Notes
-
[1]
L’idée d’un dimorphisme sexuel des corps humains a par ailleurs été questionnée par différents biologistes (voir par exemple Blackless et al., 2000 ; Fausto-Sterling, 1993). De classer les corps humains en deux et seulement deux classes homogènes relèverait plus d’une idéologie binariste que d’une réalité biologique.
-
[2]
Les études phonétiques portant sur la mue omettent régulièrement de mentionner que les voix des filles muent elles aussi durant la puberté. Les voix des garçons s’abaissent d’environ une octave et les voix des filles d’environ une demie octave (Duffy 1970 ; Hollien & Paul 1969).
-
[3]
« Homme trans » désigne une personne à laquelle le genre féminin a été assigné à la naissance et qui a transitionné vers le genre masculin. « Femme trans » désigne une personne qui a transitionné vers le genre féminin.
-
[4]
Suite de sons correspondant aux règles phonologiques d’une langue mais sans signification propre.
-
[5]
Pour une discussion critique du concept de « passing » voir par exemple Rogers (1992), Zimmerman (1992) ou Bernstein Sycamore (2010).
-
[6]
Limiter le protocole d’analyse aux identités « femme » et « homme » est motivé non pas par une volonté de reproduire une idéologie de genre binaire, mais par les choix des personnes qui ont participé à cette étude de se définir comme femmes ou hommes.
-
[7]
La qualité de l’enregistrement de la voix de Pierre n’ayant pas permis de réaliser une analyse acoustique, seul l’entretien mené avec lui sera présenté.
-
[8]
Les formants correspondent aux FR des voyelles. Chaque voyelle a son propre pattern formantique qui détermine son timbre, et ainsi son identité.
-
[9]
Les valeurs formantiques référencées dans l’ouvrage La parole et son traitement automatiques du collectif Calliope (1989 : 84) sont régulièrement utilisées comme valeurs de référence pour les voyelles du français.
-
[10]
Compte tenu de la réalisation très postérieure de la voyelle [a] due au contexte de réalisation [p-R] signalée par Calliope (1989 : 84), nous avons fait le choix de ne pas l’inclure dans nos comparaisons.
-
[11]
Le terme « méthodes mixtes » désigne la combinaison de méthodes de recherche qualitatives et quantitatives.
1. Introduction
1 Alors que les différences entre voix de femmes et voix d’hommes ont fait l’objet de nombreuses études et de publications dans le domaine de la phonétique, le genre est une notion qui en est, à quelques exceptions près, totalement absente. Si le terme « genre » est utilisé, il est synonyme de « sexe » et désigne une variable binaire qui est censée déterminer la manière dont des locuteurs féminins ou masculins utilisent leurs voix. Ainsi, les idées qui sous-tendent et qui sont véhiculées par la majorité des études phonétiques sont (1) qu’il existe deux et seulement deux catégories de sexe/genre – femmes et hommes – et que ces catégories sont homogènes, (2) que l’appartenance à l’une de ces catégories est déterminée par le corps du locuteur, et que (3) les différences entre voix de femmes et d’hommes sont principalement dues à un dimorphisme sexuel des organes phonatoires. En phonétique, les catégories genrées ne sont généralement jamais questionnées.
2 Ce qui vient troubler ces croyances est, d’une part, l’existence de locuteurs qui décident de quitter l’identité de genre qui leur a été assignée à la naissance pour transitionner vers une identité différente et, d’autre part, que ces locuteurs adoptent des pratiques vocales du genre vers lequel ils transitionnent. Ainsi, l’exemple de locuteurs transidentitaires (ou « trans ») montre que les identités de genre ne sont pas déterminées par les corps et que les différences entre voix féminines et masculines sont plus le résultat d’une construction sociale que l’effet d’un dimorphisme sexuel [1] des organes phonatoires.
3 Nous souhaitons montrer à travers une analyse sociophonétique comment des locuteurs trans utilisent leurs voix pour se rendre intelligibles en tant que femme ou homme. La sociophonétique, très influencée par la sociolinguistique variationniste de la troisième vague (Eckert 2012), rompt avec les conceptions essentialistes de la phonétique traditionnelle pour s’intéresser à la manière dont des « locuteurs utilisent des détails phonétiques fins pour construire et indexer leurs identités sociales » (Di Paolo & Yaeger-Dror 2010 : 1), notamment à travers l’utilisation de méthodes ethnographiques (Hay & Drager 2007). Ainsi, nous avons croisé des analyses acoustiques et perceptives avec des analyses d’entretiens ethnographiques. Cela nous a permis, d’une part, d’étudier quels paramètres acoustiques étaient mobilisés par les locuteurs pour produire des voix perçues comme féminines ou masculines, et d’autre part, de mieux comprendre certains des résultats obtenus, comme le fait que certains locuteurs produisent des voix qui ne correspondent pas aux voix féminines ou masculines stéréotypiques.
