1Lorsque j’ai choisi comme titre La peur de la régression, j’avais dans l’idée quelque chose qui se rapprochait de la crainte de l’effondrement. C’est-à-dire la crainte de devoir ré-affronter une seconde fois une expérience qui avait été vécue une première fois, de façon désastreuse, sans recours, absolument solitaire et catastrophique. Autrement dit, cette sorte de crainte que ça recommence, que ça ne mène à rien, et qui se manifeste par une défiance - plus qu’une défense - dans le processus analytique, dans l’analyse et qui engage le rapport à la méthode, et le rapport au transfert, sous le terme de la « confiance » : est-ce que je peux avoir confiance ? Ce mot « confiance » n’est pas à entendre dans la banalité des relations humaines, mais il résonne dans la mémoire de ce qui a pu défaillir à un moment de l’existence de quelqu’un, c’est-à-dire briser le tissu solide, et justement assurant la continuité de la confiance dans la vie, dans les autres et évidemment dans soi-même.
2Autour de ce terme de « confiance », s’introduit une notion que je pensais amener plutôt à la fin mais que je préfère développer au début par souci de clarté. Lorsque nous parlons de continuité et de discontinuité, je pense qu’il n’est pas adéquat d’en parler seulement en termes de présence et d’absence. Bien sûr, il s’agit de présence et d’absence, il s’agit que la mère revienne, que l’enfant survive à l’absence de la mère, etc. Mais au point où nous en sommes de la connaissance de la pathologie de ce qui peut se passer dans une analyse, et au point aussi où nous en sommes de nos échanges, il faut introduire un autre terme, avec ce terme de discontinuité, c’est-à-dire les différentes modalités de rupture des liens, à soi-même et aux autres, les mots de défaillance, trahison, manquement, tromperie, ce sont en fait toutes ces ruptures de liens symboliques qui ont des potentialités traumatiques.
3Nous le savons, et c’est peut-être plus clair d’en parler comme cela, qu’il y a une différence entre une absence ressentie comme une absence et une absence ressentie comme trahison. Que faudrait-il pour qu’une absence puisse se réduire à une absence ? Et qu’elle se préserve ou dépasse d’autres expériences beaucoup plus dévastatrices puisqu’en somme elle touche à la possibilité même d’un lien psychique, qu’il s’agit dans une analyse de re-convoquer, de re-restaurer, pas simplement au titre d’un souvenir mais au titre de ce qui, dans le transfert, va justement faire lien et pouvoir permettre que l’analyse fonctionne, que le travail psychique fonctionne, et que l’analyse puisse « progresser » puisque c’est le mot que nous utilisons.
4Alors de ce point de vue, poursuivant mes réflexions, « la peur de la régression » est à entendre du côté du patient, mais elle est aussi à entendre du côté de l’analyste, de ces analystes plus ou moins avertis que nous sommes les uns et les autres, et qui pouvons témoigner de ce dont Estelle Louët témoignait dans son intervention, c’est-à-dire qu’il n’y a plus ou pas d’évidences aussi solides, aussi nettes, aussi confiantes, aussi naïves - et aussi illusoires pourquoi pas - dans le bénéfice de la régression par lui-même. Le concept même de « régression » est un concept que nous ne pouvons plus prendre dans une certaine naïveté, si tant est qu’il ait été pris dans ce registre, et qu’il nous impose effectivement de le penser peut-être encore plus aujourd’hui que par le passé.
5Les organisateurs de cette journée nous ont dit avoir hésité à choisir ce thème et peut-être que cette hésitation est un témoignage de la difficulté du concept même et de la difficulté à l’aborder avec justesse, sinon avec justice.
6Je vais développer maintenant, en écho à des choses qui ont été dites, les multiples éclairages que cette journée apporte à cette notion. J’utilise précisément les termes de notion, concept, mot car la régression est par essence, et je dirai par nature, problématique, et n’a rien d’évident.
