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Article de revue

Une métaphore suit-elle toujours le même chemin ? Analyse des expressions idiomatiques et des proverbes métaphoriques

Pages 87 à 100

Notes

  • [1]
    L’appellation sens figuré a l’avantage de faire abstraction de la motivation expliquant la « figure » (voir Tamba-Mecz 1981).
  • [2]
    Comme me l’a signalé un des relecteurs que je remercie, il y a une troisième possibilité, celle du rapport sens/forme tout court, dans le cas d’une EI qui a disparu de la langue entre-temps (cf. p. ex. sous la houlette de).
  • [3]
    Alors que les expressions figées non idiomatiques et les proverbes littéraux ou non métaphoriques ne le sont que dans le sens de la non-compositionnalité (voir pour plus de détails, Kleiber 2010b, 2018).
  • [4]
    « The Great Chain of Being is a cultural model that concerns kinds of beings and their properties and places them on a vertical scale with ‹higher› beings and properties about ‹lower› beings and properties. When we talk about man’s ‹higher› faculties, we mean his aesthetic and moral sense and rational capacity, not his physical characteristics, his animal desires, or his raw emotions. We speak of higher and lower forms of life. The Great Chain of Being is a scale of forms of being –human, animal, plant, inanimate object– and consequently a scale of the properties that characterize forms of being –reason, instinctual behavior, biological function, physical attributes, and son on. » (Lakoff & Turner, 1989 : 167)
  • [5]
    Lakoff & Turner (1989 : 186-198) l’appliquent essentiellement aux proverbes, mais y incluent également les métaphores (cf. Achille est un lion) et les expressions figées (cf. Jelly in vise).
  • [6]
    Voir à cet égard Prandi (1992, 1999, 2004, 2012, 2017).
  • [7]
    On verra infra pourquoi nous avons recouru à un premier emploi.
  • [8]
    Voici les explications glanées pour (a) mettre la puce à l’oreille, (b) payer rubis sur l’ongle et (c) attendez-moi sous l’orme :
    (a) Les puces étant très présentes dans toutes les couches de la société du xviie siècle, on suppose que le sens est venu des démangeaisons provoquées par ces insectes et par l’air inquiétant que pouvait avoir une personne qui les ressentait. De fil en aiguille, la signification serait devenue celle que l’on connaît aujourd’hui ‹se douter de quelque chose›, comme on pouvait se douter à ses gestes qu’une personne avait des puces.
    (b) Originellement, signifie ‹vider si bien son verre qu’il n’y reste qu’une seule goutte de vin qui tiendrait sur l’ongle sans s’écouler›.
    (c) Le juge convoquait l’accusé sous un orme. L’accusé ne se pressait donc pas.
  • [9]
    Comme me l’a fait remarquer fort justement un des relecteurs, on peut néanmoins se poser la question suivante : n’est-on pas en droit, malgré tout, de postuler en synchronie une métaphore si les usagers y perçoivent une telle figure ?
  • [10]
    Au théâtre, un acteur qui interprétait souvent le rôle de Jean Bart dans une pièce de boulevard, avait toujours une pipe en bouche sur scène pour interpréter ce personnage. Un jour, au cours d’une représentation, la pipe est tombée, s’est brisée et l’acteur s’est affaissé, mort. Il avait cassé sa pipe !
  • [11]
    « We have argued that the widespread conflation of conventionality with non compositionality had led many linguists to overlook the fact that the meaning of most idioms have identifiable parts, which are associated with the constituents of idioms. » (Nunberg, Sag & Wasow, 1994 : 531)
  • [12]
    Tamba (2011) reproche fort justement à Nunberg, Sag & Wasow (1994) d’introduire une équivoque en parlant de compositionnalité de l’idiome. Le terme analysibilité a l’avantage de bien montrer qu’il s’agit d’un mouvement inverse de celui de la compositionnalité.
  • [13]
    Les couguars ou pumas n’ont évidemment pas pour particularité de comporter des femelles plus âgées s’intéressant à des mâles beaucoup plus jeunes qu’elles. L’origine du sens figuré n’est pas bien établie. Une des hypothèses avancées est que ce sont les joueurs de hockey des Canucks de Vancouver qui, dans les années 80, ont eu recours au mot de couguar pour dénommer des supportrices plus âgées particulièrement ardentes envers les jeunes joueurs.
  • [14]
    Pour Anscombre (2003, 2019), la réponse serait donnée par leur statut d’expression non figée. Pour Tamba (2000, 2011, 2012b), elle réside dans la particularité du sens des PM. Selon elle, le sens d’un PM repose sur l’assemblement de deux sens autonomes, l’un qui est compositionnel (S1) et l’autre qui est formulaire (S2) alors qu’une EI n’a qu’un sens, son sens conventionnel lexicalisé S2, le sens littéral d’origine S1 se trouvant exclu, contrairement au S1 des proverbes. Voir pour une discussion de ces hypothèses, Kleiber (2010b, 2018, à par.).
  • [15]
    Rappelons qu’il ne s’agit que des EI de source métaphorique.
  • [16]
    Nous avons aussi parlé de niveau super-ordonné vs niveau basique. Ces dénominations ne sont pas tout à fait exactes, étant donné qu’il n’y a pas de sous-catégories lexicalisées en dessous des proverbes. Elles ont avant tout pour but de rendre compte de la sous-spécification définitoire des proverbes (Kleiber 2017a-b-c, 2019).
  • [17]
    C’est là la raison pour laquelle nous avons recouru supra à un exemple de premier emploi pour mettre en évidence l’incompatibilité des PM. Si l’on avait pris S1-S2, il n’y aurait pas eu d’incompatibilité.
  • [18]
    On dispose toujours de S1, mais pas toujours de S2 (d’où la possibilité d’interprétations erronées). On observera toutefois que ces interprétations fautives s’opèrent en cherchant à S1 – et en lui trouvant parfois, même si ce n’est pas le bon – un sens S2 hyperonymique. Voir, par exemple, pour Pierre qui roule n’amasse pas mousse, l’interprétation ‹Quelqu’un d’actif ne devient pas gâteux› au lieu de l’interprétation ‹Qui bouge de trop n’arrive à rien› qu’on lui reconnaît habituellement (Arnaud, 1992 : 209).
  • [19]
    Sauf si le PM est appliqué à une situation de type S1, ce qui peut faire naître un sourire de connivence sémiotique, qui peut être souligné par une expression comme c’est le cas de le dire.
  • [20]
    Le même raisonnement s’applique aux métaphores lexicalisées (cf. le cas de bulldozer évoqué supra).
  • [21]
    L’explication fournie dans Conenna & Kleiber (2002) n’était pas la bonne. Mea Culpa !
L’habit fait toujours le moine quand le moine est un proverbe
(Djikey G.N., Le murmure des parémies, Mulhouse, Éditions du Klapperstei, 1944)