2. Voix et genre
4 Les conceptualisations praxéologiques et performatives du genre, développées dans les travaux ethnométhodologiques (par exemple Garfinkel 1967 ; Kessler & McKenna 1978), poststructuralistes et queer (par exemple Butler 1990, 1993), ont permis d’analyser les identités de genre non plus comme des propriétés essentielles des individus mais comme des effets qui résultent de pratiques sociales imbriquées dans des processus interactionnels et situés.
5 Selon Butler (1990 ; 2005 : 96), le genre « est toujours un faire, mais non le fait d’un sujet qui précéderait ce faire. […] Il n’y a pas d’identité de genre cachée derrière l’expression du genre ; cette identité est constituée sur un mode performatif par ces expressions, celles-là mêmes qui sont censées résulter de cette identité ». Les pratiques langagières à travers lesquelles les personnes trans rendent intelligibles leurs identités de genre permettent précisément d’illustrer « que les identités sont des processus sociaux qui ne précèdent pas les pratiques […] qui les constituent » (Bucholtz & Hall 2005) et ainsi, que les identités de genre ne sont en rien déterminées biologiquement (voir par exemple Besnier 2008 ; Hall & O’Donovan 1996).
6 Si les identités de genre sont un accomplissement pratique, si elles émergent performativement, notamment à travers des pratiques langagières, quel est alors le rôle de la voix dans ces pratiques ? Comme l’ont soutenu par exemple Kessler et McKenna (1978), une identité de genre est toujours le résultat d’un travail interactif entre celui qui émet des indices de genre (« gender cues ») (ibid. : 136) et celui qui les perçoit. À côté d’indices corporels et kinésiques, la voix est un des indices principaux dans la perception d’un sujet comme genré. Une « voix est d’emblée associée à un genre » (Le Breton 2011 : 48) en fonction de représentations prototypiques de la voix genrée – relativement aiguë et claire pour une voix de femme et relativement grave et sombre pour une voix d’homme. Ainsi, la production d’une voix ayant certaines caractéristiques acoustiques permet aux locuteurs d’être perçus et d’être reconnus en tant que femmes ou hommes. Selon la littérature phonétique, les paramètres acoustiques indexant le genre sont principalement la fréquence fondamentale (F0) et les fréquences de résonance (FR).
2.1. Fréquence fondamentale (F0)
7 La F0, dont le corrélât perceptif est la hauteur (grave/aigu), est déterminée par la fréquence de vibration des plis vocaux. Elle dépend de facteurs anatomiques ainsi que de facteurs articulatoires.
8 Étant donné que la F0 est inversement proportionnelle à la masse vibrante des plis vocaux, un locuteur avec des plis vocaux massifs produira une voix avec une F0 plus basse qu’un locuteur avec des plis vocaux petits et fins. L’abaissement de la F0 pendant la mue est la conséquence d’une augmentation des tissus des plis vocaux provoquée par les changements hormonaux qui ont lieu pendant la puberté ou suite à un traitement aux androgènes. Ainsi, le terme « mue » est généralement utilisé pour faire référence à l’abaissement de la F0 chez les filles et garçons pubères [2], et dans la communauté trans pour désigner l’abaissement de la F0 chez les hommes trans [3] qui suivent un traitement aux androgènes pendant leur transition.
9 La F0 peut ensuite être modulée articulatoirement ; notamment à travers des contractions des différents muscles laryngés, à travers une élévation ou un abaissement du larynx ou encore à travers un changement de pression subglottique (Honda et al. 1999 ; Titze 1989, 1994).
10 La comparaison d’une dizaine de travaux phonétiques a permis à Traunmüller et Eriksson (1995) de montrer qu’il existait des différences importantes entre les F0 moyennes de locuteurs féminins et masculins appartenant à différentes communautés linguistiques. Par exemple, la F0 moyenne des États-uniennes est de 186 Hz alors que celle des Allemandes est de 238 Hz ; la F0 moyenne des Anglais est de 101 Hz alors que celle des Chinois locuteurs du dialecte wú est de 170 Hz. Cette comparaison a aussi montré qu’il existait d’importantes variations dans les écarts femme/homme. Par exemple, l’écart entre Allemandes et Allemands est de 109 Hz, alors que celui entre Chinoises et Chinois parlant le dialecte wú n’est que de 17 Hz. Cela montre que les F0 sont largement influencées par des facteurs socioculturels.
11 Pour les locuteurs français, les plages de variation se situent « aux alentours de 100 à 150 Hz pour l’homme adulte, et de 140 à 240 Hz pour la femme adulte » (Calliope 1989 : 133).
2.2. Fréquences de résonance (FR)
12 Les FR, dont le corrélât perceptif est le timbre (sombre/clair), sont déterminées par la forme du conduit vocal (Chiba & Kajiyama 1941 ; Fant 1960) – c’est-à-dire par les formes et dimensions respectives des cavités buccale, labiale, nasale, pharyngale et laryngale. La forme du conduit vocal varie en fonction des anatomies des locuteurs, mais aussi en fonction des techniques articulatoires que ceux-ci utilisent. Ainsi les articulateurs – la langue, la mandibule, les lèvres, le velum – permettent aux locuteurs de modifier la forme de leur conduit vocal et, de cette manière, d’abaisser ou d’élever les FR.
