Couverture de LPM_014

Article de revue

Sonallah Ibrahim

Un Egyptien en Californie

Pages 136 à 141

Notes

  • [1]
    L’essai d’Edmond Demolins, A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons (1897 ; disponible depuis 1998 aux éditions Economica), dont l’Egyptien Ahmed Fathi Zaghloul donna une version arabe, eut un certain retentissement dans l’Orient turc et arabe dans les années 1900-1920. Abdel-Rahman El-Râfi’i (1889-1967), avocat et homme politique, fut aussi historien des révolutions nationales égyptiennes, de celle d’Ahmed Orabi (1881-1882) à celle des Officiers libres (1952). La chronique historique du cheikh Abdel-Rahman El-Djabarti (1753-1825) est célèbre pour la relation qu’elle donne de la campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte (1798-1801) : Journal d’un notable du Caire durant l’expédition française, 1798-1801, traduit et annoté par Joseph Cuoq, a été publié par Albin Michel, 1979. (NDT.)
  • [2]
    Revue hebdomadaire de la taille d’un livre, lancée dans les années 1920 par le célèbre journaliste et traducteur Omar Abdel-Aziz Amin. Assisté d’un groupe de traducteurs de grand talent – Chafik Assaad Farid, Sadek Rachid, Mohammed Badreddine Khalil, Mahmoud Massoud –, il choisissait les œuvres les plus célèbres de la littérature mondiale – romans historiques, policiers, sociaux – et les traduisait dans un arabe moderne et accessible. Les anciens numéros restèrent longtemps en circulation, à des prix croissant d’une année sur l’autre. (NDA.)
  • [3]
    Né en Italie d’une mère anglaise et d’un père italien, Rafael Sabatini (1875-1950) fut élevé successivement en Angleterre, au Portugal et en Suisse. Il maîtrisait cinq langues, outre l’anglais, dans lequel il choisit d’écrire ses nombreux romans historiques et sentimentaux (il en publia près d’un par an dans les années 1900-1930). Il est aussi l’auteur de monographies historiques, notamment une biographie de César Borgia et un livre sur Torquemada et l’Inquisition. Sa femme fit graver sur sa tombe cette épitaphe tirée d’un de ses livres : « Il était né avec le don du rire et avec le sentiment que le monde est fou. » (NDA.)
  • [4]
    Maître du roman historique arabe (1861-1914), il naquit à Beyrouth et s’installa au Caire en 1883. L’année suivante, il fut nommé traducteur pour les services d’espionnage britanniques et accompagna la campagne britannique chargée de réprimer la révolte du Mahdi au Soudan. De retour à Beyrouth, il intégra le Collège scientifique oriental et apprit l’hébreu et le syriaque. Puis il revint, définitivement cette fois, au Caire, journaliste et enseignant. Il est l’auteur d’une Histoire de la civilisation islamique et d’une Histoire de la littérature arabe, ainsi que d’une série de romans historiques allant de la période des premiers califes à la fin de l’Empire ottoman. Il fonda en 1892 la revue Al-Hilal, qui devint dans les décennies suivantes un puissant groupe de presse, nationalisé par Nasser en 1961. (NDA.)
    Saladin et les Assassins est disponible depuis 2003 aux éditions Paris-Méditerranée, traduit de l’arabe par Jean-Marie Lesage. (NDT.)
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© D R.
Sonallah Ibrahim, un des romanciers arabes majeurs d’aujourd’hui, est aussi l’un des mieux traduits en France, où six de ses romans ont été publiés, d’Etoile d’août (traduit par Jean-François Fourcade, Sindbad, 1987) à Warda (traduit par Richard Jacquemond, Actes Sud, 2002).
Amrikanli, son dernier roman, publié au Caire en 2003, est le récit du séjour d’un universitaire égyptien, professeur d’Histoire, dans une université californienne où il est invité comme visiting professor durant un semestre, celui de l’automne 1998. Basé sur l’expérience de l’auteur (Sonallah Ibrahim fut à la même époque visiting professor à l’université de Californie), ce roman renoue ainsi avec un thème cher aux écrivains arabes modernes – celui du rapport à l’Occident, traité à partir du récit d’un séjour dans une de ses métropoles –, tout en renouvelant le genre, tant par ses techniques narratives que par la représentation très sombre et désabusée qu’il donne de l’Amérique contemporaine.
Mais Amrikanli a une autre ambition : comme dans plusieurs de ses romans antérieurs, Sonallah Ibrahim a recours à un alter ego romanesque – un narrateur/protagoniste qui est comme lui un travailleur intellectuel plus ou moins marginalisé dans son pays – pour exprimer sa quête de la vérité, son besoin obsessionnel de comprendre et d’expliquer la société où il vit et le monde en général. En faisant, dans ce roman, un professeur d’Histoire de cet alter ego, il peut donner libre cours à cette passion, tout en y articulant une description sans complaisance des conditions actuelles de la production du savoir, dans le monde arabe mais aussi en Occident.
En attendant la publication de la traduction française d’Amrikanli (Actes Sud, automne 2005), en voici quelques bonnes feuilles : le chapitre IV du roman, où notre héros et professeur, récemment débarqué à San Francisco, donne le premier cours du séminaire qu’il a décidé de consacrer à une présentation, par lui-même, de sa trajectoire d’historien égyptien.

