Notes
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[1]
Wygant suggère même que l’étude du français représente un élément majeur dans l’histoire sociale et culturelle britannique d’après la Première Guerre mondiale.
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[2]
Voir, entre autres, Ayres-Bennett (2004) ; Ewert (1949) ; Lodge (1993) ; Rickard (1974).
-
[3]
Voir, entre autres, Kelly (1969) ; Caravolas (2000) ; ou plus récemment, Wheeler (2013) ; McLelland (2017) ; Gallagher (2019).
-
[4]
Par exemple, Penny (2005 : 5) : « all notions of periodization are misplaced in language history ».
-
[5]
Voir, entre autres, Kelly (1969) ; Gallagher (2019) ; McLelland (2017).
-
[6]
Voir Reinfried (2018) pour un aperçu des ouvrages semblables publiés vers cette époque, notamment aux Pays-Bas et en France.
-
[7]
Comme le fait d’ailleurs Lambley (1920) elle-même dans son « introductory chapter on the preceding period ».
-
[8]
Ou, plus précisément, un dialecte « mêlé d’angevin et de normand » (Chevalier, 1994 : 9).
-
[9]
La philologie anglo-normande date des années 1830. Le champ des études anglo-normandes est aujourd’hui très diversifié mais, pour comprendre sa tradition philologique, il suffit de voir le manuel devenu classique de Menger (1904).
-
[10]
Le terme généralement préféré en anglais est Anglo-Norman, formulé, d’après Wogan-Browne (2009), au xviiie siècle, alors que le terme Anglo-French date du xixe siècle. Trotter (2013 : 141) constate que : « The traditional philologists’ label ‹Anglo-Norman› has always had its rivals. The Victorians tended to talk of ‹Norman French›, and later contenders include ‹Anglo-French›, ‹Insular French›, and latterly, ‹the French of England› ».
-
[11]
La guerre dite de ‹cent ans› – une série de conflits essentiellement territoriaux – est souvent citée comme la période où se formèrent des identités nationales anglaise et française (voir, par exemple, Hardy 2013 et Minois 2008).
-
[12]
Period I: Immediately Before and After the Conquest (1000-1152) ; Period II: From the Marriage of Henry II (1152) to the Provisions of Oxford (1258) ; Period III: From the Provisions of Oxford (1258) to the Parliamentary Statute of 1362 ; Period IV: From the Statute of 1362 to the Age of Printing ; Period V: The Age of Printing, Humanism and Reformation (1470-1600).
-
[13]
Je reconnais que cet usage n’est pas universel. Par exemple, Simone (1998) se sert du terme Early Modern pour les xviie et xviiie siècles seulement en contraste avec la période précédente de La Renaissance alors que, pour d’autres auteurs, la Renaissance est synonyme de Early Modern.
-
[14]
Si le découpage du temps en fonction des règnes reste typiquement anglais (Elizabethan, Georgian, Victorian, etc.), il n’en reste pas moins qu’aux lecteurs d’aujourd’hui, le choix de périodiser en fonction des dynasties royales (Tudors, Stuarts) peut sembler plutôt démodé.
-
[15]
D’autres auteurs considèrent Le Donait françois, rédigé en anglo-normand par Barton vers 1409 (Colombat 2014), comme la première grammaire française (voir Colombat 2016 ; Swiggers 1985).
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[16]
Même s’il s’agit en réalité d’un « français moins ‹universel› qu’on ne croit » (Siouffi, 2010 : 18).
-
[17]
Voir, par exemple, Thomas (2005).
-
[18]
Ce terme désigne une réclamation collective d’enseignants et de linguistes, dans certains pays européens, vers la fin du xixe siècle, pour changer les approches pédagogiques dominantes dans l’enseignement des langues.
-
[19]
Voir Forsdick (2011).
-
[20]
Dans « Why compulsory philology? », Universities Quarterly 1 (1946-1947, p. 57-69), cité par Wygant (2009).
1. Introduction
1En Angleterre, comme on pouvait s’y attendre vu son importance dans l’histoire britannique, la langue française a fait l’objet d’un plus grand nombre de publications que toute autre langue. Et pourtant, il existe peu d’études d’ordre historiographique sur l’enseignement du français en Angleterre surtout, comme l’indique A. Wygant (2009) [1], sur le développement disciplinaire du français. Ce relatif manque d’activité pourrait s’expliquer par l’ambiguïté identitaire de la didactique du français comme discipline ainsi que par les variations dans les méthodologies disciplinaires et les publics ciblés. Il n’y a eu que deux études monographiques importantes consacrées à l’histoire de l’enseignement du français en Angleterre : celle de K. Lambley en 1920 et celle de D. A. Kibbee en 1991. Et à ce jour, aucune étude complète de l’enseignement du français en Angleterre n’a été publiée. Le thème a bien sûr été traité en partie dans des études historiques en linguistique française (un domaine dans lequel le Royaume-Uni jouit d’une longue et riche tradition [2]) et dans le contexte des analyses grammaticographiques comparées (Padley 1988). De plus, vu sa place historique prépondérante, le français fait naturellement l’objet d’ouvrages plus généraux sur l’histoire de l’enseignement des langues [3] et sur les traitements historiques concernant la didactique de l’anglais (Howatt 1984).
