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Article de revue

L’économie des mots et les mots de l’économie : analyse sociodiscursive des discours des dirigeants de la Banque centrale européenne

Pages 217 à 235

Notes

  • [1]
    L’adjectif contemporain couvre plus d’une trentaine d’année (1980-2016) et permet d’exclure les discours économiques émis dans des conditions socio-historiques antérieures et totalement différentes.
  • [2]
    Le terme terrain est à prendre à la fois dans son acception « interactionniste », « le lieu où le chercheur va collecter ses données et construire son corpus », et dans son « acception large », « une source de données » (Rivera & alii 2012 : 147 et 150) car on ne présume pas les types de recherches à mener.
  • [3]
    La linguiste irlandaise Marnie Holborow analyse comment le néolibéralisme trouve son expression dans le langage.
  • [4]
    On esquisse un panorama et non une image exhaustive des travaux universitaires dans ces deux domaines.
  • [5]
    Par exemple : Jacquard (1995) ; Forrester (1996) ; Bourdieu (1998) ; Passet (2000) ; Hazan (2006) ; Durand (2007) ; voir aussi « Les ruses de la raison impérialiste » (Actes de la recherche en sciences sociales 121-122, 1998), « Le néo-libéralisme » (Regards sociologiques, 2001) et Maris (2002).
  • [6]
    Le directoire de la BCE est constitué de six membres issus des pays de la zone euro nommés en Conseil européen à la majorité qualifiée à l’issue d’un processus transnational. En pratique, il est inconcevable que le directoire ne compte pas un membre de chacun des « grands » pays de la zone, en particulier de l'Allemagne et de la France.
  • [7]
    « On appellera registre discursif […] une zone de pratiques suffisamment voisines et cohérentes pour partager une même indexicalité régulée par une répartition institutionnelle des rôles sociaux. » (Achard 1995 : 8-9)
  • [8]
    Les champs « se présentent à l’appréhension synchronique comme des espaces structurés de positions (ou de postes) » (Bourdieu 1980 : 113-114).
  • [9]
    Le désignant « économiste » est en lui-même un enjeu (Lebaron 2000).
  • [10]
    Les « calculs produisent le marché », ils « ont par conséquent un caractère performatif » (Maeße 2013 : 89-90, souligné par l’auteur).
  • [11]
    « certains énoncés d’Alan Greenspan (mais l’on peut en dire tout autant de J.-C. Trichet ou M. Draghi) engendrent des effets quantifiables sur le cours des actions, ainsi que des économètres l’ont montré dans un livre intitulé The Greenspan effect » (Lebaron 2015 : 65), voir Sicilia & Cruikshank (1999).
  • [12]
    « Principes directeurs régissant la communication externe des membres du directoire de la Banque centrale » (site de la BCE).
  • [13]
    Guilbert (2013). Exemple : « la capacité de chaque économie d’une union monétaire à s’adapter rapidement en cas de choc est essentielle pour la stabilité des prix » (Draghi, 22/05/2015).
  • [14]
    L’énoncé déontique et programmatique « La stabilité des prix doit être maintenue à moyen terme » est repris dans cinq des sept speeches de l’année 1999 (dont les deux discours de Duisenberg).
  • [15]
    Employé quinze fois dans le speech de M. Draghi du 20/11/2008.
  • [16]
    [NB : Bourdieu l’avait bien vu avec Tietmeyer, c’est le centre de la représentation dominante de l’économie européenne : elle n’est pas flexible, en particulier marché des biens et services et marché du travail…].
  • [17]
    Deux graphes sont consultables à l’adresse suivante : http://lebaron-frederic.e-monsite.com/pages/graphiques-article-guilbert-lebaron-langage-et-societe.html Le premier représente le nuage des mots les plus contributifs au plan 1-2 (10 % de l’ensemble des mots les plus contributifs) quand le second (présenté ci-après) montre le nuage des textes et éléments situationnels dans le plan 1-2.

Introduction

1 Cet article saisit l’occasion de ce numéro anniversaire de Langage & Sociétépour évoquer un « nouveau » terrain de recherche, le discours économique contemporain [1]. L’objectif est à la fois de caractériser la notion et de présenter, par une étude limitée, l’intérêt de l’approche transdisciplinaire.

