Notes
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[1]
Texte rédigé à partir d’une communication faite dans le cadre de la Journée scientifique organisée par l’ARPPE (Association de recherche en psychiatrie et psychanalyse de l’enfant), à l’initiative de Mme A. Nakov et animée par le Pr Bernard Golse sur le thème : « Rencontre avec le Pr Serge Lebovici », Institut européen d’écologie, Metz, le 28 juin 1997.
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Pédopsychiatre-Psychanalyste. Chef du service de psychiatrie infantile de l’hôpital Necker-Enfants Malades (Paris). Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université René-Descartes (Paris V).
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[3]
Le 35e prix Maurice Bouvet a été attribué en 1997 à Nora Kurts pour les articles suivants :
— La réalité s’impose de l’intérieur : le processus de changement au cours d’une psychothérapie psychanalytique avec un enfant psychotique, Revue française de psychanalyse, 1996, LX, 4, 1105-1120.
— L’enfant qui ne savait pas jouer, Psychiatrie de l’enfant, 1993, XXXVI, 2, 537.554.
1Serge Lebovici aura constitué pour nombre d’entre nous, je le crois, un modèle professionnel important. Peut-être aura-t-il représenté aussi un modèle d’homme tout simplement, mélange de volonté, de rigueur, d’honnêteté, de dynamisme, d’énergie et aussi de gentillesse et de disponibilité extrême à l’égard d’autrui.
2Depuis quelques années, les occasions s’étaient multipliées pour moi de travailler avec lui et de ce fait, je me sens naturellement très proche de sa façon d’envisager la psychiatrie et la psychanalyse de l’enfant, ainsi que les relations qui existent entre les deux.
3Après avoir redonné quelques repères chronologiques, je tenterai de pointer ensuite les principales lignes de force et les principaux thèmes-pivots de sa réflexion, étant entendu qu’il s’agit inévitablement de ma vision personnelle de l’œuvre de Serge Lebovici.
REPÈRES CHRONOLOGIQUES
4J’ai choisi de me limiter à une présentation conceptuelle de l’œuvre de Serge Lebovici sans vouloir l’articuler trop minutieusement à sa trajectoire biographique ce qui, sans doute, nous entraînerait trop loin et parce qu’il ne nous appartient pas de tisser des liens entre la créativité de Serge Lebovici et ses racines historiques. Je laisserai donc un peu de côté sa trajectoire institutionnelle. Tout le monde sait bien d’ailleurs les responsabilités qu’il a assumées au sein du mouvement psychanalytique et de l’API (Association de psychanalyse internationale).
5Sur le plan hospitalier, nous savons bien aussi ses diverses étapes successives auprès de Georges Heuyer aux Enfants-Malades (de 1947 à 1957), au centre Alfred-Binet ensuite fondé par lui et Philippe Paumelle en 1959 et à l’hôpital Avicenne de Bobigny enfin (à partir de 1978).
6Sans doute y aurait-il lieu cependant de faire, à propos de la carrière hospitalo-universitaire de Serge Lebovici, une sorte d’éloge de l’obstacle dans la mesure où il a su transformer les difficultés de sa nomination relativement tardive au titre de professeur des universités en un véritable levier, c’est.à-dire faire de la lenteur de la reconnaissance officielle de son action de soins, d’enseignement et de formation, l’occasion d’acquérir une réputation nationale et internationale qui, très vite, a débordé tous les cadres classiques et académiques.
7Je ne veux pas dire par là que toute nomination rapide a forcément pour conséquence la stérilisation des énergies... mais il me semble néanmoins que cette course d’obstacles universitaire aura eu pour Serge Lebovici un rôle plutôt stimulant et cette dynamique me paraît d’ailleurs s’être rejouée pour lui, également dans d’autres domaines.
8Il faut toutefois ajouter que cette reconnaissance universitaire qu’il lui aura fallu attendre bien longtemps, bien trop longtemps, s’est sans doute inscrite au cœur d’une certaine ambivalence, la même que celle qui animait S. Freud quand il cherchait de toutes ses forces à être admis dans le sérail universitaire (c’est là toute l’histoire de sa nomination au titre de Privat-Docenz) mais bien plus pour aiguillonner et déranger les habitudes de pensée que pour se couler dans le moule conceptuel ambiant !
9Pour compléter ce survol très cursif, je mentionnerai enfin l’intérêt qui ne s’est jamais démenti de Serge Lebovici pour la vie communautaire et qui l’a fait, tout au long de sa vie professionnelle, se passionner et se dévouer pour les problèmes de recherche, de santé publique et, comme on le dit maintenant, d’exclusion sociale.
10D’où son rôle d’expert auprès de l’OMS, son engagement à des titres divers dans les activités de l’INSERM, son implication dans la fondation du CEDRATE (Centre d’étude, de recherche et d’action quant aux traumatismes des enfants) avec Bernard Doray, son rôle de conseiller auprès de Madame le ministre Simone Veil et enfin son rôle au sein du Conseil scientifique de l’AFM (Association française pour les myopathies). Cette liste ne prétend certes pas être exhaustive mais elle montre bien, me semble-t-il, l’énergie que Serge Lebovici a toujours déployée à l’endroit de la collectivité.
