Notes
- (*)Chapitre 1er — « L’emplacement et le cadre du camp »
Cet ouvrage a été préparé avec l’aide de la Memorial Foundation for Jewish Culture (New York), il fait partie de la série : « Camps d’internement pour Juifs en France pendant la Deuxième Guerre mondiale ». - (1)André Poirmeur, Compiègne (1939-1945), chez l’auteur, Compiègne, 1968, p. 103.
- (2)Archives du Centre de Documentation Juive Contemporaine à Paris (par la suite C.D.J.C.), XXV b-18. Lettre d’Eichmann à Helmut Knochen du 18 mars 1942 ; XLIII-I. Lettre du chef de l’administration militaire du 18 mars 1942 ; XXVI-34. Lettre du 27 juin 1942 ; XXVI-2. Lettre du 21 décembre 1941.
- (3)La Croix-Rouge Internationale, l’institut de Recherche AROLSEN, février 1969, p. 465.
- (4)Michel Lacour-Gayet, Un déporté comme un autre (1943-1945), S.P.I.D., Paris, 1946, p. 41 ; A. Poirmeur, op. cit., p. 104.
- (5)Procès Eichmann, à Jérusalem, doc. n° 1381, p. 32.
- (6)Roger Berg, La persécution raciale (recueil de documents), Paris, 1946, p. 103.
- (7)Jean-Jacques Bernard, Le camp de la mort lente, Paris, 1946, pp. 62-71.
- (8)De l’Université aux camps de concentration. Témoignages strasbourgeois. Témoignage de Louis Gery, Paris, 1954, p. 41 ; Michel Lacour-Gayet, op. cit., pp. 76-78.
- (9)Georges Wellers, Prélude aux déportations des Juifs de France. Les arrestations massives du 12 décembre 1941 à Paris, « Le Monde Juif », n° 14 (décembre 1948) et n° 15 (janvier 1949), p. 13.
Georges Wellers, ancien détenu du camp de Compiègne (du 12-13 décembre 1941 au 3 avril 1942 et du 29 avril au 23 juin 1942) est l’auteur de la première étude sur le camp de Royallieu à Compiègne.
(9 a) Michel Lacour-Gayet, op. cit., pp. 76-78; J.-J. Bernard, pp. 62-71; De l’Université aux camps de concentration, op. cit., témoignage de Louis Géry ; Georges Wellers, L’étoile jaune à l’heure de Vichy, Fayard, Paris, 1973, pp. 106 et 107 ; La Persécution raciale, op. cit., p. 104. - (10)Robert Masset, A l’ombre de la croix gammée, Argenton-sur-Creuse (Indre), 1949, p. 44 ; André Poirmeur, op. cit., p. 104.
- (11)Arch. C.D.J.C., XXV b-55. Notice de Théodor Dannecker du 8 juillet 1942 à Kurt Lischka. On peut supposer que Dannecker parle ici de 6.000 internés juifs. La persécution des Juifs en France et dans les autres pays de l’Ouest présentée par la France à Nuremberg. Recueil de documents publiés sous la direction de Henri Monneray, Ed. du Centre, Paris, 1947, p. 144.
- (12)A. Alpérine, L’un des trente-six, Ed. Kyoum, Paris, 1946, p. 4.
- (13)Georges Wellers, Prélude aux déportations des Juifs de France, op. cit., « Le Monde Juif », n° 15 (janvier 1949) ; du même auteur, L’étoile jaune à l’heure de Vichy, Fayard, Paris, 1973, p. 107.
- (14)La persécution raciale, op. cit., p. 106.
- (15)Ce document est publié par G. Wellers dans « Le Monde Juif », n° 14 (décembre 1948), p. 8 (Prélude aux déportations).
- (16)Ibidem.
- (17)« Presse Nouvelle » (yiddish), Paris, du 23 mai 1972 (n° 116), p. 4.
- (18)La Croix-Rouge Internationale, L’Institut de Recherche AROLSEN, février 1969, p. 465.
- (19)Chapitre 2. — « Le caractere et le role du camp »
Arch. C.D.J.C., CDXCV-8, p. 5 (1148). « Das Lager Compiègne wurde als ständiges Konzentrationslager für aktive feindliche Elemente eingerichtet. » - (20)Arch. C.D.J.C., CDXCV-9, p. 2. Rapport sur la situation pour les mois de décembre 1941 et de janvier 1942. Le commandant militaire allemand en France. Outre cette mesure, le couvre-feu a été avancé dans le département de la Seine à 17 heures du 4 janvier - 5 janvier 1942.
- (21)Arch. C.D.J.C., CDXCV-11, p. 14 (197).
- (22)Arch. C.D.J.C., XXVI-5.
- (23)Arch. C.D.J.C., IV-180. Lettre secrète du commandant militaire en France du 10 février 1942 ; G. Wellers, Prélude aux déportations, « Le Monde Juif », n° 15, pp. 13-15.
- (24)Procès Eichmann, sténogramme de l’audience n° 32 du 9 mai 1961 ; G. Wellers, op. cit., p. 15.
- (25)Arch. C.D.J.C., IV-186.
- (26)Procès Eichmann, audience n° 33 du 9 mai 1961.
- (27)Arch. C.D.J.C., IV-186.
- (28)Arch. C.D.J.C., IV-187 ; Rf-1212. Cette lettre est signée « par ordre » par le Dr Ernst.
- (29)Doc. de Nuremberg, Rf-1213 et Arch. C.D.J.C., IV-187. Dannecker, dans sa réponse, il se réfère à son entretien avec M. KVA Nährich lors de la conférence hebdomadaire du mardi, le 27 janvier 1942.
- (30)Procès Eichmann, audience n° 32. Déposition de Georges Wellers.
- (31)Arch. C.D.J.C., CII-47.
- (32)Archives Nationales de France (par la suite : A.N.F.), F/9/5579 ; A/IV a, pp. 11-19. Journal de Georges Kohn ; J.-J. Bernard, op. cit., p. 148.
- (33)Arch. C.D.J.C., XXVII-3 et IV-171. Lettre du commandant militaire allemand en France (Etat-major administratif, section administration) au commandant du Grand-Paris (état-major administratif) en date du 20 décembre 1941.
- (34)Chapitre 3. — « Les effectifs du camp »
Christian Bernadac, Le train de la mort, op. cit., p. 331. Diagramme. - (35)Arch. C.D.J.C. XXVI-4. Lettre du commandant militaire allemand en France du 20 décembre 1941 ; Arch. C.D.J.C., IV-178. Lettre du commandant militaire en France du 22 janvier 1942 ; G. Wellers, op. cit., « Le Monde Juif » n° 15, pp. 13 et 14.
- (36)J.-J. Bernard, op. cit., pp. 29, 30 et 87. « Une bonne moitié portait le ruban d’ancien combattant, la Croix de guerre ou la Légion d’honneur » (p. 85).
- (37)Arch. C.D.J.C., XXVI-4. Lettre du commandant militaire en France du 20 décembre 1941.
- (38)Arch. C.D.J.C., IV-178. Lettre du 21 janvier 1942.
- (39)J.-J. Bernard, op. cit., pp. 95 et 96 ; G. Wellers, L’Etoile jaune à l’heure de Vichy, op. cit., p. 380 ; A. Poirmeur, op. cit., p. 117.
- (40)G. Wellers, ibidem, p. 380.
- (41)
- (42)Arch. C.D.J.C., CCCXCV-8. Lettres du commandant militaire en France des 19 et 21 décembre 1941; XXVI-3 ; IV-171.
- (43)Arch. C.D.J.C., IV-196. Télégramme du commandant militaire en France du 1er mai 1942 au commandant du camp de Compiègne ; Rapport d’exécution du chef de district militaire (France Nord-Ouest) du 15 mai 1942.
- (44)Arch. C.D.J.C. Liste de déportation n° 4 (XXV b-40 et XXVI-31) ; Liste de déportation n° 5 (XXV b-4 et XXVI-31). Voir aussi : Adam Rutkowski, Les déportations des Juifs de France vers Auschwitz-Birkenau et Sobibor », « Le Monde Juif », n° 57-58 (janvier-juin 1970), pp. 54-55. Tableaux.
- (45)Arch. C.D.J.C. CCXVI-66. Témoignage du docteur Abraham Drucker.
- (46)Jacques Delarue, Trafics de crimes sous l’occupation, Fayard, Paris, 1968, pp. 235-274. La destruction du Vieux-Port de Marseille (troisième partie).
- (47)Ibidem., p. 253.
- (48)Ibidem., p. 260.
- (49)Ibidem., pp. 258-260 et 267.
- (50)Ibidem., pp. 261, 262 et 267.
- (51)Arch. C.D.J.C., XXV c-218 a. Lettre de Heinz Rothke du 10 mars 1943.
- (52)Arch. C.D.J.C., IV-169. Rapport du commandant du camp de Compiègne, le capitaine Rollin, du 20 décembre 1941, adressé au commandant de la Sipo/SD en France (à l’attention de Dannecker).
- (53)A.N.F., F 9/5579/9/IV a, p. 16.
- (54)Ibidem.
- (55)A. Poirmeur, op. cit. ; G. Wellers, L’étoile jaune à l’heure de Vichy, op. cit., pp. 106-121.
- (56)Arch. C.D.J.C., CVIII-9 ; A.N.F., 59/5579/A/IV a, pp. 16 et 17 (Journal de Georges Kohn) ; A. Poirmeur, op. cit., p. 118.
- (57)Arch. C.D.J.C., V b-18. Télégramme d’Eichmann à Helmut Knochen du 8 mars 1942.
- (58)Arch. C.D.J.C., IV-182. Lettre du commandant militaire en France au commandant militaire du Grand-Paris du 28 février 1942.
- (59)Arch. C.D.J.C., XXVI-15. Télégramme n° 3418 de T. Dannecker au R SH.A. (Berlin) du 26 février 1942 ; G. Wellers, Prélude aux déportations…, op. cit., « Le Monde Juif », n° 15, pp. 17 et 18 (tableau).
- (60)Arch. C.D.J.C., IV-195. Lettre de la direction du Service de Transport (section chemin de fer) de la Wehrmacht en France du 24 mars 1942, adressée au commandant de la Sipo/SD (IVJ) en France.
- (61)« Hefte von Auschwitz » (Cahiers d’Auschwitz), n° 3, 1960, p. 54. Calendrier des événements rédigé par Danuta Czech, Oswiecim, 1960.
- (62)Arch. C.D.J.C., XXV c-16.
- (63)Arch. C.D.J.C., IV-190 et 191 : XXVI-1I.
- (64)Arch. C.D.J.C., IV-195. Lettre de Pelzer et la réponse de Nährich (du 30 avril 1942).
- (65)Arch. C.D.J.C., XXV b-32 et 67 ; « Hefte von Auschwitz », n° 3, p. 62. Calendrier des événements ; Le procès de Rudolf Hoess, commandant du camp d’Auschwitz, tome 6, p. 15.
- (66)Arch. C.D.J.C., CCXVII166. Témoignage du Dr A. Drucker.
- (67)G. Wellers, L’étoile jaune…, op. cit., p. 121.
- (68)« Herfte von Auschwitz », n° 3, p. 69 (Oswiecim, 1960). Calendrier des événements ; Arch. C.D.J.C., CXVII-66. Témoignage du Dr A. Drucker ; A. Poirmeur, op. cit., p. 136.
- (69)Arch. C.D.J., CCXVI-66.
- (70)G. Wellers, L’étoile jaune…, op. cit., pp. 176-180.
- (71)Arch. C.D.J.C., XXV c-218 a. Lettre de Röthke du 10 mars 1943 au préfet de police à Paris ; Ch. Bernadac, op. cit., p. 332 ; voir aussi Arch. C.D.J.C., XLVI a-54.
- (72)Arch. C.D.J.C., Liste de déportation n° 52 du 23 mars 1943. Cette liste nominative comprend, entre autres, les rubriques : dernier domicile et nationalité ; Arch. C.D.J.C., XLVI a-60. Annotations manuscrites de Rothke du 13 mars 1943.
- (73)Arch. C.D.J.C., Liste de déportation n° 47 du 11 février 1943.
- (74)Archives du Ministère des Anciens Combattants (par la suite M.A.C.) à Paris, listes d’arrestations (L-A) n° 9806 et n° 9808 ; G. Wellers, L’étoile jaune…, op. cit., pp. 176-180 ; Arch. C.D.J.C., CCXVI-66; CCLXXVII-4.
- (75)A. Poirmeur, op. cit., p. 136.
- (76)
- (77)Chapitre 4. — « Structure et administration du camp »
Pierre Chaplet, Häftling 43485, Ed. Chariot, Paris, 1947. L’auteur est un avocat, il devait donc distinguer la Wehrmacht des S.S. ; Arch. C.D.J.C., IV-195, IV-191. Lettre de Pelzer au commandant militaire en France du 27 janvier 1942 ; IV-185. Lettre de la Croix-Rouge française à Nährich du 5 janvier 1942. - (78)Arch. C.D.J.C., XXVI-3.
- (79)Procès Eichmann à Jérusalem, document n° 1381, p. 32.
- (80)A. Poirmeur, op. cit., p. 105 ; Pierre Chaplet, op. cit. ; André Tollet, Le souterrain, Ed. Sociales, Paris, 1974, pp. 111 et 112; Youki Desnos, op. cit., p. 220; Arch. C.D.J.C., CCXVI-66 ; Témoignage du Docteur A. Drucker, « Les deux sous-officiers chargés du camp juif, s’appelaient Schubert et Kraus, deux brutes infâmes qui passaient leur temps à frapper, à vociférer et à nous rendre la vie intenable ».
- (81)André Tollet, op. cit., p. 113 ; Robert Masset, A l’ombre de la croix gammée, Imprimerie Langlois, Argenton-sur-Creuse (Indre), 1949, p. 45 ; Michel Lacour-Gayet, Spid., Paris, 1946, pp. 78-80.
- (82)Louis Martin-Chauffier, L’homme et la bête, Gallimard, Paris, 1947, pp. 71 et 73.
- (83)Robert Masset, op. cit., p. 45.
- (84)Michel Lacour-Gayet, op. cit., pp. 78-80 ; Marc de Guillaume, Hors de la vie. Journal d’un déporté, Fasquelle, Paris, 1946, p. 67.
- (85)Robert Masset, op. cit., p. 45 ; J.-J. Bernard, op. cit., p. 63.
- (86)Louis Martin-Chauffier, op. cit., pp. 71 et 73.
- (87)J. Thosac, Missionnaires et Gestapo, Paris, 1945, p. 40.
