Notes
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[1]
Éditions Delga, 2017.
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[2]
Le projet anthroponomique est explicitement évoqué dans la postface de 1976 de l’ouvrage Sur la mise en mouvement du « Capital » ; mais avec une référence au matérialisme dialectique qui tranche avec la problématique de 2017.
-
[3]
Lucien Sève, « De nouveau : structuralisme ou dialectique ? » La Pensée, n° 237, janvier-février 1984, p. 55-73.
-
[4]
Paul Boccara, « Marx et marxisme, économie et anthroponomie : quelques enjeux », La Pensée, n° 232, mars-avril 1983, p. 62-69.
-
[5]
Marx, Manuscrits de 1857-1858 (« Grundrisse »), Éditions Sociales, 1980, tome, 2, p. 192-194.
-
[6]
Marx, Le Capital, livre III, chapitre 10, Éditions Sociales, 1976, p. 269.
-
[7]
Maurice Godelier, Au fondement des sociétés humaines, Albin Michel, 2007.
-
[8]
Paul Boccara a hésité dans sa sélection entre les quatre moments : information, travail, politique, parental et les quatre moments : parental, politique, psychique, culturel.
-
[9]
Paul Boccara, « Marx et marxisme, économie et anthroponomie : quelques enjeux », la Pensée, n° 232, mars-avril 1983, p. 68.
-
[10]
Paul Boccara, Neuf leçons…, op. cit., p. 74.
-
[11]
C’est l’objet du livre IV du Capital, Théories sur la plus-value, manuscrit inachevé terminé par Engels (Éditions sociales, 3 tomes, 1974-1976). Paul Boccara eut l’ambition de poursuivre ce travail en publiant Théories sur les crises, la suraccumulation et la dévalorisation du capital, deux volumes, éditions Delga, 1er volume 2013, 2e volume 2015.
-
[12]
Paul Boccara, Issues, n° 16, 2e et 3e trimestres 1983. Voir aussi Jean Lojkine, La Révolution informationnelle, PUF, 1992. Le lecteur soucieux de comparer les deux approches pourra consulter dans le même n° 353, janvier-mars 2008 de la Pensée, l’article de Paul Boccara, « Les ambivalences de la révolution informationnelle » et celui de Jean Lojkine « Contribution à une sociologie de l’agir informationnel ».
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[13]
La création de la RCP (Recherche coopérative sur programme) du CNRS (1983-1991) a permis une belle expérimentation d’un travail de recherche pluridisciplinaire, là où le blocage disciplinaire est le plus marqué.
Les cahiers sont malheureusement épuisés. -
[14]
Georges Canguilhem, article : « Régulation », Encyclopedia Universalis, vol. 14, p. 1-3 : « La régulation c’est l’ajustement, conformément à quelque règle ou norme, d’une pluralité de mouvements ou d’actes et de leurs effets ou produits […] d’abord étrangers les uns aux autres […] ».
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[15]
Jean Piaget, Le Structuralisme, PUF, « Quadrige », 7e édition, 2006, p. 124-125.
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[16]
Théorie générale des systèmes, Dunod, 1973, p. 201.
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[17]
Marx, Le Capital, livre I, chapitre premier, Éditions sociales p. 90-91 : « Les rapports sociaux des hommes dans leurs travaux… restent ici simples et transparents. »
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[18]
Ilya Prigogine, Isabelle Stengers, La Nouvelle alliance, Gallimard, 1978.
1Ceci n’est pas un compte rendu de l’ouvrage de Paul Boccara, Neuf leçons sur l’anthroponomie systémique [1], mais une analyse d’un processus de recherche évolutif qu’il a développé depuis les années 1960 [2], mais avec des évolutions fondamentales, jusque dans l’ouvrage final, qu’il présente lui-même comme un travail en chantier. Il nous faut tout d’abord rappeler au lecteur comment se place l’œuvre de ce grand chercheur marxiste dans les débats et les crises qui marquent les sciences humaines depuis les années 1950. L’anthroponomie est un projet tourné vers l’avenir, mais on ne peut le comprendre sans rappeler auparavant la place peu ordinaire que tiennent les travaux économiques de Paul Boccara dans le monde académique, mais aussi dans la conurbation marxiste. Il faut noter d’emblée que le projet anthroponomique n’est pas une « invention » de 2017, mais bien une préoccupation, une véritable obsession de ce chercheur depuis le début des années 1960. Parallèlement à son travail de terrain qui devait aboutir à la théorie économique de la suraccumulation-dévalorisation du capital, Paul Boccara n’a eu de cesse de rappeler que le repérage des conditions de possibilité d’une issue positive à la crise structurelle mondiale ne peut se réduire à l’analyse des conditions économiques, quelles qu’elles soient.
2Il est pour lui nécessaire, dès les années 1960, d’aborder toutes les nouvelles disciplines non économiques surgies en partie sous l’effet des bouleversements sociétaux, civilisationnels, qui déstabilisent complètement les anciens découpages académiques. Sociologie, histoire, psychologie, linguistique, anthropologie, psychanalyse sont autant de lieux, d’enjeux de batailles acharnées contre les visées conservatrices des théories dominantes.