LES GRANDS AXES DE L’ŒUVRE
11Il est difficile de vouloir faire une présentation exhaustive de l’œuvre de Serge Lebovici. Je ne m’y risquerai pas et je préfère donc insister sur quelques lignes de force de sa réflexion. Il me semble ainsi qu’on peut dégager quatre grands axes qui parcourent toute son œuvre, comme en filigrane, et qui organisent, qui sous-tendent – telle une charpente – les différents travaux de Serge Lebovici au fil des années. Ces quatre axes directeurs me paraissent être les suivants :
121 / Une tentative permanente d’articulation du concept de développement et de la notion de structure. Articulation et non pas assimilation. Ce que D. Widlöcher exprimait en 1980 dans son rapport au XLe Congrès des psychanalystes de langue française (soit un an après le fameux rapport de Serge Lebovici, lors du XXXIXe Congrès, sur « L’expérience du psychanalyste chez l’enfant et chez l’adulte devant le modèle de la névrose infantile et de la névrose de transfert ») en disant : Serge Lebovici « tente de montrer la différence entre une temporalité du développement (où s’inscrit la filiation des conduites, l’évolution des symptômes) et une temporalité de l’élaboration psychique (où se construit le souvenir) ».
132 / Une analyse des relations entre psychanalyse de l’adulte et psychanalyse de l’enfant. Et à ce propos, on peut à mon sens repérer deux mouvements successifs dans sa réflexion :
- un mouvement progrédient jusqu’en 1979 qui le conduit de la névrose infantile à la névrose de transfert avec, chemin faisant, la distinction si profonde et si utile entre névrose infantile et névrose clinique ;
- un mouvement régrédient ensuite, à partir de 1980, par l’approfondissement de l’étude des interactions précoces du bébé, celles-ci permettant alors d’éclairer l’organisation de la névrose infantile et de la névrose de transfert.
14Ces deux mouvements, progrédient et régrédient, font ainsi écho à la double dimension de la notion d’après-coup elle-même chez S. Freud, comme l’a bien montré J. Laplanche : le passé influençant le présent mais le présent donnant sens, rétroactivement, au passé.
153 / Un intérêt intense pour les processus de transmission trans- ou intergénérationnelle avec toute une réflexion sur la dialectique serrée qui noue les phénomènes de filiation et d’affiliation.
164 / Une ouverture enfin sur le monde de la connaissance en général. Selon Serge Lebovici, en effet, il était important de laisser la psychanalyse se faire enrichir, féconder et interroger par toute une série de disciplines connexes (neurosciences, sciences cognitives, sciences de la communication, anthropologie, sociologie...) auxquelles, en retour, la lecture psychanalytique peut donner sens et cohérence au sein de l’histoire du mouvement des idées et des connaissances.
17Cette position a certes donné lieu à des accusations de compromission et d’impureté. En réalité, l’adhésion profonde de Serge Lebovici à un modèle polyfactoriel de la psychopathologie l’amenait à penser que la psychanalyse n’avait rien à craindre des avancées actuelles des neurosciences et qu’elle avait au contraire tout à gagner à ne pas se résigner à vivre dans une tour d’ivoire.
PRINCIPAUX THÈMES TRAVAILLÉS PAR S. LEBOVICI
18Psychanalyse de l’adulte et psychanalyse de l’enfant n’étaient pas dissociables pour Serge Lebovici qui a beaucoup lutté pour qu’une formation à la psychanalyse de l’enfant puisse être introduite à la Société de psychanalyse de Paris (SPP). Beaucoup a déjà été fait mais beaucoup reste à faire même si, en 1997, le prix Bouvet de la SPP a été décerné pour la première fois à un travail effectué dans le champ de la psychanalyse de l’enfant par Nora Kurts (psychothérapeute-psychanalyste au centre Alfred-Binet) [3].
19La démarche personnelle de Serge Lebovici est exemplaire en matière de psychiatrie du nourrisson et de formation à la psychanalyse précoce. Quand il aborde le bébé, à partir des années 1980, il a déjà été président de l’IPA (Association psychanalytique internationale) de 1973 à 1977, et il est déjà grand-père. Ainsi, son engagement vis-à-vis de la psychanalyse de l’adulte n’est plus à démontrer et, comme un certain nombre de pionniers de la psychanalyse de l’enfant, il se trouve alors dans cette position grand-parentale qui permet, peut-être mieux que la position parentale, un mixte d’empathie et de distanciation extrêmement efficace quant à la compréhension intime du très jeune enfant et de la dynamique familiale qui se joue autour de lui.
20En tout état de cause, il y a bien dans sa démarche un mouvement rétrospectif qui le porte de la psychanalyse de l’adulte vers la psychanalyse de l’enfant, sans clivage et sans renoncement, démarche qui est au cœur même de la réflexion métapsychologique et qui est sans doute le meilleur garant que l’on puisse se donner quant aux formations, pour éviter que le choix du travail avec l’enfant ait valeur de résistance par rapport à l’analyse de l’adulte si ce n’est par rapport à l’analyse en général.
