Notes
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[1]
En alternance avec la crise des réfugiés. La fréquence de ces désignants d’événement varie fortement en fonction des périodes. Cette problématique fait l’objet d’une recherche en cours (v. Calabrese & Mistiaen 2017).
-
[2]
Dans le cadre de cette étude, nous ne définirons pas ces groupes en tant que « classes sociales » comme le fait Boutet, mais comme des groupes hétérogènes et faiblement organisés avec des intérêts et des points de vue convergents sur l’actualité (des associations, ONG, des intellectuels et académiques, des élites politiques et médiatiques). Certains groupes ont plus de pouvoir que d’autres dans la représentation de l’actualité, comme ici, en l’occurrence, les journalistes d’Al Jazeera.
-
[3]
Cf. par exemple l’article publié dans le Huffington Post le 10-05-2016 « There Is No Migrant Crisis », par Global Justice Now (huffingtonpost.co.uk), ou la brochure publiée par l’association belge CIRÉ (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers) en avril 2017, « Ceci n’est pas une crise des migrants » (cire.be).
-
[4]
Par exemple, cet entretien dans Le Monde, avec une sociologue, intitulé « La frontière entre réfugiés et migrants est poreuse » (lemonde.fr, 07-07-2016).
-
[5]
Par exemple, lorsque l’Associated Press décide de ne plus utiliser les catégories illegal immigrant, illegal alliens et undocumented (blog.ap.org), suivie par le journal The Guardian, qui se pose la question de l’usage controversé de cette expression (« The readers’ editor on… whether we should use the term ‘illegal immigrant’ », 24-08-2014).
-
[6]
« Au moins 400 migrants disparus dans un naufrage en Méditerranée » (lemonde.fr, 14-04-2015).
-
[7]
Par exemple, le Times of Malta, « A migrant by any other name » (timesofmalta.com, 15-03-2015), ou L’Express, « Pourquoi les Blancs sont des ‘expats’ et les autres des ‘immigrés’? » (15-03-2015).
-
[8]
Ce schéma se vérifie uniquement dans les cas où il y aurait un constat d’inadéquation lexicale ou sémantique, lequel entraîne quasi invariablement la recherche du mot juste.
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[9]
En effet, nous avons relevé très peu de commentaires de lecteurs sur les sites des journaux en ligne ; en revanche, les commentaires sont nombreux dans le module Facebook des journaux. Ce corpus devrait faire l’objet d’une analyse à part entière, qui tienne compte des caractéristiques très différentes des publics qui postent des commentaires sur les différents espaces virtuels, ainsi que des dynamiques de communication qui s’établissent entre les internautes.
-
[10]
Le Draoulec, Péry-Woodley & Rebeyrolle (2014) ont identifié les mots appartenant au champ sémantique de la bataille (querelle, guerre, bataille, combat) comme des noms recteurs habituels de l’adjectif sémantique. Pour les trois autrices, la « sémantique bataille » est l’un des trois usages profanes de sémantique, à côté de la « sémantique bla bla » et de la « sémantique escroquerie ».
-
[11]
Cela ne fait que confirmer une intuition que nous avons eue lors d’un appel téléphonique d’une journaliste de l’AFP, qui voulait l’avis du linguiste quant au mot qu’il « fallait » utiliser.
-
[12]
La modalité déontique est ici implicite, hay que étant élidé de la périphrase verbale.
-
[13]
Cette illusion, qui ignore le dialogisme interdiscursif et l’évolution du sens des mots, se trouve à la base des manuels de style rédigés par les rédactions des médias d’information et les glossaires à l’intention des journalistes. Cf. par exemple la « Recommandation pour l’information relative aux personnes étrangères ou d’origine étrangère », adoptée en mai 2016 par le Conseil de déontologie journalistique belge.
-
[14]
L’article 1.A.2 de la Convention relative au statut des réfugiés (dite « Convention de Genève ») stipule : « Aux fins de la présente Convention, le terme ‘réfugié’ s’appliquera à toute personne : Qui, par suite d’événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ». Un protocole de 1967 élimine les restrictions temporelle et géographique.
-
[15]
Notamment des chercheurs universitaires, mais également des représentants d’ONG.
1 Cet article porte sur une discussion lexico-sémantique autour des mots considérés comme « justes » pour nommer les populations en déplacement qui fuient les violences au Proche-Orient et a pour objectif d’observer comment le débat contribue à construire le problème public en question. Le corpus est composé d’articles de presse qui abordent la question de l’utilisation et du sens des mots migrant et réfugié en français, anglais et espagnol. Il a été collecté lors du moment discursif appelé en français la crise des migrants [1] et complété par des articles de presse plus anciens qui montrent que la question apparaît un peu avant le surgissement de la crise.
