Couverture de LCP_243

Article de revue

Hommage à Gérard Szwec (1947-2021)

Pages 50 à 52

Notes

  • [1]
    Szwec, G. (2012) - La psychosomatique de l’enfant aujourd’hui, in L’enfant malade, Revue Française de psychosomatique,n°41, pp.5-9.
  • [2]
    cf. recension de J. Angelergues parue dans le Carnet Psy n°242/avril 2021, p 11-13.
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1C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Gérard Szwec, survenu le 13 mars 2021 à Paris, à peine plus de deux mois après que la Société Psychanalytique a consacré une soirée-débat à la présentation et la discussion de son dernier livre Au bout du rouleau. Nous le savions malade, mais l’annonce de sa disparition a saisi tous les collègues, tant il nous a paru anormal qu’il en soit ainsi.

2Psychiatre et pédopsychiatre (il avait dirigé un CMPP à Trappes), il était avant tout un psychanalyste, membre et formateur de la Société Psychanalytique de Paris. Il a été directeur médical du Centre de psychosomatique de l’enfant Léon Kreisler, président de l’Institut de Psychosomatique Pierre Marty. Il a co-fondé la Revue Française de psychosomatique qu’il a dirigée de 1991 à 2010. Il a publié de nombreux articles, et d’importants ouvrages, notamment aux PUF : La Psychosomatique de l’enfant asthmatique en 1993, Les Galériens volontaires en 2014, La Psychosomatique en 2017 et Au bout du rouleau en 2021.

3Il avait reçu, en 1996, le 34ème Prix Maurice Bouvet, qui est l’une des plus belles récompenses de la psychanalyse française. Ses travaux se sont principalement centrés sur deux thèmes majeurs : dans le cadre de la psychosomatique psychanalytique, dans la lignée de Pierre Marty et des autres précurseurs, comme M. de M’Uzan, M. Fain, il s’est plus spécialement orienté vers l’enfant, suivant les premiers travaux, en particulier de L. Kreisler. Il évoquait pour parler des thérapies menées dans le département de l’IPSO « enfant » une « pratique psychanalytique avec des enfants ayant des désordres somatiques » [1], ce qui témoigne d’une approche ouverte, mettant en question la question de la structure chez l’enfant, et refusant toute représentation simpliste. Le deuxième thème concerne l’étude approfondie des « procédés auto-calmants », concept sur lequel il a travaillé tout au long de sa vie. Il a ainsi décrit, en particulier dans Les galériens volontaires, un type d’activité motrice répétée jusqu’à épuisement, seul moyen pour certains patients de décharger une excitation insupportable qui ne parvient pas à s’organiser en pulsions. Ce concept fait dorénavant partie des outils théoriques majeurs de notre pratique quotidienne de psychanalystes.

4G. Szwec était un collègue très estimé pour ses qualités humaines, son engagement, sa capacité de travail, son intelligence et son humour. Il nous manquera.

  • Clarisse Baruch

5Notre collègue, notre ami Gérard Szwec nous a quittés dans la nuit de 13 au 14 Mars 2021, au point du jour.

6Psychiatre, pédopsychiatre, fin lettré, psychanalyste passionné et passionnant, Gérard Szwec était arrivé à l’Institut de Psychosomatique de Paris, IPSO, en 1982. Il avait auparavant dirigé divers CMPP dont les équipes se souviennent encore de lui.

7Je l’ai moi-même rencontré à l’IPSO en 1982 où il était entré, tout d’abord avec la casquette de pédopsychiatre et d’analyste d’enfants pour rejoindre l’équipe qui s’était spontanément constituée autour de Léon Kreisler.

8Pour moi Gérard a été une belle rencontre. Il s’agit donc d’une amitié, professionnelle mais aussi personnelle, qui a duré près de quarante ans sans jamais se démentir.

9En dehors des partages cliniques et théoriques, qui pouvaient parfois s’apparenter à des « joutes », car nous n’étions pas toujours d’accord, loin de là. Nos controverses pouvaient être passionnées et même parfois violentes, mais nous avions tous deux l’amour de la vérité et un profond respect du patient, qu’il ait 5 ans ou 75 ans.

10J’ai souvent été émerveillée de voir Gérard Szwec prendre un nourrisson insomniaque des bras de sa mère. L’enfant s’apaisait et somnolait dès que Gérard le tenait. J’avais l’impression d’assister à un miracle…

11En dehors de ses capacités, ou dons, d’analyste d’enfants, Gérard Szwec était aussi un psychanalyste d’adulte et un brillant théoricien. Il aimait la métapsychologie et se délectait de nos controverses théoriques. Je le revois encore, l’œil brillant et acéré, prêt à la contradiction. Ces discussions nous manqueront toujours, à nous autres mais manqueront certes, encore plus, aux collègues plus jeunes de l’IPSO pour qui Gérard Szwec a été un maître, un bon mentor et un remarquable superviseur et enseignant.

12Gérard Szwec nous laisse quelques livres remarquables : La psychosomatique de l’enfant asthmatique, Les Galériens Volontaires, Au Bout du Rouleau et bien d’autres.

