourner au Groenland, après avoir aperçu une terre inconnue (l’Amérique du Nord ?) peu avant l’an mil : « ils […] naviguèrent trois jours jusqu’à ce que la terre disparaisse, mais alors les vents favorables tombèrent, ils eurent vent du nord et brouillard, ils ne savaient plus vers où ils allaient et cela dura maintes journées. Après cela, ils virent le Soleil et purent alors estimer leur direction. Ils hissèrent la voile et cinglèrent un jour et une nuit avant de voir une terre [37]. » Rappelons qu’ils possédaient des connaissances astronomiques indéniables et pouvaient donc pratiquer une forme « d’astronavigation ». Des expériences furent menées avec succès en mer par des chercheurs scandinaves dans les années 1980 [38]. Espérons, comme pour la pierre de soleil, que de nouvelles découvertes archéologiques permettront d’avancer [39].
3 – La navigation rudimentaire à l’estime
14Peut-on dire que les Vikings naviguaient à l’estime [40], lorsqu’ils étaient dans l’Atlantique Nord ? A priori, ce serait un anachronisme, les Vikings ne disposant pas des instruments nécessaires. Une telle méthode permet d’estimer la position d’un navire à partir de la direction à suivre vers un point précis (le cap), de la distance parcourue depuis le départ et du temps mis pour arriver là où il est (donc de la vitesse). En additionnant ces observations (de mémoire pour les Vikings quasiment dépourvus d’écrits [41]), on peut ainsi à tout moment, y compris après plusieurs jours de navigation (soit des centaines de kilomètres par circonstances favorables), estimer la position approximative du bateau. La fiabilité dépend de la régularité des relevés et de leur qualité. Vu l’imprécision sur le cap et sur la vitesse, l’estime « vieillit ». Par exemple, une marge d’erreur de seulement 12° sur le cap donne, après une semaine, un écart de 200 milles ou 370 km (la plus courte distance entre l’Islande et le Groenland, au détroit du Danemark) [42]. En théorie, cette navigation est facile (Christophe Colomb, du reste, la pratiqua avec un certain bonheur cinq siècles plus tard). Mais en pratique, les erreurs peuvent donc être importantes et les naufrages sont fréquents, l’estime étant composée de plusieurs éléments dont chacun est assez approximatif, voire aléatoire, ces erreurs se multipliant [43]. V.F. Dulague, en 1787, dit que l’estime « est la partie de la navigation la plus délicate et qui demande le plus d’expérience et de pratique [44]. »
15Cette méthode de navigation, en réalité compliquée et peu précise, est donc difficile à appliquer à bord, dépassant souvent les connaissances du marin moyen. De plus, elle implique l’usage de la boussole magnétique marine ou compas de navigation, du loch ou au moins de son ancêtre, le log, d’un instrument de mesure du temps (clepsydre ou sablier), de la girouette et d’une sonde. Or, la boussole ne serait connue en Europe qu’à la fin du xiie siècle [45]. Les Vikings n’en disposaient donc pas, et, même s’ils l’avaient connue, ils n’auraient guère pu l’utiliser dans l’Atlantique Nord. En plus de la proximité du pôle Nord magnétique (ils naviguaient aux alentours du 60e parallèle), la mer de Norvège est proche des grandes mines de fer de Suède, l’Islande est très volcanique et donc ferrugineuse et le Groenland renferme de la magnétite en grande quantité ; assez de raisons pour dérégler presque partout une aiguille aimantée et la rendre inutilisable. Quant au log (une bûche) [46], son utilisation n’est pas impossible vu sa simplicité, même si aucune source ne l’atteste : il suffisait qu’un marin jette un morceau de bois à l’avant du bateau pour voir la vitesse à laquelle il passe à l’arrière. Mais une mauvaise synchronisation entre lui et le pilote suffit à provoquer une erreur supérieure à 10 %. De plus, il fallait encore évaluer le temps mis par ce bout de bois. Oublions la clepsydre ou horloge à eau : elle bouge trop sur un bateau ! Le sablier [47], qui n’a pas ce défaut, n’est signalé sur les navires nordiques qu’au xive siècle. Toutefois, on peut raisonnablement supposer une utilisation bien antérieure ; certains la font remonter au ixe ou xe siècle. Dans ce cas, son usage par les navigateurs vikings aurait été possible, mais on n’en a aucune preuve. Un instrument simple mais important est la girouette placée au sommet du mât ou de la proue (exemple élaboré : celle de Söderala, fig. 3) [48]. Enfin, mentionnons un appareil antique, la sonde, permettant de connaître la profondeur et la nature des fonds marins à l’approche de certaines côtes ; ici non plus, pas de preuve, mais de fortes présomptions, vu la simplicité du système [49]. Elle permettait de savoir si le bateau pouvait avancer, d’évaluer positions et distances et, dès lors, d’effectuer une sorte d’estime. Les textes confirment que les voyages se déroulent essentiellement durant l’été. Mais à ces latitudes et à cette période de l’année, les vents sont souvent légers et changeants (contrairement à ce qui se passe en hiver : les vents dominants viennent de l’ouest et sont forts) ; ils ne servent donc guère à se diriger [50]. De plus, les nuits sont courtes, voire inexistantes (« soleil de minuit ») ; par conséquent, les marins ne peuvent guère utiliser la Lune ou les étoiles, comme l’étoile polaire. Alors, comment faisaient-ils ?
Girouette viking de Söderala (vie siècle), ajourée et décorée, Stockholm, Musée des Antiquités nationales (Fichier informatique : BERIG, https://commons.wikimedia.org – 23 février 2008)
Girouette viking de Söderala (vie siècle), ajourée et décorée, Stockholm, Musée des Antiquités nationales (Fichier informatique : BERIG, https://commons.wikimedia.org – 23 février 2008)
16Voyager dans l’Atlantique Nord est en réalité toute une aventure pour les Vikings. Ils auraient appliqué une méthode simplifiée de l’estime, où le point d’arrivée détermine le point de départ et qui est basée sur la ligne est-ouest. C’est la réputée « navigation à l’horizontale ». En effet, comme le précise P. Adam, « faire route par latitude constante, avec les seuls moyens d’observation que donnent les connaissances empiriques de marins n’ayant ni instrument ni table astronomique, est une technique bien connue qui a été utilisée par tous les navigateurs pré-scientifiques (avant le capitaine Cook) [51] ». Cette méthode aurait permis aux Vikings d’explorer, puis de naviguer d’une manière presque routinière dans l’Atlantique Nord [52]. Selon cette théorie, le Scandinave se repère par rapport aux points cardinaux, donc sur des bases géographiques. Partant de Norvège vers le grand large, il doit aller plein ouest, et s’il veut revenir, plein est. Cette assertion repose sur des constatations : les Vikings ont évolué, dans l’Atlantique, autour du 60e parallèle, vers l’ouest ou vers l’est [53]. Une source parle de cette orientation selon les points cardinaux : un récit d’Ohthere, marchand navigateur probablement norvégien de la fin du ixe siècle.
« Ohthere voulut rechercher jusqu’où la terre s’étendait vers le nord […] ; il partit ainsi plein nord en longeant la côte […] pendant trois jours […]. Ainsi parvint-il aussi loin vers le nord qu’allaient les chasseurs de baleines. Pendant les trois jours qui suivirent, il continua vers le nord aussi loin qu’il le put. Alors la côte bifurqua vers l’est […] il dut attendre un vent d’ouest et un peu de nord et […] alors seulement il put faire voile vers l’est, tant que cela fut possible, c’est-à-dire pendant quatre jours. Alors, il dut attendre un vent de plein nord, car la côte était maintenant orientée plein sud […]. Alors, il fit voile plein sud […] aussi loin qu’il le put pendant cinq jours [54]. »
18Ce texte laisse entrevoir une méthode de navigation basée sur les quatre points cardinaux nord, sud, est et ouest [55], complétés par des notations intermédiaires : « un vent d’ouest et un peu de nord ». De plus, les distances sont notées en jours de navigation. Enfin, Ohthere navigue chaque fois « aussi loin qu’il le peut ». Les Scandinaves, en particulier les Norvégiens, ne sont pas les seuls à se diriger selon les points cardinaux. Il y a eu des précédents, entre autres chez les Romains, avec le tracé de leurs fameuses routes [56].
19On peut supposer que certaines découvertes des Vikings relèvent au départ du hasard, au fil de tempêtes, brouillards tenaces, dérives ou naufrages. Les Shetland et les Féroé ont très probablement servi d’étapes vers l’Islande, où arrivent des Scandinaves (essentiellement Norvégiens) vers 860 [57], après des ermites irlandais. Vers 985, Bjarni Herólfsson apercevrait des écueils à l’ouest de l’Islande : c’est le Groenland. Érík le Rouge (Eiríkr rauði) s’y établit peu avant l’an mil. Et l’aventure continue : Leifr Eriksson, son fils, part en expédition vers l’Amérique du Nord-Est et y accoste quelques années plus tard [58].
20La littérature islandaise – Sagas et Livres de colonisations – relate ces avancées vers l’ouest. Ces récits d’exploits vikings, postérieurs de quelques siècles aux événements qu’ils racontent, ne sont donc pas vraiment fiables pour la précision des faits relatés : distinguer légende (ou plutôt réalité reconstruite par les auteurs) et réalité historique est toujours malaisé. Cependant, on peut supposer que des informations sur la pratique et les traditions de la navigation par un peuple ayant sillonné l’Atlantique Nord pendant des siècles et qui avait la mer dans le sang, peuvent être prises en compte [59]. On imagine mal que les Islandais, dont la plupart étaient navigateurs, aient laissé passer des invraisemblances dans les textes. Ils laissent, par exemple, entendre que ces voyages se déroulent surtout durant l’été, ce qui est avéré.
21Le Livre de la colonisation de l’Islande laisse deviner la méthode de « navigation à l’horizontale » : « […] on dit que si l’on cingle de Bergen plein ouest jusqu’au cap Farewell au Groenland, on passe à douze lieues de navigation au sud de l’Islande [60]. » Et plus loin, « en partant de Hernar [en Norvège, près de Stad] pour Hvarf [cap Farewell] au Groenland, on navigue vers l’ouest. On passe au nord des Shetland que l’on voit clairement de la mer, puis au sud des Féroé, de manière à maintenir le cap à mi-distance des falaises de ces deux îles ; on passe ensuite assez près du sud de l’Islande pour que les marins puissent reconnaître les oiseaux et les baleines qui se trouvent dans cette zone [61]. » Que conclure de ces extraits ? Si l’on part de Bergen (ou Hernar près de Bergen) pour aller plein ouest, on arrivera au cap Farewell à l’extrémité sud du Groenland (tous deux situés à 60° de latitude nord), sans passer par l’Islande, à condition de garder le cap. Les Shetland (pratiquement à la même latitude), longées par le nord, sont visibles au passage. Celles-ci disparues, on arrive à hauteur du sud des Féroé (à 61° 30’) très montagneuses, mais visibles seulement si l’on dévie vers le nord jusqu’à ce que l’on voie, au-dessus de la mer, donc de l’horizon, la moitié des falaises [62]. Ensuite, toujours vers l’ouest, le navigateur doit s’assurer que l’Islande est bien au nord de sa route, quitte à s’en écarter pour remonter vers le nord et arriver à douze lieues marines de l’île [63] : le vol des oiseaux et la présence de cétacés le rassurent sur ce point. Cette remontée vers le nord peut étonner mais doit être considérée comme une précaution prise pour ne pas manquer le cap Farewell du Groenland en passant trop au sud. C’est un exemple de ce qu’on appellerait de nos jours la « navigation défensive ». Le marin s’écarte délibérément de sa route pour s’assurer de la présence de l’Islande bien identifiable au nord, puis revient sur sa route initiale. On peut penser que, expérimenté, il estime la distance parcourue vers le nord et en garde suffisamment le souvenir dans sa mémoire entraînée pour « se recaler » vers le sud sur la route est-ouest.
22Cette dernière est essentielle, car c’est bien le point d’arrivée qui conditionne l’endroit d’où l’on doit partir. Pour atteindre les Shetland, les Féroé, l’Islande et/ou le Groenland, les Vikings devaient donc naviguer le long de la côte norvégienne jusqu’à atteindre un point de repère, qui sert de tremplin pour se lancer en haute mer plein ouest [64]. Il faut toutefois admettre que ce procédé n’explique pas comment, sans instrument, on peut garder rigoureusement la direction de départ et le cap, sans dérive. On l’a vu, d’après les sources, la navigation en haute mer se fait essentiellement en été et de jour ; la Lune, l’étoile polaire et les autres étoiles sont donc très peu utiles. Il y a le Soleil, mais ses mouvements apparents sont complexes : il se lève et se couche chaque jour en un point différent et à une heure différente. Heureusement, il a un élément fixe : quand il est à sa hauteur maximum en milieu de jour (au zénith), il est orienté au sud. Mais sans heure, comment déterminer avec exactitude ce point le plus haut ? Le Soleil ne pouvait donner qu’une simple indication de la route, comme pour d’autres navigateurs anciens, par exemple Pythéas de Marseille, qui est déjà allé dans l’Atlantique Nord au ive siècle av. J.-C. [65]. C’est peu sans doute, mais beaucoup mieux que rien. Il faut encore tenir compte du fait que l’astre n’est pas toujours visible, vu les brumes épaisses près de l’Islande, où se croisent courant chaud du Gulf Stream (ou plutôt ses dérives nord-atlantiques), courant froid du Groenland et flux d’air polaire (voir carte).
23En conclusion, il faut admettre que les découvertes de l’Islande, du Groenland et de l’Amérique du Nord-Est par les Vikings sont en partie dues au hasard et sans doute ponctuées de naufrages. Par contre, le trajet de retour de ces terres lointaines ne peut pas être fortuit. À ce stade, rien ne permet de déterminer avec certitude quelle méthode les Scandinaves utilisaient pour naviguer dans l’Atlantique Nord. On suppose qu’ils s’orientaient selon les points cardinaux et qu’ils partaient d’une latitude déterminée pour faire cap à l’ouest à l’aller et à l’est au retour. Ainsi, ils arrivaient à un point de même latitude qu’au départ. Les Shetland, les Féroé et l’Islande permettaient apparemment de vérifier s’ils étaient sur le bon cap. On a évoqué une estime rudimentaire. À celle-ci pourraient se joindre d’autres facteurs la rendant plus efficace. Nous avons vu, par exemple, que la présence d’oiseaux de mer en vol et de baleines signifiait pour les marins la proximité de l’Islande. Voyons donc ce qu’il en est du type de navigation qui découle de l’expérience et du sens aigu de l’orientation et de l’observation des marins, ainsi que de leurs connaissances de la mer, des îles, du ciel et des animaux.
