Couverture de PSYE_612

Article de revue

Les métaphores du chagrin. Un bébé vivant, un bébé mort

Pages 233 à 246

Notes

  • [1]
    L’impact sur les enfants nés suite à une grossesse gémellaire monochoriale compliquée d’un STT a fait l’objet du travail de thèse de Stéphanie Staraci, sous la direction de Sylvain Missonnier (Staraci, 2012).
  • [2]
    En particulier, me semble-t-il, pour les femmes enceintes pour la première fois et qui n’ont pas l’étayage psychique d’une relation à un enfant déjà existante. Sans systématiser cette remarque, le deuil périnatal me semble plus à risque de complication pathologique pour ces femmes que pour celles déjà mères.
  • [3]
    C’est moi qui souligne.
  • [4]
    Ce terme sert à décrire l’aspect du fœtus, qui s’est comme desséché durant les semaines sans vie in utero. Le terme n’est pas anodin, car il évoque l’Égypte Ancienne et, par association, la momification.
  • [5]
    C’est moi qui souligne.
  • [6]
    Il s’agit ici de la régression dans son acceptation topique, au plus proche de son sens étymologique (<lat. : aller en arrière).
  • [7]
    Botella emprunte ce terme à Freud (1937).
  • [8]
    Procédé stylistique consistant à rattacher syntaxiquement à un mot polysémique deux compléments (le plus souvent un abstrait et un concret, ce qui peut avoir un effet humoristique, ou d’étrangeté comme ici).

Louise

1Louise et Grégoire se sont mariés il y a tout juste un an et cette première grossesse était très désirée. Le choc, lorsqu’ils ont appris qu’ils attendaient des jumeaux, a été rapidement dépassé par une forme de fierté, cette gémellité les renvoyant à une position toute-puissante d’hyperfertilité, voire d’hypersexualité, que j’ai pu remarquer chez bien d’autres futurs parents de jumeaux.

2Lorsque je me présente à eux durant un contrôle échographique de routine, leurs préoccupations sont celles, classiques, de futurs parents et les processus d’attachement prénataux suivent, d’après leur discours, un chemin attendu et assez équilibré. Mais peu de temps après, j’apprends que le syndrome transfuseur-transfusé s’est déclaré et qu’une intervention chirurgicale est nécessaire au plus vite.

3Certaines grossesses gémellaires, comme celle de Louise, comportent un risque accru de décès in utero, car les bébés y partagent le même placenta, ce qui entraîne une possible vascularisation pathologique entre les deux fœtus, l’un recevant trop de sang, l’autre pas assez. Le risque vital est majeur pour les deux, car l’un ne se développe plus et peut décéder à tout moment, entraînant nécessairement la mort de l’autre. C’est cette situation particulière que l’on désigne sous le terme de syndrome transfuseur-transfusé (STT). Les grossesses présentant ce risque sont suivies dans des centres spécialisés, comme à la maternité de l’hôpital Necker où j’exerce, ce qui permet une intervention rapide si le syndrome se déclare. Un traitement au laser peut être proposé, qui consiste à coaguler certains vaisseaux sanguins sur le placenta, afin que chaque bébé puisse à nouveau bénéficier d’un bon développement.

4Dans le cas de Louise, les médecins tentent l’intervention, mais, étant donné la trop proche implantation des deux cordons ombilicaux, l’opération s’avère très délicate et risquée : l’unique solution, pour qu’au moins l’un des deux fœtus survive, est de coaguler le cordon de l’autre (le plus petit, donc le moins viable a priori).

5Quand je revois Louise, seule cette fois-ci, elle est saturée par l’angoisse. Elle attendait ce rendez-vous avec impatience, avec urgence même. Elle parle sans reprendre son souffle, me submergeant de mots comme elle-même doit se sentir envahie par les émotions : les échographies, l’enchaînement de mauvaises nouvelles, l’intervention qui laisse encore de l’espoir, puis plus rien, le présent insoutenable. Soudain, il n’y a plus un signifiant pour décrire son effroi et elle demeure silencieuse, paniquée. Le silence lié à mon écoute résonne avec le vide qu’elle décrit dans son ventre. Prudemment, j’avance que ce qu’elle vit est terrible, que c’est même impensable tant le paradoxe est grand de porter la vie et la mort simultanément. Elle acquiesce, pleure. Par quelques mots supplémentaires, elle évoque la suite de la grossesse, se demandant comment elle va pouvoir supporter cela psychiquement pendant encore des semaines et des semaines, jusqu’à la « délivrance ».

6Nous convenons d’un autre entretien, mais lors de cette nouvelle rencontre Louise n’a plus rien à me dire. Souriante, embarrassée, elle me dit : « Maintenant ça va, je me concentre sur ma grossesse » et, joignant le geste à la parole, elle place ses deux mains sur la face droite de son ventre, du côté où elle sait que se loge le bébé vivant, clivant son ventre comme ses émotions.