13Ce sont de grands livres, des livres qui prennent le lecteur « aux tripes », je veux dire des livres dont nous ne sortons pas indemnes.

14Je citerai aussi « Les Travaux Forcés de la Répétition auto-calmante », ainsi que de très nombreux articles dans la Revue Française de Psychanalyse (RFP) et la Revue de psychosomatique qu’il avait cofondée et dont il a été près de 15 ans directeur.

15J’ajouterai aussi quelques souvenirs plus personnels de vacances partagées à la montagne où Gérard s’était avéré un bon skieur et en Grèce où, avant le CPLF de 2010, nous avions passé quelques jours.

16Gérard était un collègue, un ami, un compagnon dont la disparition endeuille très profondément tout l’IPSO, enfant et adulte et plus largement la SPP.

17Lorsque je lui avais demandé s’il était fier d’avoir obtenu, le prix Bouvet, avec Claude Smadja, il m’a spontanément répondu : « fier non, content peut-être, mais par contre je suis fier d’avoir péché avec mon fils, un jour, une truite saumonée énorme ».

18Gérard Szwec était un « Mensch ».

  • Marilia Aisenstein

Gérard Szwec, chercheur

19Gérard Szwec, psychanalyste freudien, membre de la SPP, a été nommé dans les années 1990 à la direction de l’Unité pour enfants de l’Institut de Psychosomatique-Pierre Marty à la Poterne des Peupliers, à la suite de Léon Kreisler qui l’avait créée en 1978. Il y partageait les consultations d’enfants avec Rosine Debray et Diran Donabédian.

20L’IPSO enfants reçoit des bébés, enfants et adolescents souffrant de désordres somatiques de tous ordres, fonctionnels, maladies graves, maladies auto-immunes, adressés par tous les services hospitaliers, de Paris et d’ailleurs. En tant que médecin, G. Szwec gérait les contacts avec les pédiatres, les spécialistes dermatologues, gastro-entérologues, les services hospitaliers et les services sociaux le cas échéant.

21Le caractère très précoce et grave des troubles somatiques du nourrisson, insomnie, anorexie, asthme, eczéma, donnait matière à réfléchir aux conditions permettant la constitution de la vie psychique et à ses achoppements. G. Szwec a suivi un grand nombre de patients, de quelques jours à l’âge adulte. Son travail auprès des enfants était enrichi de sa pratique de psychanalyste d’adultes et réciproquement. En effet, la clinique des enfants rejoint celle des adultes mal mentalisés chez qui la dimension traumatique est repérable.

22Lors des consultations d’investigation psychosomatique avec l’enfant et ses parents, il savait les accueillir avec bienveillance et simplicité, en prenant soin d’accorder une place à chacun. Dans un premier temps de la consultation, il respectait le principe de l’association libre afin d’observer les interactions entre tous les protagonistes. Avec délicatesse et plaisir, il entrait en relation avec l’enfant, centrant son intérêt sur sa façon de communiquer, il savait le mettre à l’aise et l’amenait à déployer son jeu pour l’aider à relancer l’expression fantasmatique. Dans un deuxième temps, il s’intéressait de plus près à l’histoire médicale de la petite enfance, aux circonstances de vie, aux problèmes de sommeil ou d’alimentation. Il posait la question « c’était un bébé comment ? » formule qui ouvrait sur le champ d’investissement de l’enfant par ses parents. Il se penchait sur l’histoire familiale des parents, sur les événement récents de séparation ou de perte, il était attentif à l’expression de l’infantile chez les parents, et les incitait à participer au jeu de leur enfant. Il avait toujours en tête que la maladie de l’enfant pouvait représenter par elle-même un état traumatique.

23Avec les enfants plus grands et les adolescents, il cherchait à organiser avec eux des récits, des mises en scène et utilisait son expérience du psychodrame.

24Gérard Szwec était particulièrement attaché à repérer chez un enfant les difficultés à se reposer, à s’endormir, à régresser, à rêvasser. Il a nommé « bébé non câlin » un enfant qui ne parvient pas à accéder à la passivité et qui tente de se passer des bras de sa mère en développant prématurément un système auto-suffisant, visant à tenir éloignée sa mère vécue comme trop excitante et non porteuse de réconfort. Ces enfants hyperactifs ont tendance à détruire l’activité de représentation. Il en est de même des enfants anorexiques refusant d’être nourris ou les enfants insomniaques refusant d’être endormis, qui ne peuvent se représenter une scène dans laquelle ils seraient soumis passivement à une mère active. Il n’est pas rare de constater, chez ces enfants, un hyper-investissement intellectuel témoin d’une prématurité du moi qui s’oppose à la régression et conduit à une distorsion du moi. Gérard Szwec a aussi attiré l’attention sur les « enfants sages » dont le fonctionnement relève plus de la répression que du refoulement, et qui deviendront des adultes hyper-conformistes présentant un risque accru de désordre somatique.

