Chaque culture a créé ses rituels pour accompagner les mourants, les morts et les processus de deuil. Cependant, dans nos pratiques de thérapeutes, nous sommes fréquemment confrontés à la présence discrète mais pesante de certains membres de la famille disparus, qui ne sont pas évoqués explicitement, même s’il s’avère qu’ils conservent une fonction incontournable, donnant le sentiment que « la mort n’est pas une fin ».
Le thérapeute se trouve alors à la croisée de deux chemins : contourner des émotions indicibles et inguérissables et douloureuses, ou au contraire expliciter l’absence actuelle de ces tiers qui reste lourde au-delà de leur mort, et donner et accueillir, puis travailler les émotions – le désespoir, la colère, la culpabilité, etc. – retenues jusque-là.
Pourquoi un tel titre « La place cachée du mort ? » Bien sûr, la place des absents est un thème que j’ai développé depuis des années (Goldbeter-Merinfeld, 2017), mais mon sentiment est que cette réponse donnée six semaines après le décès de mon frère Georges a une autre composante. En effet, Georges, né en mai 1940, fut un enfant caché dans une famille aimante, de ses deux ans à cinq ans, par mes parents juifs, communistes et résistants actifs. Revenu chez mes parents à la fin de la guerre, il se sentit perdu devant ces personnes qui avaient activement milité à un moment où, habituellement, l’on construit son rôle de parents, et qui ne savaient comment répondre à ce garçonnet de cinq ans qui pleurait « son papy et sa mamy »…