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Article de revue

Le document autographe, une « non-réalité » pour l'historien ?

Quelques réflexions sur les traces écrites autographes à la fin du Moyen Âge et à l'aube des Temps modernes

Pages 387 à 410

Notes

  • [1]
    Cette contribution a pu bénéficier des précieux conseils et de la relecture attentive de MM. J. M. CAUCHIES (Facultés universitaires Saint-Louis – Université catholique de Louvain), J. DEVAUX (Université du Littoral-Côte d’Opale) et A. MARCHANDISSE (FNRS – Université de Liège). Qu’ils en soient tous trois chaleureusement remerciés !
  • [2]
    DIDIER ÉRASME, Dialogus de recta latini graecique sermonis prononciatione, Leyde, 1643, p. 54, cité et traduit par F. FEUILLET DE CONCHES, Causeries d’un curieux. Variétés d’histoire et d’art tirées d’un cabinet d’autographes et de dessins, t. 2, Paris, 1862.
  • [3]
    Cité (sans références) par A. NICOLAS, Les autographes, Paris, 1998, p. 9.
  • [4]
    Au Japon et en Chine, pays où l’art de la calligraphie a été poussé le plus loin, recevoir un objet sur lequel le donateur a écrit (éventail, coffret, laque…) est un privilège réservé aux personnes que l’on veut honorer. La personnalité de chacun est littéralement mise en scène pour refléter de la manière la plus exacte son « moi ». FEUILLET DE CONCHES, Causeries d’un curieux, p. 18 raconte qu’en Chine, tout empereur, à son avènement, était prié d’« écrire de sa propre main deux sentences à la louange du grand […] Confucius, et qu’il les suspende lui-même en ex-voto dans le temple consacré au plus sage des Chinois [à Pékin] » ; ces autographes devaient en outre témoigner de la légitimité de l’héritier du trône et sa capacité à diriger l’État.
  • [5]
    Voir, e.a., L. FRAISSE, Ces sortes d’objets n’ayant qu’une valeur de fantaisie…, Le manuscrit littéraire. Son statut, son histoire, du Moyen Âge à nos jours, éd. ID., Paris, 1998, p. 7–37 ; F. MOUREAU, Du bon usage des manuscrits et des autographes littéraires : le cas du XVIIIe siècle, Le manuscrit littéraire, p. 195–211.
  • [6]
    Sur Raoul Warocqué, voir principalement M. VAN DEN EYNDE, Raoul Warocqué, seigneur de Mariemont, 1870–1917, Morlanwelz, 1970.
  • [7]
    Sur cette collection, voir G. DOCQUIER, La collection d’autographes du Musée royal de Mariemont : histoire et devenir d’un patrimoine méconnu, éd. ID., B. FEDERINOV, Autographes, Morlanwelz, 2009, p. 7–33.
  • [8]
    L’exposition Traces des Grands Hommes s’est tenue dans la galerie de la Réserve précieuse (25 octobre 2008 – 17 janvier 2009). Le relevé des pièces présentées se trouve dans Ibid., p. 157–184.
  • [9]
    L’ouvrage dirigé par NICOLAS, Les autographes, s’adresse surtout aux amateurs et collectionneurs, ainsi qu’aux experts de maisons de ventes. Rédigée par trois philologues, une synthèse entend faire le point sur la question des manuscrits autographes français, grâce surtout aux recherches fondamentales de G. Ouy : O DELSEAUX, G. OUY, T. VAN HEMELRYCK, Les manuscrits autographes français à la fin du Moyen Âge. Guide de recherches, Turnhout, sous presse. Tout récemment, un colloque – organisé par et pour des historiens à l’Université de Paris–Sorbonne (Paris IV), les 27 et 28 janvier 2012 – envisageait la problématique de la lettre authentique et autographe (VIe–XVIe s.). On se réjouira que cette manifestation rejoigne nos préoccupations.
  • [10]
    Le substantif est notamment utilisé par Plutarque dans ses Œuvres morales, 1115c, cité dans Le Grand Gaffiot. Dictionnaire latin-français, éd. P. FLOBERT, Paris, 2000, p. 313.
  • [11]
    Thesaurus linguae latinae, t. 2, Leipzig, 1900–1906, col. 1599 ; Le Grand Gaffiot, p. 199. Dictionnaire latin-français, éd. P. FLOBERT, Paris, 2000, p. 199. On rencontre également la forme autolographus qui sert à désigner un document entièrement autographe, c’est-à-dire « olographe ».
  • [12]
    En guise d’exemples : Suétone (Vie des XII Césars, Auguste, 87) fait allusion aux lettres autographes du premier empereur (litterae ipsius autographae). Texte latin et trad. par H. AILLOUD, 2e éd. rev. et corr., Paris, 1954, p. 133 ; Symmaque (Lettres, 3, 11) s’adresse à son correspondant Naucellius en lui demandant un exemplar de autographo tuo. Texte latin et trad. par J. P. CALLU, t. 2, Paris, 1982, p. 25. Voir également la notice Autograph rédigée par T. DORANDI, H. SONNABEND dans Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike, éd. H. CANCIK, H. SCHNEIDER, t. 2, Stuttgart–Weimar, 1997, col. 353–354.
  • [13]
    On trouve certes le terme autographus dans le Lexique latin-français. Antiquité et Moyen Âge, éd. M. PARISSE, Paris, 2006, p. 61, mais il n’est pas spécifié si cet emploi est uniquement réservé à l’Antiquité. Pour le latin : C. DU FRESNE, SG. DU CANGE, Glossarium mediae et infimae latinitatis […], t. 1, Paris, 1937 ; A. BLAISE, H. CHIRAT, Dictionnaire latin-français des auteurs chrétiens, Turnhout, 1975 ; O. PRINZ, Mittellateinisches Wörterbuch bis zum aufgehenden 13. Jahrhundert, t. 1, Munich, 1967 ; R. E. LATHAM, Dictionary of Medieval Latin from British Sources, t. 1, Londres, 1975 ; J. F. NIERMEYER, Mediae latinitatis lexicon minus, t. 1, éd. J.W. J. BURGENS, Leyde–Boston, 2002 ; J. W. FUCHS, O. WEIJERS, Lexicon latinitatis Neerlandicae Medii Aevi : Woordenboek van het middeleeuws latijn van de noordelijke Nederlanden, t. 1, Leyde, 1977. Pour l’ancienne langue française : F. GODEFROY, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, t. 1, Paris, 1881 ; A. TOBLER, E. LOMMATZCH, Altfranzösischers Wörterbuch, t. 1, s.l., 1925. Le terme est également absent du Dictionnaire du moyen français (1330–1500) accessible en ligne (www.atilf.fr/dmf).
  • [14]
    Une des premières mentions figure dans la traduction de L’Éthique à Nicomaque d’Aristote de P. LE PLESSIS-PREVOST (Les Éthiques d’Aristote Stagirite à son filz Nicomache, Paris, 1553) : Aristote semble tirer ses raisons et conclusions, non pas de livres sibylins, mais de l’aftographe du mesme Jupiter. Cité par E. HUGUET, Dictionnaire de la langue française du seizième siècle, t. 1, Paris, 1925, p. 112.
  • [15]
    Ajoutons quelques particularités : la langue la plus précoce semble être le thiois (vers 1550), même si c’est l’emploi sous sa forme latine (autographum) qui domine jusqu’au XIXe siècle ! ; le terme italien serait dérivé de son homologue anglais ou français ; le verbe anglais to autograph (utilisé depuis 1837) signifie signer de son propre nom.
  • [16]
    Ainsi, Politien (1454–1494) utilise-t-il le terme (ex nostris autographis). Voir S. RIZZO, Il lessico filologico degli umanisti, Rome, 1984, p. 99–101.
  • [17]
    Trésor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1789–1960), éd. P. IMBS, t. 3, Paris, 1974, p. 988–989.
  • [18]
    La nuance est cependant bien marquée dans les grands dictionnaires étrangers lorsque l’on parle de l’autographe. Par exemple, dans S. BATTAGLIA, Grande dizionario della lingua italiana, t. 1, Turin, 1961, p. 856 : « Scritto, firma originale, autentica di una persona, specialmente che se illustre, o che goda di una vasta popolarità [c’est nous qui soulignons] ».
  • [19]
    Comme les annotations portées par Gilles de Rome dans plusieurs manuscrits qui lui ont appartenu et que R. Wielockx qualifie – à juste titre – d’autographes. Voir R. WIELOCKX, Une collection d’autographes de Gilles de Rome, Gli autografi medievali. Problemi paleografici e filologici. Atti del convegno di studio della Fondazione Ezio Franceschini (Erice, 15 settembre–2 ottobre 1990), éd. P. CHIESA, L. PINELLI, Spolète, 1994, p. 207–248.
  • [20]
    Le cas de Simon de Plumetot est, sans doute, exceptionnel. Vers 1400, cet humaniste recherchait les manuscrits d’auteurs tels qu’Évrard de Conty, Nicolas de Clamanges ou Jean Gerson. Voir G. OUY, Simon de Plumetot (1371–1443) et sa bibliothèque, Miscellanea codicologica F. Masai dicata MCMLXXIX, éd. P. COCKSHAW, M. C. GARAND, P. JODOGNE, t. 2, Gand, 1979, p. 353–381.
  • [21]
    C’est le cas, par exemple, d’un Pétrarque ou d’un Nicolas de Clamanges. Voir ID., Manuscrits autographes d’humanistes en latin et en français, Gli autografi medievali, p. 270.
  • [22]
    M. D. CHENU, Auctor, actor, autor, Bulletin Du Cange, t. 3, 1927, p. 83.
  • [23]
    Ce phénomène perdurera longtemps : les papiers personnels sont traditionnellement détruits à la mort de leur auteur. C’est seulement au XVIIIe siècle que celui-ci commence à revendiquer des droits sur son œuvre : Diderot ou Rousseau prendront soin de conserver et de préserver leurs documents autographes après leur disparition.
  • [24]
    G. GROS, Écrire et lire au Livre de Pensée. Études sur le manuscrit personnel des poésies de Charles d’Orléans (Paris, B.N.F., FR. 25458), Le manuscrit littéraire, p. 69. Ce constat avait déjà été dressé par C. SAMARAN, La recherche des manuscrits d’auteur du Moyen Âge et de la Renaissance, Revue du seizième Siècle, t. 15, 1928, p. 344–355.
  • [25]
    « Illisible, le manuscrit devient seulement visible, et conquiert un statut d’objet sacré – au contact du saint par la trace de sa plume – dans le moment même où son effacement comme signe le soustrait à la lecture. Vénéré et retiré, proclamé et enseveli, le manuscrit d’Ignace s’institue comme relique parallèlement à sa destitution comme texte ». P. A. FABRE, Une relique d’écriture. Le manuscrit autographe du Journal des motions intérieures d’Ignace de Loyola, Les usages du manuscrit au XVIIe siècle, Le XVIIe siècle, t. 192, 1996, p. 562.
  • [26]
    A. DAIN, Les manuscrits, nouv. éd. rev., Paris, 1964, p. 103.
  • [27]
    Cité par M. AMBRIÈRE, Manuscrits et lettres autographes : une source capitale pour la recherche, dans NICOLAS, Les autographes, p. 35–36.
  • [28]
    H. ATSMA, J. VEZIN, Les autographes dans les documents mérovingiens, Gli autografi medievali, p. 61. Pour une édition de ceux-ci, voir Formulae merowingici et carolini aevi, éd. K. ZEUMER, M. G.H., LL., Hanovre, 1886.
  • [29]
    E. DEKKERS, Les autographes des Pères latins, Colligere fragmenta. Festschrift Alban Dold zum 70. Geburtstag am 7. 7. 1952, éd. B. FISCHER, V. FIALA, Beuron, 1952, p. 127–139.
  • [30]
    Sur les manuscrits porteurs de l’écriture de Loup de Ferrières, voir É. PELLEGRIN, Les manuscrits de Loup de Ferrières. À propos du ms. Orléans 162 (139) corrigé de sa main, Bibliothèque de l’École des chartes, t. 115, 1957, p. 5–31 ; R. J. GARIÉPY, Lupus of Ferrières : Carolingian scribe and text critic, Medieval Studies, t. 30, 1968, p. 90–105.
  • [31]
    Comme en témoigne, à travers divers exemples, M. C. GARAND, Auteurs latins et autographes des XIe et XIIe siècles, Scrittura e civiltà, t. 5, 1981, p. 77–104 (+ planches).
  • [32]
    Quoique fort ancienne, l’étude de P. Lehmann passe en revue la plupart des auteurs pour lesquels s’est posée la question de l’autographie de manuscrits : P. LEHMANN, Autographe und Originale namhafter lateinischer Schriftsteller des Mittelalters, Erforschung des Mittelalters. Ausgewählte Abhandlungen und Aufsätze, t. 1, Stuttgart, 1959, p. 359–381. Un aperçu sélectif a été réalisé par F. GASPARRI, Authenticité des autographes, Gli autografi medievali, p. 3–22.