13 Fant (1966) a montré qu’il existait pour certaines voyelles des différences très marquées entre FR produites par des femmes et FR produites par des hommes. Ces différences ne peuvent cependant pas être entièrement expliquées par des facteurs anatomiques (Johnson 2006 ; Mattingly 1966). Par exemple, Johnson (2006), en comparant les FR produites par des locuteurs d’une quinzaine de langues différentes, a découvert qu’en fonction de la langue, il y avait des différences significatives dans les écarts femme/homme. Une mise en relation avec les données démographiques de Tolonen et al. (2000) sur les tailles corporelles de ces populations a notamment permis à Johnson de montrer que ces différences dans les écarts n’étaient pas linéaires aux différences de taille entre locuteurs féminins et masculins. Les différences entre FR féminines et masculines sont donc, tout comme les différences entre F0 moyennes, autant le résultat de facteurs anatomiques que de facteurs socioculturels.
3. Le rôle de la fréquence fondamentale et des fréquences de résonance dans le passing trans
3.1. Corpus
14 Les données présentées dans ce texte ont été collectées lors de rencontres individuelles avec cinq femmes trans et quatre hommes trans (tableau 1). Les enregistrements réalisés durant ces rencontres comportent des séquences de lectures de voyelles et consonnes insérées dans des logatomes [4] et des lectures de textes. Un entretien a ensuite été mené avec chaque locuteur autour de questions sur le genre, la transidentité, la voix genrée et le rôle de la voix dans le passing. Kessler et Mckenna (1978 : 19) utilisent le terme de « passing » pour désigner le fait d’être perçu de la manière dont on le souhaite [5]. Nous utiliserons le terme de « passing vocal » pour faire référence à la perception de la voix d’une femme trans comme voix de femme et de la voix d’un homme trans comme voix d’homme.
Les locutrices et locuteurs qui ont participé à l’étude
Locutrices/eurs | Tranche d’âge | Années depuis le début de transition |
Femmes trans | ||
Anna | 50-65 | 4 |
Barbara | 35-50 | 31 |
Charlotte | 35-50 | 1,5 |
Erika | 50-65 | 15 |
Susanna | 20-35 | 4 |
Hommes trans | ||
David | 20-35 | 1,5 |
Pierre | 20-35 | 2 |
Romain | 20-35 | 1,5 |
Victor | 20-15 | 2 |
Les locutrices et locuteurs qui ont participé à l’étude
15 Les enregistrements réalisés au cours des rencontres ont permis d’étudier quels rôles les F0 et FR jouent dans le passing vocal des locuteurs et, plus précisément, comment ces derniers utilisent ces deux paramètres pour rendre intelligibles les identités « femme » et « homme » [6]. Ensuite, des entretiens menés avec Anna, Pierre [7] et Susanna ont permis d’obtenir des informations sur la manière dont des représentations sur le genre, la transidentité et la voix genrée influencent des locuteurs trans dans la production de leur voix.
3.2. Étude perceptive
16 Pour investiguer comment les voix des locuteurs trans étaient perçues, deux tests de perception ont été menés. Durant le premier (TP1), 23 évaluateurs (9 femmes et 14 hommes, locuteurs de français natifs entre 21 et 43 ans) devaient écouter des séquences de parole lue produites par les locuteurs trans et les catégoriser en tant que « voix de femme » ou « voix d’homme ».
17 Durant le deuxième test (TP2), 24 évaluateurs (11 femmes et 13 hommes, locuteurs de français natifs entre 21 et 43 ans) devaient réaliser la même tâche que dans le TP1. Les stimuli utilisés dans le TP2 étaient des resynthèses des stimuli du TP1 : les séquences de parole avaient été modifiées à l’aide de l’algorithme Manipulation du logiciel Praat (Boersma 2001) de manière à supprimer toute modulation de F0. La courbe de F0 ainsi aplatie avait ensuite été fixée à la fréquence qui correspondait à la F0 moyenne du locuteur calculée préalablement. Cette resynthèse avait pour but de supprimer maximalement les effets genrants de l’intonation.
Passing vocal lors de TP1 et TP2
Femmes trans | Hommes trans | |||||||
Locutrices/ eurs | Susanna | Erika | Anna | Charlotte | Barbara | Victor | Romain | David |
Passing TP1 | 0 % | 4 % | 13 % | 57 % | 91 % | 61 % | 61 % | 91 % |
Passing TP2 | 0 % | 8 % | 38 % | 63 % | 96 % | 63 % | 67 % | 88 % |
Passing vocal lors de TP1 et TP2
18 La comparaison des résultats des deux tests montre que l’absence de modulations modifie peu la perception du genre des locuteurs. La seule personne pour qui l’absence de modulations a provoqué une différence importante est Anna.
19 Les deux tests ont révélé que deux des cinq femmes – Barbara et Charlotte – étaient perçues comme femmes par la majorité des évaluateurs. Les trois autres femmes – Anna, Erika et Susanna – étaient majoritairement perçues comme hommes. Dans les deux TP, les trois hommes – David, Romain et Victor – étaient perçus comme hommes par la majorité des évaluateurs.
