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Article de revue

Le numérique comme nouvel outil psychothérapeutique

Pages 52 à 57

Note

  • [1]
    Définition tirée de celle proposée par l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei).
  • [2]
    Classe pour l’inclusion scolaire destinée aux élèves dont la situation de handicap procède de troubles des fonctions cognitives ou mentales.
  • [3]
    Unité localisée pour l’inclusion scolaire, qui est l’équivalent de la clis, mais au sein d’un collège.

1Partir du principe que la déficience intellectuelle peut être abordée par un prisme autre que celui du handicap pousse le clinicien à chercher constamment de nouvelles pistes pour comprendre comment ces carences peuvent s’exprimer, mais aussi des supports novateurs pour leur permettre de le faire. « Imovie » est l’un d’eux, et son apport dans le cadre du suivi thérapeutique d’Amine, un jeune garçon de neuf ans, en témoigne.

2Ma démarche de recherche de nouveaux outils de prise en charge psychothérapeutique est venue de ma pratique de psychologue au sein d’un service d’éducation et de soins spécialisés à domicile (sessad) pour enfants et adolescents présentant une déficience intellectuelle. En effet, en me basant dans un premier temps sur les histoires familiales de mes patients, j’ai retrouvé les notions d’autonomie et d’hétéronomie que j’ai pu développer dans un précédent article (Villetorte, 2007). De ce constat, il devenait intéressant de s’interroger sur ce qu’il y a en amont de ces concepts, c’est-à-dire de se demander quelles sont les causes possibles des carences liées à l’autonomie et à l’hétéronomie. L’analyse des histoires familiales montre clairement des carences affectives primaires ou secondaires chez la majorité de ces enfants dès leur plus jeune enfance. Afin de comprendre les influences possibles de ces carences, j’ai fait le choix de me centrer sur ce que Donald W. Winnicott a appelé « l’objet trouvé-créé » (Winnicott, 1971).

3De même, en aval, mon questionnement consistait à savoir de quelles manières ces carences pouvaient s’exprimer. Mon sentiment était que l’expression de ces différences se traduisait par une pathologie qu’il devait être possible d’observer concrètement sur le terrain. C’est pourquoi je me suis penché plus particulièrement sur les troubles de la personnalité qui semblaient être de bons indicateurs de cette symptomatologie.

La déficience intellectuelle comme mécanisme de défense…

4Les différentes évaluations menant à un diagnostic de déficience intellectuelle ne donnent pas seulement des informations sur les limites d’une personne, mais aussi sur ses compétences.

5La déficience intellectuelle comporte de multiples facettes, et en donner une définition est complexe. Mais l’on peut dire qu’elle implique deux composantes essentielles, liées à l’âge biologique et à la culture sociale :

  • un fonctionnement intellectuel nettement en dessous de la moyenne et qui apparaît dès les premières années de vie ;
  • une difficulté marquée d’adaptation aux exigences culturelles de la société.

6Pour qu’une personne soit « considérée » comme porteuse d’un handicap mental, il faut qu’elle présente à la fois une altération du fonctionnement intellectuel et du comportement adaptatif [1].

7À ce propos, l’hypothèse d’un retard d’origine affective est apparue clairement pour la première fois avec les travaux de René A. Spitz (1948), qui a démontré que la perte de la mère pouvait induire chez le nourrisson des perturbations physiques et mentales. En France, les travaux de Michel Hurtig (1969) sur les capacités de récupération d’enfants issus de l’Assistance publique présentant un retard dans le développement de leurs capacités intellectuelles, et de Nathalie Loutre du Pasquier (1981) sur le devenir d’enfants abandonnés, approfondissent les analyses de René A. Spitz. L’erreur à éviter, lors de telles recherches, est de confondre effet et cause. Des facteurs d’ordre affectif sont probablement à l’origine de certaines déficiences intellectuelles. Mais les troubles affectifs peuvent être aussi la conséquence de cette déficience et des réactions des milieux familial et scolaire aux insuffisances de la personne.

8Trop souvent, la déficience intellectuelle est perçue sous l’angle du handicap. Il me semble intéressant de tenter de considérer cette déficience différemment. Nous avons montré que cette dernière, lorsqu’elle n’est pas organique, relevait massivement de graves troubles affectifs dans l’enfance. À ce propos, Boris Cyrulnik parle du « processus de résilience » :

9

« Les grands blessés de l’âme, les gueules cassées de la carence affective, les enfants battus et les adultes écorchés […] se tricotent […] la résilience. Elle n’est pas à rechercher seulement à l’intérieur de la personne ni dans son entourage, mais entre les deux, parce qu’elle noue sans cesse un devenir intime avec le devenir social. »
(Cyrulnik, 1996.)