  • [33]
    Pour un essai de classification et un commentaire sur celles-ci, voir E. VAN MINGROOT, Aperçu typologique des sources de l’histoire médiévale des XVII Provinces, Archives et Bibliothèques de Belgique, t. 53, 1982, p. 175–306.
  • [34]
    Sur ce type de source particulier, voir e.a. G. CONSTABLE, Lettres and letter-collections, Turnhout, 1976 ; La correspondance, un document pour l’histoire, éd. A. M. SOHN, Mont-Saint-Aignan, 2002 ; J. LUEHRING, R. J. UTZ, Letter writing in the Late Middle Ages (c. 1250–1600) : an introductory bibliography of critical studies, Disputatio, t. 1, 1996, p. 191–229.
  • [35]
    Lettre de François Ier à Charles Quint (s.l.n.d.). Musée royal de Mariemont (abrégé ensuite MRM), Aut. 13e.
  • [36]
    Les principales éditions de ces lettres se trouvent dans : Correspondance de l’empereur Maximilien Ier et de Marguerite d’Autriche, sa fille, gouvernante des Pays-Bas, de 1507 à 1519, éd. A. LE GLAY, 2 vol., Paris, 1839 et Der Briefwechsel Kaiser Maximilians I. mit seiner Tochter Margareta. Untersuchungen über die Zeitfolge des durch neue Briefe ergänzten Briefwechsels, éd. H. KREITEN, Archiv für österreichische Geschichte, t. 96, 1907, p. 191–318. Pour ce qui est des lettres autographes de Maximilien, voir H. GOEBL, Die autographen französischen Briefe Kaiser Maximilians an seine Tochter Margarete. Eine kurzgefasste linguistische Analyse, Pays bourguignons et autrichiens (XIVe–XVIe siècles) : une confrontation institutionnelle et culturelle, éd. J. M. CAUCHIES, Publications du Centre européen d’Études bourguignonnes (XIVe–XVIe s.), t. 46, 2006, p. 259– 272 ; G. DOCQUIER, Escript de la main de vostre bon et leal pere : la correspondance politique échangée entre Maximilien et Marguerite d’Autriche (1507–1519), L’épistolaire politique. France et monde francophone Ve–XVe siècles, éd. B. DUMÉZIL, L. VISSIÈRE, Paris, 2012, à paraître.
  • [37]
    Elles portent alors généralement le contreseing du secrétaire et la mention Per regem ou la signature de l’empereur.
  • [38]
    Voir e.a. ATSMA, VEZIN, Les autographes dans les documents mérovingiens, p. 61–77 où quinze planches reproduisent de nombreuses souscriptions.
  • [39]
    Lettre du dauphin Louis à Étienne Achart (Besançon, 10 septembre 1456). MRM, Aut. 12/5b. Cette lettre a fait l’objet d’une édition dans LOUIS XI, Lettres, éd. J. VAESEN, É. CHARAVAY, B. DE MANDROT, t. 10, Paris, 1907, p. 157–158, n1924. Une nouvelle édition se trouve dans LOUIS XI, Lettres choisies, éd. H. DUBOIS, Paris, 1996, p. 68, n27.
  • [40]
    Il s’adressera à l’un de ses chambellans en ces termes : Escripvez la lettre de ma main, ainsi que vous avez accoutumé de faire, afin de l’envoyer incontinent. Cité par B. FRAENKEL, La signature, genèse d’un signe, Paris, 1992, p. 30.
  • [41]
    Lettre de Yolande de Savoie à Galéas-Marie Sforza (Langres, 3 octobre 1476). MRM, Aut. 97/1.
  • [42]
    FRAENKEL, La signature, p. 7, 10.
  • [43]
    PHILIPPE DE COMMYNES, Lettres, éd. J. BLANCHARD, Genève, 2001, p. 11.
  • [44]
    Ibid., p. 12.
  • [45]
    Lettre de Philippe de Commynes à Cicco Simonetta (Argenton, 13 décembre [1478]). MRM, Aut. 331/2. Éditée dans PHILIPPE DE COMMYNES, Lettres, p. 58–59. Sur cette lettre, voir également T. VAN HEMELRYCK, Les autographes médiévaux de « poètes et prosateurs ». Deux témoignages de la collection de Mariemont, Autographes, p. 74–76.
  • [46]
    Le dauphin Charles fut régent à deux reprises : 1) entre 1356 et 1360 (emprisonnement de Jean II après la défaite de Poitiers, le 19 septembre 1356) et 2) en 1364 (lorsque Jean II repart pour Londres afin d’y reprendre le rôle d’otage abandonné par son fils – fugitif – Louis d’Anjou).
  • [47]
    Lettre close de Charles, dauphin et régent de France, à Robert Assire (Melun, 12 mars [1360]). MRM, Aut. 12. Voir O. MOREL, La grande chancellerie royale et l’expédition des lettres royaux de l’avènement de Philippe de Valois à la fin du XIVe siècle (1328–1400), Paris, 1900, p. 268.
  • [48]
    C. JEAY, La naissance de la signature dans les cours royale et princières de France (XIVe–XVe siècle), Auctor et auctoritas. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale. Actes du colloque tenu à l’Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines (14–16 juin 1999), éd. M. ZIMMERMAN, Paris, 2001, p. 460.
  • [49]
    Ibid., p. 462.
  • [50]
    Ibid., p. 463–465.
  • [51]
    Nous reprenons ici à notre compte le titre d’un article fondamental : B. GUENÉE, « Authentique et approuvé ». Recherches sur les principes de la critique historique au Moyen Âge, La lexicographie du latin médiéval et ses rapports avec les recherches actuelles sur la civilisation du Moyen Âge. Paris, 18–21 octobre 1978, Paris, 1981, p. 215–229.
  • [52]
    Nous nous limiterons à signaler pour la paléographie : J. STIENNON, Paléographie du Moyen Âge occidental, 3e éd., Paris, 1999 ; pour la codicologie : D. MUZERELLE, Vocabulaire codicologique. Répertoire méthodique des termes français relatifs aux manuscrits, Paris, 1985.
  • [53]
    Outre la maigre notice d’A. BRUCKNER dans le Lexikon des Mittelalters, t. 1, Munich–Zurich, 1980, col. 1269 (on notera que l’auteur ne définit pas ce qu’il entend par Autograph, mais qu’il se contente de donner quelques exemples), on ne trouve aucune entrée dans les dictionnaires suivants : Dictionary of the Middle Ages, éd. J. R. STRAYER, New York, 1982–1989 ; Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, éd. J. LE GOFF, J. C. SCHMITT, Paris, 1999 ; Dictionnaire du Moyen Âge, éd. C. GAUVARD, A. DE LIBERA, M. ZINK, Paris, 2002. L’excellent manuel d’O. GUYOTJEANNIN, J. PYCKE, B. M. TOCK, Diplomatique médiévale, 3e éd., Turnhout, 2006 n’y fait aucune allusion, sinon dans une distinction entre acte original et copies. On n’en trouve pas plus de traces dans le « classique » d’A. GIRY, Manuel de diplomatique, Paris, 1894 (repr. Genève, 1975).
  • [54]
    Sur les emplois de ce terme durant l’Antiquité et le Moyen Âge, on peut toujours recourir à l’étude ancienne de J. DE GHELLINCK, Originale et originalia, Bulletin Du Cange, t. 14, 1939, p. 95–105.
  • [55]
    Vocabulaire international de la diplomatique, éd. M. MILAGROS CÁRCEL ORTÍ, 2e éd., Valence, 1997, p. 30.
  • [56]
    B. GUENÉE, Y a-t-il une historiographie médiévale ?, Revue historique, t. 258, 1977, p. 262.
  • [57]
    ID., « Authentique et approuvé » ; O. GUYOTJEANNIN, Le vocabulaire de la diplomatique en latin médiéval. Noms de l’acte, mise par écrit, tradition, critique, conservation, Vocabulaire du livre et de l’écriture au Moyen Âge. Actes de la table ronde, Paris 24–26 septembre 1987, éd. O. WEIJERS, Turnhout, 1989, p. 120–135.
  • [58]
    ID., « Authentique et approuvé », p. 216 (avec de nombreux exemples à la clé).
  • [59]
    La Motte-au-Bois, 14 octobre 1463. MRM, Aut. 171. Notons que, sous le texte ducal, le secrétaire du comte de Charolais, Barthélemy Trotin, a certifié (le 10 novembre suivant) que Jean Coquet et son remplaçant sont venus auprès de la princesse pour délivrer la somme due. Cette mention autographe du secrétaire, attestée de sa main (je… certiffie), est accompagnée de sa signature ornée de ses nombreux traits de plume.
  • [60]
    Sur celle-ci, voir l’ouvrage fondamental de P. COCKSHAW, Le personnel de la chancellerie de Bourgogne-Flandre sous les ducs de Bourgogne de la Maison de Valois (1384–1477), Courtrai–Heule, 1982. Sur Jaques de Ramecourt, secrétaire et exécuteur testamentaire de la princesse, voir M. SOMMÉ, Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne. Une femme au pouvoir au XVe siècle, Paris, 1998, p. 325–326 ; ID., Un recueil de traités ascétiques de la Bibliothèque municipale de Lille copié par Jacques de Ramecourt pour Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne, Livres et lectures de femmes en Europe entre Moyen Âge et Renaissance, éd. A. M. LEGARÉ, Turnhout, 2007, p. 241–252.
  • [61]
    Sur les lettres closes, voir J. M. CAUCHIES, La législation princière pour le comté de Hainaut. Ducs de Bourgogne et premiers Habsbourg (1427–1506). Contribution à l’étude des rapports entre gouvernants et gouvernés dans les Pays-Bas à l’aube des Temps modernes, Bruxelles, 1982, p. 76–79.
  • [62]
    Confirmée à partir d’autres sources d’archives, la présence d’Isabelle de Portugal est attestée à La Motte-au-Bois à cette époque. Voir BaronneAMAURY DE LAGRANGE, Itinéraire d’Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne et comtesse de Flandre, Annales du Comité flamand de France, t. 42, 1938, p. 1–191.
  • [63]
    GUYOTJEANNIN, PYCKE, TOCK, Diplomatique médiévale, p. 90.
  • [64]
    Parmi le corpus rassemblé des ordonnances princières bourguignonnes pour le comté de Hainaut, 200 actes sur 350 (soit près de 57 %) sont porteurs d’une signature ducale. CAUCHIES, La législation princière, p. 147–148.
  • [65]
    GUYOTJEANNIN, PYCKE, TOCK, Diplomatique médiévale, p. 25.
  • [66]
    Ce malaise des philologues face à l’œuvre autographe est traduit par T. VAN HEMELRYCK, Manuscrits autographes et corrections d’auteurs à la fin du Moyen Âge. Le cas controversé de Christine de Pizan, Le livre au fil de ses pages. Actes de la 14e journée d’étude du Réseau des Médiévistes belges de Langue française. Université de Liège, 18 novembre 2005, éd. R. ADAM, A. MARCHANDISSE, Bruxelles, 2009, p. 101–118.
  • [67]
    Bien que déjà ancien, le travail de L. Gilissen reste fondamental à ce sujet, mais il est surtout pertinent pour les écritures livresques et non pour des écritures « personnelles » : L. GILISSEN, L’expertise des écritures médiévales. Recherche d’une méthode avec application à un manuscrit du XIe siècle : le Lectionnaire de Lobbes, Codex Bruxellensis 18018, Gand, 1973.
  • [68]
    JEAN LEMAIRE DE BELGES, Œuvres, éd. J. STECHER, 4 vol., Bruxelles, 1882–1891.
  • [69]
    ID., Chronique de 1507, éd. A. SCHOYSMAN (notes historiques et index des noms propres par J. M. CAUCHIES), Bruxelles, 2001, p. 7.
  • [70]
    Tant pour les cas représentatifs exposés que pour la méthode proposée, l’article Manuscrits autographes d’humanistes en latin et en français de feu G. OUY, alors meilleur connaisseur des manuscrits autographes français, est une véritable synthèse à ce sujet.
  • [71]
    L.M. J. DELAISSÉ, Le manuscrit autographe de Thomas a Kempis et L’Imitation de Jésus-Christ. Examen archéologique et édition diplomatique du Bruxellensis 5855–61, 2 vol., Paris, 1956.
  • [72]
    G. OUY, La librairie des frères captifs. Les manuscrits de Charles d’Orléans et Jean d’Angoulême, Turnhout, 2007. Ainsi que du même auteur : À propos des manuscrits autographes de Charles d’Orléans identifiés en 1955 à la Bibliothèque nationale. Hypothèse « ingénieuse » ou certitude scientifique ?, Bibliothèque de l’École des chartes, t. 118, 1961, p. 179–188. Pour l’édition de cette œuvre, voir The poetry of Charles d’Orléans and his circle. An edition of his personal manuscript (BnF MS. fr. 25458), éd. M. J. ARN, J. FOX, Turnhout, 2010.
  • [73]
    G. OUY, C. RENO, Identification des autographes de Christine de Pizan, Scriptorium, t. 34, 1980, p. 221–238 ; Album Christine de Pizan, éd. G. OUY, C. RENO, I. VILLELA-PETIT, Turnhout, 2012.