3Il s’agit notamment du recours systématique à une approche « structuraliste » qui ignore la dynamique transformatrice, au cœur de sa conception de la notion de système. Il peut paraître paradoxal pour le lecteur de voir Paul Boccara taxer le structuralisme de conservatisme, alors même qu’il apparaît comme le grand rénovateur des sciences humaines (Claude Lévi-Strauss, Maurice Godelier, Jacques Lacan, Louis Althusser, Jean Piaget, Noam Chomsky).
4En réalité, comme le constate Lucien Sève, le renouveau des références au marxisme dans les sciences humaines, comme dans les sciences du vivant, renvoie massivement au structuralisme et non à la dialectique de la nature : la structure est identifiée à « l’abstraction… lorsqu’il y a des éléments relativement stables qui ne changent pas beaucoup »… donc à une logique classique de la permanence et du changement [3].
5 Paul Boccara constate de son côté « une influence dominante du structuralisme dans les sciences humaines dans les années 1950 et 1960 », y compris dans la référence structuraliste au concept de forces productives identifié à une causalité linéaire, pyramidale, à l’opposé de la conception systémique et dialectique de l’anthroponomie [4].
6Pour Paul Boccara, le centre de la problématique anthroponomique est axé sur la distinction radicale entre le concept même de structure, tel qu’il est employé par le courant structuraliste, et le concept de système ouvert qui est issu d’une critique de la notion même de « forces productives » et de « rapports de production », empruntée par Marx à un économiste néoricardien.
Forces productives matérielles et humaines : sens et contresens
7On a beaucoup glosé sur le sens qu’il faut donner précisément à la notion de « forces productives humaines » dans leurs relations avec les forces productives matérielles. Certains marxistes ont voulu tirer des mutations actuelles du mode de production capitaliste l’idée que l’intellectualisation du travail, son informatisation conduiraient à faire de l’intelligence humaine et de la science « la principale force productive ». Paul Boccara refusera toujours d’abonder dans ce sens, comme le font les partisans du capitalisme cognitif (André Gorz, Antonio Negri), en s’appuyant sur une lecture, erronée, des Grundrisse (le chapitre sur les machines [5]). Pour Paul Boccara, identifier les moyens de production, les techniques de production avec les seules forces productives humaines, sans prendre en compte les forces productives matérielles, sociales et naturelles (les machines, les contraintes de la nature), ce serait confondre le progrès technique et social avec une humanisation totale des forces productives, voire une humanisation totale de la nature matérielle, au risque de tomber dans une dérive idéologique qui privilégierait l’action humaine volontariste, sans tenir compte des contraintes objectives (économiques, techniques, environnementales) qui limitent sa marge de manœuvre. Ce serait une confusion complète entre nature et culture.
8Mais, inversement, insister seulement sur le caractère inéluctable des « lois matérialistes » qui agissent sur les crises économiques « aveugles » risquerait de tomber dans le fatalisme technique, sans faire la part entre la mécanique d’un système et ce qu’elle ouvre comme possibilités à l’action des agents sociaux, qu’ils soient simples exécutants ou cadres dirigeants.
9Paul Boccara ne confond pas la part du matériel et la part du social, mais les confronte dans son analyse du réel : la part matérielle de la nature humaine doit toujours être prise en compte si l’on veut essayer de comprendre la part de l’animal et de l’humain chez les anthropoïdes, la part de « l’a-social » en l’homme « civilisé ».
10Comment un tueur en série est-il, les trois quarts du temps, un homme parfaitement socialisé, intégré, père de famille connu comme « sans histoire » par ses voisins ? Pourquoi des communautés ethniques, religieuses, qui vivaient en paix, en interaction, qui pratiquaient sans problème les mariages croisés, se transforment, d’un jour à l’autre, en bêtes furieuses, qui tuent l’AUTRE sans aucune humanité ? Renvoyer simplement à une crise économique, à une guerre de religions, une guerre communautariste est peu satisfaisant, mais le marxisme, comme explication « rationnelle », paraît complètement démuni.
11Ce que le psychanalyste appelle des « pulsions », le sociologue ou le psychologue, un « événement », aussi imprévisible qu’un ouragan, ou un tsunami, ne relève-t-il pas pour autant d’une étude fine de la biographie du meurtrier, des difficultés de son insertion familiale et sociale ? Plus globalement, ce qui fait le monstre, l’inhumain, ne doit pas nous faire oublier ce que dit Freud sur les enfants comme « pervers polymorphes ». Tout l’humain pourrait-il alors s’expliquer, même sa part d’ombre, d’inhumain ?