2 Ce terrain [2], loin d’être totalement vierge, a été essentiellement défriché par des chercheurs en économie et en sciences sociales depuis les années 1990-2000 (Temmar & alii 2013 : 5-6). Force est de constater que l’analyse du discours, en France comme ailleurs, s’y est peu intéressée (ibid. : 8 ; Garric & Léglise 2008). En sciences sociales (SHS) comme en analyse du discours (AD), l’inscription du discours économique contemporain dans le monde politique (Lebaron 2016) et médiatique (Guilbert 2011) a souvent mené les chercheurs à l’associer au discours politique du pouvoir (Bourdieu & Boltanski 1976 ; Fairclough 1995 ; Lebart 1998 ;Boltanski & Chiapello 1999), puis au discours idéologique néolibéral (Bourdieu 2000 ; Holborow [3] 2007, 2015 ; Guilbert 2007, 2011 ; Garric & Léglise 2008 ; Fairclough & Fairclough 2012 ; Lebaron 2013 ; Grenouillet & Vuillermot-Febvet, dirs, 2015). D’autres études traitent également du discours économique contemporain, mais sans le prendre directement pour objet : ainsi du numéro de Langage & Société « Appropriation politique et économique des langues » qui traite de la « valeur économique du plurilinguisme » (Canut & Duchêne 2011 : 6), de l’étude du linguiste Pierre Lejeune (2005) qui définit les caractéristiques d’un genre de discours d’expert, ou encore du sociologue Jens Maeße qui, « dans une perspective discursive », inscrit son travail sur les marchés financiers dans le champ des Social Studies of Finance (2013 : 85). Enfin [4], une place particulière doit être faite à Pierre Achard (1978) qui a été certainement le premier linguiste à s’intéresser au discours économique.

3 Il est étonnant que le discours économique contemporain soit peu étudié lorsqu’on met en rapport, d’une part, l’introduction par l’AD et la sociolinguistique de la notion polysémique de discours à la fin des années 1960 afin d’analyser les liens entre langage et monde social et, d’autre part, le constat, de nombre d’auteurs depuis la fin des années 1990, de la place prééminente du discours économique sur les autres discours et son infiltration dans tous les domaines et secteurs de la société [5]. Ses attestations sont innombrables, les perspectives de recherche immenses et pourtant il reste peu analysé – son omniprésence constituant certainement, en partie, son évidence et son invisibilité.

4 Notre approche transdisciplinaire, définie comme « un processus de co-construction des savoirs qui traverse les disciplines constituées » (Darbellay 2005 : 50), prend acte de la carence décrite ci-dessus : même si l’AD a sans aucun doute un point de vue spécifique sur ces sujets, il serait regrettable d’ignorer les recherches effectuées en SHS. Mais la raison principale est épistémologique : l’objet complexe « discours économique » nécessite des points de vue divers et convergents.

5 Notre recherche concerne le discours des membres du directoire [6] de la Banque centrale européenne (BCE) car le langage, porteur de savoirs, semble jouer un rôle central dans le fonctionnement de la politique monétaire et la gestion des marchés financiers. La connaissance (décisions, bilans, actifs, dettes, taux d’emprunt, cours, etc.) est essentielle dans la prise de décision d’un acteur économique, la communication des banques centrales sur leurs appréciations et décisions est donc très attendue. Ainsi, dans un ouvrage récent (Economy of words), l’anthropologue Douglas Holmes développe l’idée selon laquelle, depuis une quarantaine d’années, les banques centrales ont connu une véritable révolution qui les a conduites à faire du langage et de la communication un enjeu majeur de leur action monétaire et financière. Il conclut qu’un nouveau régime monétaire, fondé sur le discours, est au fondement des « devises publiques », monnaies au cœur des échanges dans l’espace public. De même, certains commentateurs et économistes vont jusqu’à parler de laperformativité du discours des banquiers centraux.

6 L’analyse portera donc sur la forme des discours économiques des banquiers centraux et questionnera leur efficacité à trois moments économiques importants pour la BCE et les agents économiques : 1999, date de la création de l’euro ; 2008, pendant la crise dite « des subprimes » ; 2015, alors que Mario Draghi a pris la direction de la BCE et mis en place des politiques « non conventionnelles ». L’ambition se limite ici à illustrer par l’exemple ce qu’une étude transdisciplinaire sur le discours économique contemporain permet d’observer. La première partie vise à définir le discours économique contemporain, montre brièvement comment la sociologie et l’économie ont intégré la notion de performativité et précise notre conception de l’efficacité du discours économique. La seconde partie étudie les « speeches » des banquiers centraux en tenant compte de leur inscription linguistique dans le monde physique.

1. Le discours économique

1. 1. Définir le discours économique

7 Dominique Maingueneau (2013 : 175) remarque que l’objet « discours économique » n’existe pas car il ne forme pas une unité. En effet, le discours économique ne forme une unité ni théorique (affrontementsorthodoxes/hétérodoxes), ni thématique (dette, finance, monnaie, politiques économiques, etc.), ni énonciative (journalistes, experts, théoriciens, banquiers, etc.). Cependant, on pourrait en dire tout autant du discours politique par exemple.