10Dans le même courant de pensée, Gustave-Nicolas Fischer, quant à lui, parle d’un « ressort invisible » : « […] toute situation extrême, en tant que processus de destruction de la vie, renferme paradoxalement un potentiel de vie, précisément là où la vie s’était brisée […], le ressort invisible […] permet de rebondir dans l’épreuve en faisant de l’obstacle un tremplin, de la fragilité une richesse, de la faiblesse une force, des impossibilités un ensemble de possibles. » (Fischer, 1994.)

11Ces notions de résilience et de ressort invisible me semblent s’apparenter aux mécanismes en jeu dans la déficience intellectuelle. Il me paraît intéressant de considérer cette dernière comme un mécanisme de défense, certes coûteux, mais réussi. Devant les agressions subies, du fait d’un monde extérieur hostile, l’inhibition des mécanismes de pensée traduit la « victoire » de la pulsion de vie sur la pulsion de mort. Car, même si l’intelligence est inhibée, potentiellement, elle n’empêche en rien l’évolution des autres processus de développement.

Des supports numériques innovants

Intérêt thérapeutique

12Face à cette inhibition que nous venons d’évoquer, il est bien difficile pour les cliniciens que nous sommes d’aider ces enfants à dépasser leurs blocages, à bouleverser leurs mécanismes de défense.

13Après plus de dix ans de travail sur ces questions et grâce à l’émergence des nouvelles technologies d’information et de communication (ntic), un nouveau champ des possibles s’est ouvert pour la prise en charge de ces enfants. Il n’est plus à démontrer l’investissement, voire la fascination que le numérique et les écrans exercent sur eux.

14De ce fait, les notions d’alliance thérapeutique et d’investissement du patient se modifient. Il est effectivement plus facile « d’approcher » ces enfants, de les rencontrer et de tisser un lien de confiance et d’échange grâce à ces supports. Ils ont le plus souvent la surprise de voir que le « psy » ne va pas les contraindre à parler d’eux, à raconter leur semaine, à faire des dessins ou de la pâte à modeler comme ce fut le cas précédemment avec les autres psychologues qu’ils ont pu rencontrer. De ce qu’ils en disent, ils ont le sentiment que l’on s’intéresse véritablement à eux et qu’on leur propose enfin quelque chose pour eux, à leur portée, qu’ils ont le sentiment de connaître et de maîtriser. De ce fait, il est beaucoup plus aisé de créer cette alliance thérapeutique indispensable à tout travail psychothérapeutique, et qui pose les bases d’un investissement massif de l’enfant.

Le modèle Samr

15Afin de mieux comprendre les perspectives que peuvent proposer les supports numériques, Ruben Puentedura a construit le modèle Samr qui est une méthode permettant de mieux saisir la manière dont la technologie peut avoir un réel impact sur la prise en charge de nos patients. Ainsi, il permet d’envisager que l’intégration des ntic ne signifie pas d’utiliser la technologie à tout prix, mais qu’elle peut devenir un outil à visée thérapeutique très pertinent.

Le modèle Samr

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Le modèle Samr

Imovie : un support novateur

16Imovie est une application gratuite créée par Apple qui a pour vocation de monter, de modifier et de partager des vidéos. Ce logiciel, développé pour les particuliers, est reconnu pour sa simplicité et sa polyvalence. Pour ce qui nous concerne, tout est fait à partir d’un Ipad air, à savoir l’enregistrement de la vidéo, ainsi que le montage, sans avoir besoin de connaissances préalables ni de matériel supplémentaire.

Dispositif thérapeutique

17L’application Imovie, dans le travail de renarcissisation que nous proposons à nos patients, permet, dans un premier temps, d’identifier et de mettre des mots sur ses forces et ses faiblesses. Il permet également de les mettre en scène et donc de tenter de les symboliser, et ce, dans une optique éventuelle de transmission. L’objectif est d’exprimer ses enjeux internes, mais dans un souci « d’adressage » à l’autre. Au-delà de l’aspect purement thérapeutique, le patient obtient un produit fini, esthétiquement beau, et donc narcissiquement valorisant, qu’il peut choisir de montrer à ses proches.