3.3. Fréquence fondamentale et passing
20 Au cours des entretiens, il s’est avéré que la hauteur (corrélât perceptif de la F0) était souvent considérée comme l’indice déterminant dans la perception d’une voix comme voix de femme ou d’homme. Tous les locuteurs ont expliqué qu’ils avaient modifié ou essayé de modifier la hauteur de leur voix.
21 Chez les femmes trans adultes, les traitements hormonaux aux œstrogènes n’ont pas d’effet sur la voix (Holmberg et al. 2010). Une fois que la voix a mué durant la puberté, les changements qui se sont produits dans les ligaments, muscles et cartilages laryngés sont irréversibles. Une modification de la F0 moyenne peut donc être obtenue uniquement à travers un changement des techniques articulatoires.
22 Ci-après, les F0 moyennes des locutrices/eurs mesurées avec le logiciel Praat lors d’une séquence de lecture de texte :
F0 moyennes de locutrices et locuteurs en hertz
Femmes trans | Hommes trans | |||||||
Locutrices/ eurs | Susanna | Erika | Anna | Charlotte | Barbara | Victor | Romain | David |
F0 moyennes | 130 | 120 | 170 | 155 | 170 | 140 | 130 | 115 |
F0 moyennes de locutrices et locuteurs en hertz
23 Les voix de Barbara et Charlotte, majoritairement perçues comme voix de femmes au cours des deux tests de perception, avaient des F0 moyennes de 170 Hz et 155 Hz et se situaient ainsi dans les fréquences basses des plages de variation des voix féminines. En revanche, la voix d’Anna, bien qu’elle ait été produite avec une F0 moyenne de 170 Hz, a été majoritairement perçue comme voix d’homme. Erika et Susanna, dont les voix ont été majoritairement perçues comme voix d’hommes, ont produit des F0 moyennes de 120 Hz et 130 Hz ; donc des F0 moyennes se situant dans les plages de variation masculines.
24 Les traitements hormonaux aux androgènes que choisissent de suivre certains hommes trans provoquent une augmentation de la masse des plis vocaux et ainsi un abaissement de la F0 moyenne – la voix devient plus grave (Mcneill et al. 2008 ; Thornton 2008). Au moment où les entretiens ont eu lieu, David, Romain et Victor suivaient tous les trois des traitements hormonaux. Ils ont décrit les changements que ceux-ci avaient entraînés comme très importants. Ils ont expliqué que leur voix avait commencé à muer progressivement après quelques mois de traitement.
25 Comme on peut le voir dans les tableaux 2 et 3, les F0 moyennes de David, Romain et Victor se situaient toutes dans les plages de variation masculines et leurs voix ont été majoritairement perçues comme voix d’hommes.
3.4. Fréquences de résonance et passing
26 Le deuxième paramètre qui a été analysé est celui des FR. Avec la F0, les FR sont considérés comme un des paramètres principaux dans l’indexation du genre.
27 Parce que les dimensions des différentes cavités de résonance qui forment le conduit vocal ne sont pas modifiées par les traitements hormonaux chez l’adulte, l’unique moyen qu’a un locuteur trans pour changer ses FR est de modifier son articulation.
28 Nous avons mesuré avec le logiciel Praat les FR des voyelles orales /i/, /e/, /ɛ/, /y/, /ø/, /œ/, /u/, /o/ et /ɔ/, réalisées par les locutrices/eurs au cours d’une tâche de lecture de logatomes. Notre analyse porte sur les trois premiers formants (F1, F2, F3) de ces voyelles [8]. Une comparaison avec les valeurs formantiques citées par Calliope (1989 : 133) [9] a permis d’évaluer les écarts entre les réalisations des locuteurs trans et des valeurs féminines et masculines considérées comme typiques [10].
29 Dans un premier temps, les fréquences de F1, F2 et F3 ont été mesurées pour chaque voyelle. Ensuite, ont été calculés pour chacune de ces mesures l’écart avec les valeurs féminines, puis l’écart avec les valeurs masculines citées par Calliope. Ces écarts ont ensuite été additionnés par formant. Nous avons ensuite fait une ANOVA pour tester l’influence du facteur locuteur sur F1, F2 et F3. L’analyse a révélé un effet significatif pour les trois formants (p<0,001 pour les trois). Puis, un test post-hoc Tukey HSD a permis de déterminer quelles différences entre les productions des locuteurs trans et les valeurs féminines et masculines de Calliope étaient significatives.