8 Nathalie Garric et Isabelle Léglise constatent à l’inverse que « postuler l’existence d’un discours économique offre un nouveau poste d’observation de régularités formelles » vis-à-vis du discours patronal (2008 : 67). Selon les auteures, trois attitudes existent pour définir le discours économique. La première et la deuxième, plutôt tautologiques, estiment qu’« est économique un discours qui traite d’économie » ou qui est « produit par ceux que le discours commun reconnaît comme acteurs économiques ou politiques » (ibid. : 68). La dernière attitude, adoptée ici, considère le discours économique comme un registre discursif[7] et utilise des critères sociologiques afin de caractériser les acteurs et les champs[8]. C’est une approche transdisciplinaire qui postule, à l’instar de P. Achard (1989 : 39), qu’« expliquer socialement les types et formes de discours », c’est mettre en rapport dialectique « deux types d’inscriptions simultanées et complémentaires » : « une inscription dans l’environnement physique » (répartition institutionnelle des rôles sociaux) et « une inscription dans le langage » (indexicalité).

9 Cependant, en préférant au terme foucaldien d’« économie politique » le terme de « science économique » (1993 : 100), Achard s’est intéressé exclusivement au discours universitaire. Or, le discours économique ne se réduit pas aux seuls discours des économistes académiques [9] même si ces derniers exercent un pouvoir symbolique sur les politiques économiques et les discours qui les reprennent plus ou moins fidèlement :

10

Il [le discours économique] est mobilisé dans des contextes variés par des locuteurs différents (patrons, syndicalistes, acteurs politiques, hauts fonctionnaires, économistes, journalistes…). Cette diversité participe d’ailleurs elle-même à l’efficacité de la diffusion de la norme. La fonction des économistes et de la science économique consiste à fournir une sorte d’arrière-plan et de garant symbolique, et simultanément à proposer des ressources argumentatives et techniques utiles à la promotion de mesures et d’orientations politico-économiques (Fourcade-Gourinchas 2010). (Lebaron 2013 : 26)

11 Le discours économique cherche à agir sur la « conduite des conduites » (Foucault 2004) tout en se présentant comme rationnel. Sa caractéristique principale est sa normativité :

12

Se définissant comme scientifique, l’économiste est donc source de norme pour les comportements économiques quotidiens. L’objet de l’économie est une norme : non pas simple discours justificateur de pratiques marchandes ayant leurs propres logiques, mais source de définition opérante d’une rationalité tentant de couper le lien « irrationnel » entre les mots et les choses. » (Achard 1993 : 104)

13

[Le] discours économique peut en effet être défini comme une source particulière de normes, implicites ou explicites, d’appréciation des réalités sociales (institutions, pratiques, acteurs, etc.) (Lebaron 2013 : 26, souligné par l’auteur).

14 Cependant, faire de ce discours une source de normes laisse entendre une forme de potentialité passive alors que le discours est une « pratique » (Fairclough & Fairclough 2012 : 3-4) et a un rôle actif dans la constitution des normes : « l’activité discursive crée ou contribue à créer son propre univers de rapports sociaux et de légitimités » (Leimdorfer 2007 : 75, souligné par l’auteur). Le discours économique peut alors être défini comme un registre discursif, inscrit dans le monde social et porteur d’une position sur les réalités sociales et économiques (institutions, pratiques, acteurs, etc.), qui produit des normes implicites et explicites agissant, plus ou moins directement, sur les comportements économiques des acteurs sociaux.

1. 2. Caractéristiques énonciatives et discursives du discours économique

15 Diverses études ont remarqué des spécificités énonciatives communes à ce discours malgré les contextes et genres dans lesquels il est tenu. Les auteurs notent ainsi une forme d’énonciation délocutive visant à donner l’image de la neutralité. Le sujet énonciatif, souvent nous ou on, permet de déresponsabiliser l’énonciateur et a pour valeur un collectif (la France, l’opinion, le bon sens, etc.) ou un acteur compétent dans le champ de l’économie. Les modalités verbales déontique, aléthique et épistémique sont fréquentes, voire omniprésentes. Nombreuses sont également les nominalisations, les formules d’évidence, les constructions pronominales de sens passif (Garric & Léglise 2008 ; Guilbert 2011, sous presse).

16 D’un point de vue discursif, on a affaire à un « discours-limite de transmission des connaissances » (Beacco & Moirand 1995). Sa didacticité vise avant tout la persuasion, dans les médias (Lejeune 2005 ; Guilbert 2007 ; Fairclough & Fairclough 2012) comme dans des discours patronaux (Garric & Léglise 2008). Ce discours dominant use de la comparaison (ibid. : 75), notamment « dépréciatrice » dans le champ politico-médiatique français, par la répétition des formules « modèle social français » (Lebaron 2013 : 26-31) et « exception française » (Guilbert 2011 : 96-103).