4 – La navigation à vue, au jugé, « au naturel » [66]
24Comme le disait le commandant Denoix, « conduire un navire sur les routes de mer était […] un art comportant intuition, mémoire et expérience [67]. » On ne doute pas que les Vikings, en navigateurs chevronnés, devaient être experts en la matière, la mer étant pour eux une seconde nature. Qu’ils n’aient eu aucun véritable instrument de guidage, ou seulement l’un ou l’autre rudimentaire, ne les a pas empêchés de réaliser des exploits, qui étonnent toujours. Tentons de savoir comment.
25Tant que les côtes sont visibles, les problèmes de navigation sont assez réduits, à condition que le temps soit suffisamment clair et d’éviter les récifs, bancs de sable, etc. Le marin n’est jamais perdu tant qu’il voit ports et amers naturels (falaises, montagnes, glaciers [68], rochers, arbres isolés, indentations de la côte, etc.) ou artificiels (cairns [69], tours, etc.) : c’est le cabotage. Par contre, se lancer en haute mer, loin des côtes devenues invisibles, est beaucoup plus hasardeux : c’est la navigation au grand large, en haute mer ou hauturière. L’expérience – la leur et celle des prédécesseurs – et la connaissance d’éléments naturels seront précieuses. « Quand þórarinn fut prêt […], il gagna la haute mer […]. Il cingla au sud de l’Islande, vit à divers signes qu’il en était proche […] [70]. » Malheureusement, il ne précise pas quels signes : oiseaux, mammifères marins, végétations marines ? Même si la plus grande prudence s’impose à la lecture des sagas, il est avéré que l’observation des oiseaux de mer, cétacés et pinnipèdes est une méthode d’orientation ancestrale employée par les marins du monde entier depuis la plus haute Antiquité [71]. Toutes les observations concordent : si l’on en voit, la terre n’est pas loin, car ils s’y dirigent pour se nourrir, se reproduire et alimenter leurs petits. Chaque espèce d’oiseaux a même son propre rayon de vol : on estime actuellement que les plus rapides partis au large sont visibles deux à trois heures avant d’atterrir, soit à maximum 20 à 60 km de la terre, vu la vitesse des navires. Cette estimation était sans doute suffisamment précise pour les navigateurs vikings, qui devaient observer ces phénomènes en détail pour « arriver à bon port » [72] ! Parmi ces volatiles, des oiseaux plongeurs, comme les fous de Bassan, qui repèrent et attaquent les bancs de poissons au large, tandis que macareux et goélands se tiennent plus près des côtes [73]. Sur les plages sablonneuses, on voit des échassiers, canards, bernaches et autres oies, qui y trouvent une nourriture abondante [74]. Les marins avaient aussi certainement remarqué que les cétacés et les oiseaux migrateurs [75] vont chaque année vers le nord en été, car les mers froides de l’Atlantique Nord sont très productives en nourriture, vu leur oxygénation (par agitation) et leur basse température [76]. Les Vikings avaient intérêt à les suivre pour débarquer facilement avec leurs navires à faible tirant d’eau. Les ermites irlandais, qui auraient été les premiers à débarquer en Islande, pourraient déjà avoir suivi des animaux migrateurs pour se diriger vers les Féroé et finalement l’Islande ; les oies rieuses du Groenland, par exemple, migrent directement entre l’Irlande et le Groenland via l’Islande [77].
26Habituellement, pendant la belle saison, les mammifères marins fréquentent des zones de la mer proches des côtes, sur le plateau continental [78], où grouille la vie marine et qui constituent un garde-manger de choix. Si on les aperçoit, c’est que la terre est proche, ne serait-ce que la côte d’un îlot, où l’on peut atterrir, car ils se rassemblent en grand nombre au large des côtes (cétacés) ou sur celles-ci (pinnipèdes) et constituent donc un repère essentiel pour tous les marins. Ceux-ci peuvent trouver leur chemin à travers l’océan, allant d’île en île, en observant tous ces animaux bienvenus [79].
27La navigation à vue fait appel à d’autres moyens naturels. N’oublions pas une spécificité de l’Islande, curieusement guère mentionnée dans les travaux consultés, mais bien réelle et signalée dans certaines sources : son volcanisme, omniprésent depuis sa naissance il y a une vingtaine de millions d’années et dû à sa position sur la dorsale médio-atlantique entre deux plaques tectoniques (Amérique–Eurasie) [80]. Adam de Brême semble l’évoquer dans sa description des îles du Nord, lorsqu’il parle de l’île de Thulé qu’il associe à l’Islande [81]. Herbert de Mores, moine cistercien parle de l’enfer islandais, De inferno Hyslandie, dans son Liber miraculorum, donnant une description des phénomènes volcaniques du pays [82]. De même, le Livre de la colonisation de l’Islande ou Landnámabók parle de lave, d’éruption, d’odeur de soufre, d’inondation violente, d’effondrement de montagne [83]. Les fumées des volcans, montant en colonnes de plusieurs kilomètres de haut, voire les jets de certains grands geysers (atteignant des dizaines voire jadis des centaines de mètres de haut [84]), ne pouvaient pas échapper aux Vikings. Ils disposaient là d’amers naturels exceptionnels et donc de repères sûrs pour atteindre et identifier l’Islande ou passer au sud et arriver ainsi au Groenland (cap Farewell se signalant par des montagnes enneigées) ou même en Amérique du Nord-Est [85].
28Les Scandinaves observaient aussi soigneusement la direction des vents, comme le montrent les girouettes au sommet des mâts et proues des navires mis au jour [86]. D’ailleurs, ils ne partent pas aussi longtemps que les vents ne sont pas favorables. En Atlantique Nord, on trouve en été des vents nettement plus variables que vers 45°–50° de latitude nord, où il y a une forte proportion de vents de secteur ouest ; en montant à 60°, les vents variables permettent donc un aller-retour plus facile. Voici un exemple du rôle du vent : « Bjarni […] leur ordonna de hisser la voile […], ils tournèrent leur proue vers la haute mer, eurent un bon vent du sud-ouest pendant trois jours et trois nuits […] [87]. » Ajoutons encore les courants marins [88], la couleur de la mer, la végétation marine (algues), la direction des vagues, les marées, les glaces (provenant de la fonte des icebergs et de la banquise), etc. [89]. Les Vikings avaient probablement aussi une ouïe plus fine et davantage exercée que celle des citadins actuels. Ils savaient – comme les Inuits encore actuellement – reconnaître une baie ou un cap familier aux sons émis par une colonie d’oiseaux ou de pinnipèdes ; ou deviner la présence invisible d’un fjord aux rafales glacées le dévalant [90].
29Le ciel est aussi d’un grand secours, les caractéristiques des nuages en particulier. En Atlantique Nord, avec les vents et les courants, elles permettaient aux navigateurs de prévoir le temps avec quelques jours d’avance pour planifier la route [91]. La position du Soleil donne une idée de l’heure dans la journée et de la direction à suivre, notamment après une période de turbulence ou de brouillard, qui peut faire perdre tout repère, comme ce fut le cas pour Bjarni Herjólfsson en route vers le Groenland [92]. Dans les sources, il est question, à de nombreuses reprises, d’hivernage [93] pour des raisons évidentes (longues nuits, froid intense, blizzard, glaces omniprésentes, …) : « Einarr naviguait entre les deux pays […]. Il passait à tour de rôle un hiver en Islande et un en Norvège [94]. »
30Hélas, en dépit de leur habileté et de leurs connaissances, les marins scandinaves, à cause des revers, comme tempêtes, brumes et brouillards fréquents, récifs, icebergs et glaces (l’arrivée de l’hiver est très brusque), avaries, vents et courants contraires, etc., se perdent parfois, sont déroutés ou, pire, disparaissent corps et biens. Bjarni Herjólfsson, parti d’Islande pour le Groenland, se perd dans le brouillard ; après plusieurs jours d’errance, puis le retour du Soleil, il arrive en vue d’une terre inconnue, sans doute l’Amérique du Nord-Est. Thorsteinn, fils d’Érík le Rouge, et ses compagnons de voyage partis pour le Vinland « prirent la mer […] et perdirent la terre de vue. Ils furent ballottés en mer tout l’été, ne sachant pas où ils allaient. À la fin de la première semaine de l’hiver, ils touchèrent terre dans le Lýsufjördr au Groenland, dans les Établissements de l’Ouest [95]. » Ce genre de mésaventure devait être fréquent [96]. Il arrive que le voyage se termine mal : « Arnbjörn le Norvégien ainsi que des Norvégiens se préparaient pour aller aussi au Groenland. Puis, ils prirent la mer, ils n’eurent pas bon vent […]. L’été suivant […] on n’avait rien appris encore d’Arnbjörn […] disant qu’ils devaient avoir sombré [97]. » L’installation des Nordiques au Groenland fut difficile : le Livre des Islandais rapporte que sur vingt-cinq bateaux partis d’Islande, quatorze seulement arrivent au Groenland [98]. Même atterrir n’est pas toujours sans risque : en 1118, un bateau se retourne et s’échoue sur le rivage du sud de l’Islande, au bas des montagnes de l’Eyjafjöll [99]. Ces quelques histoires sont certes reprises dans les sagas, bien postérieures aux faits relatés, mais elles reflètent certainement la dure réalité de la navigation dans ces hautes latitudes, où les eaux sont en plus suffisamment opaques pour cacher les obstacles [100] !
31En conclusion, il apparaît que la navigation des Vikings dans l’Atlantique Nord n’a sans doute pas de secrets artificiels particuliers. Elle résulte de connaissances approfondies basées essentiellement sur l’observation attentive et naturelle (sans instrument perfectionné) et de nombreuses expériences et adaptations qui leur ont permis d’aller toujours plus loin. C’est ce qu’on appelle la navigation à vue, au naturel ou au jugé. Ajoutons une mémoire prodigieuse leur permettant d’assimiler la masse d’informations nécessaires pour revenir d’une terre nouvellement découverte et y retourner, mais aussi une soif de découvertes et de l’audace, indispensables à la réalisation de ces exploits. Citons même les aléas de la navigation : divers périls amènent parfois le marin dans une direction imprévue mais féconde, « échouant finalement sur une terre inconnue mais riche de promesses, que l’on n’aura de cesse de retrouver une fois de retour dans la mère patrie [101]. » C’est pourquoi les Vikings furent, dans l’Europe du haut Moyen Âge, les seuls à naviguer aussi loin des frontières de leurs pays, ce qui impliquait, de leur part, des connaissances poussées non seulement en navigation mais aussi en matière de construction navale [102]. Voyons dès lors ce qu’il en est de cette dernière compétence fondamentale.
5 – Les bateaux vikings, modèles du genre
32À partir de la fin du viiie siècle et pour diverses raisons hors du propos de cet article, les Scandinaves se lancent en mer et déferlent vers l’Europe et l’Atlantique Nord, avec leurs fameux bateaux d’une qualité et d’une rapidité redoutables. Ces derniers sont les vrais instruments et les symboles de leurs extraordinaires navigations et expansions à l’ouest (surtout des Norvégiens), au sud (surtout des Danois qu’on appela Normands) ou à l’est (des Suédois, les Varègues ou « Rous »). Ces chefs-d’œuvre techniques, selon les archéologues marins et autres spécialistes des bateaux, jouent donc un rôle essentiel pendant toute leur vie et constituent au fil des siècles – même bien après l’âge viking – un objet de fierté et de vénération, vu le savoir-faire qu’ils exigent et les prouesses qu’ils permettent. Pour de nombreux experts, les navires vikings constituent les meilleurs construits en Europe durant cette période [103]. Le bateau découvert à Oseberg (Sud de la Norvège) en 1904, daté vers 820 [104], à la proue en col de cygne de 4,80 m de haut, en est un des symboles, avec celui de Gokstad (près d’Oslo), mis au jour en 1880 et daté vers 895 [105]. Les navires normands de la Tapisserie de Bayeux (appelée parfois à tort « Broderie de la Reine Mathilde ») en seraient d’autres [106]. Selon la formule de R. Boyer, « il n’y a pas de Viking sans bateau, c’est le bateau qui fait le Viking. » Ou, comme dit P. Bauduin, « les Vikings sont entrés dans l’histoire en bateau. » On peut s’étonner du nombre de sources iconographiques et de la variété de leurs supports (pierres, vitraux, monnaies, sceaux, enluminures, parchemins, etc.) sur lesquels figure une embarcation viking. Comme le résume joliment F. Durand, « la silhouette du bateau viking était devenue l’idée même du bateau, et l’est restée pour des siècles [107]. »
33Une mise au point terminologique s’impose. Le terme « drakkar » ne se rapporterait au mieux qu’à l’éventuelle figure de proue. Il vient du norrois dreki (pluriel drekar) pour tête de dragon, de monstre ou de serpent, arborée sur les bateaux de guerre pour effrayer l’ennemi, voire galvaniser et protéger l’équipage. Par un raccourci excessif, depuis le xixe siècle, le terme « drakkar » désigne erronément en français l’ensemble du bâtiment [108]. Distinguons ensuite le skip (embarcation ou bateau au sens générique), repris en d’autres langues germaniques, du bátr (barque ou chaloupe), nettement plus petit, surtout par rapport au langskip, la version longue et guerrière (skeiđ) du skip. Le navire viking type pour naviguer en Atlantique Nord est en fait le knørr, knörr ou knarr (pluriel knerrir, bateaux marchands), large embarcation à tout faire, mais principalement destinée au transport de cargaisons plus ou moins importantes, de type kaupskip ou navire de commerce de 10 à rarement 30, voire exceptionnellement 50 ou 60 tonnes [109]. C’est le cargo viking ventru et courant et celui des grandes traversées atlantiques des Vikings (hafskip, bateau de mer). Pendant plus de trois siècles, il fait la navette entre la Norvège et les abords nord-américains [110] (fig. 4). Plus petit, le kaupskip est aussi un bateau marchand mais de petit tonnage pour cabotage. Plus long et plus étroit, le snekkar (venant de la snekkja, serpent en norrois) est guerrier, élancé et souvent prestigieux (de type hership ou navire de guerre), orné de dreki et de boucliers, surtout utilisé lors des raids normands vers l’Europe occidentale et méridionale, à partir de la fin du viiie siècle [111].