Écarts avec les valeurs féminines de Calliope (en gris foncé) et les valeurs masculines de Calliope (en gris clair) pour F1 (gauche), F2 (milieu) et F3 (droite)
1000 3000 4000
2500
800
2000 3000
600
1500 2000
400 1000
200 500 1000
000
Écarts avec les valeurs féminines de Calliope (en gris foncé) et les valeurs masculines de Calliope (en gris clair) pour F1 (gauche), F2 (milieu) et F3 (droite)
30 L’analyse des résultats montre que la voix de Barbara, majoritairement perçue comme voix de femme, présente un pattern formantique globalement plus proche des valeurs féminines que des valeurs masculines citées par Calliope : aucun écart avec les valeurs féminines n’est significatif alors que l’écart avec les F3 masculins est significatif (p<0,001). En revanche, la voix de Charlotte, qui avait elle aussi été majoritairement perçue comme voix de femme, présente des écarts significatifs avec les F1 (p<0,001) et F3 (p<0,001) féminins de Calliope ; seul l’écart avec les F3 masculins est significatif (p<0,005). La voix d’Anna, qui avait été majoritairement perçue comme voix d’homme, présente des écarts significatifs avec les F2 (p<0,01) et F3 (p<0,001) féminins de Calliope et aucun écart significatif avec les valeurs masculines. Les voix d’Erika et Susanna, majoritairement perçues comme voix d’hommes, présentent globalement les écarts les plus importants avec les valeurs féminines de Calliope. Tous sont significatifs (Erika : F1 p<0,005 ; F2 p<0,05 ; F3 p<0,001 / Susanna : F1 p<0,001 ; F2 p<0,05 ; F3 p<0,001), alors qu’aucun des écarts avec les valeurs masculines ne l’est.
Écarts avec les valeurs féminines de Calliope (en gris foncé) et les valeurs masculines de Calliope (en gris clair) pour F1 (gauche), F2 (milieu) et F3 (droite)
1000 2500 4000
800 2000
3000
600 1500
2000
400 1000
200 500 1000
000
31 Les voix de David, Romain et Victor, majoritairement perçues comme voix d’hommes, présentent toutes les trois des F1 plus proches des valeurs masculines que des valeurs féminines de Calliope. En revanche, les F3 produits sont significativement différents des F3 masculins de Calliope chez David (p<0,001) et Victor (p<0,001), et pour David c’est également le cas pour les F2 (p<0,05). Romain, alors qu’il a produit lui aussi des écarts significatifs avec les F3 masculins de Calliope (p<0,001), a produit également des écarts significatifs avec les F1 (p<0,05) et F3 féminins (p<0,005).
3.5. Discussion
32 En observant les résultats relatifs aux voix des femmes trans, on peut tout d’abord constater que les voix d’Anna et de Barbara avaient toutes les deux des F0 moyennes de 170 Hz. Malgré ces F0 moyennes identiques, Barbara a été majoritairement perçue comme femme alors qu’Anna a été majoritairement perçue comme homme. Qu’est-ce qui différencie alors les voix de ces deux femmes ? L’observation des FR montre que Barbara produit des F1 et F2 quasi équidistants des valeurs féminines et masculines de Calliope, combinées à un F3 très éloigné des valeurs masculines. En revanche, Anna produit des F2 et F3 significativement différents des valeurs féminines de Calliope et des F1, F2 et F3 relativement proches des valeurs masculines.
33 De ces données on peut dans un premier temps conclure qu’une F0 moyenne de 170 Hz n’est pas une condition suffisante pour qu’une voix soit perçue comme voix de femme. Cela est confirmé par le fait que la voix de Charlotte, produite avec une F0 moyenne de 155 Hz – donc une voix plus grave que celle d’Anna – a été majoritairement perçue comme voix de femme. Si l’on compare les FR de Charlotte et Anna, on peut voir, d’une part, que les F2 et F3 de Charlotte sont plus proches des valeurs de féminines de Calliope que ne le sont ceux d’Anna et, d’autre part, que les F1, F2 et F3 de Charlotte sont nettement plus éloignés des valeurs masculines que ne le sont ceux d’Anna. Ces résultats peuvent être interprétés comme un nouvel indice de l’importance des FR dans la perception du genre. Les FR semblent orienter la perception du genre du locuteur en fonction de leurs proximités et distances relatives aux valeurs formantiques féminines et masculines typiques.
34 Si l’on observe maintenant les résultats relatifs aux voix d’Erika et de Susanna, systématiquement perçues comme voix d’hommes, on peut remarquer, d’une part, qu’elles ont des F0 moyennes relativement basses (120 Hz et 130 Hz) et, d’autre part, que les patterns formantiques de ces deux locutrices sont plus différents des valeurs féminines que des valeurs masculines de Calliope.
35 David, Romain et Victor, dont les voix avaient été majoritairement perçues comme voix d’hommes, produisaient des F1 davantage différents des F1 féminins de Calliope que des F1 masculins. En revanche, les F2 et F3 de David et les F3 de Romain et Victor sont significativement différents de ceux des valeurs masculines de Calliope. Romain est le seul à avoir produit des F1 et F3 significativement différents des valeurs féminines. Par ailleurs, la F0 moyenne de David était de 115 Hz, celle de Romain de 130 Hz et celle de Victor de 140 Hz.
36 En comparant les résultats d’Anna, Erika, Susanna, David, Romain et Victor – tous perçus majoritairement comme hommes – on peut remarquer qu’au moins une des deux conditions suivantes est remplie :
- F2 et F3 significativement différents des valeurs féminines de Calliope
- F0 moyenne inférieure à 140 Hz.
