Automne 2017, dans une commune rurale isolée. Le soir tombe et nous sommes entassés dans la salle de réunion microscopique de la mairie. Il y a l’exploitant d’une petite unité de méthanisation, fer de lance de la transition écologique, mais accusée de dégager des odeurs pestilentielles vers le village voisin et d’inonder les prairies et les routes lorsque la pluie survient. Il y a un collectif de riverains excédés, prêts à en découdre si la situation ne s’améliore pas enfin, après presque deux années de nuisances. Il y a le maire de la commune concernée, qui semble un peu dépassé par les événements mais qui se tient prêt à prendre les arrêtés nécessaires, pour peu que l’on veuille bien lui indiquer lesquels.
Tous se connaissent et ont eu l’occasion de s’expliquer maintes fois. Ce soir, tous autour de la table se tournent vers les services de la police de l’eau, de la protection des populations, ainsi que vers les services de la sous-préfecture – vers ces deux hommes et cette femme, un peu embarrassés, mais qui affichent une certaine fermeté. En un mot, ils se tournent vers l’État, ce fameux « monstre froid » que nous, fonctionnaires, avons choisi de servir avec passion et lucidité.
Pourtant, comment ne pas voir la défiance, pour ne pas dire parfois la haine, que suscitent aujourd’hui l’ena et la haute fonction publique en France ? Sur les ronds-points occupés par les Gilets jaunes et dans les cahiers de doléance ouverts par les mairies, sans surprise, cette inimitié s’est exprimée avec force…