Inviter quelqu’un à vivre un moment d’hypnose, c’est l’inviter à faire l’expérience d’une réalité différente de celle qui lui est immédiatement donnée et, possiblement, à la transformer : « créer le réel », (Melchior, 1998) et « s’ouvrir à une possibilité de [le] façonner autrement » (Bioy, 2017). Comment ces potentialités sont-elles mises en jeu en psychothérapie ? Sur quelles bases repose la réalité hypnotique ainsi construite ? Et comment ce qui se joue dans cette réalité peut-il modifier l’existence d’un patient ? Trois situations cliniques permettront d’avancer des éléments de réponse à ces questions.
Madame Rose a une cinquantaine d’années. Sa mère, personnalité difficile aux comportements autodestructeurs et tyranniques, est décédée au terme d’une longue déchéance voici maintenant quinze ans. Mais sa figure vient régulièrement tourmenter madame Rose : colère, dégoût, tristesse, honte et culpabilité jalonnent ce deuil difficile.
Alors que le sujet de sa mère revient dans nos échanges, je demande à madame Rose si elle serait d’accord pour la « convoquer » dans le cadre d’une séance d’hypnose. Après un temps de surprise accompagnée d’une pointe d’effroi, la patiente se dit prête à cette convocation qui semble l’intriguer. Je quitte alors le fauteuil qui lui fait face pour m’installer sur une chaise, en position latérale, à mi-distance des deux autres sièges ; et je convie madame Rose, dont j’accompagne l’entrée en transe hypnotique, à « installer » sa mère, en imagination, à la place laissée libre pour l’accueillir…