1. Introduction

1Il peut paraître a priori inutile de comparer les proverbes métaphoriques et les expressions idiomatiques dans la mesure où les proverbes, étant généralement considérés comme un cas particulier d’expressions figées (Gross 1996), les proverbes métaphoriques – désormais PM – sont appréhendés comme une simple sous-classe des expressions idiomatiques – désormais EI – dont la seule particularité réside dans leur statut de phrase générique. On ne voit donc pas immédiatement quel est l’intérêt de se demander si EI et PM suivent bien le même chemin métaphorique. Les apparences sont toutefois trompeuses ! Et nous nous proposons donc, dans le droit fil de nos travaux antérieurs, de procéder à une comparaison « métaphorique » des deux types d’expressions.

2Notre parcours comportera trois étapes. La première exposera quels sont les points qui légitiment leur rapprochement. La deuxième et la troisième seront consacrées à mettre en évidence et à rendre compte de deux différences qui concernent la relation sens littéral ou compositionnel (S1) – sens figuré ou conventionnel (S2). Nous essaierons d’expliquer, dans la deuxième, pourquoi la relation entre S1 et S2 des PM est toujours transparente alors que celle des EI ne l’est pas toujours et, dans la troisième, pourquoi S2 subsume toujours S1 lorsqu’il s’agit des PM et jamais lorsque l’on a affaire à une EI. Chemin faisant, notre cheminement en terres parémiques et idiomatiques fera émerger, aussi bien pour les PM que pour les EI, à la fois des propriétés peu ou mal connues et des attributs inédits.

2. Où EI et PM suivent le même chemin : points de rapprochement

2.1. Des expressions polylexicales figées

3Le premier point qui conduit à leur rapprochement est leur statut commun d’expressions figées, c.-à-d. d’unités dont la particularité formelle est d’être polylexicales. L’existence de variantes proverbiales et de changements diachroniques pour les proverbes a pu conduire certains auteurs tels J.-C. Anscombre (2003, 2019 : 43) à considérer qu’il s’agissait d’une vulgate erronée. L’argument de leur possible variation formelle ne se révèle toutefois guère pertinent puisque chaque variante, synchronique ou diachronique, apparaît comme étant une structure figée ou rigide (Kleiber 1989, 2010a, 2012). On peut donc maintenir que les proverbes, aussi bien les métaphoriques que les littéraux, sont des expressions dont les constituants lexicaux forment un tout préconstruit ou préformaté, c.-à-d. une expression figée.

2.2. Sens littéral (S1) et sens figuré conventionnel (S2)

4Le deuxième facteur qui pousse à leur réunion est que PM et EI mettent en jeu une interprétation dite « littérale » ou « compositionnelle », qui correspond au sens de la suite polylexicale non figée et une interprétation non littérale dite « figurée » ou « métaphorique » qui constitue leur sens conventionnel. Non figée, Passer l’éponge a un sens littéral ou compositionnel (S1 = ‹effacer ou nettoyer avec une éponge›). Figée, l’expression a un sens non compositionnel, dit « figuré »  [1] ou métaphorique (S2 = ‹pardonner, oublier le tort que quelqu’un a pu vous faire›, etc.). La même opposition S1/S2 se retrouve du côté des PM. La séquence Il n’y a pas de roses sans épines présente, lorsqu’il ne s’agit pas du proverbe, un sens littéral S1, qui résulte de la combinaison du sens des unités constituantes de la phrase et, lorsque l’on a affaire au proverbe, un sens non compositionnel S2 (S2 = ‹Toute chose positive a un côté négatif›), dit « figuré » ou « métaphorique », qui constitue le sens conventionnel même du proverbe.