17 Cet ensemble de traits produit une « prétention à parler au nom de la nature » (Achard 1978 : 17), une forme de naturalité des contraintes économiques, un discours d’évidence se donnant pour vrai en s’appuyant sur la vision de la réalité qu’il décrit (Guilbert 2007) et visant à imposer des normes aux conduites des citoyens en modelant leur conception de la réalité : « Ces textes contribuent donc à la fois à donner à voir une « réalité économique » et à construire activement l’économie qu’ils présupposent. » (Garric & Léglise 2008 : 82)

1. 3. Discours économique et performativité

18 Une lecture transdisciplinaire montre que la notion de performativité (Austin 1970) a été introduite par le sociologue de l’économie Michel Callon (1998) dans le champ économique et financier où elle vise à expliquer le caractère prédictif des énoncés théoriques :

19

La science économique, au sens large du terme, performe, modèle et formate la réalité, plutôt qu’elle n’observe la manière dont elle fonctionne » (Callon 1998 : 2). (cité dans Brisset 2012 : 45)

20 Comme tout « concept nomade » (Darbellay 2012 : 12-14), la notion de performativité appliquée aux énoncés théoriques de l’économie a subi une « traduction » (Lenglet 2006 ; Brisset 2012, 2014, 2015 ; Ambroise & alii 2015) : « la sociologie performativiste donne la primeur de l’effet performatif aux dispositifs non-humains : ordinateurs, architecture, équations, etc. [10] » (Brisset 2014 : 71), qui, par leurs opérations de calcul, aident à la prise de décision des agents. Non seulement la performativité est attribuée à des « dispositifs sociotechniques » et non à des discours économiques, mais le processus décrit comporte deux temps :le discours de la théorie économique imprègne en amont les dispositifs sociotechniques qui, utilisés ensuite par les agents, performent le réel.

21 Notre conception de l’efficacité et de la performativité du discours économique est tout autre : d’une part, le langage a « un rôle actif et structurant et non une valeur de simple symptôme » (Achard 1989 : 40) – il peut produire des normes économiques – et, d’autre part, si un énoncé seul ne peut être performatif (Bourdieu 1982), ni même efficace, inversement les positions sociales des acteurs ne créent pas à elles seules la performativité d’un énoncé. La relation entre l’énoncé et la position sociale du locuteur est dialectique. Analyser les visées perlocutoires ou performatives et donc analyser les procédés discursifs et argumentatifs qui autorisent et sont autorisés par des positions sociales légitimes.

22 Par ailleurs, si performativité du discours économique il y a, celle-ci concerne les « normes de représentation » des acteurs (Brisset 2012 : 47). La modification des comportements par les discours est la conséquence de la parole efficace des locuteurs autorisés, elle est perlocutoire (Ambroise & alii 2015) : les discours de ces locuteurs agissent sur les acteurs économiques en produisant des normes à l’action qui modèlent leurs pratiques lesquelles, in fine, modifient leurs représentations (Fairclough & Fairclough 2012 : 3).

2. Les discours du directoire de la BCE

23 Pour les acteurs économiques, l’information est centrale car l’évolution des différents marchés financiers vers une spéculation à court terme produit de l’imprévisibilité et donc de l’incertitude, les calculs des risques ne sont donc pas l’exception mais la règle (Maeße 2013 : 89). Les discours de la BCE ont alors un fort pouvoir symbolique [11] dans le champ financier car ils sont censés fixer des caps, des limites, des principes, etc., et réduire l’incertitude. Il y a, potentiellement, une « performativité du savoir » (ibid. : 93) des discours de la BCE, au sens de création de normes. Notre hypothèse est donc que les membres du directoire, se basant sur l’acception de la performativité communément admise dans le champ économique, recherchent l’efficacité de leur communication, celle-ci pouvant s’exprimer par des formes discursives prédictives.

24 Le corpus est constitué de l’exhaustivité des « speeches » en français des années 1999, 2008 et 2015, publiés en 2015 sur le site de la BCE [Tab].Si tous les speeches de la BCE ne sont pas en français, ce corpus est représentatif car il comporte les discours des présidents (W. F. Duisenberg, J.-C. Trichet puis M. Draghi) et ceux de membres du directoire, le plus souvent francophones. La place manque pour exposer l’analyse qualitative et quantitative complète, on présente les résultats les plus saillants.