Un vivant et un mort

7Perdre l’un des deux bébés que l’on porte constitue un évènement remarquablement traumatique, peut-être d’autant plus qu’une grossesse gémellaire suppose des aménagements psychiques particuliers. En effet, si toutes les grossesses sont porteuses de bouleversement (Bydlowski, 1998), de difficultés d’investissement voire de haine pour le fœtus (Sirol, 1999), attendre des jumeaux implique des processus spécifiques qui majorent l’ambivalence des sentiments des parents vis-à-vis des enfants à venir. Très rares sont les futurs parents qui disent s’être immédiatement réjouis de la nouvelle. Hospitalisée pour menace d’accouchement prématuré, Johanna me raconte : « On voulait un deuxième enfant, on était très contents… en revanche, quand j’ai su que c’était des jumeaux, ça a été un choc… il m’a fallu plusieurs mois pour accepter. » Elle accouchera le lendemain même, à six mois de grossesse, de deux tous petits humains, malades et fragiles, qu’elle commençait à peine à envisager.

8Il est assez aisé de se représenter les difficultés pratiques liées à l’arrivée de deux bébés (poussette double, voiture spacieuse, plus grande habitation) et l’anticipation anxieuse que cela peut susciter : « Un enfant, j’aurais probablement su, comme tout le monde, mais deux… Est-ce que je parviendrai à m’occuper des deux ? À aimer les deux ? À garder de la place pour moi, mon couple, mon aîné ? » Sur un plan plus imaginaire, survient quelque chose de l’ordre d’une inquiétante étrangeté liée aux jumeaux : nous sommes dans l’extrême, du merveilleux jusqu’au monstrueux. La naissance des jumeaux suscite crainte et désir (selon les civilisations, il peut s’agir d’une malédiction ou d’un cadeau divin), et l’entourage des futurs parents n’aura de cesse de le souligner, depuis : « Quelle chance vous avez, deux d’un coup, deux fois plus de bonheur ! », jusqu’aux prédictions les plus alarmistes : « Votre vie est fichue, plus de nuits, plus de temps, plus de vie de couple, le double de contraintes ! »

9De plus, la question de l’attachement mère/enfant se complexifie, car il est plus difficile d’établir un lien avec deux bébés plutôt qu’un (Damato, 2004), quand bien même cette relation ne serait que virtuelle et précéderait le lien effectif avec les enfants (Missonnier, 2004) : la pensée est toujours happée par la loyauté vis-à-vis des deux et contrarie les identifications de la mère vers son bébé. Enfin, les grossesses gémellaires sont à plus haut risque médical que les grossesses simples, ce qui intensifie l’ambivalence, car il peut sembler périlleux de s’attacher à un objet dont le destin est si menacé. Le syndrome transfuseur-transfusé, que je décrivais plus haut, cumule les freins à l’attachement de la mère vers ses fœtus, voire pour l’un des deux seulement, soit que les parents vont considérer le plus fragile comme trop peu viable (fiable) pour être investi, soit que le risque vital encouru pour le plus petit des fœtus est perçu, projectivement, comme une attaque de son jumeau.

10Une autre patiente, Hakima, est elle-même hospitalisée en réanimation suite aux effets de ce syndrome. Encore très éprouvée plusieurs semaines après son rétablissement, elle évoque une incapacité à s’attacher aux bébés de la même façon : « Celle qui m’a rendue malade, moi et sa sœur, je ne peux pas lui parler, je ne peux même pas lui donner de nom, je la déteste. C’est horrible de penser ça, mon mari est très choqué, il dit qu’il ne me reconnaît pas. La petite je l’appelle Sara, l’autre, la grosse… je l’appelle “l’Autre”. » [1]

11Dans un tel contexte, la mort de l’un des jumeaux peut signer l’entrée dans une culpabilité mélancolique majeure, car le fœtus ne décède que rarement spontanément, mais plus souvent suite à la nécessité, comme pour Louise, d’interrompre le développement de l’un pour qu’au moins l’un des deux survive. Cette interruption sélective de grossesse (ISG) relève de la décision conjointe des parents et des médecins, mais se résume souvent pour les parents à tuer l’un pour sauver l’autre. Cette décision est empreinte d’une responsabilité insupportable, d’une faute liée à des fantasmes infanticides : « Pourquoi Dieu me donne deux bébés et m’en prend un après ? Pourquoi je suis pas capable d’avoir des jumeaux ? Mon mari préfère oublier, faire comme si ça n’était pas arrivé. Moi je ne peux pas, j’ai deux bébés : un vivant et un mort. »

12Milla pense n’avoir pas assez de mots en français pour que je puisse comprendre sa colère, sa douleur, sa frustration, mais elle exprime un authentique chagrin que beaucoup d’autres patientes semblent s’interdire, privilégiant le recours à des mécanismes de défense puissants, qu’on peut qualifier d’archaïques tant ils sont primitifs et radicaux, tels le clivage, le déni et la projection. La réaction première de la plupart de ces femmes sera de chercher à faire « comme si » cela avait toujours été une grossesse simple, car elles craignent que le débordement anxieux et mélancolique auquel elles sont sujettes n’infléchisse le bien-être du fœtus encore vivant. Mais, cette tentative de défense psychique par l’évitement de la pensée de la perte est entravée par le fait que la grossesse doive se poursuivre avec le fœtus mort aux côtés du fœtus qui poursuit son développement. Cette situation est à la fois impensable et insupportable : porter la vie et la mort implique un conflit de loyauté inextricable, car il n’est plus autorisé de se réjouir ni de s’attrister pour l’un ou l’autre fœtus, sans risquer de se montrer traitresse, mauvaise mère. La routine des échographies (souvent hebdomadaires après un STT) vient rappeler le bon développement mais aussi le risque vital toujours potentiel pour le fœtus vivant et, comme en creux, le fait que le bébé bouge au contact d’un autre fœtus qui ne bouge plus et que l’échographe n’examine plus.