12Le projet anthroponomique s’appuie sur la définition par Marx d’une dualité de la règle économique, à la fois aveugle et potentiellement consciente : « l’interdépendance de l’ensemble de la production s’impose aux agents de la production comme une loi aveugle, au lieu d’être une loi que la raison associée des producteurs aurait comprise et partant dominée. » [6]
13Marx souligne bien ici les conditions objectives et subjectives d’une prise de conscience des producteurs : il ne s’agit pas de la seule prise de conscience « individuelle », mais d’une prise de conscience « collective » des producteurs « associés », à l’instar des coopératives et des différentes organisations de la classe ouvrière qui ont construit des identités de classe (syndicats, partis et autres associations). Les disciplines concernées sont loin d’aller dans le sens d’un « compromis » entre holisme et individualisme. Pour Jacques Lacan, il n’y aurait pas de place pour les sciences humaines dans l’inconscient. Pour l’anthropologue Maurice Godelier, « la sexualité humaine serait fondamentalement a-sociale » ; mais en même temps, elle serait « le lieu privilégié du corps où se soudent la logique des individus et celle de la société » [7]. Faut-il alors se contenter d’une simple juxtaposition de ces deux mondes, ce qui ferait de l’inconscient un lieu sans histoire et sans appartenance de classe, sub specie aeternitatis ? On retomberait alors dans les impasses du dualisme anthropologique.
14C’est pourquoi, pour ma part, j’accorde une grande importance à la prise en compte sociologique du moment « rapports de classe », dans le système anthroponomique. Plus globalement, la dimension sociologique devrait donner toute sa place dans un projet anthroponomique à la critique de la notion d’individu (l’individu isolé sans appartenance sociale), par opposition aux individus concrets totaux inscrits dans des dimensions territoriales et temporelles spécifiques.
15Je rappelle que Paul Boccara a hésité sur la place à donner à chaque composante du système anthroponomique. Or, se contenter de sélectionner parmi les différents moments-clés possibles [8] du système anthroponomique uniquement « l’information (objectivée) », la politique, le moment parental et l’ensemble « psychisme », comme l’avait envisagé d’abord Paul Boccara [9], n’est-ce pas implicitement privilégier une lecture individualiste et psychologiste de l’action humaine, aux dépens des rapports des classes et des dimensions collectives des actions humaines ?
16Comment en effet dépasser dans l’approche anthropologique les cercles vicieux de la pensée dualiste, enfermée dans la confrontation sans fin entre logique de la raison et logique des « sentiments », logique des affects ? Comment mettre à jour les racines sociales des fondamentalismes et des intégrismes religieux, sans mettre en valeur les inégalités de classe qui sont occultées par l’idéologie dominante ? Autant de questions qui relèvent d’une analyse fouillée des variations des rapports de classes selon les différents « types historiques de transformation des identifications » [10].
17L’analyse précise des conditions économiques, environnementales, sociétales d’un événement historique permet de cerner les contraintes extérieures, les contradictions qui limitent la marge de manœuvre des stratégies et des tactiques politiques des acteurs, y compris quand la possibilité de mener une autre politique économique et sociale au niveau européen reste invisible.
18Reste à expliquer scientifiquement comment une régulation anthroponomique en grande partie « aveugle » est compatible avec l’action consciente des acteurs, même s’il s’agit de simples agents d’exécution, quel que soit le degré de réflexion que suppose l’intervention d’un simple ouvrier dans la gestion économique d’une entreprise.
19Face au blocage des relations entre l’économie et les études centrées sur le travail, mais coupées de l’économie, ce que Paul Boccara appellera le « travaillisme », il s’agit de trouver une méthode qui vienne à bout du « tabou de la gestion », notamment chez les militants d’entreprise qui n’arrivent pas à faire le lien entre leur vécu de la crise (la souffrance au travail, les conditions de travail) et les propositions économiques alternatives de nouveaux critères de gestion, fondés sur une économie privilégiée du capital et non du travail.
20Ici apparaît le rôle spécifique du projet anthroponomique : transformer la référence à un idéal mythique (l’autogestion) et abstrait en une série d’expérimentations, théoriques et pratiques, d’apprentissages, aux différents niveaux et dimensions du territoire (entreprise, bassin d’emplois, région, État central, coopération internationale). Mais peut-on dire alors que l’anthroponomie est un ensemble de pratiques ? Non, car il y a aussi une définition positive de l’anthroponomie comme système global qui postule l’UNITÉ de l’ensemble apparemment hétérogène des sciences de l’humain, depuis la sociologie, positiviste, jusqu’à la psychanalyse, qui exclut radicalement la subjectivité humaine des rapports de classe et de l’histoire sociale.
Qu’est-ce alors que l’anthroponomie ?
21C’est « d’abord » tout ce qui n’est pas l’économie, c’est en tout cas le contraire de l’économisme. L’anthroponomie n’est ni l’économisme, ni le structuralisme, autrement dit une conception hiérarchique des liens entre une base matérielle « déterminante en dernière instance » et les phénomènes sociétaux (idéologiques, parentaux, politiques, psychiques, culturels) qualifiés de « superstructurels ».
