Henri-Pierre Bass : Vous avez publié récemment un ouvrage intitulé Le Désir de détruire. Comprendre la destructivité pour résister à la violence terroriste (2021). Pensez-vous que l’on puisse vraiment comprendre la destructivité ?Daniel Oppenheim : Nous devons essayer… pour ne pas la subir et pour aider ceux qui auraient été tentés de la mettre en acte à ne pas le faire.H.-P. B : Je vous pose cette question parce que, dans la conception freudienne, il y a un plaisir lié à la destructivité. La somme de plaisir est-elle plus forte que le mal ?D. O. : En général, c’est le cas. Mais il existe toujours un équilibre fragile entre pulsion de vie et pulsion de mort. La destructivité est un élément de la pulsion de mort, et il est important de comprendre pourquoi, chez certains et à certains moments, et dans un certain contexte, cet équilibre bascule dans la pulsion de mort et la destructivité en actes. Ce n’est pas le « tout ou rien », il y a des gradations et des pauses, des moments où il est possible de mettre une limite et de faire basculer l’évolution dangereuse dans l’autre sens.H.-P. B : Vous auriez donc une vision malgré tout optimiste ? J’évoque cela parce que Hannah Arendt, en 1963, a écrit un ouvrage sur la banalité du mal, dans lequel elle proposait une vision beaucoup plus pessimiste, surtout après l’univers concentrationnaire nazi.D. O. : Il existe des moments dans l’histoire des sociétés où la destructivité en actes s’empare des masses et s’étend dans de larges couches de la société, comme ce qui se voit dans les génocides, les massacres, les pogroms par exemple…