Modèle de knorr, exposé à Hedeby (Allemagne), Musée Haithabu (fichier : GRIMHELM, https://commons.wikimedia.org – 30 février 2007)
Modèle de knorr, exposé à Hedeby (Allemagne), Musée Haithabu (fichier : GRIMHELM, https://commons.wikimedia.org – 30 février 2007)
34La construction d’une embarcation viking débute à la hache en suivant l’orientation des fibres ou fils naturels du bois vert (principalement du chêne et du pin), pour avoir des planches bien courbées et solides, surtout vers l’avant (proue) et l’arrière (poupe) du navire. La Tapisserie de Bayeux contient de remarquables scènes de construction de bateau et de manipulation des outils nécessaires (haches, racloirs, marteaux, instruments de contrôle tel le fil à plomb, etc.). Les sections 35 et 36 montrent les ouvriers abattant des arbres, taillant des planches et assemblant le futur navire [112]. Le façonnage de la quille [113] d’un seul tenant et en forme de T – invention fondamentale attestée vers 700 – facilitait le montage des couples (côtes) et contribuait à assurer la solidité et l’élasticité de l’ensemble. Les caractéristiques des bateaux vikings, quel que soit le type, sont : une coque bordée à clin (les bordages ou planches du bordé [114] se recouvrent en partie l’une l’autre, un peu comme les tuiles d’un toit ou les écailles d’un poisson ou d’une tortue, mais avec assemblage au niveau de la surface de recouvrement), une quille en T de deux ou d’un seul tenant (nécessitant alors de grands arbres), une structure quasi symétrique (poupe et proue se répondant de part et d’autre du mât, ce qui rend l’embarcation amphidrome : elle peut aller dans un sens ou dans l’autre), des couples (côtes) à intervalle régulier dans la coque et articulés sur la quille, pas de pont, mais des poutres transversales (ou bancs) reliant les deux bords. Tout cela assure les qualités de l’embarcation : légèreté, solidité, élasticité, flexibilité et stabilité. De plus, avec deux extrémités semblables, le navire est amphidrome et adaptable. Sa longueur varie généralement entre 9 et exceptionnellement 25, voire 35 m. Ce « cargo » est souvent ventru ou fort large : le rapport longueur/largeur d’un knørr est de l’ordre de 4,4/1, d’où sa bonne stabilité latérale. Même plein d’eau, il chavire difficilement. Les bordages sont calfatés (rendus étanches), par exemple au chanvre trempé dans du goudron [115]. Ce bateau, quelle que soit sa catégorie, porte un mât très haut à grande voile carrée ou rectangulaire typique de l’Europe du Nord (y introduite au viie ou viiie siècle) [116], enfoncé dans une poutre en forme de poisson. Il est ainsi assez facile de le dresser ou de l’abattre. L’usage de la voile permet des gains de temps appréciables ; certains textes donnent des précisions sur les temps de parcours [117]. Pour l’orientation, le mât est surmonté d’une girouette (en norrois vedrviti), instrument tellement essentiel qu’il est parfois décoré, ajouré (fig. 3) [118]. Le gouvernail latéral (styriborð) a la forme d’un aviron de queue, une très large rame à manche court, articulée à angle droit sur une barre et fixée à tribord (à droite) arrière par une lame de cuir souple [119]. Ainsi, le navire viking se manœuvre apparemment avec grande facilité et peut virer « lof pour lof » (manœuvre pour faire passer le vent modéré par l’arrière) dans un rayon limité. Pour cette qualité étonnante, citons A. Winroth : « Les expériences menées avec des bateaux reconstruits par le musée de Roskilde montrent que, lorsqu’il faut zigzaguer contre le vent, les voiles carrées ne sont pas aussi mauvaises qu’on l’avait longtemps pensé [120]. » Sa quille lui offre un tirant d’eau étonnement faible (inférieur à 1 m), lui permettant de naviguer presque partout, de la rivière à la haute mer [121]. En outre, un ingénieux système de cordage [122] permet de hisser, déployer, orienter et amener (abattre) la voile à volonté.
35On reste admiratif devant tant d’ingéniosité, alors que les plans n’existaient pas ! Le maître-constructeur naval avait probablement l’image du bateau fini dans sa mémoire entraînée et utilisait des règles empiriques simples (choix des bois, proportions, etc.). Il transmettait ses secrets de génération en génération, oralement et par apprentissages pratiques au sein de sa famille. Un chef viking se devait dès lors de trouver un tel expert et l’équipage compétent [123]. Résultat : ce bateau ne doit pas affronter directement la vague, il l’épouse ; il est « élastique » et « se plie » devant la houle. Il peut louvoyer (naviguer contre un vent modéré, tantôt sur un bord, tantôt sur l’autre, pour faire route vers le secteur le plus proche de l’origine du vent ne pouvant être atteint directement) et onduler comme un serpent, d’où son surnom de « serpent des mers » et les noms snekkar et snekkja. Il pourrait dès lors naviguer en principe sur n’importe quelle mer sans couler. Toutefois, le voilier nordique est aussi souvent équipé de rames en cas de vent contraire ou nul, pour accélérer et éviter de grands dangers (récifs, tempêtes, etc.). Si sa légèreté le permet, il peut, surtout vide, être transporté à dos d’hommes ou tiré sur troncs d’arbres, éventuellement à l’aide de chevaux [124]. Globalement, tout ceci autoriserait une vitesse maximale (en conditions idéales) surprenante de 5 à 10 nœuds (environ 9 à 19 km/h), ce qui est remarquable pour cette époque [125]. Et encore, les Vikings ont opté pour l’efficacité, compromis entre vitesse pure et tenue à la mer, devant fréquenter des eaux souvent démontées (mers du Nord, de Norvège, du Groenland, du Labrador, etc., sans oublier les immensités hostiles de l’Atlantique Nord). C’est l’une des principales raisons des victoires et succès des Scandinaves du Moyen Âge ! Grâce à cette vitesse, ils peuvent parcourir de longues distances en peu de temps : ils ne doivent pas emporter de trop grandes quantités de vivres et d’eau douce. Une telle réalisation est le fruit d’une longue évolution, dont on a des vestiges ou des représentations archéologiques : le navire Nydam 2 découvert à Nydam (Jutland méridional, appartenant jadis au Danemark, actuellement au Schleswig-Holstein, Allemagne du Nord) datant du ive siècle et présentant déjà les traits principaux du knørr [126] et des stèles ou pierres historiées de l’île de Gotland dans la Baltique [127]. Notons au passage l’importance déterminante de l’archéologie : sur cette science se base la plus grande part de nos connaissances en matière de bateaux et d’âge vikings [128].
36Cela dit, le knørr n’est pas parfait : il a aussi ses défauts. Comme voilier, il ne remonte pas vraiment au vent : il doit attendre un vent favorable pour pouvoir sortir du port (repris par plusieurs sagas). Il n’est pas ponté : les hommes d’équipage, leurs vivres, l’eau douce, les marchandises, éventuellement les montures et les bestiaux s’entassent dans la cale ; d’où une grande promiscuité et un manque permanent d’hygiène. Il est bas de bordage et embarque donc beaucoup d’eau. Ses dimensions ne lui permettent pas de transporter de nombreuses personnes – de dix à vingt, rarement plus [129] – ni des marchandises pondéreuses. Sa cale ne peut donc contenir que des objets essentiels et de luxe, peu encombrants et assez légers (bijoux, or, argent, ivoires, étoffes, fourrures, peaux, etc.). Enfin, vu son coût élevé, il n’est fabriqué qu’en petit nombre : il est précieux.
37Il n’en reste pas moins vrai que ce type d’embarcation – à capacité augmentée au fil du temps – sera encore construit après l’âge viking, aux xiie et xiiie siècles (époque de rédaction des sagas) et restera en usage dans tout le nord de l’Europe et de l’Atlantique jusqu’à l’époque moderne [130]. Il n’est pas étonnant que plusieurs musées présentent fièrement les reconstitutions fidèles des principaux navires vikings mis au jour lors des remarquables fouilles archéologiques réalisées aux xixe et xxe siècles par les experts scandinaves : à Oslo (bateau d’Oseberg ca 820, Gokstad ca 895 et Tune ca 910, les plus complets) [131] et Tønsberg (reconstruction complète et fonctionnelle du navire d’Oseberg) en Norvège ; Roskilde (neuf épaves, à partir du xie siècle, dont les cinq Skuldelev datant du xie siècle (parmi lesquels Skuldelev 1, un authentique knørr) et Ladby (900–950) au Danemark ; Göteborg (reste du knørr Äskekärr) en Suède ; Hedeby/Haithabu, près de Schleswig en Allemagne du Nord (le bateau « ancêtre » de Nydam 2 datant du ive siècle et aussi un grand navire de guerre du xie siècle) [132]. La datation des épaves originales est basée sur la dendrochronologie [133].
38Vu le fini de la construction et le degré de perfection technique, il n’est guère surprenant que leur conception et leurs lignes remarquables aient été utilisées jusqu’à nos jours, non seulement en Scandinavie, mais également ailleurs en Europe, notamment sur la Loire et en Normandie ou même en Galice [134]. Des expéditions expérimentales ont été menées sur les répliques de certains bateaux marins (ni côtiers, ni fluviaux) mis au jour. Elles ont grandement fait progresser notre compréhension des techniques vikings de navigation [135]. Elles ont démontré que des voyages nord-atlantiques pouvaient bel et bien être réalisés avec de tels bâtiments [136].
Conclusions
39On ne peut que s’étonner de tant de performances de la part des navigateurs nordiques. De fait, ils sont capables de trouver leur chemin en mer et sur l’océan, sans instrument de navigation mystérieux ou perfectionné. Ils font preuve d’audace, mais surtout de perspicacité, d’un sens de l’observation et de l’orientation hors du commun, construisent des bateaux d’une qualité rare, se passent les informations et expériences de génération en génération, sans carte ni itinéraire écrit. Toutefois, comme l’écrivait le duc Louis Jules de Nivernais, « ce n’est pas tout d’être intrépide, il ne faut pas être étourdi [137]. » Il se fait que les marins d’autrefois, intégrant incertitudes, doutes, dangers et risques, pratiquaient d’abord ce que d’aucuns appellent aujourd’hui la « navigation défensive », basée sur la prudence et l’expérience, tenant à leur vie, à leur précieux navire et à leur cargaison. Ceci vaut pour tous les aspects de la navigation : identification d’une côte ou d’un amer, maintien d’un cap, estimation d’une position sans visibilité, évitement d’un récif, etc.
40Après une étude aussi critique et objective que possible des sources et travaux en notre possession, il faut donc se rendre à l’évidence : jusqu’à preuve du contraire, les Vikings (principalement des Norvégiens) – sans compas ou boussole, sans carte et sans itinéraire écrit – utilisaient surtout observations, réflexions, bon sens, connaissances, expériences et moyens naturels du bord (navigation à l’estime très rudimentaire et surtout navigation à l’horizontale et navigation à vue, au juger, au naturel). Ce sont des marins accomplis, ayant un sens inné de l’orientation en mer (et peut-être aussi dans les terres [138], même s’ils pouvaient essentiellement s’y contenter de remonter fleuves et rivières, grâce au très faible tirant d’eau de leurs embarcations). De plus, leurs bateaux étaient des chefs-d’œuvre techniques, les meilleurs d’Europe à cette époque (viiie–xie siècles). Ce sont eux qui leur ont permis de pratiquer ces navigations ancestrales et de réaliser leurs exploits atlantiques. Les quelques sources invoquées pour justifier la pierre de soleil ou le cadran de position ne sont pas convaincantes. Les trop rares découvertes archéologiques sont intéressantes, mais non décisives. Les instruments suggérés, voire « révélés », par certains ne sont toujours que suppositions pour un fait avéré : la traversée de l’Atlantique Nord par étapes et la découverte du Nord-Est de l’Amérique par les Vikings dès la fin du xe siècle, cinq siècles avant celle de l’Amérique centrale par Christophe Colomb. Il faudrait dès lors d’autres découvertes archéologiques sérieuses pour conforter l’hypothèse de l’usage d’un de ces instruments. En attendant, citons A. Winroth : « Nous devons accepter que les Scandinaves, comme d’autres peuples de navigateurs avant l’époque moderne [par exemple les Polynésiens], aient été capables de trouver leur chemin à travers l’océan simplement en observant la nature autour d’eux [139]. »
Mots-clés éditeurs : Vikings, orientation, bateaux, navigation, Atlantique
Date de mise en ligne : 16/07/2020
https://doi.org/10.3917/rma.253.0617Notes
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[1]
Je remercie chaleureusement P. Alexandre et J.L. Kupper (Université de Liège) pour leur relecture et leurs précieux conseils, ainsi que W. De Craecker, ingénieur civil, pour les éclairages scientifiques et techniques (cristallographie, optique, magnétisme, sciences naturelles, construction navale, etc.).
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[2]
Sur le terme « Vikings », voir J. Byock, L’Islande des Vikings, Paris, 2007, p. 29 ; J.M. Maillefer, Les Vikings, Paris, 2015, p. 31–32, rappelle que ce terme est l’objet de débats depuis 150 ans quant à son étymologie. Stricto sensu, dans les sources norroises, viking est un nom commun désignant une activité qui correspond à la piraterie, et ceux qui s’y adonnent sont les víkingr. Ce n’est qu’au xxe siècle que « Viking » reçoit une acception large mais encore contestée, à savoir l’ensemble de la population scandinave vivant entre le ixe et le xie siècle : G. Cattaneo, Le parler viking. Vocabulaire historique de la Scandinavie ancienne et médiévale, Bayeux, 2017, p. 26–27.