18Mais il est important de préciser que ce n’est pas le support qui est le plus important, mais bien le processus qui est en jeu, ainsi que le lien transférentiel que cela va pouvoir créer entre le thérapeute et son patient.

19Une fois sur l’application « Imovie », nous sélectionnons le choix d’une bande-annonce. Il existe quatorze genres différents préenregistrés (action, documentaire, comédie romantique, cinéma indépendant, aventure, film d’horreur…). Ces modèles préintégrés comportent tous des visuels de transition entre les séquences vidéo, ainsi que les bandes son.

20Nous commençons donc par remplir les cases correspondant au générique (titre du film, acteurs, studio…).

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21Ensuite, nous passons au story-board, qui est le cœur du dispositif. Il se compose d’une succession de textes courts et de séquences vidéo de quelques secondes.

22Avant toute manipulation sur la tablette en elle-même, le travail thérapeutique en amont consistera à élaborer l’histoire à raconter, à mettre en perspective le sens que cette histoire a pour notre patient et à la formaliser. Et c’est à partir de cette matière que nous pourrons passer à l’écriture du texte des séquences.

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23Ensuite, il faudra déterminer comment mettre en scène et se mettre en scène pour donner un sens aux séquences vidéo. C’est un travail d’introspection difficile où il faut savoir s’exposer et retranscrire ses émotions. En fonction des situations, il m’est arrivé de travailler avec les jeunes sur un apport ou une création d’accessoires, afin d’aider à faire passer l’idée qu’il désirait transmettre.

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24L’enregistrement des vidéos se fait directement avec la caméra de la tablette, ce qui permet à la séquence filmée de pouvoir être directement visionnée et intégrée dans la bande-annonce.

25À chaque étape, nous pouvons visionner le rendu de la séquence, afin de vérifier si ce dernier correspond au désir du patient. Il est donc possible de refaire la même séquence autant de fois que nécessaire.

26À l’issue de l’enregistrement de la quinzaine de séquences vidéo, il est possible de regarder l’intégralité de la bande-annonce. Si elle correspond aux attentes de notre patient, nous allons faire un temps de reprise du travail accompli, afin de remettre en perspective notre objectif de départ, ainsi que le sens plus latent que ce travail a pu avoir pour lui.

Étude de cas

Anamnèse

27Amine a été pris en charge par le sessad lorsqu’il avait neuf ans. Il a vécu avec ses deux parents jusqu’à l’âge de trois ans. Son père est parti vivre à plus de deux cents kilomètres de lui lorsqu’il en avait cinq : il le voit parfois pendant les vacances scolaires, bien que ce lien tende à s’étioler complètement. Il a un demi-frère aîné qui a dix-neuf ans de plus que lui et qui est issu d’une première union de sa mère. Depuis la fin de ses études supérieures, ce frère travaille comme commercial dans différents pays et n’est donc que très peu présent physiquement. Malgré cela, il est très impliqué dans les décisions concernant son frère et est très identifié par Amine comme référence paternelle.

28Depuis la séparation de ses parents, sa mère travaille de nuit. Aussi, il a été décidé qu’Amine vivrait toute la semaine chez sa grand-mère maternelle qui habite à proximité et que sa mère viendrait le voir tous les soirs. Cette disposition durera pendant cinq ans, jusqu’aux dix ans d’Amine.

29Sa mère le décrit comme un enfant peureux, très inquiet, très sensible aux autres et aux séparations ; il est facilement submergé par l’émotion (il pleure, s’inquiète pour ceux qu’il laisse…).

Bilan psychologique

30Amine présente un indice d’efficience cognitive se situant entre 81 et 93. De ce fait, même s’il est en clis-1 [2] pour un retard important dans les apprentissages scolaires, nous ne pouvons pas véritablement dire qu’il présente une déficience intellectuelle.

31Malgré ses capacités proches de la moyenne des enfants de son âge, Amine semble posséder une mémoire de travail défaillante qui se manifeste par des difficultés à comprendre l’intérêt des apprentissages scolaires. Il aura donc tendance à se mettre en opposition ou en retrait dès qu’il sentira qu’il se trouve en difficulté ou dès que les efforts à fournir lui paraîtront trop importants. Cela a pour conséquence une tendance à suivre les autres sans prendre d’initiative : il n’arrive donc pas à s’engager de lui-même dans des actions, ce qui freine ses acquisitions.

