Le Débat 2010/4 n° 161

Couverture de DEBA_161

Article de revue

Face à la crise : Sarkozy et les forces politiques françaises

Marcel Gauchet, Jacques Julliard : un échange

Pages 3 à 18

1Le Débat. – La crise économique est le fait dominant de l’année qui vient de s’écouler. Commençons donc, si vous voulez bien, par les effets de la crise dans la vie politique française.

2Jacques Julliard. – Un fait prime sur tous les autres, du moins en termes d’antériorité : le formidable bond en arrière qu’a fait le capitalisme dans les trente dernières années du xxe siècle. Le capitalisme tel qu’il a été décrit par les classiques du sujet a été en quelque sorte interrompu par la crise de 1929 et par la Seconde Guerre mondiale à l’issue de laquelle il fut obligé de se renouveler. « Capitalisme » est un mot abstrait. Disons donc, pour clarifier les choses, que les chefs d’entreprise et le patronat dans son ensemble ont été contraints de tenir compte de ce qui venait de se passer. C’est pourquoi ils ont accepté, en France, un minimum de planification économique et, en Allemagne, ce qui s’appelle la cogestion. Dans les deux cas ont été introduits des mécanismes de contrôle, de maîtrise ou, si l’on veut, de régulation du capitalisme, qui n’existaient pas à l’origine ni dans l’entre­deux­guerres.

3Je note au passage que c’est un événement politique qui a déclenché ce nouveau cours économique : la guerre. L’acceptation d’une certaine planification économique et, surtout, d’une certaine dose de social, c’est­à­dire de la participation des travailleurs à la gestion des entreprises et du partage des bénéfices, de la plus­value, comme on dit en termes marxistes, c’était quelque chose de nouveau ; on a pu croire, pendant les Trente Glorieuses, qu’il s’agissait de quelque chose de définitif, comme si le capitalisme avait changé de nature, qu’il s’était « civilisé ». Et puis est arrivé un deuxième événement politique qui a permis un nouveau changement de cours, en sens inverse du précédent : l’effondrement du communisme. Je sais bien que l’élection de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan précèdent la chute du Mur ; il y a là un ensemble de données qu’il faudrait analyser plus en détail que je ne peux le faire ici. Mais il est certain que la chute du Mur et du communisme avec lui a accéléré ce cours et a abouti à ce que je suis tenté d’appeler « le retour du capitalisme à ses origines » : au néo­libéralisme, à la déréglementation, à la liquidation du rôle social des syndicats, bref, à tout ce qu’on a connu dans les trois dernières décennies du xxe siècle. Dans les deux cas, je le souligne car ce point me paraît fondamental, le changement a été provoqué par un formidable événement politique : dans le premier, par la Seconde Guerre mondiale, dans le second, par l’effondrement du communisme.

4Il me semble que tant la gauche que la droite ont été prises de court par la crise qui a éclaté en 2007. La droite s’était convertie au nouveau cours libéral. Sarkozy a commencé son quinquennat sous les auspices d’un libéralisme effréné pour y mettre fin au bout d’un an et demi – il faut reconnaître d’ailleurs qu’il a réagi assez rapidement – en parlant de réglementation et en proposant même, sans avoir été beaucoup suivi, une réglementation à l’échelle européenne : c’est ce qui a désarçonné son camp, qui se trouve à court de doctrine et de perspectives. Il en va de même de la gauche, car elle était elle aussi en train de se rallier progressivement au libéralisme. C’était notamment le cas de la « deuxième gauche », moins pour ce qui est de sa première génération, celle de Rocard, et plus pour ce qui est de la deuxième, celle de Strauss­Kahn, qui a épousé le libéralisme en essayant de lui donner la tonalité sociale dont il était au départ dépourvu. De sorte que la gauche a été, elle aussi, surprise, tandis que ce mouvement la portait vers le libéralisme, par la crise de 2007 qui semble exiger à la fois plus de réglementation et plus de radicalité vis­à­vis du capitalisme. À partir de là, on peut essayer d’analyser comment ont réagi les partis et les hommes politiques.

5Marcel Gauchet. – Je ne puis qu’être d’accord avec Jacques Julliard sur la manière de poser le problème, à savoir sur l’importance de la crise dans laquelle nous sommes entrés, qui est effectivement une crise, sinon « systémique », comme on l’entend répéter partout, en tout cas, certainement, une crise du nouveau cours du capitalisme engagé depuis la fin des années 1970 et accéléré par la chute du communisme. C’est bien de cela qu’il s’agit, c’est l’événement majeur sous le choc duquel nous nous trouvons. Et pour aller tout de suite à l’autre extrémité, je suis d’accord aussi avec Jacques Julliard pour constater que cette crise a pris l’ensemble des forces politiques à contre­pied, car elle remet en question un mode global de fonctionnement qui s’était imposé, à la faveur de la mondialisation, comme une sorte de loi physique, universellement ratifiée – si les Chinois eux­mêmes s’y mettent, on ne peut que suivre. La dimension supplémentaire que je voudrais ajouter à celles qu’à introduites Jacques Julliard, c’est justement la mondialisation. Ce capitalisme s’est installé comme un horizon indépassable parce qu’il plaide l’ouverture des marchés dans un monde mondialisé où les moyens électroniques permettent une mobilité du capital qui n’a pas de précédent et dont la liberté d’investissement dans les endroits qui paraissent les plus appropriés est une des pierres angulaires.

6C’est d’ailleurs un point sur lequel les gauches de gouvernement, en Europe, se sont persuadées qu’il s’agissait d’une évolution inéluctable : comment aller contre cette ouverture générale des marchés dictée par la nature des choses et, derrière, comment aller contre la financiarisation de l’économie qui en apparaît comme le corollaire obligé ? On avait là une sorte de loi d’airain du capital nouvelle manière : l’économie mondialisée s’étant soustraite aux choix politiques, il s’ensuit une redéfinition de ce qu’est l’action politique dans nos pays. La politique, désormais, c’est tout simplement l’adaptation à la mondialisation économique. D’une part, il s’agit d’aménager les conditions de la compétitivité de chaque pays, ou de chaque région quand il s’agit de l’Union européenne, en fonction des règles de la compétition mondiale : telle est la mission positive du politique. D’autre part, il s’agit de lutter contre les incidences sociales négatives du phénomène par des politiques de compensation, d’aide, de remédiation, qui limitent les dégâts de l’ouverture au marché. Le débat démocratique ne porte plus que sur les méthodes et les proportions entre ces deux volets. Tout le monde avait peu ou prou intériorisé cette nouvelle règle du jeu.

