« Les voyages forment la jeunesse », nous disait Michel de Montaigne dans son essai De l’institution des enfants (1888). En effet, si, dès la fin du xviiie siècle, le voyage devient l’un des moyens privilégiés pour parfaire l’éducation des jeunes issus des classes dominantes – ce que les Anglo-Saxons appelaient le « Grand Tour » –, la jeunesse d’aujourd’hui continue d’expérimenter le voyage comme un outil qui permettrait de « se découvrir ».
Ces jeunes correspondent en grande partie à la figure du « backpacker » ou « voyageur pédestre », une population qui fait l’objet, depuis plusieurs années, de recherches scientifiques, notamment dans le champ du tourisme. Ils voyagent généralement sur un assez long terme, indépendamment des univers scolaires ou familiaux, et relèvent plus de ce que Olivier Galland (2002) nomme la « troisième jeunesse » (population ayant entre 18 et 25 ans, voire plus).
Mais comment est apparue cette catégorie de voyageurs ? Et quelles sont leurs motivations ?
Si leurs mouvements s’apparentent aux errances de la Beat Generation, illustrée dans le célèbre On The Road de Jack Kerouac (1957) ou aux voyages initiatiques inhérents au mouvement hippie, le « backpacking » semble prendre racine dans le Grand Tour du xviiie siècle en Europe.
En effet, à la différence du mouvement hippie où le voyage revêt un objectif collectif et une volonté de changer le monde, le Grand Tour, bien qu’énoncé comme un rituel de passage institué par les classes dominantes, représente déjà une aventure personnelle parsemée de transgressions et de prises de risques (Chard, 1999)…