1 « Qui ne sera frappé de respect si un roi lui envoie une lettre écrite de sa propre main ? Que de baisers affectueux n’avons-nous pas sur les lèvres toutes les fois qu’il nous arrive d’amis ou de savants personnages des lettres que leurs doigts ont tracées ! Ne dirait-on pas qu’on les tienne là face à face, qu’on les entende et qu’on les voie ! Écrite de main étrangère, une lettre est digne à peine du nom de lettre. Un secrétaire y met toujours beaucoup du sien. L’eût-on même dictée mot à mot, qu’il y manquerait encore le prix du secret. C’est ici telle chose qu’on dit autrement ; ailleurs, c’est telle autre qu’on supprime pour échapper à un tiers confident dont on ne veut pas. En un mot, ce n’est point la liberté cœur à cœur de l’amitié [2]. »

2 Objets de dévotion, curiosités d’amateurs, reliques d’écritures, les autographes reflètent ce qu’il peut y avoir de plus personnel, de plus intime, de plus émouvant chez un personnage. Lamartine estimait que « l’autographe, c’est la physionomie de la pensée [3] ». Bien ancrée dans les mentalités extrême-orientales depuis plus de deux mille ans [4], cette conception de l’écriture est cependant fort tardive dans nos sociétés occidentales. Le cheminement des mentalités – à commencer par celui de la prise de conscience de l’auteur par rapport à son texte (autoréflexivité) – prendra plusieurs siècles. Le premier écrivain à en avoir cerné l’importance semble être… Jean-Jacques Rousseau ! Car c’est réellement aux XVIIIe et XIXe siècles que le document autographe est reconnu pour lui-même et qu’il va susciter l’engouement d’un nombre croissant d’amateurs [5]. À l’aube des années 1800, l’autographe devient un objet de collection, lui conférant de la sorte une valeur marchande potentielle. Une véritable « autographomania » va déferler sur le Vieux Continent et le Nouveau Monde pour atteindre son point culminant entre 1850 et 1930.

3 Pendant plusieurs mois, l’auteur de ces lignes eut le privilège d’inventorier et de numériser une bonne partie de la collection d’autographes du Musée royal de Mariemont (Morlanwelz). Ce fonds exceptionnel – plus de 5 000 documents rassemblés (principalement) par l’ancien propriétaire des lieux, Raoul Warocqué [6] – était jusqu’alors relativement peu connu du public. Certes, les pièces les plus célèbres avaient déjà fait l’objet d’une étude et/ou d’une édition, mais la majorité d’entre elles revenaient à la vie après un siècle passé à « dormir dans les cartons [7] ». Une telle richesse méritait une juste (re) mise en valeur ; elle se traduisit par la tenue d’une exposition et la parution d’une publication de près de deux cents pages [8].

4 Poussant plus avant mon intérêt pour le document autographe, un constat semblait s’imposer : la grande majorité des publications sur le sujet restait l’apanage de philologues ou de collectionneurs autodidactes [9]. Si leurs collègues philologues manifestent une véritable – et justifiée – sacralisation de la source autographe, témoignage irréfutable de la pensée de son auteur, les tenants de la science historique semblent mettre trop peu en évidence le phénomène autographique pour lui-même. Cette question du caractère autographique d’un document serait-elle pour autant négligée, voire évacuée par les disciples de Clio ? Quelques pistes de réflexion seront simplement suggérées dans les pages qui vont suivre. Quel emploi chacun fait-il du vocabulaire qui lui est donné ? Que doit-on entendre par « autographe », « authentique », « original » ? Quelle est la réalité de l’autographe dans sa spécificité propre ? Quels sont les aspects matériels, les manifestations inhérentes de l’autographe ? Quel est le statut de son (ses) auteur(s) ? Quel est son (leur) degré d’implication dans la réalisation de cet écrit ?

5 Autant d’attentions que portent – ou doivent porter – la philologie « autographophile » et l’histoire « autographovore », qui s’abreuvent aux mêmes sources d’une vérité que chacune cherche à approcher. C’est pourquoi nous solliciterons tantôt les sources littéraires, tantôt les actes et autres sources d’archives. Parce que les historiens ont autant besoin que les philologues de « s’alimenter » de chroniques, de correspondances, de mentions de comptes, bref, de témoignages textuels. Cette étude entend seulement pointer du doigt certaines facettes de l’autographe que le chercheur – de tous poils et de toutes plumes – doit garder à l’esprit. Parallèlement, son auteur avoue sans fard qu’il s’agit également d’un plaidoyer visant à répéter l’importance de recourir aux autres ressources documentaires disponibles (on ne dira jamais assez tout ce qui peut être retiré des fonds d’archives…) et d’inciter, de façon bien modeste, à rapprocher deux disciplines sœurs : la philologie et l’histoire.

1. L’autographe dans la langue

6 Commençons d’emblée par écarter une erreur que l’on rencontre encore fréquemment dans certains ouvrages. Il n’y a pas d’amalgame ou de confusion à réaliser entre les notions d’« autographe » et de « manuscrit » ; les deux termes ne sont nullement synonymes. Certes – et c’est un truisme –, tout autographe est manuscrit. La différence réside dans le fait que l’autographe est un manuscrit qui porte les traces de l’intervention physique de l’auteur lui-même. La meilleure illustration est le recours à l’appellation de « manuscrit autographe » par les philologues. Il ne s’agit aucunement d’une redondance inutile. Dans ce cas, on cherche à signifier que l’auteur n’a pas recouru à un aide (par le biais de la dictée, par exemple) ou à un procédé de reproduction mécanique, car les mots présents sont justement ceux qu’il a tracés. Osons cette métaphore : les mentions autographes sont les stigmates d’un auteur couchés sur le parchemin ou le papier.

7 L’acte autographe remonte à la naissance même de l’écriture. Étymologiquement, notre emploi actuel en français dérive de l’adjectif grec ??????????, ??, ??, et du substantif ?? ??????????, produit de l’association d’auto- et de -graphein[10]. La langue latine va s’en emparer pour donner le substantif autographus et l’adjectif autographus-a-um[11]. Dès lors, l’un et l’autre sont utilisés par les auteurs classiques [12]. L’emploi semble vraisemblablement tomber petit à petit en désuétude au cours du haut Moyen Âge. Tel quel, « autographe » ne se rencontre dans aucun des dictionnaires d’ancien français ou de latin médiéval que nous avons pu consulter [13]. Il faut attendre la seconde moitié du XVIe siècle pour que le mot réapparaisse distinctement, en français, sous la forme aftographe[14]. Il en est de même pour le thiois (autograaf), l’anglais (autograph), l’allemand (Autogramm, Autograph, Urschrift), le castillan (autógrafo) et l’italien (autografo) où l’emploi du terme ne remonte pas avant le milieu du XVIe siècle [15]. On l’aura deviné, ce retour dans le lexique va de pair avec les préoccupations du mouvement humaniste, soucieux de revenir le plus possible au « texte-source [16] ».

8 « Autographe » peut se comprendre comme substantif ou comme adjectif. Si on consulte le Trésor de la langue française, référence suprême en matière de terminologie, on pourra y lire que l’autographe désigne toute « lettre, document ou simplement signature écrits de la main même d’une personne célèbre », tandis qu’un document autographe signifie « écrit de la main même de son auteur [17] ». La distinction entre les deux entrées tient, comme on peut le constater, à la seule notoriété du scripteur. Or, celle-ci peut paraître bien discutable. Sur quelle base objective peut reposer la « célébrité » d’un auteur ? Son statut public ? La qualité de sa plume ? La diffusion de son œuvre, s’agissant d’un homme de lettres ? Faudrait-il bannir l’appellation d’« autographe » pour la production de tous ces scribes – que d’aucuns pourraient qualifier de scribouillards… – qui ne font pas auctoritas ? De notre point de vue, considérer l’autographe exclusivement en tant que trace écrite d’un auteur célèbre est erronément réducteur, car cette définition repose, en fin de compte, sur une perception purement subjective [18].