38 Anna remplissait la condition 1 ; Erika et Susanna remplissaient les conditions 1 et 2 ; Romain, David et Victor remplissaient la condition 2.
39 Ces résultats semblent indiquer que 140 Hz constitue une sorte de seuil en deçà duquel une voix tend à être perçue comme voix d’homme. Plus cette F0 moyenne en deçà de 140 Hz est basse, plus la catégorisation en « voix d’homme » semble augmenter. En revanche, la perception genrée d’une voix avec une F0 moyenne supérieure à 140 Hz semble dépendre des FR. Il semblerait par ailleurs que F2 et F3 jouent un rôle particulier. Si ces derniers sont significativement différents des F2 et F3 féminins typiques, alors une voix semble tendre à être perçue comme voix d’homme. Évidemment il n’est pas exclu que les évaluateurs aient utilisé comme indices d’autres paramètres que ceux étudiés ici pour catégoriser les voix entendues comme « voix de femme » ou « voix d’homme » ; comme par exemple la qualité de voix, le rythme, les FR des consonnes, etc. (voir par exemple Pépiot 2013). Il faudra analyser d’autres données pour confirmer ces conclusions et étudier de manière plus fine comment les paramètres interagissent dans la perception du genre par la voix. Il faudra notamment étudier davantage de données sur des locutrices/eurs perçues comme femmes.
40 Ce qui émerge également de notre analyse est que les hommes trans avaient globalement moins de difficultés dans leur passing vocal que les femmes trans. Cela peut être expliqué, d’une part, par leurs F0 moyennes dans les plages de variation typiquement masculines, mais aussi, d’autre part, par la catégorisation préférentielle en « homme » documentée par Haviland (1977), Kessler et McKenna (1978) et Seavey et al. (1975). Cette catégorisation préférentielle a comme effet d’attribuer le genre masculin aux entités dont le genre n’est pas clairement explicité. Par exemple, Haviland (1977), Seavey et al. (1975) ont montré que des nourrissons étaient régulièrement perçus comme masculins si aucun indice sur leur genre n’était donné. De la même manière, on peut supposer que des voix qui sont à la fois très différentes des voix masculines typiques et très différentes des voix féminines typiques tendent à être perçues comme voix d’homme. Ceci constituerait un avantage pour le passing vocal des hommes trans.
4. Trouble dans la voix genrée
41 Il est intéressant de mettre en relation les résultats présentés supra avec les discours que les locutrices/eurs ont porté sur le genre, la transidentité, la voix genrée et le passing vocal. Cette mise en relation permet notamment de comprendre que le non-passing des voix de certain-e-s locutrices/eurs peut être motivé par des facteurs autres qu’un défaut de performance. Produire une voix qui ne correspond pas aux voix féminines ou masculines stéréotypiques peut notamment être lié à la décision d’adopter une certaine posture.
4.1. Anna
42 Lors de notre entretien, Anna expliquait qu’au début de sa transition – quatre ans avant notre rencontre – elle consultait un orthophoniste pour féminiser sa voix et qu’elle faisait encore régulièrement, à l’époque de l’entretien, les exercices articulatoires que celui-ci lui avait conseillés. Cependant, elle expliquait aussi qu’elle ne souhaitait pas « trop transformer » sa voix pour plusieurs raisons.
Anna : La voix, c’est vraiment quelque chose qui fait partie de l’identité profonde. Et quelque part, trop transformer sa voix, ça peut être encore plus troublant pour l’entourage que la transformation même. […] Même si on me disait, tiens, on va t’opérer, et ça va être réussi, et tu vas avoir une voix changée, et qui est vraiment une voix de femme – tu vois, tout à fait [une voix de femme] – eh ben, je crois que je ne le ferais pas. Parce que j’aurais trop peur cette fois-ci de vraiment perturber les gens qui me connaissent.
44 Anna considérait que la voix faisait partie de ce qu’elle appelait « l’identité profonde » d’une personne. Elle ne souhaitait pas « trop transformer » sa voix par peur de troubler ses proches ; elle craignait qu’une modification trop importante de sa voix ne soit plus troublante encore que la transformation de son apparence physique.
45 Une autre raison mise en avant par Anna était sa volonté de produire une voix cohérente avec son âge.
Anna : Donc par rapport à mon âge, tout ça, y a pas besoin d’avoir une voix claire de jeune fille.
47 Anna pensait que la production d’une voix trop claire serait perçue comme incohérente avec son identité de femme d’une soixantaine d’années.
4.2. Pierre
48 Pierre a expliqué lors de notre entretien qu’il pensait que sa voix nuisait à son passing – il la décrivait comme trop aiguë. Il ne souhaitait cependant pas suivre de traitement hormonal. Il évoquait ses réticences par rapport aux modifications corporelles que ce traitement entraînerait.
Pierre : Y a le coup de je vais modifier ma tronche. Donc je vais me regarder dans le miroir, ce sera plus la même per- (pause) ce sera plus la même tête que y a trois mois, un mois, un an. C’est un peu flippant quoi.
