1Comment opère la transmission des fantômes dans une famille ? Je vais tenter de répondre à cette question au travers de la présentation d’une situation clinique.
2Les questions que les séances ont permis de soulever témoignent de la complexité de travailler avec une famille qui présente un secret familial actif.
3En 1978, dans leur ouvrage L’écorce et le noyau, Torok et Abraham présentent leur concept de fantôme. Ils émettent l’hypothèse que ce fantôme serait celui d’un ancêtre qui aurait créé une crypte autour d’un secret. Cet événement non métabolisé dans le psychisme de celui qui l’a vécu resterait pour tous dans le domaine du déni, cette impossibilité de faire le deuil s’exprimant au travers des descendants par certains actes ou paroles.
4En thérapie familiale, nous traitons avec le transgénérationnel et la transmission ; aussi, les fantômes s’invitent parfois en séance. La transmission transgénérationnelle est constituée d’éléments psychiques inconscients non élaborés qui traversent l’espace psychique des générations sans que la personne ne puisse se les approprier.
5Le fantôme renvoie à la culpabilité originaire. Il en résulte un indicible mélancolique, une projection du mort sur le vivant. La génération suivante devient, à son insu, porteuse d’un fantôme innommable. Cet héritage est l’irreprésentable par excellence : le secret originel. Nous allons voir la manière dont il engendre une charge qui active les descendants autour de la construction de leur histoire de sujet et de celle de leur famille.
La famille M.
6La famille M. se compose d’un couple parental et de trois enfants : Ziad (11 ans) ; Manon (9 ans) et Jade (7 ans). Monsieur et Madame sont originaires de Wilaya de Tlemcen (Algérie à la frontière du Maroc) et s’expriment avec un accent prononcé. Ils vivent en union libre depuis 12 ans. Depuis la naissance de l’aîné, la mère de famille quitte parfois le domicile familial pour revenir sans prévenir, au bout de quelques mois.
7L’école a orienté Monsieur vers les services de Protection de l’enfance car les enfants étaient perturbés. Lors de la mesure éducative, l’équipe de travailleurs sociaux évalue que ces enfants souffrent des absences de Madame et du manque d’explication qui accompagnent ses allers-retours. Ces enfants semblent déroutés (désorientation temporelle) et n’arrivent plus à s’exprimer (désorganisation de la pensée). Monsieur et les enfants sont orientés sur la psychologue du service. C’est dans ce contexte que je les rencontre.
8Dans un premier temps, la famille vient au complet. Les parents se présentent comme figés et leurs enfants déboussolés. L’ordonnance du Juge indique qu’au cours de certaines de ces absences Madame s’est rendue dans des centres d’hébergements en affirmant parfois que Monsieur l’avait quittée ou violentée.
9Madame indique qu’elle « pensait qu’il fallait dire cela pour être hébergée ». Les enfants disent ne jamais avoir vu de telles scènes. Ziad, l’aîné a le visage crispé et s’agite sur sa chaise. Les fillettes écoutent en silence. Monsieur reste attentif mais silencieux. Il dit être « soucieux de se faire discret ». Il vient « afin de maintenir le calme dans sa cellule familiale » et « préserver l’image de son couple auprès de la famille au pays ». Les principes de protection de l’Enfance semblent rester abstraits pour lui.
10Je propose à la famille de travailler en consultation en thérapie familiale ethno-psychanalytique. Ce dispositif permet de tenir compte des appartenances culturelles de la famille et de chercher ensemble leurs ressources afin de sortir des impasses.
11Cet espace leur permet d’échanger autour de ces absences et d’exposer leurs façons de voir le « normal », leurs logiques. Cet exercice permet de fonder une nouvelle appartenance au néo-groupe et de créer de nouvelles alliances qui s’avéreront thérapeutiques. Tous adhérent ouvertement à la proposition.
12Lorsque je présente la situation à ma collègue cothérapeute et au traducteur, il nous vient un sentiment intense de détresse. L’impression que derrière leur silence, les enfants nous demandent « de ne pas les laisser comme ça ». Dans notre contretransfert nous ressentons le désir de mettre les enfants dehors pour les protéger, cette envie pouvant faire écho aux départs réguliers de Madame. Ce qui nous est rapporté de son comportement nous sidère. Il nous est difficile de penser ou dire quelque chose du côté des coups dont Madame se plaint ou d’un éventuel trauma lié à son passé.