2.3. Des expressions « opaques »

5On ne développera pas le troisième point qui a trait à l’opposition transparence/opacité et que nous avons développé longuement ailleurs (Kleiber 2010b, 2018). Nous nous contenterons de rappeler que PM et EI sont à la fois  [2] opaques dans le sens ‹non compositionnel› et dans le sens ‹non subsistance du sens dénotatif des éléments constituants›  [3]. C’est dire que leur sens conventionnel, à savoir S2, n’est ni le résultat de la composition des unités qui les constituent ni ne laisse transparaître des « morceaux » de sens du sens littéral S1.

6Le résultat compositionnel de l’EI passer l’éponge ne conduit pas au sens ‹pardonner› et le sens des éléments qui la constituent ne subsiste pas dans son sens conventionnel. Il en va de même pour les PM. Le sens « compositionnel » de Il n’y a pas de rose sans épine n’aboutit pas au sens conventionnel du proverbe et le sens des éléments constituants rose et épine n’y transparaît pas non plus.

2.4. Des expressions à sens « figuré »

7Essentiel pour leur réunion se révèle le quatrième point, à savoir la figuralité. On reconnaît aux EI et aux PM la propriété de présenter un sens figuré ou imagé parce que, dans les deux cas, S2 est donné par l’image ou « figure » du plan « littéral » :

Casser la pipe pour ‹mourir›
Il ne faut pas se déshabiller avant d’aller se coucher pour ‹il ne faut pas céder le pouvoir trop tôt›

8La « mise en figure » de S2 au moyen de S1 a pour corollaire de conférer aux EI et aux PM une expressivité plus grande que celle qu’aurait la phrase exprimant leur sens conventionnel. On s’accorde ainsi généralement à reconnaître que casser sa pipe et Il ne faut pas se déshabiller avant d’aller se coucher sont plus expressifs que leurs correspondants non imagés mourir et il ne faut pas céder le pouvoir trop tôt.

9Il a été amplement souligné dans la littérature cognitiviste que cette différence d’expressivité correspondait aussi à une différence de hauteur cognitive. Si l’on accepte avec G. Lakoff et M. Turner (1989) de placer les êtres, les choses et leurs propriétés sur une échelle verticale selon la valeur qu’on leur accorde communément  [4], on observe que l’interprétation littérale S1 est toujours située plus bas que l’interprétation figurée ou métaphorique S2. EI et PM  [5] donnent ainsi accès à des entités « hautes » ou « supérieures » (S2) à l’aide d’entités « basses » ou « inférieures » (S1). Autrement dit, des réalités d’aval permettent d’exprimer des réalités d’amont :

Passer l’éponge : le nettoyage matériel (S1), placé sur bas, renvoie au « nettoyage » moral, placé plus haut.
Après la pluie le beau temps : une situation météorologique (S1) est inférieure sur « l’échelle des êtres et choses du monde » à la « météo » des affects (S2).

10Différentes raisons peuvent expliquer ce « mouvement » d’expression du haut par du plus bas. Le « bas » est plus facilement accessible que le « haut » par sa figuralité et par le côté « concret » qui le caractérise opposé à l’abstraction des entités supérieures. Il est aussi plus homogène et, comme déjà souligné supra, il apparaît comme étant plus expressif.

11Cette analyse « verticale » a un autre avantage aux yeux de ses promoteurs : en apportant une réponse générale à tous les PM et EI, elle permet d’écarter les explications traditionnelles des métaphores en termes d’analogie ou de similarité. Aux analyses « analogiques » classiques, G. Lakoff et M. Turner substituent une métaphore conceptuelle (Lakoff & Johnson 1986) appelée Generic is specific qui, d’une part, n’oblige plus à analyser en détails l’origine de chaque métaphore et qui, d’autre part, a pour avantage précieux de pouvoir s’appliquer aux EI et aux PM sans que l’on connaisse exactement quelle est l’origine précise de leur figuralité congelée. Cette dernière précision nous conduit au cinquième point : celui de leur analyse métaphorique standard en termes d’incompatibilité sémantique et d’analogie.

2.5. Délit catégoriel et analogie : les deux ingrédients des métaphores

12EI et PM sont habituellement analysés comme représentant un cas de métaphore, c.-à-d. comme un délit catégoriel ou « conflit conceptuel » ou encore « incompatibilité sémantique », qui se trouve levé par l’analogie  [6]. L’infraction sémantique se relève en effet aussi bien du côté des EI que des PM. L’action matérielle de passer l’éponge n’est ainsi pas compatible avec l’action « morale » de passer l’éponge. De même, comme nous l’avons détaillé dans M. Conenna et G. Kleiber (2002), le premier emploi  [7] du proverbe On ne tire pas sur une ambulance permet de mettre clairement en évidence le délit référentiel à l’œuvre dans les emplois des PM puisque la situation pour laquelle, dans un éditorial de L’Express, Françoise Giroud utilise la phrase On ne tire pas sur une ambulance, ne s’applique normalement pas à la situation visée, à savoir celle d’un politicien affaibli, en l’occurrence Jacques Chaban-Delmas, en proie aux attaques des journalistes. C’est l’analogie ou la similitude qui permet dans les deux cas de se sortir de l’impasse sémantique et qui autorise à parler de métaphore, par opposition aux autres délits catégoriels comme la métonymie et la synecdoque où l’analogie n’intervient pas. Pour passer l’éponge, l’analogie réside dans le fait de ‹faire disparaître quelque chose de sale de telle sorte qu’elle n’existe plus après›. Pour On ne tire pas sur une ambulance, le commun des deux situations est qu’il ne faut pas s’en prendre à des êtres ou choses qui n’ont pas ou plus la capacité de se défendre.