7Or, ce beau système se révèle tout à coup lourdement dysfonctionnel. Et il devient manifeste que l’on a besoin du politique pour faire marcher cette machine économique qui déraille, chaque mois depuis deux ans apportant son lot de mauvaises surprises et de difficultés en chaîne. Volens nolens, les politiques sont en première ligne, constamment ramenés sur le devant de la scène pour réagir en urgence et colmater les brèches. Mais, en même temps, ce qui est saisissant, c’est que tout cela se déroule sous le signe de l’improvisation, sans que personne ait de réponse d’ensemble un tant soit peu étayée. On avait tellement accepté l’idée d’être arrivé à l’état définitif de l’économie, avec l’accès du capitalisme à son stade de développement mondial, que son ébranlement laisse pantois. Il n’y a aucun scénario de rechange pour la faire fonctionner autrement lorsque la globalisation se retourne contre ses promoteurs. Car ce n’est pas la moindre des dimensions de la crise. C’est l’Occident qui a été le moteur de la mondialisation – principalement les États­Unis, mais tout le monde a suivi et l’Union européenne est devenue la meilleure élève de la classe, la zone économique du monde la plus ouverte, plus que les États­Unis, ce que l’on oublie toujours. Or ce capitalisme mondialisé joue maintenant contre la prospérité occidentale. On peut discuter le point à propos des États­Unis. C’est clair, en tout cas, pour l’Europe qui apparaît comme la perdante du jeu.

8Nous sommes devant une cassure qui par sa gravité et sa portée est tout à fait équivalente à la crise de 1929. On voit bien qu’il sera impossible d’en sortir moyennant les mesures cosmétiques que l’on nous promet à l’enseigne de la « régulation », sans même parvenir à les définir, du reste. Ce dont nous avons besoin, c’est de repenser l’organisation économique, commerciale et monétaire du monde. Or sur ce chapitre nous flottons dans un vide sidéral. La panne d’imagination des experts officiels est complète, et personne parmi les dirigeants politiques ne semble capable de relever le défi. On y reviendra à propos de Sarkozy. Mais cette impression de dénuement et d’impuissance explique un autre trait remarquable de la conjoncture : les opinions sont tétanisées.

9Sous ce rapport, nous sommes dans une situation radicalement différente de celle des années 1930. On n’observe pas de radicalisation, de polarisation ou d’ascension des extrêmes. À ce jour, l’effet politique principal de la crise a été de faire élire Obama. Mais en Europe on ne voit pas qu’elle ait produit des secousses politiques de première grandeur. Le cas grec en fournit une illustration parlante, étant donné la gravité des problèmes du pays. Papandreou n’a pas été remis en question par le doute sur la capacité de la Grèce à faire face à sa dette extérieure et sur les mesures prises pour maintenir le pays à flot. Les opinions se montrent plutôt légitimistes dans l’ensemble. Elles donnent le sentiment de se raccrocher aux gouvernements en place, qui apparaissent comme les seuls remparts qui tiennent face à une menace économique qui ne provoque pas de révolte ouverte. Il y a des protestations violentes contre des mesures d’austérité jugées injustes mais sans que cela délégitime les gouvernants. On reste dans un cadre démocratique classique. En l’absence d’alternative crédible, c’est la démobilisation anxieuse qui prévaut. Comme quoi les relations entre les données objectives d’une situation et les réactions politiques qu’elle suscite sont tout sauf mécaniques et linéaires. C’est l’absence d’effet politique de grande ampleur qui est le fait marquant de la période, jusqu’à présent – j’insiste sur jusqu’à présent, car nous sommes dans un processus qui continue de se déployer, et les choses peuvent changer. La déstabilisation peut cheminer de manière lente et sourde au lieu de prendre l’aspect d’un rejet frontal. C’est ce que la suite nous dira.

10J. J. – De ce que vient de dire Marcel Gauchet je voudrais tirer quelques conséquences. D’abord, je crois que la crise présente est non seulement aussi importante que celle de 1929 mais même plus importante. Pourquoi ? Parce que la crise de 1929, avant d’être dénouée par la guerre, a été escamotée par la tendance tant de la gauche que de la droite à chercher des solutions à l’extérieur même du système. Quand on était de droite, on pensait que, malgré quelques excès, les fascismes représentaient une vision nouvelle de la société et un projet d’économie guerrière, comme on disait à l’époque, tout à fait intéressant. De sorte qu’à notre surprise rétrospective nous voyons des esprits parfaitement démocratiques considérer à l’époque les solutions de type fasciste comme dérangeantes, mais non scandaleuses. Quand on était de gauche, au contraire, on disait que nous n’étions pas loin de la crise finale du capitalisme annoncée par Marx et tous ses successeurs : l’avenir donc était du côté de l’Orient rouge. Autrement dit, face à la crise du capitalisme de 1929, exception faite d’hommes comme Keynes dont on verra l’importance plus tard, la plupart des idéologues et des opinions publiques cherchaient des solutions en dehors du système, partant de la conviction que le capitalisme libéral était définitivement condamné.

11Dieu merci, nous n’avons plus de ces « solutions alternatives », ce qui explique en partie le fait constaté par Marcel Gauchet à l’instant, à savoir la faiblesse de la réplique ouvrière, syndicale et, plus généralement, des réactions des opinions publiques. On ne sait pas ce que l’on pourrait opposer au marasme actuel. Les opinions publiques sont, comme les partis, prises à contre­pied par ce qui est en train de se passer et, si elles ne s’engagent pas, c’est parce que l’on ne sait plus très bien dans quel sens il faut revendiquer. La concentration du combat syndical sur la question des retraites est significative ; elle veut dire que l’on se concentre sur quelque chose qui n’est en aucun cas porteur d’avenir. Il s’agit, évidemment, de la défense d’avantages acquis – mais quel symbole qu’un mouvement social tout entier focalisé sur la question des retraites ! Pendant longtemps, on a pu se demander si c’était la cgt, c’est­à­dire la révolution, ou la cfdt, c’est­à­dire la réforme, qui avait raison. Eh bien, ce n’était ni l’une ni l’autre ! C’était le corporatisme de Force ouvrière. Autant dire que le mouvement social n’a jamais été dépourvu à ce point de propositions alternatives.

12Ma deuxième remarque s’inscrit, elle aussi, dans le prolongement de ce qu’a dit Marcel Gauchet. Son analyse porte sur les rapports entre le politique et l’économique. Ils ont profondément changé. Dans le schéma marxiste classique – je pense par exemple au Luttes de classe en France de Marx –, il y avait une complémentarité entre un certain régime politique et certaines forces économiques qui étaient derrière. Derrière le légitimisme, il y avait l’aristocratie foncière ; derrière l’orléanisme, le capitalisme financier et industriel. Dans ce cadre, il y a des subdivisions. On voit bien aujourd’hui que Marx avait raison : le capitalisme industriel et le capitalisme financier, ce n’est pas la même chose. Mais chaque fois, il y avait un parallélisme, et Marx était capable, avec une certaine vraisemblance, d’indiquer, en considérant la géographie politique française, quels groupes politiques ou quelles tendances de l’opinion publique correspondaient aux forces économiques en place. Aujourd’hui, pareil exercice serait infiniment plus difficile, ce qui pose une véritable question. Elle porte sur le point de savoir si, du fait de la mondialisation, nous assistons au dépassement du cadre national, voire aussi du cadre européen, dans lequel se déployait l’activité politique proprement dite : celle des États, des partis, des opinions publiques.