2 Ce travail s’inscrit dans un programme de recherche plus large, qui consiste à observer les métadiscours produits par différents acteurs sociaux (politiques, médias, experts, publics) autour de mots ou de formulations. Si ces moments de négociation au sein de l’espace public peuvent nous renseigner sur des crises sociales qui vont au-delà du champ d’observation du linguiste, ils nous permettent surtout d’observer « les zones de turbulence » (Krieg-Planque, 2009 : 24) d’un mot lors de sa circulation. Documenter ce moment est une tâche fondamentale du discursiviste, qui se demande à quel moment, pour quelles raisons et dans quel but certains acteurs sociaux (mais pas d’autres) se mettent à discuter des mots pour influencer la définition du réel social. Ainsi, l’intérêt de ce genre de corpus est qu’il nous permet d’accéder aux mécanismes sociaux des métadiscours, qui apparaissent non comme une ressource langagière parmi d’autres mais comme un véritable outil argumentatif. En cela, nous nous inscrivons dans une longue lignée de travaux en analyse de discours, pour lesquels les métadiscours constituent un observable privilégié. Ainsi pour J. Authier-Revuz ([1995] 2012 : 478), « dès lors […] que les mots ne sont pas les noms-miroirs des choses préstructurées, la nomination participe d’une construction de la réalité ». Pour J. Boutet (1982), les discours métasémantiques sont un signe clair d’un conflit entre des points de vue rattachés à des groupes [2] ; de même que, pour A. Krieg-Planque (2009), les opérations métadiscursives révèlent la « phase critique » d’une unité lexicale. Dans L. Calabrese (2015), nous défendons l’idée que le métadiscours est un outil argumentatif comme un autre, utilisé par les non-linguistes pour imposer un mot ou un trait sémantique.
3 Dans la discussion autour de migrant/réfugié, nous verrons que certains groupes tentent de briser le consensus autour d’un certain usage des signes, en choisissant un autre mot, dans le but de représenter autrement la réalité sociale. Cette démarche, au départ faiblement organisée (menée notamment par des ONG nationales ou internationales [3]), se verra aidée par la publication d’un article en ligne d’Al Jazeera sur les mots utilisés par la presse pour nommer les gens en déplacement.
1. Le contexte de l’événement discursif
4 Le 20 août 2015, Barry Malone – online editor de la version anglophone de la chaîne d’information panarabe Al Jazeera (AJ) – annonce dans un post de blog que celle-ci n’utilisera plus le mot migrant pour se référer aux gens qui traversent la Méditerranée en provenance du Moyen Orient :
5 L’article va provoquer des réactions en chaîne dans les médias d’information, qui vont publier des articles sur la question de l’usage des mots et de leurs implications sociales, parfois accompagnés de pages de décryptage et d’entretiens avec des experts, des semaines, voire des mois après [4]. L’article d’Al Jazeera peut être décrit comme un événement discursif ; autrement dit, un énoncé qui, par la position de son énonciateur, est promu au rang d’événement. Les réactions de la presse vont rendre visible et amplifier l’événement discursif, en l’appelant, quasi invariablement, débat. Nous définissons l’événement discursif comme
tout événement de parole qui donne lieu à un énoncé remarquable et remarqué par les médias d’information ; c’est donc tout à la fois ce qui est dit et la prise de parole (d’un acteur social éminent) qui font événement. (Calabrese à par.)
7 Si les événements discursifs constituent une partie importante du discours journalistique, qui se nourrit d’événements-occurrences autant que de paroles (le plus souvent émanant d’acteurs politiques), la particularité de cet événement discursif est qu’il est provoqué par une entreprise médiatique. Ce geste inhabituel pour un média d’information (qui s’explique peut-être par le format plus informel du blog, même si le journaliste parle au nom du média) a mis en évidence son positionnement idéologique en explicitant ses choix de nomination. En déplaçant l’attention des événements (naufrages et morts, déplacements et demandes d’asile ; la guerre en Syrie et le contrôle des frontières de l’UE) vers le lexique, la chaîne prend ouvertement position pour un accueil des déplacés extra-européens, dans la mesure où l’Europe a le devoir moral d’accueillir les personnes déclarées comme réfugiées, alors qu’elle n’a pas le même devoir pour celles considérées comme de simples migrants.
8 Il faut toutefois noter que ce n’est pas la première fois qu’un média d’information prend activement position pour un usage lexical (c’est d’ailleurs très fréquent, ces changements dans les usages étant enregistrés dans les manuels de style journalistique [5]). Cependant, c’est la nature argumentative de l’événement discursif qui est assez inhabituelle, et qui nous conduit à le ranger dans les processus d’influence. Nous entendons par « processus d’influence » des actions discursives visant à peser sur les représentations sociales (Mugny & Doise 1979) ; autrement dit, dont le but est de « promouvoir idées, attitudes et comportements » (Maisonneuve, 2010 : 56). La décision éditoriale de la chaîne a, en effet, été lue comme un geste politique qui porte atteinte à la souveraineté européenne (Kyriakides 2016), comme on peut le lire dans cet article du Huffington Post – accusation dont elle s’est défendue :
10 Mais le contexte du débat n’est pas limité à l’événement discursif qui l’a déclenché ; il s’inscrit tout d’abord dans une actualité marquée par les drames en Méditerranée (par exemple, les naufrages de Lampedusa en 2013 et Reggio Calabria en 2015, qui ont fait 366 et 400 morts respectivement [6]), avec des discours et des images fortes bien ancrés dans l’esprit des publics des médias européens. Cette couverture médiatique est caractérisée par la métaphore du « débordement », comme c’est le cas depuis que la crise des réfugiés a été identifiée comme une menace pour l’intégration européenne (Kosnick 2014). Celle-ci s’actualise dans des collocations telles que afflux/flux de migrants, flow of migrants ou même a swarm of migrants prononcée par le premier ministre britannique D. Cameron. Par ailleurs, dans les usages contemporains, le profil lexico-discursif (Veniard 2013) des mots liés aux migrations est très négatif dans le discours d’information, ce qui permet de prévoir des actualisations et des représentations également négatives liées à ces termes et, par association, aux personnes qu’ils désignent.