Suzanne

13Suzanne est envahie d’une colère froide. Elle pense qu’elle a été punie : de son « égoïsme », de son rejet premier à l’annonce de la grossesse gémellaire. Quand elle apprend qu’elle est enceinte, elle est tout d’abord ravie mais s’effondre en apprenant qu’elle porte deux bébés et que, de surcroît, il s’agit d’une grossesse rare et compliquée qui nécessitera de multiples aménagements sur le plan privé et professionnel. Durant plusieurs semaines, elle et son mari envisagent de faire pratiquer une IVG, mais finissent par y renoncer. À la même période, Suzanne a fait un rêve étrange : « Je me promène au bord de la mer avec une amie enceinte de quintuplés. Cette amie accouche et trois bébés meurent noyés. » Lorsqu’elle me le raconte, ce rêve a une résonnance affreuse pour elle, car l’un de ses fœtus vient de décéder des suites de l’intervention visant à coaguler les vaisseaux.

14Avec une rage perceptible sous des accents résignés, elle ne cesse de répéter : « Vous voyez, je le savais déjà à l’époque. Les psys disent bien que les rêves réalisent les désirs ? Donc, je ne voulais qu’un seul bébé, je voulais que l’autre meure, et voilà, bien fait pour moi, c’est moi qui l’ai tué, il a senti que je ne voulais pas de lui, il ne s’est même pas battu. » Suzanne semble progressivement s’adoucir en évoquant le lien qu’elle crée progressivement avec le bébé survivant. Avec suffisamment d’humour pour exprimer, aussi, l’intensité de son angoisse, elle ajoute : « Comme j’ai tout le temps peur que l’autre soit morte, dès que je ne la sens plus, je tapote sur mon ventre pour la réveiller. Et elle est super parce qu’à chaque fois elle me répond en bougeant. »

Kim

15En séjour étudiant à Paris, Kim dispense quelques cours de conversation chinoise, afin « d’arrondir ses fins de mois ». C’est ainsi qu’elle rencontre Raphaël et qu’ils tombent amoureux. Elle vient s’installer chez lui, ils achètent un appartement et elle tombe rapidement enceinte. Au premier entretien, je vois une jeune femme autoritaire et décidée, un jeune homme mal à l’aise et effacé. Entre autres choses, je les interroge sur leurs familles, lui a une sœur, elle rit un peu de ma question sur sa fratrie : elle est chinoise, évidemment qu’elle est fille unique ! Si elle a souhaité cette rencontre, c’est parce qu’elle s’inquiète pour lui (uniquement), il est psychiquement fragile, très émotif et les complications de la grossesse lui causent trop d’anxiété. Le couple doit rapidement prendre une décision : l’arrêt de l’un des jumeaux, afin de protéger le développement de l’autre. Il n’y a pas, à proprement parler, de choix à faire, car il s’agit soit d’en sauver un, soit de voir les deux mourir. Cette absence d’alternative raisonnable est souvent un support pour le couple qui doit accepter que la grossesse double devienne simple, mais n’interdit pas le regret, le remords, le chagrin.

16Je souligne que c’est une décision difficile pour eux. Il acquiesce, murmure, presque gêné : « Oui, quand même… J’étais content d’avoir des jumeaux, ça me rend triste d’en perdre un. » Kim sursaute et le regarde, un peu éberluée : « Ne sois pas absurde. Tu sais, j’ai tout lu sur ce type de jumeaux et, en fait, c’est un bébé qui s’est divisé, dédoublé, donc qu’il y en ait un ou deux c’est pareil, c’est le même. » Cette réflexion n’est certes pas sans rappeler cette préoccupation maternelle vis-à-vis des jumeaux : éviter l’injustice entre eux deux, qui pousse même à nier la différence et à se comporter avec eux comme s’il s’agissait d’un même bébé, en double exemplaire. Je reste pourtant un moment sidérée par ces mots, ce déni complet de la perte : « C’est le même. » Je propose un autre rendez-vous, elle s’en étonne et élude.

17Je croise ce couple à plusieurs reprises dans le service, avant et après l’intervention, et les salue systématiquement. Mon attention à leur égard semble les toucher, mais ils n’ont pas d’autre demande.

Clivage et déni, deuil et mélancolie

18La première des situations que je relate ici, le cas de Louise, est représentative de celles que je rencontre le plus fréquemment : tout d’abord un débordement émotionnel, une douleur intense de devoir subir un évènement aussi insoutenable, puis la mise en place de mécanismes de défense rendant le quotidien supportable : déni et clivage en particulier. Ainsi, le fœtus décédé peut être psychiquement mis de côté jusqu’à la fin de la grossesse. Vers 6 mois et demi de grossesse (sachant que la césarienne, obligatoire, sera programmée au plus tard à 7 mois et demi), et si cet aspect n’a pas été abordé spontanément auparavant, la sage-femme qui suit la femme enceinte revient sur la question du fœtus décédé et de son devenir : inscription ou pas sur le livret de famille, funérailles organisées par la famille ou par l’hôpital… Toutes les modalités sont envisageables. C’est souvent un moment propice pour les parents : il n’y a plus autant d’inquiétudes à propos du jumeau vivant et ils peuvent s’autoriser à laisser de la place à celui qui est décédé ; mais c’est aussi le moment où va surgir, avec une brutalité inattendue, le profond chagrin lié à cette perte.