2La périodisation conventionnelle en historiographie linguistique (en français comme en anglais) reprend en grande partie les divisions traditionnelles qui s’appliquent plus largement, soit « ancien », « moyen » et « moderne » (old, middle, modern), qui ont, par ailleurs, des retentissements pour notre conception de l’enseignement. Les limites de ces divisions populaires ont fait l’objet de débats dans l’historiographie scientifique : si certains auteurs critiquent toute tentative de segmenter le fil du temps [4], d’autres, tout en reconnaissant que la division temporelle pose problème dans la mesure où il s’agit de déterminer des ruptures dans ce qui apparaît comme un continuum, proposent des critères de périodisation plus rigoureux. W. Ayres-Bennett et P. Caron (2016), par exemple, affirment que l’identification d’une période particulière doit être décidée non pas en fonction d’événements « externes » en soi (comme la Révolution française ou la limite aléatoire d’un siècle) mais qu’une segmentation temporelle se justifie à partir des évolutions « internes », c.-à-d. qui peuvent être repérées en analysant une séquence de données.
3Toute étude historique se fait bien évidemment dans un contexte spatio-temporel donné et n’est donc jamais neutre : si la plupart des auteurs délimitent la portée de leur traitement à des périodes précises, certaines études monographiques [5] sur l’histoire de l’enseignement des langues préfèrent la segmentation par thème. On peut citer, à titre d’exemple, le choix de consacrer un chapitre aux méthodes pour enseigner la prononciation (Kelly 1969) ou à l’histoire de l’évaluation (McLelland 2017). On observe toutefois que même ces monographies se structurent forcément autour d’axes géographiques ou temporels. Par ailleurs, il est à remarquer que plus on remonte dans le temps, plus les périodes traitées s’allongent et que, inversement, plus elles sont récentes, plus les périodes tendent à raccourcir.
4Dans le contexte précis de l’Angleterre, la première monographie traitant de l’histoire de l’enseignement du français fut celle de K. Lambley – The Teaching and Cultivation of the French Language in England during Tudor and Stuart Times –, publiée il y a un siècle, en 1920, et que l’on peut considérer comme texte fondateur dans le domaine [6]. Avant K. Lambley, on peut repérer des références historiques pertinentes qui sont plutôt des études philologiques où la dimension pédagogique se place au second plan, ainsi que différentes sortes de comptes rendus qui résument l’état des choses par un aperçu historique, comme les rapports commissionnés (Leathes 1918) et les échanges par les revues (mentionnés infra). K. Lambley se concentre sur la période des Tudors et des Stuarts (1485-1689), ce que l’on appellerait aujourd’hui le « début de l’époque moderne » (early modern period). Nous y reviendrons. Pour l’instant, il convient de proposer un rapide survol de la période précédente [7], période où le français est passé du statut de langue maternelle à celui de langue étrangère.
2. Tracé de l’historiographie de l’enseignement du français en Angleterre
2.1. L’ère médiévale
5La frise chronologique de l’histoire du français en Angleterre commence le plus souvent avec la Conquête normande en 1066, date gravée dans l’esprit de tant de générations d’élèves, à la suite de laquelle le français [8] s’impose comme langue maternelle dans la couche aristocratique et les corps ecclésiastiques et militaires. L’image ancrée dans l’imaginaire populaire du français comme langue des envahisseurs qui finirait par succomber devant l’anglais autochtone doit son origine à un nationalisme sous-jacent qui infusait les pratiques philologiques du xixe siècle [9]. Pour l’époque médiévale donc, il ne s’agit pas d’historiciser l’apprentissage d’une langue ‹étrangère›. C’est plutôt aux études de la philologie de l’anglo-normand [10], et plus particulièrement à la dialectologie du français médiéval en rapport avec les variétés du français continental, que l’on doit recourir pour enquêter sur les mutations linguistiques du français et, par conséquent, sur l’histoire de la didactique du français. Par ailleurs, la distinction entre l’Angleterre et la France sous l’optique actuelle constitue une contradiction géolinguistique, étant donné la distribution complexe de la souveraineté entre des territoires insulaires et continentaux. Toute historiographie linguistique est donc une narrativisation spatiale aussi bien que temporelle [11]. Comme l’explique J. Marvin (2004) :
Part of the difficulty with Anglo-Norman is that, as a variety of French used in England, it fits so poorly within standard boundaries of language and nation: it confounds the generic and disciplinary expectations of modern audiences.