- (88)Ibidem., pp. 63 et 130. « Vers la fin de février 1942, je devins chef de chambrée ».
- (89)Témoignage de Paul Hagenmuller dans le recueil : De l’Université aux camps de concentration, op. cit., p. 4 ; Robert Masset, op. cit., p. 53.
- (90)J.-J. Bernard, op. cit., p. 111 ; Pierre Chaplet, op. cit., p. 98 ; Michel Lacour-Gayet, op. cit., pp. 62 et 83 ; Robert Masset, op. cit., p. 48.
- (91)Michel Lacour-Gayet, op. cit., p. 81.
- (92)J.-J. Bernard, op. cit., pp. 72, 123 et 216 ; G. Wellers, op. cit., pp. 107, 109, 110 et 111 ; A. Tollet, op. cit., p. 117.
- (93)Masset, op. cit., p. 51 ; M. Lacour-Gayet, op. cit., p. 81 ; R. Franqueville, op. cit., p. 58 ; J.-J. Bernard, op. cit., p. 166.
- (94)A.N.F., F 9/5579/A/IV a, pp. 11-19; Procès Eichmann, audience n° 32 du 9 mai 1961.
- (95)M. Lacour-Gayet, op. cit., p. 82 ; Youki Desnos, op. cit., p. 224 ; L. Martin-Chauffier, op. cit., p. 172; R. Chaplet, op. cit., p. 99; G. Wellers, op. cit., p. 112; Arch. C.D.J.C., CCXVI-66. Témoignages du Docteur A. Drucker.
- (96)A. Poirmeur, op. cit., pp. 104, 118 et 119 ; R. Franqueville, op. cit., pp. 56, 57 et 67 ; A. Tollet, op. cit., p. 71.
- (97)A. Poirmeur, op. cit., p. 116 ; L’un des trente-six, « Kyoum », Paris, 1946, pp. 4 et 5 ; L’article de A. Alpérine, M. Alpérine, transféré de Compiègne à Drancy, d’où il fut libéré fin 1942. Rentré à Paris, il travailla avec David Rapoport à la direction de l’office rue Amelot à Paris. Il a survécu, et, en 1946, il a écrit un éloge à David Rapoport, arrêté le 1er juin 1943, déporté en octobre 1943 à Auschwitz et mort en déportation.
- (98)J.-J. Bernard, op. cit., p. 125.
- (99)R. Franqueville, op. cit., pp. 57 et 58 ; J. Thosac, op. cit., p. 44 ; M. Lacour-Gayet, op. cit., pp. 78, 85 et 86 ; R. Masset, op. cit., p. 51 ; J.-J. Bernard, op. cit., p. 84.
Introduction
1Le camp de Royallieu à Compiègne est le troisième par ordre d’importance (après le camp de concentration K.L. Strutthof et le plus grand camp d’internement en France, celui de Drancy) des camps nazis installés par les autorités d’occupation allemandes en France pendant la seconde Guerre mondiale. Les Allemands y ont interné, de juin 1941 au 28 août 1944, 53.787 personnes, dont 49.860 ont été déportées vers l’Allemagne.
2Le camp de Royallieu n’était pas un camp allemand comme les autres en France ; il était à la fois un camp d’otages et de représailles. Les otages étaient fusillés (pour la plupart au Mont-Valérien) à titre de représailles après les attentats contre les Allemands et après les actes de sabotage. Tous les internés suspects d’activités anti-allemandes étaient déportés dans des camps de concentration en Allemagne.
3Le camp de Royallieu se caractérisait également par sa composition : il comprenait plusieurs secteurs qui étaient, en réalité, des camps à part (trois à quatre), séparés les uns des autres par des clôtures de fil de fer barbelé : le secteur « A », dit le « camp politique », dit également le « camp français » ; le secteur « B » dit le « camp B », dit le « camp américain » ; le secteur « C », dit le camp « C », dit le « camp juif » ou l’ « ancien camp juif » ; le secteur russe, dit le « camp russe ». On se servira par la suite de termes employés généralement par les détenus : « camp français », « camp américain », « camp russe » et « camp juif ».
4Les internés du camp étaient en grande majorité des Français, mais il y avait aussi des étrangers : des Russes (soviétiques et blancs), des Américains, des Britanniques, des Espagnols, des Polonais. Les Juifs (français, polonais, et russes) constituaient, comme d’ailleurs dans tous les camps allemands en France, un important pourcentage des effectifs.
5D’une part, le camp de Royallieu à Compiègne présente à la fois les traits généraux de tous les camps allemands, et d’autre part il a ses traits caractéristiques propres. Il y a alors plusieurs raisons pour lesquelles ce camp présente un intérêt particulier pour l’historien de cette époque.
Chapitre Ier. L’emplacement et le cadre du camp
6La ville de Compiègne (22.300 habitants en 1963), chef-lieu d’arrondissement de l’Oise, est située à 70 kilomètres au nord de Paris. La capitulation de l’Allemagne après la première Guerre mondiale fut signée sur le territoire de Compiègne, près de Rethondes, le 11 novembre 1918. Pour « effacer la honte de cet acte », Hitler ordonna d’y faire signer, dans le même wagon, l’armistice du 22 juin 1940 par les représentants du gouvernement français de l’époque. Est-ce le même esprit de « vengeance historique » qui anima l’installation au même endroit d’un camp de prisonnniers politiques français ?
7Il y a des villes dont le nom possède une signification symbolique. Compiègne peut compter parmi elles. Cette ville est plus qu’une simple cité française au milieu de tant d’autres. Toujours est-il que les autorités allemandes y ont organisé un de leurs plus grands camps en France occupée.
8Le camp fut installé dans le hameau de Royallieu, situé au sud de Compiègne. Le hameau de Royallieu est une dépendance de Compiègne. En 1153, la reine Adélaïde, veuve de Louis VI, y fit construire une maison royale et le hameau prit le nom de « Royal-Lieu ». Les rois de France passaient l’été dans ce palais jusqu’à sa destruction par les Anglais lors du siège de 1430.
9Avant la guerre de 1914, on construisit sur ce plateau des casernes. Pendant la première Guerre mondiale, les casernes furent utilisées comme hôpitaux militaires. Entre les deux guerres, ces casernes étaient occupées par différentes unités militaires. Pendant la « drôle de guerre » (septembre 1939 - juin 1940), les casernes furent transformées en hôpitaux militaires d’évacuation secondaire.
10Après leur entrée à Compiègne (le 9 juin 1940), les autorités d’occupation allemandes internèrent dans ces casernes les prisonniers de guerre français et britanniques. D’où la première appellation officielle de ce camp : « Frontstalag 122 » (Frontstammlager). Les prisonniers civils politiques prirent ensuite la place des prisonniers de guerre. Le camp, placé au début sous l’autorité du commandant Solf, était qualifié aussi de « Frontstalag 170 KN 654 ». Puis, tous les prisonniers de guerre furent expédiés dans des camps militaires (Stalag et Oflag) en Allemagne [1].
11Les prisonniers civils politiques allaient vite combler le vide causé par ces départs massifs. C’est ainsi qu’est né le camp de détention policière (Polizeihaftlager) de Royallieu à Compiègne, quoique son appellation initiale, « Frontstalag 122 », subsistât longtemps encore. Les dénominations le plus souvent employées dans les documents allemands (rapports, lettres, etc.) pour désigner ce camp sont : Polizeihaftlager, Haftlager (camp de détention), Internierungslager (camp d’internement) [2].
12En effet, le camp de Royallieu à Compiègne, outre les différentes appellations employées à l’époque par les autorités allemandes et françaises, était un camp de détention policière d’otages et de prisonniers politiques [3].
13Le camp, un grand quadrilatère de 16 hectares, était entouré au sud et à l’ouest par un mur. A l’est, le camp était bordé par la route de Paris (sur une distance d’environ 400 mètres), à l’ouest par un chemin parallèle de 300 mètres environ, au sud par un sentier de 400 mètres, et au nord par la rue du Mouton, longue de 450 mètres environ. Le long des rues de Paris et du Mouton, le treillage métallique était masqué par une palissade de planches de deux à trois mètres de hauteur. De nombreuses sentinelles surveillaient le camp.
14A l’intérieur du camp, près de la clôture, il y avait deux rangées de fils de fer barbelés, en réseau serré haut de 2,50 mètres, avec un chemin de ronde et des miradors. Des soldats armés circulaient sur le chemin de ronde entre les barbelés et la clôture. Dans les miradors, des sentinelles, mitraillette en mains surveillaient le camp. La nuit, des projecteurs balayaient sans cesse tout le territoire du camp, ses limites en particulier [4].
15Il est à souligner, que le camp se trouvait sous l’administration directe militaire allemande et que les gardiens n’étaient pas des S.S., mais des soldats de la Wehrmacht [5].
16L’entrée au camp était comprise dans le système de barbelés, à l’angle extérieur, au nord-ouest du camp, donnant sur la route de Paris.
17Le camp de Royallieu se composait, en réalité, de plusieurs secteurs, qui étaient des camps séparés les uns des autres par des rangées de fils de fer barbelés. En principe, il y avait trois camps : le camp « A » (le plus grand), le camp « B » et le camp « C » (le plus petit), mais effectivement, il y avait (décembre 1941 - mai 1942) quatre camps (selon la nationalité des prisonniers) : le camp français, le camp américain, le camp russe et le camp juif [6]. Il y avait une certaine corrélation entre les désignations alphabétique et nationale. Le camp « A », qu’on appelait également le camp français (la presque totalité des effectifs était des Français), le camp des politiques (les internés avaient été arrêtés pour faits de résistance, de sabotage, etc.) ou bien le camp communiste (au début de son existence, les communistes constituaient la majeure partie des effectifs). Le camp « B » était réservé aux ressortissants américains et britanniques. Le camp « C » était occupé, durant la période initiale de l’histoire du camp, par les Juifs (français et étrangers), puis par des femmes prisonnières politiques, et en janvier 1943 par les Marseillais du Vieux-Port, après sa destruction. Néanmoins, le camp « C », même après le départ des Juifs, conserva son appellation de « camp juif » [7].
18Après avoir passé la porte d’entrée du camp, on longeait le petit côté du camp et on arrivait à la grande cour (230 mètres sur 160 mètres). Un des côtés de cette place, méritant le nom d’esplanade, s’appuyait sur la route de Paris. A gauche de la cour il y avait huit bâtiments (« blocs » pour se servir des termes de l’époque). C’était le camp « A ». Les bâtiments (60 mètres sur 15 mètres) étaient construits en briques, blancs, couverts de tuiles. Les bâtiments du rez-de-chaussée étaient surmontés d’un grenier accessible seulement de l’extérieur, par une échelle. La disposition des chambres différait de bâtiment à bâtiment. En général, chaque bâtiment comprenait cinq ou six grandes chambres reliées par un couloir, et aux deux extrémités du couloir — des pièces plus petites. Dans les chambrées il y avait trois rangées de 10 lits à deux étages.
19Fin 1943, l’infirmerie et l’aumônerie occupaient une partie du bâtiment A 1, la bibliothèque et quelques services (le bureau du doyen du camp, la police du camp, le coiffeur) se trouvaient dans le bâtiment A 4. Les équipes théâtrales et le « comité des loisirs » se réunissaient dans le bâtiment A 8.
20Le long de l’enceinte du camp « A », en face au bâtiment A 5, se trouvait la cuisine, avec, à ses côtés, deux longs bâtiments : au nord — la cantine (dans sa grande salle avait lieu l’épluchage des légumes). Le long de l’enceinte nord — il y avait la chapelle, et un peu plus loin la prison (une maisonnette sans fenêtres). Près de la chapelle, se dressait un petit bâtiment où on amenait et distribuait les colis pour les détenus [8].
21A droite de la porte principale, parallèlement à la rue de Paris, séparé par une double rangée de fils de fer barbelés de l’esplanade du camp « A », se trouvait le camp « B ». Ses huit bâtiments (« blocs ») et les huits bâtiments du camp « A », parallèles entre eux, étaient situés perpendiculairement à la route de Paris. Le camp « B » (beaucoup plus petit que le camp « A ») était plus proche de Compiègne.
22Le camp « B » était, à une certaine période, également en quelque sorte le camp d’arrivée ; dans un de ses bâtiments (B 1), dans lequel on avait délimité un assez grand espace avec des barbelés, on procédait à l’appel nominatif des nouveaux arrivés et aux formalités d’entrée au camp (l’immatriculation). Dans les bâtiments B 2, B 3 et B 4 se trouvaient les bureaux des services allemands : celui de la censure, celui de la traduction et ceux de l’habillement. Les autres bâtiments étaient occupés par des détenus (les Américains, les Britanniques).
23Les détenus d’autres camps avaient très peu de rapport avec le secteur américain du camp dit le « camp américain » (camp « B »).
24Au sud du camp de Royallieu, sur le côté parallèle à la route de Paris, à l’angle de la grande cour, diagonalement opposée à la porte d’entrée principale, était situé le camp « C » (dit le « camp juif »). Il était le plus éloigné de l’entrée du camp. Il possédait un système particulier de barbelés, l’isolant des autres camps. A chacun des deux bouts de ce camp s’élevaient deux miradors, où des sentinelles allemandes demeuraient en faction auprès d’une mitrailleuse ; la nuit, des projecteurs balayaient de temps en temps le camp dans toutes les directions.
25Le camp « C » était constitué par une suite de bâtiments en briques blanchies, couverts de tuiles, bas et longs, à un étage, alignés symétriquement, parallèlement aux bâtiments analogues des camps « A » et « B ».
26Ces bâtiments contenaient sept grandes chambrées pour seize personnes, et trois ou quatre petites pièces destinées à deux ou trois personnes. Les détenus étaient de deux cents à deux cent cinquante par bâtiments (« bloc »), soit trente à trente-cinq, en moyenne, par chambrée.
27De la fin de 1941 au 27 mars 1942, le bloc n° 5, pour employer le terme en usage alors, était occupé presque exclusivement par des Juifs français. Le bloc n° 7 abritait des Juifs, en forte proportion de nationalité étrangère (polonaise, russe, lituanienne, etc.). La cuisine, la cantine, les coiffeurs, les cabinets, une écurie (qui n’avait guère d’utilité) se trouvaient à une certaine période dans les blocs nos 5, 6 et 7 [9].
28Après la liquidation du camp juif (6 juillet 1942), c’est-à-dire après le transfert des derniers Juifs dans le camp « A », le camp « C » continuait évidemment à exister, après avoir subi quelques transformations et changements. Le bloc C 1 contenait les douches, il servait également de local de triage à l’arrivée de nouveaux internés (en remplacement du bâtiment B1, au camp « B », détruit pendant les bombardements des Alliés), et en plus du C 5, des chambrées pour les femmes et les enfants amenés de Marseille (Vieux-Port) en janvier 1943.