Tableau

Dates et locuteurs des speeches

figure im1

Dates et locuteurs des speeches

2. 1. Un discours d’affirmation identitaire

25 La communication des membres du directoire se donne comme « fond[ée] sur les données et informations obtenues à travers des contacts et interactions réguliers avec le grand public, les associations représentatives et la société civile [12] », donc comme une communication indépendante, synthèse d’avis multiples. Celle-ci est soumise au « Code de conduite des membres du Conseil des gouverneurs » et au « Code complémentaire d’éthique professionnelle applicable aux membres du directoire de la BCE » visant à éviter la divulgation non contrôlée d’informations sensibles, c’est-à-dire susceptibles d’avoir un effet asymétrique sur le marché. Cette réserve présuppose, d’une part, l’efficacité du discours de la BCE et influe, d’autre part, sur ce qui peut être dit et, c’est ce qui importe, sur la façon dont cela est dit.

26 Les speeches ne sont pas un genre en soi : on trouve des communications à des colloques, des exposés devant des assemblées institutionnelles, des allocutions lors d’une remise de décoration, de discours de dîner-débat,etc. Cependant, les speeches ont en commun d’être des écrits oralisés, des paroles autorisées et des discours embrayés où le je et le nous (la BCE), comme les marques temporelles, sont présents, même s’ils coexistent avec nombre d’énoncés généralisateurs [13] qui exposent ou rappellent des règles.

27 Parmi les formes lexicales les plus fréquentes, on trouve des termes propres à ce que l’on peut appeler l’identité de la banque centrale (BCE,Eurosystème). Les membres du directoire, en particulier le président, utilisent une part importante de leurs discours à rappeler le cadre juridico-institutionnel de fonctionnement de la banque en reprenant des éléments discursifs au traité de Maastricht qui lui a donné naissance.

28 Le discours vise ici à établir, puis à conforter, son existence et ses objectifs, lesquels sont de nature institutionnelle et économique : la BCE, acteur autonome, a pour objectif d’assurer le maintien de lastabilité des prix au sein de la zone euro. La répétition de cet objectif,via le syntagme « la stabilité des prix » (103 occurrences en 1999, 38 en 2008, 12 en 2015), est une composante essentielle de sa communication et montre l’aspect auto-définitoire de cette notion, surtout lors de sa création [14]. Cet objectif général se double de la notion plus interne destratégie : les membres du directoire consacrent leurs discours à présenter la stratégie élaborée par la Banque centrale pour atteindre cet objectif.

2. 2. Analyse de quelques modalités verbales

29 Tous utilisent les verbes de communication à la première personne du singulier (« j’évoquerai »), tous commentent leur propre communication. Le discours de la BCE est avant tout méta-communicationnel.

2.2.1. Les semi-auxiliaires

30 L’utilisation de l’« auxiliation de modalité » (Benveniste 1966 : 179) est massive et renvoie à deux fonctions différentes. La première, mêlée aux verbes de communication (« je voudrais évoquer » ; voudrais est la deuxième forme verbale la plus fréquente), affiche une urbanité correspondant au registre de parole attendu. La seconde, délocutive, utilise la troisième personne et des verbes modaux qui marquent une appréciation du propos, laquelle prend deux valeurs. La modalité épistémiqued’incertitude utilisée dès qu’il s’agit de mesures actuelles ou futures est très souvent renforcée par le conditionnel (les formes « pourrai(en)t, devrait, serait » sont les plus fréquentes) :

31

1.
« La modération salariale peut, elle aussi, avoir des effets bénéfiques importants. » (Duisenberg, 25/03/1999)

32

2.
« les événements mondiaux pourraient devenir un facteur important de hausse de l’inflation » (Trichet, 07/03/2008)

33

3.
« Cela peut entraîner, à son tour, une hausse des taux d’intérêt réels etaggraver les effets du choc » (Draghi, 14/05/2015)

34 Sociologiquement, cette modalité peut s’interpréter comme une forme de prudence dans l’analyse conjoncturelle et une volonté de cadrage de la réception/interprétation par les acteurs financiers, médiatiques, etc. Cela peut sembler paradoxal puisqu’il s’agit de réduire l’incertitude, mais le paradoxe disparaît dès que l’on considère l’importance pour la BCE de ne pas discréditer sa parole sur le long terme.