Régression : un concept critique
Première référence : Freud
7Lorsque Freud parle de régression, il l’emploie à la fois dans un usage descriptif - et Catherine Chabert nous l’a rappelé - mais il insiste aussi sur le fait que la psychanalyse comporte une sorte d’orientation régressive. Qu’est-ce que cela signifie pour lui une « orientation régressive » ? Cela veut dire qu’elle est portée vers tout ce qu’il appelle une expérience antérieure ou le passé en tant que tel. Freud écrit cela en 1926 et il est extrêmement prudent. Par conséquent c’est en fonction du passé que le mot « régression » émerge. Mais le passé n’est pas simplement ce qui est antérieur, le passé, c’est aussi le rêve de la veille, et ainsi, on n’est plus dans le passé en tant que tel, on est dans l’abîme qu’ouvre l’analyse du rêve, c’est-à-dire un passé qui non seulement est présent mais qui contient tout ce que le rêve amène, c’est-à-dire des spectres, des monstres, un chaos, une désorganisation, quelque chose qui est continu, qui est présent, et qui, en somme, ne se laisse pas réduire au passé en tant que tel, et c’est bien tout cela que la régression fait émerger.
8De ce point de vue, la régression a aussi été un concept critique dans la psychanalyse qui a permis à la fois de dégager des éléments nouveaux et qui, en même temps, chaque fois de façon différente, a mis en avant ce dont nous n’avons cessé de parler dans cette journée sous des modalités différentes, la co-présence, qu’est-ce qui est partagé ? Quand Jacques André nous dit que le setting ne suffit pas, alors qu’est-ce qu’il faut ? Et bien il faut quelque chose de la présence de l’analyste, mais sa présence ne suffit pas, il y faut peut-être son désir, son implication, son inconscient, bref tout ce qui fait qu’au fond la régression ne se suffit pas à elle-même, si on peut dire, et que quelque soit la façon dont on analyse et décrit ce qui se passe dans une cure, l’analyste y est impliqué au delà de sa simple présence. En effet, il est amené à réfléchir et à s’interroger sur ce que signifie, pour lui, être présent dans une séance. Souvenons-nous de Winnicott disant « la seule chose que je peux donner à mes patients, c’est ma présence » mais cette présence, il n’arrête pas de la différencier, d’en parler, de la moduler, en fonction de tous les éléments qui le guident dans sa clinique et dans sa recherche.
9Il n’y a pas de doute que Freud ait cru à la régression, à une époque où il pensait (et il a toujours pensé) que tout se conservait dans l’inconscient, que tous les souvenirs étaient gardés et que par conséquent tout pouvait revenir dans la cure. La régression, au sens de la possibilité de retrouver le passé et de s’en souvenir - retrouver le passé, ce n’est pas pour s’y réinstaller, mais pour s’en souvenir - restait pour lui l’axe majeur de l’espoir qu’il avait dans le travail analytique étant donné la façon dont il le concevait. L’idée qu’il avait de la régression allait avec une certaine confiance dans la régression, confiance dans le pouvoir analytique de la régression, et confiance aussi dans son pouvoir thérapeutique.
10Nous avons de l’aveu de Freud lui-même, le témoignage que cette trop grande simplicité, si je puis dire, du processus analytique, cette trop grande fiabilité contemporaine de l’espoir que Freud avait en la psychanalyse de modifier un certain nombre de choses, s’est heurtée à un certain nombre de limites. Laurence Kahn l’a évoqué dans son intervention et je les énumère brièvement.
11Toute une partie de l’analyse de l’Homme aux loups est un exemple majeur des limites du pouvoir de la régression dans l’analyse, puisqu’en somme Freud n’a fait que chercher le souvenir de la scène originaire et finalement il a été obligé de se rabattre sur le fantasme, il a donc dû déployer un autre registre, avec lui et malgré lui, qui bien sûr a inscrit la réalité psychique sur un terrain peut-être beaucoup plus solide que précédemment, mais en même temps ça ne s’est pas fait sans dégât, c’est-à-dire sans que l’analyse de l’Homme aux loups lui-même ne doive subir le prix de cette confiance excessive, de cette quête excessive de Freud dans une certaine idée de quête du passé et donc dans une certaine idée de la régression. Donc là, il y a effectivement une limite très claire qui s’est posée en ce qui concerne le pouvoir majeur du régressif dans la cure.
12Un autre élément tout à fait important : la reconnaissance de la pulsion de mort, de la répétition et de la négativité est aussi un obstacle majeur à l’illusion du pouvoir de la régression, puisqu’en somme cela ne conduit pas à un champ, à un terrain qui permettrait une reconstitution, de recouvrer une vie psychique, mais au contraire cela confronte à l’irréductible d’une vie psychique, qui non seulement ne peut pas changer aussi facilement qu’on le souhaiterait, mais en plus est travaillé par une négativité qui utilise la régression, je dirai, à son propre bénéfice, contre ce qu’on pouvait attendre de positif dans la régression. Donc là, il y a vraiment quelque chose qui est un retournement.
