Aux origines était l’amour fou.
Néoténie du petit d’homme, amour désordonné qu’il porte à sa mère, selon la belle expression de Donald W. Winnicott (1947), alors que celle-ci traverse cet intense mouvement de retour nostalgique propre à l’immédiat après naissance, jeu de l’antinarcissisme décrit par Francis Pasche (1965), capacité maternelle à désinvestir son propre narcissisme pour favoriser le déploiement de celui de l’enfant. Dans cette rencontre avec la réalité de son bébé, la mère comme dénudée au plus intime d’elle-même, puise les sources qui lui permettent de se mettre au diapason de son enfant.
Mais, le nouveau-né est un piètre interlocuteur, comme le souligne Joëlle Rochette (2009). Dans le prolongement de l’élation narcissique de la grossesse, l’absence de régulation émanant du bébé laisse une place vacante dans l’économie narcissique et pulsionnelle maternelle. Vacance qui met à l’épreuve la souplesse de sa psyché, la qualité de son préconscient et de symbolisation primaire, ses capacités de rêverie et de mentalisation. Du fait des potentialités maternelles à surseoir, à anticiper et à jouer transitionnellement, le bébé d’étranger à demeure, selon l’expression d’Anne Aubert-Godard (1998), devient rapidement un familier interne pour sa mère.
Dès la naissance, Paul-Claude Racamier (1992) décrit une intense relation de « séduction » entre mère et bébé. Séduction, passion amoureuse, visent à établir et préserver « un accord parfait, sans faille et sans tension », à neutraliser les excitations du dedans et du dehors qui pourraient troubler cette « sérénité narcissique idéale »…