11 Enfin, la question de la dénomination des personnes en mobilité est présente dans les médias depuis quelques années. Si ces réflexions ne s’articulent pas autour d’un événement précis, elles expriment une possibilité du discours social qui sera actualisée par la suite lorsque l’événement nommé la crise des migrants prendra corps. Ainsi, ces énoncés épars commencent à tisser le futur interdiscours du débat lexico-sémantique, comme en témoignent des articles publiés avant le 20 août qui s’interrogent sur l’usage des mots, bien avant que l’on ne parle de débat. Citons cet article du Guardian (repris par plusieurs médias anglophones et francophones [7]) :
In the lexicon of human migration there are still hierarchical words, created with the purpose of putting white people above everyone else. One of those remnants is the word “expat”. (“Why are white people expats when the rest of us are immigrants?”, theguardian.com, 13-03-2015)
12 On voit donc une série d’éléments qui contribuent au succès de l’événement discursif :
- des images de catastrophe humanitaire liées aux déplacements forcés de populations ;
- une actualisation négative de certains mots (mais pas d’autres) liés aux personnes en déplacement ;
- une réflexion métalinguistique (plutôt dans le monde anglophone) qui rend compte de hiérarchies entre les personnes en déplacement.
2. L’instabilité des référents sociaux
14 Les moments d’instabilité sémantique constituent une matière très riche pour les discursivistes, qui ont été nombreux à s’intéresser non seulement à l’évolution du sens des mots, mais également aux débats autour d’eux (pour une synthèse de ces travaux, v. Krieg-Planque 2006, 2009). Cet intérêt s’explique par le fait que les tensions lexicales et sémantiques nous permettent d’accéder à ce que les locuteurs croient être le réel social et d’observer leur tentative de le façonner en fonction de leur vision du monde. Ainsi, suivant les analyses de R. Micheli (2013) ou encore celles de M. Vadot (2016), les « querelles de mots », médiatisées ou non, sont des moments où les acteurs politiques cherchent à imposer leur lexique et donc leur vision de la politique. Pour le sociologue également, les polémiques dans l’espace public peuvent être vues comme un mode d’action sociale. C’est ainsi que C. Lemieux (2007) voit dans les processus de dispute des actions collectives conduisant à la transformation du monde social, dans le but de remettre en question certains rapports de force et certaines croyances jusqu’alors institués.
15 Cette forme d’action par le discours est rendue possible car les référents sociaux, contrairement aux référents matériels, s’appuient sur des constructions discursives. Le rôle du langage dans la construction des phénomènes sociaux est évident car, comme le note L. Kaufmann (2008),
seul le langage permet de désigner des entités dénuées de tout support perceptible direct et de coordonner à distance les individus en communiquant sur des choses qui sont détachées du ‘ici et maintenant’. (Kaufmann, 2008 : 88)
17 Or, le fait que les objets a-référentiels (Kaufmann 2008), que l’on peut aussi appeler « faits institutionnels » à la suite de J. R. Searle (1995), soient des entités discursives ne veut pas dire que leur construction n’est pas visible. Car, si certains locuteurs acceptent naturellement l’illusion que les référents du discours sont stables, ce n’est en fait pas toujours le cas, car « ils peuvent manifester une conscience du caractère social du signe linguistique » (Boutet, 1982 : 31). Cette conscience se manifeste très clairement dans les débats lexico-sémantiques, lesquels nous permettent d’entrevoir le processus de configuration et reconfiguration des faits institutionnels, ainsi que le rôle que les différents acteurs sociaux y jouent. Ces débats constituent un terreau fertile qui laisse entrevoir ce que les mots cachent habituellement : leur capacité à construire la réalité sociale.
18 Dans le cas qui nous occupe, nous verrons comment un problème public – la « crise des migrants » – est construit sur la base de certains cadres événementiels, lesquels vont être déplacés (ne fût-ce que temporairement) par le débat lexico-sémantique. On entend par problème public des « problèmes sociaux dont la formulation et dont la résolution sont des enjeux d’ordre public » (Cefaï, 1996 : 45, n. 1). Ils se constituent progressivement lorsque le corps social arrive à identifier des « trames de pertinence » par rapport à une série de faits. Or, comme le souligne R. Rieffel (2005), les problèmes publics n’émergent pas par hasard :
Ils apparaissent lorsqu’un certain nombre de personnes se trouvent confrontées à une situation problématique, en éprouvent un véritable trouble, se mobilisent peu à peu pour l’ériger en problème d’intérêt général afin d’interpeler les pouvoirs publics en vue de le résoudre. On cherchera donc à attirer l’attention sur des arènes publiques, lieux de témoignages, de polémiques, de délibération, en mettant en scène, c’est-à-dire en récits et en arguments, les problèmes dont on souhaite parler à des auditoires plus ou moins vastes. (Rieffel, 2005 : 240-241)
20 Ces « arènes » sont observables par le biais d’énoncés concrets produits par les différents acteurs qui interviennent dans sa construction car, comme le notent C. Bosk et S. Hilgartner (1988),
the collective definition of social problems occurs not in some vague location such as society or public opinions but in particular public arenas in which social problems are framed and grow. (Bosk & Hilgartner, 1988 : 58)
22 Les médias d’information sont un théâtre privilégié de cette « définition collective ». L’hypothèse que nous défendons est que le débat-même, par le biais des métadiscours produits par les acteurs sociaux, est un lieu de construction du problème public, dans la mesure où il révèle le souhait des acteurs de façonner non seulement les représentations sur le phénomène en question, mais aussi l’action des pouvoirs publics. Comme nous le verrons lors de l’analyse du corpus, une nouvelle trame de pertinence (celle de la dénomination des gens en déplacement) est mise en évidence lors de la couverture journalistique de la crise des migrants, provoquant un recadrage temporaire des événements.