19Le clivage et le déni sont, certes, des mécanismes de défense archaïques et puissants, mais on peut supposer qu’il en est fait ici un usage temporaire. Comme on le sait, la grossesse est une période de plus grande vulnérabilité et le concept de « transparence psychique », proposé par Monique Bydlowski (1998), renvoie non seulement à une certaine fragilité et à des modifications du fonctionnement psychique habituel, mais aussi à un processus, une dynamique, qui facilite le recours à des processus régressifs afin de traverser cette crise existentielle.

20Les mots que j’entends le plus souvent lors d’un second entretien après une ISG sont : « J’essaie de ne pas y penser » ; en d’autres termes, la situation est supportable le temps de la grossesse tant que les mécanismes de défense sont efficients. Le clivage ne s’opère pas seulement entre le vivant et le mort : construction d’une relation anticipée avec le fœtus vivant versus désinvestissement progressif de l’amour pour le fœtus mort. En réalité, l’insupportable est de devoir faire cohabiter le paradoxe : investir (relation au fœtus) et désinvestir (deuil du fœtus) parallèlement. Ces émotions sont saturées de culpabilité, de sentiment de trahison vis-à-vis de l’un ou de l’autre. Le clivage fonctionne bien en un sens, mais c’est un mécanisme coûteux, qui crée du vide, à l’image du vide utérin : il n’y a plus qu’un côté du ventre qui vit et qui bouge, il n’y a plus qu’un côté du ventre qui est visible – au sens d’acceptable à voir – à l’échographie.

21Quant au déni, s’il est ostensible et, par là même, inquiétant dans le cas de Kim, il n’en est pas moins présent dans chacune des histoires de patientes confrontées à une ISG. Le deuil périnatal a cela de spécifique par rapport à d’autres deuils, qu’il mêle les catégories déclinées par Sigmund Freud dans Deuil et Mélancolie (1915), à savoir la perte objectale et la perte narcissique (Missonnier, 2004). La perte ici subie est celle d’un objet partiel, interne et ainsi mal différencié du moi [2], ce qui implique des phénomènes mélancoliques. Dans son ouvrage Féminin mélancolique, Catherine Chabert rappelle qu’« au commencement, le choix d’objet a dû nécessaire­ment se fonder sur une base narcissique […] ; si des difficultés surgissent dans la relation à l’objet (par exemple la déception), la régression narcissique est inéluctable » [3] (Chabert, 2003, p. 64). Ainsi, le risque de complication psychopathologique lié au deuil périnatal provient de l’impossibilité à objectiver la perte. D’une part, car elle n’est pas partageable : pour la famille, les amis, comment pleurer un être qu’on n’a jamais vu, jamais connu, qui n’existait que dans le ventre et l’imagination d’une autre ? D’autre part, car si la perte objectale est consciente, comme dans le cas du deuil décrit par Freud, la perte narcissique concomitante, perte liée au statut d’objet partiel interne du fœtus, reste elle inaccessible au conscient.

22Le déni de la perte périnatale est aussi facilité par l’impossibilité de le représenter socialement (Soubieux, 2010, p. 21) : il est banalisé, peu légitime, mal compris, difficilement exprimable du fait de ses intrications inconscientes. Ce malaise est majoré dans le cas d’une grossesse gémellaire, car la perte d’un fœtus concomitante à la poursuite de la même grossesse est parfaitement impensable et impartageable, même dans des groupes de parole de mères endeuillées, où il peut être renvoyé à ses patientes que « elles n’ont pas tout perdu, elles », et qu’elles ne peuvent donc pas appartenir à la même communauté de chagrin.

Tout ça pour ça

23Antonin, le bébé de Louise, est né avec quelques semaines d’avance et doit être surveillé. Louise supporte assez mal d’être régulièrement séparée de lui (il ne partage pas sa chambre d’accouchée) et voudrait pouvoir enfin investir pleinement sa maternité, loin de l’hôpital et des soignants qu’elle ne peut s’empêcher d’associer à cette « grossesse difficile » (son euphémisme pour décrire les derniers mois). Le troisième jour, Grégoire, son mari, m’appelle très inquiet et me demande d’aller voir sa femme en néonatalogie : Antonin a fait une fausse route en buvant un biberon donné par une soignante et a dû être hospitalisé dans un service davantage médicalisé ; ses jours ne sont pas en danger, mais il a été affaibli et devra rester encore quelque temps à l’hôpital.

24Louise est envahie par l’angoisse et un certain ressentiment vis-à-vis de l’équipe médicale qu’elle avait, jusqu’ici, refoulé et dissimulé : voilà des mois et des semaines qu’elle fait bien tout ce que les médecins lui disent, qu’elle prend toutes les précautions imaginables pour protéger sa grossesse. « Tout ça pour ça ? J’ai eu une césarienne, Antonin est prématuré… j’ai accepté qu’on arrête l’autre bébé… et on manque de me tuer le seul qu’il me reste avec un biberon ! »

Crimes et châtiments

25Suzanne ne cherche plus à me voir après la naissance de Zoé, j’ai même le sentiment qu’elle m’évite lorsque je la croise incidemment en néonatalogie. Un an et demi plus tard, pourtant, je reçois un email de sa part me demandant un rendez-vous. Nous ne nous verrons qu’une fois afin que je l’oriente vers une psychothérapie en ville, qu’elle perçoit comme son dernier recours. Son bonheur avec Zoé est parfait. Elle a été bien acceptée par son grand frère, elle est vive, drôle, adorable, aimée de tous. Mais chaque jour, chaque instant de ce quotidien heureux est entaché par la pensée qu’il aurait pu y avoir deux jolies petites filles gaies et pleines de vie à la maison.

