1S’il est prévu par la loi que l’autorité parentale soit exercée conjointement par les deux parents, il est des situations familiales où l’un d’eux en a un exercice exclusif ou encore qu’une tierce personne obtienne une délégation partage de l’autorité parentale. Quel est le cadre légal de ces adaptations ?
2L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs accordés aux père et mère sur l’enfant, afin d’accomplir leurs missions de protection, d’éducation et d’entretien qui leur incombent, et ce, dans intérêt de l’enfant. On ne peut renoncer à ce droit, étroitement lié à l’établissement de la filiation de l’enfant.
3Les parents peuvent, néanmoins, se voir limiter et même retirer l’exercice de leur autorité parentale dans le cadre d’une audience pénale pour des motifs particulièrement graves s’ils ont notamment commis des crimes et des délits sur leurs enfants (viols ou violences volontaires ayant entraîné la mort d’un de leurs enfants, etc.) ou dans le cadre d’une procédure devant le tribunal de grande instance pour des manquements particulièrement graves à l’égard de leurs enfants.
4Nous traiterons ici le seul cas de l’exercice exclusif de l’autorité parentale par l’effet de la loi ou sur demande de l’un des parents devant le juge aux affaires familiales.
L’exercice exclusif de l’autorité parentale
5Les parents qui ne bénéficient pas de l’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant en sont néanmoins toujours titulaires et conservent, de ce fait, le droit et le devoir de surveiller son entretien et son éducation. Ils doivent être informés des décisions importantes le concernant.
6Il n’est pas possible pour un parent, comme on nous le demande parfois en audience, de renoncer à tous ses droits parentaux pour ne plus payer de pension alimentaire. L’exercice exclusif ne supprime pas l’obligation alimentaire !
7De même, il n’est pas possible non plus de demander en audience devant le juge aux affaires familiales (jaf) la déchéance des droits parentaux de l’autre parent ou le retrait de l’autorité parentale.
Exercice exclusif de l’autorité parentale automatique de par l’effet de la loi
8L’article 372 du code civil établit que : « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale.
9Toutefois, lorsque la filiation est établie à l’égard de l’un d’entre eux plus d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre, celui-ci reste seul investi de l’exercice de l’autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l’égard du second parent de l’enfant. »
10Il existe alors une certaine réticence à l’encontre du parent qui s’est investi tardivement ou qui peut avoir été négligent, cela augurant mal de ses compétences parentales.
11Mais une souplesse a été introduite par la loi pour offrir la possibilité de rétablir un exercice conjoint soit par déclaration conjointe des père et mère au greffe, soit en entamant une action devant le juge aux affaires familiales aux fins de définir les modalités de l’exercice de l’autorité parentale.
12On peut citer l’exemple de ces parents qui sollicitaient un exercice conjoint de l’autorité parentale aux quinze ans de leur enfant au moment d’un transfert de résidence de la jeune fille chez son père qui s’était toujours investi à son profit.
Restriction accordée par le jaf
13Le jaf exerce un contrôle très rigoureux sur les demandes d’exercice exclusif de l’autorité parentale présentées par un parent, en fonction de l’intérêt de l’enfant (au cas par cas), car l’autorité parentale conjointe est le principe posé par la loi.
14Plusieurs hypothèses peuvent conduire le jaf à le déclarer, et c’est bien souvent en raison de l’absence et du désinvestissement d’un parent – il s’agit souvent du père –, entraînant de graves difficultés administratives pour l’autre parent, que cette décision peut être prise.
15Il ne faut pas manquer de rappeler que l’autorité parentale est une enveloppe contenant des attributs. Une distinction est donc à opérer entre les actes usuels et les actes non usuels, c’est-à-dire que la loi facilite la tâche aux parents qui sont présumés pouvoir accomplir seuls les actes usuels de la vie quotidienne (la vêture, l’alimentation…). En revanche, les actes non usuels nécessitent une autorisation des deux parents : scolarité, santé, instruction religieuse, ouverture d’un compte bancaire…
16Si l’un des parents est absent et ne peut participer aux décisions, cela peut engendrer de grosses difficultés, notamment pour des décisions médicales ou scolaires.
