« Vous devez dire, mais personne ne vous donne la parole. » Cette phrase, titrant cet article, signe la logique paradoxale décrite par Gregory Bateson (1977), qui énonce dans une même sentence une affirmation et son contraire, a été prononcée par une femme en situation de demande d’asile. Madame B a résumé ce que de très nombreux, pour ne pas dire tous, demandeurs d’asile vivent.
Un paradoxe à rendre confus, à rendre fous, à n’y rien comprendre. « Vous devez dire ! “Vous devez tout dire !” » est un impératif, une injonction, malgré les traumatismes, les douleurs, les reviviscences ; mais on ne vous écoutera pas parce qu’on ne vous laissera pas la possibilité de vous exprimer en langue d’origine, pas de justesse, pas de justice dans le discours.
Le ton est donné, cet article est un nouveau cri d’alerte, d’une situation violente et inacceptable dans un pays comme la France qui est censée protéger ceux qu’elle accueille. Ce texte est aussi le fruit du travail d’accompagnement auprès d’un groupe de femmes à la Maison d’Ella et de supervision dans certains cada (centre d’accueil de demandeurs d’asile) de la Cub (Communauté urbaine de Bordeaux).
L’obligation de parler, de dire les multiples traumatismes pour obtenir le droit à l’asile se heurte à une question d’incompréhension langagière avec l’impossibilité de communiquer avec les interlocuteurs qui sont en charge de l’évaluation du dossier. Cette difficulté constitue pour nous le point de départ de ce texte et non son aboutissement…