26La douleur, l’impossibilité de vivre sereinement la moindre scène de bonheur empoisonne tellement la vie de Suzanne qu’elle décide de se faire ligaturer les trompes : « Je ne voulais surtout jamais risquer de revivre ça un jour. » Elle est reçue deux fois par la commission médicale, qui finit par accéder à sa requête. La première audition a lieu deux ans après la découverte de la grossesse, l’intervention quatre mois plus tard, là aussi en résonnance de l’anniversaire d’une autre intervention : l’interruption de développement de la jumelle de Zoé. L’opération ne parvient pas à l’apaiser, ni elle, ni Zoé, qui dort très peu et se réveille souvent chaque nuit jusqu’à ce que Suzanne lui parle : « Je sais que j’ai l’air folle quand je raconte ça, mais une nuit où Zoé n’arrêtait pas de pleurer, j’ai dit : “Flore, laisse ta sœur tranquille”. Flore, c’est le nom que nous avons inscrit sur le livret de famille pour l’autre bébé… Depuis Zoé va mieux… bon, je ne crois pas aux fantômes, mais voilà, c’était bien ça qui l’empêchait de dormir, parce que j’avais besoin de le dire à voix haute. »

La politique de l’enfant unique

27Un jour, Kim insiste pour me voir au plus vite : elle est très angoissée, pleure beaucoup. Elle est assaillie de pensées superstitieuses et irrationnelles qui ne lui ressemblent pas : l’appartement qu’ils ont acheté a été occupé par un vieux couple, dont les membres sont décédés à quelques mois d’écart. Elle ne cesse de penser que « son bébé » est le premier et s’interroge, sans jamais donner de réponse : « Qui sera le prochain ? » Elle évoque pêle-mêle la politique de l’enfant unique en Chine (qui vient alors d’être officiellement supprimée, quelques jours à peine avant ce rendez-vous), la vie et la mort qu’elle porte, la malédiction qu’elle sent peser sur sa grossesse, la honte qu’elle redoute à l’idée qu’on sache ce qui se passe en elle… – « Ce qui se passe en vous ? » – « Oui, le fait que j’ai des pensées idiotes comme ça… et aussi le fait que j’ai un bébé mort dans le ventre… je ne l’ai dit à personne, personne ne le sait… mais une amie a deviné et ça m’a terrifiée, j’avais l’impression qu’elle l’avait vu sur moi. »

28Avec la même fulgurance, lorsque je revois Kim la semaine suivante, elle se sent bien mieux et ne voit pas la nécessité de me rencontrer à nouveau. Elle peine à aligner quelques phrases, excepté pour m’abreuver de remerciements… Et en effet, je me sens remerciée, congédiée. Notre entretien dure tout au plus quelques minutes : Kim a subrepticement allumé une petite bougie sur son balcon, suggestion que je lui avais faite parmi d’autres en évoquant la possibilité de produire un acte symbolique. Cela lui avait semblé ridicule au départ, mais avait permis de la soulager un peu, et surtout d’en parler avec Raphaël.

29Je pense que les choses vont s’arrêter là, mais pas du tout. Lorsque que je retrouve Kim et Raphaël après l’accouchement, je constate que leur positionnement a évolué. Éléonore est née un peu prématurément, mais se porte bien et les deux semaines qu’ils vont passer à l’hôpital auprès d’elle seront l’occasion d’aller visiter sa jumelle, à la chambre mortuaire. Kim me raconte comme cela a été difficile, éprouvant au départ de voir ce corps minuscule et papyracé [4], mais qu’elle a pu progressivement lui parler, la toucher, la prendre dans ses bras, lui rendant visite presque tous les jours. La responsable de la chambre mortuaire les a accompagnés au mieux, leur laissant le temps de ces rencontres, ouverte et soutenant toutes leurs démarches. Le couple a alors décidé d’offrir des funérailles à Isabelle : pour elle, mais aussi pour qu’Éléonore sache qu’on avait pris soin de sa jumelle, car, comme me le dit simplement et abruptement Kim : « Ça aurait aussi bien pu être l’une ou l’autre. Je ne veux pas qu’un jour Éléonore pense qu’on aurait pu la traiter comme un déchet. » Isabelle sera donc incinérée et, dans son cercueil, Kim et Raphaël ont déposé des mèches de leurs cheveux tressées ensemble et le cordon ombilical d’Éléonore.

Inconsolables et inconsolées

30Dans son très bel essai intitulé Le Temps de la consolation (2015), le philosophe Michael Fœssel distingue trois figures du deuil, qui sont autant d’éclairages sur les différents traitements de la perte : l’inconsolé, l’inconsolable et le réconcilié.