23 Si nous comparons la « querelle des mots », dont il est question ici, avec d’autres, on peut observer des similitudes et des différences. Tout d’abord, cette discussion autour des mots suit le même schéma que celui que nous avons observé dans d’autres problèmes publics : par exemple, les débats lors des affaires du voile (Petiot 1995, Calabrese 2007) ou ceux sur le mot islamophobie (Calabrese 2015), que nous avons schématisés comme suit [8] :
24 Les cas susmentionnés montrent que les énonciateurs, qu’ils soient institutionnels ou non, essaient de trouver la manière la plus précise de nommer les acteurs et les événements de l’actualité en question, mais que cette « précision » ne fait que trahir des positionnements énonciatifs. Or, dans ces deux cas, les médias d’information ont fonctionné comme un champ de bataille discursif où les différents acteurs s’affrontaient pour la signification non seulement des mots, mais aussi des référents qu’ils désignent. Inversement, dans le cas qui nous occupe, c’est un média d’information qui est l’acteur principal de l’événement discursif, révélant par là qu’une entreprise médiatique peut d’elle-même être à l’origine d’un processus d’influence pour la signification.
3. Corpus
25 Les corpus construits autour de débats lexico-sémantiques sont relativement simples à élaborer, dans la mesure où ils s’articulent autour de mots-pivots qui se signalent eux-mêmes par le biais des métadiscours. Le choix du chercheur repose alors plutôt sur les acteurs sociaux dont le discours va être analysé. Dans ce cas-ci, nous avons opté pour une analyse d’articles de presse, et ce, pour deux raisons. Premièrement, le débat a été déclenché par un média d’information, et non par des politiques ou par la société civile. Deuxièmement, contrairement à d’autres moments discursifs lors desquels les lecteurs de la presse en ligne sont partie prenante du débat autour des mots (comme cela a été le cas pour la définition d’islamophobie), dans ce cas-ci l’activité métalinguistique des lecteurs en réaction directe aux articles n’a pas été particulièrement importante [9]. Ce qui interpelle l’analyste est justement ce manque de réaction, alors que les débats autour des mots suscitent en général l’intérêt des internautes, qui peuvent déployer une linguistique spontanée pour défendre leurs choix idéologiques.
26 Pour montrer l’extension géographico-linguistique du débat, nous avons sélectionné des articles traitant de la polémique en français, anglais et espagnol (cf. Tableau en annexe). Avec ce corpus, nous avons voulu capter les réactions à l’article d’AJ (ce qui ne signifie pas que d’autres articles sur le débat n’aient pas circulé après ce pic). Les articles ont été trouvés grâce à une requête sur les moteurs de recherche Google Actualités, Google News et Google Noticias, à partir des mots réfugié + migrant, refugee + migrant, refugiado + migrante en français, anglais et espagnol, au mois de septembre 2015. Nous avons retenu les articles traitant du débat lexico-sémantique uniquement, publiés dans des quotidiens ou des sites de référence diffusés à l’échelle nationale, ce qui représente 11 articles en français, 6 en anglais et 6 en espagnol. Dans le tableau figurant en annexe, tous les articles sont suivis des sigles du journal entre crochets. Ces sigles seront mentionnés à la suite de chaque citation, ou simplement pour faire référence à un article même s’il n’est pas cité littéralement.
4. Méthodologie
27 Le cadre théorique adopté pour analyser le corpus est celui de l’Analyse de discours, ici entendue comme une sémantique des discours dont le but est d’étudier la production de sens non pas à partir de données lexicales codées mais de données discursives instables qu’il faut décrire à un moment donné du discours social. Lorsque l’on analyse des débats sémantiques, les énoncés métalangagiers passent au premier plan, car ils deviennent des arguments dans la lutte pour la signification. Pour cette raison, nous avons choisi comme observable le métalinguistique au sens large, entendu comme le « fait de prendre le langage comme objet explicite de la communication, avec ou sans métalangage » (Lecolle, 2014 : 9). Avec M. Lecolle, qui se réfère à J. Rey-Debove ([1978] 1997), nous distinguons « le métalinguistique avec métalangage » (qu’il s’agisse de terminologie linguistique ou profane, i.e. tous les mots qui réfèrent au langage d’un point de vue non technique) de « l’autonymie sans métalangage » (le fait de parler d’un signe sans employer les mots susmentionnés, par exemple par le biais des guillemets et italiques ou des discours rapportés). La distinction entre métalangage technique et profane s’avère également très fructueuse dans le cas de notre corpus, où l’on voit émerger des discontinuités entre les usages courants et savants, qui confirment des travaux précédents (v. Lecolle 2014 pour une synthèse des questionnements à ce sujet).