7D. A. Kibbee, un des spécialistes les plus distingués des études historiques de l’enseignement du français en Angleterre, couvre cette première période dans sa monographie de 1991 (To Speke Frenche Trewely: The French Language in England, 1000-1600). Citant largement des sources secondaires, l’enquête approfondie de D. A. Kibbee offre une délicieuse escapade à travers le paysage linguistique de l’Angleterre médiévale. Il divise la période de six siècles en cinq sous-périodes [12] en rompant de manière intéressante avec la tradition en commençant avant la Conquête, avec le mariage de la reine Emma de Normandie avec Æthelred. Ailleurs, D. A. Kibbee insiste sur le fait que « the importance of Anglo-Norman is not for the history of French, but for the history of English » (2000a : 153).
8P. Meyer, philologue français, le plus éminent savant des études anglo-normandes du xixe siècle considérait, avec G. Paris, que l’anglo-normand n’était qu’un dialecte barbare, un « français dégénéré » (Marvin, 2004 : 16). Ce fut le même P. Meyer qui découvrit, en 1870, la fameuse « manière de langage » de 1396 à la bibliothèque Bodleian d’Oxford (Meyer 1870). Cette trouvaille posa les assises de l’historiographie de l’enseignement du français en Angleterre. Ce sont effectivement les manières de langage (des manuels de conversation manuscrits composés de dialogues et de listes des vocabulaires) qui s’imposent comme artefacts textuels associés à l’enseignement du français à cette période, ainsi que d’autres textes écrits qui permettent aux historiens de reconstituer la valeur fonctionnelle du ‹français› au fil du temps, comme langue de la littérature et des textes juridiques. Pour une bibliographie exhaustive de manuscrits et de textes relatifs à l’enseignement du français en Angleterre du xiiie au xve siècle, on se reportera à l’inventaire compilé par A. M. Kristol (1990). Sa liste comporte différents matériaux de caractère didactique, y compris quelques gloses interlinéaires en français du xiie siècle, puis des glossaires, des nominalia, des traités d’orthographe destinés aux professions juridiques, ainsi que des manières de langage qui apparaissent à la fin du xive siècle.
2.2. Début de la période moderne : les grammaires et les grammairiens
9Voici la période qui voit la « grammatisation » (Auroux 1992) et la « codification » (Vigner 2001) des langues majeures européennes en parallèle avec la naissance de l’État-nation tel qu’on le reconnait aujourd’hui. Cette période de l’institutionnalisation de la langue vernaculaire qui aboutit au français dit ‹classique› (Ayres-Bennett 1996) a suscité le plus d’intérêt chez les historiographes du français et c’est à partir de cette période que l’on peut tracer ‹l’enseignement› par le biais des grammaires pédagogiques. En termes de périodisation, la période dite en anglais Early Modern, qui suit la période médiévale et qui correspond plus ou moins au terme ‹début de l’époque moderne› en français, couvre la période allant de la fin du xve siècle à la fin du xviie siècle, voire jusqu’à la fin du xviiie siècle et la Révolution française [13]. C’est l’an 1492 qui est cité le plus généralement comme le début de cette époque moderne, mais en historiographie anglaise, cette période débute habituellement en 1485, année de la bataille de Bosworth qui marque l’instauration de la dynastie des Tudors, et c’est bien la date de départ choisie par K. Lambley [14].
10L’historiographie linguistique concernant ce début de la période moderne se caractérise par l’analyse des grammaires et, par conséquent, des auteurs, des grammairiens. Lesclarcissement de la langue françoyse de J. Palsgrave est souvent cité comme la première grammaire de la langue française (Chevalier 1994 ; Lambley 1920 ; Padley 1985) [15] et on remarque, à partir de sa parution (1530), un accroissement continu du nombre de grammaires et de manuels publiés en Angleterre pour apprendre le français, une tendance alimentée par l’installation d’une communauté importante de protestants français à Londres. Cet accroissement progressif ne cesse de s’accélérer à partir de la Restauration de Charles II en 1660.