13À partir du moment où le capitalisme s’internationalise, il s’émancipe par rapport aux partis politiques et aux forces qui sont derrière. Cela est visible surtout dans le cas du capitalisme financier où il y a peu de hardware ; presque tout est de l’ordre de l’intellectuel ou du virtuel. Quelque chose qui peut s’autonomiser facilement par rapport à un cadre spatial déterminé. Depuis le début de la crise de 2007, les efforts d’un Sarkozy et d’un Obama pour essayer de régulariser, voire de réglementer, le fonctionnement du capitalisme financier se heurtent à des résistances énormes. Obama vient d’obtenir un succès partiel, en faisant passer une loi qui oblige les banques à entrer dans une sorte de cercle de la sagesse qui renforce les règles prudentielles. Mais ce succès n’est pas à la hauteur du problème international posé. Et lorsque le G 20 s’est réuni et que Sarkozy a annoncé qu’on allait commencer à discuter de la régulation, il s’est heurté non seulement à la difficulté de mettre en place des règles mais en plus à l’opposition d’un certain nombre des acteurs du G 20, notamment ceux que l’on attendait le moins, c’est­à­dire les pays émergents. Il n’y a pas de capitalistes plus libéraux à l’heure actuelle que les dirigeants chinois, indiens ou brésiliens.

14Nous sommes plus facilement qu’eux acquis à l’idée d’une certaine régulation. C’est ce qui m’a frappé à la lecture des discours de Sarkozy à Toulon et à Davos, deux réquisitoires formidables contre le capitalisme financier ! Non seulement un socialiste bon teint n’aurait rien à leur objecter, mais même quelqu’un qui se situerait du côté de l’extrême gauche n’y trouverait rien à redire. J’en ai fait l’expérience : je me suis amusé à faire un montage de ces textes et les ai lus devant un auditoire. J’ai parlé en « Sarkozy » pendant cinq à dix minutes. Les gens ont trouvé que mon discours était bien, qu’il était digne d’un socialiste véritable et quand je leur ai dit qu’il n’y avait dans ce texte pas une phrase de moi, pas un mot qui ne soit de Sarkozy, ils ont été ébahis. Cela signifie que la rupture est patente entre la branche politique du capitalisme et sa branche financière. C’est ce qui rend la situation actuelle encore plus difficile. Et qui fait que personne ne sait plus par quel bout prendre le problème !

15M. G. – Le grand paradoxe de la situation actuelle, c’est que la disparition de l’horizon révolutionnaire n’a pas libéré l’imagination réformiste, comme on aurait pu logiquement s’y attendre. Au contraire : les deux ont sombré en même temps. Il n’y a pas plus de réforme au programme que de révolution – je ne parle pas des « réformes » au sens sarkozyen de l’adaptation technocratique aux normes du marché global. L’imagination réformiste n’a jamais été à un étiage aussi bas. Son absence est un des traits les plus saisissants de la période. La pauvreté de la discussion autour des retraites ou, plus largement, de l’avenir de l’État­providence en est le symptôme.

16J. J. – Juste une incidente à ce propos. Il n’y a pas que les retraites qui jouent le rôle de leurre ou d’alibi. Une bonne partie de la fermentation intellectuelle autour de l’écologie vient du fait que tout le monde se jette dessus car c’est la seule manière de proposer des solutions ou plutôt des échappatoires au problème de l’heure. On dit ainsi que l’écologie est un moyen de relancer l’économie. Pour ma part, je pense qu’elle impose en fait à l’économie une contrainte supplémentaire. L’écologie créera, certes, un nouveau domaine d’activité mais, du point de vue de ses incidences financières et de la plus-value qui sera produite, c’est totalement négatif, cela rendra la production plus lourde et plus difficile.

17M. G. – La nouveauté absolue que représente la mondialisation comme situation politique, c’est que le capitalisme n’a plus besoin de relais politique interne. Il lui suffit du consentement de chaque unité politique à l’ouverture ; ce point acquis, le reste est marginal et abandonné de bon cœur aux préférences des indigènes. Son idéal est même d’échapper aux contraintes du cadre politique : il y a un apolitisme capitaliste qui passe par la mondialisation. Les connivences qui peuvent exister au niveau local entre élites politiques et élites financières et qui peuvent jouer conjoncturellement un grand rôle – voir le cas Goldman Sachs aux États-Unis – relèvent de l’héritage historique. Elles n’appartiennent pas au noyau fonctionnel du système. L’argument suprême est que l’on ne peut pas se permettre de faire ce que les autres ne feront pas. Impossible d’éradiquer la finance off-shore dans l’aire d’influence occidentale, nous dira­t­on par exemple, parce que tout irait à Singapour, sur lequel nous n’avons pas de prise. Il s’ensuit que la seule force politique vraiment significative serait un syndicat d’intérêt des gouvernants à l’échelle mondiale. L’évolution des problèmes n’est peut­être pas sans nous en rapprocher. Il ne nous reste qu’à espérer qu’il se trouve un leader pour en convaincre les autres et les entraîner.

18Le Débat. – Passons maintenant aux évolutions des forces politiques françaises, très riches au cours de la dernière année, pour dégager les équations qui définissent la situation actuelle, en commençant, si vous le voulez bien, par la droite.

19J. J. – J’en viens donc à la droite politique, en oubliant le grand capital. La crise qui a commencé en 2007 a complètement bouleversé le schéma qui était au départ celui de Sarkozy : celui­là même qui était apparu aux électeurs plus cohérent, plus porteur d’avenir que celui de Ségolène Royal. Sarkozy, comme tout homme politique français, est naturellement dirigiste. Il a dû forcer sa nature pour se présenter en libéral absolu et n’a donc pas eu beaucoup de peine pour revenir à la posture traditionnelle, celle qui met la politique au poste de commandement, comme disait le président Mao, en lui subordonnant, dans une certaine mesure, l’économique. Cela dit, la contradiction entre le programme initial et la réaction à la crise a été considérable et elle a complètement désarçonné l’électorat de Sarkozy, ce qui s’est traduit par une déception énorme. Car, si étrange que cela puisse paraître, les Français avaient été, somme toute, convaincus par le langage convergent de la droite et de la gauche pour dire que le libéralisme bien tempéré allait nous conduire sur des chemins semés de roses.

20Mais la crise est là, qui a fait que cela ne s’est pas produit. D’où la forte baisse de Sarkozy dans les sondages. D’où aussi quelque chose de nouveau : un début de dispersion de la droite. La grande force de Sarkozy en 2007, c’était d’avoir su unifier la droite, comme de Gaulle à sa manière l’avait fait au moment où il était arrivé au pouvoir. Cela ne veut pas dire que les autres forces de droite avaient disparu. Mais elles étaient mises en veilleuse. L’exemple le plus typique, c’est le Front national qui vient de connaître des années de basses eaux et qui, pour une moitié, s’est retrouvé à voter Sarkozy. Toute la politique concernant l’immigration n’avait d’autre but que d’attacher cet électorat au char sarkozyste, ce qui a discrédité Sarkozy à l’autre extrémité du spectre politique, où l’on n’avait pas de réticence au départ face au thème de l’identité nationale mais où l’on s’est aperçu qu’en fin de compte ce n’était qu’un leurre et même un danger. C’est sur sa gauche que Sarkozy a trouvé de nouveau des concurrents, le dernier en date étant Dominique de Villepin qui suscitait il y a un an ou deux un très grand scepticisme mais qui aujourd’hui, à en croire les sondages, a acquis une certaine crédibilité et dispose d’un certain potentiel. Ce potentiel, c’est d’abord l’antisarkozysme – c’est de bonne guerre lorsqu’on mène un combat contre l’homme en place – mais c’est aussi le gaullisme, présenté comme une solution aux problèmes de la société. Le nom de De Gaulle – on peut compter sur Villepin pour le développer – est lié aux grandes nationalisations de la Libération, à la planification, à la régulation de l’économie, à un patronat solidement tenu en main, etc. Il y a donc une résurgence du gaullisme dans le vide intellectuel et idéologique sur lequel nous sommes d’accord.