13De ce point de vue, est-ce qu’il ne faudrait pas utiliser d’autres termes, c’est-à-dire garder le terme « régression » avec le risque que ce mot définisse trop un objet de la régression, et utiliser le mot « régressivité » comme une sorte de potentialité psychique dont il serait assez indécidable au départ si on peut l’utiliser d’une façon qui soit bénéfique pour la cure, c’est-à-dire d’une façon thérapeutique, ou bien si elle porte en soi une certaine négativité qui, à ce moment là, tournerait de l’autre façon.
14Autrement dit, le terme de « régression » me paraît être une interprétation d’une sorte de « régressivité » générale, comme le terme de « dépressivité » utilisé ce matin, serait une potentialité pouvant donner une issue ou empêcher toute issue, mais qu’il faudrait différencier sans doute de la « dépression ». Il y aurait donc une régressivité psychique favorisée par la cure, mais qui en elle-même pourrait se déployer dans des registres assez différents.
La question de la différence, du conflit, de l’opposition entre Freud et Ferenczi
15On voit bien que Ferenczi va sur des pistes cliniques différentes qui sont celles qu’ouvre le trauma et dans lesquelles il s’engage dans une critique de son analyse de Freud, et que Freud là-dessus ne le suit pas, il ne veut pas aller (ou dit qu’il n’a pas voulu y aller) là où Ferenczi dit qu’il aurait voulu que Freud aille. Ferenczi s’engage sur une autre piste, mais il ne s’agit pas de savoir si Freud avait raison ou tort, il s’agit simplement de noter que face à cette question de la régression, il y a un terrain sur lequel Freud n’a pas (ou plus) voulu s’engager, ce qui est tout à fait autre chose. On trouve la même position chez Lacan et chez Winnicott, et cela fait partie du problème.
16C’est cela que j’appelle « la peur de la régression » ou « la crainte de la régression » du côté de l’analyste, en fonction des expériences précédentes.
17Ferenczi initie un certain nombre de pratiques, de positions, il écrit ce fantastique Journal clinique, mais il écrit aussi ces deux textes merveilleux L’enfant mal accueilli et sa pulsion de mort (on pourrait remplacer cela par le « patient » mal accueilli et sa pulsion de mort) et La confusion de langue entre les adultes et l’enfant, que j’ai toujours entendu sur le mode de la confusion des langues entre le patient et l’analyste, car c’est de cela dont il s’agit. Cette confusion des langues, il est vraisemblable qu’elle soit d’abord apparue à Ferenczi dans le registre de son transfert avec Freud, et qu’il ait pu interpréter cette difficulté, à la fois dans le souvenir et dans l’écoute de ses patients et dans le registre de la confusion des langues entre l’enfant et l’adulte.
18A quoi mène cette confusion des langues ? Elle mène au registre du traumatique. Elle mène aux multiples registres de discontinuité potentiellement traumatisante entre l’adulte et l’enfant, entre l’enfant et l’adulte, entre le psychisme des uns et des autres, entre le désir des uns et des autres, et l’extrême difficulté de symboliser cette discontinuité, et de reconstruire à partir de ces discontinuités une continuité conquise mais qui garde la mémoire des ruptures précédentes, des dissociations précédentes, des discontinuités précédentes. Avant de parler de co-présence, il faut parler de co-absence, de tout ce qui n’a pas pu exister avant. Et, Ferenczi introduit dans la question de la régression, la question du traumatisme et des traumatismes, il se demande alors si la pensée du traumatisme et la reconnaissance des traumatismes ne nous obligent pas à changer radicalement la pensée que nous pouvons avoir de la régression parce que d’autres éléments s’y introduisent et qu’à ce moment-là, la position de l’analyste et son travail dans la conduite de la cure ne sont plus les mêmes. De cela, Freud ne veut rien savoir et nous en avons de multiples témoignages. Ce qui est quand même drôle, si je puis dire, ce sont ces deux faits. Ferenczi, après avoir lu sa conférence à un colloque, souffrait beaucoup de la fermeture de Freud, il va le voir, lui parle et écrit dans une correspondance « Freud me tourna le dos et refusa de me serrer la main » : rupture d’alliance et dos effectivement tourné. Et à un autre moment à peu près contemporain, Freud s’étonne de l’audace de Ferenczi dans son abord du transfert. Il dit à Ferenczi qu’il se met en danger et il lui écrit qu’il a eu des expériences comparables mais qu’en somme il en est revenu. Et pour lui dire qu’il en est revenu, Freud écrit ceci « vous savez, moi, je suis comme un époux, qui le lendemain de sa nuit de noce, dirait à sa jeune épouse à propos de la sexualité, maintenant que tu sais ce que c’est, on va en rester là ! ». C’est sidérant car c’est à la fois brusquement reconnaître qu’il y aurait quelque chose comme le rapport sexuel dans un certain abord du transfert, et en même temps avec « on en reste là » c’est peut-être très étrangement ce que Freud a voulu dire à Ferenczi « moi j’en suis resté là, allez-y, mais à vos risques et périls, ne comptez pas sur moi pour vous suivre ».
