1La santé mentale des femmes, sujet sociétal fondamental, se situe au croisement entre le féminisme et la santé mentale, thèmes abordés dans le numéro de ce mois. De plus, la Journée internationale des femmes, le 8 mars dernier, a constitué l’occasion de nous rappeler combien il reste à faire pour l’égalité des femmes et des hommes en termes de bien-être psychologique, de qualité de vie et d’accès aux prises en charge médicales, psychologiques et sociales.
2Il existe de nombreux écarts femmes / hommes en matière de santé mentale : une prévalence inégale pour la plupart des troubles mentaux, des taux de consommation de psychotropes et de consultation différents, etc. Parmi ces divergences femmes / hommes, lesquelles sont acceptables et lesquelles constituent un problème qu’il faut résoudre ? Qu’est-ce qui, de la biologie et-ou de la culture, détermine de telles disparités ? Plusieurs acteurs se sont positionnés à cet égard.
3En 2000, l’Organisation mondiale de la santé avance un argument socio-économique et affirme que les multiples rôles que les femmes sont amenées à occuper, ainsi que le poids des nombreuses responsabilités qu’elles endossent, les exposent davantage à des problèmes de santé mentale.
4Dans leur ouvrage Va te faire soigner, t’es malade !, publié dans les années 1980, c’est aux préjugés du système de santé que les psychologues et anthropologues canadiennes, Louise Guyon, Roxane Simard et Louise Nadeau, s’en prennent. À l’issue d’une recherche empirique, elles ont constaté que la façon dont le système de santé perçoit les femmes influence grandement le type et la formulation du diagnostic, ainsi que les modalités de prise en charge, particulièrement en matière de santé mentale. Elles estiment que les professionnels, cliniciens et chercheurs, femmes comme hommes, participaient à ce système inégalitaire par leurs représentations liées au genre.
5Alors qu’il est bien établi qu’hommes et femmes présentent des particularités biologiques dont la recherche médicale et pharmacologique doit tenir compte, de nombreuses études sont effectuées avec un échantillon uniquement masculin ou sont publiées sans préciser l’effet du sexe sur leurs résultats. Ainsi, à travers la littérature scientifique, c’est souvent le sexe et le genre masculin qui sert de référence pour le soin des femmes. C’est déjà ce que dénonce, en 1991, Bernadine Healy, cardiologue américaine. Et c’est ce que rappellent les chercheures américaines et canadiennes, Janine Austin Clayton et Cara Tannenbaum, dans leur lettre ouverte publiée en 2016 dans le Journal of the American Medical Association, soit vingt-cinq ans après !
6En France, l’Inserm a mis en place, en 2014, au sein de son comité d’éthique, un groupe de réflexion intitulé « Genre et recherches en santé », dont l’objectif est de favoriser une meilleure prise en compte du sexe, du genre, des rôles sociaux et du contexte culturel dans les travaux de recherche. Il s’agit ainsi de lutter contre les discriminations qui touchent les femmes dans les domaines de la santé, et notamment de la santé mentale.
7De nombreuses voix provenant des milieux associatifs ou professionnels militent encore aujourd’hui pour un système de santé qui prenne mieux en compte les différences entre les femmes et les hommes et veillent à ne pas entretenir des préjugés nuisibles pour la santé physique et mentale des femmes. Et dans cette démarche, les psychologues sont partie prenante, tant dans le cadre de leurs activités de recherche que dans celui de l’accompagnement et du soin psychique.
8Nous espérons que ce numéro participera activement à cet effort collectif.