11En effet, c’est cette période qui est mise en exergue par D. A. Kibbee (2000b) dans son traitement « From Holyband to Mauger ». Il suit une approche assez répandue, surtout pour cette période, en faisant une analyse comparative d’un corpus de grammaires pédagogiques (une douzaine d’ouvrages dans son cas). Son approche analytique permet de tracer des tendances dans les exposés grammaticaux et les méthodes pédagogiques, même si les conclusions se limitent forcément au contenu textuel des artefacts choisis.
12Un exemple récent de démarche éclectique, dont le travail minutieux mérite attention, est l’ouvrage de J. Gallagher (Language Learning in Early Modern England, 2019, issu de sa thèse de doctorat). Pour son étude sur la période Early Modern (pour lui, de 1480 à 1715), J. Gallagher s’appuie sur un corpus impressionnant de manuels de conversation et sur des grammaires et autres artefacts, ainsi que sur un examen approfondi de sources secondaires pour donner une analyse riche et fine qui unit l’histoire sociale avec une histoire plus strictement linguistique et pédagogique. Il est intéressant de noter, par ailleurs, comment la formulation des quatre thèmes choisis par J. Gallagher s’inscrit dans une terminologie actuelle : à titre d’exemple, on trouve des expressions comme « extracurricular economy » ou « early modern linguistic competences » alors que les termes « extracurricular » ou « competences » sont complétement absents de l’ouvrage de K. Lambley qui traite de la même période, mais dans l’optique de 1920. On peut en déduire que si K. Lambley cherche à fournir un récit chronologique du français contre un fond anglophone, une narration tout à fait conforme à la conception historico-linguistique de son époque, J. Gallagher, pour sa part, s’inscrit bien dans l’esprit de notre temps en valorisant la complexité linguistique sous forme de multilinguisme pré-moderne. De même, on observe que l’ouvrage de N. McLelland (2017) se divise en chapitres traitant d’« assessment » et d’« advocacy », termes également absents de l’étude de K. Lambley et qui reflètent des préoccupations contemporaines.
2.3. Du XVIIIe au XXe siècle
13Si le long xviiie siècle a suscité énormément d’intérêt dans plusieurs champs d’études en raison de l’évolution des mœurs et des esprits, cette période semble avoir attiré moins d’intérêt que la période précédente chez les historiens de l’enseignement du français en Angleterre. Les études historico-linguistiques de cette période portent surtout sur les discours à propos de l’universalité des langues et de la suprématie du français [16] comme « langue de la raison et de la clarté » (Lodge, 1997 : 221). Pour l’enseignement du français en Angleterre, on voit le nombre de grammaires se multiplier et converger vers ce qui deviendra le manuel prototypique de « grammaire-traduction » (Coffey 2020), longtemps pilier de la pédagogie scolaire des langues.
14Le xixe siècle est marqué par le développement des « grammaires scolaires et le mouvement scientifique » (Chevalier, 1994 : 100) dans tous les pays occidentaux, un mouvement qui voit la « commodification » du savoir, une configuration adaptée à un nouveau public scolaire de masse. En Angleterre, le français passe progressivement d’un atout utile, d’un art d’agrément, à une matière intégrée, parmi les Modern Studies, aux programmes scolaires, même si ces nouvelles disciplines ont du mal à se faire accepter, face à la croyance profondément ancrée de la supériorité de l’éducation classique, qui garde une forte emprise dans l’imaginaire de l’éducation idéale d’un gentleman. Il convient de noter que les langues vivantes, en tant que discipline universitaire au xixe siècle, étaient étroitement liées à l’étude de l’histoire moderne et n’étaient pas considérées comme une matière distincte fondée sur les compétences linguistiques. À cet égard, l’organisation du contenu – ainsi que les méthodes d’enseignement – ont été calqués sur le modèle de l’enseignement des classiques, où l’étude des langues se mêlait à l’étude de l’histoire et de la civilisation. Les langues vivantes et l’histoire moderne ont été collectivement regroupées dans le nouveau domaine des Modern Studies. Toute étude sur l’histoire de l’enseignement au xixe siècle doit donc prendre en compte le contexte de l’instauration d’un système scolaire hiérarchique et l’ingénierie sociale qu’il vise. Comme l’enseignement commence à se professionnaliser avec l’expansion des écoles, deux courants dominants s’imposent à cette époque dans l’enseignement du français.