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[3]
Chronologie détaillée dans The Oxford illustrated history of the Vikings, éd. P. Sawyer, Oxford, 1997, p. 273–281 ; R. Boyer, Les Vikings. Histoire, mythes, dictionnaire, Paris, 2008, p. 17–25. Sur cette extension des Vikings en Atlantique Nord, P. Bauduin, Les Vikings, Paris, 2014, p. 78–89 ; Id., Histoire des Vikings. Des invasions à la diaspora, Paris, 2019, p. 95-97, 271-281, 443-450 ; L. Musset, Les invasions. Le second assaut contre l’Europe chrétienne (viie–xie siècles), Paris, 1971, p. 214–220 ; Les Vikings, éd. M. de Boüard, Paris, 1968, p. 96–119. Le Groenland est mentionné dans l’Histoire du roi Olaf fils Tryggvi, chap. 86 : Histoire des rois de Norvège par Snorri Sturluson. Heimskringla, trad. F.X. Dillmann, Paris, 2000, p. 321, 577 ; Snorri Sturluson (1178–1241) a utilisé l’Íslendingabók (ou Livre des Islandais) écrit par Ari le Savant (vers 1120–1130), notamment le chap. 6 sur la colonisation du Groenland. Il est considéré comme un ouvrage fiable. Les territoires américains abordés sont désignés dans les textes par Helluland (« pays de la pierre plate »), Markland (« pays de la forêt ») et Vinland (« pays de la vigne » ou « pays des prairies », suivant les interprétations) : Saga d’Eiríkr le Rouge, Sagas islandaises, trad. R. Boyer, Paris, 1987, p. 346–347. La plus ancienne mention du Vinland date d’environ 1073–1075 et est due à Adam de Brême, Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum, iv, 39, éd. B. Schmeidler, MGH, Scriptores in usum scholarum, t. 2, Hanovre, 1917, p. 275 : […] unam insulam […] quae dicitur Winland […]. Sur ces territoires, voir infra n. 58 ; sur la valeur des sagas, n. 59. Voir la carte en annexe, p. 650.
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[4]
Plusieurs textes attestent de l’existence d’ancêtres des portulans (livres d’instructions nautiques), mais ils datent du xiie siècle, donc sont postérieurs à l’âge viking : C. Deluz, Une image du monde. La géographie dans l’Occident médiéval (ve–xve siècle), La Terre. Connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, éd. P. Gautier Dalché, Turnhout, 2013, p. 56. A. Winroth, Au temps des Vikings, Paris, 2018, p. 103, parle aussi d’instructions de navigation mises par écrit en Islande et cite le texte tiré du Landnámabók (version Hauksbók du Livre de la colonisation de l’Islande, datant du début du xive siècle) : voir infra n. 61.
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[5]
Si l’on trace sur une carte la route de la Scandinavie à l’Islande, on a les distances approximatives suivantes : Bergen–Nord des Shetland = 200 milles ou ca 370 km ; Nord des Shetland–Sud des Féroé = 200 milles ou ca 370 km ; Sud des Féroé–Sud de l’Islande = 300 milles ou ca 560 km ; d’où Bergen–Sud de l’Islande = 700 milles ou ca 1 300 km. Puis Islande–Groenland (au plus court par le détroit du Danemark entre le nord-ouest de l’Islande et la côte est du Groenland) : 370 km ; ouest du Groenland–Terre de Baffin, Labrador ou Terre-Neuve : respectivement 400, 800 ou 1 200 km. Donc au total, de Bergen à Terre-Neuve : 1 300 km + 1 200 km = 2 500 km. Voir P. Adam, Problèmes de navigation dans l’Atlantique Nord, Les Vikings et leur civilisation. Problèmes actuels, éd. R. Boyer, Paris, 1976, p. 49–50 ; carte dans Byock, L’Islande des Vikings, p. 25 ; Istituto Geographico De Agostini, Le Grand Atlas géographique Le Monde, Novare, 2014. N’oublions pas que la projection de Mercator agrandit distances et surfaces dans les hautes latitudes (au-delà de 60°) ; d’où la grandeur apparente énorme du Groenland et les distances entre les îles paraissant plus grandes qu’elles ne le sont en réalité.
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[6]
Dans l’océan Indien, les marins parcourent de longues distances (parfois 2 000 km) sans voir une seule île, profitant de la mousson (est vers ouest) de juin à septembre et des vents contraires (ouest vers est) pendant le reste de l’année : M. Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation durant le Moyen Âge, Thèse de doctorat en Histoire, Conservatoire National des Arts et métiers (Paris), 2012, p. 225. Sur les voyages dans le Pacifique, voir J.E. Huth, The lost art of finding our way, Londres–Cambridge, 2013, p. 6–9 ; O. Le Carrer, Trouver le nord et autres secrets d’orientation des voyageurs d’autrefois, Paris, 2016, p. 31–51.
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[7]
U. Schnall, Navigation der Wikinger. Nautische Probleme der Wikingerzeit im Spiegel der schriftlichen Quellen, Oldenburg–Hambourg, 1975, p. 9–10.
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[8]
Ils ne seraient pas vraiment les premiers : Dicuil (ca 755–ca 825), moine irlandais, parle de l’arrivée d’ermites irlandais au cours du viiie siècle aux îles Féroé et en Islande : Trigesimus nunc annus est a quo nuntiaverunt mihi clerici qui […] in illa insula manserunt […] : Dicuil, Liber de mensura orbis terrae, vii, 11, éd. J.J. Tierney, L. Bieler, Dublin, 1967, p. 74 ; D. Meier, Seafarers, merchants and pirates in the Middle Ages, Woodridge–Rochester, 2006, p. 99–100 ; Boyer, Les Vikings, p. 566. Cette présence démontre que ces îles sont relativement accessibles. Les Scandinaves débarquant en Islande appellent ces ermites arrivés avant eux papar. Comment y seraient-ils arrivés (distance Irlande–Hébrides–Féroé : 650 km ; distance Féroé–Islande : 560 km, soit un total Irlande–Islande = ca 1 200 km) ? Sont-ils partis à l’aveuglette, simplement en quête de solitude au-delà de la mer ? Encore une énigme… Sur Dicuil, N. Bouloux, L’espace habité, La Terre. Connaissance, représentations, mesure, p. 314–319. Notons que G. Karlsson, Brève histoire de l’Islande, Reykjavík, 2016, p. 4, conteste la présence de ces ermites irlandais et que Byock, L’Islande des Vikings, p. 24, n’en parle pas.
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[9]
La polarisation lumineuse est la propriété qu’acquiert un rayon de lumière lorsque la direction de la vibration devient fixe et rectiligne au lieu de se déplacer en vrille en toutes directions.
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[10]
P.G. Foote, Icelandic sólarsteinn and the medieval background, ARV. Journal of Scandinavian Folklore, t. 12, 1956, p. 27 ; Schnall, Navigation der Wikinger, p. 92–105, ne retient pas cette hypothèse, pas plus que K.A. Seaver, The last Vikings. The epic story of the great Norse voyages, Londres–New York, 2010, p. 17.
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[11]
Raudulfs Þáttur, The story of Raud and his sons, Londres, 1947, p. 24 ; Hrafns saga Sveinbjarrersonar, éd. G.P. Helgadottir, Oxford, 1987 (traduction française dans Les Vikings, éd. de Boüard, p. 14) ; A. Einarsson, Sólarsteinninn. Tæki eða tákn ? (The sunstone : fact and fiction), Gripla, t. 21, 2010, p. 281–297 (résumé anglais, p. 296–297). Selon lui, utilisée seule, cette pierre ne serait pas vraiment utile pour la navigation en haute mer. Il met aussi en garde : les sources où il en est fait mention sont des œuvres allégoriques.
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[12]
Le trichroïsme est la propriété qu’ont certains cristaux de présenter trois couleurs suivant leur orientation et l’angle sous lequel on les observe. K. Föge, La cordiérite, de la gemme au produit industriel, Marseille, 2013, p. 12. T. Ramskou pense que la cordiérite a des propriétés correspondant à celles du compas céleste (skycompass) mis au point au milieu du xxe siècle pour remplacer la boussole magnétique, inutilisable dans les régions polaires : T. Ramskou, Solstenen, Copenhague, 1969, p. 69–70, et Id., La navigation primitive des Vikings, Les Vikings et leur civilisation, p. 46–48 ; pour vérifier son hypothèse, il va en avion du Groenland à Copenhague et constate que la cordiérite lui permet de déterminer l’azimut du Soleil (l’angle horizontal entre la direction de celui-ci et celle du nord géographique) à 5° près ; il en conclut que les Scandinaves étaient des navigateurs aux connaissances en astronomie beaucoup plus sophistiquées qu’on ne le croit généralement : F. Rogers, Precision Astrolabe. Portuguese navigators and transoceanic aviation, Lisbonne, 1971, p. 288–291 ; de là à transposer une pratique de la navigation aérienne du milieu du xxe siècle à la navigation des Vikings, il y a un pas que nous ne franchirons pas, pas plus que Föge, La cordiérite, p. 13.
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[13]
La réfraction (ou réfringence) d’un rayon lumineux est le phénomène par lequel il change de direction quand il passe d’un milieu dans un autre (par exemple de l’air au cristal). La biréfringence est la propriété qu’ont certains cristaux de dédoubler les rayons lumineux les traversant ; elle s’observe à l’œil nu dans certains cristaux (notamment la calcite). Sur les propriétés optiques et la description de la cordiérite et de la calcite : O. Johnsen, Guide Delachaux des minéraux, Paris, 2010, p. 66–73, 291–292, 185–188 ; C. De Craecker-Dussart, À la croisée des sciences. Cristallographie et optique, Athena, t. 311, 2015, p. 32–35.
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[14]
Huth, The lost art of finding our way, p. 181 ; Þ. Vihjalmsson, Time and travel in Old Norse society, Disputatio. An international transdisciplinary Journal of the Late Middle Ages, t. 2, 1997, p. 89–114, est sceptique.
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[15]
Sur la fiabilité des sources, voir infra n. 59–60.
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[16]
Seaver, The last Vikings, p. 17, et Einarsson, Sólarsteinninn, p. 297, se demandent si la pierre de soleil n’était pas considérée par les églises et les monastères comme une aide pour établir les heures canoniques, d’autant plus que les autres mentions de la pierre se trouvent dans des inventaires de ces établissements religieux ; Einarsson fait aussi remarquer, à juste titre, que, utilisée seule, cette pierre ne serait pas utile pour la navigation en haute mer. Récemment, un fragment de calcite aurait été découvert en Islande du nord-est dans un établissement viking, ce qui tendrait à prouver que ce spath d’Islande était utilisé au temps viking : A. Le Floch, G. Ropars, J. Lucas, S. Wright, T. Davenport, M. Corfield, M. Harrisson, The sixteenth century Alderney crystal : a calcite as an efficient reference optical compass ?, Proceedings of Royal Society A. Mathematical, Physical and Engineering Science, t. 469, 2013, p. 14 ; il s’avère néanmoins que cet endroit pourrait être un temple ou un centre rituel : G. Lucas, C. Batey, G. Gudmundsson, I.T. Lawson, T.H. McGovern, I.A. Simpson., Hofstadir Excavations of a Viking Age feasting hall in north-eastern Iceland, Reykjavík, 2009, p. 253–321. Rien ne dit que cette pierre servait à la navigation.
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[17]
Le Floch e.a., The sixteenth century Alderney crystal ; G. Ropars, G. Gorre, A. Le Floch, J. Enoch, V. Lakshminarayanan, A depolarizer as a possible precise sunstone for Viking navigation by polarized skylight, Proceedings of Royal Society A. Mathematical, Physical and Engineering Science, t. 468, 2012, p. 671–684 ; L. K. Karlsen, Secrets of the Viking navigators. How the Vikings used their amazing sunstones and other techniques to cross the open ocean, Seattle, 2003, expose déjà comment il voit les applications pratiques et l’usage de la pierre de soleil qui, pour lui, ne fait aucun doute.
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[18]
Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 249–256 ; voir aussi C. De Craecker-Dussart, Boussoles, compas, gyroscopes et GPS, Athena, t. 315, 2015, p. 32–35. Sur le compas magnétique (terme utilisé en navigation maritime et aérienne au lieu de boussole, réservée à l’usage sur terre) : A. Gillet, Une histoire du point en mer, Paris, 2000, p. 11–16 ; sur l’introduction de la boussole en Occident fin xiie–début xiiie siècle : R. Halleux, Les noms latins de la pierre d’aimant et les premières mentions de la boussole en Occident, Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2012, p. 1263–1269 ; E. Vagnon, La représentation cartographique de l’espace maritime, La Terre. Connaissance, représentations, mesure, p. 459–472 ; P. Juhel, L’aventure de l’aiguille aimantée. Histoire de la boussole, Versailles, 2013.
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[19]
L’expérience est facile à faire : on approche un objet métallique d’une boussole magnétique pour voir l’aiguille bouger. Des boussoles indifférentes aux perturbations magnétiques n’apparaissent qu’au xixe siècle : Gillet, Une histoire du point en mer, p. 14–15. Une autre cause de dérèglement d’une boussole est la proximité du pôle Nord. Aux pôles, le champ magnétique est vertical et une boussole, dont l’aiguille est maintenue horizontale, ne pointe plus vers une direction particulière. Donc au-delà du cercle arctique, on ne peut plus s’y fier, ce qui, du même coup, écarte son usage éventuel par les Vikings lors de leurs voyages dans cette zone. Les avions rencontraient le même problème quand ils passaient au-dessus de l’Arctique pour raccourcir les trajets : Rogers, Precision Astrolabe, p. 289, et D. Ottello, Paris Tokyo par la zone polaire nord, AviaTechno. Technologie et aéronautique, en ligne : http://aviatechno.net/constellation/route_polaire.php (dernière consultation : 7 décembre 2019).
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[20]
Sur ce compas : F. Durand, Un instrument de navigation des Vikings ? À propos d’une découverte archéologique au Groenland, Proxima Tulé. Revue d’Études nordiques, t. 1, 1994, p. 13–24 ; D. Bouet, Les bateaux vikings, Bayeux, 2014, p. 63–65.
