Depuis plusieurs années, la place du corps dans la vie psychique me préoccupe. Je me suis intéressée aux modifications corporelles, à l’impact des développements technologiques, à la réalité virtuelle et à la question transgenre sur les plans clinique, conceptuel et éthique. Dans cet article, je souhaite partager des réflexions personnelles soutenues par mon travail auprès d’adolescents transgenres.
Écrire et s’exprimer publiquement sur la question transgenre équivaut assez littéralement à s’exposer à la critique. Quelle que soit la position défendue, il est impossible de concilier les expériences et points de vue idiosyncrasiques de chacun : faire preuve de prudence dans l’affirmation d’une identité transgenre peut être interprété par certains comme de la transphobie, alors qu’être ouvert à la transition médicale comme option viable pour certains individus peut être jugé contraire à l’éthique par d’autres. La panique morale risque de nuire à la pensée, tout comme l’obstination à être ouvert et libéral peut minimiser la complexité du sujet.
J’ai appuyé mes efforts pour « réfléchir » à la question transgenre sur la prudence que la philosophe morale Janet Radcliffe-Richards (2012) exprime avec sagesse dans son ouvrage sur l’éthique de la transplantation d’organes. Ce sujet controversé est sans rapport avec celui de cet article. Ce qui est cependant pertinent est la façon dont Radcliffe-Richards démontre systématiquement par l’analyse des débats sur la transplantation d’organes que « la pensée imprudente tue »…