28 Par ailleurs, dans le but d’observer la couverture de l’événement discursif provoqué par AJ, nous avons identifié les sources citées (experts, chercheurs, organisations internationales), les renvois interdiscursifs entre les articles qui composent le corpus, ainsi que la provenance des définitions de migrant/réfugié (dictionnaires, textes légaux, experts). Ce dispositif méthodologique est traduit en une grille d’analyse dans laquelle le corpus est codé manuellement. Les variables sont les suivantes : marqueurs métalangagiers ; marqueurs autonymiques ; dénomination de l’événement discursif ; définitions légales des mots ; définitions de dictionnaire ; experts convoqués ; modalité déontique ; et enfin autres mots liés à la mobilité des personnes.
29 Le caractère multilingue du corpus ici présenté pourrait soulever des questions, dans la mesure où les mots font sens non seulement à l’intérieur d’une communauté linguistique mais aussi au sein d’un code. Il est effectivement difficile dans le cadre de cet article de traiter de toutes les questions que soulève la circulation des termes dans trois langues, et encore plus d’espaces géographiques et nationaux. Mais en réalité, les avantages d’un tel corpus dépassent les inconvénients, car il permet de vérifier si les métadiscours au sujet de migrant/réfugié sont partagés ou, au contraire, distribués selon les pays/les langues, dans un cas qui relève clairement de la globalisation de l’événement.
5. Les mots du « débat »
30 Comme on pouvait s’y attendre, le corpus comporte de nombreux termes métalinguistiques et marqueurs d’autonymie :
- mots qui renvoient aux signes : (fr.) mots, expressions, terminologie, termes, vocabulaire, notion ; (es.) palabras, término, discurso oficial ; (en.) terms, terminology, words, label, catch-all term, discourse ;
- mots qui renvoient au sens : (fr.) définition, sens, nuance, synonymes, connotation, neutralité du langage, problèmes de sémantique, choix sémantique, dérive sémantique, champ lexical ; (es.) diferencia semántica, elección de las palabras, sinónimos ; (en.) definition, the right word, shifting language ;
- verbes ou noms déverbaux métalinguistiques : (fr.) qualifier, appeler, désigner ; (es.) hablar de, uso correcto, definir ; (en.) refer to, describe, the use of language ;
- dénominations de personnes entre guillemets ou en italique.
32 Si les marqueurs d’autonymie sont omniprésents dans le corpus (guillemets et italiques), les mots proprement métalinguistiques étonnent par leur diversité. On y trouve des termes techniques (connotation, sémantique, synonyme, champ lexical) et profanes. Cependant, les termes appartenant au champ de la linguistique ne sont pas toujours employés dans leur sens technique. C’est le cas, en particulier, du mot sémantique (employé comme nom ou adjectif en français et en anglais, uniquement comme adjectif en espagnol), qui parcourt le corpus. L’usage qui en est fait confirme les conclusions tirées par A. Le Draoulec, M.-P. Péry-Woodley et J. Rebeyrolle (2014 : 109) sur l’usage profane de ce mot, qui dénote « une attention centrée sur les mots, sur les choix lexicaux ». En effet, dans le corpus toutes les occurrences de sémantique pourraient être remplacées par lexical.
5.1. La dénomination de l’événement discursif
33 Cela est confirmé par les dénominations employées pour désigner l’événement discursif. Treize articles sur vingt-trois se réfèrent à l’événement comme (fr.) le/les débat(s), débat sémantique, la bataille sémantique, bataille de mots, le débat terminologique ; (es.) el debate, la batalla ; (en.) the debate, current frenzied media and political debate, the battle over the words. Les dix articles restants n’emploient pas de dénomination d’événement. Or, dans la discussion autour de migrant/réfugié, il n’y a pas de véritable bataille [10] ou débat sémantique, comme c’est le cas lorsque les locuteurs ne se mettent pas d’accord sur le sens d’un mot (cf. le cas d’islamophobie dans Calabrese 2015) ; ce qui est en jeu est plutôt le choix des termes, mieux rendu par l’expression débat terminologique. Cependant, l’usage du nom d’événement débat étonne, dans la mesure où l’événement discursif ne correspond pas à une discussion entre plusieurs énonciateurs. À bien y regarder, le référent du nom d’événement débat est le dialogue entre AJ – par le biais de l’article dans lequel la chaîne annonce qu’elle n’utilisera plus le mot migrant – et des énonciateurs in absentia qui auraient employé ce mot, plus généralement des médias d’information. Le mot débat devient ainsi métaphorique, d’autant plus qu’aucun article ne mentionne les acteurs qui y participent.