15Premièrement, le personnage du professeur se problématise : son statut professionnel et son statut en tant que locuteur autochtone (native-speaker) ou ‹non natif›. L’enseignement du français avait dépendu, depuis le xvie siècle au moins, des émigrés de langue maternelle francophone, souvent des exilés religieux ou des réfugiés politiques, ainsi que d’autres, venus au Royaume-Uni pour d’autres motifs et pour qui l’enseignement était une manière de gagner sa vie. Le sort des professeurs de français en Angleterre a été évoqué à partir de récits personnels, de lettres et de journaux intimes qui nous permettent de voir à quel point leur vie pouvait être difficile et précaire : les ‹maîtres de langues› étrangers se trouvaient souvent marginalisés, « la risée des élèves et […] mis à l’écart des autres professeurs de l’établissement » (Poirier, 2010 : 160). L’une des conséquences de l’intégration des langues vivantes dans le cadre national et la professionnalisation du métier qui s’ensuivit fut la rivalité entre professeurs français ‹natifs› et professeurs anglais de français qui, eux, étaient soucieux de se faire valoir en se montrant plus aptes à discipliner les élèves et à adopter pour le français les mêmes procédés pédagogiques que pour les langues classiques.
16Ce débat relatif à la question de savoir qui possède les meilleures compétences pour enseigner le français a été étudié [17] à travers les comptes rendus d’associations alors nouvellement créées : la Société Nationale des Professeurs de Français en Angleterre (fondée en 1891 exclusivement pour les expatriés français) et la Modern Language Association (créée en 1892, destinée à l’élargissement de la composition intersectorielle des professeurs de langues). L’analyse du rôle des revues des sociétés savantes créées vers la fin du xixe siècle (déjà abordé par Linn 2018, en référence à l’allemand lors du mouvement de la réforme) permet d’éclairer à grands traits le développement des encadrements disciplinaires dans l’enseignement du français. Par exemple, on trouve dans le volume 4 de la première revue scientifique consacrée à l’éducation, The Quarterly Journal of Education, qui ne dura qu’entre 1830 et 1835 et dont ne parurent que dix volumes, un aperçu intéressant de l’état du français dans les écoles anglaises sous la mention d’une nouvelle « society of French teachers (recently) established in the metropolis ».
17En lien avec ce domaine de la vie professionnelle et personnelle des enseignants, domaine de recherche à mon avis toujours sous-exploité, se trouve le deuxième thème dominant des recherches qui concernent la fin du xixe siècle : les méthodes (les approches pédagogiques) et le ‹mouvement de la Réforme› [18]. Bien que la ‹Réforme› ne se soit pas très clairement exercée, ou du moins pas immédiatement, dans la réalité des salles de classe en Angleterre (contrairement à ailleurs en Europe, notamment en Prusse), le mouvement transforma quand même le discours professionnel et la façon dont on parlait de l’enseignement des langues. À partir de là, les historiens de l’enseignement des langues se concentrent sur les méthodes pédagogiques plutôt que sur la dimension philosophique de la langue qui faisait partie intégrante des études de la grammaticographie vernaculaire, entre la Renaissance et le début du xixe siècle.
18Une source-clé de données pour cette période est fournie par les références à l’enseignement des langues dans les nombreux rapports qui ont commencé à être commissionnés par le gouvernement au xixe siècle. Ici, les nombreux articles de S. Bayley publiés à partir de sa thèse doctorale sur l’enseignement des langues en Angleterre sont à noter. Elle s’appuie sur une importante archive de rapports officiels conservés à l’Université McGill de Montréal (« de véritables mines d’information que les chercheurs en éducation n’ont guère utilisées », Bayley, 1988 : 105).
19C’est peut-être au niveau universitaire que l’ambivalence du statut du français a été la mieux mise en évidence, un statut fortement contesté depuis le xixe siècle d’ailleurs. Même en 1933, J. Orr, lors de son discours inaugural de professeur de français à l’université d’Edimbourg, défend l’étude du français en l’appelant « la troisième langue classique » (the third classic) [19] et les arguments défensifs continuent de susciter le débat entre les objectifs intellectuels, instrumentaux ou même civiques, selon les perspectives des parties concernées. Si le caractère disciplinaire du français au niveau universitaire s’est forgé dans la tradition de la philologie, le nouveau domaine des French Studies s’est imposé au milieu du xxe siècle pour élargir le champ. La revue French Studies parait en 1947 grâce aux efforts de D. Seurat, professeur de français au King’s College London et directeur de l’Institut français de Londres. En lançant un appel à une plus grande pluridisciplinarité et une orientation vers le présent, celui-ci avançait en 1946 que « the basis of our university studies of French should be the concrete facts of France’s culture as they exist within the consciousness of living men » [20].
3. La construction des savoirs disciplinaires
20Pour récapituler, les origines de l’historiographie du français en Angleterre se trouvent dans le nouveau champ des études anglo-normandes au milieu du xixe siècle, un champ qui s’inscrit lui-même dans la mode pour la philologie sur fond de nationalisme. Ce savoir scientifique se construisait à partir des fonds d’archives et il a pu prendre son essor grâce à la mission universitaire élargie de la fin du xixe siècle, période qui voit la création des nouvelles universités dites ‹civiques› en Angleterre. Dans ces dernières, les nouveaux départements de sciences humaines et sociales visaient la promotion des Modern Studies par une approche scientifique plus rigoureuse.