13Au terme de ce rapide parcours comparatif, une saisie figurale ou métaphorique commune des EI et des PM paraît donc légitime. Certains endroits de notre présentation donnent toutefois à penser que, peut-être, « la mariée est trop belle ». On peut ainsi se demander pourquoi, pour mettre en évidence l’incompatibilité sémantique commune des EI et des PM, nous n’avons pas opéré de la même manière : pour les EI, nous l’avons montré directement avec la relation S1-S2 alors que pour les PM nous avons abandonné S2 au profit de la situation référentielle d’application. Autre indice, qui peut « mettre la puce à l’oreille », nous avons parlé de sens figural ou figuré et de métaphore alors que l’on aurait pu s’attendre à ce que l’on s’en tienne uniquement à métaphore ou sens métaphorique. Y aurait-il une raison à cela ? Tout cela nous invite à voir de plus près ce qu’il en est exactement de l’habit métaphorique dont on revêt EI et PM.

3. Où EI et PM se séparent une première fois : transparence ou opacité de la relation S1-S2

3.1. La relation S1-S2 des EI peut être opaque, celle des PM est toujours transparente

14I. Tamba (2000, 2011, 2012a-b, 2014, 2015) et J.-C. Anscombre (1994, 2003, 2019) ont observé que la relation entre S1 et S2 restait toujours « claire » ou « transparente » lorsqu’il s’agit de PM alors que ce n’était pas le cas avec toutes les EI. Quand on connaît le sens S2 d’un PM, la relation qu’entretient ce sens avec le sens littéral S1 est toujours transparente. On « voit » sans peine quel est le rapport entre le sens littéral S1 de L’habit ne fait pas le moine ou de Il n’y a pas de roses sans épines et le sens proverbial S2 ‹les apparences sont trompeuses› ou ‹Il n’y a pas de choses agréables sans choses désagréables› de ces deux proverbes. Il n’en va plus de même avec les EI où la relation S1-S2 se révèle bien souvent opacifiée.

3.2. Manifestations de l’opacité S1-S2 des EI

15Cette opacité des EI se manifeste de plusieurs manières. Tout d’abord, par l’impossibilité fréquente de trouver la motivation du passage de S1 à S2. Dans de nombreux cas d’EI en effet, il est difficile d’exprimer avec sûreté ce qui unit le sens littéral S1 au sens figuré S2 parce que, dans beaucoup de cas, la situation référentielle de départ a disparu au fil du temps. Quel est le lien entre le sens littéral S1 de Attendez-moi sous l’orme et le sens idiomatique S2 de cette expression ‹vous pouvez toujours m’attendre au rendez-vous que vous me donnez, je ne viendrai pas› ? Et qu’en est-il du rapport entre S1 mettre la puce à l’oreille et S2 ‹éveiller les soupçons› ? Citons encore le cas de payer rubis sur l’ongle où le lien entre S1 et le sens idiomatique S2 ‹payer tout ce que l’on doit, très exactement et séance tenante› ne saute pas aux yeux. La meilleure preuve de cette « opacité » motivationnelle des EI est fournie par l’existence de nombreux dictionnaires d’expressions et de locutions figées qui apportent des étymologies « à la Duneton » plus ou moins convaincantes et souvent pittoresques, nourries de faits historiques et d’explications socio-culturelles  [8] parfois inattendues qui font les délices des amateurs de curiosités langagières.

16La deuxième manifestation de l’opacité S1-S2 des EI réside dans une interprétation métaphorique erronée de la relation S1-S2. Lorsque la situation s’y prête, on est bien souvent tenté de voir une relation métaphorique entre S1 et S2 alors que c’est une autre relation qui est à l’origine de l’emploi idiomatique. Ce n’est pas parce que S2 est « figuré » qu’il est forcément issu d’une métaphore  [9]. Nous rappellerons ici un exemple que nous avait présenté, lors de notre année de licence, notre professeur Charles Muller pour nous rappeler le danger des étymologies populaires. Il s’agit de l’EI casser la pipe pour ‹mourir (brutalement ou subitement)›. Le lien S1-S2 que l’on est tenté d’établir est celui d’une relation métaphorique, la mort étant une « cassure » et la pipe pouvant passer pour un équivalent métaphorique d’être humain, comme le confirme l’expression par tête de pipe. Or, c’est une tout autre histoire étymologique que nous a racontée Charles Muller. Une histoire qui n’avait plus rien de métaphorique, mais qui relevait plutôt de la métonymie, puisqu’elle expliquait qu’à l’origine de l’emploi de casser la pipe pour ‹mourir› il y avait une relation de contiguïté. Voici comment. Sur les champs de batailles des guerres napoléoniennes, les chirurgiens n’ayant pas d’anesthésiant pour opérer, donnaient du schnaps au soldat qui devait être amputé et lui « collaient » en même temps une pipe en terre cuite entre les dents pour qu’il la morde et supporte ainsi mieux la douleur. Le soldat qui mourait au cours de l’amputation laissait tomber sa pipe par terre où elle se brisait ou bien il la cassait en mordant fortement dessus au moment fatal. Cette histoire, est-elle vraie ? Le doute est permis puisqu’il existe des explications concurrentes  [10], mais ce n’est pas le plus important.