31Fœssel explique, dès les premières pages de son ouvrage, que « l’inconsolé ne rejette pas les consolations, il les réclame tout en sachant qu’aucune d’entre elles ne le replacera dans l’évidence de la présence » (p. 20). Il s’agit, pour l’auteur, de la figure classique et, pourrait-on dire, non pathologique de l’endeuillé : ce sujet « admet la perte, c’est-à-dire qu’il la conçoit comme une privation intolérable », pour autant, il peut « imaginer des consolations tout en sachant qu’elles ne seront jamais définitives puisqu’un retour en arrière, en deçà de la perte, est impraticable ». Derrière cet apparent paradoxe, le chagrin humain apparaît dans toute sa justesse et sa subtilité : « être et se vouloir inconsolé désigne une attitude qui n’est ni passive ni régressive », la perte est reconnue et ne revêt pas une forme mélancolique.

32La figure de l’inconsolable est toute autre. L’inconsolable « refuse d’admettre la perte et oppose un non catégorique à toutes les formes de “substituts” qu’on lui offre » (ibid.). Quand l’inconsolé « ne prétend pas […] savoir avec certitude ce qu’il a perdu, […] l’inconsolable n’exige rien d’autre que la restauration de l’“objet d’amour”, et sombre pour cela souvent dans la mélancolie ».

33Arrêtons-nous pour le moment sur ces deux figures de l’endeuillé. Les histoires de Louise et Suzanne incarnent assez bien ces deux destins de la perte. Louise, malgré ses tentatives actives pour ne pas se laisser envahir par l’angoisse (contrôle, évitement, clivage temporaire), reste inconsolée et ne nie pas son chagrin ; pour autant, malgré sa détresse, elle n’est pas submergée par des affects mélancoliques et semble accepter, pour ce qu’elle est, cette consolation qu’on lui offre : il y a un bébé vivant. C’est d’ailleurs bien à cette acceptation de la consolation et au compromis entre la perte irréparable et la nécessité de continuer à vivre, que Louise fait référence quand elle exprime sa colère devant la santé fragile de son enfant : on lui a promis qu’elle pouvait se consoler d’une perte, car il y avait encore de la vie à aimer, et c’est une trahison que de voir ce contrat potentiellement non respecté.

34Chez Suzanne, en revanche, la culpabilité est vive, à la mesure de la toute-puissance qu’elle prête à ses désirs : refus de la grossesse, affliction devant la présence de deux enfants au lieu d’un, rêves prophétiques… Ne pouvant s’autoriser un abandon dans le chagrin, elle se drape dans la colère et les auto-reproches, devançant les récriminations qu’elle s’imagine pouvoir lui être faites et se représentant elle-même comme indigne de consolation. Puissante, encore, elle refuse une position passive d’acceptation, de renoncement. Inconsolable, elle est l’incarnation du deuil tragique, « entre consolation impossible et fidélité impraticable », elle « n’accepte aucun détour et refuse de s’installer dans l’intermédiaire » (p. 68).

35Comme le remarque Fœssel, la mère en deuil de son enfant représente le summum du chagrin, de la perte irréparable, et il rappelle le mythe grec de Niobé : fière de son immense maternité (vingt fils et vingt filles), elle provoque les dieux en soulignant son bonheur et sa puissance fertile, en particulier face à Léto qui n’aurait engendré qu’une fois (les jumeaux Apollon et Artémis). Son hubris sera punie par cette dernière, qui enverra ses deux enfants massacrer toute la descendance de Niobé. Au comble de la douleur, cette mère pleure en pensant ne jamais s’arrêter. Cependant, après un temps très long, elle ressent dans son corps la faim, sensation incontrôlable, liée à l’instinct de survie, et qui est parfaitement inconciliable avec une souffrance sans fin. Elle supplie alors Zeus de la pétrifier, de manière à ce qu’elle puisse éternellement pleurer ses enfants.

36La transformation en pierre fige le corps et l’instant : « Puisque le retour du disparu n’est pas à l’ordre du jour, rien ne doit succéder à la perte » (p. 70). Quelque chose survit de la toute-puissance et de la démesure chez Niobé, qui ne peut que supporter cette position extrême. Mais surtout, cette fille de Tantale n’ignore rien ni de l’orgueil, ni des tentations humaines. Le corps y est soumis et « continue à déployer ses puissances et ses faiblesses alors même que le sentiment voudrait s’éterniser dans l’instant où tout a chaviré. Si le corps de Niobé n’était pas devenu pierre, la nature aurait peut-être poursuivi son œuvre au-delà du principe de conservation, dans le désir de reproduction » (p. 100).

37Ainsi, Suzanne est telle Niobé, « c’est-à-dire inconsolable jusqu’au bout, sans la moindre transaction avec le réconfort » (p. 68). Le sentiment de sa responsabilité est si intense qu’il n’est pas permis de risquer de s’y soustraire. En écho à la pétrification, il y a le geste sacrificiel, castrateur qu’elle s’inflige par la ligature des trompes et qui vient interrompre toute possibilité de laisser émerger ce fragile désir : se laisser consoler par une autre grossesse.

Le travail de la métaphore

38Reste donc la figure du réconcilié, la plus inquiétante et la plus contemporaine, selon Fœssel : « Celui-ci considère qu’il n’a rien perdu » (p. 20) car, poursuit le philosophe, « à l’inverse de la consolation, la réconciliation ne propose pas autre chose (d’autres mots, d’autres désirs, d’autres institutions) à la place de ce qui est perdu, elle entend dépasser cette perte en l’intégrant à un savoir. Là où la consolation devient possible par l’aveu d’une certaine ignorance, la réconciliation prétend connaître ce qui manque et disposer des moyens de combler l’absence. Par ses discours ou ses actions, la réconciliation rejette la tristesse comme toutes autres expressions de la finitude » (p. 225).