21L’historiographie linguistique, au sens plus large que celui de la philologie, résulta donc du croisement disciplinaire entre, d’une part, la mise en œuvre d’un plus grand empirisme dans les recherches historiques et, d’autre part, l’émergence de l’étude des langues vivantes comme discipline universitaire sérieuse ; deux évolutions qui ont fourni le substrat pour l’historiographie de l’enseignement du français. Ce n’est peut-être pas un hasard si K. Lambley, dont l’ouvrage coïncide avec ce nouvel intérêt pour les études historiques, a été Assistant lecturer en français à l’Université de Manchester. L’histoire, fondée comme discipline universitaire en Angleterre au xixe siècle, s’est professionnalisée progressivement et c’est, en effet, à l’Université de Manchester, dès le début du xixe siècle, que le pionnier T. Tout encourage ses étudiants, même ceux de premier cycle, à faire des recherches historiques à partir de sources primaires (Slee 1986).
22Le lien entre l’histoire de l’enseignement des langues ‹vivantes› et l’historiographie linguistique, en particulier la grammaticographie, est au plus fort au début de l’époque moderne où les langues sont en train de se fixer au service de la formation des nations européennes. Pour la période suivante, c.-à-d. à partir de la fin du xviiie siècle jusqu’à l’heure actuelle, l’historiographie de l’enseignement des langues est plus caractérisée par des mutations politico-institutionnelles et des innovations didactiques. Dans les grandes lignes, on serait en mesure d’affirmer même qu’à l’exception de certaines célébrités particulières du mouvement réformiste, plus on avance vers notre ère actuelle, plus il semble que l’historiographie de l’enseignement se dépersonnalise, c.-à-d. que l’on parle davantage en termes de mouvements dans les institutions et les méthodologies qu’en termes de contributions de savants individuels.
23L’histoire se reconstruit et se raconte en fonction des champs d’interprétation qui sont, eux, toujours en mutation et liés à l’esprit du temps. À toutes les époques, nous constatons que l’historiographie de l’enseignement du français, maintenant suffisamment mûre pour être consciente de sa propre lignée disciplinaire, s’adapte aux partis pris ancrés dans les intérêts et les questions qui motivent les chercheurs. Ainsi, nous voyons, dans des études récentes, un regard porté en arrière pour examiner des préoccupations contemporaines d’égalité (par classe sociale, genre, catégories ethniques et culturelles) et une formulation sociolinguistique nouvelle qui encadre l’emploi des langues dans un modèle de multilinguisme ou de plurilinguisme.
24Ce qui frappe dans cet aperçu historiographique, c’est que les chercheurs qui s’engagent dans les démarches historiques de l’enseignement du français en Angleterre exercent dans les départements universitaires de français ou d’histoire mais qu’ils ne sont pas formateurs de professeurs (ni en formation initiale, ni en formation continue). Pour comprendre cette lacune, il faut prendre en compte le type de savoir professionnel qui est valorisé dans les programmes de formation. H. Besse a bien mis au jour l’enjeu :
Entre 1960 et 2000, s’est développé dans les pays occidentaux un discours sur les méthodes pour enseigner/faire apprendre les langues étrangères ou secondes. Discours qui adopte souvent un point de vue diachronique, concevant l’évolution méthodologique comme une succession de méthodes spécifiques et supposées distinctes qui s’inscrirait dans un progrès plus ou moins continu. Conception qui tend à négliger le contexte institutionnel au sein duquel émerge ou périclite, à une époque et dans un lieu donnés, telle ou telle méthode, et qui ne prend pas en compte le fait que les techniques d’enseignement supposées caractéristiques d’une méthode ont parfois été pratiquées et théorisées bien avant l’émergence de celle-ci.
26Le savoir sur lequel se base la formation des enseignants de langues, tant pour les enseignants du système scolaire que pour les enseignants du secteur privé, s’inscrit pour la plupart dans les champs scientifiques particuliers de la ‹recherche en éducation› ou de la ‹linguistique appliquée›. Ces deux champs, la linguistique appliquée en particulier (y compris les ‹sciences du langage› en France), s’enracinent dans la vague contre-culturelle des sciences sociales des années soixante. Ils s’identifient comme des disciplines intrinsèquement pratiques qui cherchent à résoudre les problèmes par le biais d’un ensemble de procédures méthodologiques récemment formulées, qui priorisent le direct et l’actuel. Ces méthodes fournissent des ‹données› alors que des disciplines plus établies en sciences humaines, telles que l’analyse littéraire et l’historiographie textuelle, traitent des ‹artefacts›. Cette différence n’est pas simplement procédurale, elle change profondément le contexte de la recherche, sa temporalité, sa circulation matérielle et discursive et les synergies qui constituent la production du savoir.