32Au niveau psychoaffectif, Amine est un enfant qui fait de gros efforts pour essayer de se conformer à ce que l’on attend de lui. Il a un besoin impérieux de relations affectueuses, autant de la part de ses camarades que des adultes. Cela l’oblige à s’agiter, voire à être dans la confrontation dans les situations de groupe, afin de continuer à exister dans le regard des autres. De même, il manifeste de fortes angoisses d’être délaissé ou abandonné, ce qui l’oblige à toujours tester ses relations aux autres, afin de vérifier s’il peut faire confiance. Cependant, il se vit trop souvent comme « seul au monde », afin de pallier ses angoisses d’abandon. Ces dernières se manifestent toujours de façon massive et l’entravent toujours dans la découverte de choses nouvelles, tant dans son environnement que dans ses apprentissages.

Diagnostic

33Amine n’a présenté aucun problème biologique à la naissance. Les acquisitions (marche, parole, propreté) ont été opérantes sans difficultés notables. Il est décrit comme un bébé calme, qui se lie facilement aux autres : il ne présente pas de difficultés dans les comportements sociaux. De même, aucune difficulté particulière n’a été signalée au cours des trois années de maternelle.

34Il semblerait donc que le démarrage de ses troubles se situe lors de son passage à l’école primaire où il a fait deux cp avant d’accéder à une clis.

35On ne peut s’empêcher de faire le lien entre l’âge qu’il avait en entrant en primaire (pas encore six ans) et le déménagement du père très loin de chez lui (dans sa cinquième année). Cette situation se surajoute à celle déjà existante de sa mère qui l’oblige à vivre loin d’elle, chez sa grand-mère, et de son demi-frère qui est la plupart du temps absent pour des raisons professionnelles.

36De ce fait, on perçoit chez lui une grande difficulté à contenir ses désirs et ses pulsions. Cela se traduit par une agitation motrice importante et un besoin de sollicitation continuel. Il semble que cette agitation soit une façon pour lui de se défendre contre ses angoisses qu’il ne parvient pas, pour le moment, à mettre en mots. Cela laisse à penser qu’Amine lutte contre des mouvements dépressifs face à ses angoisses de séparation et de rupture du lien. Son impossibilité, à l’heure actuelle, à secondariser sa pulsion par un passage par le symbolique, l’incline à être dans un processus de répétition de son agitation motrice, ce qui ne permet pas d’apaiser sa souffrance psychique.

37Ce tableau semble bien correspondre aux observations et aux évaluations qui ont pu être conduites par les professionnels du sessad (éducateur, orthophoniste, psychomotricien, psychiatre et psychologue).

Prise en charge psychothérapeutique

38Ce n’est que lors de la troisième année de sa prise en charge psychothérapeutique que ce dispositif lui a été proposé. Amine est un enfant qui présente toujours un grand manque de confiance en lui. De ce fait, il manifeste davantage d’intérêt pour l’attention que l’on peut lui porter que pour le contenu des séances. C’est pourquoi, face à ma difficulté à pouvoir élaborer un réel travail thérapeutique avec lui, il était important de trouver un support qu’il puisse s’approprier pour parler de lui par lui.

39Notre objectif ici était donc double. Il me paraissait nécessaire, dans un premier temps, qu’il puisse prendre conscience de lui-même à travers une meilleure compréhension de son fonctionnement psychique et, dans un second temps, qu’il puisse sublimer son angoisse d’abandon à travers la production d’une bande-annonce digne d’une production hollywoodienne. Son adhésion à ce dispositif fut quasi instantanée.

40Notre travail s’est donc articulé autour de trois grands axes.

41Tout d’abord, nous sommes partis de lui et du sens que pouvaient avoir pour lui sa scolarisation en clis, ainsi que sa prise en charge par le sessad. Les notions de différence et de handicap ont été très douloureuses à aborder. Sa posture était de cliver la situation entre les autres qui sont en difficulté et lui pour qui, in fine, tout va plutôt bien. De ce premier travail a pu ressortir, dans l’après-coup, son désir de travailler sur ses forces et ses faiblesses. Même si l’on reste sur un processus très binaire, cela m’est apparu comme une bonne porte d’entrée vers une dynamique créative.