39Le déni de la perte et la question de la perte intégrée au savoir ne sont pas sans évoquer la réaction première de Kim à l’annonce du décès prochain de l’un des fœtus : elle a beaucoup lu d’articles médicaux sur les grossesses gémellaires et sa connaissance de la division cellulaire qui concerne les jumeaux monozygotes comble l’éventuelle absence par un tour de passe-passe : il n’y avait aucun objet à perdre.

40Au-delà des situations individuelles, Fœssel considère la tendance à la réconciliation – ou au « trop vite consolé », comme il le présente parfois dans son livre – comme le signe d’une société qui devrait toujours aller de l’avant, être dynamique, « passer à autre chose » rapidement et devient ainsi soumise à « l’injonction du travail de deuil », voire à la « résilience », détournant le concept de Boris Cyrulnik de l’éventualité, vers l’obligation de sortir grandi d’un traumatisme. Ce qui s’avère très intéressant dans le cas de Kim, c’est qu’une autre dynamique a été rendue possible, bien qu’il ait fallu une effraction quasi hallucinatoire pour que puisse survenir une véritable prise en compte de son vécu. Est-ce juste le temps psychique, inconscient, qui a fait son œuvre et lui a permis d’accéder à une émotion plus authentique ? Était-ce en lien avec l’actualité politique en Chine et la fin de l’obligation de n’avoir qu’un seul enfant ? Le peu de rencontres que j’ai eues avec cette jeune femme ne me permet que d’observer le cheminement sans être certaine des déclencheurs. Quoi qu’il en soit, Kim s’est laissée aller à son chagrin et a pu, alors, accéder à des processus de réparation, à un véritable travail créatif qui réunit expression du chagrin et recherche de consolation.

41À propos de la consolation, Fœssel compare le geste de réconfort à un travail de métaphore : « La justesse d’une métaphore est liée à son aptitude à révéler une dimension de l’expérience dont nous sommes habituellement éloignés. Par le déplacement du sens littéral, elle forge un sens figuré qui, en renommant la chose, permet de l’expérimenter de manière nouvelle […] Tout le jeu de la métaphore réside dans le lien entre identité et différence. Pour cela, elle est le procédé le mieux à même de mettre en scène cette diversion sans oubli qu’est la consolation » [5] (p. 74).

42Condensation, déplacement, renversement en son contraire sont autant de mécanismes psychiques bien connus comme étant à l’origine de la figurabilité du rêve et que Freud décrit dès 1900 dans sa Traumendeutung. Cette capacité à mettre en image – en d’autres termes, ce travail de métaphore – nécessite un recours à un mouvement dit « régrédient » (au contraire du mouvement progrédient du processus psychique de l’état de veille), qui n’est pas l’apanage du rêve : « Le souvenir intentionnel, la réflexion et d’autres processus particuliers de notre pensée normale correspondent aussi à la marche en arrière. » [6] Cette figurabilité de la pensée peut également être involontaire, comme dans le cas du rêve, de l’hallucination, en particulier à la faveur d’une baisse de la censure que l’on rencontre dans certaines crises de l’existence : l’effraction pubertaire, le traumatisme et, aussi, la transparence psychique liée à la grossesse.

43Le débordement de représentations anxieuses et irrationnelles qui envahit Kim lors de notre seconde rencontre revêt les caractéristiques de ce que César Botella nomme « l’hallucinatoire » (Botella, 2001). Ce concept implique une nouvelle approche de l’hallucination, en tant que le changement de suffixe nous fait passer du simple événement – l’hallucination – à un processus dynamique et généralisable, de la psyché – l’hallucinatoire. Il s’agirait d’une « capacité régressive plus ou moins active selon les individus, et facilitée par certaines circonstances ». Botella explique qu’un « actuel traumatique » peut prendre « forme dans des mouvements successifs “quasi-hallucinatoires” » ; dans le cas de Kim « des idées subites » [7], qui suscitent, certes, un sentiment de conviction (du fait de la réalité de l’affect qui les sous-tend), mais ne résistent pas à l’épreuve de réalité et sont critiquables.

44Ces idées subites sont corrélées à « certains évènements d’un passé très lointain » qui « ne peuvent accéder à la conscience que sur un mode […] “quasi hallucinatoire” ». Mais, précise Botella, « ces mouvements sont “lointains”, en vérité moins dans le temps que dans leur impossibilité d’opérer un retour par la voie habituelle du souvenir et des représentations ». Ces mouvements sont en lien avec du non représentable : « un état à la limite du psychique, inélaborable et désorganisateur, qui peut être qualifié de non-représentation » (Cognet, 2006).

45Les mouvements en eau profonde qui ont agi Kim durant les quelques semaines séparant l’interruption de l’un des bébés jusqu’à l’accouchement de sa fille sont éminemment liés à ce fonctionnement psychologique qu’est l’hallucinatoire. En effet, si la transparence psychique de la grossesse ainsi que l’impact traumatique de l’ISG ont favorisé le recours à des méca­nismes de défense archaïques, comme le déni, ils ont également permis, parallèlement, une baisse de la censure et facilité des mouvements régrédients de figurabilité. Ceux-ci ont d’abord pris la forme de quasi-convictions délirantes (malédiction, mort annoncée), mais ont pu rapidement se saisir d’un travail psychique plus élaboré, plus symbolique : le zeugma [8] (« ce qui se passe en moi […] des pensées idiotes […] et un bébé mort »), la bougie à l’église, enfin les funérailles, très intimes et créatives.