50 Pierre précisait ensuite que pour lui, transitionner vers l’identité « homme » ne signifiait pas qu’il fallait adopter « tous les attributs » socialement associés à la masculinité.
Pierre : Y a des gens qui diront : moi je suis un homme et dès que j’ai fini ma transition physique je serai plus trans mais je serai un homme à part entière. Y en a d’autres qui sont dans un truc plus fluide : j’ai plutôt envie de vivre en tant que mec, mais ça veut pas dire que je vais prendre tous les attributs du mec, que je vais me faire greffer une bite, que je vais avoir un comportement machiste, etc.
52 Ce qui ressort de cet entretien ainsi que d’autres conversations avec Pierre est que pour lui, transitionner vers l’identité « homme » n’implique ni la nécessité de se conformer à un modèle de genre strictement binaire avec des identités « femme » et « homme » antinomiques, ni d’adopter une identité en rupture totale avec l’identité qui précédait sa transition. Dans l’entretien, il évoquait notamment que cette identité qui précédait sa transition vers l’identité « homme » était déjà une identité autre que l’identité « femme ». Il la définissait comme identité « queer ».
Pierre : Mais avant je me considérais déjà pas comme une fille en fait, mais je me déterminais comme queer parce que y avait plus que ça qui me restait.
54 Pierre expliquait qu’adopter l’identité « homme » était en réalité un choix par défaut contraint par des normes sociales binaires et coercitives. Adopter l’identité « homme » est pour lui un moyen de « trouver [s]a place » afin de pouvoir « vivre dans ce monde ».
Pierre : Ce monde là, comme il est, il ne me convient pas. Je trouve pas ma place du tout dedans. Alors vivre en tant que mec c’est une façon, bah de vivre dans ce monde là. De m’adapter. Mais le monde serait pas comme ça, j’aurais pas besoin de faire ça. Enfin je crois pas. Je crois vraiment pas. Et je crois que si j’étais né bio – tu vois mec bio – pff, j’aurais pas non plus trouvé ma place comme ça quoi. J’en suis sûr. Je crois que c’est les normes qui posent problème.
56 Le projet politique que Pierre décrivait aux cours de nos différents échanges est celui d’une construction de masculinités alternatives qui permettraient de défaire des normes de genre oppressantes. Pour lui, le refus d’adopter certaines des pratiques sociales associées à l’être-homme fait partie d’un refus d’intégrer les normes d’une société qui lui refuse le droit de vivre son identité de genre telle qu’il le souhaite.
57 Ce positionnement par rapport à la transition – notamment le fait de ne pas se sentir obligé de « prendre tous les attributs du mec » – explique que Pierre ne suive pas de traitement hormonal et accepte les inconvénients que cela amène par rapport à son passing vocal.
4.3. Susanna
58 Au cours de notre entretien, Susanna expliquait ressentir dans certaines situations, comme par exemple lors de réunions de travail, une incompatibilité entre postures autoritaires et un certain type de voix féminine.
Susanna : Sur mon lieu de travail par exemple, y a des mécanismes dont j’ai conscience. Par exemple le fait de parler fort, de parler avec une voix qui appuie une certaine autorité. Et du coup dans certaines situations, en réunion ou quand il faut que je m’affirme, là je sais que j’ai un choix. Je sais que soit, bah ma foi, j’essaie de parler avec une voix que j’essaie d’avoir plus féminine, mais au risque de perdre de l’autorité, ou de la crédibilité en tous cas, soit j’utilise la voix que je connais et que j’ai appris à utiliser pour me faire respecter. Pas que je qualifie [cette voix] forcément de masculine par essence, mais on apprend à l’utiliser plus facilement quand on est né garçon pour le coup. Du coup, je n’utilise pas une voix masculine mais j’utilise des ficelles, des mécanismes…
Arnold : Des choses qui sont associées à la voix masculine ?
Susanna : Oui, qui sont socialement associées à une voix masculine. Même si je les considère pas comme tels parce que je considère qu’une femme a aussi le droit d’appuyer son autorité à certains moments.
60 Susanna expliquait que dans des contextes où elle devait s’engager dans des négociations et affirmer ses points de vue, il devenait problématique pour elle d’utiliser un certain type de voix féminine. Elle disait alors être contrainte de choisir entre voix féminine et posture d’autorité.
61 Ce problème peut être expliqué par le fait que certaines caractéristiques acoustiques des voix féminines, comme les F0 et FR élevées, sont associées cognitivement à des attitudes dévalorisantes, comme la déférence, la soumission ou le manque de confiance en soi. Inversement, certaines caractéristiques acoustiques des voix masculines, comme les F0 et FR basses, sont associées à des postures valorisantes, comme l’assertivité, la confiance en soi, la combativité ou l’autorité (voir par exemple Bolinger 1964 ; Ohala 1984).
62 Lors de réunions de travail, Susanna pouvait donc être amenée à mobiliser des « mécanismes » vocaux socialement perçus comme masculins. Elle refuse néanmoins de qualifier la voix qu’elle produit dans ce type de contexte comme « masculine ». Elle dit estimer qu’une femme a aussi le droit d’appuyer son autorité par la voix sans que cela n’indexe une identité masculine. Susanna propose ainsi de redéfinir « la voix féminine » de manière à ce que celle-ci puisse inclure ces « mécanismes » indexant l’autorité.