3.3. Origine de la motivation des EI et rétroanalyse

17Ce qui est essentiel, ce sont les deux enseignements que nous livre l’exemple de casser la pipe. Le premier est qu’il met en évidence une différence forte entre les EI et les PM, qui oblige à rectifier partiellement un des points communs mis en avant dans notre première partie. L’origine des EI n’est pas toujours d’ordre métaphorique, à la différence de celle des PM. Les EI ne roulent donc pas toujours sur une métaphore.

18Le second concerne notre manière d’appréhender la motivation ou l’origine des EI lorsqu’elle nous est inconnue, c.-à-d. lorsque, connaissant S1 et S2, nous ne savons pas quel est le lien entre les deux. Ce que l’on tente à ce moment-là, comme l’illustre l’exemple de casser la pipe, c’est de justifier métaphoriquement S2 en cherchant dans S1 les éléments qui sont ouverts à une telle légitimation. On ne part donc pas de S1 pour monter analogiquement à S2, mais c’est la procédure inverse qui est suivie. On décompose d’abord le sens global S2 de l’EI et on projette ensuite cette analyse de S2 sur S1. Autrement dit, on essaie de voir, dans un mouvement analytique plus général mis en évidence par G. Nunberg, I. A. Sag et T. Wasow (1994 : 531)  [11] et appelé par I. Tamba (2011) analysibilité des EI  [12] et que l’on trouve déjà chez P. Guiraud (1967) sous le nom révélateur de rétrosignification, quels éléments de S2 sont légitimés analogiquement par des éléments de S1, c.-à-d. se retrouvent sur les constituants de l’unité polymorphique qu’est l’EI. On soulignera tout particulièrement que la clef utilisée dans cette désopacification des EI dont la relation S1-S2 n’est pas claire est avant tout celle de l’analogie, c.-à-d. que l’on essaie de retrouver une source qui est métaphorique. Cette rétro-analyse métaphorique ne peut que renforcer l’idée que les EI sont le produit de métaphores alors que, comme nous venons de le voir, une telle option n’est pas toujours correcte. On notera encore que cette rétro-signification ne se produit pas seulement avec les unités polylexicales « opaques », mais également avec les unités lexicales figurées « congelées » qui mettent deux sens en jeu. Les unités lexicales standard comme chien, tabouret, idée, etc., quoiqu’étant opaques, puisque leur forme « arbitraire » – dans le sens de ‹non motivé› – ne donne en aucune manière accès à leur sens, ne suscitent guère un mouvement de désopacification puisqu’il n’y a qu’un sens en jeu. Par contre, dès que l’on prend un lexème « figuré » comme couguar, par exemple, qui sert aujourd’hui à désigner des femmes d’âge mûr ayant des relations avec des hommes plus jeunes, on cherche à voir quels éléments de ce sens se retrouvent dans le sens de l’unité lexicale non métaphorique de départ, c.-à-d. dans le sens de couguar-‹animal› qu’on lui assigne habituellement erronément  [13] comme S1 d’origine. Autrement dit, on projette sur la femelle du couguar la relation ‹femme d’âge mûr avec homme plus jeune› qu’exprime S2.

19La mise au point que nous venons de faire ne répond pas pour autant à la question de la différence transparence/opacité de la relation S1-S2  [14]. Certes, l’affaire se trouve réglée pour les EI d’origine non métaphorique, dont la source « figurée » non analogique ne les fait plus entrer en concurrence avec les PM, mais elle reste entière pour les EI qui sont de « race » analogique comme les PM. Celles-là exigent que l’on réponde à la question : qu’est-ce qui fait que la relation entre le S1 et le S2 d’un PM soit toujours « transparente » alors que ce n’est pas toujours le cas avec les EI d’origine métaphorique ? La réponse passe par la mise en avant d’une autre différence, décisive celle-là, entre EI (métaphoriques) et PM, à savoir une différence de hauteur entre S1 et S2.

4. Où EI et PM se séparent une deuxième fois : S2 subsume ou ne subsume pas S1

4.1. Une relation S1-S2 de type différent

20Nous avons rappelé supra que pour G. Lakoff et M. Turner (1989), EI et PM avaient en commun le fait de présenter un sens figuré S2 hiérarchiquement supérieur au sens littéral S1 sur la Great Chain of Being. La relation « verticale » S1-S2 était donc la même pour les deux types d’expressions et relevait d’un même processus de « métaphore conceptuelle » appelé Generic is specific. Le moment est venu de montrer que cette assimilation n’est pas totalement légitime.

21EI  [15] et PM ne connaissent pas le même type de relation hiérarchique S1-S2. Nous avons eu l’occasion de montrer à plusieurs reprises (Kleiber 2000, 2008, 2011, 2017) que la relation « verticale » à laquelle donnent lieu les PM était tout à fait particulière comparée à celle à laquelle donnent lieu les EI. Elle correspond toujours à une relation hiérarchique de type hypo/hyperonymique  [16], dans laquelle S1 figure une instance de S2  [17]. Ainsi le sens S1 du PM Il n’y a pas de roses sans épines représente-t-il un cas particulier de S2 ‹Il n’y a pas de choses agréables sans choses désagréables›. De même, la relation qui unit le S1 de S2 dans le proverbe Une hirondelle ne fait pas le printemps est celle du cas particulier de l’hirondelle qui ne fait pas le printemps qui se trouve subsumé par le cas général ‹À partir d’un seul exemple, on ne doit pas tirer une généralité›. Semblable relation hypo/hyperonymique n’a pas cours chez les EI, même si le sens conventionnel S2 est hiérarchiquement supérieur. Le sens littéral S1 de passer l’éponge ne se trouve en effet pas « coiffé » par S2. ‹Enlever la saleté avec une éponge› n’est en effet d’aucune façon une occurrence du S2 ‹pardonner, oublier les fautes morales de quelqu’un›.