9 Pour l’historien, l’auteur (célèbre ou non) d’une trace écrite (de quelque nature qu’elle soit) demeure un témoin qu’il convient de consulter. En conséquence, l’autographe, à notre sens, doit se comprendre comme étant un document « écrit de la main même de l’auteur », sans classification a priori ou a posteriori de celui qui l’a écrit. Cela implique donc que le texte de base comme les commentaires et autres annotations qui s’y réfèrent peuvent entrer dans le champ de l’autographe [19].

2. L’auteur dépouillé de ses autographes

10 La réalité autographique est véritablement reconnue pour elle-même aux XVIe–XVIIe siècles [20]. C’est en effet à ce moment que le document autographe commence à faire l’objet d’un réel intérêt – on peut même parler d’une prise de conscience –, non seulement parce que les échanges épistolaires, facilités par l’usage du papier, contribuent singulièrement à enrichir la pensée des humanistes à travers l’Europe mais, plus encore, parce que c’est également à cette époque que les premières éditions de ces correspondances voient le jour. En outre, plusieurs d’entre eux prennent soin de rédiger et copier leurs propres œuvres : « Cette pratique de la calligraphie chez les auteurs s’explique en bonne partie par la méfiance qu’ils éprouvent à l’égard des copistes de métier [21]. » L’intérêt porté à l’autographe n’en est pourtant qu’à ses balbutiements…

11 Alors pourquoi cette « déconsidération » du document autographe durant le Moyen Âge ? Tout repose, en réalité, sur les relations triangulaires qui unissent indéfectiblement l’auteur, son œuvre et son public. Le court mais néanmoins fondateur article de M.D. Chenu énonce de façon claire la signification d’auctor au Moyen Âge [22] :

12

« C’est celui qui, grâce à une reconnaissance officielle, civile, scolaire, ecclésiastique, voit son avis, sa pensée, sa doctrine authentiqués, au point qu’ils doivent être accueillis avec respect et acceptés avec docilité. L’auctor, ce n’est plus seulement celui qui est responsable de la composition d’un ouvrage, par opposition au scribe ou au simple compilateur, c’est […] celui qui a une autorité sur laquelle on peut faire fond pour l’examen et la solution d’une question, en grammaire, en droit, en philosophie, en théologie. »

13 On ne peut nier que plus d’un auteur médiéval jouissait, de son vivant parfois, d’un certain prestige mais, plus encore, d’une autorité (auctoritas) plus ou moins grande. Toutefois, comme nous l’avons soutenu avec conviction, reconnaissance n’est pas pour autant célébrité ! Si tel avait été le cas, on aurait sans doute cherché à conserver la plupart des témoignages autographes d’un auteur. Or, on sait que ceux-ci ne subsistaient guère une fois la diffusion de l’œuvre assurée. Ils sont négligés, oubliés voire carrément détruits lorsqu’ils n’ont plus d’utilité directe [23]. On ne s’intéresse guère aux « coulisses » de la création. Si le parchemin pouvait avoir le privilège d’être récupéré (après grattage) comme nouveau support – ce que l’on peut qualifier d’« écriture en palimpseste » –, le papier avait beaucoup plus de chances d’être détruit ou de servir comme « rembourrage » de reliure. Comme l’a noté G. Gros : « Le manuscrit médiéval sur parchemin ne tolère pas l’en-deçà du texte, le brouillon, vivant témoin du caprice de l’inspiration, de l’hésitation du langage, du travail précis du styliste [24]. » Échappent à ce triste sort les écrits autographes issus de la plume d’un personnage auréolé d’une certaine sainteté ; ceux-ci sont alors précieusement tenus et réputés pour reliques, à l’image des écrits de Thomas d’Aquin qui font l’objet d’une vénération particulière ou, plus tard, de ceux – très recherchés – de François de Paule ou d’Ignace de Loyola [25]. Ceux-ci jouissent d’une double auctoritas : d’abord parce qu’ils sont saints aux yeux de l’Église et, ensuite, parce qu’ils sont reconnus et réputés comme tels par la société laïque.

14 Il est un autre phénomène propre à la culture médiévale qui doit être pris en compte. Au Moyen Âge, la même valeur est généralement accordée aux divers exemplaires d’une œuvre, qu’il s’agisse du manuscrit autographe ou d’une copie qui en a été tirée. L’important est d’y trouver la pensée de l’auteur ou ce que l’on estime être tel. Sans généraliser à outrance, on peut dire que ce qui prévaut jusqu’à la fin de l’époque moderne, c’est le texte finalisé, revu et corrigé par son auteur, tel qu’il est livré à ses lecteurs. Cependant, avant que la diffusion des œuvres ne se fasse exclusivement par le biais de l’imprimerie, l’auteur n’a pas la possibilité de contrôler son texte une fois franchi le seuil de son cabinet de travail et le cercle des premiers relais qui en assurent la copie. Aussi, on peut comprendre qu’un glissement s’opère puisque la copie se voit conférer le même statut (per se) de « vérité d’écriture » que l’original. Revenir à la « source-mère » afin de retrouver le sens premier que l’auteur a voulu lui donner est, en fin de compte, un souci qui arrivera bien tardivement dans l’histoire de l’écriture.

15 Actuellement, il n’est plus besoin de rappeler aux éditeurs de textes que c’est vers l’original, cet « exemplaire manuscrit remontant à l’auteur [26] », lorsqu’il est conservé, qu’il faut se tourner. Une préoccupation que partageait également Louis Aragon lorsqu’en 1978, il léguait ses papiers personnels au C.N.R.S. : « Mettre le texte à la disposition des chercheurs suppose non point mettre à leur disposition la copie mais le manuscrit même. Sans doute, seul le texte définitif doit être remis à la composition, mais les ratures, les corrections, les variantes du texte, même si elles doivent être considérées comme des versions écartées par l’écrivain, offrent aux chercheurs un beau sujet de réflexion, l’exploration d’une réalité très complexe, celle d’un texte en devenir, saisi pendant le temps même de l’écriture [27]. »

3. L’implication autographique de l’auteur

16 Les raisons que nous venons d’évoquer peuvent expliquer pourquoi le terme « autographe » serait absent du lexique médiéval. Il n’en reste pas moins vrai que la place de l’écrit autographe ne va cesser de croître tout au long du Moyen Âge. De nos jours, personne – à commencer par les philologues classiques – ne croit qu’il soit encore possible de découvrir des manuscrits autographes d’auteurs de la haute Antiquité. Ce genre de trouvailles semble être l’apanage des scénaristes hollywoodiens… Et après ? Nous ne sommes guère mieux lotis. « Les chances de trouver un jour des textes écrits de la main de personnages comme saint Augustin ou saint Jérôme [sont] pratiquement inexistantes, non seulement à cause des destructions dues au temps et à l’incurie des hommes, mais surtout à cause des techniques mêmes de rédactions en usage [28]. » E. Dekkers, dans un article intitulé Les autographes des Pères latins, estimait en effet que, durant la basse Antiquité et une bonne partie du haut Moyen Âge, les auteurs ne rédigeaient pas eux-mêmes leurs textes, mais qu’ils dictaient à des secrétaires ce qui devait être inscrit [29]. Rien n’est cependant moins sûr : généraliser la pratique de la dictée à partir de témoignages (conservés) contemporains ou postérieurs (comme l’iconographie des miniatures par exemple) nous paraît largement excessif. Certes, en l’absence de preuves, il n’est pas possible de trancher, mais cette hypothèse n’est pas à exclure de façon aussi radicale. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que le verbe dictare peut aussi bien signifier « dicter » que « composer »… D’heureux mais trop rares exemples – comme celui de Loup de Ferrières (* ca 805–† pas avant 862) – nous permettent d’avoir un aperçu fugace de certaines réalités autographiques avant l’an mil [30].

17 À vrai dire, c’est seulement à cette époque que le rideau commence à se lever. Tantôt un auteur fera appel à un scriptorium, à un scribe ou à un assistant pour réaliser une mise au net de son texte, tantôt il s’acquittera lui-même de cette tâche [31]. Les preuves d’autographie que nous conservons ne fonctionnent qu’au cas par cas, soit parce que l’auteur l’a mentionné dans son manuscrit, soit parce qu’une série de présomptions (observations codicologiques et paléographiques) peuvent, une fois rassemblées, converger avec certitude vers l’auteur [32].

18 Outre les sources littéraires, il convient aussi de dire un mot des autres types de sources auxquelles historiens et philologues peuvent être confrontés. Ainsi, de nombreux documents portent des mentions autographes qui tendent à renforcer l’implication de l’auteur dans son texte (traités, actes, documents administratifs, judiciaires, fiscaux…) [33]. Divers éléments peuvent amener l’auteur du document à intervenir plus ou moins directement dans sa rédaction et, par conséquent, cela aura un impact sur le caractère autographe de la pièce considérée : le statut social de l’auteur, sa disponibilité à prendre lui-même la plume, celui ou ceux à qui est adressé le document, l’importance qu’il accorde au document, la possibilité de recourir à un scribe ou à un secrétaire… Limitons-nous à quelques exemples à la charnière du Moyen Âge et des Temps modernes.

19 Un personnage important peut prendre le soin de rédiger lui-même une lettre à caractère privé [34] ; par sa nature, celle-ci ne répondra pas aux « canons » de rédaction employés dans les chancelleries contemporaines. Ce faisant, son auteur prouvera à son correspondant l’attention qu’il lui porte. Capturé à Pavie en 1525 avant d’être retenu en Espagne, François Ier devra faire de lourdes concessions à son homologue et rival Charles Quint en acceptant le Traité de Madrid (1526). Quelque temps après sa libération, il fera parvenir une missive à son ancien « geôlier ». Dans celle-ci, il l’assure de son dévouement à respecter sa parole et ne manquera pas de signer Vostre bon frere et vroy (sic) amy, et a jamés oblygé[35]. Pourtant, la bonne foi du Français n’aura été qu’un brûlot de paille ! Et les deux protagonistes de reprendre les armes…

20 La correspondance échangée entre Maximilien d’Autriche et sa fille Marguerite, alors régente des Pays-Bas au nom du même Charles (Quint) encore mineur, constitue une véritable mine de renseignements pour l’historien [36]. Ces missives ne répondent pas à un ordre précis puisque se retrouvent pêle-mêle dans les discussions affaires de famille, questions de politique « intérieure », nouvelles du contexte international, cordialités… et parfois règlements de comptes ! Certaines, au lieu d’être dictées à un secrétaire [37], sont autographes. Marguerite ne connaissant pas l’allemand, Maximilien devait s’adresser à elle en français, une langue qu’il avait apprise après son union avec Marie de Bourgogne (1477). Le résultat est pour le moins étonnant puisque le Habsbourg écrit de manière phonétique, ce qui laisse parfois la place à une mauvaise interprétation du message par la régente ! L’empereur ne manque pas de signaler quand il a pris la plume en terminant ses lettres par Escript de la main de vostre bon (et leal) pere, Faet de la main de vostre bon pere, Escript de ma (ou nostre) main. De même la signature qu’il appose connaît plusieurs variantes : s’il signe la plupart du temps Maxi, on trouve également Maximilianus, Maximilien ou Max.

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Lettre de François Ier à Charles Quint (s.l.n.d), MRM, Aut. 13e, © Morlanwez, Musée royal de Mariemont.