25G. Szwec ne se situait pas dans une recherche nosographique. Ce qui lui importait avant tout était de repérer un fonctionnement mental. Les organisateurs de la vie psychique, en particulier celui de l’apparition de l’angoisse devant l’étranger décrit par Spitz, l’apparition de prémisses de défenses phobiques, la bonne mise en place du système hallucinatoire de l’enfant, et de ses auto-érotismes, étaient soulignés comme un potentiel d’évolution vers la mentalisation. Toutes ses observations, ont débouché sur des travaux sur l’allergie réunis dans son premier livre La psychosomatique de l’enfant asthmatique publié en 1993, puis dans son deuxième ouvrage Les galériens volontaires paru en 1998, où il a approfondi l’idée de l’utilisation prévalente de la motricité et de l’accrochage à la perception comme un système antipensée, qui se définit sous le terme de « procédé auto-calmant ».

26Dans les années 90, il a constitué un groupe de supervision qui s’est transformé en groupe de travail clinique, au fur et à mesure de l’arrivée de nouveaux collègues venus se former à l’IPSO. Gérard favorisait la pensée associative et s’en servait comme base de discussion. Très attentif aux mouvements transférentiels, il nous incitait à aller dans le détail, à décrire plus avant les mouvements de la séance que nous rapportions et cherchait ainsi à repérer les indices de mentalisation et/ou ses difficultés de constitution. Chaque situation éveillait son intérêt, son besoin de chercher, de comprendre et de soulager la souffrance trop à vif des patients somatisants. Il était garant de la continuité du traitement quand celui-ci était menacé d’interruption par les parents. Les discussions portant sur l’installation du cadre de thérapies dites conjointes parents-enfant et de ses spécificités étaient vivantes et riches. Ce dispositif thérapeutique, dans lequel l’analyste manie plusieurs transferts en même temps et oblige parent et enfant de par la dynamique investissement et désinvestissement à attendre, à différer la satisfaction, pousse le thérapeute à interroger et à élaborer son contre-transfert.

27Gérard Szwec veillait à ce que le thérapeute reste psychanalyste et ne dérive pas vers une fonction réparatrice d’une relation qui aurait été défaillante. Précis et clairvoyant, il soutenait l’investissement de l’enfant et de sa famille, même quand les situations étaient difficiles. Il laissait s’exprimer les manifestations de contre-transfert négatif, ce qui donnait la possibilité de décharger l’agressivité dont nous pouvions être habités. L’humour et les rires venaient soulager les tensions suscitées par la clinique exposée.

28Il aimait débattre et discuter de métapsychologie à propos de toutes situations cliniques. Ainsi tous ceux qui sont passés par l’IPSO, se souviennent des joutes verbales entre Claude Smadja et lui, qui donnaient à leur séminaire du mercredi, qui a eu lieu pendant des années, une teneur particulièrement animée.

29A la Société Psychanalytique de Paris où son séminaire "Psychanalyse et psychosomatique" était très suivi et apprécié, aussi bien qu’à l’étranger où il a beaucoup enseigné, Gérard Szwec a transmis avec ardeur ses conceptions psychosomatiques, et l’originalité de sa pensée restera vivante chez de nombreux collègues.

30Au bout du rouleau[2], est le titre savamment et longtemps pensé, de son dernier livre paru peu de temps avant sa disparition. Il montre, dans le même temps, ses qualités de clinicien attaché à travailler avec des patients en situation de souffrance extrême, et une capacité, hors du commun, de distance et d’humour vis-à-vis de lui-même. L’investissement tendre qu’il avait de ses patients se reconnaît dans ses récits cliniques, souvent très émouvants dans leur retenue et leur humilité.

31Avoir travaillé avec Gérard, avoir pu l’observer dans sa pratique, avoir participé à ses supervisions, à ses séminaires, ou au groupe de travail du vendredi, a été une chance, un privilège et une joie. Son écoute rigoureuse, attentive, au plus près de ses patients et de ses supervisés, sa générosité, sa créativité nourrie à la fois de conviction et de doutes, sa pensée toujours en éveil, marqueront définitivement notre pratique.

  • Pascale Blayau, Aleth Prudent-Bayle, Anne Maupas, Marie Sirjacq

Principaux ouvrages de Gérard Szwec (liste non exhaustive) :
  • Au bout du rouleau, 2021, PUF
  • La Psychosomatique, avec Félicie Nayrou, 2017, PUF
  • Les travaux forcés de la répétition (collectif) dirigé par J. André et C. Chabert, 2015, PUF
  • Les Galériens volontaires, 2014, PUF
  • La Psychosomatique de l’enfant asthmatique, 1993, PUF
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Date de mise en ligne : 06/05/2021.

https://doi.org/10.3917/lcp.243.0050

Notes

  • [1]
    Szwec, G. (2012) - La psychosomatique de l’enfant aujourd’hui, in L’enfant malade, Revue Française de psychosomatique,n°41, pp.5-9.
  • [2]
    cf. recension de J. Angelergues parue dans le Carnet Psy n°242/avril 2021, p 11-13.
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