21Autrement dit, Sarkozy n’est plus, comme il y a deux ou trois ans, l’unificateur de la droite. Mais il n’est pas sûr que cela compromette sa réélection, tant son électorat forme un môle solide autour de lui. Reste que cela va la rendre très aléatoire, parce qu’on ne sait pas sous quel étendard il partira à la bataille : sera­ce, pour dire les choses très grossièrement, un étendard libéral ou un étendard dirigiste ? Les contradictions qu’il avait habilement soulignées dans la politique de la gauche il y a trois ans, la gauche pourra les lui renvoyer lors de la campagne électorale.

22J’ajoute une dernière considération : l’image de Sarkozy reste intimement liée à l’argent, à un moment où celui­ci a perdu de son prestige. On vient de le voir avec l’affaire Bettencourt. En dépit des distances qu’il a prises et que l’on vient de souligner, le président de la République est redevenu pour les Français l’homme du gros argent. D’où une perte de confiance, notamment parmi les classes moyennes, dont il est difficile de dire si elle sera durable : c’est probablement la conjoncture économique qui en décidera.

23M. G. – Le problème posé aujourd’hui à la droite française se résume, en effet, dans la déception provoquée par Sarkozy. Elle est survenue d’une manière brutale et récente, par précipitation d’une opinion largement négative. La tentation des météorologistes de la politique est de relativiser le phénomène en le ramenant aux difficultés classiques des présidents à la mi-mandat. Le cap est délicat à passer, après les choses s’arrangent. C’est possible, mais la question est de savoir si le phénomène se réduit à une fluctuation défavorable du rapport de force électoral. C’est sur ce terrain qu’il s’est déclaré, avec la déroute de la droite aux élections régionales. Alors qu’elle avait réussi à limiter les dégâts aux élections européennes de 2008, elle a vu cette fois son socle se réduire sévèrement. Il s’était déjà révélé étroit, à l’issue du test de 2008, mais il s’est montré en outre friable. C’est un signe inquiétant, nous disent nos météorologues, mais pas une indication déterminante, pas plus que la chute de la popularité de Sarkozy dont ce mauvais résultat s’est accompagné. Tout cela relève des vicissitudes ordinaires de la vie politique. Il me semble toutefois qu’il y a plus dans ce recul qu’une défaveur temporaire. Ce qui est atteint chez Sarkozy, ce n’est pas seulement sa popularité, c’est plus profondément sa crédibilité dont la baisse est d’autant plus spectaculaire qu’elle était très grande. Il avait réussi cette performance assez rare d’imposer son image de gouvernant, y compris aux gens qui n’avaient pas voté pour lui et qui ne partageaient pas ses options, mais qui étaient prêts, très majoritairement, à reconnaître sa compétence. C’est cette capacité supposée qui est affectée. L’atteinte va donc loin, et c’est ce qu’il faut essayer de comprendre.

24La crise en est­elle le moteur ? Je n’en suis pas sûr. Je dirais qu’elle a joué comme un accélérateur, d’une manière étonnante, parce que contrastée. Dans un premier temps, la crise a sauvé Sarkozy d’une glissade qui s’annonçait déjà très clairement. Le déclenchement de la crise lui a permis de rejouer son grand numéro de sauveur. Il a su trouver, en effet, tout de suite, avec rapidité et résolution, le ton, la posture de la personne qui n’a pas peur face aux événements, qui a l’esprit de décision pour prendre les mesures qui s’imposent. Cela lui a permis de réactiver l’image qu’il avait su se fabriquer au moment de la campagne présidentielle et de ses débuts dans la fonction. Et puis, dans un deuxième temps, la crise a précipité sa décrédibilisation, parce qu’elle a mis tout son discours, tout son dispositif idéologique en porte à faux. Elle a pris à contre­pied le projet dont il était porteur. Sarkozy s’était fait au fond le champion de la banalisation libérale de la France, soutenu en cela par une sorte de consensus des élites au sens très large du terme. Il s’était formé au sein de celles­ci un diagnostic implicite que l’on peut résumer comme suit : la France n’a pas compris la mondialisation, elle s’est obstinée dans les attitudes du passé tenant à sa tradition étatiste, à son culte de l’État ; il est temps de la mettre en conformité avec les nouvelles règles du jeu international. Sarkozy s’est imposé comme l’homme de ce programme.

25Pas de chance : les événements sont venus jeter un doute sérieux sur le bien­fondé de cette option. Qu’à cela ne tienne. Avec sa plasticité ordinaire, Sarkozy réendosse les habits de la tradition gaulliste dont il est issu et il fait illusion pendant quelques mois. Mais quand le voile d’illusion se déchire, le choc du dévoilement va bien au­delà de la mise en question de son programme. C’est toute la méthode de gouvernement de Sarkozy qui se trouve mise en accusation. Il cesse de faire illusion parce que le cynisme incantatoire de son pseudo­volontarisme saute aux yeux. Mais avec ce verbalisme, c’est l’ensemble de sa façon de faire qui est mis sur la sellette. De ce point de vue, il me semble que l’on assiste à quelque chose comme le dégonflage d’une baudruche. Le phénomène a une portée générale, parce que Sarkozy a procédé à une certaine systématisation des pratiques qui sont partout dans l’air de la politique d’aujourd’hui. L’expérience a la vertu de faire ressortir leur totale inadéquation à la fonction qu’elles sont censées remplir. La martingale se compose pour l’essentiel de deux éléments : d’une part, un certain usage des médias et, d’autre part, la transposition des méthodes de gestion des entreprises dans la politique.

26On a beaucoup parlé de l’usage des médias par Sarkozy qui est effectivement un virtuose de l’instrument. Je laisse de côté des choses désormais bien connues – l’omniprésence, la maîtrise de l’agenda, etc. – pour me concentrer sur ce qui me paraît être la recette principale de la démarche. Elle consiste dans la segmentation méthodique du champ de l’opinion, de manière à tenir un discours approprié à chaque segment que l’on a identifié, sans se préoccuper de la cohérence de l’ensemble – l’idée sous­jacente étant que les gens n’écoutent véritablement que ce qui les concerne. La contradiction est même de règle : un pas dans un sens doit être balancé par un pas dans l’autre. Dans une certaine mesure, il faut bien le constater, ça marche, au moins un moment. On peut le déplorer, mais c’est probablement une méthode efficace pour mener une campagne électorale.