13Le bilan de l’équipe de protection de l’Enfance conclut au fait qu’il ne semble pas y avoir de violences conjugales et que les enfants ne paraissent pas exposés à des brutalités.
14En parallèle, nous souhaitons vérifier l’hypothèse culturelle selon laquelle les coups dont Madame se plaint pourraient être réels et liés à un sentiment de dévirilisation de Monsieur (du fait de sa situation d’immigrant). Nous partons également du postulat que pour remettre cette famille en marche, il faut approfondir la notion de temps traumatique, liée à la perte et les aider à nommer ce qui a pu se passer.
15Ziad « ne sait plus où il en est ». Les enfants témoignent de la violence que réveillent chez eux les départs inopinés de Madame. Le terme de « violence » évoque à Madame le climat de menaces que son père faisait peser sur sa mère et dont elle avait souffert enfant (mise à jour du transgénérationnel).
16Monsieur nous parle des cadeaux qu’il lui a faits : « Je lui ai offert tout ce qu’elle voulait : la bague là, le bracelet, la parure de diamants… tout ce qu’elle veut, elle peut le demander ». Monsieur nous explique combien le rituel occupe une place importante dans sa culture. Ce qu’il nous décrit ici n’est pas le prix qu’il paie pour garder sa femme ou même ce qu’elle lui coûte. Il s’agit de la description d’un acte formel porteur d’une signification symbolique pour lui et sa famille. Pour ce père, le rituel d’achat de bijou de valeur vise à garantir la qualité de la relation. Cette description témoigne de sa capacité à se présenter réalisant certains rituels qui différencient le père de famille convenable du père de famille méprisable, celui que l’on peut se permettre d’abandonner.
Les absents « parlent »
17Lors d’une séance, Monsieur nous laisse ses filles avant de retourner se garer. Jade et Manon patientent en dessinant. Cette dernière trouve que le feutre noir est sec. Je me retourne pour aller lui en chercher un neuf, une voix rauque éructe : « Tu vas le ramener ce stylo, bordel. On n’attend que toi, t’es vraiment qu’une loque ! » Les fillettes colorient pourtant sagement.
18Lorsque nous les interrogeons à propos de cette voix, Jade m’indique qu’elle souhaiterait de la pâte à modeler. Mais lorsque je me retourne pour prendre les petits pots, une voix similaire à la première éructe des insanités. Nous demandons aux fillettes de nous parler de ce qui vient de se passer, sans succès.
19Lorsque Monsieur revient avec Ziad, il est essoufflé et contrarié. Un voisin aurait vu sa femme avec un autre homme. Monsieur pense que le voisin l’a confondue. Nous apprenons que Monsieur sait parfois où madame se trouve durant ses absences.
20Par son immobilisme, il semble que cette famille vit dans un présent circulaire et permanent pour lutter contre la déconstruction de sa temporalité. Elle tient grâce à des alliances inconscientes dont trois d’entre elles servent de trépied à la famille :
- Monsieur fait alliance avec Madame sur plusieurs secrets.
- Ziad reste silencieux ou nous énonce que son père « compte plus que tout », « Mon père, c’est ma vie ». Par son silence et son collage, Ziad protège inconsciemment son père.
- Les fillettes qui nous semblent fonctionner comme des jumelles (signe de temporalité circulaire) témoignent de leur alliance par leur silence attentif et témoignent du fantôme familial.