21 Parmi les actes délivrés au nom d’un prince, celui-ci a parfois voulu montrer sa participation directe à la rédaction de tel ou tel document en ajoutant une mention de sa propre main. Dans le contexte des chancelleries princières, les souscriptions autographes existent depuis fort longtemps : les diplômes mérovingiens en constituent de merveilleux exemples [38]. Par la suite, celles-ci se feront moins grandiloquentes, mais leur but reste toujours de « rendre visible » la présence de son auteur. C’est ainsi, par exemple, que le dauphin Louis – futur Louis XI –, préférant fuir le courroux paternel en allant trouver refuge chez Philippe le Bon, demandera à son receveur en Dauphiné d’avancer la somme de deux mille livres pour fournir a la despence et argenterie de nostreditte femme (Charlotte de Savoie) [39]. Si le texte, rédigé par son dévoué secrétaire Jean Bourré (* ca 1425–† 1505), exprime la volonté expresse du prince (nous voulons et vous mandons, sans aulcune difficulté, en ce ne faictes faulte), Louis se montrera impérieux en ajoutant personnellement : Estienne, je vous prye, ne me faillés pas a cecy en mon absence. Ecryt de ma mayn. Nous savons que Louis XI pouvait aussi avoir recours à des secrétaires de la main, d’habiles calligraphes qui savaient imiter l’écriture royale – une pratique qui tend à se généraliser au cours du XVe siècle [40] –, mais, dans ce cas précis, on ne peut douter du caractère autographe de cette souscription : parti précipitamment avec quelques fidèles, le dauphin, limité dans ses moyens et pressé par le temps, a sans doute dicté la lettre pour que celle-ci soit expédiée le plus rapidement possible. C’est un cas de figure similaire qui pousse la duchesse Yolande de Savoie, sœur de l’« universelle araigne », a n’apposer personnellement que les mots Vostre trés amee suer Yolant dans la missive qu’elle adresse au duc de Milan pour lui annoncer son évasion du château de Rouvres où Charles le Hardi l’avait emprisonnée [41]. Libérée la veille (2 octobre 1476), la princesse s’empresse de donner de ses nouvelles à cet ancien allié du Bourguignon qui fait front, comme elle désormais, contre le nouvel ennemi commun. La volonté de se poser immédiatement dans le camp ami et celle de livrer le « scoop » de sa libération ont poussé la duchesse à dicter cette lettre à un secrétaire dont la rapidité d’écriture et la calligraphie étaient incontestablement meilleures.

Fig. 2
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Lettre close de Louis, dauphin de France, à Étienne Achart (Besançon, 10 septembre [1456]), MRM, Aut. 12/5b, © Morlanwez, Musée royal de Mariemont.
Fig. 3
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Lettre de Yolande de Savoie à Galéas-Marie Sforza (Langres, 3 octobre 1476), MRM, Aut. 97/1, © Morlanwez, Musée royal de Mariemont.

22 Mais la « manifestation autographique » de l’auteur peut se résumer à sa plus simple expression : la signature, ce « signe hybride qui tient du mot et de l’image », « chargé de manifester la présence d’un corps unique, singulier, inscrit sur la page [42] ». Parmi les autographes de Philippe de Commynes qui nous sont parvenus, on ne peut compter – à ce jour – qu’une poignée de lettres écrites de sa main [43]. D’une part, parce que le recours aux services d’un secrétaire chargé de la correspondance était récurrent ; continuellement pris par ses fonctions, Commynes n’avait guère le temps de s’en occuper, sans compter que son écriture – l’auteur s’en excuse à diverses reprises – était des plus exécrables. De l’autre, eu égard à son statut de conseiller intime, les lettres les plus confidentielles qu’il prenait la peine de rédiger n’avaient qu’une durée de vie bien maigre, puisque Commynes priait souvent son destinataire de faire disparaître le document. Le mémorialiste était tout aussi chiche de sa signature puisque dans les lettres qu’il a signées, « il est exceptionnel que Phelippes de Commynes soit entièrement autographe : on en relève un seul exemple [44] ». Comme dans cette missive adressée à Cicco Simonetta, ambassadeur de la duchesse de Milan : les mots Le plus que le tout vostre, Phelippes de ne sont pas de sa main, seul Commynes est autographe [45] ! L’implication autographique est, pourrait-on dire, minimaliste…

23 Il n’en reste pas moins vrai que la signature demeure le reflet d’une présence dont l’auteur investit le document. Il n’est pas rare de lire, dans les mentions de service, que l’auteur a voulu apposer sa signature. Dans un ordre de paiement adressé à Robert Assire, vicomte de Falaise, par le futur Charles V de France – alors régent du royaume au nom de son père [46] –, la volonté « souveraine » s’exprime de la façon la plus autoritaire et contraignante qui soit (Nous vous mandons, comandons et enioignons estroittement sur toute l’amour, feaulté et loyaulté que vous avez a nous et si chier comme vous doubtez encourre nostre indignacion, et sur peinne de perdre vostre office) [47]. La corroboration annonce le double mode de validation de l’acte (Nous avons ces lettres signees de nostre propre main et seellees de nostre annel) ; elle atteste par la même occasion une double implication de la part du dauphin. Celui-ci a non seulement apposé sa signature, mais il a utilisé son anneau sigillaire personnel qu’il porte en permanence au doigt pour imprimer son empreinte dans la cire (le sceau a cependant disparu).

Fig. 4
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Lettre de Philippe de Commynes à Cicco Simonetta (Argenton, 13 décembre [1478]), MRM, Aut. 331/2, © Morlanwez, Musée royal de Mariemont.
Fig. 5
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Lettre close de Charles, dauphin et régent de France, à Robert Assire (Melun, 12 mars [1360]), MRM, Aut. 12, © Morlanwez, Musée royal de Mariemont.

24 Comme le souligne C. Jeay, ce signet est « la manifestation privilégiée de la personne royale [48] ». La signature est ici équivalente au signet de cire puisque « les deux signes sont considérés comme l’émanation de la personne du roi ». Un mandement en date du 30 novembre 1358 en fait foi [49]. Quant à la signature, il n’est pas anodin d’en toucher un mot. On connaît trois types de signatures distincts durant la vie de Charles V ; celle qui nous intéresse est du deuxième type, soit une signature « de transition ». Le prénom du prince est mis en scène : un élément initial en forme de « j » et la boucle finale ponctuée de quatre traits en forme de croix sont reliés par une barre qui soutient l’ensemble [50]. Entre la signature modeste et hésitante du jeune dauphin et celle de l’homme en pleine possession de ses moyens, Charles se cherche à travers sa signature.

25 Bref, on aura compris que la nuance résidait justement dans le statut de l’auteur. Face au document, a-t-on affaire à l’auteur moral ou à l’auteur physique ? Autrement dit, celui qui a écrit est-il celui-là même qui a composé mentalement le texte à écrire ? Cette distinction est capitale pour le philologue, car si les deux types d’auteurs se rejoignent en une seule et même personne, cela signifie que nous sommes confrontés à une trace autographe.

4. L’historien, amateur d’« authentique et approuvé[51] »

26 Si pour les philologues, les paléographes et les codicologues la notion d’« autographe » est fondamentale [52], il semble que la réalité autographique ne soit guère envisagée pour elle-même par les historiens et les diplomatistes. On serait bien en peine de trouver, dans la plupart des ouvrages de référence chers à ces disciplines, une entrée au terme « autographe [53] ». À notre avis, deux raisons peuvent expliquer ce silence :

27 1) Comme on l’a vu, les sources elles-mêmes, matériau de base des disciples de Clio, ne conservent que de trop rares mentions du terme, et encore celles-ci remontent-elles la plupart du temps aux premiers siècles du Moyen Âge. Et comme la science diplomatique se base justement sur la terminologie médiévale, il ne semble pas étonnant qu’« autographe » figure aux abonnés absents…

28 2) Ensuite, d’aucuns réalisent un amalgame abusif entre « autographe » et « original ». Pourquoi ? Parce que, en latin médiéval, les emplois relevés d’autographum sont généralement synonymes d’originale[54]… Pour les diplomatistes, l’original « est le document primitif où est consignée pour la première fois sous sa forme définitive la volonté de l’auteur de l’acte et qui est destiné à faire foi. C’est donc l’acte parfait qui est, soit revêtu des marques de validation, soit dressé dans des conditions d’authenticité qui lui permettent de faire foi par lui-même [55] ». Aussi, l’original se distingue par son caractère authentique irréprochable et par les signes – dont il est porteur – qui permettent de l’attester, de le reconnaître comme « vrai ».

29 Voilà la grande préoccupation de la société médiévale, suivie en cela par les médiévistes, toutes catégories confondues : faire appel au document (œuvre littéraire, charte, diplôme, compte, quittance, missive…) authentique, vrai et reconnu. Parfois, la seule auctoritas de l’auteur considéré pouvait suffire pour juger de la véracité de ses écrits. Parole d’évangile en quelque sorte… Or, ce serait une grossière erreur que de penser que nos ancêtres prenaient tout pour argent comptant ! Nombreux sont les auteurs du Moyen Âge qui recourent aux archives et qui soupèsent leurs sources littéraires en préférant, sur tel point, suivre l’avis d’Otton de Freising plutôt que celui de Bède le Vénérable. Faire preuve d’esprit critique n’est pas l’apanage de notre époque [56]. On est frappé par la récurrence du terme aut (h) enticum qui domine tout au long du Moyen Âge [57]. « Des récits sont authentiques, des livres et des chroniques sont authentiques, des auteurs sont authentiques, des hommes et des personnes sont authentiques [58]. »

30 Quels sont les éléments qui rendent un texte authentique ? Analysons un document tout ce qu’il y a de plus « banal » du milieu du XVe siècle : un ordre de paiement de la duchesse de Bourgogne Isabelle de Portugal en faveur de son fils Charles, alors comte de Charolais, et adressé A nostre trés chier et bien amé Jehan Coquet, commis a la recepte de Bethune[59]. L’acte auquel nous avons affaire ici répond aux usages « traditionnels » employés dans la chancellerie ducale : le secrétaire qui l’a dressé, Jacques de Ramecourt, est parfaitement au courant de ce qui se fait chez le duc Philippe le Bon, époux d’Isabelle [60]. Le document peut se ranger dans la catégorie des lettres closes, soit des « ordres hâtifs dont l’exécution ne pouvait souffrir aucun retard [61] ». En voici la transcription :

Fig. 6

Lettre close d’Isabelle de Portugal à Jean Cocquet (La Motte-au-Bois, 14 octobre 1463), MRM, Aut. 171, © Morlanwez, Musée royal de Mariemont.

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Lettre close d’Isabelle de Portugal à Jean Cocquet (La Motte-au-Bois, 14 octobre 1463), MRM, Aut. 171, © Morlanwez, Musée royal de Mariemont.