27Si les revues scientifiques, mentionnées précédemment, ont servi de forum de discussion pour l’échange d’informations et d’idées entre les professeurs sur leurs pratiques de terrain, elles sont devenues autre chose et valorisent d’autres formes de savoir. Lors du centenaire de la revue américaine Modern Language Journal, la plus importante des revues de didactique des langues dans le monde anglo-saxon, H. Byrnes, alors rédactrice en chef, a réfléchi sur l’évolution du genre des articles parus dans la revue à travers le siècle. Elle a observé que le genre de texte « essay » (‹essai›) a cédé entièrement la place à l’article empirique/rapport de recherche. Cette évolution ne concerne pas que la forme mais le contenu et l’articulation valorisée du savoir. À la différence du rapport de recherche empirique, H. Byrnes considère que l’« essay » offre souvent une discussion plus approfondie et multidisciplinaire, nourrie par des perspectives historiques :
[…] essayistic treatments tend to present their deliberations by way of inclusive consideration of different stances in discursively more expansive, and therefore, perhaps, intellectually more satisfying, ways.
29Reste alors le défi de l’intégration d’une perspective historique dans la formation des enseignants pour affirmer une identité professionnelle cohérente au regard de son passé.
4. Conclusion
30En offrant ce bref aperçu méta-historiographique des grandes lignes de recherche sur l’enseignement du français en Angleterre, j’ai voulu démontrer que chaque période, nonobstant les difficultés à fixer les limites temporelles, a été étudiée selon différentes optiques disciplinaires. Ces optiques découlent à la fois du type de matériel disponible selon les périodes et des conditions matérielles et épistémologiques dans lesquelles les recherches s’effectuent. L’historiographie de l’enseignement du français en Angleterre représente un domaine de recherche fortement interdisciplinaire au croisement des sciences de l’histoire, de la linguistique et, en tout dernier lieu, de l’éducation.
31Les recherches sur l’histoire de l’enseignement se mêlent, plus ou moins en fonction des périodes, à l’historiographie linguistique. Les premiers documents d’archives qui posent les assises de ce domaine de recherche sont les ‹manières de langage› médiévaux et d’autres textes à caractère didactique. Cependant, ces textes ont moins été étudiés, dans un premier temps, pour leur intérêt pédagogique que dans une perspective philologique articulée à l’idéologie du xixe siècle qui leur assignait de solides frontières linguistiques et nationales. Les textes anglo-normands ont ainsi été traités comme des artefacts, représentant au mieux, un ‹français émergent› et, au pire, une forme dégénérée de français par rapport au développement de ses dialectes continentaux. En réalité, nombre de textes anglo-normands ne visaient pas l’enseignement du français au sens actuel du terme mais servaient plutôt de guides linguistiques pour des fonctions juridiques et civiques qui dépendaient de certains genres institutionnels (comme le français juridique) et dépassaient l’actualité de la forme parlée.
32En franchissant les limites d’une approche purement philologique, l’étude de K. Lambley, en 1920, sur l’enseignement du français sous les dynasties Tudor et Stuart, s’accordait avec l’essor des études historiques en tant que sciences sociales dans les programmes universitaires plus diversifiés du début du xxe siècle. Elle reflète également la stabilisation de l’étude du français comme discipline universitaire qui a continué de consolider ses positions tout au long du xxe siècle, passant de ses origines littéraires à la catégorie plus large des « French Studies » au milieu du siècle.
33Le début de la période moderne (de la Renaissance aux xviie-xviiie siècles) a reçu une attention particulière de la part des historiens des langues car il marque la grammatisation et la standardisation des langues vernaculaires occidentales. Les recherches de cette période, à la fois didactiques et linguistiques, portent respectivement sur l’évolution de la langue et de la méthodologie dans les grammaires publiées par des tuteurs-grammairiens, pour la plupart ressortissants des pays voisins. Les recherches qui portent sur l’enseignement des langues pour la période suivante – xixe-xxe siècles – s’intéressent moins aux mutations linguistiques qu’à l’enseignement des langues vivantes sur le plan organisationnel dans les nouveaux systèmes instaurés au sein d’une éducation nationale (comme l’intégration des matières dans les programmes scolaires et la professionnalisation du corps enseignant). En effet, au-delà des artefacts pédagogiques, de nouvelles données de recherche apparaissent, des rapports commissionnés par le ministre de l’Éducation à celles fournies par les revues professionnelles et scientifiques. Comme le présent article le montre, la plupart des recherches sur l’histoire de l’enseignement des langues ont été entreprises en Angleterre par des spécialistes des langues et/ou des historiens plutôt que par des didacticiens. Il faut ajouter qu’aujourd’hui encore les apports de ce type de recherche n’atteignent pas toujours les enseignants ‹sur le terrain›.