21Lors des séances suivantes, Madame est absente. Les fillettes jouent et demandent si leur frère aîné va bien. Elles aimeraient que leurs parents soient unis. Monsieur réprime son chagrin. Il dit espérer « arriver à ne pas l’accepter à nouveau lorsqu’elle reviendra » et qu’il « préférerait qu’elle ait quelqu’un d’autre ». L’aîné, les larmes dans les yeux, dit qu’il veut que son père tienne bon pour ne plus avoir à souffrir. Il indique d’une voix pleine de colère : « Je ne veux plus que ma mère revienne, une mère normale ne fait pas ça… c’est pas ma mère, une mère qui part sans dire où elle va, c’est une mère qui n’aime pas ses enfants. »
22La souffrance de ces enfants témoigne du fait qu’ils ont pris la charge de trouver une réponse aux questions restées en souffrance dans leur famille. Tous souffrent de l’absence de mots posés sur les disparitions chroniques de leur mère. Pour faire face à la transmission de ce matériel psychique non élaboré, les enfants s’imaginent notamment être la cause de la souffrance de leurs parents : ils ne sont pas assez intéressants pour que leur mère reste. Nous faisons l’hypothèse que cette rationalisation leur permet de renoncer partiellement à leur identité pour préserver le postulat d’innocence de leurs parents.
Retour
23La séance suivante a lieu plus rapidement que prévu. Madame est toujours absente, mais est cependant au domicile. Lorsque nous interrogeons son absence, c’est Ziad qui répond : « Je ne veux pas en parler, pour moi elle est morte… chez nous, une mère n’abandonne pas ses enfants. » Ici, Ziad nous énonce un aspect universel de la culture humaine, à partir duquel il tente de construire un « nous », une enveloppe d’appartenance. Il semble qu’il n’ait pas bénéficié d’un récit sur ses origines suffisamment structurant et qu’il souffre de l’absence d’héritage culturel et familial. L’origine culturelle des membres de cette famille reste un point sensible. Ziad préadolescent, en pleine construction identitaire, semble être celui qui se questionne le plus sur celle-ci. Son identité n’est pas seulement construite par différenciation mais par opposition à l’autre, ici sa mère. De fait, le changement d’attitude de son père qui tente de faciliter un accord avec Madame lui apparaît comme une trahison : « Il l’a laissée entrer… Madame ! mon père, c’est un homme quand même ! »
24Ici, nous avons deux choses, le lien et l’identité. Le lien fusionnel Ziad/ père protège de l’effondrement mais déboussole Ziad. Surjouée de toute part, l’indifférenciation et le manque de « vide » entre eux, nous saturait et nous empêchait de penser. Afin de différencier ces personnes, nous avons proposé de travailler dans le sens de développer la mythopoïèse familiale. Les fillettes ont souhaité commencer le travail en utilisant des marionnettes derrière un castelet. Parallèlement, nous avons travaillé sur les mythes, fantasmes et rêves de la famille.
25Au cours de ces séances, la chaise de Madame reste vide. Monsieur s’ouvre quant aux questions de son statut en France, de l’idéologie qui avait sous-tendu son parcours migratoire… Ziad sort fréquemment parce qu’il a mal au ventre ou envie d’uriner. Le jeu des marionnettes qui apparaissent et se cachent nous a permis d’évoquer la séance où les jumelles avaient parlé d’une voix étrange, pendant que nous étions tous retournés. Sur ce, Ziad désire écrire une lettre à sa mère mais la froisse en fin de séance et la jette. Je la ramasse, la défroisse et lui indique que je vais la ranger dans le dossier. Il me répond : « De toute façon, ça ne va rien changer ». Mes collègues et moi, lui expliquons que cela peut être une lettre symbolique qui lui permettrait de commencer à faire le tri dans ses sentiments afin de pouvoir les ordonner et en parler. Une façon pour lui d’envisager une solution. Il prend brusquement la feuille de mes mains. Je lui indique que nous avons d’autres solutions pour échanger (fonction parentale). Ziad s’apaise mais fait mine de partir sans nous saluer.
26Le père lève le ton pour la première fois et lui intime l’ordre de « rester assis car la séance n’est pas terminée ». En réaction, Ziad, à la limite des pleurs lui répond : « Et toi, hein ? tu lui parles encore ! » (mode égalitaire) « Le juge n’a qu’à nous enlever ». À cet instant, les petites sœurs s’arrêtent de jouer.
27Son père lui répond : « Assieds-toi ! » Ziad s’apaise. Il semble que quelque chose soit amorcé du côté de la remise en marche de cette famille. Nous indiquons à Ziad que nous ne comprenons pas pourquoi il explose, puisqu’il sait qu’ici il peut parler. La séance se termine calmement.