34 L’emploi de débat est encore plus surprenant lorsque l’on constate l’absence de réaction des publics des médias. En effet, les internautes ne se sentent pas concernés par ce qui peut être vu comme des subtilités lexico-légales, qui n’interpellent en rien leur savoir commun ou expert ni leur opinion sur la question migratoire. Pour le dire autrement, pour les publics il s’agit d’un non-débat, plusieurs internautes remarquant que la différence est surtout lexicale et que le vrai problème est ailleurs (cela vaut autant pour les commentaires sous l’article d’AJ que pour ceux des autres articles du corpus) :
(5) Actually it’s just pure semantics. Immigrant, emigrant and/or refugee, in one sense are identical. Determining which actually applies to each individual and/or family is the main problem. [commentaire à l’article “Al Jazeera Denies ‘Politicising’ Migrant Crisis In Deciding To Call People ‘Refugees’” ; huffingtonpost.co.uk, 25-08-2015]
35 Ces exemples opposent clairement les considérations lexico-sémantiques au « vrai problème ». Cette vision des mots, identifiée par A. Le Draoulec, M.-P. Péry-Woodley et J. Rebeyrolle (2014) sous la dénomination « sémantique bla bla », est caractéristique d’un usage profane de sémantique, qui renvoie à une réalité sociale supposée transparente dans laquelle, quel que soit le mot, la réalité parlerait d’elle-même.
36 Au-delà du choix du nom d’événement, l’événement discursif est parfois présenté, dans le corpus, comme un épisode d’un débat plus large (nous soulignons) :
(7) El debate fue avivado la semana pasada por un periodista del canal Al-Jazeera, que instó a no emplear la palabra « inmigrantes », sino « refugiados ». ([LN], 28-08-2015)
(8) Images of people scrambling over barbed wire fences in Calais or crossing the Mediterranean in fishing boats have dominated the media over the last few months. And a debate has even emerged about the very words used to describe people. ([BBC], 28-08-2015)
37 Alors que (6) sous-entend que le positionnement d’AJ s’inscrit dans une série, (7) laisse penser que le « débat » préexiste à ce positionnement et (8) le renvoie à une seule prise de parole, celle d’Al Jazeera. Or, la principale source des médias analysés est AJ même, mentionnée dans 16 articles sur 23 ; les 5 articles restants reproduisent cependant la même structure et l’on devine aisément que la source est la même. On a donc une source unique, mais l’impression de participer à un débat social plus large, amplement couvert par les médias. Cette uniformisation des sources répond à ce qui est appelé, à la suite de P. Bourdieu (1996), la circulation circulaire de l’information, qui « désigne avant tout le fait que les journalistes s’inspirent des productions de leurs pairs pour fixer leurs propres ‘choix’ éditoriaux » (Rebillard, 2006 : 60) ; avec le Web, la redondance informationnelle est décuplée. Le corpus montre qu’il n’y a pas vraiment de confrontation d’opinions (donc de débat entre AJ et un autre énonciateur), mais que les deux prises de position (en faveur de l’usage de migrant ou en faveur de l’usage de réfugié) se cristallisent sous la forme d’une querelle de mots par la mise en scène médiatique collective, notamment par le biais du nom d’événement débat.
5.2. Le « poids des mots » et les mots « justes »
38 Le ton des articles est dominé par la modalité déontique, comme en témoigne ce texte de Le Monde accompagnant une vidéo sur la thématique [11] :
40 La question est maintes fois posée dans le corpus :
(11) Inmigrante, clandestino o refugiado: ¿cuál usar? ([LN], 28-08-2015) [12]
42 En effet, les journalistes posent la question en termes d’obligation et de l’emploi du « mot juste », de vocabulaire précis, et recourent à la métaphore, très usitée en français, du « poids des mots », qui traverse tout le corpus, comme le montrent ces quelques énoncés :
ce choix sémantique a des répercussions [NO], les mots sont importants [LM2], le choix des mots n’est pas neutre [TG] ; la elección de la palabra importa [ABC] ; what’s the right word? [C4], words matter [BBC].
44 La métaphore du « poids des mots », appartenant à l’imaginaire profane (car, pour le linguiste, les mots n’ont pas à proprement parler de poids), va de pair avec le topos du mot juste, « celui qui fait coïncider le dire au vouloir dire » (Authier-Revuz, [1995] 2012 : 548). La première signifie qu’un usage a des conséquences, souvent en raison des interdiscours convoqués, alors que le second repose sur l’illusion d’une « langue-répertoire de noms pour un réel déjà structuré, nomenclature adéquate au réel » (ibid. : 475) [13]. Ces deux images coexistent, cependant, avec une idée du mot comme simple enveloppe du sens (ce qui contredit la question du poids des mots), comme en témoignent ces énoncés :
ce n’est pas seulement une question sémantique [LB], la question du vocabulaire est importante mais ne doit pas masquer une réalité [LF] ; This isn’t just semantics [WP] ; su importancia no es solo semántica [RPP], [après les définitions des termes] Qu’en est-il vraiment ? [NO].