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[21]
Dans le fjord Uunartoq, au sud-ouest du Groenland ; c’est là que les Vikings se seraient d’abord installés et auraient créé « l’Établissement de l’Est » ou Eystribyggð, actuelle Julianehåb, (en fait sur la côte sud, la plus favorisée, mais un peu à l’est de l’autre établissement, d’où son nom) ; de là, certains sont allés 400 km plus au nord, dans « l’Établissement de l’Ouest » ou Vestribyggð, actuelle Godthåb, où les conditions hivernales étaient plus rudes, mais qui servait sans doute de point de départ vers le Groenland du Nord, riche en certaines ressources comme peaux, fourrures, ivoires (défenses de morses et de narvals) : Boyer, Les Vikings, p. 560. Voir aussi K.A. Seaver, The frozen echo. Greenland and the exploration of North America ca A.D. 1000–1500, Stanford, 1996, p. 3–12 ; Id., The Last Vikings, Londres, 2010, p. 17–18.
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[22]
Gillet, Une histoire du point en mer, p. 12. Citons F. Durand, Les Vikings et la mer, Paris, 1996, p. 88 : « Ils ignoraient d’évidence notre division de l’horizon en 360°. La mythologie du paganisme germanique se représentait les quatre points cardinaux sous la forme de quatre nains appelés respectivement Norðri, Austri, Suðri et Vestri, et qui devinrent pour les navigateurs nordiques les quatre références azimutales, les høfuð-aettir. En les divisant par deux, on obtint les aettir proprement dites, donc les huitièmes. S’orienter allait se dire deila aettir, c’est-à-dire distinguer les huitièmes […]. Ces angles de 45° furent à nouveau divisés par deux, les miðmundastaðir, et encore par deux, la rose des vents utilisée comportant donc 32 traits. »
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[23]
Ibid., p. 94–98, tout en montrant l’intérêt de cette découverte, conseille la prudence, aucun texte n’en faisant apparemment mention.
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[24]
La courbe gnomonique résulte de la succession des points limites de l’ombre formée au fil des heures par le Soleil sur un bâton, le gnomon, placé verticalement au centre du cadran. Le point de la courbe le plus proche du centre correspond à l’ombre du Soleil au zénith. Si l’on relie ce point au centre du cadran, on a l’axe nord-sud. Plus complètement, le gnomon (déjà utilisé à Babylone et dans l’Égypte ancienne, au iie millénaire av. J.-C.) est un instrument composé d’un style et d’une surface plane, pour mesurer la variation de la longueur de l’ombre en fonction de la position du Soleil. C’est l’ancêtre du cadran solaire : O. Le Carrer, Océans de papier, Grenoble, 2006, p. 128.
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[25]
Meier, Seafarers, merchants and pirates, p. 46.
-
[26]
Seaver, The frozen echo, p. 17–18, 333 : une reconstitution du « compas solaire », découvert à Narsarsuaq, a été testée avec succès à bord de la réplique d’un bateau viking, Gaïa, mis au jour à Gokstad, qui a pris la mer depuis la Norvège jusqu’en Amérique du Nord, en 1991.
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[27]
Description détaillée et usage supposé du cadran découvert dans Durand, Un instrument de navigation, p. 14, 18–19 ; voir l’illustration du cadran p. 15, 17. Il note que le Musée National de Copenhague ne le présente pas comme un instrument nautique.
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[28]
Voir supra n. 22.
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[29]
Meier, Seafarers, merchants and pirates, p. 46 ; Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 249–256 : une fois le disque calibré, si l’ombre du gnomon est trop à droite ou trop à gauche, on serait trop au nord ou trop au sud du cap suivi. Cette théorie est séduisante, mais difficile à réaliser : comment tenir un tel instrument horizontalement sur un bateau voguant en mer houleuse ? Voir infra n. 33.
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[30]
C’était l’avis de Ramskou : voir supra n. 12 ; Rogers, Precision Astrolabe, p. 288–291. Malheureusement, les sources sont rares et postérieures aux Vikings. Pourtant, les observations astronomiques ont probablement eu leur importance, même si on ne sait pas quels instruments étaient utilisés. La tradition islandaise garde le souvenir d’Oddi Helgason (Stjörnu-Oddi, dit Oddi aux étoiles, xiie siècle), qui a fait des calculs, comme les dates des solstices d’été et d’hiver, la direction du Soleil à l’aube et au crépuscule, les mouvements solaires visibles qui augmentent du solstice d’hiver au solstice d’été, puis décroissent jusqu’au solstice d’hiver suivant : Þ. Vilhjalmsson, Time-reckoning in Iceland before literacy, Archaeoastronomy in the 1990s, éd. C.L.N. Ruggles, 1991, Loughborough, p. 72–76 ; Id., Time and travel in Old Norse society, p. 89–114 et n. 15 ; Boyer, Les Vikings, p. 335–336, 408, 659–660. On sait aussi que les Scandinaves avaient du monde une image sphérique et ne craignaient pas de tomber dans le vide : Seaver, The last Vikings, p. 14–15.
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[31]
Huth, The lost art of finding our way, p. 175, étend cette période en dehors du solstice d’été ; en général, à ces latitudes, un compas solaire peut raisonnablement être utilisé pendant une semaine, voire un peu plus, avant de procéder à un nouveau calibrage.
-
[32]
Schnall, Navigation der Wikinger, p. 85–92, en particulier p. 88.
-
[33]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 90. On peut l’imaginer posé sur un bac d’eau, où il flotterait horizontalement sur mer calme, mais ni houleuse ni démontée, bien entendu. Rappelons le temps et les essais nécessaires à la conception du chronomètre de marine de John Harrison au xviiie siècle : J. Betts, Harrison, Greenwich, 2007 ; C. De Craecker-Dussart, Le chronomètre au service de la longitude et de la navigation, Athena, t. 272, 2011, p. 13–15.
-
[34]
Seaver, The last Vikings, p. 17.
-
[35]
Vihjalmsson, Time and travel, p. 110.
-
[36]
Seaver, The last Vikings, p. 18 : un petit disque aurait été trouvé récemment à Qorlortoq au Groenland, dans « l’Établissement de l’Est », ce qui pourrait affermir la thèse selon laquelle Érík le Rouge (Eiríkr rauði) et ses compagnons auraient utilisé une sorte de compas solaire ; malheureusement aucune précision n’est donnée sur ce disque. Bouet, Les bateaux vikings, p. 65 signale la découverte récente à Vatnahverfi, aussi dans « l’Établissement de l’Est », d’un petit compas solaire ; il en a fait une réplique pour tenter d’expérimenter son utilité : une pierre positionnée horizontalement avec un gnomon et une courbe supérieure correspondant à un relevé du gnomon ; la pierre serait tournée de façon à ce que l’ombre du gnomon arrive jusque sur la dite courbe ; il serait alors possible de déterminer le nord, à condition d’avoir un temps clair et une mer calme. Boyer, Les Vikings, p. 660–661 signale un autre objet découvert dans un tumulus fouillé en 1906, dans l’île bretonne de Groix (au large de Lorient) : un cercle de 60 cm de diamètre, avec un décor extérieur en forme de feuilles (il y en aurait eu 32 sur toute la circonférence, à intervalle régulier de 11° 15’) (Musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye) ; selon P. Bergthörsson, Les Vikings en France, Dossiers de l’Archéologie, t. 277, 2002, p. 72–79, ce pourrait être un instrument de navigation, se basant sur la reconstitution due à M. von Muller-Wille, Das Schiffsgrab von der Ile de Groix (Bretagne), Ausgrabungen in Haitabu (1963–1980). Das archäologische Fundmaterial der Ausgrabung Haithabu, Neumünster, 1978, p. 57 ; l’ensemble aurait été fixé sur un fond circulaire en bois avec une aiguille orthogonale en son centre, tandis qu’une autre serait posée sur le disque en partant du milieu : L. Langouët, La sépulture viking à barque de l’île de Groix (Morbihan), Bulletin de l’Association Manche Atlantique pour la Recherche archéologique dans les Îles, t. 19, 2006, p. 94–95 ; ce pourrait être un instrument adapté à la latitude de l’île de Groix. Mais ici non plus, rien n’est sûr.
-
[37]
Saga des Groenlandais (Grœnlendinga saga), Sagas islandaises, p. 359.
-
[38]
Durand, Les Vikings et la mer, p. 96–98.
-
[39]
Certains émettent même l’hypothèse d’associer pierre de soleil et compas solaire ou cadran de position, éventuellement en un seul instrument combiné, pour expliquer les voyages des Vikings dans l’Atlantique Nord. : B. Bernáth, A. Farkas, D. Száz, M. Blahó, Á. Egri, A. Barta, S. Åkesson, G. Horváth, How could the Viking sun compass be used with sunstones before and after sunset ? Twilight board as a new interpretation of the Uunartoq artefact fragment, Proceedings of Royal Society A. Mathematical, Physical and Engineering Science, t. 470, 2014, [En ligne]. URL : https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspa.2013.0787. Pourtant, aucune source ne permet d’affirmer que ces deux objets, pris séparément, pourraient avoir été des instruments de navigation. Il est d’autant plus difficile d’avancer de manière sûre que les Vikings ont utilisé les deux lors d’un même voyage.
-
[40]
Navigation à l’estime ou simplement estime (anglais, dead reckoning) : ancien type de navigation « instrumentale » (utilisé du xiiie au xviiie siècle) à l’aide d’une boussole magnétique marine ou compas (donnant le cap), d’un loch ou de son ancêtre le log ou la bûche, et d’un garde-temps, comme un sablier (estimant vitesse en nœuds – ou milles marins/h – et donc distance parcourue en milles marins ; 1 mille marin = environ 1,85 km ; 1 nœud = env. 1,85 km/h). C’est donc une navigation instrumentale, au contraire de la navigation à vue, au jugé ou « au naturel » (voir infra n. 66) ; Huth, The lost art of finding our way, p. 53–80. Cette méthode approximative reste précieuse quand il faut « louvoyer » par vent contraire : Le Carrer, Trouver le nord, p. 150.
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[41]
Signalons les inscriptions runiques des ixe, xe et xie siècles, les seuls documents contemporains des Vikings, d’où leur importance (outre les strophes scaldiques et les pierres historiées) ; les runes sont d’anciens caractères germaniques utilisés notamment par les Vikings ; celles qui subsistent sont souvent gravées sur un support dur, souvent des pierres levées, mais ne concernent guère le domaine maritime. Une inscription de Hønen en Norvège (ca 1040) fait néanmoins allusion à un voyage au loin ; selon W. Krause, Les runes ou l’écriture des Vikings et des anciens Germains, Paris, 1995, p. 8–9, 144–145, il pourrait s’agir d’une expédition à l’issue dramatique, les voyageurs ayant probablement été jetés sur les côtes du Groenland, où ils périrent de faim et de froid ; Bauduin, Histoire des Vikings, p. 62-65.
-
[42]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 76.
-
[43]
Le terme « estime » traduit l’incertitude entachant cette méthode d’approche de la route à suivre, ce qui explique de nombreux naufrages. En effet, cette manière de naviguer implique toujours un flou quant à la position du navire, flou qui grandit au fil des heures. La vitesse, par exemple, n’est pas nécessairement constante ; il peut y avoir un changement plus ou moins subtil de la vitesse ou/et de la direction du vent : Huth, The lost art of finding our way, p. 69–73. Il y a donc des aléas : Winroth, Au temps des Vikings, p. 104, signale qu’en 838, des pirates danois se noient suite à une tempête : Inter quae Danorum piratae patria egressi, ortoque subito maritimorum luctuum turbine, vix paucissimis eudentibus submersi sunt. D’après Les Annales de Saint-Bertin et de Saint-Vaast, éd. C. Dehaisne, Paris, 1871, p. 27.
-
[44]
Cité par Gillet, Une histoire du point en mer, p. 10. V.F. Dulague était professeur d’hydrographie.
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[45]
Voir supra n. 18.
-
[46]
« Log », terme d’origine néerlandaise signifiant « bûche » ; il consiste en une planchette fixée à l’extrémité d’une corde sur laquelle sont répartis des nœuds régulièrement espacés ; il est lancé à la mer et un marin compte le nombre de nœuds en un temps donné. Une version élaborée, le loch, apparaît au xvie siècle : Gillet, Une histoire du point en mer, p. 10, 16–21, et J. Merrien, Dictionnaire de la mer. Savoir-faire, traditions, vocabulaire, techniques, Paris, 2014, p. 535–537.
-
[47]
L’origine du sablier (ou ampoulette) est floue. Certains le font remonter à l’Antiquité, d’autres au xiiie ou xive siècle : une fresque italienne, datant de 1338 et décorant le Palazzo Publico de Sienne en Italie, contient un sablier comme symbole de la mesure et de la tempérance ; vers 1380, un inventaire de Charles V, roi de France, mentionne un sablier : É. Biémont, Rythmes du temps. Astronomie et calendrier, Bruxelles, 2000, p. 126. Voir aussi J. Randier, L’instrument de marine, Le Touvet, 1999, p. 141.
-
[48]
Girouette : mot dérivé du norrois vedrviti ou de l’ancien normand wirewite. La girouette nordique est une plaque de métal pivotant autour d’un axe vertical, placé au sommet d’un édifice ou d’un bateau, pour indiquer la direction du vent : Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 441. Autres exemples que celle de Söderala : girouette de l’église de Tingelstad (1100–1150) (dans l’Oppland, Sud-Est de la Norvège), de l’église de Heggen (1000–1050) (dans le Buskerud, Sud de la Norvège) : Les Vikings. Les Scandinaves et l’Europe, 800–1200, Paris, 1992, p. 228–229, 336 ; G. Bernage, Les Vikings en Normandie, Bayeux, 2011, p. 90-91 ; R. Boyer, L’art viking, Bruxelles, 2001, p. 121, 173–175. Des descriptions contemporaines suggèrent que certaines girouettes, avant d’être placées au sommet des clochers, se trouvaient sur la proue de bateaux vikings : J. Bill, Ships and seamanship, The Oxford illustrated history of the Vikings, p. 201. Sur un morceau de bois gravé, trouvé à Bergen (Norvège) daté du début du xiiie siècle, apparaissent également des figures de proue avec des girouettes sur des navires encore de type viking (Université de Bergen) : Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 91.
