La société occidentale contemporaine se pense sous le signe de la diversité des identités et, plus particulièrement, de leur éclosion dans un monde qui les aurait trop longtemps contenues. Elles émergeraient des marges de l’histoire et demanderaient aujourd’hui une reconnaissance publique et privée. Il s’agit d’un « fait d’époque » qui a, en quelques décennies, complètement restructuré notre perception de la réalité et, surtout, notre conception de la démocratie. À tout le moins, le système médiatique conditionne ainsi les représentations sociales dominantes, tout comme la recherche en sciences sociales redéfinit en profondeur les concepts utilisés pour décrire la société à la lumière du « pluralisme identitaire » et l’administration publique planifie la reconstruction de la vie sociale sous cette lumière. Les partis politiques, de « gauche » comme de « droite », doivent tenir un discours sur la promotion de la diversité identitaire, qu’elle soit culturelle ou sexuelle. Ceux qui hésiteront à le faire, ou qui s’y refuseront, risquent la disqualification morale et l’exclusion du périmètre de la légitimité démocratique. Dans cette perspective, le multiculturalisme, qui se décline selon de nombreuses variantes, se présente comme un projet politique visant l’adaptation sans cesse plus poussée de la démocratie occidentale à la découverte du pluralisme identitaire.
On a souvent tendance à présenter l’avènement du multiculturalisme dans le cadre d’une histoire naturelle de la démocratie, qui déploierait son principe jusqu’à la fragmentation infinie du social, comme s’il s’agissait du sens de l’histoire enfin compris…