46 Par ailleurs, l’illusion d’une équivalence entre les mots et les choses (et donc la recherche du mot juste) se heurte à un obstacle de taille : alors que migrant n’appartient à aucun lexique spécialisé, réfugié fait partie de la terminologie légale [14]. Comme le note une responsable d’Amnesty International citée par Le Monde, « [l]e terme de ‘réfugié’ est très précis dans le droit international, alors nous ne l’utilisons que dans ce contexte » [LD]. Résultat de cet écueil, il y a dans le corpus une oscillation entre le sens lexical, l’usage qui en est fait dans les médias et l’usage spécialisé, illustrés par des définitions du dictionnaire (6 fois dans tout le corpus), des interventions d’experts [15] qui expliquent les connotations acquises par les termes (22 fois) et des définitions légales (37 fois) respectivement. Certaines de ces sources sont reprises par plusieurs titres de presse.
47 Ces aller-retour entre les définitions lexicales/légales et les connotations en discours révèlent la nature particulièrement complexe des mots qui servent à catégoriser les gens en fonction de leur rapport au territoire, dont le sens se délimite à l’intersection du langage courant, des textes de loi et des événements historiques qui les chargent de représentations. Bien entendu, ces dernières changent très rapidement au fil des événements historiques, alors que le discours technico-légal reste immuable. Comme l’ont déjà observé P. Baker et al. (2008) dans une étude de la presse britannique sur les mots refugee, asylum seeker, immigrant et migrant, il y a un désaccord fondamental entre les définitions lexicales et les définitions légales des termes.
48 La plupart des articles thématisent cette oscillation, faisant ressortir deux grandes postures :
- une focalisation sur la dimension lexicale qui présuppose une coïncidence entre les mots et le réel. Selon cette posture, il suffit de trouver le mot juste ;
- une focalisation sur la dimension discursive qui refuse d’utiliser certains mots disponibles (migrant, voire migrant et réfugié) avec l’argument du dépassement du sens lexical. Cette posture postule que la réponse au dilemme n’est pas dans le dictionnaire mais dans les usages ; il faut trouver de nouveaux mots (people) ou redéfinir des mots disponibles (refugees). Les articles engagés en faveur de la dénomination réfugiés s’alignent sur cette posture correspondant à l’image du poids des mots.
50 Nous retrouvons ici les deux justifications identifiées par R. Micheli (2013) dans les querelles des mots, à savoir l’argument de l’applicabilité référentielle (le mot correspond, ou non, à la chose) et l’argument de la charge dialogique (le mot ne correspond pas, en raison d’un interdiscours chargé).
5.3. La hiérarchisation du lexique
51 Au niveau du lexique, les articles ne s’arrêtent pas aux mots migrant/réfugié, et c’est là une des caractéristiques les plus remarquables de ce corpus : il met en lumière un système de dénominations plus large qui tient lieu d’argument, car il se trouve à la base de la démonstration d’AJ (« Migrant deaths are not worth as much to the media as the deaths of others »). Les termes (parfois en plusieurs langues) relevés dans le corpus pour qualifier les individus en situation de mobilité sont les suivants :
53 Invariablement, ces mots sont accompagnés d’énoncés métalinguistiques et autonymiques qui révèlent une hiérarchie entre les différents statuts (et donc les individus), ainsi que, parfois, d’une contextualisation visant à montrer les variations diachroniques :
(13) Il y a un an déjà, certains médias se demandaient s’il fallait nommer réfugiés ou migrants ces enfants non accompagnés qui fuyaient l’Amérique centrale pour chercher refuge aux États-Unis via la frontière mexicaine. ([L2], 28-08-2015)
54 Ce lexique se déploie grâce à un réseau de citations (d’experts, de textes de loi) et de liens hypertextes (d’autres journaux) distribués entre les différents articles du corpus ; en cela, le « débat » fonctionne comme un agrégateur d’énoncés qui met en évidence des discours antérieurs sur les gens en mobilité. Ce lexique, à forte connotation péjorative surtout si on le met en vis-à-vis d’expatrié (cf. ex. 3), fait émerger différents rapports à la mobilité, qui peuvent être de nature légitime ou illégitime, temporaire ou définitive, désirable ou indésirable. L’intérêt d’analyser les variations de sens, les usages et les représentations, au-delà du sens encodé dans le dictionnaire, réside justement dans le fait d’objectiver ces rapports.
6. Conclusion
55 Le « débat » autour de migrant/réfugié illustre un phénomène bien connu des linguistes, à savoir que le sens du mot ne s’arrête pas à sa définition de dictionnaire, mais la déborde largement, car il se construit sur des représentations sociales changeantes. En cela, le constat d’AJ n’a rien d’étonnant. Cependant, le moment discursif est exemplaire à plusieurs égards. En premier lieu, l’événement discursif qui l’a déclenché est plutôt atypique, car il est provoqué non par le monde politique mais par un acteur médiatique, dans le but de modifier le parcours d’un mot-clé du monde contemporain et de faire pression sur les pays européens pour ouvrir les frontières aux réfugiés. L’article d’AJ conduit la presse à prendre acte d’un changement de sens, à le médiatiser et à se positionner, non seulement face à des événements mais aussi, plus largement, devant la représentation de l’altérité. En deuxième lieu, le « débat » met en lumière un répertoire lexical et un système de nomination spécifiquement consacré au rapport entre les individus et le territoire, qui se trouve au cœur d’un appareil de contrôle de la circulation des personnes propre aux États-nations. En troisième lieu, si l’événement discursif a lieu dans le temps court de l’événement (la « crise » des migrants), il s’ancre dans le temps long de la discursivité sociale et dans un contexte favorable de dénonciation de ce lexique. Enfin, l’analyse du corpus montre que le débat n’est pas préalable à l’article d’AJ mais est plutôt créé par les réactions de la presse internationale, non seulement par l’emploi du nom d’événement débat mais par la confrontation de voix, mises en scène par le biais de citations de sources diverses (dictionnaires, textes de loi et citations d’experts). En déplaçant le cadre de l’événement-occurrence à l’événement discursif, l’article d’AJ recadre également le problème public, en poussant les médias occidentaux à prendre note d’un changement de sens et à se positionner par rapport à l’accueil des réfugiés. Des recherches futures diront si un changement lexical significatif s’est produit dans la couverture (toujours actuelle) de la crise dite des « migrants » (que certaines associations appellent une « crise de l’accueil »), à la suite de l’événement discursif produit par AJ.