27Simplement, il n’y a pas que des campagnes électorales dans la vie, même s’il y en a souvent, au point que le personnel politique est hypnotisé par ces échéances. Pas la population, qui a la naïveté de continuer de penser que l’important est ce qui vient après, de telle sorte qu’elle finit par faire peu ou prou la somme des discours qu’elle a entendus et par les mettre en rapport avec ce qu’elle voit – ou par constater qu’il est impossible d’en dégager une image claire. C’est le moment de vérité. Certes, ces opérations s’effectuent de manière plus intuitive que raisonnée, mais elles suffisent à mesurer l’écart des propos entre eux et des paroles avec les actes. Dans le cas, la crise financière a souligné l’hiatus à plaisir. Sarkozy a tenu des propos de matamore sympathiques sur la nécessité de ramener les banques à la raison, il a prononcé des paroles vindicatives bien ajustées contre les méfaits d’un certain capitalisme, mais tout le monde a discerné assez vite que ces propos étaient faits pour être entendus et non pour être suivis d’effets. On se demande même s’il a jamais réellement mené une action un tant soit peu délibérée pour que les effets suivent, hors de quelques mesures à valeur symbolique. Il croit aux discours. C’est un intoxiqué des médias. Pour lui, la réalité ce sont les médias et dès lors que le bon discours est repris par les médias, l’essentiel est acquis. À l’arrivée, l’image séduisante du volontarisme cède la place à celle de l’agitation impuissante, tandis que la « maîtrise de l’agenda » laisse transparaître une incohérence inquiétante.

28Second élément de la martingale, l’importation des modèles de pointe du management en politique. C’est visiblement la recette de l’efficacité pour Sarkozy, qui est fasciné par les grands patrons. Les entreprises d’aujourd’hui fonctionnent avec une grande décentralisation des unités opérationnelles auxquelles il est juste demandé de rendre des comptes en permanence sur leurs résultats financiers, selon la méthode du reporting. Avantage inestimable de ce mode d’organisation aux yeux d’une personnalité autoritaire, qui se pense volontiers indispensable : il permet de s’occuper de tout, de donner l’impulsion partout, d’avoir l’œil à tout, en mettant tous les exécutants sous pression et sous contrôle. C’est avec la politique sécuritaire que Sarkozy a fait ses premières armes en la matière, au ministère de l’Intérieur, en mettant en place, à tous les niveaux, des indicateurs chiffrés pour inciter aux résultats. Cela lui a réussi, il en a fait sa philosophie du gouvernement. Les leçons de l’expérience auraient dû pourtant déjà l’alerter. Les effets pervers de ce genre d’incitations ne sont plus à démontrer. Si vous mettez tout ce qui dépasse en garde à vue, vous obtenez sans peine des chiffres mirobolants d’activité. Dans un tel système, les agents en arrivent très vite à adopter des comportements de type soviétique, en maquillant les chiffres et en travestissant la réalité de leur action. Le cadre qu’on leur impose ne leur permet pas de faire autre chose, tellement il méconnaît les conditions réelles de leur activité et la nature des obstacles auxquels ils se heurtent.

29L’exemple peut paraître anecdotique, mais il dit l’essentiel à sa façon, relativement à la différence de la politique (et de l’action publique en général) par rapport à l’économie. Les entreprises ont un critère unique d’efficacité. La politique poursuit toujours par essence plusieurs objectifs de nature hétérogène et souvent contradictoires. Elle a besoin de la compréhension des acteurs parce qu’elle fait appel à leur consentement à des arbitrages subtils. C’est ce qu’ignorent toutes ces politiques inspirées par l’efficacité gestionnaire, dont le sarkozysme offre une version caricaturale, en combinant cette religion de l’objectif avec les effets d’annonce médiatiques. « Remplacer un fonctionnaire sur deux » : supposons, pourquoi pas ? Mais il faudrait commencer par établir où ils sont en surnombre et où il en manque. Surtout pas ! Trop compliqué. La démarche reste extérieure. L’indifférence au contenu a été érigée en méthode, au regard des résultats à atteindre. C’est la marque de fabrique de la « réforme » façon Sarkozy. Quand vous avez la combinaison du simplisme démagogique à l’usage de la télé et de ce désintérêt pour la réalité du fonctionnement des institutions que l’on charcute de la sorte, les conséquences peuvent être ravageuses. C’est le sentiment de ce bousillage qui a commencé à filtrer. Au départ, l’activisme de Sarkozy avait été accueilli avec sympathie, par contraste avec l’aboulie chiraquienne. Les retombées de ce remue­ménage désordonné laissent aujourd’hui un grand malaise. Même dans son électorat le plus convaincu, la méthode Sarkozy suscite la perplexité. Sans que la source du problème soit bien identifiée, l’impression qu’il y a vraiment quelque chose qui ne va pas s’est ancrée dans l’opinion, y compris à droite.

30Cette inadéquation de la méthode a produit en outre un dégât collatéral grave – le plus grave, peut­être, pour Sarkozy, dans la durée, parce que le plus difficile à réparer. Elle a multiplié les doutes sur l’aptitude de l’homme à la fonction, suscités par d’autres traits de la personnalité du Président et, en particulier, sa difficulté manifeste à séparer rôle public et personne privée. L’incompréhension de la nature de la politique montrée par son action de chef de l’État a amplifié l’interrogation. « On se demande si Sarkozy se rend compte qu’il est président de la République. » Cette question plusieurs fois entendue pointe l’hypothèque la plus lourde qui pèse sur les épaules du futur candidat Sarkozy : le doute sur son aptitude à incarner l’institution.

31Le Débat. – L’« affaire Woerth » n’est­elle pas de nature à aggraver ce doute ?

32M. G. – Il est trop tôt pour apprécier son impact dans la durée. Mais son retentissement aura été révélateur en tout état de cause. Complaisance envers l’argent, absence de rigueur institutionnelle : les deux facteurs se combinent et se cumulent. La crise jette un éclairage rétrospectif peu sympathique sur la tentative de « décomplexer » la société française vis­à­vis de l’argent – il n’est pas honteux d’en gagner, le seul problème est de permettre au plus grand nombre de « travailler plus pour gagner plus ». Sauf qu’il est clair qu’il y en a beaucoup qui n’en gagneront pas et que les façons d’en gagner beaucoup posent de sérieux problèmes. Sarkozy paie très cher, du coup, ses préférences ostensibles pour les « gens qui ont réussi ». Il pourra se faire enterrer avec les photos de la nuit du Fouquet’s ! Par ailleurs, les comportements abusifs en tout genre de ses ministres l’atteignent parce qu’il est confusément perçu comme le premier responsable de ce climat où les règles sont subordonnées au bon vouloir personnel. Quelles que soient les suites, l’épisode aura fait apparaître la dégradation de son image.

33J. J. – À l’égard de l’argent, l’image publique de Nicolas Sarkozy est passée par trois périodes : la première est celle que symbolisent en effet le Fouquet’s, le yacht de Bolloré, les montres de marque, le bouclier fiscal et j’en passe : c’est la période bling­bling. Au cours de la deuxième, comme je l’ai déjà indiqué, Sarkozy prend des distances : c’est la période Davos, caractérisée par des diatribes enflammées contre les banquiers et les traders. La troisième période est la période Woerth, autrement dit le retour à la case départ. L’opinion publique découvre, à travers le feuilleton à tiroirs Bettencourt, digne des grands romanciers du xixe siècle, de Balzac à Eugène Sue, les liens organiques entre la Sarkozie et le grand capital : liens personnels (Mme Woerth), liens politiques (le financement de l’ump et des micro­partis gouvernementaux), liens institutionnels (l’impunité des tricheurs fiscaux). Les multiples changements de pied ont détruit la confiance personnelle de la majorité des Français envers Nicolas Sarkozy. Or celui­ci, plus qu’aucun de ses prédécesseurs, a insisté sur le contrat personnel qui l’unissait à ceux­ci. C’est donc une véritable crise de confiance, qui n’épargne pas l’électorat de droite.