5. Conclusions
63 Les résultats des analyses acoustiques et perceptives nous ont permis de formuler dans un premier temps les conclusions suivantes :
- 140 Hz constitue un seuil en deçà duquel une voix tend à être perçue comme voix d’homme.
- Plus la F0 moyenne d’une voix en deçà de 140 Hz est basse, plus la catégorisation en « voix d’homme » augmente.
- La perception genrée d’une voix avec une F0 moyenne supérieure à 140 Hz semble principalement dépendre des FR.
- F2 et F3 semblent par ailleurs jouer un rôle particulier : si ces derniers sont significativement différents des F2 et F3 féminins typiques, ils déclencheraient une catégorisation en « voix d’homme ».
65 Dans un second temps, les entretiens nous ont permis de voir que le non-passing des voix de certain-e-s locutrices ou locuteurs ne devait pas systématiquement être vu comme résultant d’un défaut de performance. La production d’une voix genrée n’est jamais un acte neutre : en plus d’indexer une identité de genre, elle indexe toujours aussi certaines attitudes et postures. Les entretiens menés avec Anna, Pierre et Susanna ont montré qu’il peut y avoir conflit entre les attitudes, postures et identités qu’une personne souhaite adopter. Cette double indexation de la voix peut donc être une raison pour laquelle certaines personnes trans ne souhaitent ou ne peuvent pas produire certains types de voix genrées.
66 Finalement, la présente étude illustre que l’approche sociophonétique, notamment avec l’utilisation de méthodes mixtes [11], permet de réaliser des analyses plus complètes et nuancées que les approches phonétiques traditionnelles. Une étude phonétique traditionnelle se serait limitée à quantifier des données acoustiques et perceptives et ne se serait pas intéressée aux discours de locuteurs trans. Elle n’aurait ainsi pas pu expliquer les raisons pour lesquelles certains locuteurs avaient des difficultés dans leur passing vocal. Le fait de croiser des résultats d’analyses acoustiques et perceptives avec des données issues d’entretiens ethnographiques nous a permis d’étudier et de comprendre les raisons de ces difficultés. Ceci constitue un atout majeur de la sociophonétique par rapport à la phonétique traditionnelle : pouvoir combiner différentes approches des phénomènes de variation phonétique, tout en mettant au centre de l’étude l’être humain dans sa globalité et non simplement son appareil phonatoire.
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Mots-clés éditeurs : transidentité, voix, fréquence fondamentale, fréquences de résonance, passing
Date de mise en ligne : 26/02/2015
https://doi.org/10.3917/ls.151.0087Notes
-
[1]
L’idée d’un dimorphisme sexuel des corps humains a par ailleurs été questionnée par différents biologistes (voir par exemple Blackless et al., 2000 ; Fausto-Sterling, 1993). De classer les corps humains en deux et seulement deux classes homogènes relèverait plus d’une idéologie binariste que d’une réalité biologique.
-
[2]
Les études phonétiques portant sur la mue omettent régulièrement de mentionner que les voix des filles muent elles aussi durant la puberté. Les voix des garçons s’abaissent d’environ une octave et les voix des filles d’environ une demie octave (Duffy 1970 ; Hollien & Paul 1969).
-
[3]
« Homme trans » désigne une personne à laquelle le genre féminin a été assigné à la naissance et qui a transitionné vers le genre masculin. « Femme trans » désigne une personne qui a transitionné vers le genre féminin.
-
[4]
Suite de sons correspondant aux règles phonologiques d’une langue mais sans signification propre.
-
[5]
Pour une discussion critique du concept de « passing » voir par exemple Rogers (1992), Zimmerman (1992) ou Bernstein Sycamore (2010).
-
[6]
Limiter le protocole d’analyse aux identités « femme » et « homme » est motivé non pas par une volonté de reproduire une idéologie de genre binaire, mais par les choix des personnes qui ont participé à cette étude de se définir comme femmes ou hommes.
-
[7]
La qualité de l’enregistrement de la voix de Pierre n’ayant pas permis de réaliser une analyse acoustique, seul l’entretien mené avec lui sera présenté.
-
[8]
Les formants correspondent aux FR des voyelles. Chaque voyelle a son propre pattern formantique qui détermine son timbre, et ainsi son identité.
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[9]
Les valeurs formantiques référencées dans l’ouvrage La parole et son traitement automatiques du collectif Calliope (1989 : 84) sont régulièrement utilisées comme valeurs de référence pour les voyelles du français.
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[10]
Compte tenu de la réalisation très postérieure de la voyelle [a] due au contexte de réalisation [p-R] signalée par Calliope (1989 : 84), nous avons fait le choix de ne pas l’inclure dans nos comparaisons.
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[11]
Le terme « méthodes mixtes » désigne la combinaison de méthodes de recherche qualitatives et quantitatives.