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De par la duchesse de Bourgoingne et de Brabant, contesse de Flandres, d’Artois et de Bourgoingne.
Trés chier et bien amé. Beau filz le conte de Charrolois a presentement envoyé par deça maistre Barthelmy Trotin, son secretaire, pour aucunes ses affairez et meismement pour recouvrer et recevoir les deniers que vous et autres ses officiers lui devez. Si vous mandons de par ledit beau filz que, incontinent cestes veues, vous venez devers nous icy a La Mote et apportez avec vous les IIIIC IIIIXX livres de XL gros monnoye de Flandres la livre que devez audit beau filz des deniers de vostre recepte et de terme escheu a la Saint Remi passee. Si n’y faictes faulte sur tant que doubtez couroucer icelui beau filz. Trés chier et bien amé, Nostre Seigneur soit garde de vous. Escript a La Mote, le XIIIIe jour d’octobre l’an LXIII.
(Signé : ) Isabel
(Et plus bas : ) De Ramecourt

32 Ce sont à la fois des caractéristiques internes et externes qui confèrent à cette lettre son authenticité :

33

  • En toute logique, le dispositif est court puisqu’il s’agit de commander à un officier, mais il contient tout de même des éléments bien marqués qui permettent de se faire une idée sur son lieu de rédaction : la chancellerie de la duchesse. Tout d’abord, l’ordre est conféré en son nom (De par la duchesse de Bourgoingne…). La titulature est volontairement abrégée : la portée du document étant limitée, il est donc normal d’en réduire les formes au strict minimum. Le texte s’enchaîne dans une parfaite logique (adresse, exposé, dispositif), sans omettre la clause injonctive (si n’y faictes faulte…), tout en exprimant, enfin, la bienveillance de la souveraine (Nostre Seigneur soit garde de vous). La date – qui contient locus et dies – informe sur le moment et le lieu où a été dressé le document.
  • La signature de la duchesse nous confirme sa présence : celle-ci a donc bien vu le document avant son expédition [62]. On notera que la princesse, dont l’écriture paraît mal assurée – elle a alors 66 ans – a signé « à la portugaise » et non sous la forme francisée de son prénom (Isabel). Cette signature est accompagnée du contreseing du secrétaire de Ramecourt, qui se trouve dans le coin inférieur droit de la page.
  • La lettre close doit son nom à sa présentation : une lettre expédiée fermée par le sceau de l’auteur. Il ne reste que quelques fragments du sceau de cire rouge de la duchesse ; ce dernier est illisible. Parmi toutes les marques de validation, le sceau est sans doute celui qui sert à identifier de la façon la plus représentative l’auteur du document : il sert à confirmer que celui-ci « est bien celui dont le nom figure en tête du document. Par là, il authentifie et valide le document [63] ». Avant même de décacheter le pli, le destinataire pouvait savoir qui lui avait écrit.

34 Comme on le constate à travers cet exemple, la signature est l’unique mention autographe qu’Isabelle de Portugal ait apposée sur l’acte. Quoique fréquente dans les lettres closes, cette marque n’est pas indispensable pour que le document puisse être délivré et que l’officier qui le reçoit s’exécute [64]. Pour ce type de lettre, deux signes de validation semblent nécessaires : le seing d’un secrétaire et le signet de cire rouge. La signature autographe d’Isabelle est destinée à conférer au document une « plus-value », montrant de cette façon l’intérêt que la princesse porte à l’affaire. Pour un acte, seule compte l’autorité qui le délivre, celui « au nom de qui l’acte est dressé [65] ». L’acte peut donc être vierge de toute mention autographe de son auteur moral ; cela ne modifiera en rien sa pleine validité ni sa pleine autorité.

5. Le philologue « autographophile » et l’historien « autographovore »

35 Les tenants des deux disciplines ne peuvent faire abstraction du document autographe. Pour le philologue, la quête de l’œuvre autographe est sa raison d’être : c’est par elle qu’il peut tenter d’approcher la personnalité de l’auteur, son cheminement, son essence. Malheureusement, on l’a vu, sur l’énorme quantité de manuscrits littéraires médiévaux qui nous sont parvenus – un nombre néanmoins relatif vu la durée de la période –, seul un très faible pourcentage sont autographes. L’inconfort des philologues qui s’intéressent à la littérature française médiévale est bien compréhensible : avant la fin du XIVe siècle, la majeure partie de la production demeure anonyme. Comment savoir si certains manuscrits sont autographes et, qui plus est, si le texte en question est bien une version « originale », non dénaturée par le processus « détériorant » de la copie [66] ?

36 L’historien du Moyen Âge s’intéresse lui aussi aux autographes. Malgré une certaine absence du terme dans leurs publications, les disciples de Clio entretiennent un rapport étroit avec l’autographe ; les divers exemples présentés ici le montrent suffisamment. Pourtant, leur réaction semble plus sereine, peut-être parce que la masse de sources écrites qu’ils sont amenés à consulter regorge de traces autographes. Sans doute. Plus fondamentalement, l’historien a cet énorme avantage par rapport à ses collègues philologues : l’autographe n’est pas une nécessité puisque des « palliatifs » existent pour l’historien. Il a le grand « luxe » de recourir à d’autres sources – si elles existent toutefois ! – pour approcher une réalité (celle du fait historique), tandis que son homologue de la République des lettres ne peut aborder le fait littéraire que par le biais de l’œuvre elle-même. La disparition du document original est toujours dramatique, et plus encore s’il était autographe. En recourant à des mentions de comptes, des copies authentiques, des transcriptions ou des relevés dignes de foi, l’historien peut tenter d’appréhender ce passé, mais celui-ci restera tout de même partiel et édulcoré. Plus que jamais, l’autographe demeure irremplaçable.

37 Historiens et philologues recherchent tous deux une vérité « authentifiée », celle de la source-mère. Tous deux doivent discerner, trier le vrai du faux, soumettre l’information à une critique sévère pour la découvrir. Si la source est anonyme, tous deux se doivent de faire des comparaisons avec des échantillons prélevés tantôt dans d’autres manuscrits littéraires [67], tantôt dans d’autres types de sources écrites (testaments, documents comptables, correspondance, ex-libris…) afin de prouver l’autographie de leurs documents. Certes, les préoccupations disciplinaires ne sont pas les mêmes pour chacun. Et c’est heureux ! Suivant l’angle d’approche que l’on privilégie, cela permet aux réalités autographes d’être plurielles. Il nous paraît donc indispensable de multiplier les collaborations entre historiens et philologues, parce qu’une œuvre dépend toujours de son contexte de rédaction et que cette œuvre est elle-même reflet de ce contexte.

38 À la fin du XIXe siècle, J. Stecher prit l’heureuse initiative d’éditer les Œuvres de Jean Lemaire de Belges [68]. Parmi celles-ci figurait le brouillon autographe d’une chronique « semi-annale » qui ne vit finalement jamais le jour. J. Stecher livra une édition incompréhensible à maints endroits pour deux raisons. D’abord, le manuscrit (PARIS, BnF, Dupuy 503) présente un texte incomplet d’une écriture parfois très difficilement déchiffrable. Ensuite, les évènements relatés par l’indiciaire s’inscrivent dans une période d’instabilité politique et de menaces ennemies. J. Stecher s’est véritablement « cassé les dents » sur ce texte parce que ses leçons paléographiques se sont avérées fautives et, en outre, parce qu’il n’est pas toujours parvenu à distinguer les faits et les personnages de cette trame historique. C’est seulement un siècle plus tard que le texte a pu être restitué dans toute sa cohérence grâce à la collaboration d’une philologue et d’un historien spécialistes, l’une de l’œuvre de Lemaire, l’autre du contexte historique de l’époque. L’éditrice l’indiquait d’ailleurs : « Ce travail exigeait qu’au philologue se joigne l’historien [69]. »

39 Il est des « petits bonheurs » qui font avancer nos connaissances scientifiques. Ils sont néanmoins causes de « grandes émotions » chez celui qui en fait la découverte. Avec d’infinies précautions, le chercheur, armé de toutes les possibilités techniques et intellectuelles dont il peut disposer, se penche sur ce qu’il estime être une trace autographe [70]. Il scrute, compare, évalue, analyse, soumet à la critique. Si la chance l’accompagne, ses conclusions se révèleront fructueuses et, triomphant, il pourra exhumer de son grand silence « la » source que d’aucuns croyaient perdue. Trop beau pour être vrai ? Et pourtant. Il arrive au médiéviste de goûter à ce bonheur. Qui pouvait espérer, avant la démonstration magistrale de L. Delaissé, que le manuscrit original de l’Imitation de Jésus-Christ nous était parvenu [71] ? Qui pouvait affirmer, avant G. Ouy, qu’il subsistait non pas un mais plusieurs manuscrits autographes de Charles d’Orléans [72] ? Qui pouvait croire que plus d’une cinquantaine d’écrits autographes de Christine de Pizan reposaient encore de nos jours dans les grandes bibliothèques nationales [73] ? Avec ces autographes, c’est tout un univers qui se déploie sous nos yeux : l’effervescence des populations pour la Devotio moderna, le réconfort de la poésie pour un prince enfermé dans une prison londonienne, la production littéraire d’une femme écrivain destinée aux princes des lys. C’est là que l’autographe trouve sa pleine justification : dans le vécu de ces hommes de chair, de sang… et de plume.