42Lors de la séance suivante, nous avons donc fait une liste sur papier avec ses points forts d’un côté et ses points faibles de l’autre ; à lui de tenter de se penser à travers cette catégorisation. Les premiers échanges ont été très laborieux, avec des notions qui apparaissaient comme très pauvres autour, essentiellement, du football pour les forces et des mathématiques pour les faiblesses. Par la suite a émergé, de façon aussi rapide qu’inattendue, la question de l’abandon. Il m’a signifié que, dans sa bande-annonce, il voulait que son personnage ait des superpouvoirs afin de protéger les gens. En allant un peu plus loin dans la réflexion, il a pu exprimer le fait qu’il voulait être celui qui protège sa famille et les gens qu’il aime. Je lui ai alors pointé cette notion de protection et lui proposait comme interprétation qu’il désirait peut-être protéger sa famille comme lui aurait aimé être protégé. Il y eut un long silence durant lequel il ne semblait plus être présent, les yeux dans le vide, centré sur ses propres pensées. Puis, il m’a regardé, a esquissé un léger sourire et m’a dit : « Maintenant, il faut qu’on le fasse. »

43Il choisit donc de jouer le rôle de « Amine superhéros » et voulut que « le mal » soit incarné par des dinosaures. J’ai essayé d’explorer avec lui cette notion des origines et peut-être des sentiments de colère ou de rejet qu’il pouvait avoir vis-à-vis de son histoire, mais sans qu’il puisse m’en dire véritablement quelque chose.

44Durant les trois séances suivantes, nous avons travaillé sur la manière dont il pourrait exprimer ce désir de protection à travers des petites séquences filmées. Cela a demandé beaucoup de réflexions et d’échanges. Il m’exprimait le fait qu’il réfléchissait entre les séances à son film et à la meilleure posture à adopter pour être compréhensible. De ce fait, nous avons pu filmer des séquences dans mon bureau, mais aussi, à sa demande, en extérieur.

45Le découpage de sa bande-annonce suit donc le cheminement suivant : tout d’abord, la présentation du bien (lui) et du mal (les dinosaures). Ensuite arrive « Amine le superhéros » qui, à travers cinq vidéos de deux secondes environ, montre ce dont il est capable. Enfin, lorsque les méchants veulent tout détruire, il s’y oppose comme protecteur, ce qu’il illustre par six vidéos de deux secondes.

46Sa bande-annonce, qui dure une minute, illustre bien le noyau central de sa problématique qui se noue autour de son angoisse d’abandon. Lorsque nous reprenons ensemble tout le processus de ce dispositif, il semble être dans une forme de sidération face au chemin parcouru. La réaction qu’il a est de me dire qu’il souhaite montrer sa vidéo aux professionnels, mais également aux autres enfants suivis par le sessad. Après concertation avec mes collègues, il a été décidé que sa bande-annonce serait visionnée la semaine suivante lors d’une séance de groupe au sein du sessad.

47À l’issue de ce travail, une clé usb contenant sa bande-annonce lui a été donnée, qui lui appartient donc, et qu’il pourra montrer à qui il souhaite.

Perspectives

48Les conséquences de ce travail psychothérapeutique avec Amine restent à évaluer dans la durée. Son accompagnement par le sessad s’est achevé en juin de cette année, juste après la fin de ce dispositif. En effet, étant rattaché à une clis spécifique, nous ne pouvons poursuivre sa prise en charge lors de son passage en ulis[3]. De ce fait, nous serons amenés à prendre de ses nouvelles directement auprès de sa famille ou de son futur enseignant.

Conclusion

49Face à la difficulté de prise en charge dans l’accompagnement de certains enfants ou adolescents en grande difficulté, l’apport des nouvelles technologies entraîne un bénéfice immense dans notre travail de clinicien.

50Les questions d’alliance thérapeutique et de travail sur les noyaux traumatiques semblent être grandement facilitées par ses outils. Même s’il convient de bien cibler l’indication de départ, depuis dix ans que je travaille avec ces supports comme « Les sim’s » (Villetorte, 2014) ou « Imovie », j’ai pu accompagner et aider à réduire la souffrance psychologique de nombreux patients.

51Mais, le plus important, c’est de garder en tête la notion de créativité et de remise en question constante de nos pratiques, afin de pouvoir s’adapter aux difficultés de nos patients et de nous permettre de les aider à réduire leurs souffrances psychiques.

Note

  • [1]
    Définition tirée de celle proposée par l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei).
  • [2]
    Classe pour l’inclusion scolaire destinée aux élèves dont la situation de handicap procède de troubles des fonctions cognitives ou mentales.
  • [3]
    Unité localisée pour l’inclusion scolaire, qui est l’équivalent de la clis, mais au sein d’un collège.
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