29Tout au long de son existence, pendant sa « période juive » et « non juive », le camp « C » était interdit aux prisonniers du camp « A » et du camp « B », ils ne pouvaient pas s’y promener. Les détenus du camp « A » ne connaissaient en novembre 1943 que le bloc C1, où il y avait alors les douches. Les blocs C2 et C 3 étaient réservés aux femmes et une palissade de planches fut construite en quelques jours pour séparer leur camp de celui des politiques (camp « A ») [10].
30La capacité globale du « camp juif » de Royallieu était, selon les estimations des autorités d’occupation allemandes, de 6.000 internés (hommes, femmes et enfants) [11].
31Les premiers internés civils du camp de Royallieu furent, selon certaines sources, des Russes de toutes tendances politiques. Après l’invasion de l’Union Soviétique par les armées du IIIe Reich (le 22 juin 1941), les autorités allemandes arrêtèrent et internèrent, fin juin 1941, au camp de Royallieu, un grand nombre de Russes (soviétiques et blancs), dont environ 180 Juifs russes. Contrairement à ce que les Allemands supposaient au début, les Russes avaient tous confiance en la victoire des Alliés et de leur pays [12].
32Le 3 août 1941, un groupe important d’adversaires politiques de Vichy et du Reich hitlérien (communistes, gaullistes, syndicalistes, socialistes, etc.) arrêtés en zone occupée, furent amenés au camp de Royallieu (camp « A »).
33Il y avait déjà des milliers de détenus au camp lorsque, dans la nuit du 12 au 13 décembre 1941, un convoi de mille Juifs arriva au camp, composé d’environ sept cents qui avaient été arrêtés à Paris (« les notables juifs ») et d’environ trois cents Juifs étrangers, qui avaient été amenés du camp de Drancy, où ils étaient internés depuis le mois d’août 1941 [13]. Les Juifs étrangers de Drancy avaient été embarqués par les Allemands dans le même train que les sept cents Juifs français à la gare du Nord à Paris. Installés dans les premiers wagons, ils s’étaient trouvés à Compiègne en tête de colonne et avaient été logés dans les premiers blocs, notamment dans le bloc n° 7 [14].
34Dans le compte rendu de la situation mis au point par le représentant du chef de la Sipo/SD (bureau de Paris) et qui comprend la période du 30 novembre au 15 décembre 1941, on peut lire : « Un total de 743 Juifs furent arrêtés lors de cette action (du 12 décembre 1941 - A.R.) dans le secteur du Grand-Paris. Parmi eux se trouvent 54 Juifs arrêtés à l’heure du déjeuner lors d’une rafle dans les grands restaurants. De plus, et pour arriver au chiffre de 1.000 Juifs, 300 autres Juifs furent sélectionnés à Drancy. Le train de ce transport, contenant 1.043 Juifs au total, arriva à Compiègne dans la nuit du 12 au 23 décembre 1941. Les Juifs y furent hébergés dans une section du camp de détention » [15].
35Le télégramme envoyé le 16 décembre 1941 de Paris au ministère des Affaires Etrangères à Berlin précise : « Etant donné les attentats du début de décembre, le commandant militaire a rendu publique l’arrestation de 1.000 Juifs destinés à être envoyés à l’Est pour le travail » [16].
36Roman Kamioner. originaire de Radom (Pologne), faisait partie du convoi de 100 Juifs (hommes, apatrides et étrangers) qui est arrivé au camp de Royallieu au mois de mai 1942. Ils avaient été transférés du camp de Beaune-la-Rolande. A l’occasion de l’inauguration d’un monument à Compiègne par M. Maurice Schumann, Kamioner écrit en mai 1972 : « Nous étions cent Juifs du camp de Beaune-la-Rolande, on nous a installés dans le quartier « C » du camp de Compiègne. C’était [quelques mois] après le début du camp juif » [17].
37Le camp de Royallieu est mentionné dans les documents officiels allemands, pour la première fois, le 20 août 1941 (un rapport). L’Institut International de Recherche du Comité International de la Croix-Rouge à Arolsen considère cette date comme la date initiale de l’existence de ce camp. La dernière mention remonte au 18 août 1944 [18].
Chapitre 2. Le caractère et le rôle du camp
38Quel était le caractère et le rôle du camp de Royallieu en général, et de son secteur juif (camp « C ») en particulier ?
39« Le camp de Compiègne a été créé comme camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs », constate le rapport sur la situation aux mois d’octobre et de novembre 1941 [19].
40A la suite des attentats à l’explosif du 3 janvier 1942 contre une librairie pour soldats allemands et contre l’abri antiaérien d’une unité d’aviation à Paris, cent Juifs et communistes avaient été transférés au camp de Compiègne [20].
41Dans le rapport sur la situation pour les mois d’avril et mai 1942, nous lisons, entre autres : « Au camp de détention de Compiègne sont concentrées actuellement toutes les personnes, dont l’envoi au travail forcé à l’Est a été ordonné dans le cadre de l’exécution de mesures de représailles. Le nombre requis de personnes est atteint, en partie par voie de rafles effectuées — à la suite d’attentats ou d’actes de sabotage — contre des communistes et d’autres personnes proches du cercle de leurs sympathisants, notamment des Juifs et des asociaux, en partie par un contrôle adéquat des détenus dans les camps de détention français. Leur déportation vers l’Est, une fois achevés en gros les travaux de mise en fiches, est une question d’acheminement » [21].
42Au fait, le camp de Royallieu était pour les Français non juifs, la porte ouverte sur l’Allemagne et plus précisément la principale base de départ vers les camps de concentration pour ceux qui « n’étaient pas fusillés avant comme otages ». Quand les autorités allemandes avaient besoin d’otages à fusiller — à titre de représailles — elles venaient puiser au camp « A » (camp politique) et aussi au camp « C » (camp juif). Les détenus de ce camp constituaient un vivier. « Entre la parution du décret du 10 février 1942 et la déportation du 27 mars 1942, aucun détenu du camp juif de Compiègne ne fut exécuté comme otage », écrit G. Wellers.
43Au cours des années 1941-1944, les prisonniers politiques français furent amenés au camp de Royallieu de toutes les prisons de France, à Paris et en province : Fresnes, La Santé, Cherche-Midi, de Montluc, de Bordeaux, de Limoges, de Rennes, de Chateaubriand, etc. Après un court séjour à Royallieu, ils furent déportés vers les camps de concentration de Buchenwald, de Dachau, de Mauthausen, de Neuengamme, d’Oranienburg, de Ravensbrück (les femmes) et de Sachsenhausen.
44Dans une lettre en date du 13 janvier 1942, adressée au service d’Eichmann (R.S.H.A.) à Berlin, Dannecker définit le rôle du camp en ce qui concerne les détenus juifs : « Compiègne est la gare de départ du convoi à mettre en marche par la suite » [22].
45Pour déterminer le caractère et le rôle du camp « C » (camp juif), il convient de rappeler le statut confidentiel de ce camp. Ce document allemand accompagnait la lettre du commandant militaire en chef en France du 10 février 1942.
46« Le camp juif, installé dans l’enceintre du « camp de détention policière de Compiègne », séparé des autres détenus administratifs, devait servir à héberger les Juifs arrêtés : 1. aux fins de déportation ; 2. comme otages pour l’application ultérieure de mesures de représailles ; 3. parce qu’ils tombent pour une autre raison sous le coup du décret concernant les camps de détention administrative du 30 décembre 1941 ».
47Il y avait donc dans le camp juif de Royallieu à Compiègne trois catégories de détenus juifs :
- « Juifs déportables ».
- « Otages juifs ».
- « Juifs ».
49Le fichier des prisonniers comprenant ces annotations était classé conformément à ce règlement « pour permettre à tout moment de les extraire du camp ».
50Lors de la sélection des Juifs pour la déportation, on devait veiller à ce que les Juifs « soient aptes au travail et aient plus de 18 ans et moins de 55 ans ». Il convenait de désigner pour la déportation les Juifs français ou apatrides et les Juifs possédant la nationalté d’un Etat occupé par l’Allemagne (Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Lituanie, etc.).
51Lors de la désignation des Juifs comme otages pour l’application ultérieure de mesures de représailles, il fallait appliquer « les règles générales régissant le choix des otages ».
52Les Juifs, internés au camp « C », mais qui n’étaient pas concernés par le décret relatif aux camps de détention administrative, devaient être « remis aux autorités françaises compétentes pour les faire transmettre dans un camp français de Juifs » [23].
53Nous verrons, par la suite, que le statut du camp « C », lorsqu’il était un camp de Juifs, fut mis en œuvre avec précision : il y avait des convois acheminés sur les camps de concentration et d’extermination (« Juifs déportables »). Il y avait des groupes de Juifs pris comme otages et fusillés au Mont-Valérien (« otages juifs ») et il y avait enfin un nombre important de personnes transférées au camp d’internement de Juifs de Drancy (« Juifs »).
54Le camp juif était, de décembre 1941 à février 1942, gardé au secret. Les familles de détenus juifs devaient ignorer l’endroit où ils se trouvaient. Ils n’avaient le droit ni d’écrire ni de recevoir des lettres et des colis. Les prisonniers d’autres camps (camp « A », camp « B ») avaient droit à la correspondance, pouvaient recevoir des colis et même des visites [24].
55A l’instigation des familles des internés juifs, la Croix-Rouge française adressa un mémorandum au commandant militaire allemand en France, en date du 15 janvier 1942, dans lequel trois questions étaient soulevées :
- Les internés à Compiègne (section juive) n’ont pas reçu de certificats d’internement, lequel est nécessaire pour que la famille touche l’allocation d’indigence réglementaire allouée par les autorités françaises.
Le président de la Croix-Rouge française demandait au commandant militaire allemand de bien vouloir autoriser la transmission par le commandant du camp de ces certificats. Il observait par la même occasion que cette pièce pourrait être remise, comme cela avait été fait à Drancy, à l’assistante de la Croix-Rouge française résidant à Compiègne, qui la ferait parvenir aux intéressés. - La confection d’une liste des internés du camp de Compiègne afin de pouvoir renseigner les familles qui s’adresseraient à la Croix-Rouge française et d’éviter les démarches individuelles des familles.
- Peut-on transmettre des nouvelles aux internés dans des cas graves (accouchements, maladies graves, etc.) ? [25].
57Le chef de la section IVB 4 (Affaires juives) de la Sipo/SD en France, qui a reçu cette lettre, la transmet à Adolf Eichmann à Berlin et lui demanda des instructions. Celui-ci est contre tout renseignement et tout certificat. Il est « pour des raisons de principe » contre la délivrance de certificats par le bureau compétent ou le camp, concernant le lieu de résidence actuel des Juifs. Si, dans certains cas individuels, il y a vraiment nécessité d’obtenir des renseignements, la police française peut les fournir. On ne doit pas, cependant, mentionner dans ces certificats la déportation des Juifs, mais simplement dire que les Juifs ont changé de domicile et que le domicile actuel est inconnu, « pour empêcher que l’on abuse de tels renseignements à des fins de propagande hostile » [26].
58Le 15 janvier 1942, le président de la Croix-Rouge française adressait au commandant militaire allemand en France (Etat-Major administratif, section administration) un mémorandum concernant trois questions :
- On demande que le commandant du camp de Compiègne établisse aux internés juifs, sur leur demande, un certificat d’internement et que ce certificat soit remis aux familles respectives, afin de leur permettre de toucher une allocation de secours des autorités françaises.
- On demande qu’une liste des Juifs internés à Compiègne soit remise à la Croix-Rouge française afin que celle-ci puisse donner des renseignements à leurs familles.
- On demande d’éclaircir la question de la correspondance des Juifs internés, c’est-à-dire de préciser jusqu’à quel point ces internés ont le droit de correspondre avec l’extérieur et le nombre de lettres qui peuvent leur être adressées. On demande si, dans les cas particulièrement urgents, il est possible de faire parvenir des nouvelles aux internés par l’entremise du commandant du camp [27].
60Trois jours après, le chef de l’Etat-major administratif auprès du commandant militaire allemand en France adressait au chargé d’affaires de la Sipo/SD à Paris, une lettre comprenant trois demandes de la Croix-Rouge française et les réponses correspondantes, proposées par lui :
- Le commandant du camp est autorisé à établir aux internés juifs, sur leur demande, un certificat d’internement, et à faire parvenir ces certificats en bloc à la Croix-Rouge française qui les fera suivre ;
- Les listes des Juifs internés ne peuvent être communiquées à la Croix-Rouge française, mais celle-ci peut s’adresser au commandant du Grand-Paris pour s’informer si telle personne se trouve actuellement au camp de Compiègne ;
- Dans des cas urgents, la Croix-Rouge française pourrait faire parvenir de brèves nouvelles concernant l’état de santé, etc., de proches parents d’internés, au commandant du Grand-Paris, pour retransmission au camp de Compiègne.
62Et enfin cette phrase : « On donne connaissance de ce qui précède en demandant de prendre position au sujet du paragraphe 3 » [28].
63Sur cette lettre qui est parvenue le 23 janvier, Théodor Dannecker, chef de la section IVB 4 (Affaires juives) de la Sipo/SD en France à l’époque, fit une note manuscrite : « Eu égard aux réponses aux points 1 et 2, où est la logique ? 1 - 2 : absolument impossible ». Sa réponse exhaustive adressée au commandant militaire allemand en France, inspirée des suggestions d’Eichmann, date du 28 janvier 1942. Il est d’avis qu’on doit donner des renseignements au sujet des Juifs internés à Compiègne uniquement aux « demandes des représentants diplomatiques » de tierces puissances ». Par contre, il convient de refuser tout renseignement à la Croix-Rouge française, car il ne faut pas « apporter le moindre allègement aux Juifs en instance de départs ni à leurs familles ». La police française devrait dresser, elle-même une liste des Juifs internés à Compiègne (de ceux qui ont été arrêtés à Paris à titre de représailles et de trois cent trente Juifs transférés du camp de Drancy). Dannecker trouve inopportun de charger le service du commandant du Grand-Paris, entre autres, de la transmission de nouvelles sur l’état de santé de parents des Juifs internés à Compiègne (réponse au point 3) [29].
64Toujours est-il que, dans la première période (fin 1941 - début 1942), la Croix-Rouge française refusait tout renseignement aux familles des détenus juifs du camp de Royallieu. « Nous étions tenus au secret total pendant trois mois, jusqu’au 12 mars 1942. Ma femme a demandé à la Croix-Rouge des renseignements pour savoir l’endroit où je me trouvais. On lui a refusé tout renseignement » [30].