21La psychanalyse, pour Serge Lebovici, est toute une et l’apport mutuel et réciproque des psychanalystes d’adultes et des psychanalystes d’enfants peut être très important si les uns comme les autres ne s’enferment pas dans une spécialisation étanche et exclusive. Tout ceci nous aide à comprendre que la clinique de l’enfant et du bébé ne peut pas être seulement descriptive mais qu’elle se doit d’être également interactive, empathique et historicisante. Sans doute est-ce là sa difficulté mais aussi sa richesse et son intérêt.
22Pour se construire, le bébé a besoin d’une histoire et d’une histoire qui ne soit pas seulement une histoire génétique, mais une histoire relationnelle aussi. Les parents, comme les professionnels, doivent l’aider à s’inscrire ou à se réinscrire dans toute l’histoire de sa famille, voire de son groupe social et même de sa culture, ce qui donne toute sa place à l’effet de rencontre qui fait que le destin n’est pas un simple développement.
23À la différence de l’amibe, l’être humain n’est pas prisonnier de son génôme (F. Jacob) et c’est d’ailleurs toute la question de la liberté qui se joue dans cet écart entre génôme et narrativité, laquelle donne accès à une histoire des désirs et des relations qui est peut-être différente de l’histoire vraie mais qui est une histoire rétrodite et, par là, tout autant constituée que constituante.
24Je m’inspirerai maintenant du travail de F. Coblence quant à la recension des principaux thèmes qui fournissent la substance même de l’œuvre de Serge Lebovici.
1 / Psychanalyse de l’enfant, psychanalyse de l’adulte, observation
25Pour S. Freud, « l’enfance de chacun est une sorte de passé préhistorique » et le défi de Serge Lebovici est d’avoir considéré que la psychanalyse de l’adulte, la psychanalyse de l’enfant et l’observation directe représentaient trois démarches aux statuts différents mais complémentaires quant à l’approche de cette préhistoire propre à chaque individu.
26S. Freud était en fait à la fois un excellent observateur et un génial théoricien de l’après-coup, c’est surtout après sa mort qu’ont commencé à se déchirer les partisans de l’observation directe et ceux de la reconstruction dite pure et dure ! Tout au moins dans notre pays. On sait en effet l’importance du débat qui a eu lieu en France quant à la question de savoir quel est véritablement l’enfant de la psychanalyse.
27A. Green s’est exprimé nettement à ce sujet, notamment dans son artice de 1979 sur « L’enfant modèle » et, Serge Lebovici l’ayant lui-même souvent raconté, il est possible de rappeler ici sans trahir de secret qu’A. Green posa un jour à Serge Lebovici la question suivante : « Quand cesseras-tu de t’occuper de l’enfant réel pour t’occuper de l’enfant vrai ? »
28Dans son livre sur Le monde interpersonnel du nourrisson, D. N. Stern a plus récemment refait le point sur cette dialectique polémique entre les tenants de l’enfant observé et ceux de l’enfant reconstruit et il est certainement important de ne pas considérer les observateurs directs comme plus na ïfs qu’ils ne le sont et de ne pas se laisser happer par un cloisonnement fallacieux entre d’un côté un bébé pulsionnel et corporel qui serait celui de l’observation et un bébé sublimé et éthéré qui serait celui de la reconstruction...
29Serge Lebovici nous propose au contraire une perspective synthétique et intégrative visant, nous l’avons vu, à articuler temporalité du développement et temporalité de l’après-coup, soit à mettre en relation le concept de genèse et celui de structure.
30Rappelons encore une fois que le concept de développement nous tire plutôt du côté de l’endogène alors que le concept de destin nous renvoie davantage à l’effet de rencontre et en particulier de rencontre avec un autre porteur d’une histoire, ce qui montre bien à quel point la croissance et la maturation psychiques de l’enfant se jouent à l’exact entrecroisement de l’endogène et de l’exogène.
31D’un point de vue étymologique, on remarque qu’en grec ancien, le verbe θεορειν signifie contempler, ce qui noue de manière étroite l’acte d’observation et l’activité de théorisation en se souvenant toutefois que les faits ne parlent pas d’eux-mêmes et qu’il existe un nécessaire va-et-vient entre la clinique et les modèles qui la sous-tendent.
32Le pont entre observation et théorisation pourrait être jeté par le processus d’attention psychique, concept éminemment transdisciplinaire aujourd’hui et sur lequel notre groupe d’étude international consacré à l’observation directe a centré l’essentiel de sa réflexion au cours des quelques années qui ont précédé le congrès mondial de la WAIMH (World Association of Infant Mental Health) en Finlande (1996).
33Dans une certaine mesure, l’observation directe des bébés, conduite dans un cadre rigoureux tel celui décrit par E. Bick, peut venir confirmer les modèles élaborés dans l’après-coup de la cure (ce que S. Freud lui-même envisageait dès 1905) et en même temps s’inscrire dans une perspective génétique en permettant l’approfondissement des études structurales sur le Moi.