1J’ai ouvert ma première leçon par un paradoxe amusant : une de mes premières occupations dans la vie consista à détruire les livres d’Histoire. Car, avant d’apprendre à lire et à écrire, je m’amusais à déchirer tous les imprimés qui me tombaient sous la main et à les noircir de gribouillages au crayon noir. Je découvris par la suite qu’il s’agissait pour la plupart de livres d’Histoire : Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne, une biographie du général Smuts, un livre sur l’exploration des sources du Nil, le livre de Fathi Zaghloul sur la supériorité des Anglais, quelques volumes de l’Histoire du mouvement national d’Abdel-Rahman El-Râfi’i, les Chroniques de Djabarti [1], les ouvrages richement illustrés du prince Omar Toussoun sur l’Histoire de l’armée égyptienne.

2Je ne me souviens pas du moment où j’ai essayé de lire ces livres, et peut-être ne l’ai-je jamais fait. En revanche, je me rappelle très bien le soir où mon père rentra à la maison chargé d’un épais paquet : un lot de la série Romans de poche[2], qu’il m’encouragea à lire. Je découvris ainsi Les Misérables, Selma, Le Juif errant, Les Trois Mousquetaires, Pardaillan, puis Scaramouche, Captain Blood, Catherine de Médicis, Madame Sans-Gêne.

3Un peu plus tard, un parent à nous, mobilisé dans la guerre de Palestine, se mit à nous apporter un peu des produits d’agrément que l’armée distribuait à ses hommes : chocolat, lait en boîte, fromage Kraft, cigarettes américaines, une collection de livres offerts par des éditeurs à titre de contribution à l’effort de guerre – des recueils de poèmes à une Vie de Jésus –, outre les publications de l’armée elle-même. Je me souviens encore de la couverture et des illustrations d’un ouvrage sur les batailles livrées par l’armée égyptienne depuis le règne de Méhémet Ali. Je rangeai ces livres sur une saillie du mur, près de mon lit : j’avais désormais ma bibliothèque particulière.

4Mais le clou de cette bibliothèque, c’était les romans de Rafael Sabatini [3]. Leur lecture était pour moi une source inépuisable de bonheur – et aussi, peut-être, un moyen d’échapper aux séismes qui secouèrent mon enfance. Mon cœur bat encore quand je vois son nom ou celui d’un de ses romans que j’ai lus et relus, et que je ne me lasse pas de chercher, de collectionner et de relire – maintenant dans leur langue originale. Sabatini était féru des grands personnages historiques – rois, princes et pirates –, des intrigues de palais et des soubresauts révolutionnaires. Il écrivit sur des sujets très variés : les luttes entre les duchés et principautés italiennes à l’époque des Borgia, le grand incendie de Londres et la peste de 1384, les guerres de Religion, l’ascension de Frédéric de Prusse, la chute de Louis XVI, les désastreuses campagnes de Napoléon en Espagne et au Portugal, etc. Il s’en tenait presque toujours à la même stratégie. L’intrigue principale met en scène un héros victime d’un concours de circonstances adverses (fils naturel d’un noble, héritier d’une famille ruinée par un changement de régime ou innocent accusé dans une révolution). Courageux et rusé, un peu amer aussi, maniant habilement l’épée, il s’éprend d’une belle et chaste jeune fille, de noble extraction elle aussi, qui lui rend son amour, mais un malentendu se produit du fait du complot d’un noble malveillant, ou d’un inexplicable coup du sort. Souvent, le héros comprend ce complot ou ce coup du sort, mais, par orgueil, il se refuse à l’expliquer à sa bien-aimée, et c’est la rupture. Elle finit par découvrir la vérité, après une confrontation qui prend la forme d’un duel fatal au méchant ; elle se jette alors dans les bras de son chéri et implore son pardon.

5Beaucoup d’autres écrivains se sont, à l’instar de Sabatini, consacrés au roman historique et sentimental, comme Alexandre Dumas, le père des Trois Mousquetaires, ou la baronne Orczy, inventeur du personnage du Mouron rouge, un noble anglais qui, sous son oisiveté et son flegme apparents, se consacre à sauver ses pairs français des guillotines dressées par la « populace » – ainsi qualifie-t-elle les révolutionnaires français dans la plupart de ses romans. Mais Sabatini reste, pour moi au moins, leur maître incontesté ; à lui revient le mérite d’avoir vaincu les longues heures d’ennui d’une enfance sans joie.

6Naturellement, il y eut aussi la bibliothèque du lycée, où je découvris les romans sur l’Histoire islamique de Jurji Zaydan [4] : La Belle de Ferghana, puis Saladin et les Assassins. Ces romans me poussèrent vers les livres d’Histoire. Je me souviens ainsi d’un livre sur la naissance des Etats-Unis, où je lus le récit du Mayflower débarquant les puritains persécutés, les criminels et les forçats chassés d’Angleterre qui allaient coloniser la côte américaine.

7Les auteurs de ces romans – ou leurs traducteurs – ne prenaient pas la peine de mentionner les dates où se déroulaient les événements. Et j’étais à un âge où l’on confond le réel et l’imaginaire, incapable de faire la part du romanesque et de l’historique. Aujourd’hui, après avoir consacré ma vie aux études historiques, je ne suis pas certain d’avoir beaucoup avancé. Toujours est-il que, sans le savoir, je réalisai ma première recherche historique : aidé d’un gros dictionnaire Larousse et de mon père, qui avait quelques connaissances en français, je dressai une liste des dates précises des événements historiques de la Révolution française comparés à ceux mentionnés dans les romans de Sabatini et d’autres écrivains. Mais ces romans avaient soulevé dans ma petite tête une autre question plus importante : ce qu’on appelle en Histoire la question de la méthode.

8A ce point de mon exposé, je m’arrêtai pour ouvrir la discussion. Elle tourna pour l’essentiel autour de mon enfance et des lectures d’enfance de mes étudiants. Aucun n’avait entendu parler de Rafael Sabatini ou de Jurji Zaydan : toutes leurs lectures appartenaient à l’ère de l’image. Pourtant, j’eus le sentiment, bien connu de tout enseignant et qui représente sa principale récompense, d’avoir réussi à leur transmettre quelque chose. Ce sentiment m’accompagna sur le chemin vers mon bureau après le cours, et peut-être est-ce sous l’effet de sa griserie que je ne me posai pas davantage de question quand, en passant par la salle du courrier, je trouvai une tulipe rouge dans mon casier.

9En sortant, je me heurtai à Mrs. Shadwick. Elle avait tiré en arrière ses cheveux gris et les avait noués derrière sa tête. Elle regarda la tulipe sans paraître étonnée ; je la lui offris.

10Elle rougit légèrement et me remercia, puis :

11« Vous avez un problème, m’annonça-t-elle.

12– Un seul ?

13– Pour l’instant au moins ! Une autre professeur invitée va partager votre bureau.

14– Et c’est un problème ?

15– On verra. »

16Je l’ai laissée là et suis allé voir Jenny. Elle était derrière son bureau ; un petit vase était posé dessus, contenant deux tulipes. Il y avait la place pour une troisième. J’ai caressé l’espoir que ce soit elle qui me l’ait laissée.

17« Vous avez de jolies fleurs.

18– C’est Fitz qui les a apportées.

19– Fitz qui ?

20– Votre ami. L’homme de confiance du propriétaire.

21– Il est aussi professeur ?

22– Fitz ? Vous n’y pensez pas ! C’est un agent administratif de l’Institut – et un jardinier amateur. »

23Je lui ai donné la disquette où j’avais copié les documents dont j’avais besoin pour mes cours et lui ai demandé de l’imprimer. Elle l’a aussitôt glissée dans son ordinateur, mais il a refusé d’ouvrir mes documents. C’était pourtant un Apple, comme le mien, mais doté d’un autre programme de traitement de texte arabe, et elle n’avait pas celui que j’utilise.

24« Je vous en apporterai une copie demain.

25– Inutile, dit-elle en secouant la tête. On a déjà essayé, et mon système ne l’accepte pas.

26– Eh bien, donnez-moi une copie de votre programme arabe. »

27Elle a ri de bon cœur.

28« Votre système l’acceptera, mais vous ne pourrez pas transférer votre texte dessus.

29– Alors, que faire ?

30– Je l’ignore. »

31Et elle s’est replongée dans un dossier ouvert sur son bureau.

32Je suis allé soumettre mon problème à Maher. Il occupait un grand bureau aux murs tapissés de rayons remplis de livres. Au centre trônait une grande table rectangulaire entourée d’une dizaine de chaises et, clairement séparé de cet espace central, il y avait d’un côté un ordinateur avec son imprimante et son scanner et, de l’autre, un gros bureau métallique encombré de papiers et de volumes, outre un téléphone et une télécopieuse. Maher était assis derrière, la tête dissimulée par la dernière édition de l’Observer. Je suis allé m’asseoir devant lui ; écartant son journal, il m’a regardé par-dessus ses lunettes de lecture à la monture doublée d’une chaîne d’or.

33« Ecoute ce que disent les Anglais : les services secrets américains avaient informé Clinton que l’usine qu’il a fait bombarder au Soudan produisait des médicaments et non des gaz innervants, comme il le prétend. »

34Il tenait en main un long cigare dont j’attendais avec une certaine impatience qu’il l’allume, transgressant par là l’interdit imposé dans le bâtiment, mais il a déçu mon espoir. « Le gouvernement britannique est bien embarrassé, a-t-il continué tout en tapotant le journal du bout de son cigare. Blair s’est empressé d’apporter son soutien à Clinton, alors que deux de ses ministres qui avaient visité cette usine en compagnie d’un expert en médicaments ont confirmé qu’elle était inoffensive. »

35Puis, reposant son cigare et ôtant ses lunettes d’un geste de dépit :

36« Rien de tout cela dans la presse américaine, bien sûr. »

37Je lui ai exposé mon problème de disquette. Il a appelé sa secrétaire par l’interphone. Une jeune femme un peu forte, aux traits hispaniques, s’est présentée aussitôt pour déclarer, tout en écartant des miettes du coin de sa bouche, que mon problème était insoluble.

38« Qui rompt avec son passé se perd, dit-il sentencieusement. Tu n’as qu’à revenir au papier et au stylo. »

39Puis, prenant un dossier sur son bureau :

40« J’organise une grosse conférence internationale à la fin de l’année et je voudrais que tu y participes.

41– Quel en est le sujet ? »

42Il a remonté ses lunettes devant ses yeux et lu sur la couverture du dossier :

43« Le paysage culturel arabe à la veille du vingt et unième siècle.

44– Y a-t-il une différence entre le début du vingtième siècle et sa fin ? »

45Il s’est penché sur son bureau et a de nouveau ôté ses lunettes, cette fois pour les faire tambouriner contre le bureau.

46« Eh bien, fais une intervention là-dessus.

47– Les conférences sont devenues barbantes. Et la préparation des cours absorbe tout mon temps.

48– Ce n’est pas une conférence comme les autres. Le prince Jassim s’y intéresse personnellement.

49– Justement, je voulais en savoir plus sur lui.

50– Il n’y a rien d’extraordinaire. Il appartient à la famille régnante, et il est très riche. Sais-tu qu’à vingt-cinq ans, il s’est fait construire à Riyad un palais d’une valeur de trois cents millions de dollars et qu’il a touché ensuite une commission d’un milliard de dollars sur le contrat de téléphone entre le royaume et ATT ? »

51J’ai lâché un sifflement incrédule.

52« Et quel rapport a-t-il avec la culture ? »

53Il s’est frotté le nez.

54« C’est un homme très cultivé. Et ouvert, qui accepte le pluralisme et la liberté d’expression. C’est lui qui a fondé ce centre : il y a mis vingt millions de dollars, dont les revenus payent, entre autres, ton salaire. Et c’est encore lui qui te paiera si tu veux rester parmi nous pour un autre semestre. »

55Devant un argument aussi massif, je ne trouvais rien à dire. J’ai laissé mes yeux errer vers la fenêtre et le paysage urbain qui se révélait au-delà : les gratte-ciel du centre-ville et la pyramide pointue qui surmonte l’un d’eux.

56« Les communications sont peu nombreuses, dit-il en me remettant un dossier. Nous les avons confiées à quelques intellectuels, et j’aimerais d’abord avoir ton opinion sur elles. »

57J’ai pris le dossier et l’ai feuilleté. Je me suis arrêté sur une des communications :

58« C’est un papier sur la poésie. Je n’y connais rien en littérature.

59– Eh bien, lis-le, tu te cultiveras ! Ecoute, nous allons inviter une centaine des meilleurs intellectuels arabes, chacun aura la possibilité de s’exprimer sans la moindre censure, et nous déciderons d’une stratégie culturelle claire pour le prochain siècle. Jette un œil sur ces noms. »

60Il y avait là une foule de noms connus, dont la majorité résidaient aux Etats-Unis.