22Pour Paul Boccara, il y a d’une part l’économie, « science de la production et de la reproduction des produits matériels », et d’autre part, en toute autonomie, le domaine non économique, science de la production/reproduction des humains. Néanmoins, ce ne sont pas deux domaines clos en relation de subordination, c’est une totalité systémique qui met en relation les imbrications de l’économique, du sociétal et de la technologie, les forces productives, matérielles et humaines, domaine quasiment exclu des théories structuralistes. C’est déjà ce que Marx et Engels appelaient la « causalité circulaire », comme par exemple la relation conditionné/conditionnant. Le « système », à la différence de la structure, serait avant tout « une opération de transformation » produite par l’action et la réaction des éléments d’une structure. Mais la transformation ne se limite pas à la cohésion, la cohérence d’un ensemble, voire d’une « reproduction » statique ; elle concerne au contraire une totalité dynamique, en mouvement, où l’équilibre apparent cache des crises du système, des « excès », des « corrections » de crises.
23Paul Boccara rejette la notion de « reproduction anthroponomique » au profit de la notion de génération et de ré-génération des êtres humains. Le mot « reproduction » des êtres humains évoque en effet une confusion entre la reproduction objectivée des produits marchands et la re-production des êtres humains qui débouche, via l’information, sur la création. L’information dépasse donc largement la seule transmission unilatérale d’un message univoque ; elle comprend d’abord la création du SENS, du signifiant et du signifié dans tous les sens du terme ; au-delà du langage, l’information c’est aussi l’image, toutes les formes d’expression. Passage capital ici par opposition aux structuralistes qui identifient structure signifiante et langage.
24Il y aurait donc deux types de régénération de l’information humaine et donc deux types d’anthroponomie ; il y a aussi deux types de prédominance : prédominance de l’identification (de l’image), ou prédominance de la symbolisation ; prédominance de l’expression ou de la transmission (le modèle Shannon) dans le langage. Parler de ré-génération c’est enfin caractériser ce qu’il y a de plus humain dans l’espèce humaine : la GéNéRATION qui distingue la reproduction humaine de la reproduction animale ; la génération implique en effet l’existence d’un temps historique rythmé par la production d’une génération passée, présente et future, dont la « reproduction » biologique, démographique n’est pas subordonnée à la reproduction automatique, objective, du temps biologique ou géologique, mais à l’intervention autonome des humains sur la nature matérielle, dans des conditions données, à la place de l’instinct animal.
25En transformant la nature matérielle grâce à la fabrication des outils (mais grâce aussi au cerveau qui agit également sur la nature matérielle, note Paul Boccara), l’homme se transforme lui-même, transforme la nature humaine, dans les limites de la contrainte extérieure et intérieure. Ce n’est pas le libre arbitre cartésien, c’est la liberté de la conscience de la nécessité historique. Après Marx, Paul Boccara définit ainsi le type de matérialisme historique qui correspond à l’anthroponomie. La « régénération » anthroponomique, c’est, dit-il, la créativité des « générations futures » qui permet la survie de l’humanité, son « immortalité ». À condition de vaincre le pessimisme et le fatalisme des générations aliénées, tournées vers le passé.
26Les raisons profondes pour lesquelles Paul Boccara ne s’est pas rangé sous la bannière de l’anthropologie académique sont donc là : il y voit la domination unilatérale de la « structure » sur la subjectivité individuelle (Althusser) ou vice versa. La « guerre des primats » (primat des rapports de production ; primat du politique ou du parental) manque complètement l’objectif poursuivi par le projet anthroponomique : dépasser les deux unilatéralismes qui paralysent actuellement les nouvelles disciplines des sciences humaines et divisent holisme et subjectivisme, psychanalyse et sociologie, sciences « humaines » et sciences « inhumaines » (comme la biologie dans les sciences cognitives).
27Au lieu d’opposer radicalement un type anthroponomique dominé totalement par l’information objectiviste ou l’information subjectiviste, Paul Boccara privilégie les types mixtes à prédominance opposée, et non la scission mécaniste entre deux systèmes. Déjà lors des années 1960, Paul Boccara avait eu l’occasion d’évaluer la force de la dialectique matérialiste (l’esprit de finesse de Marx), qui permet de distinguer le rejet sans nuance par les althussériens de toute l’économie politique « bourgeoise » et la distinction entre l’économie politique « vulgaire » et l’économie politique « classique ». On trouve, en effet, chez les économistes « classiques » (Quesnay, Smith, Ricardo) des éléments d’analyse scientifique de la valeur et de la valeur d’usage, comme de la division entre travail productif et travail improductif [11].