Parcours des êtres et des mots
28À la séance suivante, Madame est présente et dit : « Je sais qu’ici, on respecte la parole. » Il semble que quelque chose du message soit passé. Elle nous révèle qu’elle « s’est faite seule, sans modèle familial », nous parle de ruptures, d’abandons (auto-engendrement). Il n’y aurait pas eu de passages à l’acte violents dans sa famille mais des menaces verbales quotidiennes.
29Monsieur, à son tour, nous indique qu’il a été élevé par son grand frère. C’était ensuite son seul repère, lorsqu’ils sont arrivés en France. Son parcours est jalonné de difficultés financières à surmonter. Lui non plus n’aurait pas subi de violences physiques et affirme qu’un père « qui gouverne par la crainte est un mauvais père ».
30Nous enchaînons sur les difficultés de concentration et d’apprentissage des enfants. Tous deux mettent en avant la chance que leurs enfants ont d’aller à l’école et d’être bien habillés. Lorsque nous leur renvoyons le fait que les enfants montrent des signes d’angoisse quand Madame s’absente et qu’ils semblent encore plus préoccupés quand elle est présente, les parents nous expliquent qu’ils pensent « que leur éducation précède l’école ».
31En inter-séance, nous avons tout d’abord été incapables de mettre en mots ce que nous avions observés. Dans un second temps, nous avons repris l’hypothèse d’un fantôme familial transgénérationnel qui gèlerait la dynamique de cette famille. Ce secret viendrait se manifester très fortement par une sorte de retour du refoulé de l’histoire familiale. Des éléments insoupçonnés de ce secret seraient remontés dans le conscient de l’histoire familiale grâce aux fillettes.
32Nous avons expliqué à la famille que ces paroles symptomatiques ou accidentelles étaient une chance pour eux. Bien qu’oubliées, elles avaient une raison de s’exprimer et pouvaient soigner car elles révélaient des non-dits de l’histoire familiale.
33Le père s’est tenu la tête. Madame a souhaité s’absenter quelques minutes de la séance. Ziad a commenté : « Vous voyez, elle part à chaque fois. Elle pense qu’à elle. Ce n’est pas une mère, une mère doit avoir du foie pour son enfant. »
34Ma collègue a évoqué l’expression : avoir du cœur pour ses enfants. Le traducteur nous a indiqué que le mot kebda en arabe signifie « foie ». Tandis que « cœur » se traduirait par le mot cebda ou gelbi qui s’approcherait de « mon cœur », ce que l’enfant représente pour soi, en temps qu’appartenance.
35Traditionnellement, dans le monde arabe, l’amour n’est pas associé au cœur mais plutôt au foie. Ainsi, ce jeune Ziad, un peu perdu entre la langue arabe et de la langue française, avait créé un pont de significations qui faisait écho à monsieur. Ce dernier, d’accord sur le fait que le cœur ne reflète pas la relation mère-enfant, a décrit sa vision de l’amour parental, familial fraternel. Ses enfants écoutaient attentivement. Il a ensuite fait un détour par l’histoire de son père alcoolique. Madame est revenue en disant que « le foie d’un alcoolique peut être malade au point qu’on en meure », comme sa mère.
36Nous confirmons que cet organe, le foie : kebda, est impliqué dans les pathologies liées à l’alcool. Madame s’est alors assise au milieu de nous et a émis l’hypothèse que sa mère était alcoolique. De confession musulmane, elle pense que son mari ne tolérait pas sa consommation et qu’il menaçait de la frapper. Monsieur dit que l’alcoolisme de son père restait une honte pour lui.