Notes

  • [1]
    Cette contribution a pu bénéficier des précieux conseils et de la relecture attentive de MM. J. M. CAUCHIES (Facultés universitaires Saint-Louis – Université catholique de Louvain), J. DEVAUX (Université du Littoral-Côte d’Opale) et A. MARCHANDISSE (FNRS – Université de Liège). Qu’ils en soient tous trois chaleureusement remerciés !
  • [2]
    DIDIER ÉRASME, Dialogus de recta latini graecique sermonis prononciatione, Leyde, 1643, p. 54, cité et traduit par F. FEUILLET DE CONCHES, Causeries d’un curieux. Variétés d’histoire et d’art tirées d’un cabinet d’autographes et de dessins, t. 2, Paris, 1862.
  • [3]
    Cité (sans références) par A. NICOLAS, Les autographes, Paris, 1998, p. 9.
  • [4]
    Au Japon et en Chine, pays où l’art de la calligraphie a été poussé le plus loin, recevoir un objet sur lequel le donateur a écrit (éventail, coffret, laque…) est un privilège réservé aux personnes que l’on veut honorer. La personnalité de chacun est littéralement mise en scène pour refléter de la manière la plus exacte son « moi ». FEUILLET DE CONCHES, Causeries d’un curieux, p. 18 raconte qu’en Chine, tout empereur, à son avènement, était prié d’« écrire de sa propre main deux sentences à la louange du grand […] Confucius, et qu’il les suspende lui-même en ex-voto dans le temple consacré au plus sage des Chinois [à Pékin] » ; ces autographes devaient en outre témoigner de la légitimité de l’héritier du trône et sa capacité à diriger l’État.
  • [5]
    Voir, e.a., L. FRAISSE, Ces sortes d’objets n’ayant qu’une valeur de fantaisie…, Le manuscrit littéraire. Son statut, son histoire, du Moyen Âge à nos jours, éd. ID., Paris, 1998, p. 7–37 ; F. MOUREAU, Du bon usage des manuscrits et des autographes littéraires : le cas du XVIIIe siècle, Le manuscrit littéraire, p. 195–211.
  • [6]
    Sur Raoul Warocqué, voir principalement M. VAN DEN EYNDE, Raoul Warocqué, seigneur de Mariemont, 1870–1917, Morlanwelz, 1970.
  • [7]
    Sur cette collection, voir G. DOCQUIER, La collection d’autographes du Musée royal de Mariemont : histoire et devenir d’un patrimoine méconnu, éd. ID., B. FEDERINOV, Autographes, Morlanwelz, 2009, p. 7–33.
  • [8]
    L’exposition Traces des Grands Hommes s’est tenue dans la galerie de la Réserve précieuse (25 octobre 2008 – 17 janvier 2009). Le relevé des pièces présentées se trouve dans Ibid., p. 157–184.
  • [9]
    L’ouvrage dirigé par NICOLAS, Les autographes, s’adresse surtout aux amateurs et collectionneurs, ainsi qu’aux experts de maisons de ventes. Rédigée par trois philologues, une synthèse entend faire le point sur la question des manuscrits autographes français, grâce surtout aux recherches fondamentales de G. Ouy : O DELSEAUX, G. OUY, T. VAN HEMELRYCK, Les manuscrits autographes français à la fin du Moyen Âge. Guide de recherches, Turnhout, sous presse. Tout récemment, un colloque – organisé par et pour des historiens à l’Université de Paris–Sorbonne (Paris IV), les 27 et 28 janvier 2012 – envisageait la problématique de la lettre authentique et autographe (VIe–XVIe s.). On se réjouira que cette manifestation rejoigne nos préoccupations.
  • [10]
    Le substantif est notamment utilisé par Plutarque dans ses Œuvres morales, 1115c, cité dans Le Grand Gaffiot. Dictionnaire latin-français, éd. P. FLOBERT, Paris, 2000, p. 313.
  • [11]
    Thesaurus linguae latinae, t. 2, Leipzig, 1900–1906, col. 1599 ; Le Grand Gaffiot, p. 199. Dictionnaire latin-français, éd. P. FLOBERT, Paris, 2000, p. 199. On rencontre également la forme autolographus qui sert à désigner un document entièrement autographe, c’est-à-dire « olographe ».
  • [12]
    En guise d’exemples : Suétone (Vie des XII Césars, Auguste, 87) fait allusion aux lettres autographes du premier empereur (litterae ipsius autographae). Texte latin et trad. par H. AILLOUD, 2e éd. rev. et corr., Paris, 1954, p. 133 ; Symmaque (Lettres, 3, 11) s’adresse à son correspondant Naucellius en lui demandant un exemplar de autographo tuo. Texte latin et trad. par J. P. CALLU, t. 2, Paris, 1982, p. 25. Voir également la notice Autograph rédigée par T. DORANDI, H. SONNABEND dans Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike, éd. H. CANCIK, H. SCHNEIDER, t. 2, Stuttgart–Weimar, 1997, col. 353–354.
  • [13]
    On trouve certes le terme autographus dans le Lexique latin-français. Antiquité et Moyen Âge, éd. M. PARISSE, Paris, 2006, p. 61, mais il n’est pas spécifié si cet emploi est uniquement réservé à l’Antiquité. Pour le latin : C. DU FRESNE, SG. DU CANGE, Glossarium mediae et infimae latinitatis […], t. 1, Paris, 1937 ; A. BLAISE, H. CHIRAT, Dictionnaire latin-français des auteurs chrétiens, Turnhout, 1975 ; O. PRINZ, Mittellateinisches Wörterbuch bis zum aufgehenden 13. Jahrhundert, t. 1, Munich, 1967 ; R. E. LATHAM, Dictionary of Medieval Latin from British Sources, t. 1, Londres, 1975 ; J. F. NIERMEYER, Mediae latinitatis lexicon minus, t. 1, éd. J.W. J. BURGENS, Leyde–Boston, 2002 ; J. W. FUCHS, O. WEIJERS, Lexicon latinitatis Neerlandicae Medii Aevi : Woordenboek van het middeleeuws latijn van de noordelijke Nederlanden, t. 1, Leyde, 1977. Pour l’ancienne langue française : F. GODEFROY, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, t. 1, Paris, 1881 ; A. TOBLER, E. LOMMATZCH, Altfranzösischers Wörterbuch, t. 1, s.l., 1925. Le terme est également absent du Dictionnaire du moyen français (1330–1500) accessible en ligne (www.atilf.fr/dmf).
  • [14]
    Une des premières mentions figure dans la traduction de L’Éthique à Nicomaque d’Aristote de P. LE PLESSIS-PREVOST (Les Éthiques d’Aristote Stagirite à son filz Nicomache, Paris, 1553) : Aristote semble tirer ses raisons et conclusions, non pas de livres sibylins, mais de l’aftographe du mesme Jupiter. Cité par E. HUGUET, Dictionnaire de la langue française du seizième siècle, t. 1, Paris, 1925, p. 112.
  • [15]
    Ajoutons quelques particularités : la langue la plus précoce semble être le thiois (vers 1550), même si c’est l’emploi sous sa forme latine (autographum) qui domine jusqu’au XIXe siècle ! ; le terme italien serait dérivé de son homologue anglais ou français ; le verbe anglais to autograph (utilisé depuis 1837) signifie signer de son propre nom.
  • [16]
    Ainsi, Politien (1454–1494) utilise-t-il le terme (ex nostris autographis). Voir S. RIZZO, Il lessico filologico degli umanisti, Rome, 1984, p. 99–101.
  • [17]
    Trésor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1789–1960), éd. P. IMBS, t. 3, Paris, 1974, p. 988–989.
  • [18]
    La nuance est cependant bien marquée dans les grands dictionnaires étrangers lorsque l’on parle de l’autographe. Par exemple, dans S. BATTAGLIA, Grande dizionario della lingua italiana, t. 1, Turin, 1961, p. 856 : « Scritto, firma originale, autentica di una persona, specialmente che se illustre, o che goda di una vasta popolarità [c’est nous qui soulignons] ».
  • [19]
    Comme les annotations portées par Gilles de Rome dans plusieurs manuscrits qui lui ont appartenu et que R. Wielockx qualifie – à juste titre – d’autographes. Voir R. WIELOCKX, Une collection d’autographes de Gilles de Rome, Gli autografi medievali. Problemi paleografici e filologici. Atti del convegno di studio della Fondazione Ezio Franceschini (Erice, 15 settembre–2 ottobre 1990), éd. P. CHIESA, L. PINELLI, Spolète, 1994, p. 207–248.
  • [20]
    Le cas de Simon de Plumetot est, sans doute, exceptionnel. Vers 1400, cet humaniste recherchait les manuscrits d’auteurs tels qu’Évrard de Conty, Nicolas de Clamanges ou Jean Gerson. Voir G. OUY, Simon de Plumetot (1371–1443) et sa bibliothèque, Miscellanea codicologica F. Masai dicata MCMLXXIX, éd. P. COCKSHAW, M. C. GARAND, P. JODOGNE, t. 2, Gand, 1979, p. 353–381.
  • [21]
    C’est le cas, par exemple, d’un Pétrarque ou d’un Nicolas de Clamanges. Voir ID., Manuscrits autographes d’humanistes en latin et en français, Gli autografi medievali, p. 270.
  • [22]
    M. D. CHENU, Auctor, actor, autor, Bulletin Du Cange, t. 3, 1927, p. 83.
  • [23]
    Ce phénomène perdurera longtemps : les papiers personnels sont traditionnellement détruits à la mort de leur auteur. C’est seulement au XVIIIe siècle que celui-ci commence à revendiquer des droits sur son œuvre : Diderot ou Rousseau prendront soin de conserver et de préserver leurs documents autographes après leur disparition.
  • [24]
    G. GROS, Écrire et lire au Livre de Pensée. Études sur le manuscrit personnel des poésies de Charles d’Orléans (Paris, B.N.F., FR. 25458), Le manuscrit littéraire, p. 69. Ce constat avait déjà été dressé par C. SAMARAN, La recherche des manuscrits d’auteur du Moyen Âge et de la Renaissance, Revue du seizième Siècle, t. 15, 1928, p. 344–355.
  • [25]
    « Illisible, le manuscrit devient seulement visible, et conquiert un statut d’objet sacré – au contact du saint par la trace de sa plume – dans le moment même où son effacement comme signe le soustrait à la lecture. Vénéré et retiré, proclamé et enseveli, le manuscrit d’Ignace s’institue comme relique parallèlement à sa destitution comme texte ». P. A. FABRE, Une relique d’écriture. Le manuscrit autographe du Journal des motions intérieures d’Ignace de Loyola, Les usages du manuscrit au XVIIe siècle, Le XVIIe siècle, t. 192, 1996, p. 562.
  • [26]
    A. DAIN, Les manuscrits, nouv. éd. rev., Paris, 1964, p. 103.
  • [27]
    Cité par M. AMBRIÈRE, Manuscrits et lettres autographes : une source capitale pour la recherche, dans NICOLAS, Les autographes, p. 35–36.
  • [28]
    H. ATSMA, J. VEZIN, Les autographes dans les documents mérovingiens, Gli autografi medievali, p. 61. Pour une édition de ceux-ci, voir Formulae merowingici et carolini aevi, éd. K. ZEUMER, M. G.H., LL., Hanovre, 1886.
  • [29]
    E. DEKKERS, Les autographes des Pères latins, Colligere fragmenta. Festschrift Alban Dold zum 70. Geburtstag am 7. 7. 1952, éd. B. FISCHER, V. FIALA, Beuron, 1952, p. 127–139.
  • [30]
    Sur les manuscrits porteurs de l’écriture de Loup de Ferrières, voir É. PELLEGRIN, Les manuscrits de Loup de Ferrières. À propos du ms. Orléans 162 (139) corrigé de sa main, Bibliothèque de l’École des chartes, t. 115, 1957, p. 5–31 ; R. J. GARIÉPY, Lupus of Ferrières : Carolingian scribe and text critic, Medieval Studies, t. 30, 1968, p. 90–105.
  • [31]
    Comme en témoigne, à travers divers exemples, M. C. GARAND, Auteurs latins et autographes des XIe et XIIe siècles, Scrittura e civiltà, t. 5, 1981, p. 77–104 (+ planches).
  • [32]
    Quoique fort ancienne, l’étude de P. Lehmann passe en revue la plupart des auteurs pour lesquels s’est posée la question de l’autographie de manuscrits : P. LEHMANN, Autographe und Originale namhafter lateinischer Schriftsteller des Mittelalters, Erforschung des Mittelalters. Ausgewählte Abhandlungen und Aufsätze, t. 1, Stuttgart, 1959, p. 359–381. Un aperçu sélectif a été réalisé par F. GASPARRI, Authenticité des autographes, Gli autografi medievali, p. 3–22.
  • [33]
    Pour un essai de classification et un commentaire sur celles-ci, voir E. VAN MINGROOT, Aperçu typologique des sources de l’histoire médiévale des XVII Provinces, Archives et Bibliothèques de Belgique, t. 53, 1982, p. 175–306.