28À cela s’ajoute un événement théorique majeur, la mise en lumière par Paul Boccara et un certain nombre de chercheurs marxistes d’un nouveau concept pour définir la révolution technologique qui succède aujourd’hui à la révolution industrielle : la révolution informationnelle. [12] Pour Paul Boccara, la révolution industrielle est marquée par les traits du capitalisme industriel : production et échange des produits marchands, hiérarchie verticale, économies d’échelle, productivité du travail vivant privilégiant le rapport capital matériel/homme ; domination du travail mort (machines, avances en capital spéculatif) sur le travail vivant. La révolution informationnelle, au contraire, dessine des bifurcations, des potentialités qui introduisent dans la culture capitaliste des normes de qualité, de partage, de coopération et s’opposent à la pression dominante des critères de rentabilité, même si l’avenir peut paraître bien sombre pour un usage non capitaliste des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication). La bataille pour les logiciels libres, pour le bien commun, pour l’intérêt général montre que l’on peut toujours ruser avec les dominances marchandes. Certes on entre alors dans le domaine non plus de la rationalité cartésienne « claire et distincte », mais de l’ambigu, de l’ambivalent et donc, pour un marxiste, le domaine des contradictions, des conflits sans que le processus évolutif soit déterminé d’avance. L’enjeu, c’est celui de la bataille autour de deux orientations possibles de la révolution informationnelle : soit une récupération des formes non marchandes de l’anthroponomie par la loi du profit, soit un appel au partage, au développement des individualités humaines, à travers le triomphe des formes publiques de l’intérêt général qui aboutit progressivement à un « dépassement » des contraires, au sens hégélien du verbe « aufheben ». Il s’agit en effet de dépasser en conservant et non de faire table rase, pour repartir ex nihilo. Ce qui reste des anciennes formes unilatérales n’est pas un acquis à conserver comme un trésor sacré, mais plutôt un tremplin pour aller plus loin que par le passé.
Mixité et dépassement des fractures et des scissions systémiques
29L’ensemble du livre est rempli d’appels aux (jeunes) marxistes de ne pas succomber aux charmes et aux tentations structuralistes ou économicistes ; de ne pas multiplier les « ruptures », les rejets, les scissions, au nom de la recherche d’un marxisme « pur ». On s’aperçoit qu’après avoir démystifié les faux concepts, poussé jusqu’au bout une critique radicale, Paul Boccara modère l’enthousiasme destructeur de la critique des « jeunes marxistes », en reconnaissant que ces analyses erronées comme critiquées sont cependant « partiellement vraies », si l’on se place du point de vue de la réalité globale, totale. La régulation anthroponomique vise justement à « corriger » les excès des tendances unilatérales de la pensée dialectique, pour non seulement « tordre le bâton dans l’autre sens », mais trouver une véritable synthèse qui puisse utiliser les noyaux de vérité scientifique contenus dans les ouvrages précurseurs de ce que Marx appellera l’économie « classique » dans les brouillons des Théories de la plus-value.
30Marx nous a donné quelques exemples fameux sur le bon usage de la dialectique pour corriger ses erreurs et aller de l’avant : il avait prévu, à tort, il le reconnaît, le triomphe des « révolutions » démocratiques en 1848, alors qu’il y eut une relance de la croissance économique en Europe. L’analyse économique de Marx et d’Engels était superficielle, comme l’analyse de la force politique alors déterminante : l’alliance entre la petite bourgeoisie urbaine et les « classes moyennes » urbaines et rurales. Il fallait donc surtout dépasser les deux tendances unilatérales de la critique sociale : l’économisme qui réduit tous les rapports sociaux aux rapports de production capital/travail et l’idéologisme qui réduit tous les rapports sociaux à des relations entre des acteurs qui « feraient l’histoire malgré eux ».
31La longue expérience politique que Paul Boccara a accumulée lors du programme commun de la gauche des années 1970-1980 lui a permis de réfléchir aux conditions réelles d’une transition postcapitaliste, à partir de la notion de mixité, une mixité conflictuelle entre des logiques différentes, voire contraires (public/privé ; logique patronale/logique syndicale, PME/grande entreprise), qui peut néanmoins aboutir à de véritables compromis politiques, selon les rapports de force dans l’entreprise, à la différence des « partenariats » public/privé qui cachent une véritable domination de la culture managériale néolibérale chez les « experts » désignés par le patronat comme par l’État (à quelques exceptions près chez certains syndicalistes).
32Paul Boccara a été amené ainsi à relativiser l’importance, accordée alors par les communistes, aux « seuils » des nationalisations, au profit de la mise en œuvre de nouveaux critères de gestion qui supposent une véritable appropriation culturelle par tous les salariés, par tous les cadres, des enjeux de gestion occultés par le mythe de la « neutralité » des techniques de gestion. Autrement dit, l’autogestion.
33En même temps le projet anthroponomique prend au sérieux la force psychique des cultures religieuses, ethniques ou politiques qui ne sont pas pour lui uniquement des illusions, des aliénations que la conscience de classe ferait disparaître, par la seule magie de la propriété collective des moyens de production. Il y a et il y aura d’autres aliénations, d’autres mythes. Paul Boccara cite malicieusement l’idéologie « religieuse » du stalinisme et du « marxisme-léninisme » dans les sociétés humaines gouvernées par la propriété collective.
34Une autre conséquence du projet anthroponomique, c’est de relativiser tous les « extrêmes », tous les « excès » de « transformation radicale » (négation absolue). Ainsi Paul Boccara a montré sur le plan théorique l’opposition radicale entre la révolution industrielle et la « révolution informationnelle », tout en reconnaissant que, dans la réalité concrète, les deux révolutions technologiques se croisent, s’imbriquent l’une dans l’autre.
Penser global, penser local. L’apprentissage de la méthode anthroponomique
35Entre 1981 et 1991, les chercheurs marxistes, qui avaient été intéressés par le projet anthroponomie, se sont donné les moyens pour expérimenter une méthode de travail qui confronte des hypothèses macroéconomiques, philosophiques, anthropologiques, sociologiques, historiques, etc. avec des projets de recherche empiriques, au plus près du vécu individuel des agents et des acteurs historiques.
36Le séminaire « Anthroponomie » qui s’est d’abord déroulé dans le cadre de l’IRM (Institut de recherches marxistes), s’est transformé en 1983 en une RCP (recherche coopérative sur programmes) du CNRS, sous ma responsabilité. Le thème central de recherche était « Nouvelles technologies, critères de gestion, nouveaux rapports de travail dans l’entreprise et la région » ; l’ambition était d’expérimenter une nouvelle approche transdisciplinaire dans les sciences humaines. Il a fait l’objet de sept Cahiers d’anthroponomie [13]. Ils portent notamment sur « Nouvelles technologies, critères de gestion, nouveaux rapports de travail dans l’entreprise et la région » ; les crises d’identité des jeunes diplômés ont également fait l’objet d’une recherche empirique et de débats pluridisciplinaires sur les nouvelles formes d’expression des salariés, à l’occasion de la mise en place en 1982 des GED (groupes d’expression directe).
37Le séminaire le plus novateur, peut-être le plus original, a été l’occasion d’une rencontre d’économistes, de sociologues et de psychanalystes autour du concept d’identité au travail. Françoise Hurstel, psychanalyste, spécialiste des problèmes psychiques de paternité, présente ainsi ses hypothèses, mais aussi ses interrogations comme psychanalyste sur les liens possibles entre l’histoire sociale et l’histoire de l’individu, à travers notamment l’actuelle « crise d’identité » des jeunes diplômés.
La conception cybernétique de Paul Boccara
38Les Neuf leçons sur l’anthroponomie systémique s’attachent tout particulièrement à distinguer le matérialisme dialectique des différents systèmes de régulation mécanistes qui sont actuellement utilisés dans les sciences humaines. C’est ce qui rend particulièrement difficile l’usage systématique de la méthode analogique. Aux « équilibres conservateurs » de systèmes de régulation où les feedbacks, les rétroactions ne font que renforcer le système [14], Paul Boccara peut ainsi opposer de façon très féconde les « feedbacks positifs de croissance » qui bouleversent les normes mêmes de la régulation, comme c’est le cas avec les changements structurels du capitalisme provoqués par la crise économique structurelle et des cercles vicieux de suraccumulation-dévalorisation du capital. Paul Boccara va même plus loin que Canguilhem qui définit la régulation comme un « ajustement », jamais comme une possible « transformation » radicale ou partielle, et écarte par là même une vision d’emblée transformatrice de la régulation. Paul Boccara s’appuie également largement sur le structuralisme génétique de Jean Piaget. Mais il lui faut éviter de réduire la démarche transformatrice au « primat » du structuralisme génétique de Piaget, qui est délibérément une démarche unilatérale : « C’est en effet le propre des opérations par opposition à des actions quelconques que de se coordonner et de s’organiser en système ; ce sont alors ces systèmes qui, par leur construction même, constituent les structures et non pas celles-ci qui préexisteraient aux actes […] La clef est donc le primat des opérations. » [15]
Système ouvert
39Le changement potentiel de structure postulé par la notion de système « ouvert » change-t-il la donne ? Paul Boccara note en effet qu’il est toujours déterminé par l’interdépendance des éléments liés entre eux, voire programmés en fonction d’une variation sélectionnée. Ainsi, pour Bertalanffy, « un système est un ensemble d’éléments interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par des relations telles que, si l’une est modifiée, les autres le sont aussi et que par conséquent l’ensemble est transformé » [16]. Pour éviter de déboucher sur une conception aveugle et plus ou moins mécaniste du changement social, Paul Boccara insiste sur le rôle joué par l’interaction des acteurs sociaux, même si le résultat des interactions est toujours différent des intentions et des anticipations des acteurs. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas des régulations en partie aveugles, mais leur résultante est autrement plus complexe que ces analogies biologiques et réclame un traitement approprié de ce qu’est un processus humain d’appropriation culturelle et d’identification symbolique et de rupture identitaire.
40Jean Piaget critique le « réalisme de la structure » chez les structuralistes qui « oublient ses attaches avec les opérations dont elle est issue », mais en même temps il maintient explicitement une conception unilatérale des relations entre structure et opérations, confondant ainsi le primat de la genèse et l’absence de primat. Il s’agit alors d’une action réciproque relations-opérations, avec des dominantes variables selon les situations.