34Le Débat. – Revient­on d’un tel handicap ?

35M. G. – C’est la grande inconnue. Sarkozy, on le sait, est un être éminemment plastique. Il est doté d’une conscience de ses propres limites assez rare dans cet univers – quelqu’un qui peut déclarer : « Mon meilleur ennemi, c’est moi­même », ce n’est pas banal en politique. Il a montré par le passé qu’il était susceptible d’apprendre. Le reste­t­il encore ? Est­il capable de réajuster le tir et de changer de style ? Ce qui est sûr, c’est qu’il ne s’agit pas d’une banale affaire de météorologie, ni d’une simple retombée de la crise. C’est la manière de gouverner suivie par Sarkozy qui est en cause.

36J. J. – C’est bel et bien l’image de Sarkozy qui est compromise, plus que celle de la droite dans son ensemble. Copé, Juppé, Villepin ont pris leurs distances. Beaucoup de députés de la majorité commencent à se demander si Sarkozy demeure l’homme qui fait gagner la droite. Sa candidature, comme champion principal de celle-ci, reste aujourd’hui la plus probable. Elle n’est plus certaine. Je voudrais aussi prolonger ce qui vient d’être dit par Marcel Gauchet à propos du bilan de Sarkozy, indépendamment du problème de la droite. L’échec est avant tout économique car Sarkozy a été élu, mis à part le programme sécuritaire, sur ce qui a été le cœur de son message et qui portait sur l’économie : travailler plus pour gagner plus, c’est ce que les gens ont retenu. Sur ce point, l’échec est total, en partie à cause de la crise, en partie à cause de la manière dont Sarkozy a conçu les choses. La preuve de cet échec, je la vois dans le discours de l’un de ses meilleurs interprètes, Alain Minc, qui, lorsqu’on lui dit que les réformes de Sarkozy n’ont pas eu d’incidences pratiques, répond qu’il y a trois choses qui vont rester de cette période. Premièrement, la réforme Balladur qui donne aux citoyens la possibilité d’en appeler au Conseil constitutionnel pour vérifier la constitutionnalité d’une mesure adoptée par le gouvernement. Deuxièmement, la réforme des universités dans le sens de l’autonomie. Et, troisièmement, la réforme de la représentativité syndicale dont il assure qu’elle pourrait conduire à la réduction de l’éventail syndical à deux forces principales, l’une autour de la cgt, l’autre autour de la cfdt. Minc retient de Sarkozy un bilan exclusivement institutionnel mais absolument pas économique. Autrement dit, tout ce qui était le cœur du message de Sarkozy – la défiscalisation des heures supplémentaires, le programme fiscal, etc. –, tout cela est comme passé à la trappe. Il y a, évidemment, la crise qui est intervenue, mais je reste persuadé que toutes ces mesures seraient restées de toute façon inopérantes parce qu’elles étaient mal conçues. Ainsi, pendant sa première année, au moment où Sarkozy devait et pouvait s’attacher à réduire la dette, il a distribué de l’argent, non seulement aux riches, comme l’en accuse la gauche, mais à un peu tout le monde. La crise n’est pour rien dans cette erreur.

37Ma seconde remarque, c’est que Sarkozy est en train de tuer la fonction présidentielle. C’est grave, car je ne crois pas à un retour possible à ce parlementarisme qui fait l’objet de la nostalgie de la classe politique et des journalistes. On ne le ressuscitera pas. Cela dit, il est évident que par sa boulimie, par sa conception extra­institutionnelle de la fonction présidentielle, Sarkozy est en train de la tuer. Certes, on ne vit pas dans une dictature, on vit dans un régime libéral. Il n’en est pas moins frappant que Sarkozy gouverne, non pas contre les institutions, mais à côté d’elles. Les institutions fonctionnent quand il s’agit des collectivités locales ou du Parlement, mais lorsque Sarkozy s’en mêle, il s’affranchit de toute institutionnalité et même de toute constitutionnalité. Un exemple typique : la justice. Un beau jour, il décide de supprimer le juge d’instruction. À partir d’aujourd’hui, plus de juge d’instruction ! Je ne discute pas du bien­fondé de cette décision. Mais c’est la manière qui est significative. Il dit : je supprime le juge d’instruction. Ensuite, il nomme une commission. Résultat, recul de Sarkozy parce que la mesure était antidémocratique et contraire à l’esprit du temps : on ne peut pas faire une réforme de ce type sans une préparation de l’opinion. Ainsi, l’exercice solitaire du pouvoir débouche sur l’impuissance. Il en va de même dans beaucoup de domaines. D’où l’échec de grand nombre de ses réformes, dont certaines n’étaient pas sottes. D’où aussi l’incompréhension dans laquelle il se débat désormais. Si de Gaulle a fait des institutions qui pouvaient fonctionner sans lui, ce qui supposait leur respect, Sarkozy n’a pas su en faire autant.

38Tout cela se traduit par une formidable crise de l’autorité. Les Français ne savent plus aujourd’hui où est l’autorité et ils le déplorent. Il y a une sorte de vague à l’âme non seulement au Figaro mais aussi à gauche, à cause de l’absence d’un point fixe auquel se rattacher. Or, l’institution présidentielle, à tort ou à raison, en réalité ou fictivement, était ce point fixe. Comme avec Sarkozy ce point fixe est toujours mouvant, comme ce n’est plus quelque chose de rassurant, comme par ailleurs les institutions traditionnelles qui étaient porteuses de l’autorité – les Églises, les écoles, les partis, les syndicats, les associations culturelles – sont sur le déclin, le passage de la droite au pouvoir, au lieu de se traduire, ce qui eût été logique, par une sorte de reconstruction, aboutit à l’approfondissement de la crise de l’autorité. De ce point de vue, Sarkozy, pourtant issu de la droite, n’est pas exactement un homme de droite, sans être pour autant un homme de gauche ni au­dessus des partis, si bien que l’on ne sait plus où il est.

39M. G. – Sarkozy est un homme politique post­moderne. Il aime jouer au second degré, déjouer les repères, combiner les incompatibles, enjamber les partages établis – c’est sa conception de l’ouverture : non pas ajouter du centre gauche à la droite, mais relativiser la coupure gauche-droite. Sa façon de procéder s’est révélée efficace au moins sur un point, qui rend sa position difficilement contestable dans son camp : il n’y a que lui, tout revient à lui, rien n’existe en dehors de lui. Il y a bien sûr l’hypothèse Villepin, mais je crois ses chances limitées, tellement le verrouillage des forces parlementaires est bien organisé. Je ne vois pas sur quel relais politique un tant soit peu solide pourrait compter Villepin. Il bénéficie, certes, du petit capital de légitimité qui s’attache au titre d’ancien Premier ministre. Cela lui vaut quelques appuis dans le pays, en plus des sympathies du dernier carré gaulliste. Mais cela ne fait pas une grande armée, au regard du rassemblement de la droite que Sarkozy est parvenu à créer autour de lui. C’est sa force, et en même temps sa limite. Il n’a rien à rassembler ou à fédérer.