35 En revanche, la certitude et l’engagement sont exprimés par la modalité aléthique (possibilité/impossibilité) accompagnée du futur et/ou de la modalité déontique (« doivent » est au rang cinq des fréquences verbales) :

36

4.
« En outre, en améliorant la flexibilité des marchés du travail, onpourra éliminer plus facilement les déséquilibres à court terme affectant la demande. » (Noyer, 24/03/1999)

37

5.
« Les règles peuvent évoluer, j’y viendrai dans un instant, mais il faut commencer par les appliquer » (Coeuré, 13/05/2015)

38 Ces deux modalités permettent d’indiquer des mesures [5] et de fixer des normes à l’action [4 et 5].

2.2.2. Quelques formes efficaces et prédictives

39 L’utilisation du futur permet généralement aux locuteurs de lier leurs engagements à des prédictions :

40

6.
« La BCE continuera à déployer des efforts en vue de persuader les gouvernements de mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires. » (Duisenbeg, 11/10/1999)

41 En [6], le locuteur méta-communique en prédisant la conduite future de la BCE et vise à rassurer les destinataires en indiquant une norme politique non contingente (« nécessaires »).

42

7.
« L’accomplissement de cette mission permettra à la politique monétaire unique d’apporter la meilleure contribution possible à l’élévation du niveau de vie et au maintien de la stabilité du système financier international. » (Noyer, 09/02/1999, dernière phrase)

43 En [7], la modalité aléthique au futur (« permettra ») lie les deux objectifs, élever le niveau de vie et maintenir la stabilité du système financier. Ce faisant, l’énoncé vise à la fois à établir/renforcer une norme économique et à légitimer le rôle et l’existence de la BCE.

44 Il importe enfin de souligner que les énoncés performatifs sont inexistants dans le corpus à la différence des énoncés à visée illocutoire et perlocutoire très réguliers ; par exemple, sous forme de pression en [8] :

45

8.
« Ce sont les pays qui réformeront le plus qui bénéficieront le plus de notre politique monétaire accommodante. » (Coeuré, 13/05/2015)

46

9.
« nos achats influent directement et indirectement sur le système financier dans son ensemble » (Draghi, 14/05/2015)

47 L’énoncé [9] n’est pas un simple constat, il vise clairement à rassurer les destinataires et à légitimer le rôle de la BCE.

2. 3. Observations lexicales et lexicométriques sur le corpus

2.3.1. Variations lexicales et métaphores

48 Pour présenter la stratégie, les locuteurs mobilisent un métadiscours qui vise à encadrer les interprétations possibles des prises de position énoncées. L’utilisation des thèmes de la clarté et de la transparence, de métaphores visuelles pour désigner la stratégie énoncée, illustre ce que l’on pourrait appeler l’impératif communicationnel.

49

10.
« Un mandat clair de maintien de stabilité des prix » (Stark, 07/03/2008).

50

11.
« Définir la stabilité des prix sert également les principes de transparenceet de responsabilité » (Noyer, 09/02 et 24/03/1999)

51 Les membres du directoire ont également recours à quelques métaphores usuelles dans le domaine des politiques économiques :

52

  • la conduite (de la politique monétaire) renvoie à la métaphore classique du pilotage, qui mobilise logiquement des instruments ;
  • la stratégie fondatrice de la BCE repose sur des piliers : elle relève donc d’une construction architecturale solide ;
  • cette stratégie peut, selon les contextes, devoir se manifester par des actions déterminées visant à renforcer une entité économique abstraite (l’intégration, la concurrence, etc.), maintenir, accroître.

53 D’autres métaphores décrivent la réalité économique indépendamment de l’action :

54

  • métaphores anciennes visant à décrire l’existence et le fonctionnement de la monnaie : liquidité, réserves, concernant l’activité économique : croissance, développement, reprise, le domaine budgétaire :équilibre, déséquilibre ;
  • métaphores abstraites désignant les institutions et les processus politiques ou économiques généraux : intégration (européenne, financière), cadre ;
  • métaphores physiques ou biologiques nommant les événements économiques et financiers : choc(s), vigueur (de la reprise), tensions, effets, crises, propagation, turbulences[15] , perturbations ;
  • métaphore physique centrale de la flexibilité[16] .

55 Certaines de ces métaphores sont communes au discours savant (chocs, effets, flexibilité) et au discours « appliqué » des banquiers centraux. Elles partagent plusieurs éléments : naturalisation générale des phénomènes (Guilbert 2013 ; Boriello 2016), mécanisation dominante des processus corrélative de l’action possible de la banque centrale et des institutions (typiquement : renforcer la flexibilité).

2.3.2. Analyse des correspondances (AC)

56 Le corpus constitué de vingt textes [Tab], dont un (n° 16) a été coupé en deux parties du fait de sa taille, conduit à vingt et une observations. L’ensemble du corpus, traité avec le logiciel SPAD, compte 6738 mots-formes distincts (les nombres et symboles mathématiques, ainsi que certaines marques d’annonce de paragraphes étant intégrés au calcul), et 67127 occurrences, soit un pourcentage de 10 % de mots-formes distincts.