17L’absence et le désinvestissement doivent être démontrés par des pièces : absence à l’audience et citation nécessaire, attestation, éventuellement dépôt de mains courantes, cas d’incapacité pour le parent qui élève l’enfant de joindre l’autre parent, etc.
18L’exercice exclusif de l’autorité parentale peut être aussi accordé pour faciliter la vie des familles monoparentales – et notamment dans des situations que nous rencontrons fréquemment où l’un des parents a rejoint son pays d’origine et que l’autre ne sait pas où il réside – ou encore parce que certains motifs graves rendent difficile l’exercice conjoint de l’autorité parentale – alcoolisation majeure d’un parent, agressions sexuelles sur l’enfant, incarcération prolongée, maltraitance caractérisée… Cependant, ces décisions se prennent au cas par cas : une incarcération courte avec un maintien des contacts entre les parents peut permettre un maintien de l’exercice conjoint de l’autorité parentale de même qu’un parent alcoolique peut être en mesure de prendre des décisions adaptées pour son enfant.
19La décision dépend toujours de l’intérêt de l’enfant : est-ce que le parent en question peut prendre des décisions adaptées ou non pour son enfant ?
20Dans le cas de conflits parentaux majeurs, plusieurs décisions peuvent avoir conduit à confier l’exercice de l’autorité parentale à un seul des parents pour faciliter la vie de l’enfant et l’abriter des conflits.
21Cela peut concerner des situations dans lesquelles les conflits sont tels que les parents sont en opposition pour n’importe quelle décision relevant de l’autorité parentale, qu’il s’agisse de décisions relatives à l’école, mais aussi aux activités extrascolaires, à l’utilisation d’Internet, à l’emploi d’une nourrice… La vie de l’enfant peut alors se transformer en véritable cauchemar.
22Cependant, le risque sous-jacent est que le fait d’ordonner l’exercice exclusif de l’autorité parentale (ape) peut engendrer une prime aux conflits, poussant certains parents à majorer les conflits afin de l’obtenir.
23On rencontre également des cas, peu nombreux, qui existent néanmoins, de parents qui veulent totalement s’approprier l’éducation de l’enfant, comme cette mère qui aurait voulu se « débarrasser » du père (dixit), en demandant une ape, sans droit de visite ni pension.
24Il ne faut pas perdre de vue ce que signifie réellement une ape, à savoir que couplée à la définition d’un lieu de rencontre, il s’agit là de l’exclusion complète d’un des parents de la vie des enfants. Cela doit donc être utilisé avec la plus grande prudence.
L’autorité parentale à l’épreuve des nouvelles familles
25L’autorité parentale est un ensemble de droits dont seuls sont titulaires les parents dont la filiation est établie. Cependant, qu’en est-il des beaux-parents ou des tiers, mais aussi des familles homoparentales ?
Les tiers : beaux-parents et-ou membres de la famille élargie
26L’évolution de la société et la place accordée désormais à l’individu, à l’amour et au bonheur, conduisent à la multiplication des séparations successives dans la vie d’un enfant. Quelle place, dans le cadre des familles recomposées, les beaux-parents peuvent-ils avoir lors d’une séparation ?
27Car s’ils n’ont ni la titularité de l’autorité parentale ni son exercice, ils peuvent néanmoins obtenir des droits. C’est ce que prévoit l’article 371-4 du code civil : « L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants », c’est-à-dire un droit de visite et d’hébergement. « Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non. » Mais, attention, la demande doit être intentée selon les règles de la procédure écrite, et il s’agit là d’une procédure coûteuse à introduire par assignation, avec une obligation de représentation (il ne s’agit pas d’une procédure simple, rapide et peu onéreuse où l’on rencontre le jaf en cabinet).
28Il existe néanmoins des situations où ils peuvent obtenir l’exercice de l’autorité parentale par le biais d’une délégation-partage de l’autorité parentale (dap), c’est-à-dire qu’ils peuvent se voir déléguer par le ou les parents l’exercice de son autorité parentale, ce qui conduit à un exercice conjoint de l’autorité parentale entre le délégant et le délégataire.