La position de Lacan
19Jacques André nous a rappelé la position de Lacan par rapport à la régression dans les années 50-55, et cette position de Lacan disait que la régression n’existe pas. Alors effectivement ça a un sens par rapport à Lacan, mais aussi sans doute, par rapport à nous. C’est-à-dire qu’il n’y a pas dans la cure une régression d’un stade à un autre jusqu’à une sorte d’enfance complètement mythique. Dans la cure, on est dans la parole, on est dans le symbolique, et il s’agit de tout à fait autre chose. Simplement quand Lacan tient cette position en 54, il veut dire aussi autre chose, et peut-être que cette autre chose est encore plus important que la position qu’il soutient quant à la régression par rapport au stade. Ce qu’il veut dire et qui n’est pas rien, c’est une position sur la place de la parole et du langage dans la cure. Donc c’est une position qui évacue simplement mais durablement ou durement ou à l’excès tout ce qui, après, sera nommé langage du corps, pré-verbal, et puis ensuite sensation, perception, émotion, etc. Il s’agit pour Lacan de s’ancrer sur le terrain du langage avec tous les malentendus que cela a créé, là où n’est pas dans la régression, on est dans tout à fait autre chose. Et puis il s’agit aussi pour Lacan d’évacuer toute référence - ou la plus grande partie de la référence - au maternel dans l’analyse. On voit bien tout ce que ça donnera dans toute une partie de l’œuvre de Lacan, jusqu’à ce qu’il revienne bien plus tard sur la question de la « lalangue » au maternel, etc., mais c’est quelque chose qui s’inaugure dans un écart par rapport aux mères, et par rapport au maternel, sous prétexte que dans l’analyse, on ne fait que parler.
20Donc il s’agit de bien autre chose que de la régression, il s’agit d’une position. Et c’est sur ce point-là que Vladimir Granoff s’oppose à Lacan. Au moment où Lacan dit ses propos en 55-56, Vladimir Granoff fait traduire La confusion de langue entre les adultes et l’enfant,, et il prend une position différente, pas forcément opposée à la position de Lacan, en soutenant que l’enfant est aussi là, sur le divan. Pour Granoff, il ne suffit pas de parler de l’infantile pour que le seul fait de parler de l’infantile fasse oublier qu’il y a un enfant sur le divan, il ne s’agit pas de savoir si l’enfant fait ses besoins ou pas, pleure ou pas, d’ailleurs les adultes pleurent aussi, mais il s’agit de savoir qu’il y a un enfant sur le divan, et que par conséquent, avec cet enfant, se réintroduit, sous l’égide de Ferenczi, la potentialité traumatique ou traumatisante de la régression dans l’analyse dans le rapport patient/analyste, c’est cela qui est massivement réintroduit. Granoff raconte qu’il a un entretien avec Lacan, et qu’il lui amène cet article, et dans ses souvenirs, Granoff écrit « Lacan me tourna le dos et refusa de me serrer la main ». A l’époque, la correspondance Ferenczi n’était pas encore publiée, et Granoff utilise les mêmes termes ! Même événement, même choc, même impensable.