57 Dans une optique d’abord exploratoire, on a procédé à l’analyse des correspondances simples d’un tableau de contingence lexical (constitué de 511 mots-formes x 21 textes). Les mots-formes retenus après lemmatisation partielle sont les mots-pleins de fréquence supérieure ou égale à 14 (auxquels on a retranché les mots démocratie et paiements, trop contributifs à la formation du nuage, et ajouté le mot Chine, de fréquence 13 dans l’ensemble du corpus). Cinq axes se détachent plus clairement. Ne sont interprétés ici que les deux premiers [17] qui résument 21,5 % de la variance totale du nuage.

58 Sur chaque texte, on dispose d’informations situationnelles complémentaires : date (année et jour), destinataire (Gouvernement, Parlement, Finance, Patronat, Université), lieu, nom, nationalité et statut du locuteur (président ou membre du directoire). Ces informations intégrées dans l’AC ci-dessous fournissent des éléments d’interprétation des variations lexicales. L’approche lexicométrique est ainsi doublée d’une analyse interprétative de type sociodiscursive que l’on ne fait qu’esquisser ici, en guise d’illustration de ce qui précède.

59 Deux oppositions apparaissent (graphique, voir page suivante) :

60

  • entre les textes 15, 16 et 20 (trois speeches de Draghi, à gauche) et les textes 11, 17 et 18 (à droite), c’est-à-dire le lexique de l’analyse de conjoncture et des réformes structurelles (inflation, achats, anticipations, croissance, graphique) versus le lexique du commerce et de la finance internationale (financier, euro, européen(s), dollar, devise, crise financière, avoirs, change, commerciaux, Chine, IDE, PME, facturation) ;
  • entre les textes 16, 14, 19 et 15 (tous de 2015, en bas) et les textes 5, 1, 2, 9, 11, 4 et 18 (en haut), c’est-à-dire un vocabulaire spécifique à la situation de crise, plus « politique » (détail, entreprises, banques, bancaire, achats, PME, crise, constitution, réformes, réformes structurelles, souveraineté), versus le vocabulaire « identitaire » de la banque centrale (maintien, stratégie, référence).

Graphique : Nuage des textes et éléments situationnels dans le plan 1-2 [18]

figure im2

Graphique : Nuage des textes et éléments situationnels dans le plan 1-2 [18]

61 La projection des éléments situationnels montre la pertinence d’une interprétation attentive aux formes verbales et aux contextes d’énonciation et aux caractéristiques des locuteurs (position dans le champ au sens large) – les écarts entre les modalités des variables retenues étant notables (mais les effectifs étant bien sûr faibles).

62 Sur le premier axe, on remarque une opposition entre, d’une part, des situations d’énonciation « internes » au monde la finance et de la banque centrale, y compris des conférences, des locuteurs non français, en position de direction au sein de la BCE (à gauche) et, d’autre part, des situations plus « externes » et des locuteurs membres du directoire en position relativement « subalterne » (à droite) : les premiers mobilisent l’analyse de conjoncture classique, là où les seconds évoquent les enjeux des changes et du commerce international devant des auditoires plus périphériques.

63 Le deuxième axe est structuré par l’opposition temporelle – en haut, la période d’origine, en bas, la période la plus récente – mais aussi parl’opposition entre des situations d’énonciation tournées vers le champ politique (notamment le Parlement), des acteurs très présents dans la dernière période (en bas) et des acteurs plus anciens dont le discours a une valeur plus « réflexive » ou « autoréférentielle » (en haut). Cela confirme l’existence d’un processus qui a vu le discours de la banque s’infléchir dans un contexte de « visibilité » croissante et d’interpellations politiques de plus en plus fortes (notamment suite à la crise de 2008), qui a conduit les membres du directoire à s’exprimer sur des questions plus explicitement « politiques » et à intervenir plus franchement sur l’enjeu des réformes structurelles.

En guise de conclusion

64 Le discours économique contemporain est peu exploré en AD malgré son omniprésence et son actualité. La transdisciplinarité présente, pour l’étude de ce discours complexe, un intérêt à la fois théorique – elle favorise une réflexion sur l’objet de recherche (sa définition), les concepts nomades (ici la performativité) et la relation dialectique entre discours et monde social – et méthodologique, illustré ici à propos des discours des membres du directoire de la BCE. Une approche ethnographique de cette institution serait la bienvenue.

65 Les résultats sont parcellaires mais il semble que les speeches étudiés possèdent des traits du discours économique contemporain, défini comme un registre discursif. Ces discours pris en charge individuellement sont tenus au nom de la BCE mais aussi au nom de la science économique qui en est le garant de plus en plus explicite (deux speeches sur six citent des études en 2008, tous le font en 2015). Comme d’autres types de discours sur l’économie (médias, discours patronaux), les discours des banquiers centraux se positionnent quant aux réalités sociales et visent à créer leur propre univers de normativité, donc à agir sur les normes de représentation des destinataires, c’est là leur visée principale.