22Nous ne citerons ici qu’une preuve de cette différence, à savoir la possibilité pour les PM d’être utilisés pour la situation S1 alors que semblable chose est interdite aux EI. L’EI passer l’éponge, avec donc le sens idiomatique S2, ne saurait être utilisée pour des situations relevant de S1 – nous avons vu supra qu’il y avait incompatibilité avec les EI entre S1 et S2. Si le maître d’école nettoie le tableau avec une éponge mouillée, on ne peut dire qu’il passe l’éponge dans le sens idiomatique S2 ‹pardonner, oublier les fautes morales de quelqu’un›. Un tel emploi est possible pour les PM puisque S1 est un cas subsumé par S2, comme en témoigne cet exemple tiré de la presse où le proverbe L’habit ne fait pas le moine sert de titre à un fait divers relatant précisément la conduite non monastique d’un moine allemand :

L’habit ne fait pas le moine (titre, Dernières Nouvelles d’Alsace, 11-03-2008)
Quelques 230 DVDs pornographiques ont été retrouvés à l’abbaye Maria Laach, l’une des plus célèbres d’Allemagne, dissimulés dans la chambre d’un moine bénédictin. Âgé de 49 ans, ce dernier avait été pris en flagrant délit par la vendeuse d’un sex-shop qui se plaignait de vols à répétition.

4.2. Explication de la différence de « transparence » S1-S2

23La mise en relief de la relation de subsomption entre les deux sens S1 et S2 d’un PM apporte une réponse à la différence de « transparence » qui se manifeste dans la relation S1-S2 des PM et des EI. Si l’on comprend toujours le rapport qu’il y a entre le sens littéral S1 d’un PM et son sens formulaire ou métaphorique S2, alors que semblable transparence ne se retrouve pas avec les EI métaphoriques, c’est parce que dans tous les cas de PM le rapport entre S1 et S2 est un rapport de type hypo/hyperonymique. Cette relation de subsomption d’un cas particulier (S1) qui exprime le sens formulaire général (S2) du PM est la même pour tous les PM et constitue leur trait définitoire principal. Pour les EI, les relations S1-S2 ne relèvent pas d’un type unique, qui serait définitoire de leur catégorie, mais répondent à des analogies diverses dépendant des propriétés des entités mises en jeu. Du coup, la relation S1-S2 des EI n’est pas forcément « transparente » alors qu’elle l’est pour les PM, puisqu’il s’agit toujours du même rapport qui se trouve manifesté, à savoir celui d’une situation S1 qui se trouve subsumée par une situation générale S2. Lorsque l’on dispose du sens S1 et S2 d’un PM  [18], on dispose d’un schéma d’interprétation unique qui sert de clef à l’interprétation des PM et qui explique pourquoi, à la différence de celle des EI, la relation S1-S2 y est toujours claire ou « transparente ».

4.3. Peut-on encore parler de « métaphore » pour les PM ?

24Notre réponse à la différence de transparence constatée dans la relation S1-S2 des EI et des PM soulève immédiatement une première question qui porte sur le statut même des PM. Comme la relation S1-S2 est d’ordre hiérarchique hypo/hyperonymique et ne relève plus de l’analogie, comment peut-on encore parler de métaphore pour les PM ? Ne s’agit-il pas plutôt de synecdoque, comme on a pu le défendre dans la littérature (Krikmann 1994) ? Nous rappellerons rapidement que la réponse que nous avons apportée à cette question (Kleiber à par.) dissocie le plan de la relation S1-S2 de celui de leur emploi discursif pour des situations particulières de même niveau que celles de S1. En considérant comment ils fonctionnent sur ces deux plans, on constate qu’ils sont à la fois synecdochiques et métaphoriques sans qu’il y ait de contradiction (Kleiber 2017a). Ils se révèlent synecdochiques sur le premier plan, c.-à-d. sur celui de la relation S1-S2, parce que leur sens S2 « congelé » est un sens hyperonymique, qui fait de la situation littérale une de ses instances ou figures hyponymiques. Ils apparaissent métaphoriques sur le second plan, celui de leur application à des situations particulières, parce que, premièrement, ils mettent en jeu deux situations incompatibles  [19] de même niveau, celle du sens littéral du proverbe et la situation particulière à laquelle il s’applique et que, deuxièmement, cette union de deux situations de niveau S1, normalement incompatibles, active un processus d’analogie qui fait de chaque emploi une métaphore « vive », et non pas congelée.

4.4. Pourquoi n’y a-t-il pas subsomption avec les EI ?

25La deuxième question que fait surgir notre analyse est celle de l’absence d’une telle subsomption, non seulement du côté des EI mais également du côté des métaphores lexicales ou métaphores congelées. Le sens S2 de la métaphore lexicale bulldozer, à savoir quelque chose comme ‹personne d’une puissance qui renverse tout, que rien n’arrête›, ne subsume pas le sens S1 de départ ‹de tracteur monté sur chenilles qui permet de déblayer…›. Dans les deux cas pourtant, PM et EI/métaphores lexicales, il y a un processus d’analogie. Comment se fait-il alors qu’il donne lieu à un résultat différent suivant qu’il s’agit des PM ou des EI ? De façon plus précise, pourquoi avec les PM a-t-on une lexicalisation dont le sens S2 subsume les deux situations alors qu’avec les EI (et métaphores lexicalisées), la lexicalisation n’inclut jamais la situation du sens littéral S1 ? Comment expliquer ce fait, qui a tout de l’énigme et que se révèle capital, étant donné qu’il sépare radicalement les PM des EI/métaphores lexicales ?