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[49]
Appareil servant à sonder, c’est-à-dire évaluer distance et nature du fond : Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 769–772. En anglais : « (sounding) lead » ou « leadline » ou « lead and line » ou « sounding rod ». Considérée comme un instrument de navigation très ancien et utilisé partout ; Hérodote en signale déjà l’usage au ive siècle av. J.-C. : J. Kemp, The use of the lead and line by early navigators in the North Sea ?, TransNav. The International Journal on Maritime Navigation and Safety of Sea Transportation, t. 8, 2014, p. 481–483 ; de plus, « sonde » dérive du norrois sund, « mer » ou « détroit » ou « nage ». Cette étymologie suggère que les Vikings l’utilisaient bel et bien : Huth, The lost art of finding our way, p. 318–319 ; Bill, Ships and seamanship, p. 198–199. Elle permet de savoir si l’on s’approche d’une terre ou de hauts-fonds, mais aussi d’identifier sa position. Elle était utilisée en mer Baltique au xve siècle, si l’on en croit Fra Mauro (religieux italien vivant à Venise, qui dressa une carte du monde connu vers 1450) : Per questo mar non se navega cum carta ni bossolo ma cum scandio ; P. Falchetta, Fra Mauro’s world map with a commentary and translations of the inscriptions, Turnhout, 2006, p. 668–669. De plus, E. Heinsius, Der Bildteppich von Bayeux als Quelle für die Seemannschaft der Wikingerzeit, Vorzeit, 1966, p. 26, a cru pouvoir déduire de la scène reproduite sur la Tapisserie de Bayeux (Hic Harold mare navigavit : D.M. Wilson, La tapisserie de Bayeux, Paris, 2005, section 4) l’emploi d’une sonde : un marin lance vers l’avant une ligne tendue par un corps lourd immergé pour reconnaître la profondeur de l’eau et par là-même constater la vitesse sur le fond. Durand, Les Vikings et la mer, p. 91, rappelle la découverte, sur le site de Dorestad en 1957, d’un plomb piriforme muni d’une anse à sa partie supérieure ; voir le rapport des fouilles : W.A. Van Es et W.J.H. Verwers, Excavations at Dorestad I. The Harbour : Hoogstraat I, Amersfoort, 1980.
-
[50]
Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 222.
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[51]
Adam, Problèmes de navigation, p. 55.
-
[52]
Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 215–227.
-
[53]
Bill, Ships and seamanship, p. 197–198. C’est ce que fit Ulysse en Méditerranée, selon Homère, Odyssée, chant V, éd. F. Robert, trad. V. Bérard, Paris, 1955, p. 103 : « en gardant toujours l’Ourse à gauche de la main », il voyageait vers l’est.
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[54]
Source datant du ixe siècle, d’où son intérêt particulier : Alfred le Grand, roi de Wessex de 871 à 899, fait traduire en langue vulgaire (vieil anglais) des ouvrages historiques, comme l’Historiarum adversus Paganos libri septem d’Orose, y ajoute des commentaires et des récits de voyages, notamment ceux d’Ohthere, probablement norvégien, et Wulfstan, anglo-saxon : S. Lebecq, Ohthere et Wulfstan : deux navigateurs dans le Nord européen à la fin du ixe siècle, Horizons marins. Itinéraires spirituels (ve–xviiie siècles), t. 2, Marins, navires et affaires, éd. H. Dubois, J.C. Hocquet, A. Vauchez, Paris, 1987, p. 167–181 (trad. franç. par S. Lebecq, p. 175) ; voir aussi J. Bately et A. Englert, Ohthere’s Voyages. A late 9th century account of voyages along the coasts of Norway and Denmark and its cultural context, Roskilde, 2007.
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[55]
Ce récit concerne le cabotage et pas la navigation hauturière. Il est simplement un exemple de l’usage des points cardinaux comme repères. Les Norvégiens les utilisaient sans doute pour la navigation hauturière vers l’ouest. L’existence de termes pour désigner les points cardinaux implique que ceux qui les utilisent ont les moyens et la nécessité de s’orienter et d’établir des directions : Huth, The lost art of finding our way, p. 65. À propos des points cardinaux, voir supra n. 22.
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[56]
Les Romains bâtissent leurs villes en traçant des rues rectilignes : la principale, orientée nord-sud, est le cardo maximus ; la ligne ouest-est, le decumanus maximus ; le tracé des routes se faisait en longeant par à-coups le cardo ou le decumanus ; la plupart du temps, ce tracé est en ligne droite, mais quand il rencontre un obstacle, par exemple un massif montagneux, il serpente ; puis une fois l’obstacle franchi, reprend la première direction ; J. De Graeve, J. Mosselmans, Des agrimensores romains aux arpenteurs au xvie siècle. Catalogue d’exposition à la Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles, 2001, p. 29–31. La méthode des Romains pour déterminer l’axe nord-sud (et donc aussi l’axe est-ouest, le tout sans aiguille aimantée) est connue : J.Y. Guillaumin, Les arpenteurs romains, t. 1, Paris, 2005, p. 102–103.
-
[57]
Byock, L’Islande des Vikings, p. 23–28.
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[58]
La découverte de l’Amérique du Nord-Est par les Vikings (au moins la Terre de Baffin, le Labrador, Terre-Neuve et peut-être même la vallée du Saint-Laurent) semble un fait acquis, même si l’on ne peut pas identifier de manière certaine l’Helluland (pays de la pierre plate), le Markland (pays de la forêt) et le Vinland (pays de la vigne ou des prairies, selon les interprétations). En 2019, une seule implantation scandinave en Amérique du Nord est sûre, déterminée par les fouilles archéologiques d’Helge Ingstad ayant fourni en 1960 les traces (datées des années 980-1030) de ce qui pourrait être une étape avant de s’aventurer plus loin ou un atelier de réparation de bateaux vikings, l’Anse aux Meadows, à l’extrémité nord de l’île de Terre-Neuve : Bauduin, Les Vikings, p. 86–88 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 7, 111 ; Boyer, Les Vikings, p. 283–286. En 2016, l’existence d’un second site, à Pointe Rosée dans le sud-ouest, a été annoncé mais nécessite confirmation : Bauduin, Histoire des Vikings, p. 280.
-
[59]
Les Sagas et les différentes versions du Livre de la colonisation de l’Islande sont une mine de renseignements, mais pas des témoignages historiques assurés, racontant surtout les exploits des chefs vikings et datant d’environ 1180 à 1350, soit d’un à trois siècles après l’ère viking. Il convient d’être prudent quant à leur utilisation comme sources sur une civilisation plus ancienne que celle qui les a produites ; il faut l’être d’autant plus qu’on a l’impression d’objectivité et de réalisme, les auteurs se gardant de juger et d’intervenir. Pourtant, ces sources éclairent des événements historiques avérés (comme les voyages d’exploration dans l’Atlantique Nord), des pratiques et des usages ayant eu cours au début de l’histoire islandaise. Il ne faut donc pas les rejeter a priori, mais y recourir en conjonction avec d’autres sources ; l’art de naviguer, par exemple, repose sur une longue tradition et sur l’expérience et n’a donc probablement guère changé entre l’époque viking et la suivante : F.X. Dillmann insiste sur ce point, dans Histoire des rois de Norvège par Snorri Sturluson, p. 30–37, rappelant la suspicion exagérée dont ces textes ont été l’objet à la fin du xixe et au xxe siècle ; T. Tulinius La « Matière du Nord ». Sagas légendaires et fiction dans la littérature islandais en prose du xiiie siècle, Paris, 1995, p. 18, 38, 55 ; Byock, L’Islande des Vikings, p. 40–41, 117–120, 181 ; Maillefer, Les Vikings, p. 20–22 ; J. Dor, Les sagas islandaises, Cahiers de Clio, t. 113–114, 1993, p. 44 ; Bauduin, Histoire des Vikings, p. 68-71.
-
[60]
Livre de la colonisation de l’Islande ou Landnámabók, éd. et trad. R. Boyer, Turnhout, 2000, p. 31. Ce livre connut un grand succès et plusieurs versions ; Boyer a traduit celle de 1275, Sturlubók, selon lui la plus connue et la plus fiable. Sur la valeur historique du Landnámabók et de l’Íslendingabók, voir Byock, L’Islande des Vikings, p. 117–120, 406 n. 21, 24 ; Bauduin, Histoire des Vikings, p. 67-68.
-
[61]
Cité par Byock, L’Islande des Vikings, p. 61 : Livre de la colonisation de l’Islande, version Hauksbók (v. 1306). Sur cette version, voir Livre de la colonisation de l’Islande, p. 22–24.
-
[62]
Entre 60° de latitude nord (la route suivie) et 61° 30’ (Sud des Féroé), il y a environ 167 km (1° = 40 000 km/360 = 111,11 km) : Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 292.
-
[63]
1 lieue marine = environ 5,56 km ; donc 12 lieues marines = environ 67 km. Le Sud de l’Islande se trouve à la latitude 63° 30’ ; autrement dit à près de 390 km au nord du 60e parallèle : Ibid., p. 529.
-
[64]
Huth, The lost art of finding our way, p. 53–80.
-
[65]
Pythéas de Marseille, sans instrument de navigation – sinon peut-être une sonde ou un gnomon –, s’est probablement basé sur le Soleil, lorsqu’il est allé dans l’Atlantique Nord, jusqu’à l’île de Thulé ; il pourrait s’agir d’une île des Orcades ou même des Lofoten (au-delà du cercle polaire arctique), à moins que ce ne soient les Féroé ou l’Islande. Il a peut-être atteint le cercle polaire, puisqu’il aurait assisté au jour de 24 heures et aurait vu la mer « figée » (la mer à moitié gelée ou la banquise ?) : J.M. André, M.F. Baslez, Voyager dans l’Antiquité, Paris, 1993, p. 45. Ce voyage est d’autant plus possible que Pythéas a des connaissances astronomiques ; il pense que la Terre tourne autour d’un axe fixe, mais surtout il serait le premier à constater les changements de la durée du jour en fonction de la latitude et les différences de climat quand on voyage du sud au nord : Huth, The lost art of finding our way, p. 103.
-
[66]
Navigation à vue (anglais visual navigation), c’est-à-dire sans instrument (contrairement à la navigation à l’estime : voir supra n. 40).
-
[67]
L. Denoix, Les problèmes de navigation au début des grandes découvertes, Le navire et l’économie maritime du Nord de l’Europe du Moyen Âge au xviiie siècle. Actes du 3e colloque international d’histoire maritime, Paris, 1958, éd. M. Mollat, Paris, 1960, p. 134.
-
[68]
Ainsi le grand glacier Vatnajökull, qui surplombe la côte sud de l’Islande (culminant à la côte sud-est à 2 119 m) pouvait être vu, par temps dégagé, à une distance de 177 km ; le mont Forel (3360 m) sur la côte est du Groenland, peut-être le Bláserkr des marins vikings, était visible à 227 km, donc à mi-chemin entre l’Islande et le Groenland (Parti d’Islande Érík le Rouge « arriva au large du glacier qui s’appelle Blaserkr » : Saga d’Eiríkr le Rouge, p. 333) ; le glacier sur le cap Dyer (2 591 m) en Terre de Baffin, pouvait être vu à 196 km par le navigateur allant du Groenland occidental vers le Labrador et Terre-Neuve via le détroit de Davis : Durand, Les Vikings et la mer, p. 87.
-
[69]
Un cairn est un amas de pierres ou de cailloux entassés servant de balise sur la côte ou sur un chemin.
-
[70]
La Saga de Saint Óláf de Snorri Sturluson, éd. et trad. R. Boyer, Paris, 2007, p. 45.
-
[71]
Vers 815, Flóki, fils de Vilgerðr aurait embarqué trois corbeaux. Lorsqu’il les lâche en pleine mer, ils reviennent au bateau si la terre est trop loin ; par contre, ils ne reviennent pas s’ils détectent une terre, pourtant invisible du marin : il suffirait alors de les suivre ; c’est ainsi que Flóki aurait débarqué sur les côtes islandaises : Livre de la colonisation de l’Islande, p. 33. Cet extrait, même s’il fait penser à l’épisode de l’Arche de Noé dans la Bible (les Islandais sont chrétiens depuis plus de deux siècles et imprégnés de lecture biblique) laisse supposer le rôle des oiseaux dans la navigation. Voir aussi Bill, Ships and seamanship, p. 198.
-
[72]
Com’Nougue, Les nouvelles méthodes de navigation, p. 230–231.
-
[73]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 82–87, décrit les zones habituelles des oiseaux marins en les répartissant en trois groupes : 1) les espèces côtières, restant à une distance inférieure à 18 milles (33 km) des côtes (macareux moines, cormorans, mouettes, goélands, etc.) ; 2) les espèces néritiques, volant au-dessus du plateau continental entre 18 et 50 milles (33–92 km) (guillemots, pingouins, fous de Bassan, etc.) ; 3) les espèces océaniques évoluant à plus de 50 milles (92 km) de la côte (albatros, puffins, pétrels, frégates, fulmars, oies, barges, etc.).
-
[74]
J.F. Dejonghe, Les oiseaux dans leur milieu, Paris, 1990, p. 192–194 ; L. Svensson, P.J. Grant, Le guide ornitho. Les 848 espèces d’Europe, Paris, 2004, en particulier p. 42–45, 48–53.
-
[75]
Pour expliquer l’orientation des oiseaux migrateurs eux-mêmes, les scientifiques ont mis en évidence plusieurs types de boussoles internes ou compas biologiques (solaire, stellaire, magnétique, optique, olfactif, etc.) : M. Zucca, La migration des oiseaux. Comprendre les voyageurs du ciel, Bordeaux, 2015, p. 251–287.
-
[76]
Parmi les mammifères marins, des baleines, rorquals, cachalots, orques, dauphins, marsouins, bélougas, globicéphales (cétacés), mais aussi morses et phoques (pinnipèdes) : H. Shirihai, B. Jarrett, Mammifères marins du monde, Paris, 2014, passim.
-
[77]
Huth, The lost art of finding our way, p. 407.