41La même critique peut aujourd’hui s’adresser à toutes ces sociologies « constructivistes », depuis la sociologie phénoménologique jusqu’aux sociologies interactionnistes, ou l’ethnométhodologie, qui réduisent les règles et les institutions au moment de leur construction dans l’interaction présente, sans restituer toute la dialectique, sur le temps long, des interrelations entre structures passées et actions présentes et les effets de prolongation des habitudes anciennes sur les situations nouvelles, ce que Pierre Bourdieu a appelé l’effet d’hysteresis.
42Il faut relier le postulat de Marx dans Le Capital sur la « transparence » des rapports sociaux dans les sociétés communistes [17], débarrassés des idéologies aliénantes du capital, et sa croyance en la capacité d’émancipation « spontanée » des masses grâce aux luttes sociales. Dans l’anthroponomie, Paul Boccara remet en cause ce postulat du marxisme historique, il va plus loin que dans ses réflexions précédentes, en affirmant que la théorie de la détermination en dernière instance par l’économie n’est pas de Marx (p. 37). Il va même jusqu’à rejeter la métaphore structuraliste « infrastructure/superstructure » qui relève pour lui d’une vulgate marxiste (reprise paradoxalement par Althusser). De même, le CME « antichambre du socialisme », métaphore léniniste, semble ne plus faire bon ménage avec les quatre articles critiques publiés par Paul Boccara dans La Pensée sur la conception léniniste de l’État.
43La théorie du CME met l’accent sur les liens étroits entre le capital monopoliste et l’appareil d’État ; mais peut-on en déduire que l’État n’est que l’instrument des monopoles ? Non. Peut-on en déduire qu’aujourd’hui, c’est un « mécanisme unique » qui gouverne l’appareil d’État ? Mais comment alors expliquer « l’État providence » des années 1950-1970 ? Pourquoi ce « mécanisme unique » a-t-il donné en 1936 le nazisme en Allemagne, le New Deal aux états-Unis, et le Front populaire en France ? Il n’explique pas plus ce qui se passe dans les relations entre les services « publics » et les services privés gérés par les critères de rentabilité : la culture entrepreneuriale domine-t-elle les services dits « publics », voire les grandes entreprises « nationalisées » gérées explicitement comme des entreprises capitalistes ?
44Quelle méthode choisir alors ? Doit-on adopter un systémisme « ouvert », dialectique, de l’anthroponomie ou construire, parallèlement au « système économique », un ou des types de régulation politique, réellement autonomes par rapport au système économique ?
45Paul Boccara ne tranche pas et laisse ouverts les travaux à venir sur les correspondances entre systèmes sociaux. Le champ semble toujours ouvert pour une approche matérialiste et dialectique qui se cherche dans les sciences humaines comme dans les sciences de la nature (voir Ilya Prigogine [18]).
46Paul Boccara définit la révolution informationnelle comme une nouvelle révolution technologique, à l’égal de la révolution industrielle au xixe siècle, qui bouleverse les rapports de production tels qu’ils sont caractérisés par la société industrielle. Ainsi l’économie n’est plus seulement le champ des rapports de production des produits industriels, mais aussi le champ des services informationnels (éducation, santé, travail social, culture, communication, recherche scientifique).
47Autrement dit, l’économie est de plus en plus aujourd’hui une économie mixte combinant filières marchandes et filières non marchandes, travail productif et travail improductif. Comme le dit très justement Paul Boccara, les deux tendances antagonistes qui s’interpénètrent de plus en plus dans le capitalisme développé sont deux formes, deux types antagonistes d’économie mixte, d’une part une économie mixte où prédominent les filières de production matérielle, le travail mort des machines, d’autre part les filières informationnelles où prédomine le travail humain (donc vivant) informationnel. Il en est de même pour les rapports entre le travail productif et le travail improductif : l’essentiel, c’est non pas le clivage qui alimente l’opposition entre les travailleurs de la production matérielle et les travailleurs des services publics, notamment les fonctionnaires ; l’essentiel serait les imbrications des deux fonctions.
48Si l’on ajoute le fait, constaté par Paul Boccara, que les activités non marchandes ne cessent de se développer dans le capitalisme actuel, on peut se demander si la séparation, clivante, économie-anthroponomie est justifiée. D’autant plus que Paul Boccara ne cesse d’avertir ses lecteurs que l’articulation économie-anthroponomie ne doit pas être clivante, mais au contraire mettre en valeur les multiples interconnexions entre ces deux sphères. D’autre part, Paul Boccara multiplie également les mises en garde contre les tentations de l’analogisme, directement liées justement aux mécanismes engendrés par la notion de système.