26Deux facteurs s’avèrent décisifs, la lexicalisation et la différence d’entités dénotées. La lexicalisation d’une métaphore vive a pour conséquence la cristallisation de la similitude qui permet de résoudre l’incompatibilité métaphorique originelle. Elle donne ainsi lieu à une nouvelle dénomination qui renvoie à une entité dont la caractéristique est de posséder les traits analogiques fondateurs de la métaphore et dont l’existence, du fait de la dénomination, est présupposée. Dans le cas des EI, comme dans celui des simples métaphores lexicalisées, l’entité obtenue ne peut être une entité supérieure coiffant les deux types d’entités incompatibles réunies par le processus métaphorique. Pour passer l’éponge, par exemple, on ne peut concevoir une action super-ordonnée subsumant l’action de nettoyer matériellement avec une éponge et celle de l’effaçage moral des fautes de quelqu’un parce que cela supposerait que l’on pût imaginer une action d’effacer à la fois matérielle et abstraite  [20]. La conséquence en est claire : avec les métaphores lexicalisées et les EI, la relation S1-S2 ne peut être une relation de subsomption. Ou dit autrement, S1 ne peut pas apparaître comme étant un cas de S2.

27Pourquoi une telle « union » coiffante peut-elle alors avoir lieu quand il s’agit de PM ? C’est là qu’intervient le second facteur, la différence d’entités. Nous avons montré ailleurs (Kleiber 2014, 2019) que la particularité ontologique des proverbes est de mettre en jeu des faits. Or, si l’on unit métaphoriquement deux « faits » incompatibles tels ‹il ne faut pas tirer sur une ambulance› et ‹on ne s’acharne pas sur un politicien à terre›, la similitude qui émerge et qui permet de surmonter leur incompatibilité est elle-même un fait d’ordre générique supérieur qui est à l’origine de ou qui justifie la vérité de chacun des faits « inférieurs » : le fait S2 ‹On ne s’attaque pas à des gens sans défense› explique la vérité du fait pour lequel il est employé (la situation de Chaban-Delmas), mais ipso facto il apparaît aussi comme expliquant le fait dénoté par S1, à savoir que l’on ne tire pas sur une ambulance  [21]. Le fait qu’il s’agisse de … faits avec les PM a ainsi pour conséquence directe de faire disparaître l’incompatibilité qui bloque toute subsomption dans le cas des E1 et des métaphores lexicalisées.

5. En guise de conclusion

28Au terme de ces trois étapes, il nous semble avoir atteint le but que nous nous sommes fixé : montrer que les PM ne suivent pas tout à fait le même chemin métaphorique que les EI. Même s’ils peuvent et doivent être rapprochés, parce qu’il s’agit d’unités polylexicales figées figurales mettant en jeu un sens littéral S1 et un sens conventionnel S2, ils se séparent crucialement sur deux points : la transparence de la relation S1-S2 et la hauteur de S2. La relation S1-S2 des PM est toujours transparente, contrairement à celle des EI. La raison en est une relation S1-S2 de type différent. Dans celle sur laquelle s’arc-boutent les PM, S2 subsume toujours S1 alors qu’il n’en va jamais ainsi avec le S2 d’une EI. L’origine de cette énigmatique différence réside dans une différence d’entités lexicalisées. C’est parce que les proverbes, et donc les PM, lexicalisent ou dénomment des faits que l’incompatibilité, qui prévaut dans la relation S1-S2 des EI, cède le pas à une relation de subsomption qui ressemble peu ou prou à la relation d’hypo/hyperonymie ou encore à celle qui unit les noms de base aux noms super-ordonnés.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : métaphore, expressions idiomatiques, proverbes, transparence, opacité