34En s’appuyant sur les travaux de R. Spitz et de D. W. Winnicott, Serge Lebovici a toutefois constamment attiré l’attention sur le fait que ce qui est profond au sens psychanalytique ne se superpose pas ipso facto à ce qui est précoce au sens du développement psychique du nourrisson.
2 / Le fantasme
35En 1954, Serge Lebovici écrit avec René Diatkine un article célèbre intitulé : « Étude des fantasmes chez l’enfant ». Selon eux, « l’enfant parle au présent » et les productions imaginaires de l’enfant peuvent éventuellement donner le sentiment ou l’illusion de correspondre à l’expression de fantasmes à l’état brut. Et pourtant, le fantasme s’observe-t-il ?
36À ce sujet, on relira avec intérêt le compte rendu de la séance du 17 novembre 1909 des Minutes de la Société psychanalytique de Vienne dont le thème était « Que peut attendre la pédiatrie de la recherche psychanalytique ? » et au cours de laquelle W. Stekel affirmait : « Observer les fantasmes de l’enfant est l’une des tâches les plus importantes du pédiatre ! »
37Quoi qu’il en soit, Serge Lebovici s’oppose ici à M. Klein en refusant l’assimilation entre jeu et fantasme et selon lui, M. Klein confond en quelque sorte fantasme et représentant psychique de la pulsion. L’écart entre les deux renvoie en fait à la dimension défensive du fantasme lui-même, à la valeur intégrative du fantasme des expériences antérieures lors des phénomènes de rencontre ainsi qu’à la reconstruction et aux effets d’après-coup.
3 / La genèse de la relation objectale
38Sur ce thème également, un article de Serge Lebovici est devenu fameux, celui de 1961 sur « La relation objectale chez l’enfant ». Cette notion de relation objectale lui permet en fait d’articuler les données psychanalytiques classiques aux études neurobiologiques du développement, c’est-à-dire encore une fois d’articuler le point de vue structural et le point de vue génétique. L’enfant et l’objet interagissent en effet de manière très étroite : « L’enfant prend conscience de l’objet au fur et à mesure de sa maturation dans une culture donnée, mais la reconnaissance de l’objet est elle-même maturante. »
39D’où, me semble-t-il, le point d’ancrage d’une double piste de réflexion d’une part, sur la dialectique de l’absence et de la présence et d’autre part, sur la question de l’investissement de l’objet.
40— D’une certaine manière, la psychanalyse s’offre à nous comme une métapsychologie de l’absence : « Ainsi, l’enfant en reconnaissant que l’objet existe en dehors des périodes où il a besoin de lui se reconnaît comme existant dans le monde. À travers la reconnaissance de l’autre, il établit la connaissance qu’il a de son existence et de sa continuité. » Serge Lebovici approfondit ainsi l’idée freudienne selon laquelle le sein naît de l’absence de sein mais il attire aussi notre attention sur le fait qu’il ne faut pas caricaturer à l’extrême cette vision de la psychanalyse, le privilège accordé à l’absence ayant parfois donné lieu à de véritables boursouflures de la pensée. La rencontre avec l’objet, la présence et les fonctions de celui-ci s’avèrent également déterminantes et c’est par là que la réflexion de Serge Lebovici rejoint à sa manière certains aspects des modèles de J. Bowlby et de D. N. Stern.
41— Quant à l’investissement de l’objet, Serge Lebovici énonce dès cette époque une phrase qui a fait fortune : « L’objet est investi avant d’être perçu », ce qui non seulement renvoie aux travaux de R. Spitz sur la notion de pré-objet, mais qui annonce aussi tout le courant ultérieur des travaux sur les interactions précoces. Selon Serge Lebovici en effet, l’objet se trouve investi avant que d’être perçu comme un objet distinct et bien différencié de l’arrière-fond des diverses perceptions de l’enfant, c’est-à-dire qu’il est d’abord investi au niveau des fonctions dynamiques qu’il supporte : rythmes interactifs, contours temporels, style des interactions...
42Ceci ouvre à l’appréhension des interactions précoces comme préformes de la relation objectale et permet en outre d’être sensible aux processus circulaires qui se jouent au sein du fonctionnement dyadique. Les représentations fantasmatiques de la mère modulent ainsi le vécu narcissique de l’enfant et donnent sens à ce qui en était encore dépourvu pour lui, d’où la notion de « relation transactionnelle » fondamentalement centrée sur le rôle de l’affect.
43Serge Lebovici aboutit alors à quelques propositions novatrices en matière de narcissisme puisque, selon lui, le sentiment de Soi (et le Moi) ne peuvent être seulement des conséquences de la découverte et de la connaissance de l’objet différencié dans la mesure où c’est aussi l’objet qui fait le Moi et qui lui préexiste en quelque sorte. On pressent ici les prémices d’un accord ultérieur avec les positions de D. N. Stern pour qui le Soi préexiste aussi au Moi, comme l’indiquent ses hypothèses sur l’émergence progressive des différents sens du Soi.