  • [34]
    Sur ce type de source particulier, voir e.a. G. CONSTABLE, Lettres and letter-collections, Turnhout, 1976 ; La correspondance, un document pour l’histoire, éd. A. M. SOHN, Mont-Saint-Aignan, 2002 ; J. LUEHRING, R. J. UTZ, Letter writing in the Late Middle Ages (c. 1250–1600) : an introductory bibliography of critical studies, Disputatio, t. 1, 1996, p. 191–229.
  • [35]
    Lettre de François Ier à Charles Quint (s.l.n.d.). Musée royal de Mariemont (abrégé ensuite MRM), Aut. 13e.
  • [36]
    Les principales éditions de ces lettres se trouvent dans : Correspondance de l’empereur Maximilien Ier et de Marguerite d’Autriche, sa fille, gouvernante des Pays-Bas, de 1507 à 1519, éd. A. LE GLAY, 2 vol., Paris, 1839 et Der Briefwechsel Kaiser Maximilians I. mit seiner Tochter Margareta. Untersuchungen über die Zeitfolge des durch neue Briefe ergänzten Briefwechsels, éd. H. KREITEN, Archiv für österreichische Geschichte, t. 96, 1907, p. 191–318. Pour ce qui est des lettres autographes de Maximilien, voir H. GOEBL, Die autographen französischen Briefe Kaiser Maximilians an seine Tochter Margarete. Eine kurzgefasste linguistische Analyse, Pays bourguignons et autrichiens (XIVe–XVIe siècles) : une confrontation institutionnelle et culturelle, éd. J. M. CAUCHIES, Publications du Centre européen d’Études bourguignonnes (XIVe–XVIe s.), t. 46, 2006, p. 259– 272 ; G. DOCQUIER, Escript de la main de vostre bon et leal pere : la correspondance politique échangée entre Maximilien et Marguerite d’Autriche (1507–1519), L’épistolaire politique. France et monde francophone Ve–XVe siècles, éd. B. DUMÉZIL, L. VISSIÈRE, Paris, 2012, à paraître.
  • [37]
    Elles portent alors généralement le contreseing du secrétaire et la mention Per regem ou la signature de l’empereur.
  • [38]
    Voir e.a. ATSMA, VEZIN, Les autographes dans les documents mérovingiens, p. 61–77 où quinze planches reproduisent de nombreuses souscriptions.
  • [39]
    Lettre du dauphin Louis à Étienne Achart (Besançon, 10 septembre 1456). MRM, Aut. 12/5b. Cette lettre a fait l’objet d’une édition dans LOUIS XI, Lettres, éd. J. VAESEN, É. CHARAVAY, B. DE MANDROT, t. 10, Paris, 1907, p. 157–158, n1924. Une nouvelle édition se trouve dans LOUIS XI, Lettres choisies, éd. H. DUBOIS, Paris, 1996, p. 68, n27.
  • [40]
    Il s’adressera à l’un de ses chambellans en ces termes : Escripvez la lettre de ma main, ainsi que vous avez accoutumé de faire, afin de l’envoyer incontinent. Cité par B. FRAENKEL, La signature, genèse d’un signe, Paris, 1992, p. 30.
  • [41]
    Lettre de Yolande de Savoie à Galéas-Marie Sforza (Langres, 3 octobre 1476). MRM, Aut. 97/1.
  • [42]
    FRAENKEL, La signature, p. 7, 10.
  • [43]
    PHILIPPE DE COMMYNES, Lettres, éd. J. BLANCHARD, Genève, 2001, p. 11.
  • [44]
    Ibid., p. 12.
  • [45]
    Lettre de Philippe de Commynes à Cicco Simonetta (Argenton, 13 décembre [1478]). MRM, Aut. 331/2. Éditée dans PHILIPPE DE COMMYNES, Lettres, p. 58–59. Sur cette lettre, voir également T. VAN HEMELRYCK, Les autographes médiévaux de « poètes et prosateurs ». Deux témoignages de la collection de Mariemont, Autographes, p. 74–76.
  • [46]
    Le dauphin Charles fut régent à deux reprises : 1) entre 1356 et 1360 (emprisonnement de Jean II après la défaite de Poitiers, le 19 septembre 1356) et 2) en 1364 (lorsque Jean II repart pour Londres afin d’y reprendre le rôle d’otage abandonné par son fils – fugitif – Louis d’Anjou).
  • [47]
    Lettre close de Charles, dauphin et régent de France, à Robert Assire (Melun, 12 mars [1360]). MRM, Aut. 12. Voir O. MOREL, La grande chancellerie royale et l’expédition des lettres royaux de l’avènement de Philippe de Valois à la fin du XIVe siècle (1328–1400), Paris, 1900, p. 268.
  • [48]
    C. JEAY, La naissance de la signature dans les cours royale et princières de France (XIVe–XVe siècle), Auctor et auctoritas. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale. Actes du colloque tenu à l’Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines (14–16 juin 1999), éd. M. ZIMMERMAN, Paris, 2001, p. 460.
  • [49]
    Ibid., p. 462.
  • [50]
    Ibid., p. 463–465.
  • [51]
    Nous reprenons ici à notre compte le titre d’un article fondamental : B. GUENÉE, « Authentique et approuvé ». Recherches sur les principes de la critique historique au Moyen Âge, La lexicographie du latin médiéval et ses rapports avec les recherches actuelles sur la civilisation du Moyen Âge. Paris, 18–21 octobre 1978, Paris, 1981, p. 215–229.
  • [52]
    Nous nous limiterons à signaler pour la paléographie : J. STIENNON, Paléographie du Moyen Âge occidental, 3e éd., Paris, 1999 ; pour la codicologie : D. MUZERELLE, Vocabulaire codicologique. Répertoire méthodique des termes français relatifs aux manuscrits, Paris, 1985.
  • [53]
    Outre la maigre notice d’A. BRUCKNER dans le Lexikon des Mittelalters, t. 1, Munich–Zurich, 1980, col. 1269 (on notera que l’auteur ne définit pas ce qu’il entend par Autograph, mais qu’il se contente de donner quelques exemples), on ne trouve aucune entrée dans les dictionnaires suivants : Dictionary of the Middle Ages, éd. J. R. STRAYER, New York, 1982–1989 ; Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, éd. J. LE GOFF, J. C. SCHMITT, Paris, 1999 ; Dictionnaire du Moyen Âge, éd. C. GAUVARD, A. DE LIBERA, M. ZINK, Paris, 2002. L’excellent manuel d’O. GUYOTJEANNIN, J. PYCKE, B. M. TOCK, Diplomatique médiévale, 3e éd., Turnhout, 2006 n’y fait aucune allusion, sinon dans une distinction entre acte original et copies. On n’en trouve pas plus de traces dans le « classique » d’A. GIRY, Manuel de diplomatique, Paris, 1894 (repr. Genève, 1975).
  • [54]
    Sur les emplois de ce terme durant l’Antiquité et le Moyen Âge, on peut toujours recourir à l’étude ancienne de J. DE GHELLINCK, Originale et originalia, Bulletin Du Cange, t. 14, 1939, p. 95–105.
  • [55]
    Vocabulaire international de la diplomatique, éd. M. MILAGROS CÁRCEL ORTÍ, 2e éd., Valence, 1997, p. 30.
  • [56]
    B. GUENÉE, Y a-t-il une historiographie médiévale ?, Revue historique, t. 258, 1977, p. 262.
  • [57]
    ID., « Authentique et approuvé » ; O. GUYOTJEANNIN, Le vocabulaire de la diplomatique en latin médiéval. Noms de l’acte, mise par écrit, tradition, critique, conservation, Vocabulaire du livre et de l’écriture au Moyen Âge. Actes de la table ronde, Paris 24–26 septembre 1987, éd. O. WEIJERS, Turnhout, 1989, p. 120–135.
  • [58]
    ID., « Authentique et approuvé », p. 216 (avec de nombreux exemples à la clé).
  • [59]
    La Motte-au-Bois, 14 octobre 1463. MRM, Aut. 171. Notons que, sous le texte ducal, le secrétaire du comte de Charolais, Barthélemy Trotin, a certifié (le 10 novembre suivant) que Jean Coquet et son remplaçant sont venus auprès de la princesse pour délivrer la somme due. Cette mention autographe du secrétaire, attestée de sa main (je… certiffie), est accompagnée de sa signature ornée de ses nombreux traits de plume.
  • [60]
    Sur celle-ci, voir l’ouvrage fondamental de P. COCKSHAW, Le personnel de la chancellerie de Bourgogne-Flandre sous les ducs de Bourgogne de la Maison de Valois (1384–1477), Courtrai–Heule, 1982. Sur Jaques de Ramecourt, secrétaire et exécuteur testamentaire de la princesse, voir M. SOMMÉ, Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne. Une femme au pouvoir au XVe siècle, Paris, 1998, p. 325–326 ; ID., Un recueil de traités ascétiques de la Bibliothèque municipale de Lille copié par Jacques de Ramecourt pour Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne, Livres et lectures de femmes en Europe entre Moyen Âge et Renaissance, éd. A. M. LEGARÉ, Turnhout, 2007, p. 241–252.
  • [61]
    Sur les lettres closes, voir J. M. CAUCHIES, La législation princière pour le comté de Hainaut. Ducs de Bourgogne et premiers Habsbourg (1427–1506). Contribution à l’étude des rapports entre gouvernants et gouvernés dans les Pays-Bas à l’aube des Temps modernes, Bruxelles, 1982, p. 76–79.
  • [62]
    Confirmée à partir d’autres sources d’archives, la présence d’Isabelle de Portugal est attestée à La Motte-au-Bois à cette époque. Voir BaronneAMAURY DE LAGRANGE, Itinéraire d’Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne et comtesse de Flandre, Annales du Comité flamand de France, t. 42, 1938, p. 1–191.
  • [63]
    GUYOTJEANNIN, PYCKE, TOCK, Diplomatique médiévale, p. 90.
  • [64]
    Parmi le corpus rassemblé des ordonnances princières bourguignonnes pour le comté de Hainaut, 200 actes sur 350 (soit près de 57 %) sont porteurs d’une signature ducale. CAUCHIES, La législation princière, p. 147–148.
  • [65]
    GUYOTJEANNIN, PYCKE, TOCK, Diplomatique médiévale, p. 25.
  • [66]
    Ce malaise des philologues face à l’œuvre autographe est traduit par T. VAN HEMELRYCK, Manuscrits autographes et corrections d’auteurs à la fin du Moyen Âge. Le cas controversé de Christine de Pizan, Le livre au fil de ses pages. Actes de la 14e journée d’étude du Réseau des Médiévistes belges de Langue française. Université de Liège, 18 novembre 2005, éd. R. ADAM, A. MARCHANDISSE, Bruxelles, 2009, p. 101–118.
  • [67]
    Bien que déjà ancien, le travail de L. Gilissen reste fondamental à ce sujet, mais il est surtout pertinent pour les écritures livresques et non pour des écritures « personnelles » : L. GILISSEN, L’expertise des écritures médiévales. Recherche d’une méthode avec application à un manuscrit du XIe siècle : le Lectionnaire de Lobbes, Codex Bruxellensis 18018, Gand, 1973.
  • [68]
    JEAN LEMAIRE DE BELGES, Œuvres, éd. J. STECHER, 4 vol., Bruxelles, 1882–1891.
  • [69]
    ID., Chronique de 1507, éd. A. SCHOYSMAN (notes historiques et index des noms propres par J. M. CAUCHIES), Bruxelles, 2001, p. 7.
  • [70]
    Tant pour les cas représentatifs exposés que pour la méthode proposée, l’article Manuscrits autographes d’humanistes en latin et en français de feu G. OUY, alors meilleur connaisseur des manuscrits autographes français, est une véritable synthèse à ce sujet.
  • [71]
    L.M. J. DELAISSÉ, Le manuscrit autographe de Thomas a Kempis et L’Imitation de Jésus-Christ. Examen archéologique et édition diplomatique du Bruxellensis 5855–61, 2 vol., Paris, 1956.
  • [72]
    G. OUY, La librairie des frères captifs. Les manuscrits de Charles d’Orléans et Jean d’Angoulême, Turnhout, 2007. Ainsi que du même auteur : À propos des manuscrits autographes de Charles d’Orléans identifiés en 1955 à la Bibliothèque nationale. Hypothèse « ingénieuse » ou certitude scientifique ?, Bibliothèque de l’École des chartes, t. 118, 1961, p. 179–188. Pour l’édition de cette œuvre, voir The poetry of Charles d’Orléans and his circle. An edition of his personal manuscript (BnF MS. fr. 25458), éd. M. J. ARN, J. FOX, Turnhout, 2010.
  • [73]
    G. OUY, C. RENO, Identification des autographes de Christine de Pizan, Scriptorium, t. 34, 1980, p. 221–238 ; Album Christine de Pizan, éd. G. OUY, C. RENO, I. VILLELA-PETIT, Turnhout, 2012.
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