-
[78]
Le plateau continental est le prolongement du continent sous la mer, limité par le talus continental et s’étendant généralement à des profondeurs inférieures à 200 m ; on y trouve aussi bien le krill (plancton des mers froides, formé de petits crustacés transparents, et qui constitue la nourriture principale des baleines) que des bancs de poissons. Le plateau continental de l’Islande est important, car l’île est une partie émergée de la dorsale médio-atlantique, chaîne de montagnes sous-marines : E. Wahlgren, The Vikings and America, Londres, 1986, p. 150.
-
[79]
Winroth, Au temps des Vikings, p. 103.
-
[80]
Boyer, Les Vikings, p. 549, rappelle que l’Islande est « l’île aux volcans » : il y en a effectivement environ 200, dont certains comptent parmi les plus actifs au monde. M. Rosi, P. Papale, L. Lupi, M. Stoppato, 100 volcans actifs dans le monde, Paris, 2008, p. 10, 52, 130–147 ; H. Gaudru, É. Pradal, À la découverte des volcans extrêmes, Paris, 2013, p. 155–157. Les volcanologues K. Krafft, M. Krafft, À l’assaut des volcans. Islande–Indonésie, Paris,1976, p. 19–27, précisaient que l’Islande est encore une « terre en création, que ce pays qui frôle le cercle polaire est un point chaud de notre globe où des forces volcaniques colossales s’accumulent et se déchaînent. »
-
[81]
Adam de Brême, Gesta, iv, 36, p. 272 : Haec itaque Thyle nunc Island appellatur, a glacie, quae oceanum astringit. De qua etiam hoc memorabile ferunt, quod eadem glacies ita nigra et arida ideatur propter antiquitatem, ut incensa ardeat : cette rumeur pourrait être née de l’existence des volcans qui font de l’Islande une île si particulière ; Ibid., p. 273 : Iuxta Island est oceanus glaciatus et fervens et caligans : lors des éruptions, la lave peut atteindre la mer et provoquer d’énormes nuages de vapeur.
-
[82]
Herbert fut informé par Eskil, un des grands hommes de l’Église en Islande, mais aussi ami de Bernard de Clairvaux. Herbert et Eskil se trouvaient à Clairvaux en même temps, entre 1178 et 1180 : E.M. Jónsson, « Nul ne peut le contester ». Le volcanisme islandais et la preuve de l’existence de l’enfer dans le Miroir royal, Hugur. Mélanges offerts à R. Boyer, éd. C. Lecouteux, Paris, 1997, p. 245–258. Voir Herbertus Turritanus, Liber visionum et miraculorum Clarevallensium, éd. G. Zichi, G. Fois, S. Mula, Turnhout, 2017.
-
[83]
« Pendant la nuit, il y eut là une éruption volcanique et le champ de lave de Borg brûla » : Livre de la colonisation de l’Islande, p. 72. Ou encore, « Herjólfr […] fut le premier à habiter les îles Vestmann (Vestmannaeyjar) […] à l’endroit où il y a maintenant un champ de lave. […] Son fils […] habita là où aujourd’hui tout a été dévasté » ; Ibid., p. 238 : allusion à une éruption volcanique particulièrement violente en ce lieu qui en connaît de temps en temps ; la dernière remonte à 1973. Et ceci : « Hrafn […] sut d’avance qu’il allait y avoir une éruption volcanique et transféra sa résidence à Lágey » ; Ibid., p. 223. Autre manifestation : « Grélöð trouva que le sol exhalait une odeur mauvaise » ; Ibid., p. 116 ; on peut penser qu’il s’agit d’une odeur de soufre. « Il se fit qu’un jour, au matin, Þrasi vit une grande inondation » ; Ibid., p. 207 ; R. Boyer suggère que ce pourrait être la manifestation d’un phénomène naturel assez commun sur l’île : d’énormes amas de glace mêlée de pierre et de boue entrant subitement en fusion sous l’action de la lave et causant de véritables inondations. Enfin, « Hrafnkell […] se réveilla et s’en alla. Arrivé à peu de distance, toute la montagne s’effondra » ; Ibid., p. 203.
-
[84]
M. Detay, A.M. Detay, Volcans. Du feu et de l’eau, Paris, 2013, p. 74–77. On trouve en Islande le grand Geysir qui a donné son nom au phénomène ; le terme « geyser » vient de l’islandais gjosà signifiant « jaillir ». D’après des études géologiques des formations rocheuses thermiques, le champ de Geysir est actif depuis au moins 10 000 ans. Les éruptions du Grand Geysir (certaines de près de 100 m de haut) sont enregistrées pour la première fois en 1294. Depuis l’installation des centrales géothermiques au xxe siècle, l’extraction de la vapeur et le prélèvement des eaux phréatiques chaudes entraînent la réduction, voire l’arrêt de l’activité des geysers situés à proximité, le fragile équilibre naturel requis pour former les jets d’eau et de vapeur étant rompu : R.R. Coenraads, J.I. Koivula, Géologica. La dynamique de la Terre, Potsdam, 2012, p. 166–170. Il est donc évident que le nombre, la puissance et la hauteur des geysers devaient être bien plus grands à la période viking qu’actuellement.
-
[85]
Voir supra n. 68.
-
[86]
Voir supra n. 48.
-
[87]
Saga des Groenlandais, p. 359.
-
[88]
Par exemple, un courant nord-atlantique chaud, prolongation du Gulf Stream, tourne autour de l’Islande (voir carte). Par contre, des courants polaires froids longent la côte est du Groenland, plus inhospitalière que la côte ouest (on comprend pourquoi les Scandinaves se sont installés sur cette dernière) : Byock, L’Islande des Vikings, carte p. 45. « […] ils amenèrent la voile, jetèrent l’ancre et attendirent la marée, car il y avait un violent courant devant eux » : La Saga de Saint Óláf, p. 245. A contrario, l’absence de courant et de vagues ou une zone d’eau calme par mer agitée pouvaient signifier que le bateau se dirigeait vers le rivage abrité d’une île dissimulée dans le brouillard ou la pluie.
-
[89]
« Juste quand vint la fin du mois, toutes les glaces furent chassées par le vent et les marchands eurent bon vent pour quitter le Groenland […] » : Dit des Groenlandais, Sagas islandaises, p. 388. Cela se passe, selon R. Boyer, au mois de juillet ; il s’agit des icebergs qui se détachent des glaciers en mai–juin. Par ailleurs, la clémence du climat nord-atlantique semble avérée du vie–viie au xie–xiie siècle, suite à un réchauffement confirmé par les glaciologues. Les Nordiques ont probablement profité de cette amélioration climatique pour coloniser l’Islande au ixe siècle et aborder au Groenland assez libre de glaces au xe siècle : E. Le Roy Ladurie, Histoire du climat depuis l’an mil, t. 2, Paris, 1983, p. 48–49 ; P. Alexandre, Le climat en Europe au Moyen Âge, Paris, 1987, p. 794–795, 808. Les sources suggèrent que le climat y fut d’une douceur inhabituelle entre environ 870 et 1170, et même encore au xiiie siècle. Pendant ce petit optimum climatique, les températures auraient été supérieures de 1° C à la moyenne de la fin du xxe siècle. Cette époque était donc propice à une migration maritime en Atlantique Nord, les glaces poussées par les courants étant réduites à un minimum. Pour Byock, L’Islande des Vikings, p. 77–78, ce réchauffement aurait pris fin entre le milieu et la fin du xiie siècle, avec pourtant de relatives périodes de chaleurs jusque 1260 ; dès le xie pour J. Malaurie, Les changements du climat dans le Nord-Ouest du Groenland pendant le post-glaciaire récent : nouvelles conclusions palynologiques, géomorphologiques et ethnogénétiques, Les Vikings et leur civilisation, p. 89–95.
-
[90]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 89.
-
[91]
Bill, Ships and seamanship, p. 198.
-
[92]
Voir supra n. 37.
-
[93]
« Veille au bon aspect de ton navire, c’est ce qui attirera les hommes capables, et ton navire sera bien équipé. Prépare-le à prendre la mer lorsque commencera l’été et navigue pendant la meilleure saison. Avec toujours des cordages solides dans ton bâtiment. Évite de t’attarder en mer l’automne venu […] » : d’après Le Miroir du Roi, livre écrit par un anonyme vers 1260, contenant les conseils d’un Norvégien à son fils ; cité par Les Vikings, éd. de Boüard, p. 14 ; texte complet traduit du vieux norvégien dans Le Miroir Royal, trad. E.M. Jónsson, Nyon, 1997. Sur ce texte, voir Patrimoine littéraire européen, t. 4b, Le Moyen Âge. De l’Oural à l’Atlantique, éd. J.C. Polet, Bruxelles, 1993, p. 1099–1102. Citons P. Adam, expert en navigation nord-atlantique : « Je réduirai la vitesse moyenne courante des navires vikings à 5 ou 6 nœuds en pleine mer, et […] davantage encore quand ils longeaient les côtes et surtout des côtes inconnues […]. De tels chiffres donneraient près de vingt jours pour aller de Bergen au Groenland. Si l’on tient compte du temps pour décharger, charger, régler ses affaires et attendre les vents favorables, on pouvait tout juste faire l’aller et retour en une belle saison. Dans de telles conditions, qui prévalaient sur une route bien connue, il ne serait nullement anormal qu’il ait fallu un ou deux hivernages pour découvrir la route jusqu’à Terre-Neuve » : Adam, Problèmes de navigation, p. 54.
-
[94]
Saga d’Eiríkr le Rouge, p. 334. Quelques autres exemples : « Ils arrivèrent au Vinland […] : là, ils entourèrent leur bateau d’une palissade, restèrent tranquilles cet hiver-là, pêchant du poisson pour nourriture » ; « Karlsefni équipa son bateau […], arriva en Norvège sain et sauf et y passa l’hiver […] », puis retourna en Islande « et son bateau fut tiré sur le rivage pendant l’hiver » : Saga des Groenlandais, p. 364, 374 ; « Hrólfr […] demanda à Helgi s’il se dirigerait vers l’océan arctique […] car l’équipage considérait qu’il était temps d’accoster, l’été étant fort avancé » : Livre de la colonisation de l’Islande, p. 169.
-
[95]
Saga des Groenlandais, p. 366.
-
[96]
L’Islandais Ƥórarinn craint, partant de Norvège pour le Groenland, de dériver vers l’Islande […], ce qui « peut arriver souvent […] il dériva fortement et fut fort balotté en mer, mais vers la fin de l’été, il aborda en Islande » : La Saga de Saint Óláf, p. 145 ; parfois, un détour permet d’arriver à bon port : « L’été suivant, Eyvindr Corne d’Auroch partit de l’Ouest, en Irlande, à destination de la Norvège, mais comme le temps était rude et les courants impraticables, Eyvindr fit un détour par l’Ásmundarvágr et y mouilla quelque temps, immobilisé par les intempéries » : Ibid., p. 177.
-
[97]
Dit des Groenlandais, p. 377–378.
-
[98]
Saga des Groenlandais, p. 357.
-
[99]
Kristni Saga (La Saga de la conversion), éd. G. Jonsson, Akureyri, 1953 : voir Byock, L’Islande des Vikings, p. 61.
-
[100]
Le Carrer, Trouver le nord, p. 161.
-
[101]
Id., Océans de papier, p. 25–26.
-
[102]
Les Vikings, éd. de Boüard, p. 11.
-
[103]
A.E. Christensen, The Viking ships, The Sea in History. The Medieval World / La Mer dans l’histoire. Le Moyen Âge, éd. M. Balard, C. Buchet, Woodbridge–New York, 2017, p. 547–560, spécialement p. 549–551 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 60 ; Winroth, Au temps des Vikings, p. 118 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 141–144 ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 92–93 ; Bill, Ships and seamanship, p. 182.
-
[104]
Datation par dendrochronologie : voir infra n. 133.
-
[105]
Sur les fouilles et la description des découvertes : T. Sjøvold, Les vaisseaux vikings de Gokstad, d’Oseberg et de Tune. Brève introduction illustrée, Oslo, 1954 ; J. Bill, Navires et navigation en Occident à l’époque des Vikings, La progression des Vikings, des raids à la colonisation, éd. A.M. Flambard Héricher, Rouen, 2003, p. 27–55 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 30, 54 ; É. Rieth, Navires et construction navale au Moyen Âge. Archéologie nautique de la Baltique à la Méditerranée, Paris, 2016 p. 21–31, 95, 117–121.
-
[106]
Wilson, La Tapisserie de Bayeux. Plusieurs historiens, archéologues et experts navals estiment qu’elle serait le document contemporain (ca 1070) donnant les informations les plus fiables et précises sur la construction des bateaux et la navigation vikings : scènes de construction, de navigation et d’accostage de 41 bateaux : Bill, Ships and seamanship, p. 195, 199–200 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 20 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 141–144 ; Bouet, Les bateaux vikings, p. 10–11 ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 92–93 : les navires de Guillaume de Normandie seraient scandinaves, les outils des charpentiers seraient ceux de leurs aïeux vikings ; les spécialistes danois du Musée des navires vikings de Roskilde – dont O. Crumlin-Pedersen, son fondateur et grand spécialiste des bateaux vikings – se servent de l’examen de la broderie pour comprendre les techniques ayant permis d’élaborer les navires vikings découverts dans le fjord de Roskilde et qui datent du début du xie siècle. La Tapisserie de Bayeux, une chronique des temps vikings ? Actes du colloque de Bayeux, éd. S. Lemagnen, Rouen, 2009, passim.
-
[107]
Boyer, Les Vikings, p. 346 ; Bauduin, Les Vikings, p. 38 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 22.
-
[108]
Boyer, Les Vikings, p. 346.
-
[109]
Bauduin, Les Vikings, p. 42 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 132 ; Bouet, Les bateaux vikings, p. 4–6 ; S. Lebecq, Pour une histoire des équipages (mers du Nord, ve–xie siècles), Hommes, mers et terres du Nord au début du Moyen Âge, t. 2, Centres, communications, échanges, éd. Id., Villeneuve d’Ascq, 2011, p. 251–272 en particulier p. 253 ; Id., Les marchands au long cours et les formes de leur organisation dans l’Europe du Nord et du Nord-Ouest aux viie–xie siècles, Voyages et voyageurs à Byzance et en Occident du vie au xie siècle, éd. A. Dierkens, J.M. Santerre, J.L. Kupper, Genève, 2000, p. 321–337, en particulier p. 324. Il faut distinguer la tonne métrique (1 t = 1 000 kg, unité de déplacement d’eau ou de poids) du tonneau (1 tonneau = 2,83 m³ = 100 pieds cubes anglais, unité de jauge, de volume ou de capacité intérieure) : Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 300, 506, 812–813. Par exemple, le navire de Gokstad déplaçait ou pesait 20,2 t, tandis que sa copie exacte, réalisée en 1893 et qui traversa l’Atlantique, jaugeait 31,8 tonneaux = 90 m³ : Bouet, Les bateaux vikings, p. 6.