4 / Les modèles de la névrose infantile et de la névrose de transfert
44C’est le thème qui centre le rapport fait par Serge Lebovici au XXXIXe Congrès des psychanalystes de langue française, en 1979, sur « L’expérience du psychanalyste chez l’enfant et chez l’adulte devant le modèle de la névrose infantile et de la névrose de transfert ».
45Certains symptômes névrotiques sont naturels, physiologiques et c’est même leur absence qui peut être préoccupante. Serge Lebovici les considère comme l’expression de la névrose infantile et comme constituant en quelque sorte le lot commun du processus de développement. Le rapport de 1979 reprend donc l’ensemble des travaux précédents pour les synthétiser et les enrichir considérablement. La névrose clinique est en revanche, quant à elle, nettement pathologique traduisant une réelle situation pathologique et pas seulement des conflits de développement.
46Après avoir ainsi distingué la névrose infantile, normale, obligatoire et la névrose clinique en tant que fait pathologique, Serge Lebovici va alors s’interroger sur les relations possibles entre névrose infantile et névrose de transfert. La névrose infantile est d’une part, un fait de développement et d’autre part, un modèle pour sa compréhension, tandis que la névrose de transfert vaut comme répétition et reconstruction de la névrose infantile dans le cadre de la cure, et ceci aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte.
47Il me semble donc que Serge Lebovici distingue et articule développement et structure en différenciant névrose infantile et névrose clinique tout en prenant position dans le débat quant à l’existence ou non d’une possibilité de névrose de transfert chez l’enfant. Pour lui, cette possibilité existe indéniablement et l’on verra une reprise ultérieure de cette question chez le bébé à l’occasion du débat avec B. Cramer sur les mécanismes thérapeutiques en jeu au sein des thérapies conjointes parent(s)-enfant.
48La question est en fait de savoir ce qui est interprétable chez l’enfant. Pour Serge Lebovici, la névrose de transfert est une reprise de la névrose infantile mais celle-ci représente déjà une réorganisation a posteriori de l’histoire interactive précoce, ce qui conduit à repenser la théorie freudienne de l’après-coup soit en la diffractant sur plusieurs générations, soit au contraire en la contractant au sein même du système interactif, de ses répétitions et de ses variations successives.
49Citons Serge Lebovici : « Chez l’enfant, on peut parler à tous âges de névrose de transfert et le débat est donc clos, sur ce point, entre Anna Freud et Melanie Klein. Mais c’est l’interprétation qui est problématique parce qu’elle peut devenir “sauvage” en raison de la proximité avec l’histoire organisatrice et apparaître comme un simple “décodage”. De plus, la névrose de transfert suit la névrose infantile et non la névrose actuelle. Il peut n’y avoir qu’un rapport indirect entre les troubles pour lesquels l’enfant est soigné et la névrose de transfert. On est ainsi amené à la question de la possibilité, pour l’enfant, d’organiser une névrose infantile. »
50Il y a donc place pour une dialectique entre interactions précoces et névrose infantile qui s’éclairent mutuellement : l’histoire interactive précoce organise la névrose infantile mais l’analyse de celle-ci (par le biais de la névrose de transfert) permet de reconstruire l’histoire des interactions précoces (conjointement aux apports de l’observation directe).
5 / Les interactions précoces mère-enfant
51Un livre fait ici date, c’est celui écrit en 1983, en collaboration avec S. Stoleru, sur Le nourrisson, la mère et le psychanalyste.
52L’essentiel de la réflexion freudienne sur les pulsions et le destin des pulsions est évidemment conservé mais, pour Serge Lebovici, le terme de pulsion évoque quelque chose de trop unilatéral. L’emprise est réciproque entre mère et enfant : « La vie pulsionnelle naît dans les bras d’une mère portante qui est agrippée par le cramponnement du bébé. » Le nourrisson et les soins maternels s’avèrent ainsi indissociables et Serge Lebovici se refère souvent aux deux notes bien connues de S. Freud (1911 et 1915) sur la détresse du nouveau-né (Hilflösigkeit).
53C’est alors tout le problème des liens entre intersubjectivité et processus de subjectivation qui commence à se profiler ici, et Serge Lebovici reprend alors à son compte la dynamique du miroir winnicottien qui fonde le narcissisme de la mère et de l’enfant puisque l’enfant, quand il regarde sa mère, voit au fond la mère qui le regarde la regardant.
54Ce jeu des regards évoque évidemment le « stade du miroir » (J. Lacan) mais Serge Lebovici n’en retient pas la dimension de captation aliénante. Il en conserve en revanche l’idée d’une précipitation anticipatrice du « je » de l’enfant dans le regard de la mère et il est important de rappeler que la nouvelle traduction de la Bible par A. Chouraqui nous apprend que le mot « œil » et le mot « source » possèdent la même racine étymologique. Autrement dit, Narcisse et D. W. Winnicott : même combat !