66 L’autre caractéristique propre à ce discours est de chercher à légitimer l’institution naissante dans laquelle il s’inscrit et à justifier son action. Si les circonstances externes et les changements d’acteurs l’ont amené à évoluer, comme l’indique l’approche lexicométrique, on constate par-delà les années une grande unité doctrinale reposant sur le maintien de la stabilité des prix et la nécessité de mettre en œuvre les « réformes structurelles ».

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Mots-clés éditeurs : speeches, approche transdisciplinaire, registre discursif, discours économique contemporain, Banque centrale européenne, performativité

Date de mise en ligne : 24/05/2017

https://doi.org/10.3917/ls.160.0217

Notes

  • [1]
    L’adjectif contemporain couvre plus d’une trentaine d’année (1980-2016) et permet d’exclure les discours économiques émis dans des conditions socio-historiques antérieures et totalement différentes.
  • [2]
    Le terme terrain est à prendre à la fois dans son acception « interactionniste », « le lieu où le chercheur va collecter ses données et construire son corpus », et dans son « acception large », « une source de données » (Rivera & alii 2012 : 147 et 150) car on ne présume pas les types de recherches à mener.
  • [3]
    La linguiste irlandaise Marnie Holborow analyse comment le néolibéralisme trouve son expression dans le langage.
  • [4]
    On esquisse un panorama et non une image exhaustive des travaux universitaires dans ces deux domaines.
  • [5]
    Par exemple : Jacquard (1995) ; Forrester (1996) ; Bourdieu (1998) ; Passet (2000) ; Hazan (2006) ; Durand (2007) ; voir aussi « Les ruses de la raison impérialiste » (Actes de la recherche en sciences sociales 121-122, 1998), « Le néo-libéralisme » (Regards sociologiques, 2001) et Maris (2002).
  • [6]
    Le directoire de la BCE est constitué de six membres issus des pays de la zone euro nommés en Conseil européen à la majorité qualifiée à l’issue d’un processus transnational. En pratique, il est inconcevable que le directoire ne compte pas un membre de chacun des « grands » pays de la zone, en particulier de l'Allemagne et de la France.
  • [7]
    « On appellera registre discursif […] une zone de pratiques suffisamment voisines et cohérentes pour partager une même indexicalité régulée par une répartition institutionnelle des rôles sociaux. » (Achard 1995 : 8-9)
  • [8]
    Les champs « se présentent à l’appréhension synchronique comme des espaces structurés de positions (ou de postes) » (Bourdieu 1980 : 113-114).
  • [9]
    Le désignant « économiste » est en lui-même un enjeu (Lebaron 2000).
  • [10]
    Les « calculs produisent le marché », ils « ont par conséquent un caractère performatif » (Maeße 2013 : 89-90, souligné par l’auteur).
  • [11]
    « certains énoncés d’Alan Greenspan (mais l’on peut en dire tout autant de J.-C. Trichet ou M. Draghi) engendrent des effets quantifiables sur le cours des actions, ainsi que des économètres l’ont montré dans un livre intitulé The Greenspan effect » (Lebaron 2015 : 65), voir Sicilia & Cruikshank (1999).
  • [12]
    « Principes directeurs régissant la communication externe des membres du directoire de la Banque centrale » (site de la BCE).
  • [13]
    Guilbert (2013). Exemple : « la capacité de chaque économie d’une union monétaire à s’adapter rapidement en cas de choc est essentielle pour la stabilité des prix » (Draghi, 22/05/2015).
  • [14]
    L’énoncé déontique et programmatique « La stabilité des prix doit être maintenue à moyen terme » est repris dans cinq des sept speeches de l’année 1999 (dont les deux discours de Duisenberg).
  • [15]
    Employé quinze fois dans le speech de M. Draghi du 20/11/2008.
  • [16]
    [NB : Bourdieu l’avait bien vu avec Tietmeyer, c’est le centre de la représentation dominante de l’économie européenne : elle n’est pas flexible, en particulier marché des biens et services et marché du travail…].
  • [17]
    Deux graphes sont consultables à l’adresse suivante : http://lebaron-frederic.e-monsite.com/pages/graphiques-article-guilbert-lebaron-langage-et-societe.html Le premier représente le nuage des mots les plus contributifs au plan 1-2 (10 % de l’ensemble des mots les plus contributifs) quand le second (présenté ci-après) montre le nuage des textes et éléments situationnels dans le plan 1-2.

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