65Le 12 mars 1942, le secret auquel était tenu le camp juif fut levé. Il avait fallu pour cela des démarches de la Croix-Rouge française, du ministère de l’intérieur, du gouvernement de Vichy, du Commissariat Général aux Questions Juives (C.G.Q.J.), de la Délégation générale du gouvernement français auprès du commandant militaire en France. Le commandant militaire allemand en France, par sa lettre du 14 mars 1942, fait connaître qu’on peut désormais « demander des certificats de séjour des Juifs au camp de Compiègne par l’intermédiaire de la Kommandantur du camp, de même que les procurations nécessaires pour le maintien du ménage de leur famille ». Il était également donné aux Juifs la possibilité de se faire envoyer par des membres de leur famille un colis de vêtements. On refusait cependant aux détenus juifs le droit de recevoir des colis alimentaires sous prétexte qu’ils « recevaient au camp de Compiègne les mêmes rations de vivres que la population civile française ». On promettait que « sous peu chaque Juif interné au camp pourrait recevoir un paquet contenant des vivres ; les Juifs seront informés en temps utile » [31].
66Il est à signaler que le 28 janvier 1942, on distribua aux internés juifs des cartes, dont le texte était : « Mon cher (ma chère), je me porte bien. J’ai droit à trois colis par mois de cinq kilos chacun, contenant nourriture, linge, vêtements, chaussures, objets de toilettes, tabac (sans correspondance, ni alcool). On tolérera que le premier colis dépasse dans des limites raisonnables le poids de cinq kilos. Vous pouvez m’écrire deux lettres sur papier ordinaire et deux cartes par mois ». Les cartes indiquaient les numéros matricules et la façon d’expédier les colis. Quinze jours plus tard, les internés apprirent que ces cartes n’avaient jamais été expédiées. C’était vraisemblablement une initiative locale qui n’avait pas été ratifiée par les autorités centrales à Paris.
67Fin février 1942, on permet l’envoi de cartes avec demande de vêtements et de linge, mais à la condition formelle qu’il n’y ait ni ravitaillement ni pharmacie dans les colis. Cette fois-ci, les cartes partent effectivement. Le texte obligatoire était le suivant : « Vous pouvez m’envoyer, sans limite de poids, un colis ou valise de linge, chaussures, vêtements et objets de toilette. J’ai besoin surtout de : … La correspondance et les colis de nourriture ne sont pas encore autorisés ». Signature. Au début du mois de mars 1942, les premiers colis de vêtements arrivent au camp « C » de Compiègne. Les Allemands fouillent ces colis à l’arrivée et enlèvent tout ce qui est nourriture et tous les médicaments. Les détenus juifs voyaient avec terreur des pains entiers enlevés de leurs colis. La plupart des médicaments (fortifiants, etc.) sont remis à l’infirmerie du camp [32].
68Il est à souligner que « la surveillance du camp de Royallieu où sont hébergés les Juifs destinés à la déportation demeura confiée au commandant militaire allemand en France » et que « le commandant militaire du Grand-Paris était désormais compétent pour décider de la libération éventuelle de tel ou tel Juif se trouvant au camp de détention de Compiègne. La décision devra être prise en accord avec le représentant du chef de la Sipo/SD à Paris » [33].
Chapitre 3. Les effectifs du camp
69Cinquante quatre mille personnes, dont trois mille cinq cents Juifs, sont passées par le camp de Royallieu à Compiègne au cours de son existence (du 21 juin 1941 au 26 août 1944). Sur les quelque cinquante mille déportés de ce camp vers les camps de concentration en Allemagne et en Pologne occupée, les deux mille cent douze Juifs ont été déportés vers les camps d’extermination nazis. Soixante-treize détenus juifs ont été libérés en décembre 1941, six ont été fusillés au Mont-Valérien et environ trente ont été dirigés du camp de Compiègne au camp de Vittel.
A. — Les entrées au camp
70L’histoire des détenus juifs dans ce camp est plus brève, elle commence vers la mi-décembre 1941 et se termine fin novembre 1943, lors du transfert d’environ trente Américaines et Anglaises (Juives) au camp de Vittel. Selon d’autres, la date finale doit être avancée au 26 mai 1943 lors du transfert d’un groupe d’environ quatre-vingt-dix Juifs au camp de Drancy. En tout état de cause, l’histoire du camp juif est plus courte que l’histoire générale du camp, laquelle se poursuit jusqu’au 26 août 1944.
71Les internés juifs du camp de Royallieu proviennent des rafles organisées à Paris, à Marseille et dans d’autres villes ; ils sont transférés de différentes prisons, conformément aux directives des autorités allemandes à l’époque, et des camps d’internement de Juifs.
72Les internés non juifs venaient à Compiègne des quatre coins de la France : de Brest et de Nancy, de Caen et de Marseille, de Nantes et de Perpignan. Ils venaient de toutes les prisons en zone Nord et en zone Sud [34]. C’étaient presque exclusivement des prisonniers politiques tandis que les prisonniers juifs, français et étrangers, avaient été arrêtés et internés comme Juifs.
73Le premier transport juif important, dirigé sur Compiègne dans la nuit du 12 au 13 décembre 1941, comprenait sept cent-quarante-trois (743) notables juifs (« einflussreiche Juden »), de très nombreux intellectuels de vieille souche française (91 ingénieurs, 33 chimistes et pharmaciens, 16 magistrats et avocats, 11 professeurs d’Université, 26 écrivains et journalistes, 31 étudiants, 67 membres d’autres professions libérales (chirurgiens-dentistes, artistes, ecclésiastiques, etc.) [35]. Ils avaient été arrêtés par des gendarmes allemands (200 hommes de la Feldgendarmerie et 200 hommes de la Geheime Feldgendarmerie répartis en 14 groupes) dans le secteur du Grand-Paris, au petit jour du 12 décembre 1941 à titre de représailles pour les attentats contre des militaires allemands. Un nombre considérable d’intellectuels (magistrats, écrivains, professeurs d’Université) ne se considéraient pas comme Juifs. « Comme moi, écrit Jean-Jacques Bernard (fils de Tristan Bernard), ils ne savaient penser que français. Ils ne savaient pas penser juif. On a voulu nous mettre entre Juifs et la corde juive était bien la dernière à vibrer. La psychologie allemande, à l’égard de Français, était en défaut une fois de plus. Ils étaient tous Français […]. Il apparaissait — écrit J.-J. Bernard — qu’aucune raison politique n’avait joué dans ces arrestations. On s’était seulement efforcé de choisir dans chaque profession des hommes représentatifs, des personnalités : industriels, commerçants, homme de lettres, hommes de science, hommes de loi. Il n’y avait à Paris qu’un notaire juif : on l’avait arrêté. Un président de la Chambre de la Cour de Cassation : on l’avait arrêté. […] Une grande proportion d’anciens combattants, bien plus de la moitié. Relativement peu d’hommes très jeunes. L’âge moyen était d’une cinquantaine d’années » [36].
74La même nuit du 12 au 13 décembre 1941, environ trois cents détenus juifs, sélectionnés au camp de Drancy, avaient été embarqués dans le même train (dans les premiers wagons) que les sept cent quarante-trois « notables juifs », et acheminés sur le camp de Compiègne. Les autorités allemandes tenaient à arriver au chiffre de mille Juifs internés à Compiègne. Les trois cents pris à Drancy avaient été arrêtés à Paris le 21 août 1941 ; c’était pour la plupart des apatrides et des ressortissants de Pologne, de Russie et d’autres pays de l’Europe centrale. C’étaient des hommes d’origine modeste : artisans, petits commerçants et ouvriers.
75C’est ainsi que le premier millier de prisonniers juifs à Compiègne fut constitué. Ils y furent incarcérés dans une section spéciale du camp (le camp « C ») [37]. Conformément aux ordres reçus du commandant militaire allemand en France (état-major administratif), le commandant du camp de Compiègne procéda à un recensement de tous les internés juifs (décret du 19 décembre 1941) et il envoya à Paris les données statistiques demandées.
Tableau 1. Classement des détenus juifs par âges
Age | Nombre | Pourcentage |
---|---|---|
60-65 | 93 | 9,5 % |
55-59 | 119 | 12,25 % |
21-54 | 719 | 73,75 % |
au-dessous de 21 ans | 44 | 4,50 % |
Total | 975 | 100,00 % |
Tableau 1. Classement des détenus juifs par âges
Tableau 2. Classement des détenus juifs âgés de moins de 21 ans
Age | Nombre |
---|---|
20 | 15 |
19 | 9 |
18 | 14 |
17 | 2 |
16 | 4 |
Total | 44 |
Tableau 2. Classement des détenus juifs âgés de moins de 21 ans
Tableau 3. Répartition des détenus par profession
Ouvriers et travailleurs | 229 |
Commerçants et représentants | 162 |
Employés | 119 |
Marchands et artisans | 95 |
Ingénieurs, techniciens | 85 |
Professions libérales | 59 |
Artistes, écrivains, journalistes | 26 |
Fonctionnaires, instituteurs, ecclésiastiques | 10 |
Autres professions | 18 |
Sans profession | 41 |
Total | 975 |
Tableau 3. Répartition des détenus par profession
76Le commandant militaire allemand en France, après avoir pris connaissance du rapport, donna l’ordre au commandant du Grand-Paris « d’exclure de la déportation les Juifs de plus de 55 ans et de moins de 18 ans, vu qu’ils ne correspondent pas au but poursuivi par l’arrestation. Sont à exclure de la déportation à l’Est les Juifs reconnus inaptes au travail après examen médical au camp ». Le commandant militaire ordonna de libérer ces internés, « à moins que des objections spéciales s’opposent à cette libération dans des cas particuliers ; dans ce dernier cas, il convient de procéder à leur transfert dans le camp français d’internement de Juifs, de Drancy ». Le commandant de la Sipo/SD à Paris et le commandant du camp de Compiègne ont reçu les copies de cette lettre pour information [38].
77Quelques jours après, le 15 décembre, on amena de Paris en autobus huit avocats juifs (Pierre Masse entre autres) [39]. Cinquante Juifs arrêtés furent internés le 26 janvier 1942 [40].
78Entre le camp de Compiègne et celui de Drancy il y avait un va et vient assez animé, parfois des mêmes détenus. Au mois de mars 1942, plus de deux cents internés furent transférés de Compiègne à Drancy. Quarante-cinq d’entre eux (les conjoints d’aryennes) l’ont été, le 28 avril retransférés à Compiègne (entre autres : Pierre et Roger Masse, François Montel, Jean Ullmo et Georges Wellers) [41].
79Les autorités allemandes tenaient à l’époque à garder au camp de Royallieu un nombre rond de mille Juifs. Lorsque l’effectif tombait au-dessous du nombre prévu (par suite de libérations) on complétait le total de mille en prélevant la différence parmi les internés juifs de Drancy [42], d’où ces échanges d’internés entre les deux camps.
80Le 8 mai 1942, deux cent quatre-vingt-trois internés juifs furent sélectionnés au camp de Pithiviers, cent cinquante-deux personnes de Drancy et cent trente et une personnes à Beaune-la-Rolande, et transférés au camp de Compiègne en vue de leur déportation [43]. Il est à noter que le premier convoi de déportation de Pithiviers est parti le 25 juin 1942, et celui de Beaune-la-Rolande le 28 juin 1942 [44].
81Conformément aux directives des autorités allemandes de Paris, les Juifs qui purgeaient des peines (pour toutes sortes d’infractions) dans différentes prisons françaises furent transférés dans les camps de déportation. Durant le mois de mai 1942, environ deux cents Juifs furent mutés des prisons au camp de Compiègne en vue de leur déportation. Mais le camp de Compiègne était, comme il a déjà été dit, non seulement un camp de déportation, mais également un camp d’otages, entre autres, d’otages juifs.
82Le 1er août 1942, six prisonniers politiques furent amenés au camp de la prison de la Santé. Parmi eux il y avait le Docteur Joseph Bursztyn (médecin, originaire de Lodz, Pologne) et le journaliste Samuel Nadler (dit « Munie »). Ils avaient été arrêtés à la suite de l’explosion qui s’était produite dans l’appartement au septième étage de l’immeuble 49, rue Geoffroy-Saint-Hilaire (5e), le 25 avril 1942 (voir : Adam Rutkowski, La lutte des Juifs en France à l’époque de l’occupation 1940-1944, Paris, 1976, Edition du C.D.J.C.). Ils étaient tous dans un état lamentable.
83Le 11 août 1942, à 2 heures du matin, les six otages avaient été amenés par des S.S. Le lendemain, ils étaient fusillés au Mont-Valérien avec d autres otages, au total 116 victimes à titre de représailles d’un attentat commis à Paris contre un officier allemand [45].
84Le 26 janvier 1943 arrivait à Compiègne un groupe assez important de Juifs, environ six cent-cinquante. Ils faisaient partie d’un convoi d’environ deux mille hommes, femmes, enfants, amenés de Marseille, après l’évacuation du quartier du Vieux-Port, le 24 janvier 1943. Plus de 14 hectares avaient été rasés, mille quatre cent quatre-vingt-quatorze immeubles détruits entre le 1er et le 17 janvier 1943. Le chiffre officiel des sinistrés atteignait vingt-sept mille. Le 2 février 1943, !a commission de criblage allemande avait terminé la vérification des évacués se trouvant au camp de Fréjus. Les Allemands retenaient environ six cents personnes. Un nouveau train les amena à leur tour au camp de Compiègne [46].
85Il convient de signaler que le camp de Compiègne joua un rôle important dans la préparation et la réalisation de cette opération de grande envergure. Au cours de la réunion dramatique du 13 janvier 1943 à Marseille (à l’état-major allemand, dans la villa Ben-Quiada), le chef suprême des S.S. et de la police allemande en France, le général de la S.S. et de la police Karl Oberg donna lecture des ordres de Heinrich Himmler concernant le Vieux-Port, lesquels prévoyaient entre autres, l’envoi de toute la population évacuée de ce quartier dans « un camp de concentration en zone Nord, où les autorités allemandes procéderaient au criblage » [47]. Le transport de la population, dans sa totalité, au camp de Compiègne était déjà organisé. On avait commandé à cet effet trente wagons de marchandises. Peu importait que le camp de Compiègne ne put héberger alors que six mille personnes. L’opération devait être exécutée par la police allemande, assistée de la police française (l’évacuation, le criblage et la destruction du quartier). Bousquet, après avoir consulté, par téléphone, Pierre Laval, avança le lendemain un contre-projet : « Les Allemands laisseraient aux autorités françaises le soin de procéder à l’évacuation et n’interviendraient pas ». Berlin accepta le plan français, mais les autorités allemandes n’honorèrent pas l’accord. Oberg avait promis à Bousquet qu’aucun train ne serait dirigé sur Compiègne, le criblage devant se faire à Marseille par les soins des autorités françaises. Les « suspects » arrêtés dans le quartier du Vieux-Port (les étrangers dépourvus de papiers d’identité, les ressortissants allemands et italiens, les personnes recherchées par la police, etc.) étaient dirigés sur la prison des Baumettes ; ils étaient ensuite amenés de la prison dans des camions à la gare d’Arenas et embarqués dans un train de marchandises. Ils étaient au nombre de deux mille environ ; c’était en grande partie des Juifs, ressortissants des pays d’Europe centrale et d’Afrique du Nord. Il y avait parmi eux un nombre important de femmes, d’enfants et de personnes âgées [48].
86Debout, sans nourriture, sans eau, sans installation d’hygiène, sans couvertures. Rappelons que le froid était vif en ce mois de janvier 1943. Après trentecinq heures de voyage, le train arriva à Compiègne. Les plus faibles étaient morts ou mourants en arrivant.
87Le 2 février 1943, la commission de criblage allemande avait terminé l’examen des quelque vingt mille embarqués et amenés au camp de Caïs. (Des trains de marchandises les amenaient à Fréjus d’où ils étaient transportés par camions, dans la nuit du 24 au 25 janvier 1943, au camp de Caïs, ancien camp de regroupement et de départ des troupes coloniales). La commission avait retenu environ six cents personnes. Un nouveau train les amena à leur tour au camp de Compiègne [49].
88D’après le rapport du préfet régional, le premier train comprenait mille six cent quarante-deux personnes, le second environ six cents [50]. Nous ne savons pas combien de Juifs il y avait dans ce convoi, on suppose qu’il y en avait environ cent cinquante [51].
89Nous ignorons également le nombre de plusieurs autres groupes de Juifs entrés au camp de Compiègne, faute d’une documentation complète. Toujours est-il que leur nombre était supérieur à celui signalé dans les documents connus à présent. Le nombre de Juifs déportés du camp (cependant, non plus complet et définitif) est très supérieur à celui des entrées. Passons maintenant aux sorties du camp.
B. — Les sorties du camp
90Sur l’ordre du commandant militaire allemand en France (état-major administratif, section administration) qui était le grand maître des Juifs internés au camp de Compiègne, et le seul compétent pour décider de la libération de tel ou de tel détenu juif, tentre-cinq personnes ont été libérées, le 18 décembre 1941, dont quinze sur un ordre spécial et vingt personnes âgées de plus de 65 ans. Le 20 décembre 1941, trente-huit grands malades juifs ont été à leur tour libérés [52]. C’est ainsi que, en deux jours, soixante-treize prisonniers juifs ont été libérés. Le 10 mars 1942, une centaine de ressortissants italiens, hongrois et roumains ont été libérés [53].
91Le 13 mars 1942, cinquante-huit détenus juifs quittèrent le camp [54]. Les 14 et 15 mars 1942, plus de soixante-dix détenus furent transférés dans d’autres camps, la plupart à Drancy [55].
92Le 19 mars 1942, cent soixante-dix-huit internés juifs, âgés de plus de 55 ans, furent conduits pleins d’espoir dans une annexe du camp où on les plaça sous la surveillance de vingt-cinq gendarmes français. Quelques jours avant, ils avaient tous été photographiés ; on parlait de leur libération imminente. Les gendarmes passèrent des menottes aux internés. L’un des rescapés de ce groupe nota dans son journal : « C’est la seule fois où j’ai vu Pierre Masse flancher. Il était enchaîné à son frère. S’adressant au lieutenant de gendarmerie, il s’écrie avec des larmes dans les yeux : « Mon frère est colonel d’artillerie, il a été tué à cette guerre, nous avons eu un autre frère tué en 14-18, et maintenant je suis enchaîné avec lui par des Français. » L’officier de gendarmerie de sa propre initiative a fait appliquer les ordres généraux relatifs aux transferts de criminels de droit commun. Cette fois-ci les Allemands n’y étaient pour rien ».
93Dans ce groupe, il y avait quatre officiers de réserve, dont deux officiers supérieurs et trois titulaires de la Légion d’honneur.
94A la gare de Compiègne, ils furent embarqués dans des voitures de voyageurs de troisième classe, six internés, par compartiment, attachés toujours deux à deux et gardés par trois gendarmes. Les wagons furent accrochés au train de Paris. Les autocars de la Préfecture de police de Paris les amenèrent de la gare du Nord au camp de Drancy, tard dans la soirée [56].
95Le premier convoi de déportation parti de France à l’Est était justement le train qui quitta Compiègne le 27 mars 1942 avec mille cent douze détenus juifs. Son effectif comprenait quelque huit cents « notables juifs » (pour la plupart des intellectuels) arrêtés le 12 décembre 1941 dans le Grand-Paris et environ trois cents détenus de Drancy, transférés à Compiègne dans la nuit du 12 au 13 décembre 1941. Il comprenait, entre autres, trente-quatre Juifs yougoslaves, internés à Drancy (vraisemblablement des grands résistants) qui — conformément aux directives d’Eichmann — devaient être tenus à part dans ce transport et, à l’arrivée à Auschwitz, devaient être signalés au commandant du camp [57].
96Le convoi comprenait des hommes âgés de plus de 18 ans et de moins de 55 ans. Telles étaient les instructions données par le commandant militaire en France après avoir consulté le commandant de la Sipo/SD en France [58]. Ce transport ne comprenait pas d’internés mariés à des femmes non juives. Le 26 février 1942, Dannecker, sur la demande du commandant militaire en France, s’adressa au R.S.H.A. (IV J) à Berlin et demanda des instructions à ce sujet. Au début du mois de mars 1942, Dannecker était déjà en mesure d’informer le commandant militaire en France que le « R.S.H.A. a provisoirement exclu de cette déportation les Juifs conjoints d’aryennes » [59].
97Le train spécial n° 767 (le premier convoi de France acheminé vers Auschwitz), composé à la gare du Bourget-Drancy le 27 mars 1942 entre 12 heures et 17 heures et arrivé en gare de Compiègne à 18 heures 40, quitta Compiègne à 19 heures 40. Il arriva à Neuburg (Novéant-sur-Moselle), c’est-à-dire à la frontière francoallemande de l’époque, le lendemain à 13 heures 59 [60]. Le convoi arriva à Auschwitz le 30 mars 1942, à 5 heures 33, les déportés reçurent les matricules nos 27533 - 28644 [61].
98Il convient de signaler quelque faits caractéristiques à propos de ce premier convoi de déportation. Martin Luther, du Ministère des Affaires Etrangères du Reich, demanda à Rudolf Schleier si l’ambassade d’Allemagne à Paris avait des objections concernant la déportation de mille Juifs de Compiègne. Le lendemain, le 12 mars 1942, Schleier lui répondit qu’elle n’avait pas d’objections [62].
99Parmi les détenus juifs à Compiègne en instance de déportation, il v avait neuf médecins et infirmiers, membres de l’armée française (non encore démobilisés). Leur déportation aurait été contraire aux conventions de Genève. Les autorités allemandes avaient insisté sur la démobilisation de ces personnes. A leur requête, elles ont été démobilisées le 21 mars et déportées le 27 mars 1942 [63].
100Au moment du départ du convoi, il fut saisi sur les déportés un montant global de cent quatre-vingt-trois mille neuf cent trois francs et 50 centimes (183.903, 50). D’autre part, ceux-ci se sont livrés, d’après les autorités du camp de Compiègne, à des déprédations évaluées à vingt et un mille deux cent vingtdeux francs (21.222) (couvertures égarées ou endommagées, etc.). A la demande du commandant du camp, le lieutenant-colonel Pelze, du 18 avril 1942, Nährich (état-major administratif du commandant militaire allemand en France) lui répondit de retenir le montant de vingt et mille deux cent vingt-deux francs et de virer la différence à l’Union Générale des Israélites de France (l’U.G.I.F., 39, rue de la Bienfaisance à Paris) [64].
101Le second train de déportation avec mille internés juifs partit de Compiègne le 5 juin 1942. Ce fut le dernier convoi juif de Compiègne. Il arriva à Auschwitz le 7 juin, les déportés y ont reçu les matricules nos 38177 - 39176. Dix semaines après il n’y avait que deux cent dix-sept survivants de ce convoi (78,3 % étaient morts) [65].
102Un groupe de détenus, dont on ignore le nombre, fut transféré le 7 juin 1942 au camp de Drancy [66] et le 23 juin cent vingt internés furent mutés à Drancy [67].
103Cinquante prisonniers juifs faisaient partie du convoi de mille cent soixante-dix déportés politiques, parti le 6 juillet 1942 vers Auschwitz. C’étaient entre autres : le docteur Pecker de Caen, Roger Masse, M. Indictor, coiffeur de Caen, M. Lehmann de Cabourg. Les détenus politiques reçurent à Auschwitz les matricules nos 45157 - 46326. Ils furent désignés par les Allemands comme des prisonniers « N. N. » (Nacht und Nebel, Nuit et Brouillard). Pour les empêcher d’entrer en contact avec d’autres détenus politiques du camp, on les marquait des triangles verts portés par les criminels [68].
104Le 11 août 1942, les S.S., venus en autobus, amenèrent les six internés juifs, incarcérés le 1er août 1942. C’étaient : le docteur Joseph Bursztyn (1910-1942), médecin, originaire de Lublin (Pologne), chargé de la presse clandestine communiste juive ; Samuel Nadler, dit Munie (1908-1942), journaliste, rédacteur à « La Presse Nouvelle » clandestine (en yiddish); Natan Dyskin (1912-1942), ingénieur chimiste; Zygmunt Kratko, dit Zygmunt Brajlowski, étudiant. Les noms de deux autres otages juifs nous échappent. Ils furent fusillés le lendemain, au Mont-Valérien, avec d’autres martyrs en représailles d’un attentat commis à Paris contre un soldat allemand [69].
105Lorsque le camp juif (le camp « C ») fut supprimé (le 6 juillet 1942), les cent quarante-sept détenus juifs russes du camp « B » (soviétiques, blancs) et apatrides furent transférés au camp de Drancy (début septembre 1943) [70].
106Le 12 mars 1943, sept cent quatre-vingt-un Juifs (dont deux cent cinquante femmes), arrêtés à Marseille fin janvier de la même année, dans le cadre de l’opération « Tiger » (évacuation et destruction du quartier du Vieux-Port), furent transférés de Compiègne à Drancy. Le 2 mars 1943, les autorités allemandes centrales concluaient : « Les Juifs arrêtés à Marseille dans le cadre de l’ « Opération Tiger » et détenus à Compiègne. peuvent être transférés à Drancy et traités comme tous les autres Juifs », c’est-à-dire déportés vers les camps d’extermination à l’Est [71]. Le R.S.H.A. soulignait que le transfert concernait les Juifs de nationalité française, roumaine, polonaise, yougoslave, bulgare, belge, slovaque, grecque ainsi que les apatrides.
107En effet, après un court séjour à Drancy. ils furent déportés, le 23 mars 1943 vers le camp d’extermination immédiate de Sobibor (Pologne, district de Lublin). Il est à signaler que la plupart des déportés étaient des Français (d’origine ou naturalisés) ou bien des sujets et des protégés français [72].
108Il convient également de mentionner les cinquante et un détenus juifs de Compiègne (trente-neuf Français et douze étrangers) qui, transférés à Drancy. ont fait partie du convoi de déportation du 11 février 1943. Parmi les déportés français se trouvait le grand rabbin Ernest Ginsburger (né le 15 avril 1876 à Héri-court), ancien grand rabbin de Belgique, de Genève et, en dernier lieu, de Bayonne [73].
109Il y eut encore trois sorties, peu nombreuses de détenus juifs du camp de Compiègne. L’une le 26 mai 1943 : le transfert de quatre-vingt-dix personnes au camp de Drancy. Le colonel-lieutenant de réserve Robert Blum (le futur chef de camp interné de Drancy), Jean, Roger et André Ullmo, le polytechnicien Gaston Lévy, le chef pilote Henry Boris, le docteur Abraham Drucker (le futur médecin-chef de Drancy), Paul Cerf, le professeur Claude Aron (chimiste), le docteur Goltz et d’autres faisaient partie de ce groupe.
110Au début juillet 1943, six Juifs soviétiques (dont trois femmes) furent expédiés à Wülburg (près de Weissenburg) en Bavière. Ils avaient fait un séjour de quelques jours à Compiègne où ils avaient été amenés de Drancy [74].
111Et enfin, le 23 novembre 1943, environ trente Américaines et Britanniques furent transférées au camp de Vittel dans les Vosges. Quel était le nombre de Juives parmi les mutées ? Nous n’en savons rien à présent [75].
112Dans la rubrique « sorties », il faut aussi inscrire les quatre-vingt-douze détenus juifs morts d’épuisement, de faim, de maladie, au camp de Compiègne durant la période du 12 décembre 1941 au 2 avril 1942 [76].
113Il faut rappeler que le nombre total des personnes qui sont passées par le camp est de cinquante-quatre mille (54.000) dont trois mille cinq cents (3.500) Juifs (6,5 %). Nous nous sommes occupés dans ce chapitre des trois mille cinq cents Juifs, c’est-à-dire des personnes incarcérées pour des raisons raciales. Les entrées et les sorties d’autres détenus (non-Juifs), ont été largement décrites par André Poirmeur et Christian Bernadac dans leurs ouvrages, cités par nous à maintes reprises.
Tableau 4. Sorties du camp de Compiègne des prisonniers juifs
Tableau 4. Sorties du camp de Compiègne des prisonniers juifs
Chapitre 4. Structure et administration du camp
114Le camp de Compiègne était géré par le commandant militaire allemand en France (état-major administratif, section administration), de concert avec le commandant de la Sipo/SD en Frànce. « La Wehrmacht était chargée de la garde du camp. » Toujours est-il que le commandant du camp de Compiègne n’était pas comme, par exemple, celui de Drancy à partir du 1er juillet 1943, un S.S., mais un militaire de la Wehrmacht, à part entière, le lieutenant-colonel (Oberstleutenant) Pelzer. Son adjoint était le capitaine (Hauptmann) Rollin [77]. Une lettre du commandant militaire allemand en France, en date du 21 décembre 1941, adressée au commandant militaire du Grand-Paris, constate : « La surveillance du camp [de Compiègne] demeure confiée au commandant militaire en France [78].
115Les gardiens allemands n’étaient pas, non plus, des S.S., mais des soldats de la Wehrmacht [79]. L’équipe allemande était relativement nombreuse, elle comprenait une trentaine d’officiers et de sous-officiers : les lieutenants-colonels Lohse, Paris et Possekel ; les capitaines Birkenbach, Möbuis, Müller et Nachtigal ; les Sonderführer Krebs, Liebeskind et Reisige ; les adjudants Grote, Kalterbern et Umschlag ; les sous-officiers von Achenbach, Hild, Jaeger, Korries, Kraus (affecté au camp juif), Prüsmann, Schilling, Schubert (affecté au camp juif), Söllner, Sudermann, Sydow, Trappe, Volkmann, Kuntz (ou Kuntze), le grand maître du camp juif (camp « C »), était vraisemblablement un espion nazi avant la dernière guerre, il travaillait comme garçon de café à Montparnasse (selon d’autres à la gare du Nord à Paris). Le plus ignoble entre eux était Erich Jaeger (connu sous le sobriquet de l’ « homme aux chiens ») qui se promenait avec ses deux grands bergers allemands « Klodo » et « Prado ». La Sipo/SD était représentée par le S.S.-Hauptsturmführer Dr Illers. Les médecins allemands du camp étaient le major. Docteur Buckard et le Docteur Fürtwaengler [80].
116Le camp de Royallieu à Compiègne, comme tous les camps nazis, était basé sur la soi-disant « autogestion des internés ». Il y avait alors un chef de camp interné (le doyen), des chefs de blocs (chefs de bâtiments), des chefs de chambrées, des chefs de services et un service d’ordre (la police intérieure du camp). Au début, Compiègne était presque uniquement un camp de communistes, et, en raison de leur grand nombre, ils monopolisèrent toutes les fonctions et les services importants. Georges Cogniot, sénateur communiste, agrégé de l’Université et rédacteur au journal « L’Humanité », était chef du camp « A » (politiques). Sa connaissance de la langue allemande et de sa littérature lui avait acquis une autorité auprès des Allemands. La confiance que lui faisaient les détenus simplifiait sa tâche et renforçait son crédit auprès des autorités allemandes. Cogniot organisa l’aide aux internés du camp juif (camp « C ») amenés en décembre 1941. Il assuma les fonctions de chef du camp interné du camp « A » entre fin juin 1941 et février 1942.
117Puis, à la suite de l’internement au camp de milliers et de milliers de Français d’autres horizons politiques, et même d’un nombre important d’ « associaux » (délinquants de droit commun), le pourcentage de communistes diminua. En novembre 1943, les autorités allemandes destituèrent tous les communistes de leurs fonctions et elles remirent ces fonctions, à la suite des intrigues du Parti Populaire Français (P.P.F.), aux miliciens internés pour des délits de droit commun. Une lutte sournoise était ouverte. Les nouveaux « notables du camp » ne cachaient pas leur admiration pour les nazis et leur dévouement à leur cause [81].
118Vers la mi-mai 1944, le chef du camp interné (le doyen) était le capitaine Douce. L’écrivain Louis Martin-Chauffier, ancien détenu de Compiègne, le décrit dans son livre de souvenirs comme un « zélé serviteur de ceux qui lui avait confié cette place de choix » [82]. Un autre aucien interné de Compiègne présente le « doyen », le grand-chef, comme un « petit bonhomme à cheveux blancs qui porte une belle paire de moustaches, bien blanches et bien soignées […]. Il prend son rôle au sérieux. Et c’est, dit-il, parce qu’il se montre sévère que nous ne sommes pas embêtés par « nos grands maîtres ». Il ne se promenait jamais dans le camp sans ses gants. Il était coiffé d’un large béret basque incliné sur l’oreille gauche » [83].
119Le service d’ordre (la police intérieure) était assuré par les internés. A partir du mois de novembre 1943, le chef de la police intérieure était un Corse de la plus mauvaise réputation ; il était l’inséparable d’un Alsacien très brutal. Ils organisèrent tout un service de renseignements et d’espionnage. Ils dénonçaient aux Allemands, ils frappaient leurs compagnons d’infortune et les volaient. Plusieurs prisonniers, frappés par les policiers français, protestaient auprès du commandant allemand du camp qui désavoua ces pratiques. Il y avait aussi des policières (par exemple : Jeanette, toute petite, coiffée d’un calot. un sifflet pendu au cou ; Marie Destrées. mère de famille, Belge mariée à un Français) [84].
120Les chefs de blocs étaient responsables de la bonne tenue des internés et du bâtiment. Ils devaient parler allemand. Toutes les réclamations passaient par eux qui étaient chargés de les transmettre aux Allemands. Il v avait aussi des sous-chefs de bâtiments ou pour employer le terme en usage, des sous-chefs de « blocs ». L’emploi de chef de chambrée comportait beaucoup d’ennuis, il n’offrait qu’une contrepartie : la double ration de soupe. Un chef de chambrée distribuait la soupe, désignait les hommes pour différentes corvées et faisait l’appel de ses détenus tous les soirs en présence du chef de bloc [85].
121Au mois de mai 1944, dans le camp « A », le général Echtegarray était chef du bloc 7. Un ingénieur de la S.N.C.F., était chef de chambrée, tandis que Maurice Bourdet était sous-chef d’un bloc voisin. Le chef de bloc était un député de l’Est, le seul officiel qui, aux heures de l’appel, commandait à ses hommes : « Fixe » ou lieu de l’ « Achtung » allemand [86]. A l’arrivée, au mois de juillet 1944, d’un groupe de missionnaires, les deux chef de bloc s’imposèrent d’eux-mêmes : le père supérieur et le père Guynot (« le doyen aux cheveux de neige ») [87].
122Lorsque le premier millier de Juifs arriva à Compiègne en décembre 1941, le sous-officier allemand Kuntze, le véritable chef du camp « C » (juif), demanda qui d entre eux parlait allemand. Tous les chefs de blocs désignés par lui furent des étrangers, ainsi que le chef du camp interné (12). La chambrée n° 7 du bloc n° 5, celui de J.-J. Bernard, changeait souvent de chefs. Le premier était un nommé Lévy, le type classique du Parisien débrouillard, âgé de 50 ans passés. Il se tira très bien d’affaire sans grands mots. Il s’intéressait aux besoins de tous ses hommes. Il fut libéré comme grand malade en décembre 1941, et pour cause. Huit jours après son retour, il mourut brusquement. Le second chef de chambrée mit du cœur à sa tâche, mais il fut destitué un mois après par le chef de bloc qui s’entendait mal avec lui. Le troisième chef de chambrée fut l’écrivain Maurice Goudeket (mari de la célèbre femme de lettres Colette), deux semaines plus tard il était brusquement libéré du camp.
123Après lui, Jacques Ancel, professeur d’histoire en Sorbonne, devint chef de chambrée. Une dizaine de jours plus tard, il dut résigner son emploi : il était à bout de forces. Son cousin, le dramaturge Jean-Jacques Bernard le remplaça. Douze jours après, il pria le chef de bloc de le relever de ses fonctions, il n’en avait ni la vocation ni la force [88].
124Les détenus avaient en général peu de contact avec les Allemands, en dehors évidemment des appels du matin et du soir. De temps en temps, le commandant qui n’était pas visible de jour faisait une irruption nocturne : l’inspection de toutes les chambrées en appel général. Telle était la pratique dans les années 1943 et 1944. Parfois, le jeune sous-officier Jaeger se promenait au milieu des prisonniers du camp « A », tenant un chien-loup en laisse. Il giflait les détenus qui ne soulevaient pas assez vite leur couvre-chef sur son passage. Professeurs d’Université, écrivains, évêques, ministres, députés et préfets devaient le respect à ce représentant de la race des seigneurs [89].
Les appels
125Deux fois par jour, à huit heures du matin et à six heures du soir, les détenus se rangeaient devant les blocs (les bâtiments) par colonnes de cinq. En 1941 et début 1942, les appels avaient lieu dans tous les camps à la fois. L’appel commençait par le camp américain, puis le camp russe, le camp français (politiques) et il finissait par le camp juif (camp « C »), de sorte que les internés juifs restaient dehors, par n’importe quel temps (le froid, la pluie) une demi-heure à trois quarts d’heure. Seuls les malades dûment autorisés pouvaient ne pas sortir à l’appel. Les deux sous-officiers allemands comptaient minutieusement les internés, mais parfois ils se trompaient : alors ils recommençaient. Enfin Kuntze arrivait et ils lui présentaient les effectifs : tant de présents, tant de malades. Un coup de sifflet annonçait la fin de l’appel. Les appels n’étaient pas trop pénibles, quoiqu’il arrivât de rester dans les rangs parfois plusieurs heures consécutives. Les longs appels étaient dus à la bêtise des sous-officiers allemands, ils ne savaient pas compter sans faire d’erreur [90].
L’horaire de la journée au camp
A 7 heures du matin | — réveil. |
Entre 7 heures et demi et 8 heures | — petit déjeuner. |
A 8 heures | — appel du matin. |
A 12 heures | — repas de midi. |
A 16 heures | — appel du soir. |
A 17 heures | — repas du soir. |
A 21 heures | — couvre-feu. |
126Vers 9 heures du soir, la lumière s’éteignait trois fois. En un quart d’heure, tous les détenus devaient se mettre au lit. Un coup de sifflet avertissait qu’il était interdit de sortir des bâtiments jusqu’au lendemain matin [91].
127Les dimanches ne différaient pas des jours de la semaine. Ils n offraient qu’un seul avantage : l’appel du matin n’avait lieu qu’à dix heures du matin et l’on pouvait prendre son petit-déjeuner au lit.
128L’ordinaire des internés du camp juif (camp « C ») était à ses débuts très insuffisant. La faim et le froid étaient les pires ennuis des détenus, d autant plus que leur camp était tenu au secret et qu’ils ne pouvaient pas recevoir de colis. Pour vingt-quatre heures, ils obtenaient alors: le matin du liquide coloré (« café ») dont « on ne fut jamais avare, qui trompait un instant la faim en remplissant d’eau chaude l’estomac ». A midi, une soupe assez claire. A quatre heures, on distribuait, deux ou trois fois par semaine, un quart de tisane qui fut baptisé par les internés « boldoflorine » ou tout court la « boldo ». Les détenus recevaient pour vingt-quatre heures un quart de boule de pain (250 grammes) et un morceau de margarine (25 grammes). Parfois une petite cuillerée de confiture s’ajoutait à cet ordinaire. Le camp « C » n’étant pas encore organisé, le camp « B » (russe) fut chargé alors de la subsistance des internés juifs.
129Les internés du camp « A », les communistes animés par leur doyen Georges Cogniot, et les détenus russes (pour la plupart des Juifs) animés par M. A. Alperine, marquèrent à l’égard des détenus du camp « C », les uns comme les autres des sentiments de solidarité et de camaraderie inoubliables. Les Russes fournissaient à midi aux internés juifs une soupe bien épaisse, proposaient de leur envoyer une seconde soupe le soir comme pour eux-mêmes. Les internés juifs bénéficièrent quelques jours de cette soupe supplémentaire. Les autorités allemandes, mises au courant, interdirent cette seconde soupe aux internés juifs. Deux semaines après, au début de janvier 1942, le camp « C » s’était organisé et une cuisine y fut créée. Dès lors, la soupe devint d’une clarté limpide (un jus avec quelques rares rondelles de navet ou de pommes de terre). Et cette soupe était, à partir de ce moment, distribuée en quantité réduite.
130Les autorités allemandes fortifiaient chaque jour les barrières entre le camp juif et les camps voisins pour le séparer du reste du monde. Néanmoins, grâce à l’admirable organisation de solidarité des internés des camps voisins (politiques et russe), environ deux mille colis et d’innombrables lettres sont parvenus au camp juif. Le système de « parrains » et de « pupilles » s’était montré très efficace. Chaque camarade avait adopté un ou plusieurs camarades juifs. Il recevait pour eux lettres et colis adressés par la famille du détenu juif, et le tout était clandestinement envoyé dans le camp juif par les soins des Russes.
131Fin janvier 1942, les Allemands avaient limité le nombre et le poids des colis pour les internés français (politiques) et les internés russes. Tout secours pour le camp juif devint impossible, la situation des internés était devenue tragique. Au mois de février 1942 (par les grands froids), le camp « C » mourait de faim et de froid.
132A vrai dire, il y eut des envois collectifs de la Croix-Rouge française pour lesquels les familles des détenus firent des efforts prodigieux. Ce qui parvenait au camp, les autorités le partageaient proportionnellement à tous les internés de tous les camps, bien que les autres camps (sauf celui de Juifs) fussent régulièrement approvisionnés. Ainsi les envois pour mille personnes furent partagés entre quelque six mille hommes. Au camp juif parvenaient un biscuit par personne, une demi-orange, ou bien deux morceaux de sucre. A cette époque, une fois, après la soupe, on distribua dans le camp juif, à chacun une datte… « Cela pourra paraître incroyable, mais c’est vrai » — nota dans son livre de souvenirs J.-J. Bernard [92].
133Au camp « A » il y avait une cantine où les prix étaient exorbitants (un genre de macaron grand comme la main n’ayant aucun goût — cinq francs, une petite botte de carottes — cinq francs, etc.).
134Au camp « A », chaque semaine le soir, le jeudi et le dimanche, la Croix-Rouge française offrait, à partir du début de 1943, une soupe spéciale à tous les prisonniers de Compiègne, c’était plutôt une épaisse purée de légumes. « La soupe de la Croix-Rouge… la cuillère tient debout dedans, c’est un régal. »
135A des nombreuses reprises, la Croix-Rouge française avait essayé d’obtenir auprès des autorités allemandes le droit de se charger du ravitaillement du camp. Les autorités allemandes avaient refusé, mais elles avaient permis à la Croix-Rouge de servir à l’ensemble des prisonniers, chaque semaine, le jeudi et le dimanche, une soupe pour le soir.
136Tous les autres jours, l’ordinaire était plutôt maigre. Devant la cuisine, le menu du jour était affiché : soupe de pommes de terre, soupe de carottes, ou bien soupe de rutabagas. Des pauvres gens fouillaient les poubelles aux alentours des cuisines jusqu’à l’endroit des latrines. Sur un tas d’immondices puantes, des malheureux aux figures squelettiques fouillaient les ordures. Que pouvaient-ils espérer ? Qui aurait jeté quelque chose ? Sur des feux, en plein vent, ils faisaient ensuite bouillir des poignées d’herbes et d’épluchures. De pareilles scènes n’étaient pas rares tout au long de l’existence du camp, même en 19944.