49Si donc « il ne s’agit pas de plaquer des analogies » (Neuf leçons, op. cit., p. 97), pourquoi chercher à « doubler » les quatre moments du système économique par quatre moments anthroponomiques ? D’autant plus que les quatre moments, les quatre composantes du système économique traditionnel, tels qu’ils ressortaient du capitalisme industriel du xixe siècle (les quatre composantes du tableau de la reproduction économique de Quesnay ou d’Adam Smith), ne tiennent pas compte, à mon avis, de la révolution informationnelle qui bouleverse la structure de la consommation, comme des quatre entrées, des quatre moments du système économique. À aucun titre en effet la consommation informationnelle ne vise à détruire l’information ; l’information est le cœur de la révolution informationnelle dont la principale caractéristique est justement de toujours être présente chez son créateur. L’opposition radicale entre la consommation industrielle, marchande, dite « finale », et la « consommation » informationnelle semble bloquer le « bouclage systémique » du cycle de la production industrielle par le moment consommation. Au point que le vocable même de « moyens de consommation collectifs » semble inadéquat pour désigner les grands services publics, qui sont des moyens de traitement informationnels, et aussi des moyens de ré-génération humaine, comme le propose Paul Boccara.
50Le dernier livre de Paul Boccara ne doit pas être figé comme une synthèse globale, achevée, de sa pensée. C’est bien plutôt un travail de recherche, délibérément laissé ouvert pour être prolongé, corrigé par les générations suivantes auxquelles il s’adresse. L’objectif est colossal, puisqu’il ne s’agit pas moins que de construire une nouvelle approche dialectique et matérialiste des sociétés humaines, en dépassant le clivage qui paralyse les sciences sociales, entre un structuralisme objectiviste et un subjectivisme individualiste.
Mots-clés éditeurs : Structure conservatrice, Régulation systémique transformatrice, Ré-génération, Analogies, Système
Mise en ligne 22/03/2020
https://doi.org/10.3917/lp.393.0079Notes
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[1]
Éditions Delga, 2017.
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[2]
Le projet anthroponomique est explicitement évoqué dans la postface de 1976 de l’ouvrage Sur la mise en mouvement du « Capital » ; mais avec une référence au matérialisme dialectique qui tranche avec la problématique de 2017.
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[3]
Lucien Sève, « De nouveau : structuralisme ou dialectique ? » La Pensée, n° 237, janvier-février 1984, p. 55-73.
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[4]
Paul Boccara, « Marx et marxisme, économie et anthroponomie : quelques enjeux », La Pensée, n° 232, mars-avril 1983, p. 62-69.
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[5]
Marx, Manuscrits de 1857-1858 (« Grundrisse »), Éditions Sociales, 1980, tome, 2, p. 192-194.
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[6]
Marx, Le Capital, livre III, chapitre 10, Éditions Sociales, 1976, p. 269.
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[7]
Maurice Godelier, Au fondement des sociétés humaines, Albin Michel, 2007.
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[8]
Paul Boccara a hésité dans sa sélection entre les quatre moments : information, travail, politique, parental et les quatre moments : parental, politique, psychique, culturel.
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[9]
Paul Boccara, « Marx et marxisme, économie et anthroponomie : quelques enjeux », la Pensée, n° 232, mars-avril 1983, p. 68.
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[10]
Paul Boccara, Neuf leçons…, op. cit., p. 74.
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[11]
C’est l’objet du livre IV du Capital, Théories sur la plus-value, manuscrit inachevé terminé par Engels (Éditions sociales, 3 tomes, 1974-1976). Paul Boccara eut l’ambition de poursuivre ce travail en publiant Théories sur les crises, la suraccumulation et la dévalorisation du capital, deux volumes, éditions Delga, 1er volume 2013, 2e volume 2015.
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[12]
Paul Boccara, Issues, n° 16, 2e et 3e trimestres 1983. Voir aussi Jean Lojkine, La Révolution informationnelle, PUF, 1992. Le lecteur soucieux de comparer les deux approches pourra consulter dans le même n° 353, janvier-mars 2008 de la Pensée, l’article de Paul Boccara, « Les ambivalences de la révolution informationnelle » et celui de Jean Lojkine « Contribution à une sociologie de l’agir informationnel ».
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[13]
La création de la RCP (Recherche coopérative sur programme) du CNRS (1983-1991) a permis une belle expérimentation d’un travail de recherche pluridisciplinaire, là où le blocage disciplinaire est le plus marqué.
Les cahiers sont malheureusement épuisés. -
[14]
Georges Canguilhem, article : « Régulation », Encyclopedia Universalis, vol. 14, p. 1-3 : « La régulation c’est l’ajustement, conformément à quelque règle ou norme, d’une pluralité de mouvements ou d’actes et de leurs effets ou produits […] d’abord étrangers les uns aux autres […] ».
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[15]
Jean Piaget, Le Structuralisme, PUF, « Quadrige », 7e édition, 2006, p. 124-125.
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[16]
Théorie générale des systèmes, Dunod, 1973, p. 201.
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[17]
Marx, Le Capital, livre I, chapitre premier, Éditions sociales p. 90-91 : « Les rapports sociaux des hommes dans leurs travaux… restent ici simples et transparents. »
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[18]
Ilya Prigogine, Isabelle Stengers, La Nouvelle alliance, Gallimard, 1978.