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Mots-clés éditeurs : FLE, didactique des langues, métahistoriographie, identité disciplinaire, Angleterre
Date de mise en ligne : 03/12/2020
https://doi.org/10.3917/lf.208.0095Notes
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[1]
Wygant suggère même que l’étude du français représente un élément majeur dans l’histoire sociale et culturelle britannique d’après la Première Guerre mondiale.
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[2]
Voir, entre autres, Ayres-Bennett (2004) ; Ewert (1949) ; Lodge (1993) ; Rickard (1974).
-
[3]
Voir, entre autres, Kelly (1969) ; Caravolas (2000) ; ou plus récemment, Wheeler (2013) ; McLelland (2017) ; Gallagher (2019).
-
[4]
Par exemple, Penny (2005 : 5) : « all notions of periodization are misplaced in language history ».
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[5]
Voir, entre autres, Kelly (1969) ; Gallagher (2019) ; McLelland (2017).
-
[6]
Voir Reinfried (2018) pour un aperçu des ouvrages semblables publiés vers cette époque, notamment aux Pays-Bas et en France.
-
[7]
Comme le fait d’ailleurs Lambley (1920) elle-même dans son « introductory chapter on the preceding period ».
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[8]
Ou, plus précisément, un dialecte « mêlé d’angevin et de normand » (Chevalier, 1994 : 9).
-
[9]
La philologie anglo-normande date des années 1830. Le champ des études anglo-normandes est aujourd’hui très diversifié mais, pour comprendre sa tradition philologique, il suffit de voir le manuel devenu classique de Menger (1904).
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[10]
Le terme généralement préféré en anglais est Anglo-Norman, formulé, d’après Wogan-Browne (2009), au xviiie siècle, alors que le terme Anglo-French date du xixe siècle. Trotter (2013 : 141) constate que : « The traditional philologists’ label ‹Anglo-Norman› has always had its rivals. The Victorians tended to talk of ‹Norman French›, and later contenders include ‹Anglo-French›, ‹Insular French›, and latterly, ‹the French of England› ».
-
[11]
La guerre dite de ‹cent ans› – une série de conflits essentiellement territoriaux – est souvent citée comme la période où se formèrent des identités nationales anglaise et française (voir, par exemple, Hardy 2013 et Minois 2008).
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[12]
Period I: Immediately Before and After the Conquest (1000-1152) ; Period II: From the Marriage of Henry II (1152) to the Provisions of Oxford (1258) ; Period III: From the Provisions of Oxford (1258) to the Parliamentary Statute of 1362 ; Period IV: From the Statute of 1362 to the Age of Printing ; Period V: The Age of Printing, Humanism and Reformation (1470-1600).
-
[13]
Je reconnais que cet usage n’est pas universel. Par exemple, Simone (1998) se sert du terme Early Modern pour les xviie et xviiie siècles seulement en contraste avec la période précédente de La Renaissance alors que, pour d’autres auteurs, la Renaissance est synonyme de Early Modern.
-
[14]
Si le découpage du temps en fonction des règnes reste typiquement anglais (Elizabethan, Georgian, Victorian, etc.), il n’en reste pas moins qu’aux lecteurs d’aujourd’hui, le choix de périodiser en fonction des dynasties royales (Tudors, Stuarts) peut sembler plutôt démodé.
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[15]
D’autres auteurs considèrent Le Donait françois, rédigé en anglo-normand par Barton vers 1409 (Colombat 2014), comme la première grammaire française (voir Colombat 2016 ; Swiggers 1985).
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[16]
Même s’il s’agit en réalité d’un « français moins ‹universel› qu’on ne croit » (Siouffi, 2010 : 18).
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[17]
Voir, par exemple, Thomas (2005).
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[18]
Ce terme désigne une réclamation collective d’enseignants et de linguistes, dans certains pays européens, vers la fin du xixe siècle, pour changer les approches pédagogiques dominantes dans l’enseignement des langues.
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[19]
Voir Forsdick (2011).
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[20]
Dans « Why compulsory philology? », Universities Quarterly 1 (1946-1947, p. 57-69), cité par Wygant (2009).