46« La consolation est une tentative pour arracher le malheureux à l’indicible. […] Une métaphore opère un déplacement au cours duquel un terme impropre, c’est-à-dire propre à une autre chose, est substitué à un terme propre manquant » (Fœssel, 2015, pp. 84-85).

47La perte, le vide, le manque, immédiatement rempli d’angoisse, ne peuvent raisonnablement trouver de quoi être comblés. En cheminant de processus psychiques inconscients en travail créatif de sublimation, Kim et Raphaël ont réussi à retrouver le fil de leur parentalité (momentanément) perdu, car ce devenir parent pouvait-il advenir du côté du vivant, s’il restait nié du côté du mort ? Sûrement très difficilement ou au prix d’un trouble psychologique très important pour Kim. Ici, la consolation a eu trois destinataires : les parents endeuillés, bien sûr, mais aussi le bébé mort, qu’en bons parents il faut consoler de son exil ; enfin le bébé à naître, qui pourra ainsi se consoler d’avoir survécu.

48Hiver 2017

Bibliographie

Références

  • Botella, C. (2001). L’hallucinatoire. Dans C. et S. Botella (dir.), La Figurabilité psychique (p. 163-186). Paris : Delachaux et Niestlé.
  • Bydlowski, M. (1998). La transparence psychique de la femme enceinte. Dans S. Lebovici & Ph. Mazet (dir.), Psychiatrie périnatale : parents et bébés : du projet d’enfant aux premiers mois de vie (p. 101-109). Paris : Puf.
  • Chabert, C. (2003). Féminin mélancolique. Paris : Puf.
  • Cognet, A. (2006). Un adolescent d’autrefois. Adolescence, no 56 (2/2006), 499-506.
  • Damato, E. G. (2004). Predictors of prenatal attachement in mothers of twins. J Obstet Gynecol Neonatal Nurs, 33(4), 436-445.
  • Fœssel, M. (2015). Le Temps de la consolation, Paris : Seuil.
  • Freud, S. (1900). L’interprétation des rêves. Œuvres complètes tome IV – 1899-1900. Paris : Puf, 2004.
  • Freud, S. (1915). Deuil et mélancolie. Dans S. Freud, Œuvres complètes tome XIII – 1914-1915 (p. 261-280). Paris : Puf, 2005.
  • Freud, S. (1937). Constructions dans l’analyse. Dans S. Freud, Œuvres complètes tome XX – 1937-1939 (p. 57-73). Paris : Puf, 2010.
  • Missonnier, S. (2004). L’enfant du dedans et la relation d’objet virtuel. Dans S. Missonnier, B. Golse & M. Soulé (dir.), La grossesse, l’enfant virtuel et la parentalité (p. 119-144). Paris : Puf.
  • Sirol, F. (1999). La haine pour le fœtus. Dans L. Gourand, S. Missonnier, M.-J. Soubieux & M. Soulé (dir.), Écoute voir… L’échographie de la grossesse : les enjeux de la relation (p. 189-213). Toulouse : Érès.
  • Soubieux, M.-J. (2010). Le deuil périnatal. Paris : Fabert.
  • Staraci, S. & al. (2012). Devenir d’une survivance du prénatal dans le cas du syndrome transfuseur-transfusé. La Psychiatrie de l’enfant, 55(2), 347-396.
  • Winnicott, D. W. (1966). La mère ordinaire normalement dévouée. Dans D.W. Winnicott, Le bébé et sa mère (p. 19-32). Paris : Payot, 1992.

Mots-clés éditeurs : jumeaux, Deuil périnatal, syndrome transfuseur-transfusé, sublimation

Date de mise en ligne : 22/11/2018.

https://doi.org/10.3917/psye.612.0233

Notes

  • [1]
    L’impact sur les enfants nés suite à une grossesse gémellaire monochoriale compliquée d’un STT a fait l’objet du travail de thèse de Stéphanie Staraci, sous la direction de Sylvain Missonnier (Staraci, 2012).
  • [2]
    En particulier, me semble-t-il, pour les femmes enceintes pour la première fois et qui n’ont pas l’étayage psychique d’une relation à un enfant déjà existante. Sans systématiser cette remarque, le deuil périnatal me semble plus à risque de complication pathologique pour ces femmes que pour celles déjà mères.
  • [3]
    C’est moi qui souligne.
  • [4]
    Ce terme sert à décrire l’aspect du fœtus, qui s’est comme desséché durant les semaines sans vie in utero. Le terme n’est pas anodin, car il évoque l’Égypte Ancienne et, par association, la momification.
  • [5]
    C’est moi qui souligne.
  • [6]
    Il s’agit ici de la régression dans son acceptation topique, au plus proche de son sens étymologique (<lat. : aller en arrière).
  • [7]
    Botella emprunte ce terme à Freud (1937).
  • [8]
    Procédé stylistique consistant à rattacher syntaxiquement à un mot polysémique deux compléments (le plus souvent un abstrait et un concret, ce qui peut avoir un effet humoristique, ou d’étrangeté comme ici).
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