40Le Débat. – Mais la surprise, à droite, ne peut­elle pas venir de l’extrême droite et de la résurgence du Front national ?

41M. G. – C’est une autre grande inconnue. Il est probable que le sarkozysme a irrémédiablement fait long feu auprès d’une bonne partie des électeurs du Front national qui s’étaient reportés sur lui en 2007. On ne les y reprendra plus. Mais dans quelle proportion retourneront-ils à leur choix d’origine ? À quoi s’ajoute l’incertitude sur les effets du renouvellement que va amener Marine Le Pen. Elle n’est pas son père et elle va sans doute donner très vite une autre couleur, une autre orientation, une autre physionomie au Front national. Elle va tout simplement, pour commencer, le libérer des hypothèques du passé, de l’Algérie française aux accointances pétainistes, intégristes et antisémites. Ce qui survivait de la vieille extrême droite au travers de Jean­Marie Le Pen ne va plus être qu’un souvenir. La protestation populiste va revêtir le visage d’une jeune femme moderne à laquelle on ne peut refuser le talent politique et médiatique. Les incidences de ce coup de jeune sont imprévisibles. Mais il est imaginable qu’elles représentent un vrai danger pour Sarkozy, en lui retirant une fraction notable de son électorat populaire.

42Le Débat. – Faut­il tenir Bayrou pour définitivement mort ?

43M. G. – François Bayrou est un cas curieux dans la politique française. À la faveur de la déstabilisation générale des identités politiques, qui a spécialement affecté la famille dont il est issu, la famille démocrate­chrétienne, il en est venu un moment à remplir une fonction singulière, celle d’un test de Rorschach où chacun peut se projeter et lire ce qu’il veut y voir. C’est de cette façon qu’il a pu agglomérer un électorat aussi important que disparate en 2007. Il faut bien identifier la demande sous­jacente qui s’est portée sur cette offre. Nous avons affaire à un électorat centriste qui ne sait à quel saint se vouer et cet électorat potentiel est considérable. La droite sarkozyste ne l’enthousiasme pas ; le bling­bling lui répugne. La gauche socialiste ne le branche pas davantage, avec son côté rétro-sectaire et son programme inamovible : plus d’emplois publics, plus d’impôts. Du coup, c’est un électorat essentiellement flottant. Il va où il peut, en désespoir de cause. Il s’est massivement porté sur Bayrou dans une conjoncture spéciale où celui­ci a su trouver avec habileté un langage fédérateur pour des aspirations hétéroclites et largement contradictoires. Mais cela ne suffisait pas à créer une fidélité durable et une famille politique stable, contrairement à ce qu’a cru l’heureux bénéficiaire. Dans une autre conjoncture, le même électorat s’est reporté ailleurs. C’est Daniel Cohn­Bendit qui a fait l’office de test de Rorschach, cette fois, et qui a réussi à rassembler ces troupes sans chef de file ni garnison fixe derrière la bannière d’Europe écologie. François Bayrou peut­il reprendre la main et renouveler l’opération qui lui avait si bien réussi ? Il en a sûrement les moyens personnels, mais le rôle des circonstances est déterminant en la matière, et il est rare que ce genre d’occurrence se présente deux fois. Je tendrais à penser que son tour est passé et qu’il est voué à la marginalisation en tant que présidentiable.

44J. J. – Juste un mot sur le centrisme. Je ne parlerai pas de l’électorat centriste. Je parlerai des électorats centristes. Pourquoi ? Parce qu’il y a un électorat centriste résiduel qui est la vieille démocratie chrétienne, issue du mrp et en voie de résorption dans la droite ou dans la gauche. Dans une partie de la Bretagne, c’est plutôt à gauche. Dans d’autres régions, notamment en Alsace, ce serait plutôt à droite. Cet électorat démocrate­chrétien qui a été important sous la IVe est en voie de disparition et Bayrou a été son liquidateur, car ce centrisme démocrate-chrétien était substantiellement lié à la droite. À cet égard, Bayrou s’est conduit en fossoyeur. En revanche, il a eu le talent de créer une sorte de centrisme non idéologique, mais composé des déçus des autres familles politiques.

45Il a braconné sur les terres de la gauche et sur celles de la droite pour arriver à ce chiffre impressionnant de 18 % de voix en 2007. En même temps, il a « gaullisé » le centrisme, c’est-à­dire qu’il en a fait l’aventure d’un homme, alors que le centrisme traditionnel n’a jamais été lié à un seul homme, même s’il eut des personnalités fortes comme Robert Schuman ou Georges Bidault pour le représenter. Bayrou a présidentialisé le centrisme et, par conséquent, il a tiré les marrons du feu pour Villepin, dans des proportions qu’il est impossible de prévoir à l’avance.

46Le Débat. – Reste à parler de la gauche.

47M. G. – Je reviens brièvement sur cette notion de « centrisme ». Il convient en effet de distinguer, Jacques Julliard a tout à fait raison, entre un électorat centriste, doté d’une identité historique et politique définie (bien que soumise à une forte érosion), et un électorat du centre, celui dont je parlais pour le principal, qui ne correspond, lui, qu’à un positionnement de fait, dicté par un double « estrangement » vis­à­vis de la droite et de la gauche de gouvernement. Le problème est que les deux ne cessent de se mêler et que cet électorat désarrimé par rapport aux pôles classiques de l’identification politique tend à s’élargir. Il y a bien là un espace politique dont le score de Bayrou en 2007 a montré l’importance et dont ses déconvenues ultérieures ont mis en lumière la difficulté de le matérialiser.

48Quant à la gauche, maintenant, nous avons dit l’essentiel à son sujet en parlant de la crise et en observant qu’elle se trouve aussi déboussolée et prise à contre­pied que la droite, mais pour d’autres raisons et selon un autre timing. On aurait pu penser, sur le papier, que la crise allait lui ouvrir un boulevard. Il n’en a rien été, et ce n’est d’ailleurs pas propre à la France, c’est vrai un peu partout en Europe. En France, la situation n’a pas permis au parti socialiste de surmonter sa difficulté chronique de s’opposer à Sarkozy. Le discours a beau être virulent, il reste peu audible. Il faut dire qu’au regard de ce qu’il y a d’historique dans la conjoncture que nous vivons la capacité d’analyse et de proposition de la gauche de gouvernement paraît bien pâle. La panne d’imagination réformiste ressort cruellement en face de l’importance des enjeux. L’emprise du discours de la science économique standard sur la technocratie socialiste lui interdit d’incarner une alternative substantielle et convaincante.