137Le marché noir y existait également, comme dans tous les camps nazis. En avril 1944, dans le camp « A », le prix d’une cigarette était de cent francs, le sixième de boule de pain — deux cent cinquante francs. Il est évident que d’aussi dures conditions étaient propres à favoriser le marché noir. Il ne se développa à Compiègne en général, et au camp « C » (juif) en particulier, ni davantage ni plus vite que dans d’autres camps et prisons nazis. L’élite intellectuelle du camp juif, consciente de sa responsabilité et alertée par les récits sur le marché noir au camp de Drancy, déclara une guerre préventive au marché noir. Après cinq ou six semaines il sortit de la clandestinité, ses animateurs devinrent plus audacieux. Début février 1942, on payait trois cent cinquante francs une boîte de sardines dans le camp juif ; mille huit cents à deux mille cinq cents francs une boule de pain.
138Après l’arrivée de Marseillais au camp « A » (fin février 1942), dans la soirée, avant et après le repas du soir, des cercles se formaient autour de certains d’entre eux qui étaient de véritables tripots. Nombre d’internés réussirent à garder leur argent et leurs bijoux. Le marché noir de la vie civile paraît être une opération avouable auprès de celui du camp. Le soir à la lueur des chandelles, après le couvre-feu officiel, ils jouaient de grosses sommes au baccara, au poker au aux petits paquets. Des fortunes indécentes s’étalaient sur les tables [93].
Les colis
139Les internés du camp français (camp « A ») et du camp russe (« B »), sans parler des internés du camp américain, étaient privilégiés, sur le plan des colis, par rapport aux détenus du camp juif (camp « C »). Tous les détenus, à l’exception des Juifs, avaient le droit de recevoir des colis, de la correspondance, et le droit, après un séjour de quelques mois au camp, de visite. Les détenus juifs étaient gardés au secret total pendant les trois premiers mois, c est-à-dire jusqu à fin février 1942. Les internés juifs du camp « C » n’avaient, naturellement, le droit ni d’écrire, ni de recevoir colis ou visites.
140Le 28 février 1942, on permit aux internés juifs d’envoyer des cartes avec demande de vêtements ou de linge, mais à la condition formelle qu’il n y ait ni nourriture, ni médicaments dans les colis [94].
141Pour tous les internés d’autres camps que Compiègne, les colis alimentaires étaient acceptés au moins tous les quinze jours et ne devaient pas dépasser cinq kilos. En dehors des cinq kilos de vivres, on avait le droit (c’était arrivé par exemple fin mars 1944) de mettre autant de pain qu’on pouvait s’en procurer. Il suffisait de le lier par dessus le colis, et ce pain était jeté au milieu de la cour afin que de nombreux détenus, dont la famille ignorait momentanément l’adresse, puissent en profiter. Le vin était également accepté dans les colis (avril 1944). Les nouveaux arrivants au camp restaient un certain temps sans colis individuels ; l’envoi de son adresse à Compiègne et l’expédition d’un paquet par la famille prenaient parfois pas mal de temps. En attendant, ils recevaient la moitié d’un colis-standard de la Croix-Rouge française « pleins de gourmandises oubliées, de nourritures savoureuses » (juin 1944). Ce colis comprenait : saucisson, conserves, gâteaux, pâtes de fruits, sucre.
142Les anciens du camp, logés dans le même bâtiment, mettaient en commun le contenu de leurs colis (le tabac excepté), et ils faisaient la popote à huit ou dix. Pour le déjeuner ils se contentaient de l’ordinaire du camp. « Les fins repas » (des omelettes au lard, des macédoines de légumes, etc.) étaient réservés pour le dîner.
143Tant qu’exista le camp juif, ses détenus n’eurent le droit ni d’écrire, ni de recevoir des colis, mais, après le 6 juillet 1942, date de la suppression du camp juif et du transfert du dernier groupe de Juifs de ce camp (18 hommes) au camp « A » (camp français, camp politique), les détenus juifs furent autorisés à recevoir des colis et à correspondre deux fois par mois, comme les autres [95]. A cette époque, une semblable autorisation tardive pouvait être considérée comme un piège : Les Allemands pouvaient de cette façon obtenir les adresses de leurs parents et amis juifs. La chasse aux Juifs en vue de leur déportation à l’Est battait alors son plein.
Le camp americain
144L’histoire du « camp américain » à Compiègne se situe entre fin 1941 (décembre) et août 1944 (libération du camp). La première date est liée directement à l’entrée des Etats-Unis dans la seconde Guerre mondiale aux côtés des Alliés (7 décembre 1941). Lorsque les premiers ressortissants américains furent arrêtés par les autorités allemandes en France et internés à Compiègne, dans le camp « B », il y avait déjà là des citoyens britanniques et soviétiques. Les anglo-saxons occupaient les bâtiments (les blocs) : B 5, B 6, B 7 et B 8. C’était, pour la plupart, des Américains vivant en France depuis de longues années, parfois mariés à des Françaises.
145M. Schlissmann (matricule n° 2162) y était, au début de l’existence du camp. Il était le chef (le doyen) de camp interné. Les médecins américains Roger Hays et De Barros y étaient internés. Les femmes et les enfants étaient séparés des hommes dans le camp « B ».
146Les internés juifs (du camp « C ») eurent peu de rapports avec le camp américain qui se trouvait à l’autre extrémité du camp de Compiègne.
147Le régime dans le camp américain était moins rigoureux que celui du camp français (politique), du camp russe et du camp juif. La nourriture était plus substantielle et abondante. La Croix-Rouge américaine leur apportait de grands secours. Tous les détenus de Compiègne, sauf les Juifs, avaient le droit de voir leur famille après un séjour de six mois, mais les visites des Américains étaient fréquentes et peu surveillées. Ils jouissaient d’un régime spécial. Les internés français faisaient passer par les internés américains des lettres pour leurs familles. Par la même voie on faisait sortir du camp des pellicules photographiques avec une série de vues du camp et des internés, prises en cachette à l’aide d’un appareil photographique aux dimensions extrêmement réduites. La femme de l’interné Maurice Coullot était autorisée à rendre visite à son mari (en secondes noces), interné à Compiègne comme ressortissant américain. Elle fut pendant une certaine période, pour ainsi dire, l’agent de liaison du camp politique (camp français) de Compiègne avec le monde extérieur.
148Au cours d’une des visites au camp américain eut lieu une évasion individuelle. Une visiteuse française, après un long entretien avec un détenu américain se dirigeait vers la sortie, lorsqu’un interné politique prit son bras, échangea avec elle quelques mots et sortit, se mêlant aux visiteurs, par la grande porte. Il fallait, pour user de ce stratagème, pouvoir s’habiller correctement.
149Le 23 juin 1942, à deux heures du matin, le camp anglo-saxon (les blocs B 5 et B 6 en particulier) fut endommagé par un bombardement par des avions inconnus. Deux détenus américains (William Johnson et Edwards Nitting) trouvèrent alors la mort.
150Le 23 novembre 1943 une vingtaine de femmes de nationalité américaine et britannique furent transférées au camp de Vittel [96].
Le camp russe
151Après l’agression du IIIe Reich contre l’Union Soviétique (le 22 juin 1941), les autorités d’occupation allemande en France arrêtèrent des Russes (rouges et blancs) ; ils furent internés à Compiègne, dans les blocs C 4 et C 8. Parmi les détenus, il y avait environ cent quatre-vingt Juifs russes. Les Russes étaient des internés civils ; on leur appliquait, surtout au début de leur détention, les règles du droit international, mais de façon moins stricte aux Juifs qu’aux Russes non Juifs.
152Contrairement à ce que les autorités allemandes attendaient, tous les Russes sans distinction avaient confiance dans la victoire finale des Alliés, et par conséquent de leur pays. Un Russe blanc, à qui on demanda quelle était sa position en face des Soviets, répondit : « Notre pays est attaqué. C’est la guerre de la Sainte Russie. Nous sommes tous derrière les Soviets ».
153En décembre 1941, fut amené à Compiègne, un millier de Juifs de Paris et de Drancy. Les Russes les dénommèrent « décembristes » et les aidèrent avec dévouement et sacrifice. Les conditions matérielles et le traitement qui étaient infligés aux Juifs français, incarcérés dans le camp « C », dépassaient en rigueur ceux que les détenus du camp russe avaient à subir. Deux rangs de barbelés séparaient les deux camps [97].
154Le petit groupe de cent quatre vingt Juifs russes animés par A. Alpérine (« un grand homme à barbe blanche ») organisa l’action d’aide systématique (vivres, médicaments, courrier clandestin) en faveur des « décembristes ». Le risque était gros : les autorités du camp avaient averti que ceux qui seraient pris à transmettre quoi que ce soit aux internés du camp juif, y seraient transférés eux-mêmes.
155L’écrivain J.-J. Bernard écrit à ce sujet : « Un jour, je vis entrer dans notre salle M. Alpérine. Je le connaissais de réputation. Je savais qu’il faisait un travail admirable, travail de dévouement, travil de solidrité. On le regardait un peu comme un saint… Il apporta trois petits paquets de margarine, un pour Robert Dreyfus, un pour Jacques Ancel et un pour moi. C’était du beurre ! » [98].
156Tout n’allait pas parfaitement : certains individus ayant reçu des denrées destinées aux « décembristes » en gardaient une partie pour la revendre à leur propre profit. Le comité clandestin du camp luttait énergiquement contre les abus, allant jusqu’à confisquer les colis qu’ils recevaient pour leur usage personnel.
157David Rapoport, « le grand chef de la rue Amelot » à Paris — action d’aide aux internés juifs des camps d’internement et à leurs familles, camouflés sous l’enseigne du dispensaire « La Mère et l’Enfant » et de la « Colonie Scolaire » — écrit en 1942 à M. A. Alpérine : « Nous vous remercions et nous sommes fiers de vous ».
Le travail
158Le travail n’était pas obligatoire, en principe, mais chaque bloc (bâtiment) devait fournir son contingent pour les corvées, pour nettoyer le camp, aménager les nouveaux locaux, etc. Chaque bloc avait son jour de service. Quand il y avait beaucoup de travail (abondance de légumes, de pommes de terre à éplucher, etc.) deux blocs accomplissaient à la fois le travail. La corvée de légumes revenait fréquemment. La corvée avait lieu dans les deux bâtiments avoisinant la cuisine et ce pendant deux à trois heures. Un homme du service d’ordre intérieur (interné lui-même) fouillait à la sortie tout le monde pour éviter les vols. Il était impossible d’empêcher la consommation sur place, mais il était formellement interdit d’emporter des légumes. Les jours à carottes et à betteraves rouges étaient bien accueillis par les détenus. Dès que la corvée était terminée, il n’était pas rare de voir des détenus ramasser les épluchures.
159Nombre de détenus se sont présentés de leur propre gré au travail. Les autorités allemandes les ont « embauchés » ou bien pour l’Organisation « Todt » (travaux en dehors du camp) ou bien pour la bonne marche du camp (à l’intérieur du camp). Ils avaient besoin dans les deux cas de travailleurs-spécialistes : maçons, menuisiers, électriciens, serruriers, etc. Ils avaient également besoin de garde-magasins et d’hommes à tout faire. Les détenus affectés aux travaux dans le cadre de l’Organisation Todt » (travaux de terrassement, tranchées anti-chars, constructions de barrage pour déviation de cours d’eau, inondation, etc.) partaient en camions le matin pour ne revenir que le soir. Ceux qui travaillaient à l’intérieur du camp étaient également occupés toute la journée. Les uns et les autres ne vivaient la vie d’internés qu’à partir de l’appel du soir. Les détenus juifs n’étaient pas admis à exécuter des travaux à l’extérieur du camp.
160Les petits artisans qui avaient emporté leurs instruments de travail (coiffeurs, cordonniers, horlogers, tailleurs, etc.) continuaient d’exercer leurs métiers. Ainsi s’organisaient spontanément les métiers les plus indispensables à la population du camp. Ce phénomène était caractéristique de tous les secteurs (camps « A », « B » et « C ») de Compiègne [99].
161(à suivre).
162A.R./A.R.
Date de mise en ligne : 03/01/2021
Notes
- (*)Chapitre 1er — « L’emplacement et le cadre du camp »
Cet ouvrage a été préparé avec l’aide de la Memorial Foundation for Jewish Culture (New York), il fait partie de la série : « Camps d’internement pour Juifs en France pendant la Deuxième Guerre mondiale ». - (1)André Poirmeur, Compiègne (1939-1945), chez l’auteur, Compiègne, 1968, p. 103.
- (2)Archives du Centre de Documentation Juive Contemporaine à Paris (par la suite C.D.J.C.), XXV b-18. Lettre d’Eichmann à Helmut Knochen du 18 mars 1942 ; XLIII-I. Lettre du chef de l’administration militaire du 18 mars 1942 ; XXVI-34. Lettre du 27 juin 1942 ; XXVI-2. Lettre du 21 décembre 1941.
- (3)La Croix-Rouge Internationale, l’institut de Recherche AROLSEN, février 1969, p. 465.
- (4)Michel Lacour-Gayet, Un déporté comme un autre (1943-1945), S.P.I.D., Paris, 1946, p. 41 ; A. Poirmeur, op. cit., p. 104.
- (5)Procès Eichmann, à Jérusalem, doc. n° 1381, p. 32.
- (6)Roger Berg, La persécution raciale (recueil de documents), Paris, 1946, p. 103.
- (7)Jean-Jacques Bernard, Le camp de la mort lente, Paris, 1946, pp. 62-71.
- (8)De l’Université aux camps de concentration. Témoignages strasbourgeois. Témoignage de Louis Gery, Paris, 1954, p. 41 ; Michel Lacour-Gayet, op. cit., pp. 76-78.
- (9)Georges Wellers, Prélude aux déportations des Juifs de France. Les arrestations massives du 12 décembre 1941 à Paris, « Le Monde Juif », n° 14 (décembre 1948) et n° 15 (janvier 1949), p. 13.
Georges Wellers, ancien détenu du camp de Compiègne (du 12-13 décembre 1941 au 3 avril 1942 et du 29 avril au 23 juin 1942) est l’auteur de la première étude sur le camp de Royallieu à Compiègne.
(9 a) Michel Lacour-Gayet, op. cit., pp. 76-78; J.-J. Bernard, pp. 62-71; De l’Université aux camps de concentration, op. cit., témoignage de Louis Géry ; Georges Wellers, L’étoile jaune à l’heure de Vichy, Fayard, Paris, 1973, pp. 106 et 107 ; La Persécution raciale, op. cit., p. 104. - (10)Robert Masset, A l’ombre de la croix gammée, Argenton-sur-Creuse (Indre), 1949, p. 44 ; André Poirmeur, op. cit., p. 104.