55La mère investit le bébé mais c’est le bébé qui fait mère sa mère sur fond d’empathie et d’appariement affectif. Dès lors, Serge Lebovici insiste sur le fait qu’il existe quatre enfants différents dans la tête de la mère : l’enfant imaginaire ou fantasmatique (inconscient, préœdipien et œdipien), l’enfant imaginé (conscient-préconscient et postœdipien), l’enfant mythique et l’enfant narcissique (His Majesty the baby, de S. Freud), lesquels vont venir se mailler au narcissisme parental pour venir assurer le développement du Self de l’enfant.
56C’est dans cette conception des choses que vient s’ancrer la vision de Serge Lebovici de la transmission transgénérationnelle.
57Dans ce champ des interactions précoces, son travail avec F. Weil-Halpern donne lieu, en 1989, à la publication d’un ouvrage important sur la Psychopathologie du bébé.
6 / La dynamique transgénérationnelle
58Serge Lebovici va progressivement s’opposer dans ce domaine à la perspective trop cognitive et génétique selon lui d’auteurs comme J. Bowlby et I. Bretherton. Il va en effet intensément développer, et ce jusqu’à la fin de sa vie, des concepts comme ceux de « génogramme psychique », d’ « arbre de vie » ou de « mandat transgénérationnel » qui vont venir fonder et centrer sa pratique des consultations thérapeutiques.
59Il accorde alors toute son attention aux travaux sur l’attachement, qu’il s’agisse des travaux de J. Bowlby ou de M. Ainsworth sur les différents types d’attachement chez le bébé (à travers le paradigme expérimental de la Strange Situation) ou des travaux de M. Main ou de B. Pierrehumbert sur la narrativité de l’adulte quant à ses liens d’attachement précoces (à travers l’intéressant outil que constitue l’Adult Attachment Interview). Mais il demeure important pour lui de faire toute sa place à la fantasmatisation maternelle qui interagit de manière dialectique avec le comportement de l’enfant.
60Les patterns d’attachement ou modèles internes opérants (Working Internal Models) bien décrits par I. Bretherton à partir de l’œuvre de J. Bowlby ont valeur pour lui, me semble-t-il, de véritables représentations mentales, mixtes de cognitif et d’affectif et qui, comme tels, se construisent dans le cadre des interactions précoces marquées du sceau de toute l’histoire parentale.
61L’inceste maternel, réel ou symbolique, vis-à-vis du grand-père maternel de l’enfant se trouve alors au centre de sa réflexion de même qu’à l’instar de M. Krüll (dans son travail sur S. Freud), il s’intéresse aussi beaucoup au rachat de la lignée paternelle. Ces deux pistes d’élaboration inspirent nombre de ses consultations thérapeutiques parent(s)-enfant au cours desquelles il cherchait principalement à préciser les différents mandats transgénérationnels qui peuvent peser sur l’enfant en entravant sa subjectivation.
62Alors que B. Cramer travaille principalement sur les représentations maternelles dont le remaniement permet selon cet auteur une réorganisation progressive du système interactif, pour Serge Lebovici, une action directe au niveau du bébé est en fait possible qui va alors pouvoir se positionner en « thérapeute » de la mère. On a, à mon sens, avec ce débat, la version moderne de la polémique entre Anna Freud et Melanie Klein puisque l’enjeu de la discussion est au fond de savoir si le bébé est en mesure ou non de transférer sur la personne du thérapeute.
63Quoi qu’il en soit, pour Serge Lebovici, il est suffisamment clair que la transmission transgénérationnelle, loin d’être un phénomène plus ou moins passif fondé sur une sorte d’héritabilité génétique, correspond au contraire à un véritable processus actif, à un authentique travail psychique de la part du bébé, et ceci dans l’optique de Goethe qui, déjà en son temps, disait : « Ce que tu as hérité de tes pères, conquiers-le. »
7 / La triade
64Au fil de l’œuvre de Serge Lebovici, le père prend une place de plus en plus centrale et c’est un thème sur lequel il va beaucoup travailler avec notamment des auteurs comme M. Lamour (Paris) et E. Fivaz (Centre d’étude de la famille à Lausanne). À partir de la dyade, il va peu à peu davantage se centrer sur la triade et dégager ainsi les trois niveaux distincts que constituent la triade, la triadification et la triangulation.
65La question essentielle est évidemment celle, extrêmement délicate et insistante, des liens entre le registre de l’interpersonnel et celui de l’intrapsychique. Passage ô combien fascinant mais complexe ! En tout état de cause, il y a là un terrain d’étude particulièrement fécond de la construction du fantasme et de ce point de vue, hormis la question du désir à l’égard de l’enfant, la position du parent et celles du chercheur ou du clinicien ne sont pas foncièrement hétérogènes puisque inéluctablement centrées par une activité d’interprétation (parentale, modélisante ou thérapeutique).