De l’utilité du fantôme
37La traduction de ce mot kebda a éclairé un aspect du secret encrypté du grand-père paternel et de la grand-mère maternelle et fait avancer ce couple dans leur travail de mise en récit de leur histoire familiale. Il semble que Monsieur et Madame avaient tous deux un parent (1re génération) dont le comportement alcoolique faisait honte. Ce secret avait été transmis à la 2e génération avec la consigne de l’oublier, le refouler. À cela s’était ajoutée l’expatriation avec son lot de rupture de liens et de transmissions inconscientes. Face à un comportement alcoolique non métabolisable, les parents avaient réagi de façon différente. Monsieur restait sidéré et laissait madame l’accuser de violences, celle-ci justifiant que cela était socialement plus acceptable. Les enfants (3e génération) ont montré qu’ils étaient agis par des fantômes encryptés. La voix des fillettes (objet brut) a permis de révéler l’existence d’un secret, éclairage qui a réveillé l’organisation familiale.
38En découvrant ce trou dans la transmission, Madame a pu retravailler ses identifications parentales. Monsieur s’est différencié de son fils et a pu se faire obéir de lui. Ziad a pu se remettre en marche, exister au présent, penser sa colère et se différencier. Parallèlement, Madame et Monsieur ont engagé un travail personnel sur leurs traumas respectifs et leurs rapports à l’expatriation.
39Le travail thérapeutique qui a suivi est passé par une mise en mots et en sens de leurs propres vécus primaires qui restaient chargés d’angoisse. Ce réveil des mots qui encryptaient les maux familiaux a réactivé des éléments de leurs histoires et permis de débloquer les histoires familiales des parents.
40Une fois ce fantôme nommé et enterré avec toutes les traductions admises et les réparations engagées, le travail d’énonciation et de ré-élaboration au temps présent, dans l’ici et maintenant du travail thérapeutique, a remis en route le processus d’élaboration de la famille. Grâce à ce travail, la psyché des enfants a pu se redéployer à partir d’une réactualisation des expériences abandonniques que leurs parents avaient vécu et qui pouvaient se dire ici et maintenant, dans le cadre sécurisant des séances.
41Pour ces enfants et ce couple, le cadre des entretiens a permis de retrouver un accès à une temporalité vectorisée. En deux ans, ils ont pu sortir de la répétition grâce à la coconstruction d’une histoire familiale. Cette construction facilitée par le cadre de la cothérapie est passée par l’exploration et le redéploiement des origines de la famille et de son arbre généalogique. La famille s’est unifiée et a pu travailler à se réinscrire dans une lignée, elle-même enracinée ailleurs. On peut dire que ce fut la fin du fantasme d’autoengendrement jadis favorisé par le sentiment d’appartenance à des lignées honteuses.
Conclusion : le temps est un indice-pensable pour donner une place à chacun
42Le déni qui accompagne le secret de la première génération (les grands-parents) enferme la famille dans un secret honteux encrypté que les parents portent à leur insu. La transmission intergénérationnelle parvient jusqu’à la troisième génération avec son cortège de non-dits. La famille prise dans une temporalité circulaire est condamnée à la répétition. La troisième génération, agie par le fantôme, tente de lutter contre l’affolement de la boussole temporelle de la famille.
43La thérapie familiale nous permet d’ouvrir des portes de l’espace-temps pour que les membres de la famille retrouvent leurs propres chemins de pensées et de résolution de problèmes. La mythopoïèse permet à chacun de faire l’expérience de la continuité du temps. La notion de temps est liée à l’altérité, elle est intégrée dès lors que les individus saisissent que d’autres, les parents, les ont créés comme eux ont été créés par leurs propres parents, etc. L’enchaînement des générations signifie un avant, un maintenant et un après. À partir de là, la notion du temps permet de mieux savoir pourquoi les sujets sont restés figés. C’est ainsi que Madame a pu demander à partir et revenir, comme pour sortir de l’écrasement générationnel de l’atemporalité.
44Au lieu de se télescoper constamment, passé, présent et futur sont examinés et différenciés et permettent de débusquer les fantômes. Chacun s’approprie l’histoire métabolisée par le néo-groupe. La thérapie familiale ethno-psychanalytique favorise l’ouverture d’espaces de parole familiaux qui permettent la transmission du passé. Elle facilite l’émergence d’une nouvelle forme de lien transférentiel pour le descendant, cette fois avec son groupe d’appartenance. Pour chasser les fantômes, il faut donc parvenir à tirer le fil d’Ariane de la temporalité de la famille.
Bibliographie
Bibliographie
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