29C’est le cas classique d’un couple qui a des enfants, dont l’un des parents vient à mourir ; le second se remet en couple, voire se marie, ce qui entraîne alors la possibilité pour le parent de partager son autorité parentale avec son nouveau conjoint ou concubin. Nous avons déjà rencontré plusieurs cas dans des familles maghrébines où, à la suite du décès de la mère, le père, qui n’a pas pour habitude de s’occuper des enfants, se remarie au pays et sollicite que sa nouvelle femme puisse faire les démarches à sa place, l’intérêt étant de bénéficier de la présomption pour les actes usuels, mais aussi de réaliser les démarches scolaires.
30Citons un autre cas, moins classique celui-là, qui concerne les familles recomposées où l’un des deux parents ou les deux se sont remis en couple ou remariés et qui souhaitent que leur nouvelle famille recomposée soit reconnue et que leur conjoint(e) puisse accomplir les actes relevant de l’autorité parentale. Une demande de délégation-partage d’autorité parentale est alors adressée.
31Le problème se pose alors de savoir s’il est dans l’intérêt de l’enfant qu’il ait jusqu’à quatre personnes qui puissent décider de son éducation dans le cas d’une délégation croisée, d’autant plus qu’elles peuvent être en conflit ou se séparer à nouveau et reformer encore un autre couple. La loi pose néanmoins une condition : la nécessité incontournable d’avoir l’accord des deux parents s’ils exercent conjointement l’autorité parentale.
Les familles homoparentales
32Avant la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, l’article 371-4 du code civil donnait déjà aux tiers la possibilité, en cas de séparation, d’obtenir un droit de visite et d’hébergement (dvh), par le biais de la procédure écrite, ou encore la délégation-partage de l’autorité parentale, comme nous venons de le voir plus haut, qui a d’ailleurs été pensée par le législateur pour répondre aux situations des couples d’homosexuelles.
33En effet, citons ces cas connus de couples homoparentaux de femmes qui ont un projet commun d’enfant, dont l’une d’elles fait l’objet d’une procréation médicalement assistée en Belgique ou en Espagne et qui souhaite pouvoir déléguer son autorité parentale à sa compagne, pour qu’elle puisse bénéficier tant de la présomption des actes usuels que de la possibilité d’accomplir des actes non usuels.
34Ce cas a été admis par la Cour de cassation dans des arrêts de 2006, confirmés en 2010, mais avec la condition de circonstances particulières. Il existe désormais une large évolution des juges du fond vers l’abandon de ces circonstances particulières. C’est le cas à Nanterre avec l’accord du Parquet.
35Le juge aux affaires familiales de Paris est récemment allé plus loin et a admis une délégation d’autorité parentale pour un couple d’homosexuels à l’égard d’un enfant issu d’une gestation pour autrui : un homme avait eu un enfant aux États-Unis avec une femme par le biais d’une gestation pour autrui, et le lien de filiation avait été établi en France par une reconnaissance prénatale. La délégation d’autorité parentale a été admise avec son compagnon.
36Depuis la loi de mai 2013, il existe désormais la possibilité pour les couples homosexuels, mais uniquement s’ils sont mariés, de pouvoir adopter l’enfant du conjoint par le biais d’une adoption plénière ou simple et, donc, une fois la filiation établie, d’exercer conjointement l’autorité parentale.
37Cette possibilité existe donc désormais tant pour les femmes mariées – adoption de l’enfant par la compagne de celle qui a fait l’objet d’une pma – que pour les hommes, mais l’adoption de l’enfant par son conjoint n’est possible que dans le cadre d’une conception artisanale d’un enfant avec une femme. L’adoption dans les cas de gestation pour autrui est pour l’heure proscrite.
Conclusion
38Il est important de conclure en rappelant que ce qui doit primer dans les décisions, c’est l’intérêt de l’enfant, et une attention toute particulière doit y être portée. Car l’on sait bien que les situations sont déjà assez complexes avec deux parents, et que le problème devient plus complexe encore lors de la multiplication des interlocuteurs-décideurs en conflit.