61« Il manque beaucoup de monde », dis-je.

62Il s’est levé et s’est dirigé vers la fenêtre.

63« On ne peut pas inviter tout le monde. Et plusieurs se sont excusés, parce qu’ils ne sont pas disponibles. »

64J’ai pris le dossier et je suis allé le poser dans mon bureau avant d’aller à la cuisine. Il y avait du café chaud ; je m’en suis servi une tasse, j’ai inscrit mon nom et « un café » sur la feuille accrochée au mur, puis je suis retourné à mon bureau parcourir le dossier. J’ai commencé par lire de près le texte d’introduction, rédigée par Maher et Nader El-Bardissi, un intellectuel palestinien connu. C’était un texte de deux pages, très dense : un diagnostic de l’état présent du monde arabe, menacé de perdre son identité. D’après eux, les peuples arabes sont victimes d’un double siège : d’une part, un grave recul de la création, de l’autre, une dépendance croissante. Or il ne saurait y avoir de souveraineté et d’indépendance véritables sans aptitude à produire ce qui les protège : la connaissance scientifique et la production artistique et culturelle, outre la maîtrise des conditions naturelles et sociales. « Rien à dire jusque-là », ai-je murmuré. J’ai refermé le dossier et je l’ai rangé dans ma serviette.

Notes

  • [1]
    L’essai d’Edmond Demolins, A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons (1897 ; disponible depuis 1998 aux éditions Economica), dont l’Egyptien Ahmed Fathi Zaghloul donna une version arabe, eut un certain retentissement dans l’Orient turc et arabe dans les années 1900-1920. Abdel-Rahman El-Râfi’i (1889-1967), avocat et homme politique, fut aussi historien des révolutions nationales égyptiennes, de celle d’Ahmed Orabi (1881-1882) à celle des Officiers libres (1952). La chronique historique du cheikh Abdel-Rahman El-Djabarti (1753-1825) est célèbre pour la relation qu’elle donne de la campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte (1798-1801) : Journal d’un notable du Caire durant l’expédition française, 1798-1801, traduit et annoté par Joseph Cuoq, a été publié par Albin Michel, 1979. (NDT.)
  • [2]
    Revue hebdomadaire de la taille d’un livre, lancée dans les années 1920 par le célèbre journaliste et traducteur Omar Abdel-Aziz Amin. Assisté d’un groupe de traducteurs de grand talent – Chafik Assaad Farid, Sadek Rachid, Mohammed Badreddine Khalil, Mahmoud Massoud –, il choisissait les œuvres les plus célèbres de la littérature mondiale – romans historiques, policiers, sociaux – et les traduisait dans un arabe moderne et accessible. Les anciens numéros restèrent longtemps en circulation, à des prix croissant d’une année sur l’autre. (NDA.)
  • [3]
    Né en Italie d’une mère anglaise et d’un père italien, Rafael Sabatini (1875-1950) fut élevé successivement en Angleterre, au Portugal et en Suisse. Il maîtrisait cinq langues, outre l’anglais, dans lequel il choisit d’écrire ses nombreux romans historiques et sentimentaux (il en publia près d’un par an dans les années 1900-1930). Il est aussi l’auteur de monographies historiques, notamment une biographie de César Borgia et un livre sur Torquemada et l’Inquisition. Sa femme fit graver sur sa tombe cette épitaphe tirée d’un de ses livres : « Il était né avec le don du rire et avec le sentiment que le monde est fou. » (NDA.)
  • [4]
    Maître du roman historique arabe (1861-1914), il naquit à Beyrouth et s’installa au Caire en 1883. L’année suivante, il fut nommé traducteur pour les services d’espionnage britanniques et accompagna la campagne britannique chargée de réprimer la révolte du Mahdi au Soudan. De retour à Beyrouth, il intégra le Collège scientifique oriental et apprit l’hébreu et le syriaque. Puis il revint, définitivement cette fois, au Caire, journaliste et enseignant. Il est l’auteur d’une Histoire de la civilisation islamique et d’une Histoire de la littérature arabe, ainsi que d’une série de romans historiques allant de la période des premiers califes à la fin de l’Empire ottoman. Il fonda en 1892 la revue Al-Hilal, qui devint dans les décennies suivantes un puissant groupe de presse, nationalisé par Nasser en 1961. (NDA.)
    Saladin et les Assassins est disponible depuis 2003 aux éditions Paris-Méditerranée, traduit de l’arabe par Jean-Marie Lesage. (NDT.)
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