21Le problème des séances courtes dans la pratique de Lacan est qu’elle s’inscrit dans une régression qu’elle dénie et c’est bien cela le problème. Quand on refuse quelque chose, évidemment on n’est plus en mesure de penser les phénomènes ou les symptômes régressifs qui peuvent s’introduire et qui s’inscrivent dans la pratique.
La position de Winnicott
22J’en arrive à Winnicott. Alors nous le savons et nous nous réclamons de lui, Winnicott a réintroduit le concept et la notion de régression. Il aurait pu nous faire croire à l’illusion de la régression. C’est-à-dire qu’en somme la régression tiendrait une place majeure dans le processus analytique et que, dans cette régression, nous retrouvons de quoi faire - comme le disait Maurice Corcos dans son intervention - une espèce de rebond psychique un peu maternel, qui ressourcerait la vie psychique et lui permettrait, au delà de cette régression ou avec cette régression, de retrouver une assise solide.
23Mais je soutiens que ce n’est pas du tout ce que dit Winnicott lorsqu’il parle de régression. Premièrement quand il parle de régression, il y a une réflexion psychopathologique, il ne met pas en avant la régression dans toutes les cures de la même façon, dans toutes les circonstances. Deuxièmement, il différencie repli et régression. Troisièmement, il insiste sur le fait que la question pour lui est de transformer la régression en processus thérapeutique. Donc il s’agit d’une régressivité ou d’une régression, dont il n’est pas sûr qu’elle soit en elle-même fiable, qu’elle soit par elle-même prometteuse de quelque chose de thérapeutique. Il faut la transformer en processus thérapeutique, et c’est au moment de la transformer en processus thérapeutique qu’il réintroduit, ou qu’il développe, cette dualité winnicottienne de dépendance et indépendance, c’est une régression à la dépendance. Donc c’est une régression qui est un retour aux liens et pas simplement à l’archaïque, aux liens archaïques les plus essentiels et les plus « premiers ».
24Cette notion de liens archaïques premiers est tellement essentielle que dans le cas qui illustre cet article sur les vertus de la dépression, il s’agit de l’article sur la cure d’un petit garçon qui dure 8 ans, il ne l’a vu que 6 ou 7 fois pendant ces 8 ans, et tout ce qu’il a fait pendant ces 6 ou 7 fois, c’est d’aider les parents. Donc c’est un cas tout à fait particulier qui nous dit bien qu’il n’était absolument pas naïf vis-à-vis du problème. Il parle, à ce moment-là, de ce qui peut se passer au niveau de la dépendance et des pathologies de la dépendance en somme, il dit toujours que ce sont des enfants - et pour cet enfant-là - qui, pour un certain nombre de raisons, ont perdu la fiabilité dans un lien maternel. En fait, il ne s’agit pas simplement d’un lien maternel, il s’agit de la confiance dans ce lien ou de la fiabilité dans ce lien. Et c’est cette fiabilité qui aurait été atteinte et c’est cela qu’il s’agit de reconstituer pour que cette régression puisse avoir un pouvoir thérapeutique, et par conséquent aboutir à ce que Winnicott appelle l’intégration. C’est tout à fait clair.
25Je terminerai juste sur le point suivant : cette régression au sens où l’entend Winnicott, activité/réactivité conduit aux sources de la créativité, c’est-à-dire qu’elle ne conduit pas à « réactiver » mais conduit à « activer » quelque chose de nouveau, à engendrer quelque chose de nouveau, elle conduit à relancer ce qu’il appelle la « créativité » qui est justement l’arrachement ou l’arrachage à la soumission. Donc il n’y a aucun doute, l’héritage de Winnicott concernant la pensée clinique de la régression, est qu’elle n’est pas opérante si elle n’engendre pas en elle-même quelque chose d’absolument nouveau et inédit, qui ne peut pas avoir lieu si l’analyste n’y participe pas, c’est ce que Winnicott appelle « créativité », et qui par conséquent implique et engage au plus haut la présence, le transfert, le désir de l’analyste dans le processus régressif, faute de quoi c’est la répétition, le chaos qui se déchaîne pour lui-même.
Bibliographie
Références bibiographiques
- Sandor Ferenczi, Journal clinique, janvier-octobre 1932, Paris, Payot, 1990.
- Sandor Ferenczi, Confusion de langue entre les adultes et l’enfant, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2004.
- Sandor Ferenczi, Psychanalyse IV, Œuvres complètes, Tome IV : 1927-1933, Payot.