Annexe. Détail du corpus, présenté en ordre chronologique
Références
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Mots-clés éditeurs : interdiscours, débat lexico-sémantique, événement discursif, métadiscours, nomination
Date de mise en ligne : 26/06/2018
https://doi.org/10.3917/lang.210.0105Notes
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[1]
En alternance avec la crise des réfugiés. La fréquence de ces désignants d’événement varie fortement en fonction des périodes. Cette problématique fait l’objet d’une recherche en cours (v. Calabrese & Mistiaen 2017).
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[2]
Dans le cadre de cette étude, nous ne définirons pas ces groupes en tant que « classes sociales » comme le fait Boutet, mais comme des groupes hétérogènes et faiblement organisés avec des intérêts et des points de vue convergents sur l’actualité (des associations, ONG, des intellectuels et académiques, des élites politiques et médiatiques). Certains groupes ont plus de pouvoir que d’autres dans la représentation de l’actualité, comme ici, en l’occurrence, les journalistes d’Al Jazeera.
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[3]
Cf. par exemple l’article publié dans le Huffington Post le 10-05-2016 « There Is No Migrant Crisis », par Global Justice Now (huffingtonpost.co.uk), ou la brochure publiée par l’association belge CIRÉ (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers) en avril 2017, « Ceci n’est pas une crise des migrants » (cire.be).
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[4]
Par exemple, cet entretien dans Le Monde, avec une sociologue, intitulé « La frontière entre réfugiés et migrants est poreuse » (lemonde.fr, 07-07-2016).
-
[5]
Par exemple, lorsque l’Associated Press décide de ne plus utiliser les catégories illegal immigrant, illegal alliens et undocumented (blog.ap.org), suivie par le journal The Guardian, qui se pose la question de l’usage controversé de cette expression (« The readers’ editor on… whether we should use the term ‘illegal immigrant’ », 24-08-2014).
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[6]
« Au moins 400 migrants disparus dans un naufrage en Méditerranée » (lemonde.fr, 14-04-2015).
-
[7]
Par exemple, le Times of Malta, « A migrant by any other name » (timesofmalta.com, 15-03-2015), ou L’Express, « Pourquoi les Blancs sont des ‘expats’ et les autres des ‘immigrés’? » (15-03-2015).
-
[8]
Ce schéma se vérifie uniquement dans les cas où il y aurait un constat d’inadéquation lexicale ou sémantique, lequel entraîne quasi invariablement la recherche du mot juste.
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[9]
En effet, nous avons relevé très peu de commentaires de lecteurs sur les sites des journaux en ligne ; en revanche, les commentaires sont nombreux dans le module Facebook des journaux. Ce corpus devrait faire l’objet d’une analyse à part entière, qui tienne compte des caractéristiques très différentes des publics qui postent des commentaires sur les différents espaces virtuels, ainsi que des dynamiques de communication qui s’établissent entre les internautes.
-
[10]
Le Draoulec, Péry-Woodley & Rebeyrolle (2014) ont identifié les mots appartenant au champ sémantique de la bataille (querelle, guerre, bataille, combat) comme des noms recteurs habituels de l’adjectif sémantique. Pour les trois autrices, la « sémantique bataille » est l’un des trois usages profanes de sémantique, à côté de la « sémantique bla bla » et de la « sémantique escroquerie ».
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[11]
Cela ne fait que confirmer une intuition que nous avons eue lors d’un appel téléphonique d’une journaliste de l’AFP, qui voulait l’avis du linguiste quant au mot qu’il « fallait » utiliser.
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[12]
La modalité déontique est ici implicite, hay que étant élidé de la périphrase verbale.
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[13]
Cette illusion, qui ignore le dialogisme interdiscursif et l’évolution du sens des mots, se trouve à la base des manuels de style rédigés par les rédactions des médias d’information et les glossaires à l’intention des journalistes. Cf. par exemple la « Recommandation pour l’information relative aux personnes étrangères ou d’origine étrangère », adoptée en mai 2016 par le Conseil de déontologie journalistique belge.
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[14]
L’article 1.A.2 de la Convention relative au statut des réfugiés (dite « Convention de Genève ») stipule : « Aux fins de la présente Convention, le terme ‘réfugié’ s’appliquera à toute personne : Qui, par suite d’événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ». Un protocole de 1967 élimine les restrictions temporelle et géographique.
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[15]
Notamment des chercheurs universitaires, mais également des représentants d’ONG.