Pour avancer sur ce chemin des mots me vient à l’esprit ce groupe de psychothérapie au centre de détention de La Rivière des Galets, à la Réunion, où un participant, enseignant de son état, ne peut s’y risquer que porteur de livres et de cahiers. Pour lui, c’est protecteur, et les autres participants vont s’approprier l’idée. À chaque nouvelle rencontre, un participant de plus s’accompagne de livres et d’écrits ; des écrits sur une belle page blanche ou sur une feuille arrachée à un carnet. Le contenu de ces écrits n’est pas lu, il est transmis dans les intermoments du groupe. Il témoigne d’un événement ou de leur dernier rêve. Cette protection par l’écrit crée une sorte d’apaisement, comme une apesanteur. Ce temps de suspension est toujours émouvant. C’est le passage du sujet qui, d’agi, devient celui qui crée, qui recrée son histoire en s’appropriant les mots : la feuille, le crayon, les mots pour retrouver l’intime de soi.
Fermons pour l’instant la porte sur ce groupe. Il ne nous appartient pas de juger la qualité littéraire de ces écrits. C’est le processus psychologique sous-jacent qui nous questionne.
S’agit-il d’un simulacre : « Faire comme si… » ? S’agit-il de sublimation ? S’agit-il d’art ?
L’enjeu – à savoir passer de la sensation, de l’émotion, au mot – serait-il le début d’un acte créatif ?
Les participants à ce groupe sont détenus pour violences sexuelles, mais notre réflexion concerne tous les types de violence criminelle. Violences agies / violences subies ; je ne reviens pas sur la clinique des actes criminels comme issus de chaînes événementielles qui scandent les psychotraumas de l’existence…