- (11)Arch. C.D.J.C., XXV b-55. Notice de Théodor Dannecker du 8 juillet 1942 à Kurt Lischka. On peut supposer que Dannecker parle ici de 6.000 internés juifs. La persécution des Juifs en France et dans les autres pays de l’Ouest présentée par la France à Nuremberg. Recueil de documents publiés sous la direction de Henri Monneray, Ed. du Centre, Paris, 1947, p. 144.
- (12)A. Alpérine, L’un des trente-six, Ed. Kyoum, Paris, 1946, p. 4.
- (13)Georges Wellers, Prélude aux déportations des Juifs de France, op. cit., « Le Monde Juif », n° 15 (janvier 1949) ; du même auteur, L’étoile jaune à l’heure de Vichy, Fayard, Paris, 1973, p. 107.
- (14)La persécution raciale, op. cit., p. 106.
- (15)Ce document est publié par G. Wellers dans « Le Monde Juif », n° 14 (décembre 1948), p. 8 (Prélude aux déportations).
- (16)Ibidem.
- (17)« Presse Nouvelle » (yiddish), Paris, du 23 mai 1972 (n° 116), p. 4.
- (18)La Croix-Rouge Internationale, L’Institut de Recherche AROLSEN, février 1969, p. 465.
- (19)Chapitre 2. — « Le caractere et le role du camp »
Arch. C.D.J.C., CDXCV-8, p. 5 (1148). « Das Lager Compiègne wurde als ständiges Konzentrationslager für aktive feindliche Elemente eingerichtet. » - (20)Arch. C.D.J.C., CDXCV-9, p. 2. Rapport sur la situation pour les mois de décembre 1941 et de janvier 1942. Le commandant militaire allemand en France. Outre cette mesure, le couvre-feu a été avancé dans le département de la Seine à 17 heures du 4 janvier - 5 janvier 1942.
- (21)Arch. C.D.J.C., CDXCV-11, p. 14 (197).
- (22)Arch. C.D.J.C., XXVI-5.
- (23)Arch. C.D.J.C., IV-180. Lettre secrète du commandant militaire en France du 10 février 1942 ; G. Wellers, Prélude aux déportations, « Le Monde Juif », n° 15, pp. 13-15.
- (24)Procès Eichmann, sténogramme de l’audience n° 32 du 9 mai 1961 ; G. Wellers, op. cit., p. 15.
- (25)Arch. C.D.J.C., IV-186.
- (26)Procès Eichmann, audience n° 33 du 9 mai 1961.
- (27)Arch. C.D.J.C., IV-186.
- (28)Arch. C.D.J.C., IV-187 ; Rf-1212. Cette lettre est signée « par ordre » par le Dr Ernst.
- (29)Doc. de Nuremberg, Rf-1213 et Arch. C.D.J.C., IV-187. Dannecker, dans sa réponse, il se réfère à son entretien avec M. KVA Nährich lors de la conférence hebdomadaire du mardi, le 27 janvier 1942.
- (30)Procès Eichmann, audience n° 32. Déposition de Georges Wellers.
- (31)Arch. C.D.J.C., CII-47.
- (32)Archives Nationales de France (par la suite : A.N.F.), F/9/5579 ; A/IV a, pp. 11-19. Journal de Georges Kohn ; J.-J. Bernard, op. cit., p. 148.
- (33)Arch. C.D.J.C., XXVII-3 et IV-171. Lettre du commandant militaire allemand en France (Etat-major administratif, section administration) au commandant du Grand-Paris (état-major administratif) en date du 20 décembre 1941.
- (34)Chapitre 3. — « Les effectifs du camp »
Christian Bernadac, Le train de la mort, op. cit., p. 331. Diagramme. - (35)Arch. C.D.J.C. XXVI-4. Lettre du commandant militaire allemand en France du 20 décembre 1941 ; Arch. C.D.J.C., IV-178. Lettre du commandant militaire en France du 22 janvier 1942 ; G. Wellers, op. cit., « Le Monde Juif » n° 15, pp. 13 et 14.
- (36)J.-J. Bernard, op. cit., pp. 29, 30 et 87. « Une bonne moitié portait le ruban d’ancien combattant, la Croix de guerre ou la Légion d’honneur » (p. 85).
- (37)Arch. C.D.J.C., XXVI-4. Lettre du commandant militaire en France du 20 décembre 1941.
- (38)Arch. C.D.J.C., IV-178. Lettre du 21 janvier 1942.
- (39)J.-J. Bernard, op. cit., pp. 95 et 96 ; G. Wellers, L’Etoile jaune à l’heure de Vichy, op. cit., p. 380 ; A. Poirmeur, op. cit., p. 117.
- (40)G. Wellers, ibidem, p. 380.
- (41)
- (42)Arch. C.D.J.C., CCCXCV-8. Lettres du commandant militaire en France des 19 et 21 décembre 1941; XXVI-3 ; IV-171.
- (43)Arch. C.D.J.C., IV-196. Télégramme du commandant militaire en France du 1er mai 1942 au commandant du camp de Compiègne ; Rapport d’exécution du chef de district militaire (France Nord-Ouest) du 15 mai 1942.
- (44)Arch. C.D.J.C. Liste de déportation n° 4 (XXV b-40 et XXVI-31) ; Liste de déportation n° 5 (XXV b-4 et XXVI-31). Voir aussi : Adam Rutkowski, Les déportations des Juifs de France vers Auschwitz-Birkenau et Sobibor », « Le Monde Juif », n° 57-58 (janvier-juin 1970), pp. 54-55. Tableaux.
- (45)Arch. C.D.J.C. CCXVI-66. Témoignage du docteur Abraham Drucker.
- (46)Jacques Delarue, Trafics de crimes sous l’occupation, Fayard, Paris, 1968, pp. 235-274. La destruction du Vieux-Port de Marseille (troisième partie).
- (47)Ibidem., p. 253.
- (48)Ibidem., p. 260.
- (49)Ibidem., pp. 258-260 et 267.
- (50)Ibidem., pp. 261, 262 et 267.
- (51)Arch. C.D.J.C., XXV c-218 a. Lettre de Heinz Rothke du 10 mars 1943.
- (52)Arch. C.D.J.C., IV-169. Rapport du commandant du camp de Compiègne, le capitaine Rollin, du 20 décembre 1941, adressé au commandant de la Sipo/SD en France (à l’attention de Dannecker).
- (53)A.N.F., F 9/5579/9/IV a, p. 16.
- (54)Ibidem.
- (55)A. Poirmeur, op. cit. ; G. Wellers, L’étoile jaune à l’heure de Vichy, op. cit., pp. 106-121.
- (56)Arch. C.D.J.C., CVIII-9 ; A.N.F., 59/5579/A/IV a, pp. 16 et 17 (Journal de Georges Kohn) ; A. Poirmeur, op. cit., p. 118.
- (57)Arch. C.D.J.C., V b-18. Télégramme d’Eichmann à Helmut Knochen du 8 mars 1942.
- (58)Arch. C.D.J.C., IV-182. Lettre du commandant militaire en France au commandant militaire du Grand-Paris du 28 février 1942.
- (59)Arch. C.D.J.C., XXVI-15. Télégramme n° 3418 de T. Dannecker au R SH.A. (Berlin) du 26 février 1942 ; G. Wellers, Prélude aux déportations…, op. cit., « Le Monde Juif », n° 15, pp. 17 et 18 (tableau).
- (60)Arch. C.D.J.C., IV-195. Lettre de la direction du Service de Transport (section chemin de fer) de la Wehrmacht en France du 24 mars 1942, adressée au commandant de la Sipo/SD (IVJ) en France.
- (61)« Hefte von Auschwitz » (Cahiers d’Auschwitz), n° 3, 1960, p. 54. Calendrier des événements rédigé par Danuta Czech, Oswiecim, 1960.
- (62)Arch. C.D.J.C., XXV c-16.
- (63)Arch. C.D.J.C., IV-190 et 191 : XXVI-1I.
- (64)Arch. C.D.J.C., IV-195. Lettre de Pelzer et la réponse de Nährich (du 30 avril 1942).
- (65)Arch. C.D.J.C., XXV b-32 et 67 ; « Hefte von Auschwitz », n° 3, p. 62. Calendrier des événements ; Le procès de Rudolf Hoess, commandant du camp d’Auschwitz, tome 6, p. 15.
- (66)Arch. C.D.J.C., CCXVII166. Témoignage du Dr A. Drucker.
- (67)G. Wellers, L’étoile jaune…, op. cit., p. 121.
- (68)« Herfte von Auschwitz », n° 3, p. 69 (Oswiecim, 1960). Calendrier des événements ; Arch. C.D.J.C., CXVII-66. Témoignage du Dr A. Drucker ; A. Poirmeur, op. cit., p. 136.
- (69)Arch. C.D.J., CCXVI-66.
- (70)G. Wellers, L’étoile jaune…, op. cit., pp. 176-180.
- (71)Arch. C.D.J.C., XXV c-218 a. Lettre de Röthke du 10 mars 1943 au préfet de police à Paris ; Ch. Bernadac, op. cit., p. 332 ; voir aussi Arch. C.D.J.C., XLVI a-54.
- (72)Arch. C.D.J.C., Liste de déportation n° 52 du 23 mars 1943. Cette liste nominative comprend, entre autres, les rubriques : dernier domicile et nationalité ; Arch. C.D.J.C., XLVI a-60. Annotations manuscrites de Rothke du 13 mars 1943.
- (73)Arch. C.D.J.C., Liste de déportation n° 47 du 11 février 1943.
- (74)Archives du Ministère des Anciens Combattants (par la suite M.A.C.) à Paris, listes d’arrestations (L-A) n° 9806 et n° 9808 ; G. Wellers, L’étoile jaune…, op. cit., pp. 176-180 ; Arch. C.D.J.C., CCXVI-66; CCLXXVII-4.
- (75)A. Poirmeur, op. cit., p. 136.
- (76)
- (77)Chapitre 4. — « Structure et administration du camp »
Pierre Chaplet, Häftling 43485, Ed. Chariot, Paris, 1947. L’auteur est un avocat, il devait donc distinguer la Wehrmacht des S.S. ; Arch. C.D.J.C., IV-195, IV-191. Lettre de Pelzer au commandant militaire en France du 27 janvier 1942 ; IV-185. Lettre de la Croix-Rouge française à Nährich du 5 janvier 1942. - (78)Arch. C.D.J.C., XXVI-3.
- (79)Procès Eichmann à Jérusalem, document n° 1381, p. 32.
- (80)A. Poirmeur, op. cit., p. 105 ; Pierre Chaplet, op. cit. ; André Tollet, Le souterrain, Ed. Sociales, Paris, 1974, pp. 111 et 112; Youki Desnos, op. cit., p. 220; Arch. C.D.J.C., CCXVI-66 ; Témoignage du Docteur A. Drucker, « Les deux sous-officiers chargés du camp juif, s’appelaient Schubert et Kraus, deux brutes infâmes qui passaient leur temps à frapper, à vociférer et à nous rendre la vie intenable ».
- (81)André Tollet, op. cit., p. 113 ; Robert Masset, A l’ombre de la croix gammée, Imprimerie Langlois, Argenton-sur-Creuse (Indre), 1949, p. 45 ; Michel Lacour-Gayet, Spid., Paris, 1946, pp. 78-80.
- (82)Louis Martin-Chauffier, L’homme et la bête, Gallimard, Paris, 1947, pp. 71 et 73.
- (83)Robert Masset, op. cit., p. 45.
- (84)Michel Lacour-Gayet, op. cit., pp. 78-80 ; Marc de Guillaume, Hors de la vie. Journal d’un déporté, Fasquelle, Paris, 1946, p. 67.
- (85)Robert Masset, op. cit., p. 45 ; J.-J. Bernard, op. cit., p. 63.
- (86)Louis Martin-Chauffier, op. cit., pp. 71 et 73.
- (87)J. Thosac, Missionnaires et Gestapo, Paris, 1945, p. 40.
- (88)Ibidem., pp. 63 et 130. « Vers la fin de février 1942, je devins chef de chambrée ».
- (89)Témoignage de Paul Hagenmuller dans le recueil : De l’Université aux camps de concentration, op. cit., p. 4 ; Robert Masset, op. cit., p. 53.
- (90)J.-J. Bernard, op. cit., p. 111 ; Pierre Chaplet, op. cit., p. 98 ; Michel Lacour-Gayet, op. cit., pp. 62 et 83 ; Robert Masset, op. cit., p. 48.
- (91)Michel Lacour-Gayet, op. cit., p. 81.
- (92)J.-J. Bernard, op. cit., pp. 72, 123 et 216 ; G. Wellers, op. cit., pp. 107, 109, 110 et 111 ; A. Tollet, op. cit., p. 117.
- (93)Masset, op. cit., p. 51 ; M. Lacour-Gayet, op. cit., p. 81 ; R. Franqueville, op. cit., p. 58 ; J.-J. Bernard, op. cit., p. 166.
- (94)A.N.F., F 9/5579/A/IV a, pp. 11-19; Procès Eichmann, audience n° 32 du 9 mai 1961.
- (95)M. Lacour-Gayet, op. cit., p. 82 ; Youki Desnos, op. cit., p. 224 ; L. Martin-Chauffier, op. cit., p. 172; R. Chaplet, op. cit., p. 99; G. Wellers, op. cit., p. 112; Arch. C.D.J.C., CCXVI-66. Témoignages du Docteur A. Drucker.
- (96)A. Poirmeur, op. cit., pp. 104, 118 et 119 ; R. Franqueville, op. cit., pp. 56, 57 et 67 ; A. Tollet, op. cit., p. 71.
- (97)A. Poirmeur, op. cit., p. 116 ; L’un des trente-six, « Kyoum », Paris, 1946, pp. 4 et 5 ; L’article de A. Alpérine, M. Alpérine, transféré de Compiègne à Drancy, d’où il fut libéré fin 1942. Rentré à Paris, il travailla avec David Rapoport à la direction de l’office rue Amelot à Paris. Il a survécu, et, en 1946, il a écrit un éloge à David Rapoport, arrêté le 1er juin 1943, déporté en octobre 1943 à Auschwitz et mort en déportation.
- (98)J.-J. Bernard, op. cit., p. 125.
- (99)R. Franqueville, op. cit., pp. 57 et 58 ; J. Thosac, op. cit., p. 44 ; M. Lacour-Gayet, op. cit., pp. 78, 85 et 86 ; R. Masset, op. cit., p. 51 ; J.-J. Bernard, op. cit., p. 84.