49Néanmoins, en dépit de ces faiblesses, le paysage est, semble­t­il, en train de tourner. En politique, domaine du relatif s’il en fut, il n’y a pas de grandeurs absolues. La force des uns n’est souvent faite que de la faiblesse des autres. C’est le cas. L’affaiblissement de Sarkozy profite à la gauche. Il la remet dans la course. C’est sans doute ce qui explique le renforcement de la position de Martine Aubry, au départ très fragile. Cette consolidation résulte moins de son action que de la découverte de la fragilité de l’adversaire et de la prise de conscience que le pouvoir est prenable, contrairement à ce que l’on pouvait penser il y a encore un an. Et, en effet, l’hypothèse d’une victoire de la gauche à la présidentielle de 2012 appartient désormais à l’ordre du vraisemblable, même si le résultat est loin d’être acquis. Cette perspective a eu pour effet magique de discipliner les ambitions et de resserrer les rangs. Même Ségolène Royal, dont on connaît le tempérament indomptable, se montre presque d’une docilité d’apparatchik. À défaut d’avoir des idées, le parti socialiste est en train de retrouver sa solidité collective et sa cohérence politique. C’est un changement important. Probablement faut­il aussi faire sa part, dans cette évolution, à la pression du « peuple de gauche », qui ne supporte plus le spectacle des rivalités internes dont les socialistes s’étaient fait une spécialité. Autant ces batailles de chefs de file et d’écuries, dont l’intensité est inversement proportionnelle à la densité doctrinale, font les délices du petit monde militant, autant elles ont le don d’exaspérer la nébuleuse des sympathisants et des non­initiés. Apparemment, ce rejet de la base a fini par remonter jusqu’au sommet.

50Tout n’est pas réglé pour autant. Il reste à voir ce que va donner la procédure des primaires. Le souci de la direction est visiblement de l’encadrer avec soin. Nous aurons affaire à des primaires « de confirmation » et non à des primaires « de désignation », le point semble acquis. L’acclamation des populations est de bonne prise ; de là à les laisser maîtresses du choix, il y a un pas qui ne sera pas franchi. Comment réagiront-elles à ce qui ne manquera pas d’être dénoncé comme une mascarade ? C’est l’inconnue.

51Autre nouveauté notable dans le paysage électoral : le Front de gauche, auquel Mélenchon est parvenu à donner une existence significative. Il introduit un paramètre inédit dans le jeu, auquel la disparition tendancielle du parti communiste confère un poids supplémentaire. Mélenchon est en position de donner à la gauche du parti socialiste et à la « gauche de la gauche » en général un tout autre visage, beaucoup plus crédible que les candidatures de rupture et de protestation pure, du type Arlette Laguiller ou Besancenot. Nous sommes devant un phénomène nouveau, qui n’est pas non plus le communisme tel que nous l’avons connu, mais qui constitue une espèce de variante radicale de la social­démocratie au sens très large du terme. Ce mélange de modération et de radicalité dispose d’une base potentielle importante dans le pays. Si, par exemple, Strauss-Kahn se trouvait désigné candidat socialiste à la présidentielle, ce serait pain bénit pour le Front de gauche. Il est à prévoir que Mélenchon ferait un score élevé, en incarnant une vraie identité de gauche contre un libéralisme déguisé en socialisme grâce à quelques correctifs sociaux. C’est un élément destiné à compter dans les choix stratégiques qui devront être faits au cours des mois qui viennent.

52J. J. – En dépit de l’habitude prise depuis des années de gémir sur la gauche, je soulignerai que la conjoncture lui est favorable. Pour plusieurs raisons. D’abord, l’échec de l’ouverture telle que l’a conçue Sarkozy : elle n’a jamais été une ouverture intellectuelle ou politique mais purement et simplement une entreprise de débauchage. L’usure produisant son effet sur des hommes tels que Kouchner, Boeckel et quelques autres, cette ouverture se résout à peu de chose, sinon à rien du tout. Pour ne rien dire de ceux qui sont carrément passés à droite comme Besson.

53Je disais tout à l’heure que la crise a pris la gauche à rebrousse­poil. Mais il y a une chose dans la crise qui joue en faveur de la gauche, c’est la demande de social­démocratie. Car, loin que la social­démocratie soit un vieux truc périmé, c’est au contraire la demande qui monte de partout : de la France, de l’Europe, des États-Unis, de la Chine. Que veulent, en effet, les ouvriers chinois en grève, sinon de la social-démocratie ou, du moins, de la protection sociale ? Pour autant que la gauche soit le parti de la protection sociale, il y a à la fois de grandes difficultés à assurer cette protection et un avantage à être porteur de cette aspiration.

54Le dernier élément, déjà évoqué, c’est un certain assagissement des leaders causé par l’irritation croissante du « peuple de gauche » face aux querelles d’ambition. Je ne crois pas que cela change les reins et les cœurs mais cela modifie les comportements.

55La principale difficulté de la gauche socialiste, c’est le leadership. Il n’y a pas de leader incontestable. Certes, Martine Aubry s’est renforcée par rapport à la position très, très fragile qui était la sienne lors de son élection au congrès de Rennes mais, au moment où nous parlons, il y a encore quatre leaders possibles à l’intérieur de cette gauche, c’est­à­dire du parti socialiste : Dominique Strauss­Kahn, Martine Aubry, Ségolène Royal et François Hollande. Les deux premiers ont de l’avance, mais l’expérience montre que, en matière de désignation d’un leader où la France est très décalée par rapport aux autres pays, tout est encore possible. Même s’il y a un avantage Aubry, pour parler comme au tennis, il n’est pas définitif. Un homme comme François Hollande qui a l’habileté d’associer un positionnement vraiment de gauche, en matière fiscale notamment, avec un réalisme en matière de retraites où il ne fait pas de surenchère, n’est pas si mal placé. La principale faiblesse de Strauss-Kahn c’est sa trop grande proximité avec Sarkozy. Compte tenu de la radicalisation de l’électorat, on voit mal les électeurs s’enthousiasmer pour la perspective d’un sarkozysme de gauche. Bref, rien n’est joué. Ce sera l’objet des primaires. Et si les socialistes, conformément à leur naturel, essayaient de préformater les primaires, ils risqueraient de connaître une énorme surprise ou de susciter une énorme déception.

56Énorme surprise, par exemple, un retour en force de Ségolène Royal qui n’est pas au programme aujourd’hui. Ou déception qui consisterait à conclure que, décidément, la bureaucratie socialiste n’a pas changé. Quant à l’hypothèse Mélenchon, je crois qu’il a un potentiel comparable à celui dont, à droite, dispose Marine Le Pen. Chacun des deux bénéficie d’une tradition. À Marine Le Pen, celle du populisme ; à Mélenchon, celle d’une sorte de social­démocratie radicalisée et aromatisée à la sauce républicaine. Les deux ingrédients du « mélenchonisme » – c’est la première fois que j’utilise ce néologisme ! – c’est, en effet, la radicalité sociale et la République. C’est là quelque chose de différent de la gauche protestataire trotskiste, qui rend Mélenchon capable non seulement d’assécher les eaux de plus en plus rares du parti communiste, mais aussi de mordre sur la mouvance trotskiste, voire socialiste en cas de candidature DSK, jugée trop à droite. Qui plus est, il se désistera sans problème pour Martine Aubry, tandis que les voix de Marine Le Pen ne sont pas assurées à Sarkozy. C’est pourquoi je rejoins le jugement de Marcel Gauchet : la perspective de gagner en 2012 est, pour la gauche, tout à fait crédible.


Date de mise en ligne : 01/11/2010

https://doi.org/10.3917/deba.161.0003

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.170

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions