Si la différence des sexes n’est plus la différence princeps, celle à partir de laquelle l’être humain se confronte à l’altérité, qu’est-ce qui peut venir porter pour les « parlêtres », les êtres de langage que nous sommes, le manque qui s’instaure de notre rapport au langage ? et quelle part reste à l’anatomie dans notre destin ?
Il est permis de penser que nous sommes – dans nos pays occidentaux, en tout cas – à un moment particulier de notre histoire. Voici encore quelques dizaines d’années, le patriarcat et le modèle pyramidal religieux organisaient notre monde commun. Aujourd’hui, les deux sont devenus obsolètes. S’ensuit une nouvelle façon d’aborder les questions cruciales quant à ce qu’on appelle désormais le « vivre ensemble ». Parmi elles, celle de la différence des sexes. Le travail de Françoise Héritier l’a bien mis en évidence, hier encore la différence des sexes était abordée au travers de la domination masculine. Le vœu d’égalité démocratique est évidemment venu ébranler ce que l’anthropologue appelait « ce rapport d’inégalité qui n’est pas biologiquement fondé, preuve s’il en est que tout système de parenté est une manipulation symbolique du réel, une logique du social » (Héritier, 1996). C’est cette même exigence d’égalité qui nous contraint à mettre en place l’égalité parentale et, du même coup, à soutenir les revendications légitimes des femmes mères. Nous sommes donc désormais obligés d’intégrer que les rôles sociaux d’homme et de femme, de père et de mère qui hier allaient de soi, valaient surtout comme productions culturelles et ne relevaient nullement d’une quelconque distribution naturelle…