8 / La naissance des représentations mentales
66C’est surtout là que se posait, me semble-t-il, pour Serge Lebovici, l’éventuelle nécessité de revisiter la métapsychologie à la lumière des acquis de la psychiatrie du nourrisson. Cela lui paraissait nécessaire et utile, même si pour d’autres auteurs les études sur la dyade et sur la triade doivent certes conduire à repenser principalement le point de vue topique mais sans obligation d’abandon de la théorie des pulsions, de la théorie de l’étayage et même de la théorie de l’après-coup.
67Nous avons déjà vu que la théorie psychanalytique peut dans une large mesure être comprise comme une métapsychologie de l’absence et « on sait que Freud ne variera jamais dans l’importance qu’il accorde au négatif pour rendre compte de la transformation des perceptions en représentations » (F. Coblence). De son côté, la théorie de J. Bowlby sur l’attachement donne toute sa prééminence à la présence de l’objet dans l’instauration des patterns d’attachement (établissement des modèles internes opérants). La cloison est-elle cependant irréductiblement étanche entre ces deux approches ? N’a-t-on pas là seulement les deux faces complémentaires d’un même processus, à l’image de la convexité et de la concavité d’une courbe ?
68Telle était probablement la position de Serge Lebovici qui, en outre, prend tout à fait en compte la notion d’écart et de différences qui imprègne fondamentalement la dynamique des scripts interactifs. Il n’en demeure pas moins cependant que, pour lui, la théorie de J. Bowlby amène à des « révisions déchirantes » à propos de la place de l’oralité et du concept d’étayage dans la croissance et la maturation psychiques de l’enfant ainsi que dans son aptitude à forger des représentations mentales.
69À partir de là, Serge Lebovici va donner toute son importance aux théories modernes sur la mémoire et notamment aux travaux d’I. Rosenfield et de G. Edelman auxquels il se référait souvent parce qu’il y voyait un pont possible entre les repères psychanalytiques et les avancées actuelles des neurosciences, une manière de faire toute sa place à l’affect et enfin une vision dynamique de l’inscription psychique permettant de conceptualiser les processus de copensée, de coressenti et de coconstruction.
70En ce qui concerne la construction du Soi, Serge Lebovici se réfère alors au Self de D. W. Winnicott, soit à un sentiment de la continuité d’être préalable à toute instance et relié à la « préoccupation maternelle primaire ». Citons ici F. Coblence : « Si l’interaction est première, on est conduit à postuler, antérieurement au Moi (défini, pour sa part, à partir de l’objet dont il est le corrélat), un Soi (Self pour les Anglo-Saxons) susceptible des premiers investissements, des premiers affects et des premières représentations (celles des soins maternels), établi sur des bases corporelles. Quand le bébé regarde sa mère, il faut bien penser un “sujet” de cette activité : le “Soi” sera ce sujet. Pas d’action sans sujet, même si le sujet ne s’oppose pas à l’objet. »
71Des sensations aux perceptions puis aux représentations mentales, Serge Lebovici s’intéresse alors aux travaux de D. N. Stern sur l’avènement successif des différents sens du Soi (du Soi noyau jusqu’au Soi narratif), sur le concept d’enveloppes protonarratives et sur l’intersubjectivité, travaux qui l’amènent à reformuler en termes métapsychologiques la théorie de l’esprit des cognitivistes (U. Frith). Rappelons que pour D. N. Stern, l’intersubjectivité précède l’accès de l’enfant à une théorie de l’esprit. En tout état de cause, Serge Lebovici défend l’idée que les processus de subjectivation s’enracinent dans l’intersubjectivité et que l’édification du schéma d’être-ensemble (R. Emde) sert de base préalable au sentiment d’être distinct.
72Tout ceci revient à dire, encore une fois, que le processus de subjectivation n’est en rien purement endogène, qu’il est par essence interactif : « C’est l’expérience commune d’un mode partagé qui est à la source de la pensée. »
9 / Empathie et enactment
73Il s’agit de deux concepts très importants pour Serge Lebovici qui y voit sans doute un moyen de donner un rôle central à l’affect dans l’activité clinique et thérapeutique. Deux concepts qui peuvent également éclairer, très probablement, la fonction psychique des parents et celle des théoriciens de la psyché. Citant M. Merleau-Ponty, F. Coblence écrit : « Autrui n’est pas impossible, parce que la chose sensible est ouverte. » C’est par là, c’est-à-dire par le partage émotionnel et affectif, que passent le copenser, le cosentir, le coéprouver et le cocréer évoqués ci-dessus.
74L’empathie fournit en quelque sorte le socle des « moments sacrés » qui permettent la construction du fantasme par l’analyste, fantasme qui donne sens rétroactivement à l’histoire du patient. Il s’agit donc d’une empathie métaphorisante qui correspond sur le terrain émotionnel à ce que l’intuition représente sur le terrain cognitif. Référence est ainsi faite de manière permanente au fantasme inconscient. « L’empathie n’est ni fusion ni transparence. Son intérêt tient précisément en ce qu’elle permet de saisir l’autre dans une expérience qui reste étrangère » (F. Coblence). L’empathie ouvre à une certaine dimension phénoménologique du contre-transfert, ce qui ne va pas, bien sûr, sans susciter de possibles critiques du strict point de vue métapsychologique.
75L’enactment (ou enaction) correspond à l’éprouvé corporel d’un agir sous forme d’un ressenti non agi et, ici, Serge Lebovici faisait fréquemment allusion au processus de la création et notamment dans le domaine musical : « C’est seulement lorsque je vis la sensation que je crée par les sons, c’est seulement lorsque je crée par les sons que je vis la sensation » (G. Mahler). À l’opposé du passage à l’acte, l’enactment est plutôt une sorte de mise en corps, de mise en ressenti de l’acte, ce qui n’est pas sans évoquer les travaux actuels d’un neurophysiologiste comme M. Jeannerod sur la représentation mentale en tant qu’anticipation émotionnelle et cognitive de l’action imaginée.
76Bien entendu, l’empathie et l’enactment ne peuvent se jouer qu’en fonction d’un état de disponibilité particulier du clinicien, lequel n’est adéquat à la problématique du patient qu’en fonction d’une analyse soigneuse du contre-transfert.
10 / Filiation et affiliation
77La dialectique qui existe entre ces deux processus intéressait Serge Lebovici depuis longtemps. Certains en parlent en termes d’appartenance (verticale) et de connexité (horizontale) mais il s’agit toujours du double mouvement qui permet à un individu de se situer dans son (ou ses) groupe(s) et dans l’histoire de son (ou de ses) groupe(s). Ceci renvoie en fait à la double identité individuelle et groupale mentionnée par S. Freud lui-même dès 1914 dans son article « Pour introduire le narcissisme ».
78Pour Serge Lebovici en tout cas, si la question demeure irrésolue de savoir laquelle de la filiation ou de l’affiliation conditionne l’autre, il était néanmoins essentiel de se référer à ces deux dynamiques pour envisager tant l’inscription de l’enfant dans son arbre de vie que celle de l’analyste au sein du groupe de ses pairs.
79Dans les deux situations, c’est le thème de la transmission qui se trouve au cœur de la réflexion et, comme on le sait, la vie, tant somatique que psychique, se définit peut-être précisément par une certaine exigence de transmettre. Par cette réflexion, Serge Lebovici se situe donc fondamentalement en tant que praticien du vivant.
CONCLUSION
80Au terme de ce survol évidemment fort cursif, il m’apparaît important de tirer quelques leçons de l’œuvre de Serge Lebovici. Pour ma part, je dirais volontiers que Serge Lebovici nous enseigne surtout la liberté.
81Le cerveau n’est pas un ordinateur et l’homme n’est pas un robot. Notre marge de liberté est liée à la prise en compte de notre histoire et si la recherche de l’histoire vraie de chaque sujet tient en grande partie de l’utopie et de l’illusion, la démarche psychanalytique – aussi bien avec l’enfant qu’avec l’adulte – nous permettent sans doute de nous construire ou de nous reconstruire une histoire à partir de laquelle nous pouvons espérer retrouver notre cohérence et notre continuité. Pas n’importe quelle histoire, mais une histoire cocréée en compagnie d’un analyste qui soit en phase avec nos émotions grâce au travail qu’il a effectué lui-même sur sa propre histoire.
82Telle est, me semble-t-il, l’éthique de la psychanalyse selon Serge Lebovici, éthique fondée sur le respect de la dignité de tout être humain et notamment des enfants autistes que Serge Lebovici se refuse à considérer comme porteurs d’un simple handicap. En 1997, les conclusions de son rapport de 1979 font encore figure de texte visionnaire.
83Pour tout ceci qui n’était rien moins qu’une authentique leçon de vie, merci infiniment à Serge Lebovici. Merci aussi pour tout ce qu’il nous aura apporté au sein du comité de rédaction de la revue La Psychiatrie de l’enfant dont il était l’un des membres fondateurs.
84Automne 2000
RÉFÉRENCES
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Mots-clés éditeurs : Psychiatrie, Serge Lebovici, Psychanalyse, Enfant
Notes
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[1]
Texte rédigé à partir d’une communication faite dans le cadre de la Journée scientifique organisée par l’ARPPE (Association de recherche en psychiatrie et psychanalyse de l’enfant), à l’initiative de Mme A. Nakov et animée par le Pr Bernard Golse sur le thème : « Rencontre avec le Pr Serge Lebovici », Institut européen d’écologie, Metz, le 28 juin 1997.
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[2]
Pédopsychiatre-Psychanalyste. Chef du service de psychiatrie infantile de l’hôpital Necker-Enfants Malades (Paris). Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université René-Descartes (Paris V).
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[3]
Le 35e prix Maurice Bouvet a été attribué en 1997 à Nora Kurts pour les articles suivants :
— La réalité s’impose de l’intérieur : le processus de changement au cours d’une psychothérapie psychanalytique avec un enfant psychotique, Revue française de psychanalyse, 1996, LX, 4, 1105-1120.
— L’enfant qui ne savait pas jouer, Psychiatrie de l’enfant, 1993, XXXVI, 2, 537.554.