Mise en ligne 21/01/2020

https://doi.org/10.3917/lf.204.0087

Notes

  • [1]
    L’appellation sens figuré a l’avantage de faire abstraction de la motivation expliquant la « figure » (voir Tamba-Mecz 1981).
  • [2]
    Comme me l’a signalé un des relecteurs que je remercie, il y a une troisième possibilité, celle du rapport sens/forme tout court, dans le cas d’une EI qui a disparu de la langue entre-temps (cf. p. ex. sous la houlette de).
  • [3]
    Alors que les expressions figées non idiomatiques et les proverbes littéraux ou non métaphoriques ne le sont que dans le sens de la non-compositionnalité (voir pour plus de détails, Kleiber 2010b, 2018).
  • [4]
    « The Great Chain of Being is a cultural model that concerns kinds of beings and their properties and places them on a vertical scale with ‹higher› beings and properties about ‹lower› beings and properties. When we talk about man’s ‹higher› faculties, we mean his aesthetic and moral sense and rational capacity, not his physical characteristics, his animal desires, or his raw emotions. We speak of higher and lower forms of life. The Great Chain of Being is a scale of forms of being –human, animal, plant, inanimate object– and consequently a scale of the properties that characterize forms of being –reason, instinctual behavior, biological function, physical attributes, and son on. » (Lakoff & Turner, 1989 : 167)
  • [5]
    Lakoff & Turner (1989 : 186-198) l’appliquent essentiellement aux proverbes, mais y incluent également les métaphores (cf. Achille est un lion) et les expressions figées (cf. Jelly in vise).
  • [6]
    Voir à cet égard Prandi (1992, 1999, 2004, 2012, 2017).
  • [7]
    On verra infra pourquoi nous avons recouru à un premier emploi.
  • [8]
    Voici les explications glanées pour (a) mettre la puce à l’oreille, (b) payer rubis sur l’ongle et (c) attendez-moi sous l’orme :
    (a) Les puces étant très présentes dans toutes les couches de la société du xviie siècle, on suppose que le sens est venu des démangeaisons provoquées par ces insectes et par l’air inquiétant que pouvait avoir une personne qui les ressentait. De fil en aiguille, la signification serait devenue celle que l’on connaît aujourd’hui ‹se douter de quelque chose›, comme on pouvait se douter à ses gestes qu’une personne avait des puces.
    (b) Originellement, signifie ‹vider si bien son verre qu’il n’y reste qu’une seule goutte de vin qui tiendrait sur l’ongle sans s’écouler›.
    (c) Le juge convoquait l’accusé sous un orme. L’accusé ne se pressait donc pas.
  • [9]
    Comme me l’a fait remarquer fort justement un des relecteurs, on peut néanmoins se poser la question suivante : n’est-on pas en droit, malgré tout, de postuler en synchronie une métaphore si les usagers y perçoivent une telle figure ?
  • [10]
    Au théâtre, un acteur qui interprétait souvent le rôle de Jean Bart dans une pièce de boulevard, avait toujours une pipe en bouche sur scène pour interpréter ce personnage. Un jour, au cours d’une représentation, la pipe est tombée, s’est brisée et l’acteur s’est affaissé, mort. Il avait cassé sa pipe !
  • [11]
    « We have argued that the widespread conflation of conventionality with non compositionality had led many linguists to overlook the fact that the meaning of most idioms have identifiable parts, which are associated with the constituents of idioms. » (Nunberg, Sag & Wasow, 1994 : 531)
  • [12]
    Tamba (2011) reproche fort justement à Nunberg, Sag & Wasow (1994) d’introduire une équivoque en parlant de compositionnalité de l’idiome. Le terme analysibilité a l’avantage de bien montrer qu’il s’agit d’un mouvement inverse de celui de la compositionnalité.
  • [13]
    Les couguars ou pumas n’ont évidemment pas pour particularité de comporter des femelles plus âgées s’intéressant à des mâles beaucoup plus jeunes qu’elles. L’origine du sens figuré n’est pas bien établie. Une des hypothèses avancées est que ce sont les joueurs de hockey des Canucks de Vancouver qui, dans les années 80, ont eu recours au mot de couguar pour dénommer des supportrices plus âgées particulièrement ardentes envers les jeunes joueurs.
  • [14]
    Pour Anscombre (2003, 2019), la réponse serait donnée par leur statut d’expression non figée. Pour Tamba (2000, 2011, 2012b), elle réside dans la particularité du sens des PM. Selon elle, le sens d’un PM repose sur l’assemblement de deux sens autonomes, l’un qui est compositionnel (S1) et l’autre qui est formulaire (S2) alors qu’une EI n’a qu’un sens, son sens conventionnel lexicalisé S2, le sens littéral d’origine S1 se trouvant exclu, contrairement au S1 des proverbes. Voir pour une discussion de ces hypothèses, Kleiber (2010b, 2018, à par.).
  • [15]
    Rappelons qu’il ne s’agit que des EI de source métaphorique.
  • [16]
    Nous avons aussi parlé de niveau super-ordonné vs niveau basique. Ces dénominations ne sont pas tout à fait exactes, étant donné qu’il n’y a pas de sous-catégories lexicalisées en dessous des proverbes. Elles ont avant tout pour but de rendre compte de la sous-spécification définitoire des proverbes (Kleiber 2017a-b-c, 2019).
  • [17]
    C’est là la raison pour laquelle nous avons recouru supra à un exemple de premier emploi pour mettre en évidence l’incompatibilité des PM. Si l’on avait pris S1-S2, il n’y aurait pas eu d’incompatibilité.
  • [18]
    On dispose toujours de S1, mais pas toujours de S2 (d’où la possibilité d’interprétations erronées). On observera toutefois que ces interprétations fautives s’opèrent en cherchant à S1 – et en lui trouvant parfois, même si ce n’est pas le bon – un sens S2 hyperonymique. Voir, par exemple, pour Pierre qui roule n’amasse pas mousse, l’interprétation ‹Quelqu’un d’actif ne devient pas gâteux› au lieu de l’interprétation ‹Qui bouge de trop n’arrive à rien› qu’on lui reconnaît habituellement (Arnaud, 1992 : 209).
  • [19]
    Sauf si le PM est appliqué à une situation de type S1, ce qui peut faire naître un sourire de connivence sémiotique, qui peut être souligné par une expression comme c’est le cas de le dire.
  • [20]
    Le même raisonnement s’applique aux métaphores lexicalisées (cf. le cas de bulldozer évoqué supra).
  • [21]
    L’explication fournie dans Conenna & Kleiber (2002) n’était pas la bonne. Mea Culpa !
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