-
[110]
Byock, L’Islande des Vikings, p. 26–27 ; Lebecq, Pour une histoire des équipages, p. 254 ; Id., Les marchands au long cours, p. 323–325 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 56–58.
-
[111]
Bauduin, Les Vikings, p. 41 ; Winroth, Au temps des Vikings, p. 91, précise que, vers 900, les constructeurs scandinaves commencent à développer deux types de bateaux : des navires de guerre longs et élégants et des navires de charge courts et larges en comparaison. Cattaneo, Le parler viking, p. 45 ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 92, 122–128.
-
[112]
Wilson, La Tapisserie de Bayeux, p. 184–185, sections 35–36 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 141–144.
-
[113]
La quille est la première pièce maîtresse d’un bâtiment sur laquelle s’appuie toute la charpente (à commencer par ses couples ou côtes) dont elle est l’épine dorsale. Sa partie apparente est la saillie plus ou moins profonde sous la coque, qui détermine le tirant d’eau (voir infra n. 121). Merrien, Dictionnaire de la mer, p. 694–696 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 326.
-
[114]
Le bordé est l’ensemble du revêtement étanche extérieur de la coque, constitué de longues planches de bordage. Sur le bordé et l’architecture à clin : Rieth, Navires et construction navale, p. 95–136, 137–178, 323.
-
[115]
« Une pluie fraîche frappait rudement / la proue goudronnée des navires de guerre / le long des côtes / et les vaisseaux bardés de fer / déployaient fièrement leur gréement » : Saga de Harald Hárðráði, chap. 2, strophe du scalde Bölverk, cité par Maillefer, Les Vikings, p. 48. Les Scandinaves enduisaient l’extérieur des bordés immergés de « goudron de phoque », mélange de goudron végétal et d’huile de phoque ou de baleine (mentionné dans la Saga d’Eiríkr le Rouge, p. 354 : « Ils avaient une barque goudronnée à la graisse de phoque ; les vers de mer n’ont pas prise là-dessus »), pour empêcher la création du biofilm sur la carène et limiter l’implantation des tarets (vers et mollusques s’attaquant au bois immergé), servant d’antifouling ou antisalissure. Il fut expérimenté avec succès sur la réplique du Skuldelev 3 de Roskilde : Bouet, Les bateaux vikings, p. 54–55.
-
[116]
Maillefer, Les Vikings, p. 43–46, et Bill, Navires et navigation, p. 33–36, 41 ; Id., Ships and seamanship, p. 185 : on a avancé le ive siècle, mais les preuves de l’utilisation de la voile en Scandinavie n’apparaissent qu’à partir des viie-viiie siècles ; on les voit sur certains pétroglyphes du Gotland (voir infra, n. 122 et 127) : Rieth, Navires et construction navale, p. 24, 26, 122–123. Le bateau de Kvalsund, exhumé en Norvège en 1920, est daté par carbone 14 des années 660–730. Il semble être le premier exemple connu de bateaux scandinaves gréés (à voile) ; structurellement parlant, il paraît peu adapté à la navigation hauturière ; pourtant ses dimensions (18 m x 3,2 m) le rendent assez stable ; il était mû par une vingtaine de rameurs et possède une quille en T ; ces quelques modifications structurelles, par rapport au bateau de Nydam, permettent de le rendre plus stable et plus maniable. À partir du bateau de Kvalsund, les grandes lignes de la construction à clin médiévale semblent lancées et maîtrisées. Les bateaux postérieurs garderont les mêmes principes structuraux : Bouet, Les bateaux vikings, p. 20–21. Une strophe scaldique mentionne des bateaux qui « Portaient à leur vergue / Leur voile bleue » : Saga de saint Olaf, p. 287, strophe 97. Les strophes ou poésies scaldiques sont contemporaines des Vikings (même si leur datation est peu précise), d’où leur intérêt comme source historique : Maillefer, Les Vikings, p. 15–18 ; Histoire des rois de Norvège par Snorri Sturluson, p. 23–26 ; Boyer, Les Vikings, p. 774–801.
-
[117]
« Les savants disent qu’il faut [dans les meilleures conditions, sans escale, donc au minimum] sept journées de navigation de Stadr en Norvège, à l’ouest, jusqu’à Horn en Islande de l’est [970 km], et que depuis le Snæfellsnes [péninsule en Islande de l’Ouest], le trajet le plus court pour le Groenland est de quatre journées en mer [370 km] » : Byock, L’Islande des Vikings, p. 22. « La construction navale s’est développée très rapidement à l’époque viking une fois que la voile est devenue d’utilisation courante sur des navires plus grands dès le viiie siècle. À partir du viiie siècle jusqu’au début du xe, les navires s’avèrent être des vaisseaux associant propulsion à l’aviron et propulsion à la voile » : Bill, Navires et navigation, p. 41.
-
[118]
Voir supra, n. 48.
-
[119]
Boyer, Les Vikings, p. 344–350 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 129–131. Le gouvernail, placé à tribord arrière, est plus qu’une simple rame : il ressemble à une aile d’avion et permet de manœuvrer aisément le bateau. Il se compose de deux pièces : le safran, vertical, pouvant pivoter pour dévier le flux d’eau et ainsi changer de direction ; la barre horizontale reliée au safran par un tenon : Bouet, Les bateaux vikings, p. 59.
-
[120]
Winroth, Au temps des Vikings, p. 94. Voir infra n. 136.
-
[121]
Le tirant d’eau est la profondeur à laquelle s’enfonce le point le plus bas de la coque (quille comprise) d’un bateau à flot. C’est donc la distance quille-ligne de flottaison et la profondeur d’eau minimale requise. Un navire viking est étonnamment plat et a un tirant d’eau inférieur à 1 m, ce qui lui permet de naviguer dans les eaux peu profondes des fleuves et rivières, de la Baltique, des mers du Nord, de Norvège, du Groenland, du Labrador, etc., d’effectuer du cabotage et d’accoster facilement : Boyer, Les Vikings, p. 347. Maillefer, Les Vikings, p. 44.
-
[122]
Décrit sur les pierres historiées de l’île de Gotland (viie–xiie siècles) : Boyer, Les Vikings, p. 348 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 23, 123 ; Bauduin, Histoire des Vikings, p. 216, 219. Voir infra n. 127.
-
[123]
Sjøvold, Les vaisseaux vikings ; Christensen, The Viking ships, p. 555 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 28–37.
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[124]
Voir la gravure tirée d’Olaus Magnus, Historia de gentibus septentrionalibus, Rome, 1555, reproduite dans Boyer, Les Vikings, p. 854.
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[125]
Adam, Problèmes de navigation, p. 53.
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[126]
Nydam 2 est considéré notamment par Boyer, Les Vikings, p. 346, comme « l’ancêtre » du bateau viking. Voir aussi Rieth, Navires et construction navale, p. 23.
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[127]
Durand, Les Vikings et la mer, p. 17 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 23, 123 ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 14–15, montre des exemples ; Bouet, Les bateaux vikings, p. 9–10 : sur l’île de Gotland, au Sud-Est de la Suède, on trouve près de 380 pierres historiées (en suédois Bildstenar pour pierres de peinture), datant pour la plupart des viie–viiie siècles. Le registre inférieur de ces pierres est systématiquement doté d’une représentation de bateau, vu de profil et voile dehors. Ces embarcations se rapprochent de la forme globale du bateau « viking ».
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[128]
Christensen, The Viking ships, p. 547 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 27, 93 ; Bouet, Les bateaux vikings, p. 14, 68–73, signale des reconstitutions du Skuldelev I. Le Saga Siglar, réplique du Skuldelev 1, épave de knørr découverte dans le fjord de Roskilde (Danemark), a rejoint le Groenland sans difficulté dans les années 1984–1986, prouvant ses qualités pour la navigation hauturière. Le Ottar, autre réplique du Skuldelev 1, est visible dans le port du musée de Roskilde. Voir aussi, à propos de ces reconstitutions, les travaux remarquables de O. Crumlin-Pedersen et T. Damgård-Sørensen. Ils donnent la marche à suivre pour créer des protocoles expérimentaux adéquats afin d’étudier les embarcations vikings : Sailing into the Past. Proceedings of the International Seminar on Replicas of Ancient and Medieval Vessels, éd. O. Crumlin-Pedersen, M. Vinner, Roskilde, 1986 ; T. Damgård-Sorensen, Les bateaux de Skuldelev (Roskilde) et leurs répliques modernes, L’héritage maritime des Vikings, p. 199–228.
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[129]
Durand, Les Vikings et la mer, p. 72–73. Selon la Saga d’Egill, fils de Grímr le Chauve (Egils Saga Skallagrímssonar), Sagas islandaises, p. 23, le bateau marchand affrété par Thorgils Gjallandi à la fin du ixe siècle a un équipage de près de vingt hommes ; selon la Saga des Groenlandais, p. 363, Leif Eriksson recueille sur son navire une quinzaine de naufragés après que leur bateau se soit écrasé sur des rochers de la côte sud-occidentale du Groenland. Ces chiffres correspondent à la douzaine de personnes embarquées sur le Skuldelev 1, knørr proche des bateaux utilisés par les Norvégiens pour leurs premiers grands voyages à travers l’Atlantique Nord : Lebecq, Pour une histoire des équipages, p. 254 ; « Leifr, fils d’Eiríkr le Rouge […], acheta un bateau et recruta des matelots, en sorte qu’ils étaient trente-cinq hommes en tout » : Saga des Groenlandais, p. 360.
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[130]
Williams, The Viking Ship, p. 84 ; Boyer, Les Vikings, p. 349–350 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 26.
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[131]
Christensen, The Viking ships, p. 551 ; Durand, Les Vikings et la mer, p. 28–37 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 24–27, 117–122, 131.
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[132]
Williams, The Viking Ship, p. 90–91 ; Bill, Navires et navigation, p. 48, 54 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 3, 30, 110, 126, 132.
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[133]
La dendrochronologie est une méthode précise de datation des objets et des structures en bois, événements, changements climatiques etc., par l’étude des cernes ou anneaux concentriques de croissance annuelle des troncs d’arbres. Elle fournit des informations précieuses en histoire, géographie, archéologie, écologie, climatologie, etc. : A.V. Munaut, La dendrochronologie et les problèmes de géographie historique, Sources de la géographie historique en Belgique, Bruxelles, 1980, p. 471 ; Id., Les cernes de croissance des arbres. La dendrochronologie, Turnhout, 1988 ; D. Whitehouse, Archaeology, Medieval studies. An introduction, éd. J.M. Powell, New York, 1992, p. 170 ; Alexandre, Le climat en Europe au Moyen Âge, p. 800–803 ; Rieth, Navires et construction navale, p. 64 ; P. Pomey, É. Rieth, L’archéologie navale, Paris, 2005, p. 139–142.
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[134]
P. Villiers, A. Senotier, Une histoire de la marine de Loire, Brinon-sur-Sauldre, 2000, p. 20 : construction à clin, légèreté, solidité et voilure carrée de type viking caractérisent les bateaux ligériens jusqu’au xixe siècle ; Bernage, Les Vikings en Normandie, p. 97 : en Normandie, la construction navale semble le secteur le plus « scandinavisé ». Les bateaux à clin sont présents sur la côte d’Isigny à Trouville et appelés « picoteux » ; E. Ridel, Bateaux de type scandinave en Normandie (xe–xiiie siècle), L’héritage maritime des Vikings en Europe de l’Ouest, éd. E. Ridel, Caen, 2002, p. 289–320. Pour la Galice (Nord-Ouest de l’Espagne) : Bill, Ships and seamanship, p. 200.
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[135]
Ibid., p. 195.
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[136]
Les expériences menées notamment sur des répliques des bateaux de Roskilde (Danemark) montrent qu’en louvoyant ces navires pouvaient malgré tout aller contre un vent modéré, même si c’est très lentement : Lebecq, Les marchands au long cours, p. 325 ; la réplique du bateau viking Gaïa de Gokstad en Norvège fait le voyage vers l’Amérique du Nord en 1991, emportant une reconstitution du cadran découvert à Narsarsuaq : voir supra n. 20, 21, 26, et Seaver, The frozen echo, p. 17, 333 n. 10 ; M. De Waha, La hache qui façonne l’eau. Infrastructures du transport maritime et développement au Haut Moyen Âge, Voyages et voyageurs à Byzance et en Occident, p. 21–82, en particulier p. 26 : en 1893 déjà, une réplique exacte du bateau de Gokstad (le Viking) traverse l’Atlantique Nord, pour démontrer expérimentalement ses capacités et être montrée à l’exposition internationale de Chicago ; Rieth, Navires et construction navale, p. 64, et Bouet, Les bateaux vikings, p. 6. Le Havhingsten fra Glendalough (l’étalon des mers de Glendalough), copie du Skuldelev 2 (bateau de guerre de type skeið) est allé en 44 jours, du port de Roskilde à Dublin en contournant l’Écosse, propulsé par la voile et la rame avec une équipe de 65 personnes : J. Bill, S. Nielsen, E. Andersen, T. Damgård-Sørensen, Welcome on Board ! The Sea Stallion from Glendalough. A Viking Longship Recreated, Roskilde, 2007 ; Williams, The Viking Ship, p. 64–67.
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[137]
Louis Jules Mancini, Deux nageurs, dans Id., Fables, Paris, Didot Jeune, 1796, p. 219.
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[138]
J.L.Kupper, Sur les incursions normandes dans le pays mosan : le roi Arnoul, l’évêque Francon, le duc Henri, Franchimont, Limbourg et la porte Hasseline de Liège, Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, t. 116, 2012, p. 20–21.
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[139]
Winroth, Au temps des Vikings, p. 103.